Pourquoi démissionner de l’université

8/9/2019 Pourquoi dmissionner de luniversit

1/32

Pourquoi dmissionner de luniversit ?

Par Xavier DunezatTmoignage sur les dysfonctionnements de lenseignement suprieur. 18octobre 2007.

Jai dcid de dmissionner de mon poste denseignant-chercheur en sociologie

luniversit (de Lille 1). Depuis le 1er septembre 2007 officiellement, jai

perdu le statut de matre de confrences et je suis redevenu enseignant de

sciences conomiques et sociales (SES) au lyce.

Je voudrais ici expliciter les principales raisons dun choix qui a merg

relativement vite aprs ma prise de fonctions luniversit en septembre 2006.

Je vais tenter dordonner mon propos de manire ce quil soit accessible auplus grand nombre, en particulier aux quelques tudiant-e-s que je connais et

qui recevront cette lettre.

Que mes ex-collgues de luniversit mexcusent pour lventuelle navet de

mon propos ! Ce sont justement ces vidences qui parsment la vie

universitaire que jespre rendre videntes afin que le plus grand nombre sen

saisisse, les tudiant-e-s en tant quusager-e-s du service public de

luniversit me paraissant tre les plus susceptibles de faire bouger les

choses condition dtre au courant.

Pralables

1er pralable.

Ma dcision, qualifie par certain-e-s de courageuse , doit tre relativise

par la position spcifique que joccupais au sein des enseignant-e-s de


2/32

luniversit. En effet, de 1996 2006, jtais professeur agrg en SES au

lyce en Bretagne. En 2006, jai t recrut comme matre de confrences en

sociologie luniversit de Lille 1. Cependant, jai conserv pendant un an

soit jusquen juin 2007 la possibilit de choisir entre mon nouveau statut et

mon ancien statut dagrg du secondaire. Ma dmission, loin de rendre

incertain mon avenir, constitue donc un simple retour la case dpart. Par

ailleurs, si le mtier de matre de confrences luniversit est

symboliquement plus enviable que celui denseignant au lyce, le salaire taitcomparable en ce qui me concerne (soit 2300 euros par mois).

2nd pralable.

Ce que je vais raconter l na prtention ni lexhaustivit ni lexpertise. Il

sagit dun tmoignage trs subjectif, parfois grossier, partir de ma seule

exprience dun an luniversit. Je dlaisserai notamment, sauf allusions, toutce qui concerne les personnels non enseignants de luniversit qui contribuent

la faire tourner (personnels de restauration, de nettoyage, dadministration,

de surveillance, de bibliothque, de reprographie, etc.). Je me contenterai de

dire ici que jai t choqu par linvisibilisation que subissent, dans leur grande

majorit, ces personnels.

Quand je suis arriv luniversit contrairement ce qui se passe, bien

quinsuffisamment, dans les lyces , on ne ma pratiquement rien dit de ces

personnels non enseignants, sauf des secrtaires car elles (rarement ils) sont

centrales dans lorganisation des enseignementset des carrires des

enseignant-e-s. Jai vu comment les employes (plus rarement les employs)

de la restauration ne font souvent lobjet daucun regard de la part de la

communaut enseignante. Jai senti combien les personnels de la

documentation taient si peu intgrs aux dynamiques (inertes) pdagogiques.

Jai rag davoir vu les concierges de chaque btiment enfonc-e-s dans

des espces de box obscurs que la communaut enseignante ignorait saufbesoin de cl, de craie ou de lumire. Jai repr la solitude des personnels

de plus en plus des exploit-e-s du priv sous leffet de lexternalisation

triomphante qui nettoient luniversit quand les cours se terminent. Etc. Etc.

Pour attnuer ce quotidien qui entretient la sparation bien tanche des corps

professionnels hirarchiss, mme pas une information du nouvel enseignant

que jtais sur les diffrents mtiers de luniversit, mme pas un pot avec

tous les personnels non enseignants afin dapprendre se voir. Javais djvcu tout cela au lyce mais luniversit, par sa dimension, lamplifie

quantitativement et qualitativement. Du coup, jai davantage mal vcu quau


3/32

lyce mon appartenance aux bien class-e-s

3me pralable.

Comme je vais me baser sur mon exprience lilloise, bien des membres de la

communaut enseignante locale (se) reconnatront sans aucun doute (dans) les

pratiques que je vais relater. Je fais confiance en leur savoir sociologique pour

dpersonnaliser ces pratiques et joserai leur rappeler que, pour moi du moins,

tout ceci nest que le pur produit des rapports de pouvoir (de sexe, de classe,

de race, dge) dans lesquels nos individualits se dbattent. Une des raisons

principales de mon renoncement combattre de lintrieur le systme

universitaire actuel, cest justement cette incapacit collective

dpersonnaliser les conflits, et ce quelle dception pour lenthousiaste recrut

que jtais ! y compris dans une fac de sociologie.

Par ailleurs, jai crois des gens bien la fac et notamment des enseignantes

bien. Jentends par gens bien ces personnes qui se dbattent pour tenir et

continuer de remplir leur principale mission : donner aux tudiant-e-s lenvie

de venir la fac, sclater en faisant cours, faire de luniversit un lieu de vie

et pas seulement de travail solitaire, ddramatiser lenseignement suprieur

pour que les catgories populaires ne le fuient pas, etc. Elles (et ils) sont

plusieurs se taper le travail administratif, le travail pdagogique, le travail de

suivi personnalis grce auxquels la mission tente dtre remplie. Pendant que

bien des hommes se gaussent de leur moindre productivit en termes de

recherche, je dirais plutt que bien des femmes sacrifient une fois de plus

leur carrire parce quelles ne peuvent compter sur linvestissement

dsintress des premiers. La domination masculine structure le mtier

denseignant-e et cela contribue fortement lchec /de/dans luniversit, en

particulier pour les catgories populaires. Il est dailleurs amusant de voir

combien ces hommes recueillent, par leurs recherches sur les injustices de

classe, les lumires de la gloire et favorisent, par leurs pratiques de sexe,lavenir de ces injustices.

4me pralable.

Allons plus loin et dissipons tout malentendu : ce qui se passe dans linstitut de

sociologie de luniversit de Lille 1 na jou quun rle mineur dans ma dcision

de dmissionner, sinon celui de matrialiser et de symboliser tout ce queluniversit peut actuellement fabriquer en termes de souffrances au travail

pour quelquun comme moi, savoir un bien class car homme htrosexuel


4/32

blanc enseignant dorigine plutt favorise (parents profs en lyce public)

mais fministo-anarcho-communisto-libertaro-socialo-sansfrontiresmondialo-

etcet antigiste.

Cest un peu con lire mais je continue de penser quun monde sans

spcialisations et sans pouvoirs, sans hirarchies et sans groupes sociaux (de

sexe, de classe, de race, dge), reste possible. En me condamnant changerpour tenir, cest luniversit en soi qui tait en train de contrarier ma

participation la ralisation de ce possible, pas la fac de Lille 1 elle toute

seule.

5me pralable.

Mme si cela peut paratre paradoxal, en attendant le possible, je suis undfenseur acharn de luniversit face aux autres modalits denseignement dit

suprieur. Ce que je vais raconter l ne doit pas tre utilis pour valoriser les

classes prpas, les BTS, les IUT, etc. et autres institutions inventes pour

renforcer la sparation des tudiant-e-s en fonction de leurs appartenances

sociales.

Mme si je rve rassurez-vous, le rve reste flou dune socit sans cole,

je plaide aujourdhui pour le maintien de luniversit publique, une etindivisible. Je vomis toutes les dynamiques de professionnalisation qui

traversent actuellement lenseignement suprieur et je pleure que le terme

autonomie soit dnatur par une rforme des universits qui ne fera

quamplifier tout ce qui ma conduit dmissionner. Mme si le sarkozysme a

de longue date envahi luniversit, il faut sauver ce qui reste et je participerai

ardemment toute mobilisation qui mergera pour dPcresser les facs.

Pour tre encore plus clair, je sais que ce que je vais raconter l paratra

beaucoup injuste, voire erron, compte tenu des lots que les gens bien

sefforcent, Lille et ailleurs, de prserver. Mais ces lots ne sont pas lobjet de

cette lettre puisque ma dcision de quitter le continent universitaire a t

motive par ce qui ne va pas.

1) Le recrutement : le rgne du piston

La premire raison de ma dmission est que je nassume pas la manire dont

jai t recrut. Je nai certes pas t le plus grand pistonn de lhistoire des


5/32

recrutements universitaires mais jai bnfici dun coup de pouce qui remet en

cause toute ide dgalit des chances entre les candidat-e-s pour le poste que

jai obtenu. Pour prserver lanonymat des gens qui ont contribu ce coup de

pouce, je ne raconterai pas tout infra. Leuphorie davoir t recrut ma

conduit oublier pendant quelques mois les conditions biaises de mon

recrutement et puis, en mme temps que le doute sinstallait sur mon utilit

sociale, la lgitimit de ma position a commenc me travailler. Dmissionner,

ctait aussi pour moi remettre en accord ma socialisation une certaine idede la fonction publique avec mon exprience.

Plusieurs types de personnels hirarchiss se partagent la fonction

enseignante. Outre quelques chercheurs, notamment du CNRS, qui acceptent

de donner des heures (en gnral partir de master 1), les enseignements

reviennent dabord aux matres de confrences (MCF) et aux professeur-e-s

duniversit (PU), ce second corps tant plus grad que le premier. Le

recrutement de ces deux corps passe par un concours national mais chaque

universit qui dispose dun poste vacant doit constituer une commission dite de

spcialistes pour faire la slection dans les candidat-e-s au poste. Pour tre

clair, le corps est national mais le recrutement est local. Il sagit demplois

vie, stables, correctement rmunrs partir dune grille indiciaire dans

laquelle on progresse essentiellement en vieillissant, accessoirement en se

dmarquant.

Par ailleurs, luniversit dispose dune masse laborieuse recrute annuellement

en fonction des besoins. Je pense notamment ici aux enseignant-e-s ayant les

statuts de vacataires, de moniteur-e-s, dATER. Il sagit demplois prcaires

puisque ce sont des contrats temporaires. Ils sont hirarchiss la fois

symboliquement et matriellement : salaires, congs pays, tendue de la

protection sociale, accs une formation, etc., varient selon le type de

contrat. Il est relativement facile de reprer ces catgories denseignant-e-s en

cherchant leur bureau ou leur casier : soit elles nen ont pas, soit elles en ont

un collectif, contrairement aux MCF et aux PU. Ces prcaires de lenseignementuniversitaire servent de bouche-trous sous leffet du nombre insuffisant de

postes de statutaires stables. Elles et ils sont notamment charg-e-s de faire

les heures de travaux dirigs (TD) qui accompagnent les cours magistraux

(CM), accapars par les MCF et les PU.

On pourrait croire que le recrutement de tous ces personnels se fonde

seulement sur le mrite, en particulier celui des MCF et des PU puisque laccs

ces statuts repose sur un concours de la fonction publique, donc un concours

thoriquement bas sur lgalit des chances et lanonymat. Mme sil est

difficile de livrer une valuation, une bonne part des recrutements sont biaiss


6/32

par un systme complexe de piston qui favorise les candidat-e-s locaux

autrement dit celles et ceux qui ont fait leur formation dans luniversit qui

recrute ou les candidat-e-s dj connu-e-s par certain-e-s membres des

commissions de spcialistes. Rares sont les recrutements dinconnu-e-s, au

sens de seulement mritant-e-s avec toutes les rserves que ce terme doit

susciter quand on se souvient de Bourdieu. Mme dans les facs de sociologie,

o lon sait beaucoup de choses sur les injustices sociales en matire de

russite scolaire et professionnelle, le piston structure largement les processusde recrutement.

Pour donner un aperu de ce qui se passe, je procderai en deux temps :

dabord, je raconterai ce qui sest pass dans mon cas ; ensuite, je tenterai

dexpliquer comment on fabrique un-e pistonn-e au niveau local (daprs ce

que jai compris).

Mon recrutement

Jai obtenu mon doctorat en dcembre 2004. Ayant oubli de participer

la campagne de recrutement des MCF de 2005, jai dcid le grand saut vers

luniversit en 2006.

Pour candidater, il faut dabord tre qualifi-e par le Conseil National desUniversits, ce que je fus en fvrier 2006. Puis il faut constituer un dossier

comprenant notamment un CV dtaill qui relate les activits de recherche, les

expriences denseignement dans le suprieur et les participations des tches

plus collectives (direction dun projet, animation dun groupe de recherche,

etc.). En thorie, il faut adapter son CV au profil de chaque poste mis au

concours par les universits, ce qui demande un travail assez lourd. Lanne o

jai candidat, le nombre de candidat-e-s par poste pour une trentaine de

postes au niveau national a pu dpasser les 100.

Les dossiers envoys sont ensuite rpartis entre les membres des commissions

de spcialistes qui vont slectionner [1] quelques candidat-e-s pour tre

auditionn-e-s (en gnral moins de 10). La participation laudition

supposera lenvoi dun certain nombre de publications, en particulier la thse.

Pour les candidat-e-s non locaux, il faudra aussi se dplacer (non rembours),

se loger parfois (non rembours), manger, etc. Au total, la plupart des

auditionn-e-s payent cher pour se dplacer lautre bout de la France surdes postes dj rservs des candidat-e-s pr-slectionn-e-s par la magie

du piston. Et les sociologues dont lorientation politique soppose


7/32

thoriquement aux magouilles librales cautionnent trs largement ce

systme, se contentant au mieux den commenter les abus

En 2006, javais candidat une quinzaine de postes. La phase de candidature

rvle dj que des choses pas claires se passent. On (un-e membre dune

commission de spcialistes) vous contacte pour vous proposer un soutien

spcifique. Entre candidat-e-s, on schange des infos : tel poste est btonn (cest--dire rserv par piston un-e candidat-e local-e), tel

autre semble ouvert, tel autre est opaque (ce qui signifie en gnral btonn).

Et les rumeurs sont rarement fausses Bref, on sorganise un peu dans toutes

les universits pour glaner des infos et, surtout, tenter dorienter le placement

de tel-le local-e pour qui on ne dispose localement daucun poste. Les coups

de fil se multiplient, les couloirs universitaires saniment un peu.

Jai t retenu pour laudition 2 postes qui correspondaient ma spcialiten termes de recherche. Compte tenu de la qualit des autres candidates et

des bruits qui couraient quant lissue probable des auditions, je savais navoir

aucune chance sur le premier poste et les rsultats de laudition ont confirm

mon intuition . A Lille 1, les choses sannonaient plus vagues. Je navais

aucune info mais je savais quune vieille connaissance, perdue de vue depuis

plusieurs annes, travaillait la fac. De plus, je savais quune autre personne

avait voqu mon dossier avec un membre influent de la commission de

spcialistes locale.

Quelques jours avant laudition, jai contact par tlphone la vieille

connaissance, notamment pour savoir si elle faisait partie de la commission de

recrutement, ce qui tait le cas. Elle ma donn quelques infos, voquant le

probable recrutement dun-e des candidat-e-s locaux sur le poste. Je lui ai

propos de profiter de ma venue Lille pour se revoir et lui ai demand de ne

pas aller la commission de spcialistes car cela me gnait, vu lanciennet de

nos relations. Elle ma rpondu que, sil fallait que chaque membre de lacommission qui connaissait un-e des candidat-e-s se retire, il ne resterait pas

grand monde, donc niet. Je passe sur les dtails mais je suis all laudition et

la vieille connaissance tait bien l, parmi la vingtaine de membres de la

commission. Javais trouv mon audition meilleure que pour le premier poste

mais je ne pensais pas tre recrut vu la qualit de certains autres dossiers.

Or, le soir mme, je reois un coup de fil qui mapprend que jai eu le poste.

Une certaine joie me conduit ngliger les questions pertinentes sur les

conditions de mon recrutement et sur le rle des gens qui me connaissaient.

Japprendrai plus tard ce qui sest pass, en dpit du caractre secret des

dbats des commissions de spcialistes (mais, en la matire, lhypocrisie qui

rgne peut difficilement tre moindre).


8/32

Daprs ce qui ma t rapport, parmi les 7 auditionn-e-s, on comptait 2

candidat-e-s dit-e-s locaux. Aprs les auditions, les dbats ont rapidement

port sur quel-le candidat-e local-e recruter. Sous leffet des clans qui

coexistent dans la fac de sociologie de Lille 1 (comme ailleurs), laccord ne

surgit pas et on a propos mon nom comme outsider. Dbats et, aprs

plusieurs tours de vote, mon nom sort. Je passe sur les remarques

dsobligeantes dont jai eu plusieurs reprises cho quant la qualit de ma

candidature (mal habill, audition sketch, publications cantonnes des revues

fministes, etc.) et jen viens ce qui me semble important et mal compris par

mes ex-collgues.

Je nassume pas mon recrutement parce que je pense aux 4 autres candidat-

e-s qui auraient pu voir leur nom monter si on avait dj attir lattention sur

leur dossier avant les auditions. Pour elles et eux, le concours tait biaisparce que ce ne sont pas des critres objectifs qui ont orient les dbats suite

aux auditions. Les trois dbattu-e-s dont moi taient dj connu-e-s et ce

nest pas la qualit de leurs recherches qui a suscit leur slection, ou du

moins il reste un doute sur le rle exclusif de cette qualit.

Au-del de ce qui sest pass dans mon cas, il faut savoir que, la veille de

chaque commission de spcialistes, les membres se contactent et organisent

leur rseau pour soutenir tel-le candidat-e, au cas o le quorum ncessaireserait un peu juste ; quil existe des jeux de chaises pistonnales (tu pistonnes

tel-le candidat-e sur tel poste, nous ne toublierons pas dans trois ans quand

tu demanderas ta mutation) ; que le piston est parfois ouvertement affich, en

dpit des souffrances quil peut susciter [2], etc., etc.

Fabrication dun-e local-e

Une bonne part du systme de recrutement des MCF (et des PU, dune autre

manire) est vrole par une chane de pistons qui fabrique et favorise des

recrut-e-s locaux. Je nai sans doute pas eu le temps de tout comprendre

mais de vritables trajectoires locales sont organises. Il ne sagit pas pour

moi de pointer les individualits qui ont connu de telles trajectoires locales : il

sagit seulement de dnoncer ce systme de piston organis collectivement par

la classe enseignante en place dans la majorit des universits.

Tout commence ds le master 1 avec un reprage souple des futur-e-s lu-e-

s. On nomme tel-le tudiant-e dans les discussions entre collgues, on lincite


9/32

sinscrire dans le master 2 de la fac, on lui donne un coup de pouce en lui

attribuant une des rares allocations de recherche. Certain-e-s tudiant-e-s

peroivent dj lenjeu et commencent organiser leur avenir, en venant par

exemple vous demander exprience vcue si tel-le enseignant-e,

susceptible de diriger le mmoire en master 2, est bien positionn-e dans

luniversit locale. Sil-elle ne lest pas, alors ltudiant-e renonce cet-te

encadrant-e.

En master 2, la slection locale saffine par la cristallisation de rseaux

relationnels orchestrs par le monde enseignant. Pour cela, un vritable

systme de services pas toujours pays ou dclars existe, les enseignant-

e-s jouant un rle assez proche du patronat le plus vulgaire. Bnvolat ou

vague rmunration en nature pour lorganisation des colloques, retranscription

dentretiens, parfois mme baby-sitting, etc., autant de moyens dexploiter les

tudiant-e-s compte tenu de labsence dune politique gnreuse de

financement des tudes. Et je passe sur tous les jeux sexuels au centre

desquels on trouve les hommes enseignants-chercheurs (voir les combats

mens par les doctorant-e-s de lassociation CLASCHES [3] en la matire)

Les expriences dexploitation du master 2 slargissent durant le doctorat avec

la possibilit pour les tudiant-e-s dentrer sur le march secondaire de

lemploi universitaire. Sous couvert dun discours bien huil sur

lenrichissement du dossier de ltudiant-e et sur sa possibilit de financer sathse, on remplit les postes de vacataires, de moniteur-e-s, dATER. Grce la

hirarchie de ces postes, on affine encore la slection des locaux tout en

exploitant au meilleur centime la main duvre tudiante. Et ce sont les

enseignant-e-s responsables danne qui soccupent de dfinir les besoins et

qui seront les chefs objectifs de ces prcaires le temps de leur contrat.

Mme si toute la communaut des sociologues converge pour dnoncer la

prcarisation de lenseignement, on fait tourner la machine de la prcarit et

on joue le jeu. Des enseignant-e-s dcident du non renouvellement du contrat

de tel-le tudiant-e jug-e incomptent-e, comme dans nimporte quelleentreprise. Et le plus inquitant, jy reviendrai, cest la progressive

contamination des esprits par cette logique entrepreneuriale.

Du coup, on cautionne un systme injuste. Je pense notamment labandon

du principe travail gal, salaire gal . Par exemple, en licence 1, jtais

responsable dun cours magistral qui tait complt par des heures de TD pour

lesquelles des salari-e-s de 4 statuts diffrents faisaient le mme travail : les

carts de rmunration horaire taient de 1 5 !


10/32

Luniversit ma aussi fait peur parce que je savais quil faudrait un jour que je

me transforme en patron, et je ne crois pas aux patrons gentils

Enfin, une fois le reprage des locaux achev, le recrutement pistonn trouve

son aboutissement dans le profilage des postes locaux. Il sagit de dfinir trs

prcisment le profil du poste pourvoir de manire ce quil soit en

adquation avec la spcialit du futur-e candidat-e (cette modalit de pistonnest pas indispensable vu les pratiques de piston qui peuvent tre repres,

ceci dit elle favorise un meilleur btonnage du poste). Compte tenu du temps

que ncessite la cration dun poste, jai eu cho de runions stratgiques de

profilage 1 ou 2 ans avant le recrutement programm !

Au total, il est rare de croiser un-e enseignant-e MCF ou PU qui na pas un

jour bnfici dun quelconque piston. De gnration en gnration de recrut-

e-s, le systme perdure et se normalise [4]. Et je suis persuad que plusieursex-collgues sourient la lecture de ces lignes en se disant que je suis bien

loin de tout savoir sur lillgalit le piston est illgal, faut-il le rappeler du

recrutement luniversit. Car je ne doute pas, nayant pu observer in situ les

pratiques des commissions de spcialistes, que je ne gratte ici que la premire

couche

Selon moi, quelles que soient les bonnes raisons dun tel systme quon ne

manquera pas de mopposer, luniversit est dgueulasse de mettre en place et

en uvre de telles pratiques de recrutement. Non pas que je sois un adepte de

la mritocratie : je ny ai jamais cru, en tant que fministo-etc. Mais je prfre

(lutter contre) lillusion de lgalit des chances que (collaborer avec) la ralit

dun systme de piston. Donc ciao ! Voil pour la premire raison.

2) Larrive la fac : entre en dsert relationnel

Je ne suis pas un enfant de chur mais jaimerais bien savoir comment il est

possible de fabriquer ce que jai peru luniversit. Quand vous arrivez la

fac, la puce loreille sur ltat de luniversit peut vous tre donne par

quelques signaux que lon range traditionnellement dans les problmes

individuels mais que, en sociologie, nous savons tre des purs produits de

lordre social. Je pense ici ces gens que vous croisez (rarement) dans les

couloirs et qui vous fuient du regard, comme sils avaient peur. Je pense ici au

nombre de gens en cong maladie et, visiblement, gravement malades. Jepense ici la tristesse des regards quotidiens, linvisibilit des fous rires,

labsence de pause-caf collective, etc. Je pense ici et surtout tous ces


11/32

gens qui, lorsquils nont plus peur de vous parler, se lancent dans des

monologues qui alternent entre la leon de sociologie et la longue anecdote

quon comprend mal. Comme si laccs une certaine position dans la

hirarchie sociale vous condamnait un drle de comportement, si peu rceptif

aux autres.

Ces quelques signaux ont alert le novice que jtais sur le vritable dsertrelationnel que constitue luniversit. Ds les premires heures, vous

comprenez que vous aurez peu dinteractions sur votre lieu de travail et que, si

vous croyez aux vertus intgratrices du travail, vous allez en chier. Ce dsert

relationnel [5] luniversit se traduit notamment de trois manires.

Dabord, les couloirs et la salle des personnels sont souvent vides, les bureaux

ferms, une vague machine caf ayant la fonction symbolique de donner un

peu de chaleur (liquide). Ce sont toujours les mmes que lon croise, engnral celles et ceux qui spuisent dans la prise en charge des tches

collectives et qui nont pas toujours le temps de discuter. Non seulement les

gens semblent travailler davantage domicile mais en plus, Lille en tout cas,

bien des enseignant-e-s habitent au-del des distances rglementaires (Voir

article 5 du Dcret du 6 juin 1984 modifi), en loccurrence Paris, parfois

mme Marseille ! Evidemment, de telles distances entre lieu de travail et lieu

de vie contrarient toute dynamique collective luniversit.

Ensuite, les quelques relations socioprofessionnelles qui existent sont

profondment structures par une conflictualit dsarmante. Dune part, les

gens ne saiment pas et passent un temps fou commenter dans les

discussions les individualits ennemies. Je nai pas eu le temps de comprendre

tous les processus qui fabriquent les haines interpersonnelles mais cest assez

impressionnant et en gnral dune mesquinerie pleurer : en particulier,

jaurais bien aim retranscrire ici les innombrables courriels qui circulent et qui

tmoignent de lintensit de ces haines.

Dautre part, compte tenu du caractre clanique des relations et du mode de

recrutement bas sur le piston, les personnes nouvellement recrutes se

retrouvent a priori identifies comme membres du clan qui les a pistonnes.

Ds que vous arrivez, cause des conflits qua pu susciter votre recrutement,

vous comprenez que des gens vous aiment dj et que dautres ne vous

aiment pas (encore). Par exemple, quand jai cherch mintgrer au

laboratoire local de recherche, jai vite compris par la froideur de leur accueil que ceux qui le dirigeaient navaient pas vot pour mon recrutement. Au-

del de mon cas, il faut bien comprendre que cette personnalisation des


12/32

conflits thorise par bien des sociologues comme un des fondements

symboliques de la domination mine les relations de travail et contrarie toute

tentative de rforme au niveau local .

Enfin, prvaut une visible inexistence citoyenne des enseignant-e-s (qui

plus est sociologues) sur leur lieu de travail. Alors que les discours vont bon

train sur ltudiant consommateur et sur la dgnrescence des tudiant-e-s par rapport la gnration prcdente (celle de 68 ou la sienne), on

dcouvre une communaut enseignante sans syndicats [6] , sans grves, sans

manifestations, sans discussions. Le vide absolu !

Javais dj t gn par le faible investissement collectif des enseignant-e-s

lors de la lutte contre le CPE (2006) mais, ntant pas la fac, je mettais cela

sur le compte de mes prnotions. Mon exprience dun an a plus que justifi

ma gne. En effet, llection de Sarkozy na suscit aucune discussioncollective, en dpit du gauchisme lgendaire des sociologues. De mme, alors

que la ville de Lille est marque par des violences policires contre les

tranger-e-s notamment qui mont impressionn par leur frquence et leur

degr, mes ex-collgues ne savaient pas et/ou se taisaient. La rforme de

luniversit a seulement suscit un mel national nous demandant de signer la

ptition contre les modalits de ngociation . Sauf exceptions, les

problmes sociaux de nos tudiant-e-s (logement, job ct), en particulier la

prsence dtudiant-e-s sans-papiers dans nos facs et leurs conditions de vieeffroyables compte tenu de leurs risques dexpulsion, font lobjet dun mutisme

assourdissant. Tout comme la sarkozysation de notre quotidien professionnel

avec lacceptation silencieuse de la scurisation des universits (on a laiss

entrer les agents de scurit et avec des chiens parfois, les alarmes, la vido-

surveillance, les portes avec serrure magntico--carte etc). Etc. Etc.

Signe dsesprant de cette lthargie collective qui a largement contribu me

faire fuir : le jour o toute la fonction publique sest mobilise pour la haussedes salaires (souvent rclame dans les couloirs pourtant), ben mes collgues

universitaires travaillaient [7] ! Et je nai mme pas os aller me porter

grviste volontaire tellement je me sentais seul sur ce plan-l.

Tout ceci ma affol. Dune part, je vais bien : or, je pense que les dserts

relationnels contrarient moyen terme la bonne sant de nimporte quel-le

travailleur-se [8] En particulier, jai t trs perturb par limpossibilit de

sengueuler luniversit, dentrer en conflitparce que les gens (pas bien)sont physiquement absent-e-s. Dautre part, compte tenu de la rforme en

cours de luniversit, je ne me voyais pas attendre une mobilisation qui, en


13/32

ltat de la dsorganisation de la profession, a peu de chances de surgir. Si jai

appris un truc grce la sociologie, cest que les dserts relationnels

constituent une formidable autoroute pour un Pouvoir rformateur . Je

naurais pas support que la rsistance aux rformes (librales) soit cantonne

aux tudiant-e-s, comme chaque fois depuis des lustres. Mme si le lyce

est en train dtre attaqu par ce mme Pouvoir, il reste des gens btement

intress-e-s par les autres et par les rformes (librales) qui les concernent

pour sorganiser et rsister. Du coup, je prfre rester (avec les) bte(s).

3) Enseigner luniversit : apprendre mpriser les tudiant-e-s

Les enseignants chercheurs concourent laccomplissement des missions de

service public de lenseignement suprieur []. Ils participent llaboration et

assurent la transmission des connaissances au titre de la formation initiale et

continue. Ils assurent la direction, le conseil et lorientation des tudiants. Ilsorganisent leurs enseignements au sein dquipes pdagogiques []. Ils ont

galementpour mission le dveloppement de la recherche []. (Article 3 du

Dcret du 6 juin 1984 modifi fixant les dispositions statutaires communes

applicables aux enseignants-chercheurs, soulign par moi).

Compte tenu de la seconde partie de mon troisime pralable (voir supra), je

voudrais tenter dordonner un facteur central de ma dmission, savoir le

mpris des tudiant-e-s qui transparat dans lorganisation globale des

enseignements luniversit et dans les pratiques professionnelles des

enseignant-e-s. L encore, je ne me baserai que sur mon exprience en

sociologie mais jai cru comprendre que les choses ntaient pas plus enviables

ailleurs. Simplement, le fait que des sociologues participent activement la

fabrication de ce mpris ma profondment dcourag.

Le rapport au mtier denseignant-e

Ds mon arrive, jai t frapp par la manire dont mon activit de chercheur

a retenu (ou pas) lattention au dtriment de mon activit denseignant. On

sintresse vos rcentes publications ou on vous incite crire votre premier

livre mais on ne se proccupe jamais du contenu de vos enseignements. Mme

si les MCF et les PU sont des enseignant-e-s chercheur-se-s, la valorisation

symbolique passe par la seule activit de recherche. [9]. En revanche, on se

fout royalement de ce que vous faites en cours avec les tudiant-e-s et,surtout, de comment vous vous organisez. Comme on me lavait dit en dbut

danne : Moins on entend parler de tes cours, plus on suppose que cela se


14/32

passe bien . Tout au plus exigera-t-on, pour le bon fonctionnement de

linstitution, que les sujets des examens et la correction des copies soient

raliss dans les dlais. Pour le reste, libert absolue !

Un signe tangible de cette prime la recherche rside notamment dans la

chasse aux cours qui sont en adquation avec les thmes personnels de

recherche (sans doute pour favoriser une meilleure diffusion de ses proprestravaux et proccupations). De mme, la concurrence est forte pour attraper

au vol les niveaux intressants ( partir de la licence 3), autrement dit les

niveaux qui comprennent les tudiant-e-s dj slectionn-e-s et davantage

susceptibles de faire un jourde la recherche. Par exemple, quand je suis

arriv, 3 amphis de premire anne pour un cours d Initiation la

sociologie taient sans enseignant-e et jen ai hrit (avec joie et fiert car

je sais limportance de ces premiers cours pour les tudiant-e-s). Cette

violence symbolique, qui consiste se dbarrasser des cours de bas niveau

et les refiler aux rcemment recrut-e-s, en dit long sur le rapport

lenseignement et sur lillusion dune quelconque communaut enseignante :

quand communaut il y a, on partage ! Dans le mme type de violence, on

notera que plus un-e enseignant-e est grad-e, plus son service vacue ces

mmes cours ainsi que tous les TD ou autres heures (juges) folkloriques qui

visent apprendre aux tudiant-e-s travailler en bibliothque, sorganiser,

etc.

Une premire forme de mpris des tudiant-e-s consiste ainsi choisir ses

services en fonction du mrite que ces dernier-e-s ont conquis pour accder

lenseignant-e CHERCHEUR-SE que je suis.

Vous avez dit pdagogie ?

La libert pdagogique est une vieille rengaine du personnel enseignant afin deprotger lindpendancegnagnagnaet surtout le privilge de rendre le moins

de comptes possible. On oublie souvent que cette fameuse libert na pas

vocation contrarier lgalit des lves et des tudiant-e-s face

lenseignement. Or, cest bien ce qui se passe luniversit, et puissance 10

par rapport au lyce parce que labsence de programme collectivement labor

renforce lingalit de traitement : chacun-e pouvant faire ce que bon lui

semble, chacun-e fait comme bon lui semble.

Quand jai pris mes fonctions (denseignant), jai voulu savoir comment un

cours magistral se droulait, comment on valuait lors des examens ou encore


15/32

ce que les tudiant-e-s (de master 1) avaient dj fait dans un cours de

mthodologie dont je devais assurer la suite. Poser des questions en la matire

par mel puisque les gens sont gnralement absent-e-s induit deux types

de sensation : celle de ne pas exister et/ou de faire chier (quand vous

nobtenez aucune rponse) ; celle dtre jug incomptent puisque vous posez

des questions.

Vous pouvez demander un-e spcialiste de Marx de vous expliquer Marx

mais vous ne pouvez pas lui demander comment il-elle explique Marx ses

tudiant-e-s. Tout ceci est li au fait que lon peut devenir enseignant-e

chercheur-se sans avoir reu une quelconque (in)formation en matire

pdagogique. En effet, le plus souvent, les MCF et les PU ont russi un

doctorat puis ont montr par leur activit de recherche quelles et ils taient

qualifi-e-spour chercher. On pourrait sattendre ce que cette ngligence de

lenseignement dans le processus de recrutement induise une dynamique

collective qui consiste sorganiser pour faire en sorte que notre

mconnaissance pdagogique trouve un palliatif. Ben non. Du coup, prvaut

une (non) culture pdagogique dont les contours sont les suivants.

Premirement, chaque heure de cours est une forme de cration artistique :

vous arrivez avec quelques ides jetes sur une feuille volante et vous tenez 1

2 heures. Les tudiant-e-s voquent ainsi souvent ces profs qui vous

brodent, sous la forme dun monologue avec les yeux au plafond, un cours trs

riche en contenu mais sans plan ni vritable fil directeur. Je me souviens dun-

e collgue qui se plaignait davoir un amphi partag en deux groupes auxhoraires diffrents car ce mode dorganisation qui supposait quil rpte deux

fois la mme chose contrariait la dimension cratrice de son cours. Quand le

cours est moins artistique, on repre des enseignant-e-s qui se contentent de

rpter pendant plusieurs annes le mme contenucomme au lyce ceci dit

mais de manire beaucoup plus assume.

Deuximement, le cours magistral est plus valoris que les autres types de

cours, comme en tmoigne la difficult trouver des enseignant-e-sstatutaires pour les heures de TD. Or, la centralit du cours magistral dans

luniversit actuelle induit une apathie verbale des tudiant-e-s : cras-e-s

par les monologues des enseignant-e-s et leur inaptitude pdagogique

construire le cours avec leurs usager-e-s, ces dernier-e-s senferment dans un

mutisme structurel qui rend profondment ennuyeuse et dstabilisatrice lheure

de cours pour tout-e enseignant-e tent-e par dautres modes pdagogiques.

Par exemple, quand jai essay dintroduire un cours de sociologie politique en

licence 3 par un questionnaire-dbat (truc qui marche chaque fois au lyce),non seulement jai eu du mal susciter des prises de parole mais jai

rapidement senti que les 80 tudiant-e-s sinterrogeaient sur le caractre

srieux de mon cours, compte tenu de son dcalage avec le cours magistral


16/32

orthodoxe.

Troisimement, labsence en cours des tudiant-e-s ou leur dsintrt ne sont

jamais penss comme le produit de notre inaptitude pdagogique mais comme

le rsultat de la socit de consommation, de la culture-zapping, de la baisse

de niveau, etc. Le nombre de conneries que lon peut entendre sur les

mutations de la population tudiante sans jamais sinterroger sur laresponsabilit collective des enseignant-e-s, cest effarant ! Mpriser les

tudiant-e-s, cest utiliser larme idologique de leur inaptitude individuelle

ou collective quand on dsigne les Bac Pro ou techno faire des tudes

suprieures, arme qui permet de leur cacher les mcanismes par lesquels la

pdagogie est dlaisse en toute conscience (non professionnelle).

Vous avez dit conscience professionnelle ?

La rmunration des enseignant-e-s luniversit englobant les heures

denseignement, on est surpris-e par certaines pratiques professionnelles qui

dessinent toujours au nom de la libert pdagogique les contours dun

foutage de gueule hallucinant. Bien entendu, certain-E-s enseignant-E-s font

leur service consciencieusement et sinvestissent en dpit des carences

pdagogiques collectives (voir encore mon troisime pralable). Cependant, jai

t choqu par diffrentes pratiques qui font lobjet dun tel silence collectif

que nous en devenons les complices objectifs. Il ne sagit pas ici de

balancer mes ex-collgues mais de dnoncer les pratiques du groupe

dominant des profs dans ses rapports avec le groupe domin des tudiant-e-s.

En tout cas, la thorie du mpris de ces dernier-e-s dispose ici dindicateurs

prcis.

Dabord, bien des enseignant-e-s ne remplissent pas leurs obligations

rglementaires et versent parfois dans une illgalit structurelle que lestudiant-e-s ne peroivent pas toujours. Ainsi, quelques enseignant-e-s ne

font pas leurs 192 heures annuelles rglementaires et justifient cet tat de fait

par leur refus de faire des cours de bas niveau et/ou trop loigns de leurs

proccupations en termes de recherche. Dans le mme registre, des

enseignant-e-s arrivent en retard, ne viennent pas certaines heures (oui oui,

a existe), navertissent pas toujours de leurs absences (aux secrtaires

ensuite de grer lnervement lgitime des tudiant-e-s), etc. Parmi les

pratiques illgales les plus rpandues, on soulignera labsence de lenseignant-

e responsable lors de louverture de son sujet dexamen [10]ou encore lorsdes jurys ou des consultations de copies. Et que dire du mpris affich quand

on se dfile de toutes les runions de pr-rentre pour prsenter son cours


17/32

aux tudiant-e-s ?

Jai t trs frapp par le nombre de jurys dexamen qui pourraient tre

annuls par nimporte quel tribunal administratif si les tudiant-e-s posaient

rclamation. Dans un jury de premire session de premire anne, nous tions

3, dont la secrtaire. Dans un autre jury, nous ne disposions que des

informations concernant les recal-e-s : autrement dit, nous navons pasvalid les reu-e-s ! Dans un autre jury, nous navons pas pris en compte les

mentions. Dans un autre jury, nous avons souponn quun-e enseignant-e

avait supprim lpreuve de rattrapageen toute libert.

Dans les trucs rigolos (sauf pour les tudiant-e-s), on relvera le faible srieux

des enseignant-e-s au moment de suivre le devenir de leurs notes dexamen.

En effet, bien des enseignant-e-s ne vrifient pas absence au jury encourage

le bon report de leurs notes de la copie la feuille individuelle de rsultatstransmise ltudiant-e. Grce linformatique, il nest pas rare que la

saisie des notes suppose plusieurs tours et plusieurs mains de saisie. Dans la

plupart des jurys, quand nous avons cherch vrifier, nous avons repr des

erreurs de report de notes pour au moins une matire reprsente. Mais quid

dans les jurys o la vrification nest pas faite ou savre impossible [11] ? De

mme, jai particip une runion-bilan dun semestre de premire anne au

cours de laquelle un-e enseignant-e a assum son refus de rendre les copies

de contrle continu. Raison affiche : si je rends les copies, je ne peux pasrutiliser mes sujets dexamen lanne suivante et je dois donc en prparer de

nouveaux !

Ensuite, un jeu enseignant minoritaire, je le pense encore consiste

allger le plus possible sa charge de travail par diverses techniques efficaces.

Par exemple et je lisole pour son caractre exemplaire en termes de mpris, les tudiant-e-s se plaignent souvent de ne pouvoir contacter les

enseignant-e-s. Ceci est logique compte tenu de linvisibilit physique de ces

dernier-e-s dans les couloirs et bureaux (voir supra). Mais une solution

thorique existe : mme si je suis absent-e, vous disposez de mon mel pour

me contacter . Or, combien dtudiant-e-s voquent des enseignant-e-s qui

ne rpondent jamais ou qui rpondent trs tardivement ! Ces pratiques

apparaissent visiblement efficaces au moment dchapper certaines tches

(par exemple au niveau du suivi des mmoires) ou encore de se dispenser dun

dplacement coteux (par exemple le jour dun jury pour faire soutenir unmmoire que lon a encadr).


18/32

Des techniques dvitement existent aussi au moment de la correction des

copies de lexamen final correspondant au cours magistral. On prpare un

examen rapidement corrigeable : par exemple, un bon vieux QCM dbile vaut

toujours mieux que des questions induisant une certaine rdaction structure

et surtout un temps de correction allong. On se dleste des copies en les

refilant aux charg-e-s de TD, autrement dit aux prcaires mal pay-e-s, qui

doivent dj corriger les copies de contrle continu.

On me rtorquera que ce dlestage est rglement : cest vrai mais cela

nempche pas, selon des tmoignages multiples, des pratiques de dlestage

indcent en termes quantitatifs. Et que voulez-vous dire quand vous tes

prcaire, la merci dun non renouvellement de contrat et pire la merci

dun incident compromettant votre parcours de futur-e recrut-e ! Les

pratiques patronales les plus vulgaires se logent dans ces moments de

rpartition des tches par les MCF et PU.

Enfin, par la non coordination de leurs pratiques, les enseignant-e-s participent

trs activement la fabrication dinjustices dans les cursus universitaires. Je

nai jamais compris pourquoi ce fait si vident suscite aussi peu de raction

collective mais il est trs rpandu. Comme entraperu supra, cela commence

par lintrouvable coordination des contenus enseigns, renforce par labsence

de programme commun. Chaque enseignant-e peut mettre dans son cours le

contenu qui lui sied et peut utiliser ce contenu individuel pour valuer lestudiant-e-s. Ainsi, lvaluation nest pas un moyen de vrifier lacquisition de

savoirs et savoir-faire collectivement labors mais un moyen de vrifier

ladaptation des tudiant-e-s aux choix individuels de chaque enseignant-e.

Dans cette dynamique individualiste des contenus et des pdagogies, les

filires perdent en cohrence longitudinale (difficile de construire un cours

partir des acquis passs des tudiant-e-s) et transversale (pour un mme

niveau dont les tudiant-e-s sont partag-e-s en groupes, un mme intitul de

cours peut cacher des contenus trs diffrents).

Je pense aussi ces enseignant-e-s qui ne jouent pas le jeu en dpit des

consquences terribles que de telles pratiques ont sur lgalit de traitement

des tudiant-e-s. Par exemple, un-e MCF hrite dun groupe de TD pour lequel

il-elle ne dispense pas le cours magistral. Les enseignant-e-s responsables de

ce dernier distribuent un recueil de textes commun tous les groupes de TD

avec lintention explicite dintgrer dans leur examen final le contenu des

textes. Seulement voil, le-la MCF juge que ces derniers sont de bas niveau,que les tudiant-e-s peuvent les tudier sans laide dun-e prof et que donc il-

elle fera dautres textes en cours de TD (plus proches de ses recherches sans

doute). Rsultat : tous les groupes de TD nont pas fait les mmes textes et


19/32

lexamen final commun tou-te-s les tudiant-e-s devient irralisable.

Cette incohrence injuste se prolonge dans tout ce qui concerne lvaluation.

Bien entendu, toute rflexion collective sur les attentes et sur les modes

dvaluation est bannie, laissant tout son souffle la fameuse libert

pdagogique. Mais, en plus, les pratiques de notation varient fortement selon

les enseignant-e-s. Dune part, il nexiste aucune concertation collective sur lesbarmes souhaitables et, le plus souvent, aucun barme commun pour des

copies relevant dun mme sujet mais corriges par plusieurs enseignant-e-s.

Combien de charg-e-s de TD se plaignent ou ne stonnent plus de

recevoir des copies dexamen final corriger sans autre prcision : au mieux

un vague plan de cours et un aussi vague corrig doubls, en gnral,

daucune directive sur la rpartition des points par savoir et savoir-faire

attendus ! Dautre part, lidentification de chaque enseignant-e passe par une

espce de concours dindividualits au moment de noter. Un-e tel-le note dur,

un-e autre note large, etc. Au-del de la ncessit dplorable de se construire

par lindividualisme de son mode de notation, cest la justice qui est en jeu !

On mopposera ici que des runions informelles dharmonisation post-

correction existent pour viter des carts trop importants au niveau des

moyennes des gens qui corrigent. Outre le fait que ce nest pas systmatique,

je me dsole que lon puisse penser que cela suffit rgler la question de la

justice dans les corrections de copies.

Le rsultat de ce bordel saute aux yeux ds quon y fait un peu attention. Par

exemple, lors dun jury, nous avons par hasard repr une diffrence de

moyenne de 6 points pour des TD relevant du mme enseignement mais pas

des mmes enseignant-e-s ! De mme, les mmoires de master sont valus

par chaque jury en toute libert et ingalit, induisant des notes assez

diffrentes selon la conception de votre jury (et lon sait que la note de

mmoire joue sur les chances dobtenir un financement). On peut aussi

stonner de voir, dune anne lautre, les taux de russite dun mme

semestre passer de 30% 50% en premire anne, en fonction de lquipeenseignante et donc de la manire dvaluer !

Il ne sagit pas ici de dire quil faudrait tre plus large ou plus dur au moment

de noter. Il sagit de rappeler quun mme travail est not diffremment selon

lenseignant-e parce que la communaut des profs refuse de se coordonner. Et

a, cest dgueulasse !

Au total, les enseignant-e-s contribuent joyeusement accentuer les ingalits

sociales. On sait que les chances daccs luniversit varient frocement


20/32

selon les appartenances sociales. On sait aussi que les carts se creusent

mesure que lon progresse dans le cursus universitaire. En revanche, jai eu la

sensation que les enseignant-e-s de luniversit ne savaient pas ou ne

voulaient pas (sa)voir que leurs pratiques professionnelles ne pouvaient que

renforcer ces ingalits. Je vivais dj avec cette sensation au lyce mais

luniversit, par la position sur-privilgie quelle offre la classe dominante

enseignante, la rendue insoutenable. Jaurais pu tenir le coup si,

collectivement, la question tait pose et des dmarches entreprises. Mais quedalle !

Reste une autre question (et raison de dmission) : comment sorganisent les

enseignant-e-s luniversit ?

4) Lautogestion au service du MOI

De la lecture de ce qui prcde il ne faudrait pas dduire que je rclame un

contrle plus strict de la hirarchie. Si jai quitt le lyce pour aller

luniversit, cest aussi parce que jen avais marre de lencadrement

administratif que suppose lactivit denseignant-e du secondaire. De mme, je

refuse que la pdagogie soit sous tutelle de ladministration. Je suis pour une

libert pdagogique COLLECTIVE, autrement dit une organisation des

enseignements autogre par le monde enseignant (et tudiant mais cela est

un autre dbat).

En arrivant luniversit, jtais particulirement enthousiaste lorsque lon ma

(vaguement) expliqu le mode de prise de dcisions au niveau de la filire de

sociologie [12] (de Lille 1) [13] . Pour faire simple, lorganisation des

enseignements [14] passe par une assemble gnrale des enseignant-e-s

dont lanimation revient une personne lue qui dirige la fac de sociologie.

Cette personne rythme lAG aprs stre charge de rcolter lensemble despoints lordre du jour. Par ailleurs, on minvita prendre la parole ds la

premire AG et, visiblement, la libert dexpression tait relle.

Mme si je ne mattendais pas lautogestion parfaite, je trouvais que ce

mode dorganisation permettait de rompre avec la simple obissance que

lorganisation de lenseignement secondaire fait prvaloir. De plus, je savais

que toutes les universits ne fonctionnaient pas ainsi et je me disais que

javais bien de la chance dtre tomb dans une fac qui faisait de laparticipation de tou-te-s et de la transparence deux impondrables de

lorganisation des enseignements.


21/32

Malheureusement, la mise en pratique de lautogestion luniversit ma fait

dcouvrir une autre formedautogestion.

Sautogrer le moins souvent possible

Premire dception : ds que vous arrivez, vous comprenez que les

assembles gnrales font chier tout le monde, y compris les plus investi-e-s

(et aujourdhui je les comprends !). Du coup, il ne faut pas trop charger la

barque alors on fait une assemble gnrale tous les 2 mois denviron 3 heures

et au cours de laquelle on traite une bonne quinzaine de points. Le

droulement est assez ritualis : les premiers points occupent un large espace

temporel, suscitant parfois des prises de parole enflammes et avant-

gardistes, et les derniers sont traits sur le mode du travail la chane. Au

bout de 2 heures, la plupart pensent aux frites de midi et les dcisions seprennent sans susciter de grands dbats, certain-e-s quittant mme lAG avant

la fin. Pourtant, tout le monde est l et cest bien grce ces AG que lon

dcouvre un-e collgue jamais crois-e dans les couloirs. En fait, jai assez vite

compris que lAG servait surtout, pour une bonne part des enseignant-e-s,

se montrer et participer sans sinvestir dans les tches collectives. On en

repre ainsi un certain nombre qui ne disent jamais rien, voire qui font autre

chose grce leur portable pendant que les plus investi-e-s font le compte-

rendu de leur travail au service de la filire. Tout au plus saniment-ils-elles un

peu lors de lAG consacre la rpartition des services (dailleurs, pour les

faire rester, on programme ce point la fin de lordre du jour de lAG).

Pour rendre possible la faible frquence des AG, la personne qui dirige la fac de

sociologie occupe une place centrale. Elle se tape, avec deux adjoint-e-s, tout

le boulot que suppose la mise lordre du jour dun point dAG. Elle gre les

relations extrieures et internes. Heureusement, quelques enseignant-E-s

prennent aussi en charge certaines tches collectives, comme la direction duneanne, lanimation dun groupe de projet, la participation aux journes

dinformation sur la fac de socio, etc.

Sous leffet de cette rpartition ingalitaire du travail collectif , lAG

ressemble plutt des points info car le faible investissement des gens les

empche de matriser les tenants et aboutissants de chaque point. En plus,

partir du 5 point de lordre du jour, on na plus le temps de discuter car il

faut avancer .

Sautogrer en fuyant les responsabilits collectives


22/32

Compte tenu de ce mode original dautogestion, celles et ceux qui prennent

des responsabilits spuisent dans la gestion individuelle des tches

collectives, dlaissant ainsi dautres formes dactivits qui leur tiendraient

cur (comme la recherche).

Du mme coup et bien entendu, tout le monde cherche viter ces postes de

sur-travail dont lorganisation de la succession passe par des moments dAG

assez drles au cours desquels chacun-e cherche refiler le bb aux autres,

quitte utiliser des arguments dun folklore dsarmant. De mme, toute

personne ayant t repre comme susceptible de sinvestir une fois devient

rapidement personne-ressource-pour-toujours, ce qui conduit les plus aguerri-

e-s souffler aux nouvelles personnes recrutes : Ne te proposes pas trop

souvent si tu veux avoir la paix !

Lautogestion que jai dcouverte avait ainsi trois caractristiques qui

allaient lencontre de toutes mes prnotions : 1. on divise le travailpour

mieux lassigner quelques-un-e-s ; 2. on cherche par tout moyen chapper

aux quelques-un-e-s, sauf quand un nouvel chappatoire devient impossible

(i.e. quand a devient manifestement son tour) ; 3. on naime pas faire ce

travail collectif qui devient une corve.

Bref, la gueule de lautogestion !

En fait, jai eu le sentiment que lautogestion servait juste ce quun grand

nombre chappe aux tches collectives, et ce en se dlestant consciemment du

travail collectif sur certain-E-s. Ce mode dorganisation du travail cre des

souffrances et des conflits, dautant que toute personne qui veut se dfiler

cote que cote y parvient.

On ne stonnera pas de linertie organisationnelle quune telle conception de

lautogestion provoque. Cette inertie provient du fait que le refus (lgitime)

dune hirarchie type lyce ne repose pas sur une envie collective de

travailler plusieurs, sur la conviction quil faut une coordination horizontale,

sur la joie de faire ensemble, etc. Comme lillustre le mpris dominant des

tudiant-e-s, ce refus sert surtout prserver un espace-temps professionnel

individuel, voire individualiste. Une autogestion de droite en somme


23/32

5) Rions un peu pour finir : quand luniversit devient sarkozyste

Avant de devenir enseignant-chercheur, javais dj entendu parler de

professionnalisation, de marchandisation, de slection, etc., dans

lenseignement suprieur. Javais dj particip des mouvements (tudiants)

contre ces dynamiques et je savais que lautonomie navait dautre fonction

que duniformiser les universits dans leurs rapports avec le monde delentreprise. Mais je pensais que les pratiques et reprsentations

professionnelles des enseignant-e-s faisaient barrage et pour longtemps, en

tout cas en sociologie. Ben je mtais plant

1. Lors de la premire AG laquelle jai particip, jai assist un vote quasi

consensuel et combien significatif. Plusieurs enseignant-e-s se plaignaient de

ce que les semestres qui durent 13 semaines soient organiss en 12

semaines de cours, ce qui les handicapait dans leurs activits personnelles siimportantes. Elles et ils demandaient un passage aux 10 semaines de cours, et

ce fut adopt en totale autonomie.

En clair, lAG venait dlibrment de voter un alourdissement important de la

charge horaire hebdomadaire des tudiant-e-s et de la dure de chaque

sance de cours. Vive la libert pdagogique ! De mme, on rduisait le

nombre de jours de dplacement sur la fac et on amenuisait les occasions de

rendre luniversit VIVANTE.

2. Lors de plusieurs AG, un dbat hallucinant a sorti de la torpeur un nombre

important denseignant-e-s. Il sagissait de savoir ce que lon devait faire des

tudiant-e-s venant de bac professionnel et souhaitant sinscrire en premire

anne de sociologie, compte tenu de taux de russite moins levs que les

autres. Je rappelle que ces tudiant-e-s ont le droit de sinscrire, point barre.

Mais, au nom du souci de ne pas envoyer les prolos dans des murs(bourgeois), mes ex-collgues dbattaient de modalits (illgales) de slection.

Lun-e avouait avoir empch cette catgorie dtudiant-e-s de sinscrire

quand il-elle tait responsable de premire anne. Un-e autre proposait de

faire passer des entretiens spcifiques ces tudiant-e-s pour les dcourager

en douceur. Etc. Etc. Jtais sur Mars ! Et il a fallu toute la dtermination de

plusieurs dentre nous pour faire voter que lon acceptait tout le monde sans

autre formalit !

Dans le mme style, jai t trs choqu par des discussions de couloir au

cours desquelles des sociologues de gauche, dont japprcie les crits,


24/32

dfendaient ou comprenaient la mise en place de formes de slection lentre

en master ou en doctorat. Elles et ils prenaient acte de la rarfaction de

lemploi en sociologie et proposaient dviter de faux espoirs aux tudiant-e-s

qui rvaient de devenir sociologues. Tuer le rve plutt que lutter contre le

capitalisme et sa censure de la sociologie

3. Un autre grand moment dAG fut un temps de propositions quant auxmeilleurs moyens dattirer des tudiant-e-s (pas les bac pro, hein) en

sociologie. Et l, je dcouvrais un monde qui semblait avoir totalement cd

aux lois du march . Il fallait rendre nos informations plus attractives en

sinspirant du marketing le plus vulgaire. Et pourquoi ne pas mettre des

annonces dans les journaux gratuits comme font les coles de commerce ,

proposait lun-e. Je me permettais alors de dire que ctait peut-tre la

marchandisation de linfo qui dcourageait les tudiant-e-s et que lon ne

savait pas grand-chose de ce qui pouvait pousser un-e tudiant-e venir (ou

pas) en sociologie. Des gens de haute gauche mont alors expliqu en

rsum que, si je navais pas compris les mutations actuelles du capitalisme

mondial et de la population tudiante, il fallait que je madapte au plus vite

Plus largement, jai eu beaucoup de mal me retrouver dans les journes

dinformation aux futur-e-s tudiant-e-s et jtais tiraill parce que je ne

voulais pas me dfiler des tches collectives. Je pense notamment au Salon de

lEtudiant, espce de foire beaufs qui sadonne sans vergogne cette

marchandisation de merde. Par exemple, quand je suis entr dans le Salon de

Lille cette anne, les futur-e-s tudiant-e-s recevaient la chane un packsponsoris par la Socit Gnrale et qui comprenait une publicit de ladite

banque (prive) avec le texte hautement intellectuel suivant : Ftons

ensemble lesprit rugby ! 1 an de Pack Jeunes + 1 lecteur MP3 pour

louverture dun 1er compte courant . Youpi ! Et que faire quand, fin juin, un

syndicat tudiant majoritaire tentait dallcher lusager-e en lui promettant un

carnet avec moult rductions ( Carrefour, au salon de coiffure, au cinma

Gaumont, etc.) en change de son adhsion ? Jen aurais pleur.

4. De mme, une AG fut consacre nous informer sur la mise en place de

filires dapprentissage en sociologie. Pour favoriser la professionnalisation de

nos filires et leur attractivit comptitive , il sagissait de trouver nos

tudiant-e-s des boulots dapprenti-e-s, autrement dit de participer la

prcarisation de lemploi que tant de livres de sociologie scrutent et parfois

dnoncent. L encore, mes critiques, bien que reprises par certain-E-s,

suscitrent chez les autres ces yeux au plafond qui en disent long sur la perce

des logiques entrepreneuriales dans les ttes et les discours. En tmoignedailleurs la devise mise en avant par la Facult des Sciences conomiques et

sociales de Lille en haut de ses plaquettes de prsentation : La libert

dapprendre, la volont de comprendre, la facult dentreprendre . En


25/32

tmoigne aussi la facilit avec laquelle le projet de rforme de luniversit

de Pcresse a pu insrer lorientation et linsertion professionnelle parmi

les missions du service public de lenseignement suprieur . Un jour, nous

crerons sans doute des commissions paritaires enseignant-e-s / patrons pour

aider les entreprises mieux recruter

5. Je pense enfin cette AG durant laquelle nous discutmes du meilleurarsenal rpressif contre les tudiant-e-s qui pratiquaient le plagiat. Plutt que

de rflchir collectivement des modes dvaluation empchant ce type de

pratiques, nous hsitions entre les mesures progressistes suivantes :

dnonciation aux autorits administratives, tribunal informel de rappel

lordre, commission disciplinaire, exclusion, etc.

Non, dcidment, luniversit ntait pas faite pour moi

14 Messages de forum

Pourquoi dmissionner de luniversit ?19 octobre 12:13, par Avril

Tmoignage clair, net et prcis.

Le commerce sans entraves au pouvoir na que faire de sociologie. Quant aux Universits,dont il parait quon est trrrs mauvais, cest bon pour les pauvres. Les bourgeois envoientleurs fils dans des "grandes coles" privs, l on est trs bien class.

Pourquoi dmissionner de luniversit ?19 octobre 16:40

Je suis Mdc a luniversite. Bien sur, il y a des dysfonctionnements, comme dans toute

profession.

Mais il me semble dune part que dans ma discipline (maths), tant au niveau du recrutementque de linvestissement dans lenseignement et la presence des enseignants-chercheurs, lasituation bien quimparfaite, est loin detre scandaleuse. Et si on veut une analyse politiquede la situation, les problemes viennent souvent dun manque de personnel administratifqualifie pour soulager les enseignant, plutot que de la mauvaise volonte de ceux-ci.

Dautre part, il existe des problemes reels : manque de concertation dans les programmes,manque de motivation des etudiants, manque de presence de certains enseignants. Chez

nous, ces problemes ont ete pris a bras le corps par les jeunes MdC recrute-e-s ces 5dernieres annees, pour bosser a fond la maquette denseignement du prochain quadriennal,discuter avec les etudiants, instaurer des "office hours" affiches dans les couloirs pour queles etudiants viennent nous voir, faire de la diffusion grand public dans les lycees pourinteresser de futurs etudiants pour les sciences, etre vigilants vis-a-vis de lenseignant quon


26/32

connait qui nassurait pas toujours ses cours (et qui ne recommence plus maintenant), etc.

Et chose extraordinaire, quand il y a des jeunes motives, ca remotive tout le monde, ycompris danciens profs ou MdC qui aiment leur metier (si, si), mais etaient peut etre rentresdans une certaine routine.

En bref, il y a des problemes, et comme dans toute profession, ce sont les jeunes naifs,idealistes , dynamiques, qui essaient de les regler. Ca ne marche pas forcement a tous les

coups, evidemment. Mais si les jeunes revolte-e-s par certaines incoherences du systeme(dont je fais partie) demissionnent, alors luniversite nira pas bien loin.

Je trouve ca un peu facile de cracher dans la soupe, meme si je ne me rends pas forcementcompte de la realite de la situation decrite dans cet article : la situation en sciences nestabsolument pas comparable avec cette description !

Pourquoi dmissionner de luniversit ?19 octobre 18:49, par jcd

Eh, oui le piston des candidats locaux fonctionne bien. Aprs avoir dpens beaucoupdargent, de temps et de dplacements, jai compris : je ne serai pas MCF. Heureusement

javais un autre travail. Mais jai souvent rencontr largument du local. Un exempleamusant : candidatant sur un poste profil socio-linguistique (jai fait des tudes de socio etun doctorat en sc. du langage, jai eu la surprise de voir le poste attribu un spcialiste delarmnien !!! mais il avait fait ses tudes l dans cette universit de France occidentale.

Pourquoi dmissionner de luniversit ?

20 octobre 02:21, par Idgie

Pour le moment de lautre ct de lAtlantique en postdoc dans une "universit Leader,universit de Leaders"on apprcieraje crois que les sacs imprims sont donns larentre (quand mme plus pratique pour la rationalisation de la soumission tant souhaiteque lachat pur et simple). Je ne dsespre pas de bnficier dun piston que jaurais choisiselon mes convictionsje mappelle Don Quichotte, qui choque et a va sentrechoquer dunefaon ou dune autre car tout ce que tu dcris, je lai vcu avantcomme potentiellepistonne locale mais jai dit "non" et toujours dans la filedommage que tu ne sois pasrest car comment constituer ce collectif dont tu parles si tout le monde quitte le navire quiprend la flotte, toi qui vois clair, tu ne sais pas nager la tte hors de la merde ?

Bien toi camarade/copain sociologue.

merci20 octobre 19:08

cher monsieur, je suis moi mme tudiante la fac de lille 1, je vous ai eu en cours depremire anne. Je suis horrifie de voir les bassesses, les manipulations et le mpris quirgnent au sein mme de la sociologie. Votre lettre parat il fait du bruit chez les professeurset tant mieux. Chez les tudiants aussi je crois et nous autres tudiants de socio essayonsde faire passer le message. Mais ca ne suffit pas, je voudrait, nous voudrions pouvoir ragir.Ce qui se passe est grave mais comment rgler les choses quand tous contestent."Moipersonnellement je nai jamais vu a", "ouais enfin cest des cas minoritaires"etcEn toutcas merci de nous ouvrir les yeux, bon courage vous.


27/32


Merci pour cette analyse malheureusement trs lucide ! Linstitution prend leau, on est biendaccord, mais si des gens comme vous abandonnent le bateau, comment nos tudiantspourront-ils esprer chapper la noyade ? Moi aussi, aprs avoir bu copieusement la tasse,

jai lch la barre, mais mes tudiants, au moins, savent nager Christiane Weissenbacher,Universit Marc Bloch

Pourquoi dmissionner de luniversit ?20 octobre 22:14, par Aladar

En fait tas fait une dprime : le dcalage entre la ralit et ta vision etait trop grandAuCNRS cest exactement le mme fonctionnement (80% dUMR), mais le plus triste cest lemanque de conscience politique, de voir dtruire un outil aussi fabuleux que le CNRS coupde mdiocrit de la majorit des chercheurs appuys sur leur statut (de chercheur, pas defonctionnaire) . En fait on aurait besoin de gens comme toi. Je pense quil faut continuer dycroire. Il y a de vraies rformes faire mais ce nest pas celles quon est en train de nousappliquer. Encore une fois, cest triste. Bon courage toi.

Pourquoi dmissionner de luniversit ?21 octobre 11:44, par Martin

Cest tout le fonctionnement de la fonction publique quil faut revoir. Je ne suis pasenseignant mais personnel administratif, et je peux vous dire quil se passe la mme chosepour nous. Les postes rservs, les concours bidons, les jurys la botte tout a, jeconnais. Des personnes trs comptentes sont bloques dans leur carrire alors quon offredes boulevards de vritables imcomptents. Cest une honte !

Merci

21 octobre 12:49, par Lintendant zonard

Coup de chapeau celui qui cherche changer le monde

De mon ct, a remonte 10 ans, jai plaqu luniversit la veille des grandesmanoeuvres de slection pour lenseignement. Syndicaliste et lu tudiant, je navais aucuneillusion sur le systme.

Je suis devenu personnel administratif en ZEP, je my bats contre la barbarie et un progrsest envisageable. Dans lUniversit, 25 ans je navais dj plus aucun espoir.

lucidit et courage21 octobre 21:58, par jompise

petit prof de luce certifi SES aussi, dtach dans le suprieur mais en mdecine, jaiconnu aussi pendant 12 ans ces logiques professionnslles avant de dmissionner pourmigrer en qu+te demploi ltranger au moins ces logiques dexclusion auxquelles onshabitue, sauf les ressentir sur sa propre peau de la part de no-mandarins mprisants etparfois arrogants, prompts adhrer au discours managrial propos par le Ministre

loccasionde la rforme LMD le syndicat, les socits savantes, tout cela ne servait gure redresser la tendance au mpris qui est en effet peut-tre le point central de la descriptioncritique naivement, je pensais que cela devait tre mieux en sociologie, mes candidaturescomme MCF en sociologie cependant ont toujours t inutiles ou impuissantes en cas declassement face des candidats locaux, dans la logique localiste dcrite dans le papier


28/32

peut-tre aurions-nous du rester en fac, cependant, pour tmoigner et observer, plutt quelaisser faire et partir aprs une exprience dcevante ?

Pourquoi dmissionner de luniversit ?21 octobre 21:35, par CP

Ce message me dsole un peu mais ne me surprend pas. je suis moi-mme doctorante (enurbanisme, une discipline dchire entre les diffrents groupuscules discplinaires), je financetout moi-mme, en travillant mi-temps et (sur)vivant avec 600 euros par mois. Il faut dire

que mon sujet de doctorat manait de ma propre initiative, donc ni choisi par le labo pour"la" bourse annuelle , ni dict par quelque "professionnel" de la recherche. Mon sujet aman dobservations de terrain qui mont conduit identifier lurgence dun travail derecherche sur le sujet. Jai aussi organis moi-mme une collaboration avec un labo anglaisqui maide beaucoup plus que les conseils succinct de mes directeurs de thse ("bosse tathorie, cest lvidence". je suis daccord que plus de pdagogie et de contact social, ycompris avec les doctorants dbutants serait la bienvenue. Mais cest vrai que si le Ministrefinancaient mieux les universits, cela contribuerait rsoudre ces tensions. Je suis daccordavec ceux qui ont trouv dommage votre dmission au lieu de tenter de changer le systme Bonne route quand mme


Bonjour, et bien, bienvenu de retour au lycee. Neanmoins je souligne que ces sensations degrand n importe quoi dans le superieur on les pressent aussi comme eleve. Comme vous jesuis agrege de SES, et (dans un autre contexte) j ai enseigne en fac en region parisienne (cetait en DESS de commerce international), mais la sensation etait commune avec cellle de lasociologie. (j etais en dispo et travaillait (tres bien paye) dans le secteur prive et donnaisdes cours considerant que j avais ete forme pour). Vos reactions sont comprehensibles et j yadhere pour une grande partie. J ajoute neanmoins que les moyens devolus auxetudiants(centre de doc etc etc) m ont paru reellement indigent (apres tout ils n ont pasbesoin de lire). Que les conditions meme de vie et de transport des etudiants (j etais sur

des campus exotiques et bien paumes) paraissaient completement absentes despreoccupations de l universite (la gestion des heures de repas (pas de resto U) etaitparticulierement loufoques). Enfin le devenir meme de l etudiant etait quelque chose detotalement absent de l institution (si si meme en commerce international). En gros a chacunde se demerder pour trouver un stage (good luck , j en faisait rentrer un ou deux dans maboite c etait deja heroique) voir un emploi (la c etait vraiment inespere). Ayant frequente untemps un institut bien connu de la rue saint guillaume le contraste etait choquant et ce .parce que le monde enseignant (recrute tels que decrits ci dessus, avec en plus des recrusde qualite car mises au placard en attendant leur retraite de facs n ayant RIEN a voir avec leconomie) avait peu d interet a demerder la situation des eleves. En gros le probleme(critique) de debouche des etudes universitaires me paraissait autant provenir de l institutionet de ses relations (paranoiaques) avec son environnement (a h ces conventions de stage, l

enfer des drh) que de sa volonte (pas envie de s emmerder et d assumer des taches pourlesquels on est pas paye) a soutenir les eleves a si le critere de remuneration des ufr(symbolique et financier) et de leurs membres c etait pas le taux de reussite au diplome etles publications, mais plutot le taux d eleve ayant un emploi apres leurs cursus (je sais il y aun biais sociologique) on aurait une nouvelle fac, peut etre plus au service de ses usagers,qui mine de rien paient (par leurs impots) pour acceder a ce beau service mais apres toutsi les eleves ne sont pas content ils n ont qu a rentrer a sciences-po


Merci pour ce tmoignage trs intressant.

Vous rappelez : Les enseignants chercheurs [] ont galement pour mission le


29/32

dveloppement de la recherche []. (Article 3 du Dcret du 6 juin 1984 []).

Qui contrle cette mission ?? Quelles sanctions sont appliques ceux qui ne font *pas*de recherches, ou les mnent nimporte comment ??

*Certains* matres de confrences et professeurs duniversit se contentent de faire leurs192h/an (oui, par AN) de charge pdagogique et/ou administrative, et ne font jamais derecherches. *Certains* profitent mme de leurs temps libre (considrable !) pour doubler

leur salaire avec une activit extrieure (les enseignants-chercheurs sont les seulsfonctionnaires jouir de ce droit, on se demande bien pourquoi ).

Oui, mais un matre de confrences ne faisant pas de recherche ne peut passer au rangsuprieur (= prof duniversit). Faux, cest parfaitement faisable : il lui suffit dtre*parrain* par un prof duniversit souhaitant sen faire un alli toujours utile au momentdes votes en commissions ( de spcialistes , etc ). Le prof duniversit na qu rajouterdurant qqs mois le nom du matre de confrences sur les articles quil publie, puis laider prparer son dossier et surtout lui composer un jury amical et tolrant (deux rapporteurs suffisent). Ensuite, le tour est jou en qqs heures de soutenance.

Et je ne compte pas les autres pratiques dtestables vues durant mes 7 annes passes luniversit, dans deux labos de sciences.

Je connais dj les rponses du type ouais mais il y a des brebis galeuses dans tous lesmtiers . La diffrence, cest qu luniversit, les fainants, parasites, profiteurs etmandarins de toutes espces ne sont *jamais* contrls ni sanctionns, et profitent desguerres *claniques* pour entretenir leurs activits en toute srnit.

Ces spcialistes ( lite scientifique de notre socit ) sont trs bien reprsents dansles rseauxpolitiques (ils ont tout le loisir den faire !),mdiatiques (vous savez, toujours les mmes spcialistes de rfrence sur tel ou tel sujet

rcurrent)et conomiques (grce leurs lucratives activits hors universit).

Ils ont de beaux jours devant eux avant dtre inquits par une quelconque rforme deleurs *devoirs*. Je me demande vraiment comment la recherche universitaire pourrasamliorer sans rformer le statut ultra-protg de ces enseignants- chercheurs .

Quand je vois la recherche publique rclamer des moyens matriels et financiers, il y ade quoi se taper le cul par terre en chantant la Marseillaise, et je me dis que cette longuedcadence anarchique de la recherche publique est entretenue en haut lieu afin de favoriserla recherche prive et ses bons gros intrts marchands, plus *intressants* que les tudesdes sociologues gchistes

ailleurs sur internet

22 octobre 11:00Cette lettre est aussi discute ailleurs sur internet (srie de liens ici :http://coulmont.com/blog/2007/10/17... [http://coulmont.com/blog/2007/10/17/et-ailleurs-dunezat-suite/] )


30/32

Voir en ligne : Conversations autour de la lettre de X. Dunezat[http://coulmont.com/blog/2007/10/17/et-ailleurs-dunezat-suite/]

Xavier Dunezat

Pourquoi ce texte?Le 1er septembre 2007, Xavier Dunezat a dmissionn de son poste de matrede confrences en sociologie luniversit pour redevenir enseignant desciences conomiques et sociales (SES) au lyce. Dans une longue lettre qui seveut accessible tous, il explique les raisons de sa dcision, qui tiennent aux gros problmes collectifs luniversit. Mouvements souhaite donner delcho ce tmoignage cru sur la ralit universitaire, qui lve le voile sur ceque lon ne voit mme plus, et permet de lancer le dbat sur la rformeuniversitaire. Alors que loi Pcresse relative aux liberts et responsabilits desuniversits a t vote sans concertation pendant lt, il sagit de pointer les

rels dysfonctionnements du systme universitaire, afin de proposer dautressolutions. La loi Pcresse ne rsout en effet aucun des problmes soulevs parXavier Dunezat, en posant les bases dun systme clientliste dspcialis etdune universit plusieurs vitesses qui sacrifie la recherche, notamment ensciences humaines et sociales, et renonce former les tudiants sansdiscrimination dorigines ou de ressources.Notes

[1] Faute de learning-by-doing, je dlaisserai ici les pratiques dont jai eu choen matire de slection des dossiers : travail mal/non fait, perte de dossiers,

rpartition injuste du travail de slection, etc.

[2] Je pense cette amie candidate slectionne pour plus de 10 auditions, chaque fois refuse en dpit de la qualit de son dossier et qui on disaitparfois quelle avait t bien meilleure que les autres : Oui mais voil, vouscomprenez, on avait un-e candidat-e local-e

[3] Collectif de Lutte Anti-Sexiste Contre le Harclement dans lEnseignementSuprieur.

[4] Jai mme entendu parler dun recrutement pistonn qui avait favoris un-ecandidat-e local-e que bien des personnes de la commission de spcialistessavaient tre membre dune quasi-secte

[5] A Lille par exemple, mme si je ny ai pas compris grand-chose, la directiondu laboratoire de recherche et la direction de lInstitut de sociologie ne saimentpas. La conflictualit qui en rsulte structure en profondeur les dynamiquesdiscursives mais aussi les inerties rformistes.

[6] Je sais quil existe des syndicats luniversit mais je nai crois aucun-e

syndicaliste actif-ve en un an.

[7] Dailleurs, je serais assez curieux de connatre la date de la dernireretenue collective sur salaire pour fait de grve dans la communaut


31/32

enseignante que jai frquente

[8] Jai compris que les gens avaient conscience de cette dimension lannoncede ma dcision de dmissionner. Alors que je mattendais des reproches pourma dsertion , jai eu la surprise dtre plusieurs fois interpell avec unegrande gentillesse (mais avec discrtion). On mexpliquait alors que javais bienraison et bien de la chance de pouvoir fuir. Visiblement, le dsert relationneluniversitaire fait souffrir beaucoup de gens mais la dsorganisation collective

individualise les souffrances et encourage un silence gnral

[9] En particulier, tout ce qui peut relever dun effort de coordination concernela recherche Jai dlaiss tout ce qui concerne mon rapport la recherche danscette lettre. Je sais que, souvent, les choses ne se passent pas beaucoup mieuxmais, comme jappartiens un laboratoire qui fonctionne plutt bien, je nai pasdexprience si ngative en la matire. Simplement, je minquite commebeaucoup de la marchandisation force de lactivit de recherche ainsi que durenforcement des contrles administratifs, et je morganise pour viter toutedpendance financire en choisissant des terrains pas chers . Jai bien senti

que, en devenant matre de confrences, javais acquis une lgitimit de chercheur plus forte (ce qui se traduit par davantage dinvitations,darticles, etc.) mais ce nest pas vraiment ce qui mavait motiv dans mon sautvers luniversit.

[10] Je ne peux mempcher de relater une anecdote ce propos, qui concerneun groupe dtudiant-e-s que javais en licence 1. Un jour dexamen, cestudiant-e-s avaient des preuves de 8 heures 10 heures du matin, puispause dune demi heure, puis mon propre examen partir de 10 heures 30.Comme les profs responsables des preuves de 8 heures taient absent-e-s

lors de louverture des sujets, les surveillant-e-s ont commis une erreur et ontdistribu mon propre sujet dexamen (soit celui de 10 heures 30). Senapercevant, elles et ils distribuent le bon sujet puis tentent de rcuprer monsujet puis dcident de le redistribuer en se disant quil suffisait de supprimer lapause et de faire durer la matine une demi-heure de moins. Manque de pot,plusieurs tudiant-e-s navaient que mon examen passer et sont arriv-e-s 10 heures 30 tandis que, parmi les convoqu-e-s de 8 heures, plusieurs taientdj parti-e-s. Rsultat : vu les risques de fuite et de rclamation, lpreuve at annule au grand dam des tudiant-e-s et il a fallu tout recommencer(refaire un sujet, retrouver une salle, reconvoquer tout le monde, etc.). Tout a

parce que mes collgues ntaient pas l lors de louverture des sujets commeelles et ils en ont lobligation

[11] Cet lment ne suscitait que peu de ractions de la part de mes ex-collgues, habitu-e-s aux trafics post-jury afin de rattraper les erreurs etomissions. En revanche, pour quelquun comme moi qui venant du lyce at socialis par la grosse machine du bac, ctait proprement hallucinant.

[12] Parce que les personnes nouvellement recrutes sont laisses dans la plusgrande ignorance en ce qui concerne la prise de dcisions au niveau dune

universit, je nai pas eu le temps de comprendre le mode dorganisationgnral de Lille 1 et en particulier tout ce qui relve de linformel dans lefonctionnement. Je soulignerai seulement que les autorits administratives(Prsident, Conseil dadministration, etc.) mont sembl bien loin de mon travail


32/32

ordinaire.

[13] Lorganisation des filires a de fortes similitudes dune universit lautre.Cependant, mon propos doit tre relativis par le fait quune certaineautonomie des universits autorise des modes dorganisation variables. Ce queje vais expliquer prvaut Lille 1 mais ne se retrouve pas systmatiquementailleurs.

[14] Entendons-nous bien : cette organisation des enseignements ludelargement les questions de coordination que jai voques supra pour sefocaliser sur la rpartition des services, le recrutement de prcaires, le planningde lanne, le bilan des examens, les mentions de la filire, le maintien ou nondun cours dsert, etc.

Mots clsEducationItinrairesUniversitAutres textes de l'auteurA lire aussi...

Les 35 heures, un cas dcoleDpolitiser les chiffres du chmageLa socit du prcariatDe la psychiatrie la socit salarialeVoir sur d'autres sites :

Documents

Pourquoi démissionner de l’université