5
Médecine palliative — Soins de support — Accompagnement — Éthique (2009) 8, 266—270 EXPÉRIENCES PARTAGÉES Pourquoi les EMSP se débaptisent-elles pour devenir des EMSS ? Changing a mobile unit’s name from Palliative Care to Supportive Care Laurence Bounon ,1 , Jean-Louis Béal La Mirandière, CHU de Dijon, 1, rue de la gouge, 21801 Quetigny, France Rec ¸u le 14 octobre 2008 ; accepté le 14 janvier 2009 Disponible sur Internet le 10 mars 2009 MOTS CLÉS Soins palliatifs ; Soins de support ; EMSP ; EMSS ; Mouvement des soins palliatifs ; Institutionnalisation des soins palliatifs Résumé Un certain nombre d’équipes mobiles de soins palliatifs (EMSP) s’est débaptisé pour devenir des équipes mobiles de soins de support (EMSS). Une longue pratique dans une unité de soins palliatifs (USP) dont les modalités d’admission sont proches de l’activité d’une EMSP, nous fait dire que ces tentatives d’amalgames des soins de support et des soins palliatifs ne viennent pas de la cancérologie. Cette esquive du terme « soins palliatifs » est venue de l’intérieur même du mouvement des soins palliatifs. Les EMSP craignent que les représentations induites par le terme « soins palliatifs », essentiellement la proximité de la mort, nuisent à la pérennité de leur fonctionnement, alors même que leur mission initiale en faisait, avec les USP, les chevilles ouvrières susceptibles d’ouvrir le monde médical à une approche plus anthropologique de la souffrance et de la mort. © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. KEYWORDS Palliative care; Supportive care; Movement of palliative care; Institutionalization of palliative care Summary In France, certain mobile palliative care units have changed their name, calling themselves mobile supportive care units. The long history of admissions to supportive care wards, where the care activity is very similar to that proposed by the mobile units, would suggest that the amalgam between supportive care and palliative care does not arise from cancerology. For us, it is the advocates of the palliative care movement themselves who are dodging the term ‘‘palliative’’ care. It is feared that using the term ‘‘palliative care’’ in the name of a mobile unit would have a negative effect on functional efficacy because of the negative representations attached to the term ‘‘palliative care’’ and its proximity to death. Auteur correspondant. Adresses e-mail : [email protected] (L. Bounon), [email protected] (J.-L. Béal). 1 Photo. 1636-6522/$ — see front matter © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.medpal.2009.01.002

Pourquoi les EMSP se débaptisent-elles pour devenir des EMSS ?

Embed Size (px)

Citation preview

M

E

Pd

C

1d

édecine palliative — Soins de support — Accompagnement — Éthique (2009) 8, 266—270

XPÉRIENCES PARTAGÉES

ourquoi les EMSP se débaptisent-elles pour devenires EMSS ?

hanging a mobile unit’s name from Palliative Care to Supportive Care

Laurence Bounon ∗,1, Jean-Louis Béal

La Mirandière, CHU de Dijon, 1, rue de la gouge, 21801 Quetigny, France

Recu le 14 octobre 2008 ; accepté le 14 janvier 2009Disponible sur Internet le 10 mars 2009

MOTS CLÉSSoins palliatifs ;Soins de support ;EMSP ;EMSS ;Mouvement des soinspalliatifs ;Institutionnalisationdes soins palliatifs

Résumé Un certain nombre d’équipes mobiles de soins palliatifs (EMSP) s’est débaptisé pourdevenir des équipes mobiles de soins de support (EMSS). Une longue pratique dans une unité desoins palliatifs (USP) dont les modalités d’admission sont proches de l’activité d’une EMSP, nousfait dire que ces tentatives d’amalgames des soins de support et des soins palliatifs ne viennentpas de la cancérologie. Cette esquive du terme « soins palliatifs » est venue de l’intérieur mêmedu mouvement des soins palliatifs. Les EMSP craignent que les représentations induites par leterme « soins palliatifs », essentiellement la proximité de la mort, nuisent à la pérennité deleur fonctionnement, alors même que leur mission initiale en faisait, avec les USP, les chevillesouvrières susceptibles d’ouvrir le monde médical à une approche plus anthropologique de lasouffrance et de la mort.© 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDSPalliative care;Supportive care;

Summary In France, certain mobile palliative care units have changed their name, callingthemselves mobile supportive care units. The long history of admissions to supportive carewards, where the care activity is very similar to that proposed by the mobile units, wouldsuggest that the amalgam between supportive care and palliative care does not arise from

Movement of

palliative care;Institutionalization ofpalliative care

cancerology. For us, it is the advocates of the palliative care movement themselves who aredodging the term ‘‘palliative’’ care. It is feared that using the term ‘‘palliative care’’ in thename of a mobile unit would have a negative effect on functional efficacy because of thenegative representations attached to the term ‘‘palliative care’’ and its proximity to death.

∗ Auteur correspondant.Adresses e-mail : [email protected] (L. Bounon), [email protected] (J.-L. Béal).

1 Photo.

636-6522/$ — see front matter © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.oi:10.1016/j.medpal.2009.01.002

Pourquoi les EMSP se débaptisent-elles pour devenir des EMSS ? 267

Practitioners worry about preserving their unit’s efficacy, even though their initial mission, likeregular supportive care wards, is to promote within the medical community a more anthropo-logical approach to suffering and death.© 2009 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

dcdqssetEdn

Ldp

Lfisdtmlpqébl

sldlcshlcgslc

Les difficultés du débat à propos des soins de support sontliées à l’histoire des soins palliatifs et des modalités de leurinstitutionnalisation. Nous travaillons dans l’unité de soinspalliatifs (USP) La Mirandière. Ceux qui l’ont ouvert, il y a15 ans, ont fait le pari de témoigner de la vie en écoutantl’homme, au cœur de la souffrance, à cet endroit qui eststatistiquement un mouroir. Au fil des années, nous avonstravaillé ensemble et à l’intime de nous-mêmes sur les mots(mouroir, mourant, vivant, vie. . .) et sur les représentationsque nous en avons. Ce travail nous fait dire que les dénomi-nations sont importantes.

Dans cette USP, nous sommes restés très proches de cequi a fondé le mouvement des soins palliatifs et de cequ’on a appelé la philosophie des soins palliatifs. Aussi,depuis plusieurs années nous réfléchissons, à travers notreenseignement, nos interventions et nos publications, à cestentatives d’amalgame des soins palliatifs et des soins desupport.

Les soins de support viennent de lacancérologie, mais le débat conceptuelvient de l’intérieur des soins palliatifs

Lors d’un atelier du congrès de la SFAP en 2005, nousavions relevé l’exemple du groupe de réflexion surl’accompagnement et les soins palliatifs en hématologie(GRASPH). De 1992 à 2000, le GRASPH avait mis en placeune démarche palliative en hématologie. Devenu le groupede réflexion sur l’accompagnement et les soins de supportpour les patients en hématologie et oncologie (GRASPHO,[ajout d’un O pour oncologie]), il a réfléchi ensuite à un« modèle de société participative » qui « dépasse le domainedes soins palliatifs et concerne tout individu en souf-france existentielle ». En 2005, par l’ajout d’un S, il estdevenu le GRASSPHO. Cette homophonie cache un chan-gement de sens : l’accent est délibérément déplacé del’accompagnement et des soins palliatifs aux soins de sup-port, présentés comme une coordination « des différentescompétences devenues indispensables à l’application dessoins non spécifiques à la maladie grave ». Qu’une associa-tion issue de la cancérologie se soit constituée autour dessoins palliatifs, puis ait modifié ses statuts pour s’intéresserdésormais aux soins de support [1] a une plus faible portéeque le changement de nom des équipes mobiles de soins pal-liatifs (EMSP) qui se rebaptisent équipes mobiles de soins desupport. Pour ces EMSP, il s’agit de se rapprocher des direc-tives et des subsides du plan cancer, mais aussi d’échapper à

la connotation dérangeante qu’évoque le terme « soins pal-liatifs ». Cette option qui consiste à faire disparaître les soinspalliatifs dans les soins de support ne vient pas de la cancé-rologie. Un des initiateurs des soins de support en France,I. Krakowski, confirme que cette tendance est bien venue

dldvm

e l’intérieur du mouvement des soins palliatifs et non de laancérologie. Cancérologue au centre Alexis-Vautrin, centree lutte contre le cancer (CLCC) de Nancy, il a insisté pourue ceux qui soignent les patients dans les lits dédiés deoins palliatifs se présentent clairement comme médecin etoignants de soins palliatifs, signifiant ainsi que leur activitést liée au constat qu’il n’y a plus de ressources thérapeu-iques pour guérir ou ralentir le processus de la maladie.n outre, le projet d’établissement prévoit la poursuite duéveloppement de l’EMSP au sein du service interdiscipli-aire de soins de support.

En réalité, cette esquive du terme « soinspalliatifs » vient de l’intérieur même du

mouvement des soins palliatifs.

’intégration des soins palliatifs se faitans l’ordre du fonctionnement, maiseut-il en être autrement ?

a seconde moitié du xxe siècle a été marquée par des modi-cations rapides de société liées à une révolution techniqueans précédent dans l’histoire de l’humanité. Le mouvementes soins palliatifs, apparu en France dans les années 1980,entait d’ouvrir un questionnement anthropologique sur laort dans nos vies. Plus largement, il interrogeait la Vie et

es vivants, versus « Éthique », pour pallier aux effets de cesrofondes mutations qui ont laissé l’homme sans repère. Ceu’on a appelé la « philosophie des soins palliatifs » est unelaboration du monde médical qui tente de répondre de ceouleversement rapide du rapport de l’homme moderne àa mort.

Nos vies étant désormais institutionnalisées et médicali-ées de la naissance (et même dès la conception !) jusqu’àa mort, cette philosophie ne pouvait apparaître et êtreéclinée que dans un lieu médical. Par l’intermédiaire dea « culture palliative », il s’agissait « non pas de démédi-aliser la mort, mais d’inventer la médecine technique auervice de l’humanité de l’homme et des relations inter-umaines » [2]. Cette invention s’est développée à traversa création des USP et celle des EMSP, définies par la cir-ulaire Laroque du 26 août 1986. Ce texte d’orientationénérale visait l’intégration des soins palliatifs dans le pay-age de la santé. Plus tard, en garantissant le « droit à’accès aux soins palliatifs »[3], l’État les a inscrits dans lehamp social et législatif et entériné l’institutionnalisation

e la mort. Ainsi, d’un point de vue administratif,es soins palliatifs sont devenus une compétence parmi’autres qui participe à la gestion médicosociale de laie traversée par la maladie et éventuellement par laort.

2

«c

Pétpgtqt

léétpt1psaspsp

mcpnlfg«fsptllmgddpcdttdéceftilqdu

«ou

Ltlloamvdll

lbatdenelcd

tm•••

npcdàcql

Ll

68

Palliatif » : un signifiant encombrant pourertaines EMSP

our que le mouvement des soins palliatifs perdure, iltait essentiel qu’ils sortent de la marginalité associa-ive et qu’ils s’intègrent dans les pratiques de soins. Maislus ils s’intègrent au fonctionnement médicosocial, plusrande est la menace « que l’on en arrive (. . .) à substi-uer des solutions techniques aux valeurs existentielles » [4]ui étaient soutenues par le mouvement des soins pallia-ifs.

Ainsi, des EMSP tentent de transformer ou de gommere terme « soins palliatifs ». Leur mode de fonctionnement,claté au sein de l’institution hospitalière, confronte cesquipes à une errance identitaire, illustrée par la substi-ution du terme « soins de support » à celui de « soinsalliatifs ». Dès la fin de l’époque des pionniers, la ques-ion s’était déjà posée avec le terme « soins continus ». En999, au congrès de l’Association européenne pour les soinsalliatifs [5] une banderole proclamait : « Les soins palliatifsont morts, vive les soins continus ! ». À la même époque,lors que paraissait le premier plan de développement desoins palliatifs 1999 à 2001, nombre d’EMSP s’est débaptiséour devenir des équipes mobiles de soins continus, d’autrese sont ouvertes sous cette appellation grâce à l’argent dulan Kouchner.

Ce qui est paradoxal, c’est de vouloir changer la déno-ination de l’objet qu’on a pour mission d’intégrer. Mais le

oncept des EMSP a rencontré de telles difficultés à occu-er une place en territoire médical, que certaines changenton seulement de dénomination mais aussi d’objet. La mobi-ité, qui était apparue comme un atout conceptuel fort pouravoriser le développement des soins palliatifs, se révèle uneêne pour certaines EMSP, celle de ne pas être assignée à uneplace » reconnue. Nous avons ainsi observé des EMSP qui,

aute d’être sollicitées de manière ciblée par les services,e cherchent une « place » dans l’organisation des soins, enrivilégiant une des acceptions du terme « palliatif ». « Ceerme recouvre en effet plusieurs dimensions selon qu’on’utilise pour décrire une conception de soins (les soins pal-iatifs), une phase de la maladie (phase palliative) ou unode d’intervention (équipe de soins palliatifs) » [6]. Cette

ymnastique sémantique permet d’élargir les possibilitése financement des EMSP, en particulier pour bénéficieres subsides du plan cancer. Elle est aussi une tentativeour éviter que la « phase palliative de la maladie » ne soitonfondue avec les « soins terminaux ». En effet, la craintee certaines EMSP est que « le terme ‘‘ soins palliatifs ’’ soitrop vite associé à la mort », (. . .) et ainsi, « d’être can-onnées à des soins auprès de patients en phase terminalee leur maladie permettant ainsi de reléguer la mort à desquipes spécialisées » [7]. Lors d’un atelier controverse duongrès de la SFAP 2008, G. Laval masquait ce déni de la mortn affirmant : « peu importe les dénominations quand on estace à une personne humaine qui souffre ». Nous avions mon-ré, en nous appuyant sur notre clinique, qu’il n’est jamais

nsignifiant de passer d’une dénomination à une autre, que’on soit ou non face à une personne qui souffre, parceue parler, être nommé et nommer, font notre spécificité’homme. Il s’agit au contraire d’un endroit qui peut êtrene ouverture à la parole.

Pdàtà

L. Bounon, J.-L. Béal

Palliatif » : un signifiant qui peut être uneuverture à la parole, si nous rencontronsn patient et non un « mourant »

a crainte de certaines EMSP est que les perceptions néga-ives induites par le terme « soins palliatifs » nuisent àa pérennité de leur fonctionnement, alors même queeur mission initiale en faisait, avec les USP, les chevillesuvrières susceptibles d’ouvrir le monde médical à unepproche plus anthropologique de la souffrance et de laort. Nous affirmons au contraire que c’est la mise au tra-

ail de ces craintes, en particulier par le biais des visites’évaluation, qui a assuré jusqu’à ce jour la continuité eta place de l’USP La Mirandière, dans le paysage médicalocal.

C’est la traversée des signifiants que faitsurgir en chacun de nous le terme « soins

palliatifs » et non leur évitement, qui peutpermettre une ouverture à la parole.

Accompagner un autre ne peut pas se vivre dans’évitement de ce que nous craignons. Quelle que soit laonne intention, éviter reste du domaine de la maîtrise,lors qu’accepter la rencontre, c’est risquer la confron-ation à l’inconnu et à l’incertitude. Cette position deémaîtrise n’est pas facile à tenir parce qu’elle est, parssence, en équilibre instable. C’est pourtant celle queous avons accepté de chercher pour répondre de notrengagement dans le mouvement des soins palliatifs et dans’aventure de La Mirandière. Nous ne retiendrons ici deette aventure que les aspects qui indiquent l’importancees dénominations.

La Mirandière ouvre le 1er juin 1993. Le projet de fonc-ionnement s’inscrit très exactement dans le cadre de laission définie par la Circulaire Laroque [8] :une unité spécialisée de petite taille ;trois missions : soins, enseignement, recherche ;un objectif : diffuser dans tous les services un savoir quileur permette de pratiquer les soins palliatifs.

Avant même l’ouverture de l’unité, nous savions queous aurions à débattre des paradoxes de la démarchealliative. Ceux qui venaient y travailler avaient déjà par-ouru, de 1984 à 1993, un long chemin clinique (un tierses soignants travaillait déjà ensemble dans une cliniqueorientation cancérologique) et théorique avec des méde-

ins et des soignants du CHU, du CLCC et d’autres cliniques,ui avaient activement participé à la mise en place de’unité.

’USP La Mirandière, c’est un endroit où’on meurt !

our répondre à notre triple mission de soins,’enseignement et de recherche, nous avons travailléajuster une pratique en la confrontant aux différentes

héorisations, ce qui nous a conduits à renoncer fermementtoute théorisation sur le mourant , la souffrance ou

S ?

Le

Elcmmpv

n«c

l«[m

lvpvhqlt«

C

PsmldlppSmdd

R

[

Pourquoi les EMSP se débaptisent-elles pour devenir des EMS

l’accompagnement. . . pour nous laisser travailler à l’intimede nous-mêmes par les questions que posent la souffranceet la mort dans nos vies.

Ce qui autorise à parler de l’accompagnement ne peutpas être dans la fabrication d’un discours qui s’auto-entretient en se répétant. Ce discours, construit sur lemodèle médical, est un « savoir » référé aux procéduresscientifiques qui enferment notre rapport au corps et àla mort dans un pur fonctionnement. C’est un « discourssur », déconnecté de l’écoute et de la parole vraie. Ilproduit un enseignement qui explique le « mourant » et« une facon judicieuse d’apprivoiser la question de la mort »[7]. Plus il est raconté et plus il fait inflation de mots.Au final, il devient comme une évidence incontournable,une manière redoutable d’être dans le fonctionnement dessoins palliatifs.

C’est pourquoi, le fait de créer une unité spécialiséepour enseigner que les soins palliatifs ne sont pas affairede spécialistes n’est pas si paradoxal qu’il y paraît. Parta-ger le quotidien de la vie dans cette unité qui accueille despatients dont on ne peut pas guérir la maladie, nous autoriseà proscrire les discours pour témoigner de notre pratique :La Mirandière est un endroit où l’on vit et où l’on soigne,même si cette vie est menacée à court terme. Ce qui estimportant, c’est d’écouter la vie et de témoigner qu’êtrevivant n’est pas équivalent à ne pas être malade. Ce quiest important c’est de dire qu’être vivant, c’est aussi êtremalade. . . et mourir.

La Mirandière est une USP de 15 lits. Ouverte depuis1993, elle a accueilli 2775 patients et 2400 personnes y sontmortes. La durée moyenne de séjour est de 28 jours. Environ6000 patients ont bénéficié d’une visite d’évaluation avantadmission. Cette visite permet de rencontrer le patientet sa famille, de s’assurer que le patient satisfait auxcritères d’admission sur les plans clinique, psychologiqueet financier (prise en charge en ALD), et d’analyser lademande exprimée à laquelle la réponse n’est pas toujoursl’admission.

Par ces évaluations, pratiquées dans tous les établisse-ments publics et privés de l’agglomération et à domicile,suivies ou non d’une admission, La Mirandière intervientselon les finalités que poursuivent les EMSP. Ce moded’intervention est bien conforme aux discours fondateursdes EMSP, à savoir la volonté de pratiquer des soins pal-liatifs sur tous les lieux de soins. C’est notamment le casdes évaluations qui ne débouchent pas sur une admissionà La Mirandière et qui nécessitent parfois un suivi. Cesévaluations et ces suivis ont toujours été pratiqués par LaMirandière, sans reconnaissance effective de la dénomina-tion d’EMSP, ni financement correspondant. En 2008, uneEMSP a été créée au CHU de Dijon. Elle est rattachée àl’USP La Mirandière et les soignants participeront tantôtà l’activité de l’USP, tantôt à celle de l’EMSP. Ce ratta-chement est capital car les soignants mobiles pourront seréférer à une structure de soins et ne pas être des élec-trons libres. Elle se dénomme bien « EMSP », contrairementà la tendance actuelle qui essaye d’estomper le signifiant

du mot « palliatif » en le faisant précéder par celui de soinsde support, voire en le supprimant. Nous considérons, eneffet, que cette dénomination est un élément primordial. Ilamorce une démarche de soins palliatifs, justement parcequ’il permet de nous nommer et de parler.

[[[[

269

’USP La Mirandière, c’est aussi unndroit où l’on vit !

st-il besoin de préciser que pour beaucoup de dijonnais,’association immédiate est : « L’USP La Mirandière mais. . .

’est l’endroit où l’on meurt ! ». Pourtant, nos observationsontrent souvent comment la « visite d’évaluation » d’unédecin de l’unité est un précieux sésame. Elle permet auxatients de parler de leur refus, pour consentir ensuite àenir vivre dans cet endroit où l’on meurt.

L’accompagnement est rarement conforme à ce queous imaginons. Mais, finalement, nous pensons que le vraitravail » est de reconnaître qu’au fond, il est heureux quea ne fonctionne pas comme nous l’imaginions !

Au fil des années, nous avons appris que leprésent de la rencontre n’existe que si nous

travaillons à nous détacher de nos anticipations.

Cette position fait que nous ne nous sentons pas spécia-ement en difficulté lorsque nous sommes appelés pour unpatient ‘non’ en phase terminale de sa maladie évolutive »

7] : c’est plutôt une bonne nouvelle pour lui et c’est uneanière de faire connaissance.Malgré le respect des règles de fonctionnement et

’application rigoureuse des critères d’admission lors desisites d’évaluation, il arrive que « ca » nous échappe. . . Unatient meurt deux heures après son admission, un autre vaivre trois ans à La Mirandière. . . C’est à chaque fois, uneistoire singulière que nous avons à écouter. Ces situationsui échappent au « bon fonctionnement » nous mettent sure chemin de la démaîtrise. Tant que les modalités institu-ionnelles du fonctionnement médical nous autoriseront cesdérapages », nous seront des humains. . .

onclusion

arce qu’il cherche à parler de l’homme, le mouvement desoins palliatifs est au cœur des tensions de tout chemine-ent humain. Son histoire est celle d’une oscillation entre

a volonté de maîtriser la vie par le fonctionnement et leésir d’écouter comment la vie se décline en chacun dansa singularité de nos histoires et de nos rencontres. En rap-elant que « soins de support » et « soins palliatifs » ne sontas des termes superposables ou interchangeables [9], laFAP redit l’importance des dénominations et tente ainsi deaintenir les enjeux symboliques et humains du mouvementes soins palliatifs mis à mal par la volonté de maîtrise ete gestion scientifique et juridique de la Vie.

éférences

1] Synthèse du groupe de travail de la DHOS sur les soins de supportdans le plan Cancer. Juin 2004.

2] Cadoré B. Ethica Clinica 2001;no spécial, 39-42.3] Loi no 99-477 du 9 juin 1999.4] Desfosses G. Lettre de la SFAP no 19. Hiver 2004/2005.5] 6th Congress of the European Association for palliative care,

Genève, les 22, 23 et 24 septembre 1999.

2

[

[

[

70

6] Aubry R. Faut-il craindre ou souhaiter les soins de support ? LaSFAP en questions. Med Pal 2004;3:163—5. Président de la SFAP.

7] Résumé G. Laval. Médecin EMSP, CHU de Grenoble, ateliercontroverse, SFAP 2008 — Nantes.

8] Bulletin officiel, no 86/DGS/3D.

[

L. Bounon, J.-L. Béal

9] Le Président de la SFAP, le Dr Godefroy Hirsch, et le Conseild’administration. Lettre ouverte aux Agences régionales del’hospitalisation, aux directeurs d’établissements de santé, auxprésidents de CME, aux équipes de soins palliatifs et aux asso-ciations de bénévoles d’accompagnement. Le 4 décembre 2007.