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POUSSEES ET DEFORMATIONS DES COFFRAGES DE TUNNEL PENDANT LE BÉTONNAGE POUSSÉS ET DÉFORMATIONS DBS COFFRAGES DE TUNNEL PENDANT LE BÉTONNAGE Les différentes méthodes de calcul connues concernent des ouvrages courants. Appliquées aux tunnels, elles donnent des résultats assez concor- dante. Ces résultats restent compara- bles aux résultats de mesures effec- tuées au tunnel du Seelisbergpuis sur deux tunnels routiers français. par Michel LEGRAND, Scefauroute Alain MERCUSOT, Centre d'Etudes des Tunnels PRESSURES AND DEFORMATIONS OF TUNNEL SHUTTEMNG DURMG CONCRETING OPERATIONS The various known design calculation methods appîy to current structures. Used for tunnels, they yield fairly consistent results. Thèse resutts remain comparable to thé results ofmeasure- ments carried out in thé Seelisberg tunnel and then on two French motor- way tunnels. AVANT-PROPOS - En règle générale, la conception des coffrages de tunnel et la mise en œuvre du béton à l'intérieur de ceux-ci résultent d'une approche semi-empirique qui a rarement donné satis- faction et conduit à conclure au sous-dimensionnement des outils. Eneffet les efforts exercés sur les coffrages en cours de bétonnage varient en fonction de plusieurs paramètres à savoir, et cette liste n'est pas exhaustive : - l'épaisseur du béton. - les caractéristiques du béton frais - la déformabiMté du coffrage - la vibration du béton - la vitesse de remplissage du coffrage - le niveau et la symétrie du remplissage. - Les paramètres ne sont pas indépendants. Par exemple, l'effet de la vibration dépend à la fois des caractéristiques du béton frais et du volume à vibrer. En effet, plus le béton est consistant et le volume important, plus le temps de vibration doit être long. Sachant que la vibration a une influence sur la résistance du béton et l'aspect du parement, on comprend l'utilité de cette opération. Par contre, une vibration excessive entraîne un accroisse- ment des poussées s'exerçant sur le coffrage et suivant sa déformabilité, les déplacements peuvent être importants et en final mettre en péril la géométrie intérieure de l'ouvrage. fl en est de même pour la vitesse de remplissage. Un béton frais s'élevant trop rapidement dans un coffrage est assimila- ble à un liquide dont la poussée est proportionnelle à toute sa hauteur et l'effet de prise progressive est beaucoup trop lent par rapport à la vitesse de montée pour limiter les poussées. Dans ce cas, on dépasse vite les hypothèses de calcul des outils. - Les exemples montrent la complexité du problème à résoudre pour appréhender les efforts à prendre en compte dans la conception des coffrages ainsi que pour la mise au point des notices d'emploi de ces outils. - Aussi, cet article traitera dans une première partie des études déjà réalisées sur le sujet en France et à l'étranger, puis dans une seconde partie des mesures réalisées in situ dans les tunnels de Ponserand (Savoie) et des Iles (Corrèze) par le Centre d'études des tunnels. I. SYNTHÈSE BIGLIOGRAPHIQUE Ll. AVERTISSEMENT Les règles et normes existantes pour déterminer la poussée du béton frais sur les coffrages concernent la réalisation d'ouvrages verticaux définis par des plans (murs et poteaux). Une tolérance sur la verticalité est parfois admise : ± dans la norme DIN 18218 [9] *. fl s'agit donc d'ouvrages simples dont les conditions d'exécu- tion sont assez éloignées de celles rencontrées en tunnel. En particulier, la géométrie et les conditions d'appui d'un cof- frage de revêtement de tunnel ne sont comparables à aucun autre cas existant dans les constructions à l'air libre. Malgré ces réserves, il convient d'examiner ces textes avec attention : 1. parce que ce sont les seules règles publiées existantes ; 2. parce que les seules hypothèses communiquées par les constructeurs sont issues de ces règles. Les autres hypothèses et règles éventuellement prises en compte par les constructeurs tiennent au "savoir-faire" de chacun d'eux et sont rarement explicitées dans les notes justificatives présentées. Par ailleurs, il faut remarquer que les défauts ou incidents constatés sur les chantiers tiennent bien plus souvent au non-respect des règles de mise en œuvre des coffrages qu'à des hypothèses de dimensionnement qui peuvent paraître simplistes à priori L2. POUSSÉE DU BÉTON FRAIS SUR UN COFFRAGE VERTICAL L'ensemble des auteurs admet que les pressions dévelop- pées par du béton frais sur un coffrage vertical augmentent de façon hydrostatique jusqu'à un maximum et restent alors constantes. Cette règle est applicable tant que le béton est compacté par vibration interne sur une profondeur inférieure à hmax. En cas de vibration externe par le coffrage, la pression est hydrostatique sur toute la hauteur concernée. * Les chiffres notés entre [-] indiquent la référence bibliographique figurant en fin d'article. 30 TUNNELS ET OUVRAGES SOUTERRAINS 121 — JANVIER/FÉVRIER 1994

POUSSEES ET DEFORMATIONS DES COFFRAGES DE … · Les différentes méthodes de calcul connues concernent des ouvrages ... La pression maximale sur un coffrage vertical est prise

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POUSSEES ET DEFORMATIONSDES COFFRAGES DE TUNNEL

PENDANT LE BÉTONNAGE

POUSSÉS ET DÉFORMATIONSDBS COFFRAGES DE TUNNELPENDANT LE BÉTONNAGE

Les différentes méthodes de calculconnues concernent des ouvragescourants. Appliquées aux tunnels, ellesdonnent des résultats assez concor-dante. Ces résultats restent compara-bles aux résultats de mesures effec-tuées au tunnel du Seelisbergpuis surdeux tunnels routiers français.

parMichel LEGRAND,

ScefaurouteAlain MERCUSOT,

Centre d'Etudes des Tunnels

PRESSURES AND DEFORMATIONSOF TUNNEL SHUTTEMNG DURMGCONCRETING OPERATIONS

The various known design calculationmethods appîy to current structures.Used for tunnels, they yield fairlyconsistent results. Thèse resutts remaincomparable to thé results ofmeasure-ments carried out in thé Seelisbergtunnel and then on two French motor-way tunnels.

AVANT-PROPOS

- En règle générale, la conception des coffrages de tunnel etla mise en œuvre du béton à l'intérieur de ceux-ci résultentd'une approche semi-empirique qui a rarement donné satis-faction et conduit à conclure au sous-dimensionnement desoutils. En effet les efforts exercés sur les coffrages en cours debétonnage varient en fonction de plusieurs paramètres àsavoir, et cette liste n'est pas exhaustive :- l'épaisseur du béton.- les caractéristiques du béton frais- la déformabiMté du coffrage- la vibration du béton- la vitesse de remplissage du coffrage- le niveau et la symétrie du remplissage.- Les paramètres ne sont pas indépendants. Par exemple,l'effet de la vibration dépend à la fois des caractéristiques dubéton frais et du volume à vibrer. En effet, plus le béton estconsistant et le volume important, plus le temps de vibrationdoit être long. Sachant que la vibration a une influence sur larésistance du béton et l'aspect du parement, on comprendl'utilité de cette opération.Par contre, une vibration excessive entraîne un accroisse-ment des poussées s'exerçant sur le coffrage et suivant sadéformabilité, les déplacements peuvent être importants eten final mettre en péril la géométrie intérieure de l'ouvrage.fl en est de même pour la vitesse de remplissage. Un bétonfrais s'élevant trop rapidement dans un coffrage est assimila-ble à un liquide dont la poussée est proportionnelle à toute sahauteur et l'effet de prise progressive est beaucoup trop lentpar rapport à la vitesse de montée pour limiter les poussées.Dans ce cas, on dépasse vite les hypothèses de calcul desoutils.- Les exemples montrent la complexité du problème àrésoudre pour appréhender les efforts à prendre en comptedans la conception des coffrages ainsi que pour la mise aupoint des notices d'emploi de ces outils.- Aussi, cet article traitera dans une première partie desétudes déjà réalisées sur le sujet en France et à l'étranger,puis dans une seconde partie des mesures réalisées in situdans les tunnels de Ponserand (Savoie) et des Iles (Corrèze)par le Centre d'études des tunnels.

I. SYNTHÈSE BIGLIOGRAPHIQUE

Ll. AVERTISSEMENT

Les règles et normes existantes pour déterminer la pousséedu béton frais sur les coffrages concernent la réalisationd'ouvrages verticaux définis par des plans (murs et poteaux).Une tolérance sur la verticalité est parfois admise : ± 5° dansla norme DIN 18218 [9] *.fl s'agit donc d'ouvrages simples dont les conditions d'exécu-tion sont assez éloignées de celles rencontrées en tunnel. Enparticulier, la géométrie et les conditions d'appui d'un cof-frage de revêtement de tunnel ne sont comparables à aucunautre cas existant dans les constructions à l'air libre.Malgré ces réserves, il convient d'examiner ces textes avecattention :1. parce que ce sont les seules règles publiées existantes ;2. parce que les seules hypothèses communiquées par les

constructeurs sont issues de ces règles.Les autres hypothèses et règles éventuellement prises encompte par les constructeurs tiennent au "savoir-faire" dechacun d'eux et sont rarement explicitées dans les notesjustificatives présentées.Par ailleurs, il faut remarquer que les défauts ou incidentsconstatés sur les chantiers tiennent bien plus souvent aunon-respect des règles de mise en œuvre des coffrages qu'àdes hypothèses de dimensionnement qui peuvent paraîtresimplistes à priori

L2. POUSSÉE DU BÉTON FRAISSUR UN COFFRAGE VERTICAL

L'ensemble des auteurs admet que les pressions dévelop-pées par du béton frais sur un coffrage vertical augmententde façon hydrostatique jusqu'à un maximum et restent alorsconstantes.Cette règle est applicable tant que le béton est compacté parvibration interne sur une profondeur inférieure à hmax. Encas de vibration externe par le coffrage, la pression esthydrostatique sur toute la hauteur concernée.

* Les chiffres notés entre [-] indiquent la référence bibliographique figurant enfin d'article.

30 TUNNELS ET OUVRAGES SOUTERRAINS — N° 121 — JANVIER/FÉVRIER 1994

Seuls, quelques auteurs se sont intéressés à la possibilitéd'appliquer des facteurs de réduction liés au début de prisedu béton des premières gâchées, la rhéologie du béton encours de prise étant particulièrement complexe.Nous proposons quelques exemples d'évaluation de Pmaxet de hmax parmi les plus significatifs.

h. max.

F/g. 1 - Variation des pressions sur un coffrage vertical.

L2.4. Ciria [4] et [5]

La pression maximale sur un coffrage vertical est prisecomme égale à la plus petite des trois valeurs suivantes :— la pression hydrostatique

Pmax = 24 h (kPa)— lorsque l'épaisseur du mur est inférieure à 0,5 m il est

possible d'appliquer une formule qui tient compte del'effet d'arc (arch criterion)Pmax = 14,37 + 0,094 d + 3,14 R (kPa)

— dans tous les cas, on peut appliquer une formule quidépend de l'effet de début de prise

cRtPmax = -1 + c

f—Yl tinax.1

+ (4,6 -1,89 R) (kPa)

R = vitesse de montée du béton (m/h)d = épaisseur minimale de béton (mm)t = temps depuis le début du bétonnage (h)tmax = temps de prise (h)c = constante de vibration.

L2.1. Rodin[l]

La formulation proposée par Rodin est valable pour un bétonprésentant un slump de 150 mm à la température de 21°C.

h max. = 1,63 R 1/3 (m)p max. = 23,4 Hmax (kPa)

où R est la vitesse de montée du béton en m/h.

1.2.2. AGI [2] *

L'AGI propose les formules suivantes en admettant commehypothèses que le béton a un slump inférieur à 10 cm et queles vibreurs internes intéressent moins de 1,20 m de béton ensurface.— R < 2,14 m/h

Pmax = 7,19 + 785 R (17,78 + T) (kPa)Pmax < 23,5 h ou 95,8 kPa

— 2,14 < R < 3 m/hPmax = 7,19 + (1155 + 244R) / (17,78 + T) (kPa)Pmax < 23,5 h ou 95,8 kPa

— R > 3 m/hPmax = 23,5 h (kPa)Pmax < 95,8 kPa

ouh = hauteur totale de coffrage (m)R = vitesse de montée du béton (m/h)T = température du béton (°C).

L2.3. Adam [3]

Adam a étudié en laboratoire, l'effet du type de ciment, desadjuvants, de la granularité, de la vitesse de mise en place, duslump et de la vibration. Ses études peuvent être résuméesde la façon suivante :

P maxen kPa

< 5°

15°C

>25°C

Vitesse en m/h

R<2

19,6+ 12,3. R

19,6+ 9,8. R

19,6+ 9,8. R

R>2

40,1 + 1,96 . R

35,3 + 1,96 . R

35,3 + 1,96 . R

L2.8. Gardner [8]

Après des essais en laboratoire où 0 a été possible de fairevarier un grand nombre de paramètres, Gardner propose laformule suivante :Pmax =

oùniHpdRTF

r>A v,- -L. 3000 HP_j_ 400 VR / 100 "\ _,_ slumpd 18 + T yOO-F/ 10

= profondeur des vibreurs internes (m)= puissance des vibreurs= épaisseur minimale de la structure (mm)= vitesse de montée du béton (m/h)= température du béton (°C)= % de cendres volantes

-75

slump en mm.

1.2.6. Din 18218 [9]

La norme allemande ne tient compte que de 3 paramètres :- R la vitesse de montée du béton(m/h)- la température du béton- la maniabilité du béton définie dans la norme Din 1045.

Consis-tance

KlBétonraide

K2Béton

plastique

K3Bétonmou

Propriétésdu

mortier

Un peuhumide

Mou

Liquide

Propriétésdu

béton

Encoreincohé-

rent

S'écoulanttoutjuste

Faible-ment

liquide

Compa-cité

De 1,45à 1,26

De 1,25à 1,11

De 1,10à 1,04

Etale-ment

<40

De 41à50

Modede

serrage

Vibreurpuissant

Vibreur

Piquage

Pmax est déterminé par les formules suivantes pour unetempérature de 15°C.

5 R (kPa) béton raide(kPa) béton plastique(kPa) béton "mou"(kPa) béton fluidifié

Pmax = 21 +Pmax = 19 + 10 RPmax = 18 + 14 RPmax = 17 + 17 R

Des corrections doivent être apportées en fonction de cer-tains paramètres : température différente de 15°C, emploi deretardateur de prise...

TUNNELS ET OUVRAGES SOUTERRAINS — N° 121 — JANVIER/FÉVRIER 1994 31

L3. APPLICATION A UN CAS TYPE

A partir d'un cas type dont l'ordre de grandeur des paramè-tres correspond à un tunnel routier à 3 voies, nous pouvonscomparer les valeurs obtenues pour chacun des auteurs.

Données de baseHauteur de coffrage ......................... 8mEpaisseur minimale de béton................. 350 mmTempérature du béton ....................... 21°CSump ...................................... 150 mmVitesse de montée du béton ................. 4 m/hMasse volumique du béton frais .............. 2,4 T/m3

La formulation proposée par Gardner ne peut être retenuecompte tenu du poids important des paramètres liés à lavibration interne qui n'est que partiellement utilisée en tun-nel.La pression maximale obtenue avec les différentes formulesest la suivante :Pression hydrostatique : 192 kPa (8 m X 2,4 T/m3).

Formule

RODINAGIADAMCIRIADIN 18218

Pmax (kPaj

«3,5562,14(1)41,00(2)6260,68

(1) L'application stricte de la règle AGI donnerait une valeur de 953 kPa(2) La formule appliquée pour tenir compte de la température est

Pmax = 33 + 2 R

Quatre des valeurs trouvées sont très proches. Cette appa-rente homogénéité des résultats doit être appréciée avecprudence.A titre d'exemple, dans le cas de l'application des règlesCIRIA, si l'épaisseur minimale de béton est de 500 mm au lieude 350 mm, Pmax passe de 62 kPa à 77 kPa, toutes choseségales par ailleurs.A partir de ses essais conduits en laboratoire, Adam note quepour des vitesses de bétonnage importantes (R > 4 m/h), lapression maximale est indépendante de l'épaisseur du mur.Par ailleurs, Adam constate que pour des hauteurs de bétonsupérieures à 2 m et compte tenu de la déformation descoffrages, le béton tend vers un équilibre de butée qui peutexercer sur les coffrages une pression égale à une valeurréduite de la pression maximale (60 % à 90 %). Cette remar-que est encore plus vraie en tunnel où la forme voûtée del'anneau accentue l'effet de butée dès que le niveau du bétondépasse le diamètre horizontal.Ces constatations sont à rapprocher du travail réalisé parSPECHT [ 11 ] à propos de l'application de la DIN 18218. Spechtraisonne non plus seulement en fonction de la pressionmaximale (Pb) mais également en fonction de la force totale(Vb) exercée par le béton sur le coffrage en intégrant lahauteur du béton frais et du béton en cours de prise.

Pbmox mox

b

LVb =

J-BLmax

F/g 2 - Différents diagrammes de variation des pressions.(a) diagramme selon DIN 18218(b) diagramme expérimental(c) diagramme du modèle proposé.

D'après les calculs réalisés, la réduction de la force appliquéesur les coffrages est de l'ordre de 30 %.

L4. MESURES IN SITU

Le seul cas d'études expérimentales réalisées en tunnelpublié à notre connaissance, concerne le tunnel du Seelis-berg sur l'autoroute N2 d'accès au St Gothard [12].Les données de base sont les suivantes (fîg. 3) :- longueur du coffrage ...................... 8,10 m- hauteur du coffrage........................ 9,40 m- développée............................... 2420 m- surface coffrée ............................ 196,02 m2

- le coffrage est butonné en pied (200 kN) et au niveau de larotule supérieure (500 kN)

- e/c = 0,58 - 0,60 (0,65 pour le clavage)- Consistance : plastique- Affaissement en cône : 6-5 cm- Température de l'air : 16°C.

F/g 3 - Section d'essaisau tunnel du Spielberg.

Pour l'anneau concerné par les mesures, les données étaientles suivantes :- Durée du bétonnage ...................... 4 h 10 mn- Volume bétonné.......................... 115 m3

- Epaisseur minimale ....................... 40 cm- Epaisseur moyenne de béton .............. 58 cm- Cadence moyenne de bétonnage .......... 28 m3/h- Vitesse moyenne de montée

du béton................................. 2,35 m/hLe bétonnage a été conduit en 9 phases, y compris le clavage(1. à 9.).Le dispositif de mesures comportait :- 5 mesures de pression (Messdose 1 à 5)- 6 mesures de déplacement (Uhr 1 à 6).Le diagramme des pressions est donné en figure 4.La valeur maximale obtenue (129 kPa) ne peut s'expliquerpar la seule poussée du béton frais qui au maximum pouvaitdévelopper une pression de 75 kPa égale à la pressionhydrostatique. L'auteur n'explique pas ce phénomène "para-site". De la même façon, la pression en clé de voûte varierapidement à chaque coup de pompe, jusqu'à atteindre surune courte durée 73 kPa au moment du clavage.

32 TUNNELS ET OUVRAGES SOUTERRAINS — N° 121 — JANVIER/FÉVRIER 1994

Fig. 4 - Diagramme des pressions mesurées.Finalement Muller admet le diagramme des pressions de lafigure 5.

C ]" KURZFRISTIGE SP1TZENWERTE

\\

Fig. 5 - Diagramme théorique des pressions.Les déformations observées ont été les suivantes (en mm) :

Piédroit

Rein

Clé

Déf. maximale

- 24,50

-27,10

+ 15,50

Déf. finale

- 24,20

— 26,70

+ 14,00

Le raccourcissement des butons horizontaux a été de :Piédroit................. —43,50mmRein.................... — 47,60 mm

LB. CONCLUSION DE L'ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE

D'après la bibliographie recherchée, l'étude de la poussée dubéton sur les coffrages de tunnel voûté n'a pas été très déve-loppée.Par contre, la poussée du béton sur les coffrages verticaux demurs et de poteaux a fait l'objet de nombreuses recherches etréglementations. L'extrapolation des résultats obtenus auxcoffrages de tunnel ne paraît pas évidente à priori.Toutefois, les valeurs moyenne et maximale admises recou-pent assez bien les résultats obtenus au tunnel du Seelisberg.En première analyse, on pourrait admettre les valeurs sui-vantes qui doivent être modulées en fonction de la plasticitédu béton, de la vitesse de montée du béton dans les coffrageset pour des températures de béton situées entre 15°C et20°C:- pression moyenne 40 à 50 kPa- pression maximale 70 kPa.

Ces valeurs devront être vérifiées par des essais sur leschantiers.

II. MESURES RÉALISÉES PAR LE CETu

Les mesures ont été réalisées pendant les bétonnages desrevêtements des tunnels de Ponserand en Savoie et des nésen Corrèze.Le Centre d'Etudes des Tunnels a fait appel au Laboratoire deMécanique des Roches du CETE de Lyon pour la réalisationpratique de ces mesures.

Fig. 6 - Coffrage du tunnel de Ponserand.

El.PRmOPEETDESCRIPTIONDUDISPOSITIF DE MESURES

n.1.1. Mesures de pression

Les capteurs utilisés ont été mis au point par le Centred'Etudes et de Construction de prototypes d'Angers (CETEde l'Ouest).Chaque capteur de pression totale est constitué d'un "cous-sin" déformable de 180 millimètres de diamètre. A l'intérieurde celui-ci, un volume d'huile est chargé de transmettre lapression exercée sur le coussin à un capteur de pression àélectronique intégrée.Chaque capteur a été fixé par collage sur la peau coffranteavant la mise en place du coffrage. Pour chaque série demesures, six capteurs ont été placés dans un même plantranversal.

n.1.2. Mesures de déplacement

Des capteurs de déplacement rectiligne ont été fixés sur unbâti rigide indépendant du coffrage.Quatre capteurs ont été installés au niveau des ceEules depression de piédroit et permirent de mesurer le déplace-ment suivant une direction normale à la surface du coffrage(rayon).Deux autres capteurs ont été placés en clé de voûte pourmesurer les déplacements suivant deux directions orthogo-nales (verticales et horizontales).

n.1.3. Mesures de température

Des capteurs de pression ont été équipés de sondes detempérature à résistance de platine permettant de connaîtrela température à proximité du capteur pour chaque mesurede pression.

TUNNELS ET OUVRAGES SOUTERRAINS — N° 121 — JANVIER/FÉVRIER 1994 33

n.1.4. Acquisition des résultats des mesures

Le conditionnement, la saisie et le prétraitement des signauxont été réalisés à l'aide d'une centrale d'acquisition demesures avec un enregistrement sur support magnétique.La fréquence des cycles de mesures était comprise entre 2 et10 minutes.

H.2. CONDITIONS GÉNÉRALES DES ESSAIS

ïï.2.1. Tunnel de Ponserand

Quantité totale de béton mise en oeuvre. .

Température extérieure movenne ........

Essai 1

80m3

0,40m3 h 20

3 m/h/p0,50m24 mVh

10 à 15 cm5,15m5°C

Essai 2

143m3

0,70m4h30

2,25 m/h/p0,50m31 m3/h

10 à 15cm5,15m5°C

H.2.2. Tunnel des Des

Quantité totale de béton mise en œuvreEpaisseur moyenne du revêtement......Temps de remplissage total............Vitesse de montée du béton/piédroit....Dénivelée maximale entre piédroits .....Débit moyen du bétonnage ...........Affaissement moyen du béton..........Rayon intrados du revêtement .........Température extérieure moyenne.......

125m3

0,50m6 h 15

2 m/h/p0,50m20mVh

8 à )2cm6,83m20°C

H.3. RÉSULTATS DES MESURES

ïï.3.1. Mesures de pression

L'allure générale des courbes de pression en fonction dutemps montre que la pression passe par un maximum puis sestabilise à un niveau légèrement inférieur.

Ponserand — Essai 1Graphe : Pressions/temps

6 7 8temps (h)

Ponserand - Essai tPressions maximales

7.8T/m 2

/or/m* lOT/m*

i Ponserand - Essai n° 2

Ponserand - Essai 2Position des capteursEpaisseurs du béton

0.70m 0.40m

—— P1—— - p4—— P2—--- P5——— P3——— P6____ n'y

• Ponserand - Essai n° 1

Ponserand — Essai 1Position des capteursEpaisseurs du béton

0.40mntoytn

Ponserand — Essai 2Graphe : Pressions/temps

6 7 8temps (h)

34 TUNNELS ET OUVRAGES SOUTERRAINS — N° 121 — JANVIER/FÉVRIER 1994

Ponserancf — Essai 2Pressions maximales

H.3.2. Mesures de températures (de surface du béton)

3T/mZ

5,8T/mZ

• Les Hes

Les IslesPosition des capteursEpaisseurs du béton

0,50mmoyen

Température extérieuremoyenne j°Q

p<D u *

I -S-1??| Jilfs§y «|s"°-® KO _ c CLQ. -û-fj O

1 -o t~ï

Oh

1 h

2h

5h

lOh

15h

PonserandEssai 1

5

8

10

12

12

13

16

PonserandEssai 2

0

5

12

17

18

25

25

LesIles

21

23

25

25

30

37

37

* Oh = début du bétonnageTempérature du béton

à la livraison 18° 18° 25°

ïï.3.3. Mesures de déplacements

Dans les deux séries d'essais, les mesures de déplacementsmontrent que le coffrage subit des déformations dissymétri-ques. Une légère ovalisation du coffrage vers le haut seproduit au moment du remplissage, laquelle diminue aumoment du clavage. Cette diminution se traduit par une lenteaugmentation de la pression en naissance de voûte due à lapoussée du coffrage sur le béton.Les plus grandes déformations se situent en piédroit du faitque le coffrage ne peut revenir à sa position initiale, la prisedu béton ayant commencé.

.)8 .7 .6 .5 .4 .

3 .

2 .1 .0 .

Les IslesGraphe : Pressions/temps

1 Pressions (T/m*)

•1•1 *•S•O

'40

•w

-1."**

0

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2

__, . [ , . . — | i , , | »- - 1 . , , . ] , . ^v ——

3 4 5 6 7 8temps (h.)

Les IslesPressions maximales

4T/m2

- Ponserand - Essais 1 et 2

- Au cours du remplissage la déformation verticale du cof-frage en clé, vers le haut, était de 17,5 mm. Au clavage cettevaleur a été réduite à 13 mm (vers le haut).- Horizontalement la clé a subi un déplacement de 10,5 mmdu côté opposé au premier remplissage. Cette valeur a étéréduite à 9 mm au moment du clavage.- En piédroits les déformations, au coulage et au clavage, sontsensiblement égales. Du côté du premier remplissage, lecoffrage s'est déformé vers l'intérieur du tunnel de 14 mmenviron et du côté opposé, également vers l'intérieur dutunnel, de 8 mm environ.

Ponserancf - .Essais f et 2Déplacements et déformations

défornatlon avant clavagedéformation après clavage

• Les Des

- Au cours du remplissage, la clé de voûte subit un déplace-ment vertical vers le haut de l'ordre de 10 mm qui s'inverse aumoment du clavage et qui conduit à une déformation rési-duelle vers le bas de 5 mm.

TUNNELS ET OUVRAGES SOUTERRAINS — N° 121 — JANVIER/FÉVRIER 1994 38

- Du côté du premier remplissage les déformations du cof-frage vers l'intérieur du tunnel ne varient que très peu aumoment du clavage et sont voisines de 10 mm.- Du côté opposé au premier remplissage, les déformationsrésiduelles, vers l'intérieur du tunnel sont de l'ordre de 4 mm.

———— défornation avant clavage— — défornation après clavage

H.3.4. Conclusions

• Ponserand

Les deux séries de mesures ont mis en évidence 2 facteursimportants ayant une influence sur les pressions exercéessur le coffrage.* la vitesse de remplissage du coffrage.Pour un débit de livraison de béton déterminé et constant,c'est pour les faibles épaisseurs que l'on relève les effets lesplus importants en raison de l'efficacité de la vibration et de lavitesse de remplissage, qui est d'autant plus grande quel'épaisseur est réduite.* la déformabilité du coffrage,Les résultats des mesures ont démontré que le clavage dubéton en clé de voûte générait (notamment en piédroits), descontre-déformations conduisant à des augmentations despressions sur le coffrage du fait du début de prise de béton.

• Les Iles

En comparaison des essais réalisés sur le coffrage de Ponse-rand, les mesures effectuées sur celui du tunnel des Eesmettent en évidence des pressions nettement moins impor-tantes. Elles sont dues notamment :- à une vitesse de remplissage plus faible,- à une consistance du béton supérieure,- à une température du béton plus élevée.Par contre, on constate également une augmentation desvaleurs de pressions après le clavage de clé, liée à la défor-mabilité importante du coffrage.

III. CONCLUSION GÉNÉRALE

• Dans un premier temps, nous constatons que les valeurs depressions s'exerçant sur les coffrages pendant le bétonnage,obtenues soit par formules, soit par des essais, sont relative-ment voisines, 60 kPa (ou 6 T/m2) pour la moyenne desvaleurs obtenues par formules et 40 à 100 kPa (ou 7 T/m2

moyenne) pour les valeurs résultant d'essais.• Dans un second temps, nous aurions tendance à recom-mander, pour un bétonnage s'effectuant dans les conditionsci-après :

- Epaisseur moyenne du béton ............. 0,40 m- Vitesse de montée du béton/piédroit...... 2,50 m/h/p- Dénivelée maximale entre piédroits ....... 0,50 m- Affaissement moyen du béton ............ 13 cm- Température extérieure .................. 15°C- Rayon intrados de coffrage ............... 5,50 mde dimensionner le coffrage, son ancrage de fondation et sonétalement en prenant compte dans le calcul, des pressionsradiales de l'ordre de 100 kPa ( 10 T/m2) en base de piédroit,80 kPa (8 T/m2) à mi-hauteur et 50 kPa (5 T/m2) en clé enlimitant les déformées maximales à 5 millimètres en touspoints.Enfin d'autres paramètres propres aux conditions réelles debétonnage en tunnel devront être pris en compte :- chargement dissymétrique- présence de hors-profils- pression de clavage.Ces paramètres ont une influence déterminante sur le com-portement du coffrage et ainsi sur ses déformations.Nous recommandons que les règles d'emploi du coffrage(vitesse de montée, dénivelée maximale, pression de cla-vage...) figurent clairement dans le Plan Qualité de l'Entre-prise.

Remerciements

A MM. Mazzoleni Gérard et Richard Jean-Claude, du Labora-toire de mécanique des roches du CETE de Lyon, pour lamise au point des matériels de mesures et de saisie et laréalisation des essais sur les sites de Ponserand et Les Iles.A M. Bredillet Gérard du CETu pour la réalisation des graphi-ques.

BIBLIOGRAPHIE

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36 TUNNELS ET OUVRAGES SOUTERRAINS — N° 121 — JANVIER/FÉVRIER 1994