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Pratiques autour de la mort, - Exultet · 2016. 5. 19. · Sous la direction de Jacques-Noël Pérès Pratiques autour de la mort, enjeux œcuméniques Avec les contributions de Patrick

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  • Pratiquesautourdelamort,enjeuxœcuméniques

  • SousladirectiondeJacques-NoëlPérès

    Pratiquesautourdelamort,enjeuxœcuméniques

    Aveclescontributionsde

    PatrickBAUDRY,GillesBERCEVILLE,MartinBOURELDELARONCIÈRE,MarianneCARBONNIER-

    BURKARD,FrédéricCHAVEL,ChristopheDELAIGUE,

    FlemmingFLEINERT-JENSEN,BrunoGAUDELET,IsaiaGAZZOLA,JobGETCHA,DominiqueHERNANDEZ,BernardKLASEN,IsabelleLECOINTE,RaphaëlPICON,ThomasRÖMER,Jean

    RUELLAN,SergeSOLLOGOUB,LaurentVILLEMIN

    DescléedeBrouwer

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  • ensérie”,susceptibled’enatténueroud’enamortirlechoc.»6.VoirLouis-VincentTHOMAS,«Lepluralismecohérentde

    lanotiondepersonneenAfriquenoiretraditionnelle»,inLanotiondepersonneenAfriquenoire,colloqueinternationalduCNRS,n°544,Paris,1971,republiédansPrétentaine,«Anthropologiedel’ailleurs.PrésencedeLouis-VincentThomas»,IRSA,Montpellier,n°7/8,octobre1997,p.111-136.

    7.VoirLouis-VincentTHOMAS,Ritesdemort,Paris,Fayard,1985.

    8.DenisVASSE,Unparmid’autres,Paris,Seuil,1978.

  • ÉvolutiondespratiquesfunérairesLamortaujourd’hui

    JeanRuellan

    Quedirede lamortaujourd’hui?Qu’elleestpartout,dans lesmédias, les arts ?Que la peur et la curiosité qu’elle provoquesont des sources d’inspiration inépuisables pour les humainsquenoussommes?Certes,maisqu’enest-ildelamortconcrète,decellequinoustouchedeprès,audétourdelavienormale?Celle,quotidienne,queviventlessoignants,lesassociations,lesreprésentants des cultes et les professionnels des servicesfunéraires ? Est-elle représentée, analysée, montrée voiresublimée ? Pas vraiment, pas encore… Parce qu’elle estindicible, la mort réelle n’inspire guère. Cette ennemiehéréditaire a besoin d’être magnifiée pour exister dans lesreprésentations collectives, pour intéresser ailleurs que dans ledomainedel’exceptionnel,delamortspectacle.

    Mortetespérancedevie

    Entermesconcrets,poserdeschiffressurlamortaujourd’huienFrance,c’estparlerd’espérancedevie.Elleestactuellementdesoixante-dix-septanspourleshommesetdequatre-vingt-quatreans pour les femmes ; ce qui fait des Français les championsd’Europeenlamatière.Latendanceestparailleursencoreàlahausse.Ainsicefacteursociologique,l’allongementdeladuréede vie, a-t-il bien évidemment une influence sur l’approcheglobaledelamort.Trèssouvent,mortetgrandâge,voiremortetdégénérescencesontassociésdansl’imageriecollective.Lamort

  • concrète est lamort âgée, en quelque sorte une formedemortattendue, si ce n’est par la personne, dumoins éventuellementpar sa famille. Mais le phénomène sociologique le plusimportant en rapport avec lamort est sans conteste l’évolutiondu mode de vie. Avec des familles éclatées, nucléaires,recomposées, la cohabitation intergénérationnelle est devenuel’exception qui infirme la règle générale de vie qui prévautdésormais,àsavoirleclivagepartranched’âge,laviedegroupeselon les stades de la vie, normativement imposée par lesreprésentations médiatiques. Le grand âge, le moins reconnudans notre société, est le moins susceptible d’échapper à cediktat.

    Lamortalitévaaugmenter

    Quelques chiffres encore.Mettonsde côté lenombrededécèsen2003et2004,marquésd’unepartparlacaniculeet,d’autrepart,par labaisse trèsnettemaiségalement logiquede l’annéesuivante. En considérant les choses depuis 1975, la mortalitéobservéecesdernièresannéesapparaîtenretrait,évoluantdansdesniveauxhistoriquementbas.Plusprécisément,aucoursdeladécennie1975-1985,ilyavaitàpeuprès550000décèsparanenFrance.Aucoursdeladécenniesuivante,lamoyenneachutéà530000.Lesconstatssemblentsemaintenir,durantlapériode1995-2005, en dessous des 532 000 décès. Aujourd’hui, lamoyennedesdécèssesitueautourdes540000décèsannuels.Cependant, la tendancenevapaspourautant sepoursuivre.Àimmigration constante, on attend en France 600 000 décèsannuels dans un futur désormais très proche, 2020. Cetteaugmentationdunombrededécès,prévisibleetliéeévidemment

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  • elles videde sens.Avec le développement sans cesse croissantdes cérémonies civiles pour les obsèques, la nécessité dedévelopper l’accompagnementestdevenue impérieuse.Souventsansexpérienceetsansrepère,lesfamillesattendentdeplusenplusd’aidedesprofessionnelsdufunéraire,nonseulementdansledomainematérielmais également enmatièrede contenudescérémonies.D’autant que, tous les professionnels des servicesfunéraireslesavent,desobsèquesdurantlesquelleslesprochesonteulapossibilitéd’exprimerleurssentimentssontunesourced’apaisementetpermettentd’entamerleparcoursdudeuildansdesconditionsplusfavorables.Enrendantàl’êtrecherquel’ona perdu un hommage qui lui ressemble, on l’accompagnejusqu’auboutduchemin.

    En outre, la proportion des cérémonies civiles est plusimportante lorsque la crémation est retenue comme mode desépulture. Il n’en demeure pas moins que, pour 72 % desFrançais,ilestimportantquelacrémationsoitaccompagnéeparune cérémonie, qu’elle soit religieuse ou civile. Ainsi, ledéveloppementexponentieldelacrémation,quitotaliseen2009près de 30% des obsèques, ne contredit pas l’importance del’hommage.Aprèsdesdécenniesdeprivatisationdesobsèqueset de supputations concernant la fin des cérémonies, lesnouveauxdéveloppementsmontrentqu’aucontrairelesfamillessont en attente de nouvelles formes d’hommage,mais aspirenttoujoursàuncontenu,sinouveauetsidifférentsoit-il.

    Denouvellespossibilitéspourlelieudecérémonie

    Pendant la préparation des obsèques, la famille et l’opérateurfunérairedéterminentavanttoutunlieu.Celui-cipeutdésormais

  • s’inscrireendehorsdescircuitshistoriques.Onciterabiensûrlessallesomnicultesoulessallesdecérémonies,trèsprésentesdans les funérariums et obligatoires dans les crématoriums.Ainsi il apparaît que les Français font désormais des choixdifférents,telsquelecrématorium(28%),ledomicile(14%),lefunérarium (11%), qui talonnent le lieu de culte, sélectionnédans38%descas5.

    Parfois, et surtout en cas de drame collectif, le lieu del’hommage est choisi en fonction de ses dimensionssymboliquesetpratiques.OnpenseraainsiàlamunicipalitédeNanterre,frappéeparuntueurenpleinconseilmunicipaletquirendhommageauxsiensdansunstade.Demême, ledramedeL’Haÿ-les-Roses,aucoursduquelpérirentdix-huitpersonnesàla suite d’un feumis intentionnellement auxboîtes aux lettresd’un immeuble, a donné lieu à une cérémoniemulticonfessionnelle organisée dans le gymnase de la ville, oùtrois mille personnes se sont rassemblées. La dimensionsymbolique était ici d’autant plus forte qu’aucun corps n’étaitprésent.Ce lieu collectif, auquel on avait pris soind’ôter toutaspectfestif,apermisdelibérerlesémotions.

    Bâtiretconduireunecérémonie,unenjeumajeurpourlesprofessionnels

    L’opérateur funéraire donne généralement un canevas, unschéma, et la famille compose autour sa partition, parfois enpartant d’une feuille blanche si elle le souhaite. Loin descontraintes rassurantes des rituels séculaires, toutes lesinnovations sont permises, pour peu qu’elles revêtent un senspourlesparticipants.Onpeutparexempleinviterlesfamillesà

  • noter ce que le défunt aimait, n’aimait pas, son caractère, desanecdotes, les envies des proches… On a souvent assez dematière ensuite pour construire l’hommage personnalisé.Cependant, une question majeure d’organisation se posegénéralement : laprésidencede la cérémonie.Àqui s’adresserpourconduirelesobsèques?Fairelechoixd’unmembredelafamille peut s’avérer périlleux pour le bon déroulement de lacérémonie.Eneffet,ilconvientnonseulementd’aimerparlerenpublic et de posséder autorité naturelle et prestance, maiségalementet surtout, ilne fautpasêtre touchépar ledécèsaupoint de ne pas être en mesure de contenir ses émotions.Souvent donc, les services funéraires sont sollicités pour cettemission. Il serait pourtant intéressant de montrer combien cerôleestdifférentdel’ordonnancementd’unecérémonie.

    Le maître de cérémonie est bien sûr là pour guider,expliquer, séquencer et diriger le convoi. Mais le présidentd’unecérémonievaau-delàdecerôle,enguidantl’assistanceetenparticipantlui-mêmeauxgestesd’hommage.

    Diversitédescontenusetdesgestesd’hommage

    Quelques temps forts de la cérémonie seront souvent présentscomme l’accueil, l’évocation du défunt, l’hommage, lesréférencesdelafamilleetdesamis,legestedeséparationetletempsdemémoire.Cesétapes,ponctuéesdemusiques,choisiesen fonctiondesgoûtsdudéfuntou enhommageà celui-ci, detextes écrits ou choisis pour l’occasion, peuvent être encorerenforcéesparlaprésenced’objets,symbolesdelapersonnalitédu défunt et des liens qui l’unissaient aux participants. Lesfleurs, disposées avant la cérémonie ou placées par chaque

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  • Alors que les sociétés de type traditionnel sont en effetstructurées par la religion (également traditionnelle) quisacralise le pouvoir, la morale, l’ordre établi, et la vision dumonde,lasociétémodernedésacraliseaucontrairesesstructureset sa vision du monde, et c’est au politico-juridique qu’elledonne le mandat de gérer la société et d’en réglementer lesstructures.L’avènementdecette«modernitéculturelle»estalléde pair en Europe avec les progrès d’une vision du mondescientifique, démythologisée, désenchantée, fruit de l’avancéedessciencesdelanatureetdurationalismedesLumières.Cetteapprochede lamodernité n’est évidemment pas un scoop, elleestdésormaisunlieucommundelaphilosophieetdesscienceshumaines. Marcel Gauchet en est aujourd’hui le grandthéoricien.

    Lamodernitéestdoncl’avènementd’unemutationculturelleinédite.Onpeut regretter cet avènement.Onpeut, etmêmeondoit, en souligner les défauts, les erreurs, les béances, lesapories…Maislamodernitéestnotreculture!Elleneseréduitpas aux idéologiesqui s’en sont réclaméesetqui l’ontportée.Elle consiste en des valeurs et des principes tels quel’autonomie du sujet, la liberté de conscience, la démocratie,l’affirmationdudroitdesindividusetdessociétés, la laïcitéetlarationalitéscientifique,etdonccritique,pourl’établissementdesconnaissancesetl’aperceptionduréel.Valeursetprincipesqui, évidemment, sont loind’êtredépassés aujourd’hui etdontl’inscription dans les consciences, dans les institutions et lesdisciplines universitaires, quelles qu’elles soient, indique, quebien loin d’être entrés depuis la fin des grandes idéologies en« postmodernité » – au sens d’une « après-modernité »chronologique–,noussommesbienplutôtentrésdans l’èredel’ultra- ou de l’hypermodernité. La postmodernité n’apparaîtainsi, nullement, comme le dépassement des valeurs et des

  • principes de la modernité, mais bien davantage comme uneexplication critique de la modernité avec elle-même, uneexplication critique qui applique à la modernité même sespropresprincipesdescientificitéetdemiseàdistancecritique.La postmodernité n’est pas un « venir après » dans l’ordrechronologique,mais bien plutôt une explication critique de lamodernité avec elle-même. Le « post » de la postmodernité,explique le théologien Pierre Gisel, ressortit, dès lors, à lafonction critique inhérente à la modernité et peut s’entendrecomme«métamodernité2».

    Petitsrappelssurlesbouleversementsherméneutiquesdesthéologieschrétiennesauseindelamodernité

    Avec Marcel Gauchet nous pouvons reconnaître que, si lareligion chrétienne portait bien en elle-même le principe de la«findelareligion»,c’esteffectivementàsoncorpsdéfendantqu’elleestdevenue«lareligiondelafindelareligion».C’esten effet, d’abord, l’hostilité et l’agressivité à l’égard d’unemodernité, certes dominée par un rationalisme imbu de lui-même, qui prédomina dans les milieux chrétiens de l’après-Révolution française. Les théologies chrétiennes se sontcependantpeuàpeulaisséféconderparl’espritscientifiquedelamodernitéetontprogressivementadaptéetrepositionnéleursdiscours en intégrant les savoirs modernes et les méthodesd’analysesinspiréesparl’espritscientifique.

    La modernité a commencé à influencer par ailleurs lescercles érudits du protestantisme dès le siècle des Lumières.Progressivement, plusieurs théologiens s’engagèrent dans une

  • relecture«critique»delaBiblecapablededistinguerentresesdifférents genres littéraires, de restituer ses contextes deproduction,ouencoredereconstituerl’histoiredesHébreuxoudel’Égliseprimitive.Cheminfaisant,lesthéologiensluthérienset réformés prirent conscience que les interprétationsdogmatiques traditionnelles ne respectaient pas toujours lesintentions propres des récits bibliques ou les contexteshistoriquesdanslesquelsilsavaientétédonnés.Letempsoùlathéologie pouvait se passer d’une exégèse de rigueurscientifique était révolu. Une seconde « Réforme » était enmarche,celled’unenouvellelecturedelaBibleetdumonde,etpartant d’un renouvellement des concepts de l’inspiration del’ÉcritureetdelaRévélation.

    Côtécatholique,bienquedebrillantsespritsemboîtèrentlepasàleurscollèguesprotestants,l’antimodernisme,puislacrisedite « moderniste » ralentirent certainement le processusd’inculturation de la théologie dans lamodernité. Il fallut, eneffet, attendre l’encycliqueDivinoafflante spiritu de PieXII.,en1943,pourquelanécessitéd’uneinterprétationscientifiquede la Bible, faisant un bon usage de la méthode historico-critique, soit reconnue et légitimée au plus haut niveau del’Églisecatholique3.Lasuite,onlaconnaît;leconcileVaticanII reprit dans la constitution dogmatique sur la Révélationdivine,DeiVerbum,lesrecommandationsdePieXII,etcepourle plus grandprofit de l’exégèse catholique, qui ne devint pasmoins experte que l’exégèse protestante en matière descientificité etdemodernité.Or, c’estd’abordconséquemmentauxbouleversementsdelamodernitéenmatièred’exégèse,quelaquestion«herméneutique»acommencéàsereposerauseindesÉgliseschrétiennesduXXesiècle.

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  • liste mésopotamienne des rois, qui date du IIe millénaire, onénumère des rois d’avant le déluge (tous des personnagesmythiques ayant des durées de règne incroyables), et des roisd’aprèsledéluge(unerépartitioncomparablesetrouvedansleslistes généalogiques du livre de la Genèse). Dans cette liste,Gilgamesh apparaît comme cinquième roi d’après le déluge. Ilest présenté comme roi d’Uruk, ce qu’il est également dansl’épopée.SesprédécesseurssontLugalbanda(quidansl’épopéeest d’autre part présenté comme étant son père) et Dumuzi(Tammuzenakkadien).Cesroisfigurentdansunautrecataloguecommedesdivinités.AinsilafiguredeGilgameshsesitueentrelemondedeshumainsetlemondedesdivins.

    LenomdeGilgameshpeutsetraduirepar«l’ancêtreestunhéros/unjeunehomme»;sansdouteleporteurdecenomfut-ill’auteurd’exploitsquiont conduit à fairede luiune figuredehéroslégendaire.Lethèmeprincipaldel’épopéesetrouvesansdoute dans la réflexion sur la mort, regardée comme étant ledestin inéluctable de l’homme. Après des exploits qu’il mèneavec son ami Enkidu, son alter ego, Gilgamesh repousse uneavance de la déesse Ishtar, et les deux amis entrent en conflitavec les dieux. Pour punir Gilgamesh, les dieux font mourirEnkidu.Aprèslamortd’Enkidu,Gilgameshsedécouvremortel.La mort de l’ami, la disparition définitive de l’être aimé,représenteenquelquesortelestadelepluspoussédelaprisedeconscienceparl’hommedesondestin.

    Gilgameshsemetalorsenquêted’unremèdecontrelamort.IlrencontreladéesseSiduri(quiestpeut-êtreidentiqueàIshtar)etensuiteUtnapishtietsafemme,seulcouplehumainimmortel.Ces interlocuteurs lui donnent lamême réponse : «Quand lesdieux ont créé les hommes, c’est lamort qu’ils ont réservée àl’humanité ; la vie ils l’ont retenue pour eux entre leurs

  • mains18. » Dans la suite de l’épopée, au moment où il penseavoirpeut-êtretrouvéunremèdecontrelamort,celui-ciestvolépar un serpent. Gilgamesh doit alors accepter la mort commeétantledestindel’homme.

    Lapositionqu’adoptel’épopéedeGilgameshfaceàlamortestassezcomparableaurécitditdelachuteenGn3,oùapparaîtégalement le serpent dans le rôle de l’agent provocateur. Àl’originedel’interditdivinsetrouveeneffetunequestiondevieetdemort.EnGn2,17,YahvéDieuditaucouplehumain:«Tunemangeraspasdel’arbredelaconnaissancedubienetdumal,carlejouroùtuenmangerastumourras.»Faceàcetinterdit,leserpentriposte:«Pasdutout!Vousnemourrezpas!Dieulesait:lejouroùvousenmangerez,vosyeuxs’ouvrirontetvousserez comme des dieux » (Gn 3,4-5). En fin de compte, lasanctiondivineà la suitede la transgression se situeentrecesdeux affirmations. L’homme et la femme ne meurent pasimmédiatement, mais la mort devient dorénavant le destininéluctable de l’humanité : « Yahvé Dieu dit : “Voici quel’hommeestdevenucommel’undenousparlaconnaissancedubonheuretdumalheur.Maintenant,qu’ilne tendepas lamainpour prendre aussi de l’arbre de vie, en manger et vivre àjamais!”»(Gn3,22).Dansl’Israëlancien,lamortestledestininéluctable de l’homme, ce qui le différencie dumonde divin.«C’estàlasueurdetonvisagequetumangerasdupain,jusqu’àcequeturetournesàlaterre,puisquec’estd’ellequetuasétépris ;car tuespoussièreet turetournerasà lapoussière»(Gn3,19). Le récit de Gn 3, qui n’est pas forcément un contepessimiste1, insiste sur le fait que la mort fait partie de lacondition humaine, que c’est justement la mort qui distinguel’hommedeDieu(uneconceptioncomparablesetrouvedanslePs90,7-9,oùlamortalitédel’hommeestmiseenrelationavec

  • la colère ou le jugement de Dieu). Le texte est donc un récitd’origine qui explique comment la souffrance et la mort sontarrivées dans la création, même si, malgré la sanction, la vierestepossible.Aumomentdelasortiedujardinlafemmereçoitunnouveaunom,Ève–hawwa : lavivante.Ellepourradonnernaissance à d’autres humains ; la mort individuelle est ainsidépassée par les générations à venir qui perpétuent la racehumainemalgrélaréalitédelamort.

    Dépasserlamortparladescendance

    Dansl’Israëlanciencommedans lespaysvoisins, lamortétaitdoncconsidéréecommemettantfinàl’existencehumaine.Unemortàlafind’uneviebienremplieétaitalorscomprisecommesignedelagrâcedivine,commeenattestel’expression«mourirvieux et rassasié de jours » (Gn 25,8 : « Abraham expira etmourutaprèsuneheureusevieillesse,âgéet remplide jours. Ilfutrassembléàsonpeuple.IsaacetIsmaëlsesfilsl’enterrèrentdans la caverne de Makpéla »). Une mort prématurée est enrevanchecomprisecommeunmalheurextrême,voirecommeunesanctiondivine(Lm5,21).

    La seulepossibilitépour l’hommed’accéder à lapérennitéconsiste à avoir une descendance, et surtout des fils danslesquelsilcontinueenuncertainsensàvivre.Lanaissancedupremierfilsestdoncl’occasiond’unejoieextrême;àl’inverse,mourir sans laisser de fils est un grand déshonneur, voire lamarqued’uneréprobationdivine.Lastérilitéestparconséquentune des plus grandes hantises de l’homme du Proche-Orientancien, comme lemontrent notamment les récits d’AbrahametdeJacobenGn12-36(defaçoncurieuse,onpartinévitablement

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  • LaBiblehébraïqueattesteledésirdegarderlecontactaveclesmorts (comme dans les cultures voisines), faisant cependantapparaître une évolution dans les rapports avec les défunts :l’affirmationde l’unicitédeYahvémèneàunecritiqueetàunrejetdelanécromancieetdeladivinisationdesancêtres(Dt18).La critique est plus discrète quant aux tombeaux : ils gardentleurimportancecomme«lieudesouvenir»etpeut-êtreaussiderevendicationterritoriale.

    La Bible reconnaît et souligne le fait que le deuil estnécessaireetqu’ildoitêtreritualisécommelanaissance.

    Cependant, le deuil ne doit pas (plus) s’accompagner desrites qui font des vivants de pseudo-morts. La mort est alorsgérée dans la confession en Yahvé qui « fait mourir et il faitvivre, il fait descendre au séjour des morts et il en faitremonter»(1S2,6).

    14.JanASSMANN,«TodundKultur»,inRainer-M.E.JACOBI,PeterC.CLAUSSENetPeterWOLF(éds),DieWahrheitderBegegnung:anthropologischePerspektivenderNeurologie.FestschriftfürDieterJanz(BeiträgezurmedizinischenAnthropologie),Würzburg,KönigshausenundNeumann,2001,p.399-416,405:«DerTododer,besser,dasWissenumunsereSterblichkeitisteinKultur-GeneratorerstenRanges.»

    15.L’expression«Biblehébraïque»estpréférableàcelled’«AncienTestament»etcelapourplusieursraisons.Rappelonsseulementqueletermed’AncienTestamentn’estpasunivoquecarilrenvoieàdesréalitésetdescollectionsdelivresdifférentesdanslesÉglisescatholique,protestantesouorthodoxes.

    16.Ilexistedenombreusespublicationsàcesujet.

  • Mentionnonsenfrançais:AdolpheLODS,Lacroyanceàlaviefutureetlecultedesmortsdansl’Antiquitéisraélite(2vol.),Paris,Fischbacher,1906;RobertMARTIN-ACHARD,Delamortàlarésurrectiond’aprèsl’AncienTestament(Bibliothèquethéologique),Neuchâtel/Paris,DelachauxetNiestlé,1956;ThomasRÖMER,«LamortetlesmortsdansleProche-OrientancienetdanslaBiblehébraïque»,ETR80,2005,p.347-358;HélèneNUTKOWICZ,L’hommefaceàlamortauroyaumedeJuda:rites,pratiquesetreprésentations(Patrimoines.Judaïsme),Paris,Cerf,2006;Jean-DanielMACCHI,«Perspectivessurl’au-delàetsurlamortdanslemondejudéo-israéliteancien»,BCPE(G)62,2010,p.5-30;ChristopheNIHAN,«Lesoriginesdelacroyanceenlarésurrectiondesmortsdanslejudaïsmedusecondtemple»,BCPE(G)62,2010,p.31-52.

    17.Celanesignifiepasquecertainsdieuxnepuissentmourir.ÀOugarit,Baalmeurtchaqueannéepourressusciteràlasaisondespluies.DanslesépopéesEnumaElishetAthrahasis,desdieuxinférieurs,sontmisàmortetleursangpermetlacréationdeshommes.

    18.Raymond-JacquesTOURNAYetAaronSHAFFER,L’épopéedeGilgamesh(LittératuresanciennesduProche-Orient15),Paris,Cerf,1998,tabletteX,versionninivite;p.203,216.

    1.Surleplananthropologiqueetthéologique,latransgressiondel’hommeestunenécessitéontologique.PourplusdedétailsvoirPhilippeBORGEAUDetThomasRÖMER,«MythologiedelaMéditerranéeetduProche-Orient:regardscroiséssurl’originedel’humanité»,inPhilippeBORGEAUDetFrancescaPRESCENDI(éds),Religionsantiques.Uneintroductioncomparée,Genève,LaboretFides,2008,p.121-148.

  • 2.Cecatalogueyestrépétéencoretroisfois.3.NicholasJ.TROMP,PrimitiveConceptionsofDeathand

    theNetherworldintheOldTestament,Rome,PontificioIstitutobiblico,1969,p.21-23;àconsulteraussipourlasuite.

    4.AndréCAQUOT,Jean-MicheldeTARRAGONetJesús-LuisCUNCHILLOS,Textesougaritiques.II.Textesreligieuxetrituels.Correspondance(LAPO),Paris,Cerf,1989,p.103-110.

    5.ThomasRÖMER,«JugementetsalutenÉsaïe28»,Positionsluthériennes43,1995,p.55-62.

    6.Pourleproblèmedel’historicitédelaréformedeJosias,voirl’argumentationéquilibréedeChrostofUEHLINGER,«WasthereaCultReformunderKingJosiah?TheCaseforaWell-GroundedMinimum»,inLesterL.GRABBE(éd.),GoodKingsandBadKings.TheKingdomofJudahintheSeventhCenturyB.C.E.(LHB/OTS393),London/NewYork,T&TClark/Continuum,2005,p.279-316.

    7.Selonl’excavateurBarkay,cesamulettesdateraientduVIIesiècle,GabrielBARKAYetal.,«TheChallengesofKetefHinnom.UsingAdvancedTechnologiestoReclaimtheEarliestBiblicalTextsandtheirContext»,NearEasternArcheology66,2003,p.162-171;maiscettedatationn’estpasgénéralementacceptée:AngelikaBERLEJUNG,«EinProgrammfürsLeben.TheologischesWortundanthropologischerOrtderSilberamulettevonKetefHinnom»,ZAW120,2008,p.204-230,penseauVesiècle;ladatationdeFerdinandDEXINGER,«DieFundevonGehinnom»,BiLi59,1986,p.259-261àl’époquehellénistiquesemblepeuplausible.

    8.ErnstKUTSCH,«“Trauerbräuche”und“Selbstminderungsriten”imAltenTestament(1965)»,inLudwigSCHMIDTetKarlEBERLEIN(éds),KleineSchriftenzumAltenTestament.ErnstKutschzum65.Geburtstag(BZAW

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  • Quelquesmotsd’introductiontoutd’abord

    La liturgie des funérailles reste, comme dans la tradition,uneliturgiestationalequisedérouleenplusieurslieuxets’étalesur plusieurs jours. Il y a généralement : un temps de prière,plutôtinformel,àlamaisonouausalonfunéraire;untempsdeprière au moment où on ferme le cercueil. C’est un momenttoujoursdouloureux;untempsdecélébrationàl’égliseaveclesproches et la communauté chrétienne ; enfin un temps aucimetière, précédé peut-être d’un temps de prière aucrématorium.

    Euégardàcesdifférentstemps,leRitueldesfunéraillessecomposedeplusieurslivres:

    Lacélébrationdesobsèques.RitueldesfunéraillesI,quisertpourunecélébrationàl’église.Prièrespourlesdéfuntsàlamaisonetaucimetière.RituelII.

    Ilexisteaussiun lectionnairepour la liturgiedesdéfunts :recueil de tous les textes bibliques qui sont proposés pour lacélébrationdesfunérailles.

    Ces livres liturgiques présentent deux insuffisances.D’abord, on trouve peu de modèles de célébrations pour letempsquiprécèdelacélébrationàl’église(àlamaison,ausalonfunéraire) et pour le tempsqui suit (au cimetière et surtout aucrématorium). D’autre part, on constate un vide cérémonielautour de certains cas particuliers : funérailles d’enfants nonbaptisés, célébrations enprésencede l’urneou célébrations aucrématorium.

    LeSaint-SiègeadécidélarévisionduRitueldesfunérailles,mais pour le moment, le projet est à l’étude. En attendant,devant l’urgence, l’Association épiscopale liturgique pour les

  • pays francophones (AELF) a travaillé à un projet et a édité,depuis septembre 2008, un guide pastoral intitulé Dansl’espérance chrétienne. Célébrations pour les défunts10. Cen’estpasunrituel,maisunguidepastoralquiproposediversesfaçons de célébrer adaptées aux évolutions des dernièresdécennies.

    PremièrelectureduRitueldesfunérailles

    Cette lecture, notons-le, pourrait être menée de la mêmemanièreàpartirduguidepastoral.LorsquelesPèresduconcileVatican II ont décidé la réforme liturgique et la révision desrituels,ilsontsouhaitéquelaliturgiedesfunérailles«exprimede façon évidente le caractère pascal de la mort chrétienne »(SC81).C’estpourquoilerituelcommenceparcetteaffirmationthéologiquefondamentale:«C’est lemystèrepascalduChristquel’Églisecélèbreavecfoidanslesfunéraillesdesesenfants»(n°1).

    Quelleestlasignificationdecetteaffirmation?Célébrer le mystère pascal du Christ, c’est célébrer le

    passageduChrist,lepassagedelamortàlavie,lavictoiresurlamort.Celaveutdirequ’onnecélèbrepasd’abordledéfunt,nila famille, mais la mort et la résurrection du Christ. On peutdonc,etc’estunepremièremanièred’aborderlerituel,procéderà l’inventairede toutes lesprièresqui sontdes confessionsdefoi au Christ mort et ressuscité : par exemple, la prièred’ouverture,aun°85:«DieunotrePère,toiseulpeuxvaincrelamortetdonnerlaviequinemeurtplus»;oudesprièresquidemandent l’espérance et la foi en cette victoire sur lamort :«SeigneurJésus;[…],tuesvenuvivreetmourirencemonde,

  • pour que l’hommeait la vie avec toi.Ouvre nos cœurs à cetteespérance»(RF67).

    Les gestes et les symboles ont également pour fonctiond’exprimer lemystèrepascal.Ainsi, audébutde la cérémonie,onobserve que le corps du défunt est accueilli sur le seuil del’église lorsque les lieux le permettent. Pensez à toutes lescélébrationsquicommencent sur le seuil : jourdubaptêmeoùl’on franchit le seuil pour la première fois, fête desRameaux,célébration du mariage… et pour la dernière fois, jour desfunérailles.Àchaquefois,ils’agitdepasserdelamortàlavieavec le Christ. Le cercueil est alors porté en procession ettraverse lanef jusqu’àunautre seuil,qui est l’autel.Leciergepascal, allumé bien avant la célébration, symbolise aussi leChristressuscitéquiattendledéfuntcommeonattendunami.Cedéplacement«deseuilenseuil»estsignificatif:lecorpsdudéfunt effectue déjà un passage symbolique vers le Christ, etl’assembléeaveclui.

    Puis,lentement,danslesilence,quelqu’uns’avance,allumeunciergeauciergepascalpourcommuniquerdesaflammeauxautresciergesetveilleusesplacésautourducorps.LalumièreduChrist ressuscité est communiquée au défunt, tout comme elleluiaététransmiselejourdesonbaptême.Cequiveutdirequel’heureestvenuedelarencontreavecleSeigneur.Legestedelalumièreestungesteprofondémentbaptismal,uneexpressiondumystèrepascalqui façonneceluiquipose legesteet, à traverslui,l’assembléequis’yassocie.

    Cela conduit à poser une autre question : commentl’assemblée, comment les endeuillés participent-ils aumystèrepascal?

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  • Leretabledetouteslesâmes20

    Surlecôtédesjoursouvrables:lalégendedusacristainetdelamessedesesprits.

    Panneaugauche:lesacristain,attiréparlalumière,entrelanuitdansl’église.

    Panneaudroit:ilesttémoind’unemessepourlesmortsenprésence desmorts : trois prêtres célèbrent lamesse enmêmetemps,chacundevant sonautel ;des squelettes sont sortisdescaveaux (une pierre est soulevée par un bras, enserré par unserpentetprolongéparlamainquiagrippelesacristain);dansl’église : un catafalque et un bénitier ; des oboles ont étédéposées par lesmorts sur l’autel du fond ; tout en haut, desanges s’envolent au ciel avec les âmes délivrées ; sur le côtégauche, hors de l’église, une béguine prie avec un chapelet

  • devant les crânes d’un ossuaire («Seelenkarker » : prison desmorts,oupurgatoire).

    L’histoire en image met en valeur les prières(comptabilisées) et lesmesses (tarifées) pour délivrer les âmesdupurgatoire.

    Sur lecôtédes jours fériés :La légendeduprinceEusèbedeSardaigne.Ceprinceavaitconsacréauxmortsledixièmedeses revenus pour des messes et aumônes pour les âmes dupurgatoire;quandsonennemi,leprinceOstorgdeSicile,tentade s’emparer de cet argent, l’armée des morts vint assisterEusèbeetfitreculerleprédateur.L’histoireillustrelethèmedelagratitudedesâmesdupurgatoire.

    LeretableavaitétéoffertparunancienchanceliermunicipaldeBerne,ThüringFricker(1429-1519),âgédesoixante-quinzeans, pour la chapellenie qu’il venait de fonder en 1505 : cinqmessesparsemainedevaientêtredites,àperpétuité,devantsonautel,parunchapelainattitré,pourlesalutdesâmesdetoutelaville. Habituellement, les messes fondées par des particuliers,souvent par testament, étaient destinées au donateur ou à safamille.MaisFrickern’avaitpasbesoindespécifierlesalutdesonâme:telleprinceEusèbedeSardaigne,ilpouvaitcomptersur la gratitude des âmes du purgatoire, pour les offrandesapportéesàl’autelparlesfidèlesbernois(commelesmortssurleretable),permettantlamultiplicationdesmesses1.

    Ce retable du début duXVIe siècle témoigne des pratiquestraditionnellesde«suffragespourlesmorts»autrementditdesaidesauxâmesdes«ni toutbons»–quivontdroit auciel–«ni toutmauvais»–quivontdroitenenfer.Despratiquesenexpansionconstante tout au longd’unmillénairedechrétientéen Occident : d’Augustin à Grégoire le Grand, promoteur des

  • messes pour les morts (Ve-VIe siècle), non seulement auxfunérailles, mais aussi selon un cycle étendu : troisième,septième, trentième jour après la mort, anniversaires ; puis àClunydevenuauxalentoursde l’anmil l’ordrespécialisédansl’aide aux défunts, multipliant les « messes privées » pour lereposdes âmes, contredons et legs.De là, autourde1200, la«naissancedupurgatoire»commelieud’unau-delàpénitentielproche de l’enfer, poussé par les nouveaux ordres mendiants,devenuslesspécialistesdelapénitenceetdelamort2.Etdelàen retour une croissance sans précédent des demandes desuffragesdesfidèlesvivants,enparticulierdesmesses,destinéesàabréger le tempsdupurgatoire3.DumilieuduXIVe siècleaudébut du XVIe siècle, c’est le temps des « multiplicationsflamboyantes », sur fond d’obsession de la mort : dans lestestaments, lesdemandesdemessesse fontparmilliers ; touteune « comptabilité de l’au-delà » est en place, aux mains duclergé, qui en tire une part plus ou moins importante de sesressources,etassureleséchangesentrelesvivantsetlesmorts4.

    Laissons provisoirement le retable de Berne, image dumonded’avantla«réformation»delamort,mêmes’ilestquasicontemporaindesdébutsdecette réformation,de la révolution«évangélique»deLuther.

    Larévolution«évangélique»danslemondegermanophone

    LespratiquespénitentiellesetfunérairesintensifiéesdepuisleXVe siècleparallèlementà ladoctrineduPurgatoire,ontétélesciblesdirectesdelarévolution«évangélique»suscitéepar

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  • Les sermons funèbres n’étaient pas une totale nouveauté àl’époque(enFranceetenItalie,leretouràl’antiqueavaitlancélegenrepour lesrois,desprinces,desévêques,desabbés,desreligieux). La nouveauté des « Leichenpredigten » luthérienstient au surdéveloppement du sermon, qui n’est plus unappendicedelamesse,maissesubstitueà lamesse;elle tientaussi à la forme homilétique (à partir d’une péricope duNouveauTestamentsurlamortetsurlarésurrection),avecunestructuration en deux parties : exégèse/application40. Cettepartie « application » permet l’articulation avec l’évocation dudéfunt : le rappel de sa vie, dans un but d’édification,d’exemplarité,avecexhortationàl’imitatio41.

    Au XVIIe siècle, se développe dans le monde luthérienallemand, autour des Leichenpredigten, avec des distinctionssociales, tout un cérémonial à l’église avec chant, musique etpompesfunèbres(catafalque,torches,tombeau)42.C’estaussiletemps des pompes funèbres baroques dans le mondecatholique43.Lemonderéformésembleêtrerestéàpart.

    Églisesréformées

    Comme l’écrit Koslofsky, les Églises réformées ont«abandonnélesfunéraillesauxlaïcs44».ÀZurich,dès1524,lerituel funéraire se borne au convoi, de lamaisonmortuaire aucimetière, « sans cloche ni chant », convoi qui depuis leXVesiècleétaitorganiséparlescorporations.Laséparationentrelesfunérailles et l’Églisen’est pas absolue : d’unepart, au retourducimetière,unehaltedeprièredelacommunautéréuniepourle convoi a lieu à l’église paroissiale, d’autre part le guide

  • liturgique de 1525 – dû à Zwingli – prévoit que le dimanche,aprèsleprêche,ilsoitfait«mémoiredesmorts»delasemaine,citésparleursnoms45.

    La décléricalisation inaugurée par Zwingli à Zurich a étésuivie en 1528 àBerne, et de là dans les territoires de Suisseromande, ainsi dans le paysdeVaud conquis parBerne sur laSavoieen153646,etàGenève,passéeàlaRéformeen1536.Laliturgie en français – deGuillaume Farel – pour les nouvellesÉglises réformées des pays romands (Neuchâtel, 1533) suitd’assez près la liturgie bernoise.Dans la partie consacrée à lavisitation des malades et mourants, Farel fait place à laconsolationdesproches47,maisilnereprendpaslapratiquedelamémoire des défunts à la fin duprêche. Il est probable queFarelredoutaituneconfusionpopulaireaveclesprièrespourlesmorts48.Quant à laFormedesprièresecclésiastiques, rédigéeparCalvinpourl’ÉglisedeGenève(1542),inspiréedesliturgiesde Farel et de Megander, elle est muette sur les morts, alorsqu’elle en recopie la « visitation des malades » avec laconsolation des mourants49. LesOrdonnances ecclésiastiquesdeGenève(1541),delaplumedeCalvin,sebornentàrappelerunemesureduMagistratprisepeuaprèsl’adhésiondelavilleàla Réformation évangélique en 1536 : « Qu’on ensepvelissehonnestementlesmortzaulieuordonné»(aunouveaucimetièredePlainpalais,hors lesmurs),dansundélaidedouzeàvingt-quatre heures après le décès, et que les « porteurs » aient« serment à la Seigneurie d’empescher toutes superstitionscontrairesàlaparolledeDieu»(absoutesurlecercueil,prièrespour les morts)50. Calvin n’a donc rien changé à la pratiquesilencieuse imposée à Genève pour éradiquer les« superstitions » (alors qu’il connaissait la pratiquestrasbourgeoise). Et lui-même a été enterré à Genève au

  • cimetièrecommunsanscérémonienitombeau51.En France, les premières Églises réformées ont suivi la

    pratique genevoise, la justifiant par la même crainte de la« superstition », comme en témoigne la décision du synodenationald’Orléansen1562:«Lesministresneferontaucunesprières à l’enterrement des morts, pour obvier à toutesuperstition52. » Cette règle, inscrite dans la Discipline desÉglises réformées53, amême été renforcée auSynode nationaldeFigeac,en1579:«l’articletouchantlasépulturedesmorts»est rappelé, et interprété extensivement, comme défense « d’yfairedesexhortationsetdesprières54».

    Larèglerigoureusedel’absencetotalederiteecclésiastiquea reçu jusqu’à l’édit deNantes (1598)un certain renfort de lalégislation royale : en effet les divers édits de pacification neprévoyaientpourceuxdela«RPR»(déclaréshérétiquesparlescanons du Concile de Trente) que des inhumations à lasauvette : de nuit et en convoi limité (de surcroît hors de la«terrebénite»,dansdeslieuxséparés)55.

    Ilestvraiqueparfoislespasteursnesuiventpaslarègleàlalettre. Déjà en 1564, dans son commentaire de laDiscipline,AntoineduPinetnoteque«quelquefoislesministresyassistent[àl’enterrement]etlàexhortentlepeupleàlacongnoissancedenostrefragilitéetà l’espérancedelarésurrection56».Dans lesannées1590,quand s’institutionnalisent lesÉglises réformées,deux synodes nationaux se font l’écho de demandesd’assouplissementdeladiscipline,danslemêmesens,venantdedélégués de telle ou telle province synodale57. Dansl’environnement français, majoritairement catholique, lapressiondevaitêtreforte,plusfortequ’àGenève,pourgommerl’étrangetédecesenterrements«civils58».

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  • AYMON(éd.),TouslessynodesnationauxdesÉglisesréforméesdeFrance,LaHaye,1710,t.I,p.26).Avant1562,d’autrespratiquessontattestées.L’HistoireecclésiastiquedesÉglisesréforméesauroyaumedeFrance,composéeparBèze(1580),rapporteainsi,commeunmomentmarquantdel’histoiredel’ÉglisedeMontauban,unprêcheaucimetièreenjanvier1561.Desrécitscontemporainssignalentlamêmeannée1561(annéedelasortieaujourdenombreusesÉglisesclandestines,aprèslamortdeFrançoisII),d’autresprêchesd’enterrement,tantôtaucimetièretantôtaprèsl’enterrement.Chaquefois,lestémoinsréformésprennentsoindenoterqu’ils’agitd’unepratiquesans«superstition»,d’uneexhortationauxvivants,nondeprièrespourlemort(MarianneCARBONNIER-BURKARD,op.cit.).SurlespratiquesfunérairesréforméesenFrance(avecunepropositiond’interprétationenlienavecladoctrineréforméedelacène),voirBernardROUSSEL«“Ensevelirhonnestementlescorps”:FuneralCortegesandHuguenotCulture»,inRaymondA.MENTZERetAndrewSPICER(éds),SocietyandCultureintheHuguenotWorld,c.1559-1685.Cambridge,CambridgeUniversityPress,2001,p.193-208.

    53.Articlequien1571,auSNdeLaRochelle,seprésentecommel’art.36duchapitreIdelaDiscipline(chapitre«DesMinistres»).AuSNdeVitré,en1583,ils’agitdel’article5duchap.XdelaDiscipline.

    54.Art.XXIV(AYMON,éd.,op.cit.,I,p.143).Lerappeldel’interdictionlaissepenserqu’iladûyavoirdéjààcesynodedespartisansd’unassouplissement.D’autrepart,jusqu’àlafinduXVIesiècle,synodesetconsistoires,dumoinsenLanguedoc,fontlachasseauxanciennespratiquesfunéraires,enparticulierlesdonsd’argentfaitsauxpauvressurlafossedesmortsoudevantlamaisonmortuaireauretourducimetière.Lesynodede

  • Castres(1585?)demandeauxfidèlesdecesserd’implorerlamiséricordeoula«merci»deDieusurlesdéfunts;en1602,àIssingeac,leconsistoireinterditdelacènedeuxfillesquiontfaitdireunemessedansleurmaison,parcequ’ellescraignaientdevoirrevenirl’espritdeleurmèresouslaformed’unespritmalin((S.P.CastresetMontpellier,1585;Montpellier1596et1598;S.P.Castres1597(JanineGARRISSON-ESTÈBE,ProtestantsduMidi,1559-1598,Toulouse,Privat,1980,p.250-252).

    55.Voirl’éditd’Amboise,1563,art.XIetl’éditdeSaint-Germain-en-Laye,1570,art.13.

    56.LaConformitédesÉglisesréforméesdeFranceetdel’Égliseprimitive,enpoliceetcérémonies,s.l.,1564,p.192.

    57.AuxSNdeMontauban1594etSaumur1596,ilestfaitrappelde«l’articletouchantlasépulturedesmorts».

    AuSNdeGap,1603:surlapropositiondes«frèresduBas-Languedoc»:«silespasteursdoiventallerauxenterremens:LaCompagnieestimequevul’étatdenosEglisesetlaformedessépultures,ildoitêtreremisaujugement&àladiscrétiondupasteurdes’ytrouverounon»(AYMON,op.cit.,I,p.262).

    58.Contextetoutdifférentpourles«calvinistes»del’Empire:surlecasduPalatinat,voirKirchenordnungde1563,«VonderBegrebnus»(WilhelmNiesel(éd.),BekenntnisschriftenundKirchenordnungen…,3eéd.,Zurich,[1938]p.215-218).Vued’ensembledansBernardVOGLER,«AttitudesdevantlamortetcérémoniesfunèbresdanslesÉglisesprotestantesrhénanesvers1600»,Archivesdesociologiedesreligions,1975,p.139-146.Dansl’Églised’Angleterre,sousÉlisabeth,lespresbytérienscraignaientquelessermonsfunèbresnefavorisentlasurvivancedesprièrespour

  • lesmortsets’élevaientcontrelesdangersd’uneéventuelledériveencomiastique(voirFredericB.TROMLY,«“AccordingtoSoundeReligion”:theElizabethanControversyovertheFuneralSermon»,JournalofMedievalandRenaissanceStudies13(1983),p.293-312).

    59.Cf.MsBnFcitéparPauldeFÉLICE,Lesprotestantsd’autrefois.Lestemples,lesservicesreligieux,lesactespastoraux,Paris,Fischbacher,1896,p.250.MêmerésistanceauxprédicationsfunèbresàGenève(voirUrsulaROHNER-BAUMBERGER,op.cit.,p.41s.)etdanslesÉglisesréforméesdesPays-Bas(voirL’ordreecclésiastiquedesÉglisesréforméesduPays-Bas,tantdel’unequedel’autrelangue,concluauSynodenational…àDordrecht…1618&1619,art.LXV:«Onn’introduirapointlesprédicationsfunèbresoùellesnesontpointenusage.Etlàoùonaaccoutuméd’enuserseraavisédelesabolirparlemeilleurmoyenquefairesepourra»).

    60.SNd’Alençon,1637,ch.VIII(AYMON,op.cit.,II,p.547).

    61.AinsilepasteurJacquesCouëtduVivier,àNormanville,en1661(LettreàPaulFerry,19juin1661,éd.RogerMazauric,BSHPF,1978/2,p.266).Danslamassedesrecueilsdesermonsimprimésàl’époque,quelquesdizainesseulementdesermonssurlamort(voirMarianneCARBONNIER-BURKARD,op.cit.).

    62.Dorénavant,leshorairesetlenombredesparticipantsauxconvoisfunèbressontlimités;et«ceuxdeladitereligionnepourrontexposerleurscorpsmortsau-devantdesportesdeleursmaisons,nifairedesexhortationsouconsolationsdanslesrues,àl’occasiondesenterremensd’iceux»:Déclarationdu2avril1666,art.XXIII;cf.Déclarationdu1erfévrier1669,art.XXI.

    63.L’assembléeducolloqueduLauragais,àRevel,en

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  • démons.Toutefois,ilfautsoulignerquecelan’estpasundogmede l’Égliseorthodoxe,mais seulementune traditionpieuse,untheolougomenon,uneopinionthéologiquefondéesurdesrécitshagiographiques édifiants et qui visent bien évidemment àédifier les vivants, et non pas lesmorts, et qui leur permettreaussi de faire leur deuil81. Rappelons en outre que l’Égliseorthodoxeneconnaîtpasladoctrineoccidentaledupurgatoire,élaborée tardivement.Pour lesorthodoxes, l’homme sedestineaprès la résurrection finale, sur le fondement du jugement deDieu,soitàlavieéternelle(leparadis),soitàlapeineéternelle(l’enfer).

    Dans cette attentedu jugement et de la résurrection finale,l’Église orthodoxe implore la miséricorde de Dieu pour lesdéfunts.Elle croitque les âmesqui sont entréesdans le repossont, sans aucun doute, aidées par la prière, et que demême,cellesquisontretenuesdansl’Hadès,danslesenfers,lelieuoùles âmes des pécheurs sont emprisonnées, et qui sont déjàremisesautourmentéternel,peuventaussiêtreaidéesetrecevoiruncertainpetit secours,quoiquecelui-cinepuisse lesdélivrercomplètement du tourment, ni leur donner espoir d’unedélivrancefinale.

    Lefaitque lamortn’estenvisagéenicommeuntermeà lavie, ni comme une séparation d’avec les vivants, est mis enévidence par les repas qui sont pris en mémoire des défunts,parfoisaucimetièremême,marquantainsiuneproximitéetunecommunion entre les vivants et les morts. Cette pratiqueancienne des repas funéraires est attestée elle aussi par lesConstitutionsapostoliquesquimettentengarde leschrétiens :« Lorsque vous êtes invités aux commémorations des défunts,mangez avec modération et crainte de Dieu, pour que vouspuissiez aussi intercéder pour les défunts eux-mêmes1 ! »Ces

  • repasfunérairessonttoujoursobservésdansl’Égliseorthodoxeaujourd’hui, et il est normal pour les orthodoxes de pique-niquerdanslescimetières!

    Ilestaussid’usagedans l’Égliseorthodoxeque les fidèlesapportentenoffrandesdupainetd’autresalimentsauxofficespour les défunts.On prépare particulièrement en leur honneurdescollyves,desassiettesdeblébouilli, recouvertdesucreenpoudre, décoré de raisins, de dragées ou d’amandes, ornéesd’unebougie.Leblésymboliselarésurrectiondesmortsqui,tellegrainjetéenterrequimeurtetressuscite,sontenterréspourgermerenlavieéternelle2,selonl’enseignementdePaul:

    «Mais,dira-t-on,commentlesmortsressuscitent-ils?Avecquelcorpsreviennent-ils?Insensé!Toi,cequetusèmesneprendviequ’àconditiondemourir.Etcequetusèmesn’estpaslaplantequidoitnaître,maisun grain nu de blé ou d’autre chose. Puis Dieu luidonnecorps,commeilleveut,etàchaquesemencedefaçonparticulière»(1Co15,36-38).

    Ainsi, les rites funérairesde l’Égliseorthodoxe réaffirmentfortement la foi des chrétiens en la résurrection, rappellent lemystère pascal qui est au centre du cycle liturgique et dont lechrétien a fait l’expérience dans son baptême, et revêtent uncaractèreeschatologiquefortementprononcé.Carcommel’aditun grand théologien orthodoxe du XXe siècle, AlexandreSchmemann:

    « Si je faismienne cette nouvelle vie,miennes cettefaim et soif du Royaume, mienne cette attente duChrist,mienne la certitude que leChrist est vie,mamort elle-même sera un acte de communion avec la

  • vie.Carnilavie,nilamort,nepeuventnousséparerdel’amourduChrist.[…]JesaisquedansleChrist,cegrandpassage,laPâquedumondeacommencé,jesaisquelalumièredumondeàvenirnousvientdansla joie et la paix de l’Esprit saint, car le Christ estressuscitéetc’estlerègnedelavie3.»

    LeRituelcatholiquedesfunérailles:unethéologiedelamortduchrétien

    IsaiaGazzola

    On ne peut pas comprendre les pratiques rituelles de l’Églisecatholique romaine autour de la mort, sans tenir compte del’évolution générale que cette Église a connue ces dernièresannées. Le Rituel romain des funérailles est, en ce sens,emblématique de cette évolution et c’est pour ce motif qu’ilnous a paru important de nous y référer principalement pourcetteétude.Ainsi,nousprésenterons,enunpremiermoment,ceRituel romain – son élaboration et son contenu – puis, en undeuxième moment, le déroulement de la célébration et sonlangage rituel, et, enfin, nous dégagerons deux dimensionsessentielles d’une théologie de lamort du chrétien, suivant cemêmeRituel.

    LeRituelromaindesfunérailles

    L’élaboration

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  • défunt. Or une liturgie qui ferait comme si le défunt n’avaitjamaisexisté risqueraitd’être fortmal reçue,surtoutde lapartd’hommes et de femmes peu habitués à l’Église. La liturgieparaîtraitimpersonnelle,froide,mécanique.

    C’est certainement dans la prédication que l’évocation dudéfunttrouvesameilleureplace.Interpréteruntextebibliqueenprenant en compte le défunt (sa vie, un élément de sonexistence,un traitde sapersonnalité)estunebellemanièredemontrerquecetteexistenceparticulièreestaussiettoujoursuneexistence devant Dieu. Cette prise en compte, même brève etdiscrète,exprimeclairementquelaviedudéfuntestportéeparDieu, qu’elle est habitée par la transcendance, qu’elle esttouchée d’une manière ou d’une autre par la grâce, parl’Évangile. Établir un lien entre le défunt et la Bible est unemanière de dire que la vie de cette personne s’inscrit dansl’Évangile,qu’elleestenmêmeaussiunepaged’Évangile.

    Unritededéliaison

    Le service funèbre a aussi pour fonction de permettre auxproches de se vivre ce qui sera peut-être alors leur premièreexpérience de distanciation d’avec le mort. Les prières, labénédictiondel’assemblée,l’envoi,maisaussi,danslatraditionluthérienne, les prières de remise à Dieu du défunt, voire labénédiction du cercueil, peuvent être interprétés et valoriséscomme autant de gestes et de paroles qui séparent vivants etmorts, qui permettent aux premiers d’être libérés de l’emprisequepeutavoirsureuxlamort.Leculteàl’occasiond’undécèsestuneoccasionpourceuxquirestentdedireaurevoiràceuxqui ne sont plus, de laisser le défunt à Dieu et d’être ainsi

  • tournésversdemain.

    Versdemain

    J’entendsparcetermede«grâce»,lefaittoutsimpledesesentir ànouveauautorisé à l’existence,de se sentir touchéparune parole qui procure du bien et redonne du courage ; uneparole qui permet de croire, d’espérer, un nouveaurecommencement.Dire la résurrectionvaut toutautant icipourle défunt que pour l’endeuillé, telle la promesse d’un réveil àvenir qui n’est pas pour maintenant, mais pour demain. Leservicefunèbredoitapportericiuneparolequitrancheetcreuseunebrèchedansladésespérance.Mêmesicettebonnenouvelled’un recommencement est inaudible pour celles et ceux quiassistent à service, cette parole doit être dite. Elle fera sonchemin,resteradanslesmémoires,etporterasesfruitsplustard.

    Conclusion

    Il n’est de prédication chrétienne, fécondée et instruite par leChrist,quedans l’incarnationd’uneparoledevie,pour lavie,créant et recréant sans cesse de la vie. La puissance derésurrection qu’incarne Jésus-Christ dans les Évangiles nesaurait nous transporter dans un univers de rêve, un mondeenchanté,exemptdetoutesouffrance,libérédutragiqueetdelamort.Prédicationdelaviecontrecequil’entraveetl’empêche,lechristianismeestlareligiond’uncombat,toujoursàreprendreet toujours à réinventer, contre nos zones d’ombres, nosaliénationsintérieures,contrelamort.Lesdifférentesapproches

  • présentées ici, orthodoxe, catholique, protestante, témoignent,chacuneàsamanière,delapréoccupationcommunedel’Églisepour rendre audible et recevable l’Évangile dans la puissancerésurrectionnelle qui l’anime. Au-delà des différences desensibilités, de spiritualité, de structuration théologique,qu’elles révèlent, les confessions chrétiennes, convoquées parlesréalitésdel’existencehumaine,cellesdelafinitudeetdelamort,seretrouventplacéesdevantunecommuneresponsabilité,celled’empêcherquelamortsoitlederniermotdelavie,celledefairepasserl’existencedechacun,dusombrevendredidelamort,auglorieuxdimanchedePâques.

    Les relations œcuméniques nous apprennent aujourd’hui àfaireavecnosdifférences.Celles-cinesontplusperçuescommeséparatrices et destructrices de l’unité chrétienne. Cesdifférences nous renvoient à la richesse même d’unchristianismequirefused’êtrelareligiond’unseul,d’uneseuleÉglise,d’uneseulethéologie,maisquiappelledelui-mêmeunepluralité d’interprétations, de pratiques, de sensibilités. Lamultiplicité même des textes qui composent cette grandebibliothèquequ’est laBible,commelasimpleprésencedenosquatre évangiles de référence, nous oblige et nous apprend àcomposer avec autrui, avec cequi diffèredenous, avec cequinous dépasse. La nuit tous les chats sont gris… n’est-ce pasalors avec la lumière que viennent les différences qui noussingularisent et nous donnent du prix ? Mais la relationœcuménique ne consiste pas seulement à juxtaposer cesdifférences. Elle nous apprend à comprendre les logiques quistructurentchaqueconfessionchrétienne.Lestroisprésentationsqu’onvientdelirerenvoientchacuneàunsystèmethéologiqueparticulier, dépositaire de sa propre logique, dépendant, àl’instar d’une langue vivante, d’une grammaire particulière.Mettreendialoguelesconfessionschrétiennespermetàcelles-

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  • Prierlesmorts,pourlesmorts,surlesmortsFlemmingFleinert-Jensen

    Onditparfoisquepourréussiruneprédication/homélie,ilsuffitde trouver une bonne introduction et une bonne conclusion etpuis de les rapprocher le plus possible. M’inspirant de ceconseil, je serais tenté en guise d’introduction de reprendrel’intitulé de mon sujet et de poser la question suivante : lesprotestantsprient-ilslesmorts,pourlesmorts,surlesmorts?–etensuitederésumerlaconclusionenunseulmot:non.Grâceà un tel rapprochement du début avec la fin, je serais sûr quevous vous souviendriez de l’essentiel de mon propos, maispuisque les organisateurs de ce colloque m’ont demandé deparler pendant un certain temps, il faudrabienque j’écarte unpeu plus la conclusion de l’introduction en insérant quelquesexemples et arguments – que vous oublierez sans doute par lasuite.

    Mon propos sera divisé en deux parties. Dans un premiertemps je prendrai Luther, Mélanchthon et Calvin commetémoinspourparlerdesdeuxaspectsprincipauxdenotresujet:1) prier pour les morts et 2) invoquer les morts. Ensuite,j’essayerai de revisiter ces deuxquestions, notamment à l’aidede l’idée de la communion des saints, et l’on verra si le nonconclusifestaussiexclusifqu’annoncé.

    *

    Prierpourlesmorts

  • Luthern’étaitpasseulement,commelesautrespromoteursdelaRéforme, enfant de la piété catholique de son époque, il avaitaussi, depuis son entrée comme novice dans le couvent desAugustins d’Erfurt en 1505 jusqu’à son excommunication en1521, fait l’expérience d’une vie monastique. Les rites etpratiquesreligieusesautourdelamortluiétaientfamiliersetillui était tout à fait naturel deprier pour lesmorts, de célébrerdesmessesàleurintention,delesaccompagnerdanslamesuredu possible pour qu’ils trouvent le repos éternel. Dans cecontexte,laquestiondélicatedupurgatoireseposaitforcément,maisquandLuther,en1517,affichasesfameusesquatre-vingt-quinze thèses sur la porte de l’église du château deWittenberg64, celles-ci ne contestaient pas le principe desindulgencespourlesvivants,maisseulementlesabuspratiqués.En revanche, Luther restait très réservé sur l’application desindulgencesauxâmesdupurgatoireetpeudetempsaprès,dansUnsermonsur les indulgenceset lagrâce,qui fut rééditépasmoinsdequinzefoisen1518,ilécritàcepropos:«J’ignoresilesindulgencespermettentderetirerdesâmesdupurgatoire,etjenelecroispas,malgrélesaffirmationsdecertainsthéologiensmodernes…c’est pourquoi, pour plus de sûreté, il vautmieuxquetuintercèdespourcesâmesetquetuœuvrespourelles65.»

    En 1518, Luther pense donc qu’il est tout à fait normald’intercéder pour les défunts, mais au fur et à mesure que sapensée évolue, il s’éloigne de cette position, sans pour autantaccorderuneimportanceextraordinaireàlaquestion.Enréalité,ilnel’abordepasbeaucoup,maisen1528,danssaConfessionquisuit legrandtraitéDelaCèneduChrist (VomAbendmahlChristi, Bekenntnis), il n’exclut pas qu’on demande lamiséricorde deDieu sur lesmorts.Une ou deux fois suffisentcependant. Il n’y a pas besoin de multiplier les vigiles et les

  • messesenleurfaveur66.Calvin rejettepluscatégoriquement l’idéedeprierpour les

    défunts67. D’après lui, puisqu’il n’y a aucune base biblique,cette habitude est plutôt d’origine païenne et s’explique parl’affectiontoutàfaithumainequ’onreportesurceuxquinousontquittés.Dumêmesentimentrelèventégalementlesobsèqueset toutes les cérémonies qui entourent les services funèbres,maisqui sontparfaitement inutiles et souvent à la limitede lasuperstition68. À la place, il vautmieux se consoler en disanttoutsimplementqueceuxquisontmortsdansleSeigneursontbienheureux et, comme le dit l’Apocalypse, ils se reposent detoutesleurspeines(Ap14,13).

    Invoquerlesmorts

    L’Église n’a jamais enseigné le culte des ancêtres. On peutévoquer ses aïeux, on ne les invoque pas. L’invocation neconcernequelessaintsquel’Égliseareconnusentantquetels.Parconséquent, laquestionde l’invocationdesmortscoïncidepourunelargepartaveccelledel’invocationdessaints,quandbienmême notre sujet n’est pas le problèmeœcuménique queposent les nombreuses béatifications et canonisationsauxquellesnousassistonsdepuisplusieursdécennies.

    À l’opposé de pratiques liées à la piété populaire, l’Églisecatholique a toujours enseigné que si quelqu’un invoque lessaints, y compris Marie, c’est pour obtenir son intercessionauprèsdeDieu«qui seulpeuty répondre et l’exaucerde sonpropregré69».L’invocationdessaintssupposedoncqueceux-ciprient pournous.Àcet égard, la positiondes réformateurs estdictéeparlefaitquel’Écritureneparlenidel’unnidel’autre

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  • etdécidé,torseélancéetpoingsfermés.Àsescôtés,unpeuenavant et plus bas que lui, un jeune prêtre vêtu des ornementssacerdotauxl’écoutepensivement,brascroisésetlamainsouslementon.C’est l’image inverséedebeaucoupdenos funéraillesaujourd’hui:unnon-chrétienprêcheàdeschrétienslesensdelamort,lesensdeleurmort5.Queleurdisait-il?

    Ledeuxièmeauteurestunlecteurdupremier,dedixanssoncadet. Celui-ci fit grincer les dents de certains catholiquesfervents. Mais il se voulait chrétien, et il l’était vraiment :relisonsquelquespagesdeCharlesPéguy,extraitesdesongrandpoème«Ève»,delapartiequ’ilintitulalui-même«Prièrepournousautrescharnels6 ».Cespagesdatent de1913.Elles nousaiderontàmesurerl’écartentrel’élogefunèbredel’incroyanttelqueBarrèsnousenoffreunmodèle,etuneparoledefoidevantlamorthumaine.LaprièredePéguyprononcéeen«nous»seracomplétée par la lecture d’une prière prononcée « au cœur del’Église»,mais écrite en« je».Ellene s’insèrepasdansunevasteévocationlyriquedetoutel’histoirehumainecommechezPéguy, elle est la trace d’une offrande de soi tout à faitpersonnelle, émise dans le secret du cœur avant d’être écrite,partagéeetenseignée.Ils’agitdel’«Acted’offrandeàl’Amourmiséricordieux » de sœur Thérèse de l’Enfant-Jésus et de laSainte-Face, signé le 9 juin 1895. Thérèse est l’exactecontemporainedePéguy,néecinqjoursavantlui.DeuxansjourpourjouraprèssonActed’offrande,le9juin1896,rongéeparla tuberculose, elle écrivait dans un billet d’adieu adressé àl’abbéBellière:«Jenemeurspas,j’entredanslavie7.»

    L’élogefunèbre.L’exempledeMauriceBarrès

  • Barrès place en exergue de son recueil une citation d’AugusteComte(1798-1857).Voici lemaîtrequeBarrèsnoussignaleetdont il convient de partir en effet, ainsi que de son systèmephilosophique,lepositivisme.Àlabaseduditsystème,ilyalascience«positive»,unesciencequi«pose»lesobservations,comme un ouvrier poseur place les pierres à l’endroit quiconvient,pourconstitueràpartird’ellesuntoutcohérentdontleciment est l’hypothèse vérifiée, autrement dit la « loi ». Cettevision«totale»duréelrésuméedansla«sociologie»(lemotaété inventé par Comte), a une finalité pratique : ultimement,l’« ordre universel », c’est-à-dire l’« union de tout le genrehumain ». Le savoir démontré se substitue aux « principessurannésdelathéologieetdelamétaphysique»etproduit«lareconnaissancedel’humanitécommeêtresuprême».

    Lemot«Humanité»n’apaschezComtesonsenscourant.Il désigne l’« ensemble continu des êtres convergents »,l’«ensembledesêtrespassés,présentsetfutursquiconcourentàperfectionnerl’ordreuniversel».Nefontpartiedel’Humanitéque les hommes qui l’ont fait progresser. Ceux qui n’ont pasconcouruàl’ouvragehumainsontd’«indignesparasites»,des« producteurs de fumier » qui au moment de leur mortdisparaissentàtoutjamais8.

    LelienquedéveloppelareligionpositivistedontComteseveut le «Grand Prêtre » n’est pas tant un lien avec les autreshommesvivantactuellementqu’unlienavecleshommesqui leméritent,etquiontvécuauparavant,ouceuxquisontappelésàvivreaprèsnous.La«solidarité»actuelleimportemoinsquela«continuité»successive.«Lesvivantssonttoujours,etdeplusenplus,gouvernésnécessairementparlesmorts:telleestlaloifondamentale de l’ordre humain9. » La religion positivistepropose ainsi un équivalent chrétien de l’immortalité : « Nos

  • morts sont affranchis des nécessitésmatérielles et vitales […]mais ilsnecessentpasd’aimer,etmêmedepenser,ennousetparnous10.»

    On a dit de la religion positiviste qu’elle était lecatholicisme sans leChrist. «Tandisque lesprotestants et lesdéistes ont toujours attaqué la religion au nom deDieu, nousdevons au contraire écarter finalement Dieu au nom de lareligion », écrivait Comte. Il proposait de s’allier auxcatholiques, leur théologie demeurant un rempart utile pour lamorale. « Pour transformer l’Imitation de Jésus-Christ enouvrage de piété positiviste, il suffisait de remplacer Jésus-ChristparHumanité11.»

    Comme Charles Maurras, Maurice Barrès va recueillirl’héritage comtien du culte pour les morts. Ses discours sontfortementmarquésparlesidées,levocabulaireetlastratégiedeComte.Iln’enestpourtantpaslesimplerépétiteur.DansScènesetdoctrinesdunationalisme,ilpopulariseunnouveaucultede«laTerreetdesmorts».«LaTerreetlesmorts»:telleestladéfinition barrésienne de la patrie. Alors que « les morts deComte n’étaient quant à eux fixés à aucun sol particulier, àaucune racine : ils n’étaient liés, d’unemanière très abstraite,qu’àlaTerre-mèredanssonensemble12»,Barrèsliedesoncôtéses morts et se lie lui-même avec eux à une terre concrète. Ilentend ainsi libérer l’impulsion reçue de Comte del’«anarchie13».

    Tout au long de la présentation de son ouvrage, Barrèsdéveloppel’analogie,affectionnéeparlepositivismecommeonl’adéjàdit,dumétierdemaçon.«Danscerecueilquipourraits’appeler Dix ans d’études nationalistes, on trouvera lespremières constructions de la solide maçonnerie d’où nousprîmestoutesnosvues:unnationaliste,c’estunFrançaisquia

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  • sainteté.»« Je désire vousAimer et vous faireAimer » :Thérèse vit

    l’acte d’offrande commeœuvre de sanctification accomplie enelle parDieu pour servir en l’Église au salut dumonde. À lalumièredeladoctrinedelacommuniondessaints,ellen’ometpasde joindreàson intention lesâmes«quisouffrentdans lePurgatoire»,etqu’ilfautdoncdélivrer.Ens’offrantelle-même,Thérèsene fait doncque répondreà l’appel et à l’initiativedeDieu.Plusexactement,ellecroitqu’ils’agitd’abordd’offrirenelle les « trésors infinis » des mérites du Christ qui prendpossessiond’ellepar la foiet les sacrements («Restezenmoicommeau tabernacle»).LesméritesdeMarie,desAnges,desSaints lui appartiennent aussi. C’est à la Vierge qu’elle«abandonne»sonoffrande,lapriantdelaprésenterelle-mêmeàla«BienheureuseTrinité».

    Queproduitenellel’accueildelaMiséricorde,l’abandonetl’union au Christ en son Église ? Elle s’expose au regard deDieu, et ce « divin Regard, écrit-elle, purifie mon âme,consumant toutes mes imperfections comme le feu quitransforme toute chose en lui-même ». Elle est pénétrée d’unsentiment de gratitude pour toutes les grâces accordées. Sonespérance s’intensifie, et avec elle son désir de dépouillement,quiestélargissementdesacapacitéd’aimerDieuet ses frères.« Après l’exil de la terre, j’espère aller jouir de vous dans laPatrie,maisjeneveuxpasamasserdesméritespourleCiel,jeveuxtravaillerpourvotreseulAmour,dansl’uniquebutdevousfaireplaisir,deconsolervotreCœurSacréetdesauverdesâmesqui vous aimeront éternellement. » Telle est la manière dontThérèseveut semontrer, être regardée, être louée à la dernièreheure:«Ausoirdecettevie,jeparaîtraidevantvouslesmainsvides, car je ne vous demande pas, Seigneur, de compter mesœuvres.Toutesnos justicesontdes tachesàvosyeux.Jeveux

  • donc me revêtir de votre propre Justice et recevoir de votreAmourlapossessionéternelledeVous-même.Jeneveuxpointd’autre Trône et d’autre Couronne que Vous, ô mon Bien-Aimé!»

    Thérèse nous fait entrer dans l’intelligence de lasignification profonde de la liturgie des défunts, parce qu’elleillustreavecuneexceptionnelleintégritéetjustessedanssavieet son enseignement le mouvement pascal qui traverse toutel’existence chrétienne, de l’initiation au dernier adieu, dans lacommunion de l’Église du Ciel et de la terre. On trouveraitdifficilement formulation plus lumineuse de cet esprit pascalsous-tendant la trajectoire d’une vie chrétienne que celle quedonne aujourd’hui le Catéchisme de l’Église catholique.« L’Église qui commeMère a porté sacramentellement en sonseinlechrétiendurantsonpèlerinageterrestre,l’accompagneautermedesoncheminementpourleremettre“entrelesmainsduPère”.ElleoffreauPèredansleChristl’enfantdesagrâce15.»La mort chrétienne et les rites dont l’Église l’entoure nousoffrent au quotidien la grâce de comprendre que nos « mainsvides»sontl’espérancedumonde.

    Conclusion.Unecompréhensioneucharistiqueducultecatholiquedesdéfunts

    Toutaulongdenotreétude,nousn’avonspasargumenté.Nousavonsplutôtdécritunmondedeconvictions,desentimentsetdepratiquesquenousavonsappeléle«mondecatholique».Notreexploration n’a pourtant pas été très large. Nous avons luquelquestextesenlesrapprochantparfoisdesritesd’unemessede funérailles : l’homélie, la prière eucharistique, le dernier

  • adieu.Nousavonscependantchoisinosauteurscommeparmi les

    plus représentatifs de leur Église, aujourd’hui comme hier, etpeut-être même aujourd’hui plus qu’hier. La question du liensocial était au centre des préoccupations d’un Comte ou d’unBarrès. Elle le reste pour nous. Les débats politiques que cesdeuxmaîtres du positivisme et du nationalisme ont nourris deleurpenséeautempsdeThérèseetdePéguyn’ontpasempêchéles massacres du siècle dernier. Nous avons signalé que lespapesde l’époqueorientaient lesespritset lescœursdansunetout autre direction : celle de l’Eucharistie. Une Eucharistievécue par Thérèse, contemplée et désirée (sans pouvoir êtrenéanmoins pratiquée) par Péguy.Avec une intensité qui fit del’un et de l’autre deuxmaîtres de ce « catholicisme » que deLubacopposeraitauxtotalitarismesdelagénérationsuivante.

    Nouscroyonscommenouscélébrons l’Eucharistie,etnouscélébrons l’Eucharistie comme nous croyons. L’Eucharistie estprincipalement l’offranded’uncorps.Elle estdecettemanièrelaformelaplusexpressiveetlapluspuissantedececultedansl’Esprit auquel invite l’Apôtre (Rm 12,1-2). En elle l’Égliseoffre le corps du Christ, s’offre elle-même en lui comme soncorps,offrechacundesesmembrescommeparticipantdumêmemystère. Au jour de samort, le premier à nous enseigner auxcôtésduChristetaucœurdel’Égliseestledéfuntlui-même.Ilnousrassembleautourdesoncorpslivréànotrecharité,ànotreaffection, à notre intercession, à notre vénération. Il nousdévoile ainsi le sens christique et pascal de chacune de nosdestinées.Lecatholiquepuiselà toutcequ’ildit, toutcequ’ilfait,lorsqu’ilprieavecetpourlesdéfunts.

    La foicatholiqueneproposepasunesortedecartographiedel’au-delà,oudesexercicesdecommunicationaveclesespritsdestrépassés.Ellenesubstituepasunepseudoscienceàlafoi,

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  • Lacélébrationdesobsèques

    Leclimatdelacélébration

    Ilmeparaîtimportant,quellequesoitlasituationspirituelledes membres de l’assemblée, et notamment des proches dudéfunt, que la célébration des obsèques se déroule dans unclimat de recueillement et laisse la place à des moments desilence.Celaimpliqueunnécessairediscernementdanslechoixdes morceaux de musique ou des chants qui sont diffusés aucoursdelacérémonie.Ilfaudrasavoirrefuser–avecdélicatesse,bien sûr, et en proposant une alternative – des demandes demusiques ou de chansons à caractère purement profane et quin’aideraientpasau recueillement.Cequin’exclutpas,parfois,certaines chansons de variétés. Encore une fois, tout estquestiondediscernement.Maisriennevaut,pouréleverl’âme,unmorceaud’orguedeBachoud’ungrandcompositeur.

    Laprédication

    Jeveilletoujoursàcequelaprédication,quifaitsuiteàlaproclamationdeslectures,soitbienuneannoncedel’espérancechrétienne. À ce propos, j’aime bien l’expression chère auxprotestants dans le contexte des funérailles chrétiennes :«annoncedelaRésurrection».Jeconsidèredoncquel’homéliedoitêtreunmessagedefoi,nonunpanégyriquedudéfunt.Étantdonné la situation la plus fréquente des assistants – à savoirqu’ilsnefranchissentquetrèsoccasionnellementleseuild’uneéglise et ignorent l’Évangile – je considère de plus en plus cemoment comme une occasion d’annoncer le kérygme. J’enprofitepourfairedesrappelstrès«basiques»surlaBible,les

  • Évangiles, les mystères de l’Incarnation et de la Rédemption,etc.,nonsanslesrelieràlasituationdedeuilquinousréunit.

    Rituelliturgiqueetsituationspirituelledesassistants

    Jesuis trèsgênépar ledécalageentre le rituelproposéparl’Église (catholique) et la situation spirituelle des proches dudéfunt,trèssouventétrangersàuneauthentiqueviechrétienneetà toute expression liturgique de la foi. En outre, on est pardéfinitiondansl’urgencepourpréparerlacérémonie,cequinepermetpasl’approfondissementnécessaire.

    Aussij’enarriveàmedemanders’ilnefaudraitpaspouvoirproposerunrituelsimplifié(avecparexempleuneseulelecturedurant la liturgiede laParole),adaptéà lasituationspirituelledesfamilles.

    Nepourrait-onpasaussisecontenterparfoisd’uneprièreaucimetière avant l’inhumation ?Dans cette optique, on pourraitréhabiliter les chapelles qui existent dans de nombreuxcimetières et qui sont souvent inutilisées, voire totalementdésaffectées.

    Laquestiondelaprésidenceparunprêtreouunlaïcmandaté

    Quelquesremarquesàcesujet.Toutd’abord,lacélébrationdesfunérailles(danslecas,deloinleplusfréquentd’aprèsmonexpérience, où l’eucharistie n’est pas célébrée) n’est pas unsacrement et n’exige donc nullement par sa nature d’êtrecélébrée par un prêtre ou un diacre. D’autre part, si elle estprésidée par un laïc, c’est toujours par délégation du ou des

  • prêtres ayant en charge la paroisse ou l’ensemble pastoralconcerné.

    À ce propos, il est important de trouver un équilibre entredeuxextrêmes:lapremière,deplusenplusraremaisquiexisteencore dans certains endroits : les prêtres célèbrentsystématiquementlesobsèques,quellequesoitlademandedelafamille ; la deuxième, en vigueur depuis longtemps dans denombreux diocèses, notamment ruraux : quelle que soit lasituationspirituelledudéfuntetdesafamille,mêmes’ilssontpratiquants et désirent ardemment que l’eucharistie soitcélébrée,cesontdes laïcsquiprésident lesfunérailles.Parfoismême,siunprêtre(membredelafamilleouami)estprésent,ilestpriéderesterdansl’assemblée,cequiestuncomble!

    Une position équilibréeme semble être celle suggérée parl’abbé Christophe Delaigue, prêtre du diocèse de Grenoble etancien étudiant de l’ISEO. Elle vient d’être décrite : le prêtrecélèbrelesobsèquesdeschrétienspratiquants,biensûraucoursd’unemesse;pourlesautres,ilnelescélèbrequedansdescasparticulièrement dramatiques, tels que la mort d’un enfant oud’unjeune,celled’unjeunepèreoumèredefamilleouencorelescasdemortviolente.

    L’amontetl’aval

    Enamont

    Un grave problème à mon sens est la situation de non-préparationàlamortdelaplupartdespersonnesquidécèdent.Corrélativement à cela, on note une quasi-disparition del’administration des derniers sacrements, en particulier de

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  • notre vie est originellement liée à une Parole, celle de Dieu.C’estentoutcaslaconvictionévangélique.

    Thèse3

    Laprédicationestbiblique,pourlaisserDieunousmenerlàoùnousnevoudrionspasaller

    Ilestn’estpassiévidentdereleverl’ancrageduservicefunèbredans la parole biblique, choix qui en pratique peut êtrefrontalement contesté. Car le texte biblique est souventconsidéréparlesprochesdesdéfuntscommeuntexteétranger,soit parce qu’il leur est largement inconnu, soit parce que cequ’ils en ont entendu leur a souvent paru détaché de leurspréoccupations. À l’inverse, une demande apparaît souvent,visantàlalecturependantleservicededifférentsécritsdeformepoétique, philosophique, voire de paroles de chansons à lamode,outoutessortesd’autrestextesencore,dontonattenduncertainréconfort.Maiscettedémarchenevapassansposerdesproblèmesquantaustatutdutextelu.Parfoisparcequeletexteainsichoisirésulted’unprocessusdesélectionassezsommaire,pour citer quelques situations rencontrées : poème apporté parunouuneamiedepassage,citationaperçuesurinternet,articlepublié dans un magazine la semaine du décès. Mais aussi àl’inverse, lorsqu’ils’agitd’unécritayantdes implicationsbienplusprofondes,parexempleuntexteautourduquels’estnouéeune expérience de vie partagée entre le défunt et ses proches,est-ontoujoursvéritablementauclairsurcequel’onattenddesalecture?Dansuncascommedansl’autreilmesemblequ’ilya une tendance à choisir des textes qui nous sont doux àentendre. Ce sont soit des textes où l’on se sent bien, qui ne

  • nousbrusquentpasninenousdérangentdansunesituationdéjàdifficile,soitdestextesquinousrappellent,avectendresse,unsouvenir heureux. Tout cela n’est certes pas foncièrementmauvais.Maistantqueletexteestainsiànotreguise,manipulé,raccourci,entenducommel’onveut, ilnepeutplusêtrequelemiroirdenotresentimentfugace.Lapossibilitéqu’untextesoitlepointd’appuipourunchangementsalutaireaumilieudenosépreuvess’éloigne.

    Orc’estl’inversequeviselaprédication:letextebibliqueyesttémoind’uneparolevivante,quiéchappeànotrepossession,nous place dans une situation de rencontre personnelle, doncexigeante,quinousmène làoùnousnevoudrionspasallerdenotrepropreconfort,maisaussipourcelaannoncenotresalut.Letextebibliquen’étantpasuntexteparmiuneinfinitéd’autrespossibles, mais un texte qui nous renvoie précisément à unmystère annoncé, sa lecture doit obliger à une quête de vérité,passant par des surprises, agréables ou désagréables. Elle faitsortir du panégyrique et de la seule compassion humaine pourallerversuneparolequinousdéplace.Pourêtrevraimentpournousenvérité,cetteparolealalibertéd’être,quandillefautetdoncbiensouvent,contrenous,menantàdesdimensionstellesque la repentanceet laconversion.Celan’estd’ailleurs jamaisgagné d’avance, puisqu’on sait que le texte biblique peut luiaussiêtreinstrumentaliséetréduitàdireseulementcequel’onveutluifairedire19.

    Cependant, il ne faut surtout pas se méprendre sur laconfiguration dans laquelle on se trouve avec ce choix d’unelecturebibliqueàcontre-courantdebiendesenviesexprimées;il ne s’agit pas de considérer que certains, mieux avertis qued’autres d’une certaine voie de vérité, pourraient imposer leurvision contre celles de leurs interlocuteurs, pour faire leur

  • bonheurcontreleurgrés’illefaut.Ilnes’agitpasnonplusderefuseruneécouteà toutcequiestexpriméhumainementavecces autres lectures pour lesquelles se manifeste une demande.Mais il faut laisser sa valeur particulière au texte biblique, envuedel’ébranlementsalutairequ’ilpeutprovoquer.Orpourcelalepasteurdoitseplacerlui-mêmeensituationd’êtresurprisparlemessagebiblique.S’ilprésente le textebibliquecommesonchoix personnel contre le choix personnel de ceux à qui ils’adresse, il ne fait que répéter quant à lui-même la mêmetendanceàchercherdestextesquinedérangentpas.Lepasteurdoitdoncd’abordreconnaîtreensoilamêmetentationhumainedeseloverdansdestextescoconsplutôtquedeseconfronteràdestextesexigeants.

    Particulièrement dans notre société où le phénomène de ladéchristianisationintroduitdesécartsentrepratiquantsounon-pratiquants, connaisseurs ou non-connaisseurs du textebiblique, on a pu entendre, y compris lors de ce colloque20,certains pasteurs ou prêtres se plaindre de ce que les gens«étaientdevenusétrangersà la foichrétienne».Cen’est sansdoutepasfauxsociologiquement,maisilyaunrisquedèslorsque l’onvoudrait se considérer soi-mêmecomme trèsdifférentdeceux-là.L’étrangetédenoscontemporainsparrapportàlafoine peut être correctement dite par le chrétien, que s’il sereconnaît avec eux dans l’ignorance.Le pasteur interprétant laBiblenedoitpasseconsidérerenpositiondesavoirfaceàdesignorants,maisenpositionderecherchemendiantedelavéritéduChrist, solidairement avecceuxquidécouvrent ensemble laBible. Tous enfants prodigues, devenus étrangers, maisaccueillisànouveauparlePère.

    Laprédicationnepeuttoucheretrenverserl’auditeursiellene le fait d’abord du prédicateur. Cela mérite d’être redit

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  • exemplaire:«ilnousfautredouterentouteschoseslejugementdeDieu»(p.175),carmême«lesœuvresdeshommesjustessontdespéchés»(p.170),danslamesureoù«encelarésidelaperversitétotale:àsavoir,seplaireàsoi-même,etjouirdesoi-mêmedanssespropresœuvres,ets’adorersoi-mêmecommeuneidole»(p.173).

    2.Ungrandclassiquequeconnaissentsansdoutetouslespasteurs:célébrerunservicefunèbreoùdesamisbienintentionnésfontdesdéclarationssurledéfuntcomme«bonépoux»,alorsquel’onsaitquelapersonneassiseau4erangderrièrel’épouseétaitlamaîtressedudéfunt,etquelesdeuxfemmessehaïssent.

    3.Cf.ànouveauConfessiond’Augsbourg,art.7,citéplushaut.

  • LaprédicationduservicefunèbreL’expérienced’unprêtrecatholique

    BernardKlasen

    Jesuisprêtredepuisvingt-cinqans,curéàClamart.C’estdirequej’aicélébrébonnombred’obsèques,d’autantplusquesurleterritoire de ma paroisse se trouvent deux hôpitaux, à savoirl’hôpitalBéclèreetl’hôpitalmilitairedePercy.Cesdeuxlieuxposentdefaçonaiguëlaquestionduscandaledelamort,qu’ellesoit périnatale ou qu’il s’agisse de lamort de soldats. Sur cemêmeterritoire,àClamart, ilexisteaussiuncimetièrepaysagédûàRobertAuzelle(1951),quiinciteàunevraieréflexionsurlamort,notammentcelledes«accidents»deBéclère.D’autrepartmescoursàl’Institutsupérieurdethéologiedesarts(ISTA),à l’Institut catholique de Paris, des cours d’architecture parl’anthropologie, la philosophie et la liturgie, intègrent laquestion des cimetières. Pour Hegel, la première desarchitecturesestunetombe…Enfin,j’aicélébrévoiciquelquesmois les obsèques demon père ; je suis encore « affecté nonmalheureux».

    J’arrive avec ce petit bagage et je ne vais pas vous direcommentprêcher!

    Quelquesremarquessurlefaitdeparleretprêcherlorsdesobsèques

    Quatreremarques

  • Nos gestes, nos rites ont une extraordinaire efficacité, ilsparlent ; unmot et l’annonce devient efficace.En revanche, ilfaut éviter que notre parole soit pure ritualité (jusqu’au non-sens), du genre : « Tu nous manques déjà, je ne t’oublieraijamais, il est déjà au ciel. » Deux occasions de parole sontoffertesdansnotreliturgiedesobsèques:l’homélieetledernieradieu.Ilfautprendregardeànepaslesconfondre.Aumomentdu dernier adieu, vous pouvez laisser dire « tu nousmanquesdéjà»,« tues lemeilleurdespapas»,mais,depréférence,cen’estpasàvousdeledire.Silamortetlarésurrectionsontditesdans et par nos rites, il n’est pas interdit d’en parlerexplicitement selon l’assemblée que nous avons, soit ensoulignantlesgestes,soitencommentantlaparoledeDieudansl’homélie, soit en ouvrant des réflexions où s’annonce lekérygme.

    Troischosesencore

    Les paroles dans le cadre de ces rites ont une vertuanthropologique considérable ; elles font partie du travail dudeuil. Tout ce qui donne à penser (à panser) la mort estbienvenu.Or,«toutd’abord»,audoublesensde«quellequesoit la manière d’aborder cette parole », et de « premierontologiquement»,jenesaispasquoidiredelamort,delavie,de ce qui se trouve derrière ce passage.Mais il faut dire ! Etpournouschrétiens,ilfautdiredemanièrequelaparoleprennevie,donnevie,donnesens,quelafoifaitvivre.

    Venons-enàlaprédication

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  • 9.InContacts,n°228,octobre-décembre2009,p.382.10.THÉOPHANE,Précisd’éthiquechrétienne,Moscou,

    1895,p.34.11.AlexandreSCHMEMANN,PourlavieduMonde,Paris,

    PressesSaint-Serge,2007,p.118.

  • Postfacesousformedeconclusions

  • SynthèsesetconclusionsLaurentVillemin

    Cette contribution finale voudrait fournir quelques linéamentspourlapenséeetlapratiqueœcuméniquesurlethèmequiaétéabordé de diversesmanières. Je neme sens lié ici par aucuneobligation d’exhaustivité etmon propos n’est pas de poser unpoint final à des questions qui nécessiteront encore d’êtrereprises et approfondies. Veuillez donc accepter cettecontribution comme un libre propos pour reprendre certainséléments des réflexions qui viennent d’avoir lieu mais, plusencore, pour ouvrir quelques jalons pour l’avenir. Jedévelopperaisuccessivementquatrepointsennousinterrogeantd’abord sur l’anthropologie du rite, avant de considérer lespratiquesautourdelamortcommeundevoirdecharité.Dansuntroisième temps, j’envisagerai quelques conséquences pour laprédication et, enfin, quant à la figure de l’Église dans lacélébrationdesobsèques.

    Uneanthropologiedurite

    Iln’estpascourantd’entrerdansuneréflexionœcuméniqueparle biais d’une réflexion d’anthropologie de la ritualité. C’estpourtant ce que nous avons fait avec Patrick Baudry en nousinterrogeant sur les mutations et la permanence de la ritualitéfunéraire.Laritualitéestunemiseenœuvredessymboles.

    Le symbole « donne à penser », a pu écrire Paul Ricœur,ainsique le rappelaitBrunoGaudeletdans sacontribution.Lerituel effectue justement ce « donner à penser ». Telle est la

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  • 18.19.

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    etfoichrétienne,2010.HenrideLaHougue,L’estimedelafoidesautres,2011.DominiqueBarnérias,Laparoisseenmouvement.L’apportdessynodesdiocésainsfrançaisde1983à2004,2011.GermainJin-SangKwak,Lafoicommeviecommuniquée.LerapportentrelafidesquaetlafidesquaechezHenrideLubac,2011.Jacques-NoëlPérès(dir.),Famillesenmutation,approchesœcuméniques,2011.FrançoisMoogetJoëlMolinario(dir.),Lacatéchèseetlecontenudelafoi,2011.Jean-BaptisteLecuit(dir.),Ledéfidel’intériorité.LeCarmelréforméenFrance,1611-2011,2012.Jacques-NoëlPérès(dir.),Pratiquesautourdelamort,enjeuxœcuméniques,2012.

  • CompositionetmiseenpagesréaliséesparCompo66–Perpignan

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