Prat. Origène, le théologien et l'exégète. 1907

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    ORIGENEL,E THEOLOGIEN ET LEXEGETE

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    LA PENSEE CHRETIENNETextes et tudes

    O r i g n eLE THEOLOGIEN ET L'EXEGETEPAR

    F. PRAT, S. J.

    PARISLIBRAIRIE BLOUD ET C*4, RUE MADAME, 4

    1907Reproduction et traduction interdites.

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    z'

    IMPRIMATUR :Fr. Albertus Lepidi, 0. P.

    S. Pal. Apost. Magisler.Rom, 2 sept. i90C.IME INSTITUTE OF KEDIAEVAL STltiES

    10 ELMSLEV PLACETOROhTO 6, CANADA,DFC iniq.3i

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    AVANT-PROPOS

    Le travail que nous entreprenons aujourd'hui est faitdepuis longtemps. Deux des plus beaux gnies de l'glisegrecque, saint Basile le Grand et saint Grgoire de Na-zianze, avaient dcoup les pages choisies d'Origne l'usage des philologues. Quelque prcieuse que soit pournous la Philocalie c'est le nom de ce recueil et parles nombreux fragments d'ouvrages perdus qu'elle nousconserve et par l'autorit des grands noms sous le patro-nage desquels elle se prsente nous, il ne fallait passonger la reproduire. Des lecteurs du vingtime siclen'ont ni les gots, ni les exigences ni les besoins dupublic hellniste du quatrime. Les beauts littraires,russirait-on les rendre sensibles dans notre langue,nous toucheraient peu dans un homme tel qu'Origne.Ce qui nous intresse surtout en lui, c'est l'closion de sapense, l'enchainement de son systme, la filiation de seserreurs ; c'est l'influence en bien et en mal qu'il a exer-ce sur ses contemporains et sur la postrit. La pieuseproccupation des auteurs de la Philocalie, d'carter toutce que l'orthodoxie rprouve, nous est trangre : lestmrits du grand Alexandrin n'tant plus dangereuseset ses garements pouvant mme servir de leon. Ce quidoit diriger notre choix, c'est moins le souci de faire ad-mirer Origne que le dsir de le faire connatre tel qu'il

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    VI ORIGENEest, et si les pages extraites de ses uvres ne sont pasles plus belles, il est propos qu'elles soient les plus ca-ractristiques.

    Sans nous dissimuler ce qu'aura forcment d'incompletun travail de proportions si modestes en regard de l'uvredont il voudrait donner une ide et des problmes qu'ilagite, nous tudierons successivement le thologien etl'exgte : le thologien, dans les trois premiers livresdu Periarchon compars aux passages dogmatiques desautres ouvrages ; l'exgte, dans l'expos thorique duquatrime livre des Ptnncipes et dans l'explication d'unchapitre choisi de saint Paul. Nous laissons entirementde ct l'apologiste, le critique, le prdicateur et leprofesseur. Ce pourrait tre le sujet d'une nouvelletude plus intressante, beaucoup d'gards, plusvarie, plus instructive et, en tout cas, plus accessibleau grand public que le prsent ouvrage.En wxQ de faciliter le contrle, nous renvoyons d'ordi-naire la Patrologic de Migne (1); mais nous prenonspour base le texte de l'dition critique de Berlin (2),dont quatre Aolumes ont dj paru, et la Philocalie deRobinson (3). Pour le latin du Periarchon il a fallu secontenter de l'dition de Redepenning (4), en attendantcelle que prpare, croyons-nous, M. Ktschau. En g-

    1. Dans les renvois Migne, gnralement placs entre pa-renthses, les chiffres romains indiquent le tome, les chiffresarabes, la colonne. On voit par le contexte s'il s'agit de la Patro-logie latine ou de la grecque.

    2. Tomes I et 11, dits par Ktschau, Leipzig, 1899 (ZJe J/ar-tyrio, Contra Celsum, De Oralione), t. III par Klostermann, 1901{Homlies sur Jrmie et sur la Pytfionisse d'Endor), t. l\ parPreuschen, 190i {Comment, sur S. Jean).

    ". J. Armitngo Robinson, T/ir PInlocalia of Origen, (Cam-bridge. 1S9:3.4. Redepenning, De Principiis, Leipzig, 1836.

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    AVANT-PROPOS VIInral les chanes bibliques doivent tre soumises unerevision svre et nous navons pas employ celles de Cra-mer (1) sans les collalionnersur les meilleurs manuscrits.Enfin nous n'avons utilis les Scolies sur /es Proverbespublies par Mai (2) qu'autant qu'elles saccordentavec le manuscrit trouv an Sinapar Tiscliendorf (3). Lelecteur dsireux d'tudier par lui-mme des questionssur lesquelles il nous fallait passer lgrement nouspardonnera sans doute d'avoir multipli les rfrences.Pour ne pas trop grossir le volume nous renonons donner la bibliographie des crits d'Origne et desouvrages sur Origne : on la trouvera dans un fasciculedu Dictionnaire de la liible [)rs de paratre. Nous nousbornerons indiquer ici, l'usage des tudiants enthologie, quelques-uns des travaux les plus rcents, lesplus utiles et les plus porte du grand nombre.

    E. R. Redepeiining. Oriyenes, eine DarsleUumj seinesLebens und seiner Lehre, Bonn, 2 vol., 1841-1846. (Savantouvrage, un peu confus.)

    Freppel. Origne (cours d'loquence profess laSorbonneen 18(50 et 1867), l'aris, 2 vol., 1868. 2" dit., 187o. (Intres-sant et bien crit.)

    J. Denis, La philosophie d'Origne, Paris, 1884. (tudeapprofondie, mais avec des ides prconues )Les articles de Westcott et de Dale dans le Diclionarij of

    1. Cramer, Calense (quatre volumes sur les ptres de saintPaul), Oxford, -1841-1840. Les te.\tes relatifs l'ptre aux ph-siens ont t trs bien i-dits par Gregg, Journal of Theol.Studies, t. III (l'JUi), p. 398-4^0, 354-576. A. Mai, .Xovit Patrum Bibliolh.. t. VIT, Rome, 1854,2" par-tie. 1-56 (reproduit par Migne, P. G., XVII).

    3. Tischendorf, Origenis ^cholia In Pruverbia Salomonis, lasuite de Xolitia cdit. cod. SinaiUci, Leipsig, 1860, p. 74-122.

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    VIII ORIGNEChristian Biography, Londres, t. IV, p. 9G-142. (Rsumstrs complets et trs consciencieux, surtout le premier.)

    Ch. Bigg, Tlic Christian Platonists of Alsxandria, Oxford,1886. (Ouvrage personnel et d'une lecture attrayante.Orlgne occupe la plus grande partie du volume.)

    G. Capitaine, De Origenis elhica, Munster, 1898. (L'auteurdonne plus que ne promet le titre.)

    Fr. Diekamp, Die origenist. Sireitigkeilen im sechsten Jahr-hundert, Munster, 1899. (Essai plein d'rudition.)Aug. Zllig, Die Inspirationslehre des Origenes, Fribourg-

    en-B., 1902. (Instructif et clair).Pour la bibliograptiie on consultera :0. Bardenhewer, Geschichte der aUlrchl. Literatnr,

    Fribourg-en-B., t. II, 1903, p. 08-138. (Analyse et apprcia-tion des crits d'Origne.)

    U. Chevalier, Rpertoire des sources historiques du Moyen-ge. Bio-bibliographie, Paris, 1877-1888, p. 1683-4 et 27oG-7.(Indication d'un grand nombre d'articles de revue.)

    A. Ilarnack, Geschichte der allchrist. Litteratur, Ueber-lieferung und Bestand, Leipzig, 1893, p. 332-403 (liste desmanuscrils d'Origne par Preuschen) ; Chronologie, t. II,Leipzig, 1904, p. 26-34.

    A. Ehrhardt, Die allchrist. Litteratur und ihre Erforschungvon 188i-1900, Fribourg-en-B., 1900, p. 320-331. (Examencritique des travaux plus rcents.)

    Inutile d'ajouter qu'on lira toujours avec fruit Lenain deTillemont [Mmoires pour servir iliist. eccls., t. III) etIluet, dont les Origeniana (Migne, P. G., XVII) restent encorel'ouvrage fondamental sur la matire. Ceux qui trouveraientlluet trop svre pourront le complter ou le cori'iger parIlalloix [Origenes defensus, Lige 1648), et Vincenzi {in S.Greg. Nijss.et Origenis scripta, etc., Rome, 3 vol., 1864-1868.)

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    INTRODUCTIONORIGENE ET L ORIGEN IS M E

    PREMIERE PARTIEL'Orignisme dans Origne

    CHAPITRE PREMIERINFLUENCES EXTRIEURES

    Jamais homme no fut plus discut qu'Origne. Acclamepar les uns comme la plus grande lumire de l'glise aprsles aptres, conspu par les autres comme le flau de l'or-thodoxie et le pre commun de tous les hrtiques, il avu le monde se diviser en deux camps pour ou contre lui.Il va des deux cts, en nombre ^leu prs gal, de telshrsiarques et de si saints docteurs, que le verdict res-terait incertain s'il tait subordonn la pluralit des suf-frages. Ni l'autorit de ses adversaires ne permet del'absoudre sans examen, ni la qualit de ses dfenseurs dele condamner sans rserve ; et peut-tre l'attitude la plusjuste comme la plus sage est-elle cette neutralit bien-veillante, faite d'admiration, de piti, de sympathie, dereconnaissance et de blme discret, qu'ont observe son gard les Pres de l'glise les plus illustres.

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    Origone ne fut jamciis chef de secte ; il ne fut pas mmechef de parti ; il aurait repouss comme une injure untitre qui et sembl le sparer de la grande unit catho-lique pour laquelle il professa jusqu'au bout le plus in-violable attachement. Si Ton veut tout prix en faire unchef d'cole, saint Grgoire le Thaumaturge, saint Dcnysd'Alexandrie, saint Firmilien de Gsare, qui le recon-nurent toujours pour matre, sans parler de tous ceuxqu'il prpara au martyre, lui rendent bon tmoignage.G'est aprs sa mort que de fanatiques admirateurs, outrantses ides les plus aventureuses, transformant en dogmesdes hypothses, tmraires peut-tre mais avancesavec circonspection, enfin ne tenant aucun compte desprogrs accomplis d'ge en ge par la thologie catho-lique, crrent l'orignisme. Ge systme htroclite sui-vit les directions les plus divergentes pour aboutir, ausixime sicle, une sorte de panthisme nihiliste:signe infaillible, dirait Ncwman, d'un dveloppementanormal et illgitime.

    Les querelles orignistes ont elles-mmes un caractrefort trange. Elles clatent en crises subites aprs de lon-gues priodes de trve et d'accalmie ; elles se mlent tant de proccupations trangres au dogme, tant d'in-trts personnels, qu'il est souvent impossible de pn-trer les mobiles secrets des antagonistes. Ges luttes arden-tes et confuses, qui ressemblent des batailles indcises,o l'on verrait des morts et des blesss sans savoir osenties vain({ueurs et les vaincus, laissent le thologienaussi perplexe que le critique. Avant de nous y engager,essayons de dterminer ce qu'il y a d'Origne dans l'ori-gnisme.

    Ds que le christianisme voulut s'organiser en systme,il dut se mettre en contact avec la philosophie sous peine

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    AVANT-PROPOS XId'entrer on collision avec clic, et cette invitable rencontrene pouvait gure avoir lieu hors d'Alexandrie. A la findu deuxime sicle, toute l'Eglise d'Occident parlait en-core grec et relevait intellectuellement de l'Orient. Cefut Tertullien qui la dota de cette langue thologiquemoins riche, moins souple et moins nuance, maisferme et vigoureuse et dj belle dans sa rudesse na-tive. Or Tertullien, avec toute son rudition et son lo-quence, tait l'homme le moins fait pour oprer l'unionentre la science et la foi, tant la philosophie profane luiest antipathique. Son contemporain saint Ilippolyte, s'ilest vraiment raideur des Philosophumena, quoiquegrec de langue et d'origine, n'tait pas plus enclin laconciliation. Alexandrie occupait alors une place privil-gie. De ses deux antiques rivales. Tarse descendait lapente d'une irrsistible dcadence, tandis qu'Athnessubissait une clipse momentane dont rien encore nefaisait prsager la fin. Si, ds cette poque, Rome taitle cur de l'univers catholique, Alexandrie en tait djle cerveau.

    Elle le devait surtout son Didascale. Celteinstitution fameuse, qui remonte peut-tre aux originesde l'glise et dont les chercheurs modernes se sont plu faire tour tour une cole normale de catchistes, unsminaire de thologie et une libre palestre de discussionsphilosophiques, avait pour but, sous l'autorit et le con-trle de l'vque, de prparer les catchumnes au bap-tme et de parachever l'instruction des nophytes. Laprpondrance de la philosophie y tenait deux causes :la prsence de nombreux catchumnes sortis des colesprofanes et le choix des premiers matres. Saint Pantneavait t stocien; son successeur, Clment, ])latonicien ;ni l'un ni l'autre, en devenant disciples du Christ, n'a-

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    vait jet le manteau de philosophe. La devise de Clmenttait: < Xi la science sans la foi, ni la foi sans la science. Et si la foi l'emportait, comme de juste, elle avait pourcomplment ncessaire la science dont elle tait sontour la perfection suprme. Telle tait l'atmosphre in-tellectuelle de l'cole d'Alexandrie quand Origne en pritla charge.

    Touchant spectacle que celui de cet enfant de dix-septans, animant son pre au martyre dont il a tellementsoif lui-mme qu'il faut user de ruse pour l'empcherd'y courir; puis, lorsque la mort de Lonidel'a laiss or-phelin, avec une mre sans ressources et six frres puincs,s'improvisant chef duDidascale qu'il transforme en uneppinire de martyrs et de confesseurs, convertissantenmasse les paens tonns de voir un adolescent pratiquerdes vertus surhumaines et justifiant par des prodiges descience, d'apostolat, de renoncement, d'austrit, ce crid'admiration d'un adversaire : Origne fut grand dsl'enfance (1) !

    Son premier malheur comme thologien fut prcis-ment cette prcocit inoue qui le livra prmaturment lui-mme. Il tenait de son pre une bonne formationlittraire et un got trs vif pour les critures. Mais ilperdit trop tt son niaitre Clment, qui d'ailleurs n'taitpas en thologie un guide assez sr. A dix-huit ans,quand il fu t officiellement mis la tte du Didascale, dontil s'tait charg spontanment durant la perscution, il nes'ap[)artint plus. Les labeurs de l'enseignement consu-maient ses journes. La nuit et dans les moments de loi-sir, il lisait avidement les livres de philosophie et descience qu'il avait sous la main, il assistait aux leons des

    1. S. .I(''rmo, Ephl. ad Pammach. cl Ocan., i.x.xxiv, 8.

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    INTRODUCTION XIIIprofesseurs les plus clbres; mais, malgr tout songnie, il tait impossible que ce systme d'ducation nelaisst pas dans son esprit quel([ue chose dinachevet d'incohrent. Marcel d'Ancyre lui reproche

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    illustre lve : Les disciples des philosophes disent quela gomtrie, la musique, la grammaire, la rhtoriqueet l'astronomie sont les compagnes nes de la philosophie ;nous le disons, nous, de la philosophie elle-mme parrapport au christianisme (1). On ne comprendra jamais rien aux thories d'Orignesi on le croit infod une cole particulire, et la grandeerreur de l'orignisme, sous ses diverses formes, a t dechercher dans ses crits le dveloppement logique etpouss juscju'au bout d'un systme philosophique.Laissons parler ici un critique avec lequel nous avons leregret de n'tre pas toujours d'accord. Je ne crois pasqu'Origne ait puis dans la science hellnique aucunde ses principes essentiels. Ce qu'il a pens, il l'auraitpens sans connatre en eux-mmes les stociens niPlaton. Mais il est trs vrai qu'il leur a souvent pris laforme sous laquelle sa pense s'est produite. Ce n'estpoint parce qu'il est plus ou moins platonicien qu'iladmet, par exemple, la prexistence des mes ; caraucune des raisons sur lesquelles il appuie cette opinionn'est prise de la psychologie ni de la mtaphysique pla-tonicienne... Ce n'est pas aux stociens, mais la tradi-tion chrtienne qu'il doit sa doctrine sur la fin et le re-nouvellement du monde par le feu ; mais c'est sous l'in-fluence du stocisme qu'il a fait de ce coup de thtredivin un moment ncessaire et rgulier du dveloppementet de la vie du monde... Il s'est donc incontestablementservi de la philosophie grecque pour l'expression de sesdoctrines... Mais, quant aux ides elles-mmes, je croisque c'est ailleurs qu'il en faut chercher l'origine (2).

    1. PhUocalie, chap. .xiii (P. G., t. XI, col. 8N).2. A. I)('iiis, Philos. d'Origne, p. 59-00.

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    INTRODDCTION XT

    CHAPITRE DEUXIEMELES ELEMENTS DE L ORIGENISMK

    I. Interprtation allgoriqueLes trois lments principaux de ce que Ion est con-

    venu d'appeler l'oiignisme sont la mthode allgoriqueapplique l'exgse, la subordination des personnesdivines et la thorie des preuves successives. Dans quellemesure Origne en est-il responsable'^Au dbut du troisime sicle, l'allgorisme tait de-venu partout une mode, une habitude et un besoin. AAlexandrie jjIus qu'ailleurs l'air ambiant en tait satur.Depuis longtemps les philosophes paens s'taient mis allgoriser leurs mythes. Tandis que les picuriens serejetaient de prfrence sur le systme d'Evhmre,Platon expliquait ces vieilles lgendes par ce que nousappellerions aujourd'hui le folklore et les stociens ycherchaient des leons profondes de cosmogonie et demorale. Les Juifs auraient cru droger s'ils avaient trouvdans leurs Livres saints moins de mystres : aussi allgo-risaieut-ils qui mieux mieux (1). Les thrapeutesd'Egypte, autant ou plus quteurs frres les essniens dePalestine, savaient l'art d'extraire de l'Ecriture des sens

    1. Sur l'allgorisme des thrapeutes, voir Euscbe. EhL eccL^II, 17 (XX, 181), d'aprs le De Vita conlemplaliva do Philon.Photius, liiblioth., 105 (CIII, 373), regarde i\ bon droit Philoncomme le fauteur responsable du systme allgorique des Pres.Philon lui-mme avait eu pour initiateur .\ristobule.

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    illustre lve : Les disciples des philosophes disent quela gomtrie, la musique, la grammaire, la rhtoriqueet l'astronomie sont les compagnes nes de la philosophie ;nous le disons, nous, de la philosophie elle-mme parrapport au christianisme (1). On ne comprendra jamais rien aux thories d'Orignesi on le croit infod une cole particulire, et la grandeerreur de l'orignisme, sous ses diverses formes, a t dechercher dans ses crits le dveloppement logique etpouss jusqu'au bout d'un systme philosophique.Laissons parler ici un critique avec lequel nous avons leregret de n'tre pas toujours d'accord. Je ne crois pasqu'Origne ait puis dans la science hellnique aucunde ses principes essentiels. Ce qu'il a pens, il l'auraitpens sans connatre en eux-mmes les stociens niPlaton. Mais il est trs vrai qu'il leur a souvent pris laforme sous laquelle sa pense s'est produite. Ce n'estpoint parce qu'il est plus ou moins platonicien qu'iladmet, par exemple, la prexistence des mes ; caraucune des raisons sur lesquelles il appuie cette opinionn'est prise de la psychologie ni de la mtaphysique pla-tonicienne... Ce n'est pas aux stociens, mais la tradi-tion chrtienne qu'il doit sa doctrine sur la fin et le re-nouvellement du monde par le feu ; mais c'est sous l'in-fluence du stocisme qu'il a fait de ce coup de thtredivin un moment ncessaire et rgulier du dveloppementet de la vie du monde... Il s'est donc incontestablementservi de la philosophie grecque pour l'expression de sesdoctrines... Mais, quant aux ides elles-mmes, je croisque c'est ailleurs qu'il en faut chercher l'origine (2).

    1. Philocalie, chap. .\iii (P. G., t. XI, col. 88).2. A. Denis, Philos. d'Origne, p. 59-60.

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    INTRODUCTION XV

    CHAPITRE DEUXIEMELES LMENTS DE l'ORIGI'MSME

    I, Intcrprlalion allgoviqueLes trois lments principaux de ce que Ton est cou-

    venu d'appeler l'orignisme sont la mthode allgoriqueapplique l'exgse, la subordination des personnesdivines et la thorie des preuves successives. Dans quellemesure Origne en est-il responsable fAu dbut du troisime sicle, l'allgorisme tait de-venu partout une mode, une habitude et un besoin. AAlexandrie plus qu'ailleurs l'air ambiant en tait satur.Depuis longtemps les philosophes paens s'taient mis allgoriser leurs mythes. Tandis que les picuriens serejetaient de prfrence sur le systme d'vhmre,Platon expliquait ces vieilles lgendes par ce que nousappellerions aujourd'hui le folklore et les stociens ycherchaient des leons profondes de cosmogonie et demorale. Les Juifs auraient cru droger s'ils avaient trouvdans leurs Livres saints moins de mystres : aussi allgo-risaient-ils qui mieux mieux (1). Les thrapeutesd'Egypte, autant ou plus que leurs frres les essuieus dePalestme, savaient l'art d'extraire de l'criture des sens

    1. Sur rallgorisme des thrapeutes, voir Eusbe, Hisl. eccl.^II, 17 (XX, 181), d'aprs le De Vita conlemplaliva de Philon.Photius, Bibliolh., I(i5 (CIII, 373), regarde bon droit Philoncomme le fauteur responsable du systme allgorique des Pres.Philon lui-mme avait eu pour initiateur Aristobule.

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    XVI ORIGENEcachs, inaperus du vulgaire. Depuis Aristobule et Phi-Ion, rallcgoiic rgnait en matresse dans les coles juivesd'Alexandrie. Clment et Origne suivirent le courant ;mais le dernier, non content de pratiquer en grand Tall-gorie, eut le dangereux honneur d'en tracer le premierles rgles.On l'a souvent accus d'admettre dans la Bible desassertions errones et des passages dpourvus de toutsens littral : double imputation aussi injuste qu'elleest commune. Origne admet si peu l'erreur dans laBible, qu'elle lui parat absolument incompatible avecla saintet et la vracit du Dieu inspirateur et que sonargument le plus ordinaire jDour abandonner le sens na-turel et pour se jeter dans l'allgorie est la ncessit desauvegarder tout prix Tinerrance scripturaire. Si l'ondfinit le sens littral comme nous le dfinissons aujour-d'hui, il est vident que toute nonciation qui n'est jjasun non-sens a un sens littral; comme, d'autre part, lesens typique ou spirituel repose sur le sens littral et nese conoit pas sans lui, s'il y avait dans l'criture despassages dpourvus de tout sens littral, il s'ensuivraitque le Saint-Esprit a parl quelquefois pour ne rien dire :thorie si extravagante qu'on s'tonne bon droit de lavoir mise par un tel homme. Aussi Origne ne dit-ilpas ce qu'on lui fait dire. Il dit seulement qu'il y ades endroits dans la Bible dpourvus de sens corporel^mais ce sens corporel, dsign encore par une douzainede synonymes, n'est pas du tout notre sens littral. C'estle sens granimalical, le sens propre par opposition ausens figur. On n'a qu' relire les nombreux exemplescits par lui. Ce sont surtout desanthropomorphismes : lesmains, les pieds, les bras, la tte, la face de Dieu; Dieuqui s'irrite, se repent, se promne, se repose. Ce sont

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    INTRODUCTIONaussi des mtaphores et des symboles : le buf et l'oursqui paissent ensemble sous la gard d'un petit enfant, lestrois premiers jours de la dense avant la cration dusoleil et de la lune. Ce sont enfin des textes qui, au juge-ment d'Origne, seraient faux ou draisonnables si on lesprenait au pied de la lettre : le prcepte de s'arracherl'il qui scandalise, de tendre la joue gauche qui vientde frapper la droite, de ne saluer personne chemin.La terminologie d'Origne laisse dsirer; d'accord.

    Outre qu'elle est fort inconstante, car le sens spirituelest dsign lui seul par une vingtaine de locutions, ellerepose sur une fausse psychologie, puisque l'mc etl'esprit de l'homme ne sont pas deux principes distincts.Il semble lui-mme en avoir conscience: aussi le senspsi/c/u(jue me de l'Ecriture a-t-il chez lui trs peude relief et sa fameuse trichotomie tend-elle se rsoudreen dichotomie. Mais cette simplification ne remdie rien. Origne, ne distingue pas assez entre le sens,qui dpend de l'intention de celui qui parle, et la sig7ii-fication matrielle des mots, surtout entre le sens duSaint-Esprit et le sens plus ou moins arbitrairedel't/?-/e;7)/-/e. Il n'est pas loin d'admettre en pratique la thoriede saint Augustin que tout sens suggr l'espritpar la lecture de la Bible est un sens scripluraire. Ainsile sens propre, qui n'est pas un vrai sens dans les pas-sages prendre au figur, est adjug la lettre ou aucorps de l'Ecriture ; le sens rtcco/^wo^A/^/ce, qui n'est pasdavantage un sens scripluraire, et le sens figur, quiest trs souvent un sens littral, sont attribus l'meou l'esprit du Livre inspir. De l tant de confusions etd'quivoques dont notre exgse, aprs de longs sicles,n'est pas compltement dbarrasse. Mais nous cher-chons vainement chez les anciens crivains ecclsias-

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    tiques une terminologie meilleure. La division dessens scripturaires usite pendeint tout le moyen ge etpresque jusqu' nos jours, senshistoricpie ou littral,tropologiquc, allgorique, anagogique, division quin'est d'ailleurs qu'un dveloppement peu rationnel deltrichotomie d'Origne,est pour le moins aussi mauvaise.

    L'allgorisme du penseur alexandrin tient l'ideexagre qu'il se fait d'une parole inspire. S'il vivait denos jours il appartiendrait l'cole conservatrice la plustroite; il soutiendrait l'inspiration verbale, et pas ausens de M. Loisy; il crirait de belles jages sur l'Esprit-Saint aiitetir (T-JYypsccpJ) de l'criture et sur l'hagio-graplie inslriiment ('pyavov), raisonnable et libre sansdoute, mais peine actif et presque inconscient, desdictes divines. L'criture, uvre et parole de Dieu,doit respirer partout, selon lui, la plnitude de son au-teur. Pas un trait vide de sens; pasun iota qui ne reclequelque mystre. Non pas qu'il en mconnaisse les im-perfections; il outre plaisir les fautes de style, lesincorrections, le dsordre du rcit, les obscurits, lesantilogies et les antinomies ; mais toutes ces imperfec-tions se tournent en perfections, parce qu'elles nousmettent sur la voie de l'interprtation allgorique. Sansces pierres d'aclioppement nous ne souponnerions pasl'existence du sens spirituel. S'il n'y avait pas d'impos-sibilits matrielles nous n'y chercberions peut-tre pasde mystres : principe trange que l'on serait tent decondamner avec plus de svrit, s'il ne se rencontraitaussi dans saint Augustin.La premire, on pourrait dire la seule rgle de l'ex-

    gte, sera donc celle-ci : Interprter l'criture d'unemanire digne de Dieu. Certaines dispositions du code

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    IMIIODLCTION XIXmosaque semblent infrieures la lgislation de Sparteet de Rome : nous d'y chercher un sens mystique.Plusieurs traits de l'xVncien Tcstaniont, l'hisloire desfilles de Lotli, des sages-femmes gyptiennes, d'Abra-ham chez Pharaon et chez Abimlech, n'difient pas sion les ])rend la lettre : il faut donc, de toute nt'cessit,y dcouvrir un sens allgorique; autrement nous serionsforcs d'avouer qu'il y a dans la Bible des i)ages nuisiblesou foui au moins inutiles. En soi, le principe fondamen-tal d'Origne qu'on doit abandonner le sens corporel c'est--dire le sens propre, le sens naturel et ce que nousvoudrions pouvoir appeler le sens obvie toutes lesfois qu'il en rsulterait quelque chose d'impossible,d'absurde, de faux ou d'indigne de Dieu, est indiscutableet il n'est point d'exgte catholique quin'y souscrive Lemal est qu'Origne admet trop aisment des impossibili-ts, qui se dissiperaient devant une tude plus attentivedu texte, qu'une loi ou qu'un rcit lui paraissent inu-tiles lorsqu'ils n'ont point pour nous le maximum d'uti-lit et qu'il juge indignes de Dieu des condescendancesprovidentielles. Peut-tre aussi est-il trop sensible auxrailleries des pa'iens et au danger du littralisme.Certes, ce danger n'tait pas chimrique. Lorsqu'onsonge aux prtextes dont les Juifs coloraient leur infid-lit, la vogue qu'obtinrent dans les deux premierssicles les ides millnaristes, au parti que les gnostiquessurent tirer, pour leur systme dualiste, des authropo-morphismes de l'Ancien Testament, aux conceptionsgrossires que beaucoup de chrtiens se faisaient deDieu, des anges, del rsurrection, de la batitude, enrestant rivs la lettre de l'criture, on est tent d'ap-pliquer le felix culpa de saint Augustin cette raction,exagre sans doute, mais ncessaire. Qui sait si l'exgse

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    n'allait pas A-ersor dans le terre terre du chiliaste gyp-tien Npos ? Et l'essor exgtique d'Antioclie et deCappadoce tait-il possible sans la vigoureuse impulsiond'Origne 1

    II. I/irarc/iie des personnes divines.Un second caractre de l'orignisme est la hirarchie

    des personnes divines.Il nous est difficile aujourd'hui d'imaginer la peine

    qu'on eut trouver des termes convenables pour expri-mer ce que le Pre, le Fils et le Saint-Esprit ont de com-mun et ce qu'ils ont de distinct. Les Latins y arrivrent,ce semble, avant les Grecs. Leur esprit plus juste quesubtil les y aidait ; la pauvret de leur langue dimi-nuait les ttonnements, et ils possdaient deux nomsvraiment faits exprs pour le rle thologique qu'ils de-vaient jouer. Le mot persona, longtemps restreint ausens de masque et d'acteur, en tait venu, par la vulga-risation du langage juridique, signifier couramment lesujet de droits et de devoirs, presque l'individu. On disaitd'un esclave qu'il n'avait pas de persona, qu'il n'taitpas une persona, parce qu'il ne pouvait ni ester en jus-tice ni faire de son chef un contrat valide. Si ce n'taitpas encore tout fait la personne, c'tait dj la person-ualiL et, entre les deux, il n'y avait pas loin. Quant aumot substanlia, il exprimait alors communment leA7A//r//ules attributs et des accidents; et s'il dsignaitaussi la ralit par rminiscence du grec jTr'T-aciauquel il rpond, c'tait laraht substantielle. Appli-qus la Triuit, ces deux termes avaient donc le degrd'exactitude dont est capable le langage humain.

    Les Grecs taient moins bien partags. Ils n'avaient

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    I.NTUODL'CTIOX XXfpas tic mot spcial pourriiitlividii, le suppt: jTrozsjjivovest trop tccliiii(pie ou trop gnral ; -rjaw:rov veut direla l'ace ou l'aspect extrieur et se prte malaisment l'usaije lhologi(pie. Si saint llippolyte (l) et (pielquesPres iilus rcents Fout employ au sens de y>e/;>o, c'estpar imitation voulue ou sous l'influence inconsciente del'Occident. Pour dsigner la nature commune aux per-sonnes, l'embarras n'tait pas moindre. Ojcx signifieproprement l'essence et J-^Tx^'. la ralit : or tout cequi existe, substance ou accident, absolu ou relatif, toutce qui n'est pas un pur tre de raison, a une essence, estune ralit. Sans doute Aristote avait formellement res-treint l'oOcj-a l'tre substantiel, en l'opiiosant aux acci-dents, mais sa distinction entre substance premire etsubstance seconde crait une nouvelle quivoque etrendait plus difficile l'application de ce terme l'tredivin : la substance seconde n'tant qu'une abstractionsusceptible seulement de communication logique, et lasubstance premire, en possession de son individualit,repoussant toute communication relle. Grande fut l'in-certitude, au dbut. On pouvait dire volont qu'il y aen Dieu trois onix: et une seule 'j-'j':-xn\-, ou au con-traire, trois 'j-oa-y.az'.: et une seule o'jnix. On tait sou-vent rduit ne pouvoir deviner que p;ir le contexte cequ'un auteur avait voulu dire (2). Lorsque la diffren-

    1. Contra Nuel., 7 et 14. Ilposw-ov se lit aussi pliisimirs l'oisdans la FUles de saint Grgoire le 'riiaumaturge piililice engrec pai- Mai (Scri/jlor. Vler., t. VII, p. 170-176). Mais nousnadnioltons pas l'authenticit de cet opuscule dont la tci-mino-iogie parait tre beaucoup plus rcente.

    2. C'est le cas, en particulier, pour Piiius qui parlait duPre et du Fils comme de deux substances (o-jsai) et de deu.xnatures (--Jzt:;,) voulant dire deux /xr.son^t's, comme le contextele montrait clairement (Photius, Bibliolh., 119 [P. G., t. CIII,col. 400]j.

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    ciation se fit, saint Jrme s'tonna qu'on et choisipour dsigner la personne le mot 'j-Jji-xg'.c, qui rpondpar son tymologie au latin substantia, et qu'on voultimposer tout le monde cette manire de parler nou-velle (1). Cependant rien de plus sage. L'essentiel taitde s'entendre, comme saint Athanase le rptait ausynode de 362 ; et quand l'oaGo^cio; de Nice et iir-suppos l'unit d'oj-ja, il tait naturel que le terme res-tant d" J-cTX'T'. ft rserv la personne.

    Origne, qui avait prcd le concile de Nice dansl'emploi d'6;jiooiJ

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    mTRODLCTION XXIIIon lui rendra, pour le fond, le mme lmoiguage. Il estvident que sa Trinit sainte, sa Trinit ternelle, saTrinit souveraine, sa Trinit adorable (1), a un carac-tre transcendant infiniment lev au-dessus des cra-tures. Le Fils et le Saint-Esprit ont, comme le Pre, tousles attributs de la divinit, l'immatrialit absolue, lom-niscience, la saintet substantielle, limmensit, la n-cessit de l'tre : et ils les possdent titre exclusif. Lestrois personnes, quoique distinctes, sont insparables. LePre, le Fds et le Saint-Esprit sont la nue lumineusequi ombrage les justes ; nul ne peut tre sanctifi quepar leur action commune ; toute me est vide qui n'estpas remplie de leur prsence simultane; toute meest altre moins de boire ces trois fontaines drivantd'une mme source. Si, pour dfendre Origne, nousvoulions nous servir des traductions latines de Rufin etde saint Jrme, et ce serait notre droit sans doute,puisqu'on en fait constamment usage pour le com-battre, nous aurions la partie trop belle. ^Mais lesuvres grecques suffisent tablir, sur ce point, sonorthodoxie, pourvu qu'on n'exige pas dun crivain dutroisime sicle la sret de langage et la nettet de vuesqu'on est en droit d'attendre d'un Jean Damascne oud'un Thomas d'Aquin, aprs un travail plusieurs foissculaire de discussion et de rflexion thologique.

    Je sais bien que sa hirarchie des personnes dlAinesressemble, de prime abord, une subordination ; mais1. Retlepenning (De Prhicipiis. p. 126) affirme que le mot

    Tp:i;, pour dsigner la Trinit, n'est pas employ par Origneet n'entra en usage qu' partir du synode d'Alexandrie de ;517.Cette incroyable distraction, de la part d'un des hommes quiont le plus tudi notre auteur, doit nous mettre en gardecontre les assertions tranchantes.

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    XXIV ORIGExNEje me demande si son langage, tout difficile qu'il est par-fois, est plus dur, tout prendre, que celui de ses con-temporains. Soit raction excessive contre le polythismeambiant, soit souvenir inconscient du monothismejudaque, soit dsir exagr d'chapper aux objectionsdes unitaires, beaucoup de catholiques craignaient deparatre adorer trois dieux, s'ils mettaient les trois per-sonnes sur le mme plan ; ils se flattaient de mieuxsauvegarder la monarchie divine en les considrant dansleurs relations ternelles, qui tablissent entre elles uncertain ordre et semblent leur assigner des rangs : d'au-tant que l'criture, la liturgie et la raison thologiquefavorisaient leur avis cette conception. Avant les pro-grs de Tarianisme on appliquait gnralement au Verbela description de la Sagesse que les Septante traduisentainsi : Le Seigneur me produisit ('xTic [jle) principe deses voies (1). Un grand nombre de Pres et d'interprtes le plus grand nombre au gr d'Estius voyaient leFils de Dieu dans le Mdialeur qui donna la Loi auxHbreux (2). Bien plus, les docteurs de l'ghse les plusillustres, aprs comme aA'ant Nice, entendent de lanature divine du Christ ces paroles de saint Jean : LePre est plus grand que mOi ([jeTC^v ;jioj) (3). On citepour cette opinion saint Athanasc, saint llilaire, saintpiphane, saint Grgoire de Nazianze, saint Csaire, saintJean Ghrysostome, saint Cyrille d'Alexandrie, saint JeanDamascne, Lonce de Byzancc (4) ; mais il serait trsfacile d'allonger la liste, puisqu'il y manque des nomsaussi connus que saint Basile et saint Isidore de Pluse,

    1. Prov., VIII, 22.2. Gai., III, 20.3. Joan., xiv, 28.4. Knabenbaucr, Comment, in Joan., p. 440.

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    INTKOnrCTIONsans parler (rAloxaiulrc trAlexandrie, des vques duconcile de Sardique et d'Origne lui-mme. Il en rsul-tait une sorte de hirarchie divine que les plus svresdans leur langage, tels que saint Basile (1) et saint Atlia-nase, n'hsitent pas mettre en relief. Ils reconnaissentau Pre [)ar rapport au Fils une priorit de rang {--'l'.:;)et de dignit (^i;.);jta), mais sans aucune antriorit detemps ni aucune prminence de nature {'^'jm-), de ma-jest (S;x) et de grandeur (uycOo^). Le soin qu'a d'ordi-naire l'Ecriture d'approprier les diverses particulescausatives aux diffrentes personnes ne pouvait quefortifiercette conception, confirme d'ailleurs par l'usageliturgique de ne s'adresser puhli([uemcnt qu'au Pre etde le prier par le Fils daiis le Saint-Esprit. Loin de voiren tout cela une ohjection contre la consubstantialit despersonnes, on en tirait un argument en faveur de leurunit. Dieu fait toutes choses par le Verbe datis leSaint-Esprit, disait saint Athanase. Ainsi est sauvegar-de l'unit de la Trinit sainte, et ainsi Dieu est un (2). Ce langage cesserait d'tre juste s'il devenait exclusif,comme saint Basile le remarque avec raison et comme leprouvent la forme du baptme et certaines doxoiogies ;mais par lui-mme il n'a rien d'erron et on lui trouvaitdans les premiers sicles une valeur apologtique dontnous ne sommes plus gure frapps aujourd'hui.

    C'est ce point de vue quaffectionne Origne. A Celsequi reproche aux chrtiens d'adorer deux Dieux, ilrpond que nous adorons un seul Dieu, le Pre et le

    1. Adv. Eitnom , m, 1 et 2 (P. G., t. XXIX, col. 6oG-6i37).Nous ne retrouvons pas dans S. Basile un texte encoi'e plusformol rapporte par Euthymius, Panoplia, \\\ {l'.G., t. (]XXX,col. 724).

    2. Ad Serapion., I, 28.

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    INTRODUCTIONil est la raison substantielle ('S Ayc,; ou aO-roXyo) , ilest la Sagesse, la Vrit, la Puissance, la Justice parexcollence ; il est improduit [i'-hr-o:) si par produit ou entend cr ; il est invisible (pxTo:;) commeimage parfaite du Pre invisible ; il est aussi le Verbe-Dieu et /e Dieu-Verbe ; il est mme le Dieu souverain,le Dion vritable ( ttI TrvTwv et 6 iAr,0'.v 6z6q), dsqu'on cesse de le considrer en legard de son origine etde son arcbtype. Mais, relativement au Pre, il est Dieuproduit (Hq Ycvr,T^), comme, relativement lui, leSaint-Esprit est [)roduit sans tre Fils. Origie nerepousse mme pas absolument l'appellation inventepar Celse de second Dieu ou Dieu en second (oJTspoqBq), mais il se bte de lui donner une explicationcorrecte.Ce terme de Dieu produit nous tonne et nouscboque; cependant, comme le mot grec n'entrane nulle-ment ride d'une causalit cratrice, il trouve grce de-vant saint Athanase; et saint pipbane, qui le condamnedans Origne, ne fait pas difficult d'avouer qu'on pour-rait le passer tout autre. L'ide de ranger sous unmme concept tout ce qui n'est pas Dieu par lui-mmeet d'exprimer par le mme mot tout ce qui drive duFils d'une faon quelconque peut tre une subtilit,mais ce n'est pas une erreur. Autrement nous nous enrendrions nous-mmes coupables en comprenant le Cra-teur et la crature sous le mme nom et le mme con-cept analogique d'tre et de substance Enfin si l'onrflcbit qu'Origne parle comme on parlait gnrale-ment de son temps, que les plus fougueux propagateursde l'arianisme, loin de se rclamer de lui, se crurentobligs de le combattre, qu'au sujet de la Trinit lesPres les plus illustres le dfendent ou l'excusent, on

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    n'osera pas scruter avec trop de rigueur certaines expres-sions malsonnantes ou ambigus. C'est un dangereuxparadoxe de mettre au rang des hrtiques tous lescrivains ecclsiastiques antrieurs Nice et il y a quel-que prsomption s'arroger, sur cet article particulierde la Trinit, une connaissance plus exacte de la pensed'Origne que ne l'eut un saint Athanase.

    111. Epreuves successives.Le vice radical de l'orignisme est l'hypothse des

    preuves successives avec ses ramifications : prexistenceet galit primitive dos intelligences cres, fluctuationssans fin du libre arbitre et rve de restauration univer-selle.

    Depuis Heraclite, Pylhagore et Platon, l'ternit de lamatire tait un dogme intangible de la i^hilosophicgrecque. Philon l'avait admise d'emble, sans mme lapurger de son dualisme. Clment et son disciple se flat-trent de l'accorder avec la foi chrtienne en faisantintervenir l'origine le Crateur; mais, par une mal-heureuse concession aux ides reues, ils maintinrent lacration ab {vterno; je parle de la cration des esprits,car, leurs yeux, la matire n'tant que pour l'esprit etn'ayant qu'en lui sa raison d'tre, est cre parconcomitance. A vrai dire, la cration ab tenio n'estqu'une illusion de la pense qui s'imagine produire unedure ternelle en multipliant le temps par le temps etsui)i)rimer le point de d[)art en le reculant au del detoute perspective. Origne n'en est point dupe. Il parlesouvent du commencement des choses, comme si deschoses ternelles pouvaient avoir un commencement ; illui arrive de poser en axiome que tout ce qui a reu l'tre

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    I.NTROIUC.TinN

    a commence (rlro, et n'est donc pas ternel ; il repousseriiypotlisc (ruii monde infini dans l'espace par un i)rin-cijie qui exclut galement l'infini dans la dure; maisenfin la cration ah a'ienio l'iolle toujours devant sapense et, quand l'ternit proprement dite s'vanouit,il est encore obsd i)ar l'ide de prexistence.

    Or, , l'hypollise de la cration ab lerno ou de lasim; le prexistence des mes le jette presque fatalementdans celle des preuves successives. Si depuis une ter-nit, ou depuis tant de sicles, le sort des craturesraisonnables n'est pas encore dfinitivement fix, ilsemble qu'il ne doive l'tre jamais. Saint Augustin,qui avait un faible pour la prexistence, parce qu'ellelui paraissait plus conforme la cration simultanequ'il croyait voir dans le creavit oinnia siniid de la ver-sion latine de YEcclsiasliqiie, s'en tirait en supposantune sorte de matire si)irituelle, inerte et impersonnelle,dont les mes particulires seraient formes au fur et mesure du besoin. Mais Origne, qui donnait aux mesprexistantes l'activit et la conscience, devait cherclierailleurs une solution du [)roblme.A force de combattre le dualisme gnostique qui ta-blissait deux catgories d'intelligences, les unes essentiel-lement bonnes et incapables de tout mal, les autresessentiellement mauvaises et incapables de tout bien, ilen tait venu penser qu'il n'existait l'origine, entreles intelligences cres, ni disparit ni diversit; quetoutes taient sorties gales des mains du Crateur; queleurs dissemblances ne s'expliquant point par les attri-buts divins de sagesse, de justice et de bont, ne pou-vaient tenir qu'au diffrent usage du libre arbitre. Et ilfaisait consister le libre arbitre, non pas dans le pou-voir d'agir ou de suspendre son acte et de choisir entre

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    plusieurs biens, mais dans ce que les scolastiquesappellent libert de contraril, dans la facult d'embras-ser le bien ou sou contraire, le mal. 11 rpte tout pro-pos que la bont morale est essentielle la divinit seule,c'est--dire au Pre, au Fils et au Saint-Esprit, qu'elleest accidentelle dans tous les tres crs sans exception,que partant elle peut dchoir, comme elle peut toujourstre reconquise.A ce compte, la nature raisonnable ne saurait treirrvocablement fi.xe ni dans le mal ni dans le bien ;

    il lui sera toujours loisible de monter ou de descendrel'chelle de la perfection morale, sans qu'il y ait dans lasrie ou l'amplitude de ses mouvements ni terme nilimite. Mais le dogme catholique se met la traversede ces spculations. Origne excepte d'abord rame duChrist, en qui le pch n'eut jamais d'accs : Pareilleau fer plong dans la fournaise et pntr par le feudans toutes ses molcules, elle est totalement l'abrides atteintes du froid. Il excepte aussi, par moments,l'me des lus, qui, purifie de toute contagion du pch,ne pourra dsormais sentir, goter et concevoir que Dieu,Dieu tant maintenant la rgle et la mesure de toute sonactivit . Il excepte de mme l'medes rprouvs, dansles nombreux passages o il parle du ver qui no meurtpas et du feu qui ne s'teint pas. Il s'indignait qu'onl'accust d'enseigner le salut final du dmon, 5 opinionabsurde, disait-il, qui n'entrerait pas dans la tto d'uninsens . Dans tous ces cas le libre arbitre est enchansans tre dtruit et le penseur alexandrin nous en rvlela raison profonde : c'est que la malice invtre devientune seconde nature et que la charit consomme estincapable de dchoir. Il n'est pas loign de dire quela charit consomme des lus ne dchoit point, parce

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    INTRODUCTION XXXIqu'elle est une couronne immarcessible et que l'obstina-tion des tlauins dans le mal est la consquence d'unchtimeut sans espoir de pardon.Mais, au moment d'arriver au port, il se laisse de nou-veau emporter au souffle capricieux de ses rves. Unprincipe dnu de preuve et deux ou trois textes malcomi)ris lui suggrent un systme de restauration uni-verselle (zoxxTic-rxai) (1), O le sentimentalisme dupote a plus de part que la raison du philosophe et lascience de l'exgte. Le principe est que la fin ressembletoujours au commencement; d'o la conclusion que lepoint d'arrive sera un jour semblable au point dedpart, avec cette diffrence que la bont morale, pr-sent gratuit du Crateur, deviendra le fruit (l(>s mriteset le prix des efforts des tres raisonnables. Les textessont les suivants : Dieu sera tout en tous. 11 faut quele Christ rgne, que toutes choses lui soient soumises. Lacrature sera soustraite la vanit de la corruption laquelle elle fut assujettie dans l'esprance. A vrai dire, l'hypothse des preuves indfinies et celle

    de la restauration universelle s'excluent mutuellement.Comment concevoir un arrt final dans les vicissitudesdu libre arbitre, si la facult actuelle de dchoir lui estessentielle? Est-il possible que toutes les intelligences,animes de mouvements si divers en vertu de leurlibert native, conspirent vers un mme terme avec une

    I. C'est le terme consacr. MaisOrigne ne remploie lui-mme,croyons-nous, qu'une fois dans ce sens [In Joan., i, 16 {P. G.,XIV. 49) : v TT, A-'oaVr, i-rjy.3.-zxz-:xuB:). On voit par l qu'iln'en est pas l'inventeur. Ailleurs ce mot signifie conversion :les dmons s'efforcent d'entraver t, AffJ'.vr.; Cj^oEia; i-oy.a-TiTaj'.v To; -v Ov. Contra Cels., vu., 3; In Malt , xiii, 2,XV, :24 (XIII, 1097 et i3M).

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    telle liannonic que les premires arrives attendent desmillions de sicles les retardataires? Quelle cause balan-cera si bien leurs mrites qu'elles retrouAent, au bout deleur carrire, Tgalitc absolue du point de dpart ? Etqui les prservera, durant l'ternit, de ce sentiment delassitude, de cette satit du bonheur, premire occasionde leur chute? La contradiction est flagrante et n'estpoint passe inaperue. Comme on l'a trs bien dit : La pense d'Origne semble suiA-re deux routes diff-rentes aboutissant une fin contradictoire. D'un ct, ildduit les consquences de la libert telle qu'il la conoit,ce qui le mne l'hypothse d'une srie infinie de siclesou de mondes. De l'autre, s'attachant l'ide de la per-fection divine, comme certaines promesses noncesdans les crits apostoliques, il aboutit de dductions endductions, aprs une srie trs longue sans doute maislimite de palingnsies et d'preuves successives, l'ided'un repos ternel dans l'unit. D'un cot, le progrsn'a pas de terme... et mme on croirait qu'il y a pluttmouvement et agitation sans fin que progrs vritable.De l'autre, il y a un terme ncessaire, comme la volontde Dieu qui l'a fix dans l'acte premier de la cration etle progrs consiste l'atteindre par une longue sried'volutions (1). Rien de plus vident; mais l'erreurdes critiques est de vouloir rduire l'unit des lmentsirrductibles. Suivant qu'ils trouvent au fond du systmel'une ou l'autre hypothse, ils liminent ou sollicitentles textes qui favorisent l'hypothse contraire. Il fautles laisser aller cte cte, sans tenter l'impossible, sansessayer de les concilier : d'autant plus qu'Orignc nedonne ses hypothses que pour ce qu'elles sont, des

    1. Denis, Philin^opliic d'Origne, 1884, p. 344.

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    INTllODLCTlOiN XXXIII

    liypotlises, dont il a bien soin de marquer le caractreconjectural. Lorsqu'il en propose une, il se rserve tou-jours le droit d'en prfrer une autre plus tard ; moins ce ({ui est l'ordinaire ({u'il ne s'en dsintresse etn'en abandonne le cboix au lecteur.

    Ce n'est pas un double mais un triple courant que suitsimultanment sa pense. Il y a en lui le polmiste, sijaloux de sauvegarder le libre arbitre qu'il en oubliela distinction entre la possibilit abstraite et le pou-voir actuel d'osciller du bien au mal et du mal au bien ;il y a le philosophe j'allais dire le rveur qui songed'une rhabilitation finale de toutes les cratures raison-nables ; et il y a le penseur chrtien qui sait quel'preuve a un terme, que le feu des damns brlera jamais, qu'une couronne immarcessible est promise lavertu, qu'une batitude destine finir n'assouvirait pasles aspirations de l'homme. Rien de plus ais que d'ex-traire de ses uvres, comme l'ont fait entre autres llalloixetVincenzi, d'interminables files de textes orthodoxes.Les apologistes outrance auraient raison peut-tre, sil'on pouvait supprimer quatre ou cinq chapitres duPeriarchon. !Mais ces chapitres existent : le devoir ducritique est d'en tenir compte, en faisant valoir, s'ilveut, les ch'constances attnuantes et en recherchant aubesoin si les opinions d'Adamance ne se sont pas modi-fies peu peu dans le sens de la tradition catholique.

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    ORIGENEXXXIV

    CHAPITRE TROISIMEORTHODOXE OU HRTIQUE'?

    Mme proposes SOUS toutes rserves et comme dln-gnieuses constructions philosophico-potiques a lamanire de Platon, ces rveries ne pouvaient manquerd'alarmer l'orthodoxie.

    Orignc fait quelquefois allusion des contradicteurs anonymes qui gotaient peu seshvpothses (1). Nous savons qu'il dut crire un grandnombre de lettres pour s'expliquer ou se justi ler (2)Sur rternit des peines et des rcompenses et sur lamort comme terme de l'preuve, la tradition chrctiennetait si bien assise que les sduisantes spculations duPeriarchon, loin de l'branler, trouvrent a peine uncho. L'admiration qu'on professait pour lau eur nyfit rien- il fut dsavou tacitement, puis combattu sansmerci. La doctrine fut-elle pour quelque chose dans sonexpulsion d'Alexandrie^ Question grave, mais probable-ment insoluble, parce que le seul tmoin ^--^^^^invoquer n'est pas d'accord

    avec lui-mme. En 38^, samtJrme affirmait nergiquement qu'Origene avait etefrapp . non pour ses nouveauts, ni pour quelquehrsie, comme certains chiens enrags essayaient alorsde le faire croire, mais parce qu'on ne pouvait. pas sup-porter l'clat de son savoir et de son loquence et quequand il ouvrait la bouche, tout le monde semblaitmuet (3). Vers 392, il attribuait toujours les persecu-

    , (r> r \ \ni col. 1867): Periarchon,InGenL hom. x.n, 3 {Ibid., t. \II, col. 2o .

    2. Eusbe, Hlst. ceci., 1. VI, chap. xxxv, n .3. Epist. ad Paxdam, x.xxiii, 4 (P. L., t. XMi. coi. **/;

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    INTBOOL'CTION XXXVtions d'Orignc ranimosit jalouse do Dmtrius (1).Mais, partir de 400, il ijarait changer d'avis et cite unfragment de lettre o le chef du Disilacale se plaiut auclerg d'Egypte il'avoir t retranch de la communionet accus faux de doctrines blasphmatoires (2). Il estvraisemblable priori que Dmtrius, si habile mettreles griefs les plus oublis au service de sou envieusefureur, n'aura pas nglig les armes que le hardicatchiste lui offrait spontanment. La lettre adresseplus tard au pape saint Fabien, si nous la possdions enentier, nous clairerait sans doute sur ce sujet. Malheu-reusement nous nen connaissons ni la date ni le con-tenu exact. Tout ce que nous savons, c'est qu'Origne yrejetait sur son ami Ambroise la divulgation prmaturede livres auxquels il n'avait pas encore mis la derniremain, et qui n'taient pas d'ailleurs desthis au grandpublic (3). Il s'agit probablement du De Resurrectione etdu Petiarc/ton, les premiers de ses ouvrages et les plusattaqus. Il est certain qu'ils n'taient pas encore publisau moment o le chef du Didascale entra en rapportsavec sou Mcne, et ce serait pour l'histoire de l'orig-nisme une donne fort intressante de savoir qu'Origneconsignait simplement dans ces IIntcs ses notes de pro-fesseur avec les ides qu'il voulait soumettre l'preuvedu temps, sans avoir en vue la publication immdiate,qui aurait t le fait d'une indiscrtion et d'un abus deconfiance.

    Quoi qu'il en soit, les vques de Palestine, de Phni-1. De Vir. ilL, 54 (P. L., t. XXIII. col. G65).2. Rufin, De aduller. libr. Orig. {P. G., t. XVII, col. G24-62o);

    saint Jrme, Adv. Rii/hi., n, 18 (P. L., t. XXIII, col. 441-442).3. S. Jrme, Epist. ad Pammach. et Ocan., lxxxiv, 10

    {P. L., t. XXII, col. 751).

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    cie, d'Arabie, de Grce et de Gappadoce, le connaissantpersonnellement, ne tinrent aucun compte des sentencesprononces contre lui. Saint Alexandre de Jrusalem etThoctiste de Gsare qui l'avaient ordonn prtrel'accueillirent avec honneur. Ce dernier le pressa decontinuer dans sa ville mtropolitaine l'enseignementthologique si brillamment inaugur Alexandrie.Bientt, les lves afflurent et, parmi eux, saint Gr-goire le Thaumaturge, qui, en quittant son matre,aprs cinq annes de sjour, pronona ce clbrepangyrique, tout exubrant de lyrisme et d'enthou-siasme juvnile, oi nous trouverions peut-tre que ledithyrambe dpasse les bornes, s'il n'tait questiond'Origne et si la gratitude d'un converti et la ferveurd'un nophyte n'avaient aussi leurs droits. Saint Firmi-lien de Gsare en Gappadoce, l'un des plus grandsvques du troisime sicle, se regardait galementcomme son disciple. L'cole d'Alexandrie lui restaitfidle. Si Hraclas, son remplaant au Didascale et lesuccesseur immdiat de Dmtrius, semble n'avoir rienfait pour le rappeler, saint Denys, Thognoste, Pirius,Didyme, qui gouvernrent tour tour le Didascale etdont le premier mourut patriarche d'Alexandrie, lui fu-rent ouvertement favorables. Didyme expliquait dans unsens orthodoxe les expressions ambigus du matre ;saint Denys lui ddiait son exhortation au martyre ;Thognoste suivait ses ides avec une fidlit peut-treexcessive, tandis que le pieux et savant Pirius le serraitd'assez prs pour mriter le surnom de second Origne.En Orient, l'orthodoxie d'Origne n'est pas mme miseen question. On le consulte de tous cts comme unoracle. Jules Africain lui propose ses doutes. Un nom-breux synode runi Bostra avait condamn l'vquo

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    INTRODUCTION XXXVIIde cotte ville, nomm Brylle, sans russir le convain-cre. On fit appel la science, au prestige et l'espritconciliant dOrigcne. Celui-ci, redoutant par-dessus toutles disputes de mots, se mit en rapports avec le novateuret se fit exactement expliquer son systme. Brylle pr-tendait que le Christ, avant l'incarnation, n'avait pas depersonnalit propre, qu'aprs l'incarnation il tait Dieumais de la divinit du Pre. L'vque de Bostra taitdonc unitaire et patripassien. Origne le convertit et dnouement rare des discussions thologiques gagna pour jamais sa confiance et son amiti. Peu aprs,un nouveau concile arabe eut besoin de son aide. Deshrtiques soutenaient que l'me meurt avec le corpspour ressusciter avec lui ; ils l'entendaient sans douted'un sommeil, d'une lthargie, plutt que d'une mortvritable. La dialectique dOrigne dissipa sans peineleurs sophismes, et les tenants de ce bizarre systmeconsentirent enfin le rpudier. Aprs une vie dpense combattre tous les hrtiques de son temps, nous letrouvons encore aux prises avec les elcsates qui permet-taient d'apostasier en cas de pril : vieille hrsie laquelle la terrible perscution de Dce donnait unrenouveau d'actualit (i). Bref, dans tout l'Orient, Ori-gne passait pour le plus ferme champion de l'orthodoxie.On n'est pas hrtique pour admettre inconsciemmentl'erreur. Quand Jrme mandait Augustin qu'il trou-vait dans ses lettres plusieurs choses hrtiques (2) compliment que l'vque d'Hippone aurait pu lui ren-voyer peut-tre il n'entendait certainement pas infhgerl'odieux surnom d'hrtique l'ami qu'il comblait enmme temps des tmoignages de son estime et de sa

    1. Eusbe, Hist. eccL, 1. VI, chap. xxxiii, xxxvii et xxxviii.2. Epist., cv, 2 {P. L., t. XXII, col. 83o).

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    vnration : il vonlait dire seulement, en faisant sansdoute allusion la question de l'origine de Tme surlaquelle ces deux grands saints taient en dsaccord , quecertaines opinions d'Augustin lui paraissaient, luiJrme, contraires au sentiment commun de l'glise.Ce qui fait l'hrtique, c'est l'obstination et l'orgueil. Ilst impossible de parcourir les ouvrages d'Origne sanstre frapp de sa modestie, de sa rserve et de sa can-deur. Personne n'a fait plus d'usage que lui des particulesconditionnelles et des formules dubitatives. L'expressionrpte de son humilit ne rebute pas le lecteur, parcequ'il la devine sincre et n'y souponne jamais unerecherche dguise et d'autant plus hassable du moi.Peu d'crivains ont mis davantage en relief le principed'autorit et le magistre de l'glise. La prdicationecclsiastique revient tout moment sous sa plume,comme la grande rgle de foi qui dcide des controverses.Il est et ATut tre jusqu'au bout enfant de l'glise, carc'est le signe du vrai chrtien. Tous les critiques ontremarqu cette disposition d'me : A aucune poque desa vie l'auteur du Periarchon n'a voulu se mettre enopposition avec l'enseignement de l'glise, qui est restconstamment pour lui la rgle de la croj^nce (1). S'ilavait pu souponner l'abus qu'on ferait de son systme ets'il avait prvu les consquences que la raison thologi-que plus mre et plus claire du quatrime sicle tireraitde ses principes, il aurait reni d'avance, on n'en sauraitdouter, certaines opinions qu'il croyait alors libres etqu'il ne formulait du reste qu'avec une extrme rserve, par manire d'hypothse et comme un simple exerciced'esprit >, ainsi que l'a dit saint Athanase.

    1. Fieppcl, Origne, 1868, t. II, p. 430-

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    I.\TROI)UCTION XXXIXA mesuro qu'il approchait du k'iiiio, le vaillant athlte

    redoublait d'ardeur. C'est au seuil de la vieillesse, entresoixante et soixante-cinf[ ans, qu'il composa plusieurs deses plus beaux ouvrai^es : la rfutation de Celse, l'expli-cation de saint Matthieu et de Tptre aux Romains, lecommentaire sur les petits prophtes, si vant de saintJrme. La plupart de ses homlies datent de cettepoque. Il les improvisait presque journellement et,comme il n'avait plus le temps de les dicter, des stno-graphes les recueillaient de leur mieux. La perscutionde Dce vint arrter ce labeur surhumain. Origne futjet en prison et tourment avec un raffinement debarbarie. Mais les bourreaux de Dce connaissaient l'artde graduer savamment les tortures, pour lasser lapatience des victimes sans leur donner la gloire et la joiedu martyre. A la mort du perscuteur, le confesseur dela foi respirait encore. trange destine que la sienne !Il s'teint Tyr, loin de sa i^atrie d'adoption et ne peutpas mme jouir en repos de l'exil qu'il s'est choisi. Ilarrive aux portes du martyre sans pouvoir en cueillir lapalme, comme Ilippolyte, comme Lucien, dont le sang alav les erreurs. Matre des plus grands docteurs, il n'ena pas lui-mme reu Taurole, et son nom reste traversles sicles une pierre de scandale et un signe de contra-diction.

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    DEUXIEME PARTIEL'Orignisme aprs Origne

    CHAPITRE PREMIERDE LA MORT d'ORIGNE (2o4) A CELLE DE CHRYSOSTOME (407)

    Pendant un demi sicle, Origne dormit en paix.L'cole d'Alexandrie perptuait et vulgarisait son ensei-gnement; trois de ses jjIus illustres disciples, saint Gr-goire le Thaumaturge, saint Denys d'Alexandrie et saintFirmilien de Csare, lui survivaient pour protger sammoire, et le souvenir encore rcent de ce qu'il avaitsouffert pour la foi assurait le respect son tombeau.

    Curieuse observer autant qu'instructive est l'attitudedes crivains ecclsiastiques l'gard du docteur alexan-drin, jusqu' la fin du quatrime sicle. Il y a d'abord lespartisans plus ou moins rsolus : ce sont, outre les troisgrands saints que nous venons de nommer, Thognoste,Pirius, Didyme, Euzous de Csare, saint Pamphile,Eusbe, saint Grgoire de Nysse, Rufin, Jean de Jru-salem, saint Thotime, saint Jean Chrysostome; il y aaussi les adversaires plus ou moins ardents, saint M-thode, Marcel d'Ancyre, saint Eustathe d'Antioche,saint piphane, Thopliile d'Alexandrie, saint Jrme,enfin les trois hrsiarques Atius, Apollinaire et Tho-dore de Mopsueste ; mais ce sont encore les neutres quil'emportent par le mrite, sinon par le nombre : saintVictorin de Pettau, saint Ililaire, saint Ambroise, saintEusbe de Verceil, saint Athanase, Tite de Bostra,saint; Basile le Grand, saint Grgoire de Nazianze.J'appelle neutres ceux qui admirent et louent son gnie,

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    INTRODUCTION XLItudient ses uvres et s'en inspirent, donnent le tour leplus favorable ses carts de pense et de parole, et nel'abandonnent qu' regret, vitant le plus souvent deprononcer son nom. Est-il besoin de dire que ces com-partiments n'ont rien de rigide; (|uc idusicurs des cham-pions saint Mthode, Thophile d'Alexandrie, saintJrme sont passs, plus d'une fois peut-tre, d'uncamp l'autre; que saint Grgoire de Nyssc, bien qu'onl'ait accus de suivre de trop prs Origne, et saint JeanChrysostome, bien qu'il ait souffert pour sa cause,pourraient tre classs parmi les neutres"? Saint Augustinqui dplorait toutes ces controverses, mais qui n'avaitgure lu Origne et ne connut l'orignisme qu'asseztard, sur le rapport d'Orose, tombe en dehors de -notrecadre. Saint Isidore de Pluse aussi, quoiqu'il n'ait pasattendu la fin du quatrime sicle pour sedclarer enfaveurd'Origne. Saint Anastase, qui ignorait le grec, ne fitconnaissance avec l'auteur du Periarchon que dans latraduction de Rufin.

    Les premires escarmouches furent livres par saintMthode et saint Eustathe. L'loquent vque d'Olympeavait compos contre Origne au moins trois ouvrages :une dissertation sur la Pythonisse d'Endor, un trait surles Cratures, enfin un clbre dialogue sur la Rsurrec-tion, dont il nous reste, en dehors dune traduction slaveassez abrge, un rsum fait par Photius et un trs longfragment conserv par saint piphane. Loin de nier larsurrection de la chair, Origne s'en montre partoutl'intrpide champion ; mais, pour ragir contre le mat-rialisme grossier des chiliastes, il fait trop bon marchde l'intgrit sexuelle des corps glorieux et il professesur le principe d'individ nation de la matire des ideshardies. Pour lui la matire est le nec quid, nec quale.

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    nec quantum d'Aristote ; bien qu'elle ne puisse tre sansqualits, aucune qualit ne lui est inhrente; susceptiblede subir toutes les transformations, elle n'a rien en soiqui l'individualise. Les molcules du corps humain sontemportes sans cesse par le tourbillon vital, comme leseaux d'un fleuve rapide ; et, nonobstant ce flux conti-nuel, notre corps reste identique lui-mme : d'o ilrsulte que le maintien de la personnaUt ne dpendnullement des lments matriels. Notre vrai corps estcelui que l'me se faonne, se modle, pour ainsi dire,au cours de l'existence, auquel elle a imprim ses signesparticuliers et quelle reprendra au dernier jour parcequ'elle a dpos en lui une raison sminale Q--^'ocTCpaaTi/.o), comparable au germe dou d'une vielatente, ou cette partie molle du germe (v-epu-jw,) quiprit pour revivre, sans garder d'ailleurs ncessairementles mmes atomes de matire. On le voit, la questiontait porte sur le terrain philosophique et saint Mthodel'avait bien compris. Mais Photius et saint Epiphane ontpass sous silence le ct biologique, sans intrt poureux, du problme ; et il est assez difficile, dans la versionallemande de la traduction slave, de se rendre comptecomment saint Mthode combattait les ides d'Origne surla nutrition des Aivants par assimilation d'lmentsnouveaux et limination incessante des lments uss.Au contraire, sa rfutation de la cration ab terno estpremptoire. Elle se fonde sur l'indpendance souverainede Dieu qui n'a pas besoin des cratures et qui lescratures n'ajoutent rien. L'acte extrieur de la crationne le change pas, autrement il fautlrait dire que lacessation de cet acte le change aussi. Un troisime argu-ment nous parat reposer sur un jeu de mots : Si lemonde est ternel, il est improduit (yvTjxo) car il est

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    INTRODUCTION XLIIIsans principe (ip/'O- C'est un sophisme. Mais, commel'crit avait la forme dialogue, il est i)ossil)ii' (|ue Photiusse soit tromp trinterlocuteur ou qu'il ail [iris de traversle raisonnement du saint martyr (1).

    Vers la mmo poque, saint Eustathe cnti([uait lesvTies d'Origne sur l'apparition de Samuel (2). Origne,avec beaucoup d'autres commentateurs, admet la ralitde l'apparition, iiarce que le rcit bibli(pie n'insinuepoint une tromperie de la sorcire ni une hallucinationde Sad. Saint Eustathe est d'avis contraire et s'tonneque l'exgte alexandrin, aprs avoir tant abus del'allgorie, s'attache ici scrupuleusement la lettre del'criture ; mais on ne peut se dfendre de l'impressionque le docte patriarche d'Antioche a mal choisi sonterrain d'attaque.Cependant les dfenseurs n'taient pas muets. SaintPamphile, non content de recueillir et de copier lesmoindres crits du maitre, composait, avec la collabora-tion d'Eusbe, une Apologie en six livres, dont le pre-mier seulement nous est parvenu dans la traduction deRufin (8). Il avait remarqu que presque tous les griefsarticuls contre Origne se neutralisent et se dtruisentdeux deux. On lui reprochait par exemple de soutenir

    1. Photius, Blblioth., 235 [P. G., t. CIII. col. 1137-1148),rsum du llso: twv yrvr.Twv.2. De Engastrimylho (P. G., t. XVIII, col. 613-G73). SaintEustathe prodigue son adversaire les ])ithtes les plus

    dures : misrable {isy-z'k'.o:;], insens (voTiTo-ra-co;). etc. Les qua-lificatifs double entente qu'il accole son nom (-oAJsT.ao;.TO^'jiTTojp. oo-,'|J.a-'.-Tr.;. y.o;jL'.J/6;, ;j.YaA,Ypo;, xta.) ont une saveurtrop ironique pour tre regards comme des compliments. Ceton contraste violemment avec la polmique toujours digne etmesure d'Origne.

    3. Apologia pro Origne (P. (r., t. XVII, col. 541-616). Laprlace de cet ouvrage est ce qu'on a crit de plus habile et deplus pondr en faveur d'Origne.

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    avec Valentin que le Fils n'est qu'une parole extrieuredu Pre; avec Artmon, qu'il est un pur homme; avecles doctes, qu'il n'est homme qu'en apparence : asser-tions contradictoires et opposes toute vraisemblance,Origne ayant pass sa vie combattre ces hrtiques.On l'accusait sans fondement d'avoir dit qu'il y a deuxChrist, que le Fils de Dieu n'est pas n c'est--diresans doute qu'il ne procde point par gnration queles mes humaines migrent dans des corps d'animaux.Restaient les trois imputations habituelles : allgorisme,spculations eschatologiques, hypothse de la prexis-tence. Sur ce dernier point, saint Pamphile notaitavec raison qu'il s'agissait d'une opinion libre cettepoque et il contestait le bien fond des deux autres avecplus de zle que de succs.Un peu plus tard, un anonyme reprenait la mmethse eu sous-uvre. Autant qu'on en peut juger par lecomi^te rendu succinct et peu favorable de Photius, ildisculpait Origne par les moyens ordinaires : interpo-lation des hrtiques, langage thologique encore incer-tain, problmes discuts et non rsolus. La plupart desgriefs reposent en effet sur un malentendu ou manquentde base solide. Quelques-uns ont un nonc bizarre quidnature videmment la doctrine d'Origne : ainsi leschrubins seraient des -rrvoiai. du Fils; l'me duChrist serait l'me d'Adam lui-mme. Les plus srieuxont trait aux spculations eschatologiques : chute desesprits, rsurrection de la chair, dure des peines del'autre vie, fin du rgne du Christ. Nous ignorons dequelle manire l'anonyme les repoussait (1).

    1. Photius, Bibliotli., 117 (P. G., t. CIII, col. 393-396). A l'ar-ticle suivant, Photius signale en gnral, sans les nommer, ungrand nombre d'autres apologistes d'Origne.

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    INTRODUCTION XLVDu reste, plaidoyers et rquisitoires n'taient que des

    pisodes fugitifs sans retentissement gnral. Pendanttout le quatrime sicle, l'uvre d'Origne fut une carrirepublique o chacun prenait librement les matriaux quilui convenaient, sans toujours se donner la peine de lesretailler. Saint Jrme appelle tmdilions les imitationsde saint Victorin de Petlau, de saint Hilaire et de saintAmbroise ; il value trs haut les emprunts de l'vquede Poitiers ; il dit que le mtropolitain de Milan en arempli presque tous ses ouvrages; dans ses momentsd'humeur il qualifie de vols ces rminiscences flirta Latinortim et, si l'expression dpasse sa pense,s'il ne veut parler ni de plagiat ni de copie servile, toutle monde lui accordera que saint Hilaire et saint Ambroisesont fort redevables au catchiste alexandrin (1). SaintEusbe de Verceil ne l'est gure moins ; mais celui detous les Latins qui lui a le plus d'obhgations partRufin qui n'est que traducteur est encore probable-ment saint Jrme lui-mme. Il le reconnat d'ailleursde bonne grce en une vingtaine d'endroits. Quand onlui reproche de piller Origne, loin de s'en dfendre, ilse fait gloire de suivre celui qui plat tous les sages et son admiration se traduit en hyperboles qu'on nerussira jamais lui faire dsavouer compltement.

    Chez les Grecs, soucieux de dmarquer leurs empruntset d'y mettre leur estampille, l'imitation clate moins la surface. Pourtant les chanes bibliques sont pleines depassages attribus simultanment Origne et quelqueautre crivain plus rcent. Il est clair qu'ils appartiennentau premier en date. Le bon cardinal Pitra s'en scanda-

    1. Voir S. Jrme, De Vir. ilL, 100 (P. L., t. XXIII, col. 699-700); Epist., Lxi, 2 et lxxxiv, 7 (P. L., t. XXII, col. 603 et 749);Adv. Rufin., i, 2 {P. L., t. XXIII, col. 399), etc.

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    XLVl ORIGENBlise et crie au voleur ; mais son rigorisme est hors desaison. Les longues citations implicites taient dans lesmurs littraires du temps. Et puis, les livres de tho-logie et d'exgse taient alors considrs comme bienspubhcs de l'glise, o n'importe qui avait droit de puiser,pour l'avantage des fidles, condition de respecterl'orthodoxie. Saint Grgoire de Nysse s'est fait accuserd'avoir serr de trop prs le modle. Saint Basile etsaint Grgoire de Nazianze fournirent aux esprits faiblesdes ges suivants un grand sujet dtonnement et descandale par le clbre recueil de morceaux choisisd'Origne cju'ils avaient dit conjointement sous le nomde Philocalie \i). Le dernier, au rapport de Suidas, avaitcoutume de dire : Origne nous sert tous de pierre detouche (2). Et Ion donnait cette mme pense untour paradoxal, en disant qu'aucun adversaire d'Orignen'et t capable de le combattre, s'il ne s'tait form son cole. Bref, jusque vers la fin du quatrime sicle, lagloire d'Origne fut son apoge. Le premier opposantdigne de lui est saint piphane.

    Si l'on a parfois refus au pieux v([ue de Salaminel'esprit critique, le souci d'une minutieuse exactitude,les qualits du styliste et la prcision du dialecticien, onne saurait lui dnier avec justice l'amour de la vrit, lesens de l'orthodoxie, le zle pour la bonne cause et larectitude absolue des intentions. Avait-il constat, soit

    1. Voir dans Hobinson, The Philocalia of Origen (Cambridge,1894), p. 1-4, le prologue dont on la fit prcder pour expliquerla conduite des ileux grands docteurs.

    2. Lexicon, article Origne : 'lip'.ysvr,; -r, TtvTwv r.awv i-AO'n,,littralement: notre pierre aiguiser. Saint Grgoire veut diresans doute cpie tous les crivains catholiques acquirent, aucontact d'Orij.'^ue, leur poli et leur tranchant. Nous avons crudevoir substilui'i' un quivalent moins exact.

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    INTRODUCTION XLVIIen gypto, o il avait pass son adolescence, soit enPalestine, sa patrie, o il continuait diriger un clbremonastre, des ferments d'orignisme ? C'est possible.Toujours est-il qu' partir de 1574 jusrpi' sa mort surve-nue en 403, sa cami)agne contre Origne se poursuivitsans relche (1). 11 lui reproche d'avoir soutenu : 1. quele Fils ne voit pas le Pre, ni le Saint-Esprit le Fils;2. que le Fils ne l'est que par grce; 'S. que le Fils estcr, tout en tant de la substance du Pre. Il passeensuite des erreurs encore plus graves son avis : laprexistence des mes et leur relgation dans les corps,le dogme de la rsurrection ni ou affaibli, l'abus del'allgorie, la restauration universelle et la fin du rgnedu Christ. Nous avons vu dans quelle mesure Origne estcoupable de la seconde catgorie d'erreurs

    ;quant aux

    trois premiers articles, on a peine s'expliquer surquoi repose l'accusation. S'il dit que le Fils ne voitpas le Pre, il l'entend, comme le contexte semble lemontrer, d'une vision sensible qui supposerait un Dieucorporel. Que le Fils ne soit Fils que par grce, cela esttellement oppos ses principes et ses dclarationsformelles qu'une imputation si peu vraisemblable auraitbesoin de preuve. Enfin la troisime proposition censu-re : t Le Fils est de la substance du Pre et nanmoinscr , nous parait contradictoire. Origne a-t-il jamaisdit que le Fils est pt-oduit {y.-iix6-), qu'il est une produc-tion (y.-Ccraa) du Pre ? Nous n'osons le nier absolument,car on parlait de la sorte au troisime sicle ; mais il nes'ensuit point que par xtigt il entend cr > et par

    1. Ancoralus {P. G., t. XLIII, col. 128) ; Panarion, hseres.Lxiv {P. L., t. LXI, col. tCK3S-120O); Anacephalosis (P. G.,t. XLII, col. 8G7); Lettre Jean de Jrusalem, traduite en latinpar S. Jrme {P. G., t. XLIII, col. 128).

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    XLVIII ORIGNEx-cijLa crature . Du reste, le fait n'est pas tabli etla citation de saint piphane prouve seulement qu'ilavait appel le Verbe Qto:; yvrr^zdtq, expression suscepti-ble d'un sens orthodoxe, comme saint piphane en con-vient lui-mme.

    Des circonstances o le dogme ne joua d'abord qu'unrle infime donnrent l'auteur du Panarion deux puis-sants auxiliaires. Nous ne raconterons pas les querellessi connues de saint Jrme avec Jean de Jrusalem etavec Rufin qui firent d'un fervent disciple d'Origne unadversaire encore plus ardent. Cependant le solitaire deBethlem tudiait toujours le matre, renvoyait sesuvres, maintenait les loges qu'il lui avait jadis dcer-ns et, s'il condamnait maintenant ses erreurs avecune vivacit qu'expliquent sa fougue naturelle, sonamour jaloux de l'orthodoxie et la violence de la pol-mique, il continuait lui rendre justice.Une conversion plus nigmatique est celle de Tho-

    phile (1). Jusqu'en 399, le patriarche d'Alexandrie taitorigniste au sens oiion l'tait alors en Egypte, c'est--dire qu'il lisait assidment Origne et professait laspiritualit de Dieu. Prvenu contre saint Jrme, iltraitait ouvertement saint piphane d'anthropomorphite.Une aventure singulire le rconcilia avec eux. Dans sacirculaire pascale de 399, il avait cru devoir clairer l'igno-rance des moines antiorignistes qui donnaient Dieu desIDieds, des mains, des yeux et des oreilles. L'moi futgrand au dsert. Les anachortes criaient qu'on leur arra-chait leur Dieu ; il leur semblait q'uil s'vanouissait ense spiritualisant. Il descendirent en masse Alexandrie

    1. Les contemporains sont presque unanimes fltrir Tam-bition, l'avarice, la fourberie, la violence et la cruaut de Tho-phile; mais aucun, cro\ons-nous, n'incrimine son orlhodo.xie.

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    INTRODUCTION XLIXpour forcer le patriarche se riractcr. Celui-ci lesapaisa, dit-on, par cette parole quivoque : En vousvoyant, frres, je crois voir la face de Dieu. Mais ilcomprit en mme temps le parti qu'il pourrait tirer,pour ses haines et ses vengeances, du fanatisme aveugledes anthropomorphites. Il se fit, lui aussi, antiorigrniste.

    Il venait justement de se brouiller, pour des motifstrangers au dogme, avec Isidore rilospitalier et lesquatre Longs Frres, qui, n'tant pas anthropomor-phites, passaient pour orignistes : en Egypte, il n'yavait pas alors de milieu. Ayant fait interdire par unsynode d'Alexandrie la lecture et la conservation desuvres d'Origne, il envahit manu i/ii/itarila montagnede Nitrie, centre suppos de l'orignisme, saccagea etbrla les cellules, poursuivit sans merci les moines dontbeaucoup s'enfuirent Jrusalem et de L Constan-tinople. On sait le reste de cette lamentable histoirequ'on voudrait effacer des annales de l'glise et qui eutpour dnouement l'exil et la mort de saint Jean Chry-sostome. Elle nous montre de trs grands saints auxprises les uns avec les autres, le droit et le devoir telle-ment obscurcis par un nuage d'intrigues, de calomnies etde prventions, qu'il tait presque impossible aux con-temporains et qu'il est encore difficile l'historien deles dmler ; mais elle nous donne cette leon rconfor-tante, que les erreurs d'apprciation et les fautes deconduite qu'elles entranent ne sont point incompatiblesavec la plus minente saintet.

    Plus on scrute avec attention toutes les pripties dece drame, o l'ombre d'Origne joue un si grand rle,moins on arrive y dcouvrir de vrais orignistes. Est-il besoin de disculper Chrysostome, ou son ami saintThotime qui repoussa si nergiquement la sommation

    4

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    L ORIGENEde saint pipluuie d'avoir condamner en bloc et sansexamen les uvres d'Origne (1)'? Quant Kufin, tousses crits, son explication du Symbole, sa lettre aupape Anastase, les professions de foi qu'il aime pro-diguer, sont parfaitement orthodoxes (2). Aprs commeavant ces dbals, il jouit de l'estime et de l'amiti dessaints les plus illustres. L'orthodoxie de Jean de Jrusa-lem dans toute cette affaire ne parait pas plus douteuseet les loges que saint Anastase, au plus fort des contro-verses orignistcs, dcerne sa foi et sa pit (3) nousparatraient excessifs, s'il ne s'agissait d'un personnagealors en trs grand renom de science et de A^ertu. AThophile qui leur dnonait les erreurs orignistes,tous les vques de Palestine runis Jrusalem rpon-dirent qu'ils n'en avaient jamais entendu parler et que per-sonne, leur connaissance, ne les professait dans toutel'tendue de leur proWnce ecclsiastique (4). En Egypte,du moins, rencontrerons-nous quelque origniste authen-tique? Nul n'ignore que les accusations diriges contreles Longs Frres et leurs compagnons d'exil furent recon-nues calomnieuses. Aussi Thophile se rconcilia-t-ilavec eux sans leur demander la moindre rtractation.Lui-mme, Aiolant ses propres dits, se remit lireOrigne et il rpondait ceux qu'tonnait son incons-quence : Je sais tirer les roses des pines (5). Fantme ou pouvantaU, l'orignisme s'tait vanoui.

    1. Socrate, Hist. eccL, vi, 12 (P. G., LXVII. col. 7(M).2. In Symbol. Apost. {P. L., t. XXI, col. 385-38t)); Ad Anaslas.,

    {Ibid., col. 6ii3-Gi8); Apol. in Hieron., i, 4-5 [Ibid., col. 543-545), etc.

    3. Epist. Anaslas. ad Joan. Hierosol. (P. A., t. XXI, col. 627-632).4. Panai les lettres de S. Jrme, Episl., xcui (P. L., t. XXII,

    ol. 7(i9-77I).5. Socrate, Hisl. ecch, vi, 17 {P. G., t. LXVII, col. 716).

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    INTRODUCTION Ll

    CHAPITRE DEUXIK^IECONTROVERSES ORIG.MSTES AU Yl SICLE

    Clirysoslome exil et mort, la haiiic de Thophileassouvie, Rufin rduit au silence, les controverses ori-guistes taient sans but. Il n'en fut pas question durantplus d'un sicle. Ce furent des moines palestiniens, engousdu Periarchon, qui les ressuscitrent. En vain on leurprescrivait comme antidote la rfutation d'Antijiater deBostra. Expulss d'un monastre, ils chercliaient asiledans le voisinage, attendant, pour se faire rintgrer, unchangement d'abh ou de patriarche; or, sousJustinien,les patriarches changeaient souvent. Vers 537, deux desprincipaux orignistes venaient d'obtenir des vchsimportants : Thodore Asliidas, le sige mtropolitainde Csare en Cappadoce, et Domitieu, celui d'Ancyreen Galatie. Le mouvement devenait srieux et il taittemps de l'enrayer (1).

    Quelqu'un s'avisa du remde le plus efficace, lerecours direct l'empereur. Justinien, tout occup qu'iltait faire et dfaire vques et patriarches, savaittre thologien ses heures, pourvu qu'on lui fourntles matriaux tout prpars. Ayant compos safameuse lettre contre Origne, appuye de vingt-quatre

    1. La seule autorit peu prs, pour cette phase de l'orig-nisme, est Cj'rille de Scythopolis {Vila Sabb, 83-90. dansCotelier, EccL Grc. Monum., t. III, p.- 360-370; Paris, 1086).Mais Cyrille, qui crivait en 5oo, presque au lendemain desvnements, est un auteur l)ien inform. Il habitait Jrusalemet fut l'un des cent vingt moines dsigns pour remplacer lesorignistes chasss de la Nouvelle Laure. Il a. de plus, interrogles tmoins oculaires {VUa EuthymU, dans (htelier, op. cit.,t. II, p. 338).

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    LU ORIGENEextraits du Periarchon et accompagne de neuf proposi-tions frapper d'anathme, il adressa le tout aux patriar-ches, y compris le pape Vigile, avec injonction Menasde Constantinople de faire souscrire les anathmatismespartons les voques prsents dans la capitale (543) (1).Librt dit formellement que tous les patriarches adh-rrent redit imprial, et comme les propositions signa-les sont de fait errones, nous n'aurions aucune rai-son de douter que le pape ait donn son assentiment,alors mme que Gassiodore ne l'affirmerait pas. Lesanathmatismes du synode local de 543 paraissent doncavoir t accepts par l'ensemble de l'piscopat catholi-que uni au Saint-Sige : c'est pourquoi nous jugeonsutile d'en donner ici une traduction littrale. Ils refltentmoins sans doute la vraie pense d'Origne que soninterprtation tardive par les moines palestiniens duvi" sicle ; mais ils n'en ont que plus d'intrt. Onremarquera qu'ils ne font aucune allusion la subordi-nation des personnes divines ni l'allgorie scriptu-raire, tandis qu'ils rprouvent des opinions bizarres,qu'aucune citation d'Origne ne vient appuyer dans lespices justificatives.

    1. Anathme qui dit ou tient que les mes deshommes prexistaient en qualit d'esprits et de vertussaintes, mais que, rassasies de la contemplation divine,

    \. Ces trois pices se trouvent clans Mansi, Collecl. Concilior.,t. IX, et dans Migne, P. G., t. LXXXVI. 1" partie, col. 945-981 :dissei-tation contre Origno; col. 981-089: vingt-quatre extraitsdu Periarchon; coi. 089: les neuf anathmatismes. Des vingt-quatre extraits, sept n'ont pas t replacs par Delarue dans lete.xtc de son dition; la place de quatre d'entre eux est cepen-dant facile trouver, surtout grce aux citations de S. Ji-medans sa lettre Avitus. Pour les trois autres, nous ne savonsd'o ils sont tirs, mais il nous parait vident que l'un d'euxest interpol.

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    INTKUULCTIU.N LUIelles se portrent au mal, si> refroidirent de l'amour doDieu, d'o leur vint le nom CCmes {

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    maudits et excrables ; anathme quiconque les pro-fesse, les soutient ou ose les dfendre n'importe quandou comment.On reconnat l, solidifis en dogmes, quelques-unsdes rves vaporeux oii se complaisait la vive imaginationd'Origne ; mais il faut des efforts et des recherches pourdeviner comment on a pu mettre son compte certainesopinions singulires et blasphmatoires. Il dit bien enpassant que les corps clestes ont la forme arrondie,mais il parle videmment des astres et non des lus, caril invoque aussitt le tmoignage des hommes comp-tents en ces matires (1); il dit encore que le Fils deDieu, dans les thophanies o il prludait l'incarna-tion, sous le nom d'Ange du Seigneur ou d'Ange del'alliance, remplissait les fonctions des anges, mais il nedit pas qu'il ait pris leur nature comme il a pris lanature humaine ; il dit enfin que le sacrifice de la croixa eu peut-tre son contre-coup sur toute la cration etson retentissement au ciel, mais il ne dit pas que Jsus-Christ sera un jour crucifi pour les dmons comme ill'a t ijour l'homme coupable (2).Si les antiorignistes s'taient flatts de ruiner lecrdit d'Askidas et de Domitien, ils furent bien dus.Les prlats courtisans signrent tout ce qu'on A'oulut et, ce prix, conservrent la faveur impriale. Cependantl'orignisme prenait une direction toute nouvelle quirclame quelques explications.Vers le dbut du sixime sicle, un moine brouillon

    d'desse, nomm Bar-Suda'li , avait rapport d'Egypteune sorte de panthisme qui empruntait Origne une

    1. De Omliune, 31 {P. G., t. XI, col. uo2).2. Cf. Huot, Orir/eniana, lib. II, cap. ii, q. m, n 2-u et 23-24

    (P. G., t. XVII, col. 707 sr/r/. et 826 sqq.)

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    IiNTRODUCTION LTpartie de sa terminologie. Dans ce systme, autant quela brve rfutation de Pliiloxne permet le l'entendre,tout procderait [)ar manation de l'Absolu qui finiraitpar rsorber en soi toutes choses (1). Le principe fonda-mental tait : Toute nature est consubstanlielle {barkiono) Dieu , et le mot de passe : Dieu sera tout entout. Bar-Sudali, expuls d'desse, vint se rfugier Jrusalem o se trouvait dj un petit noyau dorig-nistes. C'est l que se produisit le syncrtisme des idespanthistes et des hypothses d'Origne. A la mort deNonnus qui y maintenait quelque cohsion, le parti sescinda en deux sectes rivales, celle des protoctistes outtradites et celle des isochristes. Ces derniers acquirentbientt une telle prpondrance que leurs adversaires,de dpit, s'unirent aux orthodoxes, et les isochristesreprsentrent alors tout l'orignisme. Leur dogmecapital, comme le nom Tinsinue, tait que tous leshommes sont destins devenir les gaux du Christ,mais qu'ils doivent finalement, comme le Christ lui-mme, se perdre en Dieu (2).

    Les anathmatismes fulmins en 343 ne suffisant pluscontre cette nouvelle forme d'orignisme, Thodore deScythopolis, oblig de les souscrire vers la fin de l'anne552 (3), fut contraint d'y ajouter les trois articles sui-vants :

    1. Xonaias Mabugensis, Epis t. ad Abraham et Oreslem... deSiephano Bar-Siidaili, dans Assemani, Bibliolh. Orient., t. Ilp. 31-3:i. La lettre de Phiioxne, crite entre oOy et oli, a tpublie d'aprs l'unique manuscrit du Vatican (Syriac, 107,fol. 60-63. VMi" sicle), avec traduction anglaise, par Frothin-gham, Slephen Bar-Sudaili, Ihe Syrian Mysfic, Leyde. 1886.

    2. Nous devons ces maigres dtails Cyrille de Scythopolis,Vita Sabbae, dans Cotelier. op. cit., t. III. p. 37l'-374.

    3. Libellus de error. Origenis {P. G., t. LXXXVI, 1" partie,col. 232-236). Les trois articles ajouts occupent les nuuiros 4,

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    LVI ORIGENEAnathine qui dit ou tient ou pense ou enseigne que

    le rgne de notre grand Dieu et Sauveur Jsus-Clirist estdestin finir et cesser un jour.Anatlime qui dit ou pense ou enseigne que nous

    serons un jour gals au Christ-Sauveur notre Dieu,enfant de la sainte et toujours Vierge Marie, mre deDieu, et que le Dieu-Verbe s'unira nous comme ils'unit, selon la substance et selon Ihypostase, la chairanime prise au sein de Marie.Anatlime qui dit ou pense ou enseigne que lescorps ress