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- 1/18 - Premiers Pas Les premiers pas sont les « premiers pas » après la chute. Précisons tout de même : après une chute jusqu’au 4 ème degré. Une chute au-delà du 4 ème degré, c’est la descente de non-retour. L’irréparable. Premier chapitre : La chute en cinq degrés La chute peut être fulgurante (les fameux « accidents de la vie », « la totale ») ou progressive, lente, presque imperceptible (divorce, perte de repères, chômage, faillite, alcool, drogues, maladies...). La liste est longue et les exemples célèbres ne manquent pas... Et avec la crise économique qui n'est en fait qu’une crise des pauvres, des ouvriers, mais de plus en plus aussi celle des classes moyennes - il y a tout un pan de la société qui est proche de la rupture. Parfois, il est utile de cataloguer les phénomènes pour y voir un peu plus clair. Voyons. 1 er Degré : La majorité ? Ces gens qui ont encore un boulot, un travail régulier, une fiche de paye, une assurance maladie et une assurance chômage. Ceux qui cotisent pour leur retraite, qui payent des impôts et le passe NAVIGO. On les trouve le matin ou le soir, ou le matin et le soir dans les cafés et les bars (les bars : le soir). Souvent mal rasés*, vêtements un peu négligés, souvent au kir, au café-calva, un verre de blanc (ou deux), casa, whisky... bof, un peu comme notre ami Renaud : http://youtu.be/zbcXANXTezg * Il serait intéressant pour les étudiants en sociologie de faire « du terrain » à ce sujet (un joli thème pour un stage). Établir une statistique du taux des mal rasés dans les cafés et bars en comparaison avec les établissements fréquentés par les SDF et Sans-abri. A mon avis, le résultat serait surprenant ! Faut encore éliminé dans une telle statistique les VIP’s et les VVIP’s (DSK, Sarkozy, etc.) et même les mecs dans les pubs qui sont mal rasés, parce que c’est chic et à la mode. Il se cache souvent une grande solitude derrière. Voire une très grande solitude. Des déceptions. Des divorces. La disparation d’un être cher.

Premier chapitre : La chute en cinq degrés · 2015. 8. 5. · - 1/18 - Premiers Pas Les premiers pas sont les « premiers pas » après la chute. Précisons tout de même : après

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Page 1: Premier chapitre : La chute en cinq degrés · 2015. 8. 5. · - 1/18 - Premiers Pas Les premiers pas sont les « premiers pas » après la chute. Précisons tout de même : après

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Premiers Pas

Les premiers pas sont les « premiers pas » après la chute.

Précisons tout de même : après une chute jusqu’au 4ème degré.

Une chute au-delà du 4ème degré, c’est la descente de non-retour. L’irréparable.

Premier chapitre : La chute en cinq degrés

La chute peut être fulgurante (les fameux « accidents de la vie », « la totale ») ou progressive, lente, presque imperceptible (divorce, perte de repères, chômage, faillite, alcool, drogues, maladies...).

La liste est longue et les exemples célèbres ne manquent pas...

Et avec la crise économique – qui n'est en fait qu’une crise des pauvres, des ouvriers, mais de plus en plus aussi celle des classes moyennes - il y a tout un pan de la société qui est proche de la rupture.

Parfois, il est utile de cataloguer les phénomènes pour y voir un peu plus clair. Voyons.

1er Degré : La majorité ?

Ces gens qui ont encore un boulot, un travail régulier, une fiche de paye, une assurance maladie et une assurance chômage. Ceux qui cotisent pour leur retraite, qui payent des impôts et le passe NAVIGO.

On les trouve le matin ou le soir, ou le matin et le soir dans les cafés et les bars (les bars : le soir).

Souvent mal rasés*, vêtements un peu négligés, souvent au kir, au café-calva, un verre de blanc (ou deux), casa, whisky... bof, un peu comme notre ami Renaud :

http://youtu.be/zbcXANXTezg

* Il serait intéressant pour les étudiants en sociologie de faire « du terrain » à ce sujet (un joli thème pour un stage). Établir une statistique du taux des mal rasés dans les cafés et bars en comparaison avec les établissements fréquentés par les SDF et Sans-abri. A mon avis, le résultat serait surprenant ! Faut encore éliminé dans une telle statistique les VIP’s et les VVIP’s (DSK, Sarkozy, etc.) et même les mecs dans les pubs qui sont mal rasés, parce que c’est chic et à la mode.

Il se cache souvent une grande solitude derrière. Voire une très grande solitude.

Des déceptions. Des divorces. La disparation d’un être cher.

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2ème Degré : Les ADF (Avec Domicile Fixe)

Ces gens qui tiennent encore, qui ont encore un logement, un petit boulot (ou plusieurs petits boulots) : déménagements, réparations de toutes sortes, aide aux personnes âgées, sortir/entrer les terrasses ou les stands du marché, etc., etc., bref la fameuse « économie souterraine ».

Et, on répète : qui ont surtout encore un logement !

3ème Degré : Les SDF (Sans Domicile Fixe)

Plus de logement. Au mieux hébergé par un(e) ami(e). Mais pour combien de temps ?

À chaque dispute, chaque incompatibilité, chaque manque d’argent, l’idylle peut se terminer à tout moment, tout court. En fait, c’est une situation extrêmement fragile, surtout si l’on ne peut pas participer aux frais...

On peut peut-être retenir deux délais typiques de rupture, vécu par moi-même quand, d’une part, dans une époque lointaine, j’étais hébergeur, et d’autre part, plus récemment, quand j’ai été hébergé (il semble exister un certain équilibre dans une vie...) :

un délai court de trois mois,

un délai long d’un an.

Dans les deux cas, ce sont des moments où l’hébergeur « n’en peut plus », quand il a trouvé une nouvelle copine (un nouveau copain), ou en a marre de déplier tous les soirs le canapé convertible ou le clic-clac (attention, dangereux meuble : il y a des personnes qui se sont fait piéger dedans !) ou veut simplement rester un peu seul chez lui.

D’être hébergé dans un appartement, ce qui constitue déjà une énorme opportunité de nos jours, pose évidemment la question de savoir si l’hébergeur acceptera également d’officialiser son geste : d’avoir une adresse chez lui (« chez X,Y,Z », « c/o X,Y,Z »). Souvent, les hébergeurs ne veulent pas s’engager à ce sujet et c’est tout à fait compréhensible, parce qu’ils peuvent être emmerdés par « les vieilles histoires » de l’SDF (URSSAF, huissiers, des vieux ou des nouveaux amis, etc.).

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C’est déjà à ce stade que le SDF potentiel devrait s’occuper d’avoir une domiciliation administrative ailleurs (cf. 2ème palier). Pour rester en contact officiel avec la CAF, l’assurance maladie (Carte Vitale !), Pôle Emploi, etc. Sinon, trouver un boulot officiel (ou le garder !), même en Intérim, est pratiquement impossible.

Reste alors les garages, les cabanes, les tentes... Ces endroits « pseudo-fixes » qui ont quand même l’avantage d’être fixes : le « domicile » ne change pas tous les jours – non, pardon, toutes les nuits - on peut y laisser peut-être ses affaires (le sac de couchage, les vêtements, le sac sanitaire, de l’eau...). Et aussi garder les petits outils et affaires de toutes sortes : crayons, ciseaux, papier, colle, lessive, chaussures, baskets, lampe de poche, couteau, etc. Il est quand même recommandé, de ne jamais sortir de son domicile de fortune sans ses papiers et d’autres choses essentielles (dans le cas où...) !

Mais c’est maintenant que les problèmes sérieux commencent à monter à la surface.

D’abord l’hygiène : il n’y a plus de toilettes, ni de salle de bain, ni de machine à laver. Par exemple, il n’est pas recommandé de pisser à côté et aux alentours de son « domicile ». L’urée est une formidable bouffe pour toutes les bactéries et très rapidement elles commencent à le « dégrader » en ammoniaque : c’est ça, qui pue et trahit votre présence. Gare aux diarrhées, c’est le sens propre du mot « la merde ». Pour brosser ses dents, se laver, se raser, il y a les bains-douches. Pour laver ses vêtements, il y a les laveries (coûteux), mais aussi pas mal d’accueils de jour (gratuit, mais pas toujours disponibles).

Ensuite l’électricité : pas de lumière ! Faut alors une torche, une lampe. Comment recharger la torche, le portable ? Et une torche consomme beaucoup plus d’électricité qu’un portable, et elle se recharge aussi beaucoup plus lentement. Normalement, les cafés, dont on est peut-être vieux client, acceptent de les recharger. Sinon, restent les accueils de jour, les endroits de bouffe...

Enfin, l’accès au « domicile » est très restreint : faut pas être repéré ! On rentre alors très tard et on sort très tôt. La nuit. C'est un peu comme dans les séries télés, sauf ici, sans explosion, courses-poursuites et « profileurs ».

Comment aller au boulot dans ces conditions-là ? Mystère.

4ème Degré : Les Sans-Abri (SA, ne pas confondre avec AS : Assistant(e) Social(e))

Alors là, c’est la rue.

La vraie rue.

Tout d’abord : c’est quoi, un Sans-abri ?

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L’INSEE fait bien la distinction au sein du terme global des SDF entre Sans-domicile et Sans-abri dans son grand rapport sur la grande enquête de terrain (bravo !) menée en janvier-février 2012 (pour rappel : il y eu deux semaines très froides début février 2012 !).

Une autre définition pourrait être la suivante : Les Sans-abri sont des SDF sans abri, donc une sorte de sous-population des SDF. Autrement dit : ce sont des gens en « très grande précarité ». On est au 4ème degré de la descente, l’avant-dernier.

Dans le chapitre "Les sans-abri ne souhaitent pas tous se rendre dans les centres d’hébergement" l’INSEE donne des chiffres :

« En janvier-février 2012, les sans-abri représentaient 9 % des sans-domicile. Ces personnes ont ainsi passé la nuit précédant l’enquête, soit dans un lieu extérieur (rue, pont, jardin pour 21 % d’entre elles), soit ont dormi dans un endroit plus abrité (36 % dans une cave, un parking, un grenier, un hall d’immeuble, une usine désaffectée ...) ou dans une habitation de fortune (14 % dans une tente, une cabane, une grotte ... ), ou dans un lieu public (17 % dans une gare, dans le métro, dans un centre commercial, dans un lieu de culte ...), ou dans une halte de nuit (8 % ), ou plus rarement dans une voiture ou un camion (4 %). La plupart (65 %) ont dormi seul. Un quart d’entre eux ont pu accéder nuit et jour à des toilettes près du lieu où ils dorment. »

Attention aux définitions ! Relisons attentivement et faisons quelques calculs :

Un SDF n'est alors pas forcément un sans-abri ! Les sans-abri qui ne "souhaitent" pas se rendre dans les centres d'hébergement ne représentaient que 9 % des SDF, donc 12 735 personnes. Et ils ont passé la nuit « précédente de l'enquête » :

21 % (2 674 personnes) dans « un lieu extérieur » : rue, pont, jardin…,

36 % (4 585 personnes) dans « un endroit plus abrité » : cave, parking, grenier, hall d'immeuble, usine désaffectée...,

14 % (1 783 personnes) dans une « habitation de fortune » : tente, cabane, grotte (!)…,

17 % (2 165 personnes) dans « un lieu public » : gare, métro, centre commercial, lieu de culte…,

8 % (1 019 personnes) dans « une halte de nuit » : hum, c’est quoi, une « halte de nuit » ?,

4 % (509 personnes) dans une voiture ou un camion.

Les mots en gras ci-dessus (cave, parking, usine désaffectée, tente, cabane, grotte, voiture, camion) peuvent quand même être considérés parfois comme « domicile pseudo-fixe », correspondant à la description du paragraphe précèdent (3ème degré). On voit alors que les limites entre SDF et Sans-abri sont tout à fait floues. Chaque cas d’extrême précarité est en quelques sortes unique et il est difficile de le classer (et facile de l'oublier ?) administrativement dans tel ou tel tiroir comme c'est malheureusement souvent le cas.

En ce qui concerne les « haltes de nuit » et le fait que "Les sans-abri ne souhaitent pas tous se rendre dans les centres d’hébergement", l’enquête de l’INSEE donne quelques indications à ce sujet, à première vue aberrantes et « incompréhensibles » :

« La moitié des sans-abri (48 %) n’ont pas souhaité se rendre dans un centre d’hébergement la veille de l’enquête (début 2012, NDLR); les principales raisons invoquées sont le manque d’hygiène (29 %) et l’insécurité (26 %). Les autres sans-abri ont été refusés par manque de place (14 %) ou n’ont pas pu s’y rendre pour d’autres raisons (arrivés trop tard, animaux domestiques interdits dans le centre...bourrés ?, NDLR). »

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Et encore :

« Les sans-abri sont 9 % à laisser des affaires dans une association, 17 % chez des amis, 32 % dans un lieu non prévu pour l’habitation, 7 % en dissimulent dans divers endroits ; 20 % les gardent avec eux et 15 % déclarent ne pas avoir d’affaires à entreposer. »

Bon, tout est dit. Beaucoup de chiffres, des pourcentages.

La rue, c’est quoi alors ?

Il n’y a plus de « domicile pseudo-fixe ». On n’a plus d’endroit pour laisser ses affaires (le sac de couchage, les vêtements, le sac sanitaire, de l’eau...). L’endroit où on peut dormir change peut-être de nuit en nuit. Et, peut-être, pire, on ne trouve pas un coin tranquille, à l’abri de la pluie, de la neige et du vent. Et le vent est peut-être le facteur climatique le plus chiant pour un sans-abri...

Et si on trouve un coin, on ne sait jamais, qui passera la nuit : des connards, des gens bourrés et méchants qui ne trouvent pas autre chose amusante à faire, dans leur dérive sadique et primaire, que t’emmerder. Faut privilégier les impasses, les coins dans l’ombre...

Les déplacements deviennent très difficiles parce qu’on est obligé d'emmener ses affaires essentielles de survie et tout son « patrimoine » sur son dos (10 kg, 15 kg, 20 kg ou plus?), sur un caddy, sur un chariot.

Disons une randonnée en milieu urbain, loin des « marathons des déserts », mais aussi éprouvante et sans la perspective que la galère s’arrête après 42 km...

Semi-Marathon de Paris du 2 Mars 2014 :

Comme tous les dimanches matins ces dernier temps, je passe au Café Panam, pour prendre un petit déjeuner. Sur le chemin déjà, au métro (j'ai un passe NAVIGO !), j’aperçois pas mal de jeunes, sportifs, en forme, joyeux. Et ça à 9 heures un dimanche matin ! Bizarre.

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Je me rappelle alors l'affiche d'un Demi-marathon et je demande aux gars : « excusez-moi, mais vous allez au Demi-marathon ? ». « Oui, nous allons au Semi-Marathon de Paris, Parc de Vincennes ». « C'est gratuit ? ». « Non, on paye 50 € pour le dossard». Je pense : « hum, 50 €, ce n'est pas donné... ». Un peu plus tard, sortie de la station Dugommier, la rue est déjà barrée. « C'est à cause du Semi-Marathon ? Ils passent à quelle heure ? ». « Vers 10:15. Et ils passent deux fois à Daumesnil. Aller-Retour ».

Au café, je rencontre un SDF que j'ai déjà vu là-bas. Je lui raconte : « Dans trois-quart d'heures, à 10:15, le Semi-Marathon de Paris passera juste à côté ! J’irais le voir ! ». Mais déception, il est bien moins enthousiaste que moi : « bof, je fais mon Semi-Marathon tous les jours, entre 20 et 25 km ». Parce qu'il dort la nuit au Bois de Vincennes et qu'il est obligé de se déplacer à Paris un peu partout « le petit déjeuner ici, l'association là, le déjeuner encore ailleurs et les services sociaux encore dans un autre arrondissement, etc. ». Et tout ça avec son sac dans lequel il doit transporter toutes ses affaires « parce qu'on ne peut rien laisser au Bois de Vincennes..., les gens volent ». Pas de passe NAVIGO, parce que pas encore le RSA.. « Mais tu as une adresse de domiciliation ? ». « Oui ».

Le caddy passe éventuellement encore au métro s’il n’est pas trop surchargé ; c’est fini avec un chariot. Avec un chariot, même les escaliers deviennent des obstacles infranchissables.

Et c’est ainsi qu’on se retrouve très rapidement dans un état de manque de sommeil chronique (les gars qui dorment le matin dans le métro ou sur les bancs publiques après une nuit blanche), de douleurs des articulations (les gars qui transportent leur patrimoine constamment avec eux), de saleté (les gars qui ne peuvent plus changer leurs vêtements, qui s’engraissent à leur tour et qui se déchirent progressivement).

Voilà. S’ajoutent le froid, la chaleur, les rats, les rhumes, le mal aux dents, les insultes.

Et le pire : l’indifférence.

5ème Degré : Les Morts de la Rue

Un, une individu.

Souvent une inconnue, un inconnu.

Un, une de moins dans la nature.

Un, une de plus dans les statistiques.

Ces statistiques macabres, il y a un travail remarquable du collectif « Les Morts de la Rue ». Mais ce n’est que le côté chiffré de la démarche du collectif : Ses objectifs sont... citons-les :

o Faire savoir que vivre à la rue mène à une mort prématurée

o dénoncer les causes souvent violentes de ces morts

o veiller à la dignité des funérailles

o soutenir et accompagner les proches en deuil

Une vie quand même.

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Avec tout ce qui est dedans, vécu.

Une vie comme …, hum – avec tout ce qui pourrait être dedans... hum, comme la nôtre.

Deuxième chapitre : Intermezzo

Pour être clair : souvent, et probablement dans la majorité des cas, la « descente aux enfers en cinq degrés », c’est de la propre faute des malheureux. Ou disons plutôt : ce n’est pas exclu.

Ils se laissent entraîner par les événements et souvent aussi par les non-événements. Et parallèlement en enchaînant et mélangeant plusieurs facteurs physiques, comme « Red Bull » et Vodka, bière et schnaps, somnifères et coke, etc., etc.

Faut-il les condamner pour autant ? « Bien fait pour toi ! ». « Casse-toi, pauv’ con ! ». « Raus, schnell ! ».

Attention quand-même !

Dans une société désolidarisée et individualiste, les risques de rupture, de descente sont énormes. Ça peut tomber sur tout le monde (ou presque) et à tout moment.

Pas possible ? Invraisemblable ?

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Euh, prenons l’exemple du « burn-out » et de la dépression :

dans « L’Express » (N° 30264, de la semaine du 22 au 28 janvier 2014, p. 40-55) - et tout récemment dans le Nouvel Ob's (N° 2582 de la semaine du 1er au 7 mai 2014, p. 72-85) - les titres ont été consacrés au burn-out,

dans les bibliothèques et en librairies est disponible l’excellent récit de Philippe Labro « Tomber sept fois, se relever huit » (Folio, 6,80 €) dans lequel il décrit l’arrivée imperceptible, sans bruit ni éclair, de la dépression. Un jour, un matin ou un soir, elle est là, venue de nulle part, et commence sa torture destructrice.

Bon, le monde libéral tel qu’il est, est peut-être très favorable au développement économique : le moteur principal serait la motivation – pas faire du fric pour pouvoir s’acheter plein des conneries, non, non, non – mais travailler «bien et plus» - (avec un salaire réduit, si possible) et l’envie de participer à une «aventure» (start-up, auto-entrepreneur), au « progrès », bla, bla...

Petite interrogation quand-même : ce moteur, dans un sens négatif, n'est-il pas aussi de carburer à la peur et à la menace du chômage, de la « descente aux enfers » : « Regardez aux stations du métro et au bord du périphérique, sous les ponts ! C’est ça que vous attend si vous faites trop des conneries. »

Psychologiquement (et politiquement ?), le « réservoir » d’SDF et de pauvres constitue un formidable outil pour « resserrer les boulons » encore un peu plus. Ben, un exemple ?

New York est aujourd’hui plus sûr, plus propre qu’il y a 20 ans. Mais pour la partie éjectable de la société, New York est devenu beaucoup plus dangereux et sale. Et l’ancien maire de NYC et son parti l'ont payé cash lors des dernières élections. D’une part, parce que le nombre grandissant de gens en très grande précarité en face de la richesse du monde de Wall Street (elle a aussi grandi) est devenu insupportable pour pas mal de gens ; d’autre part peut-être par peur de la classe moyenne de descendre « là-bas » dans une économie libérale déchaînée.

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Troisième chapitre : La remontée en cinq paliers

1er Palier : Les Morts de la Rue

On se tait, s’il vous plaît.

Plus rien à faire ?

Ou, peut-être, quand même essayer de donner le minimum de dignité aux morts de la rue, dignité qu’ils n’ont pas reçue avant, encore vivants.

On se tait ? Par dignité ?

Une vie perdue dans les méandres de notre société si bien organisée, ou devenue si compliquée ?

Mieux oublier vite. Vite enfouir les cadavres de tous ces accidentés de la vie. Ceux qu’on ne regarde pas, qu'on ne voit pas et ce qu’on ne voit pas n’existe pas.

Mais si l’on ne se taisait pas ?

Si l’on regardait la misère en face ? Et son ultime conséquence : la mort précoce.

Si macabre que ça puisse paraître : et si ces malheureux n’étaient pas morts pour rien ? Comme on a coutume de dire pour les soldats, les « soldats de la paix », pour les sapeurs-pompiers...

Ce sont ces morts évitables – un « gâchis » - qui devraient nous interpeller.

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Et c’est au 4ème degré de la précarité (les Sans-abri) que la société échoue terriblement incapable de sauver des vies manifestement en grand danger.

Est-ce que notre société, collectivement et individuellement, ne pourrait pas être trainée devant la CEDH (Cour Européenne des Droits de l’Homme) à Strasbourg ou la CJUE (Cour de Justice de l’Union Européenne) à Luxembourg ? Pour « non-assistance à personnes en danger de mort » ?

2ème Palier : Les Sans-abri

Une situation facile à améliorer, surtout au niveau de l’investissement financier !

Évitons d’abord les mesures répressives, discriminatoires, « Anti-SDF », d’ailleurs parfois assez coûteuses (on économiserait de l’argent !).

Ensuite, il y a un manque cruel de dépôts (quotidiens, hebdomadaires, mensuels) pour les affaires des Sans-abri : les bagageries.

La mise à disposition gratuite et surtout la gestion des casiers, des consignes est certes problématique, mais les coûts de tels dispositifs ne devraient quand même pas être exorbitants ! Fréquemment, les sans-abri ont leurs documents les plus essentiels en vrac dans une de leurs poches. Et évidemment, souvent ils les perdent et le cirque administratif recommence.

Comme moi. A trois reprises :

la première fois, j’ai perdu ma clé USB dans un Cybercafé. Mais bon, quelqu’un me l’a piquée pendant le temps d’aller pisser. Sympa et idiot à la fois,

la deuxième fois, j’ai oublié ma clé USB dans le même Cybercafé. Panique garantie le lendemain à la découverte de la perte. Mais les gars qui travaillent là-bas - tous immigrés du Bangladesh qui profitent de notre système... - l’ont vue et l’ont gardée pour moi. Pas de crise cardiaque ni d’épilepsie, mais un grand ouf,

la troisième fois, j’ai carrément oublié mon classeur avec tous les documents essentiels (!) dedans dans un autre Cybercafé. Et je l’ai remarqué simplement trois jour après (« hum, pourquoi mon sac est-il tellement léger ces derniers temps ? »). Mais dans quel Cybercafé ? Travail de mémoire. Finalement, je suis allé dans tous les Cybercafés que j’ai fréquentés (il n’y a pas des milliers...), et chanceux, les gars là-bas ont gardé mon classeur. Aussi des immigrés qui profitent de notre système, mais cette fois en provenance de Sri-Lanka (je crois).

Depuis quelque temps, l’idée géniale du trésor numérique circule.

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Ça veut dire, qu’il y a des endroits où les sans-abri pourraient scanner leurs documents administratifs, mais également leurs photos, leurs souvenirs…

Et ça ne coûte pratiquement rien !

Un scan ne coûte rien. Le stockage d’un fichier « .ipg » ne coûte rien. Une clé USB* ne coûte rien. Matériellement, tout ça ne coûte rien.

* Pour être honnête, il faut deux clés USB par SDF. Une clé dans sa poche, une autre – clé « de haute sécurité » - à un endroit sûr. Bon, ça fait 2 fois 5 ou 7 €, soit au maximum 15 €.

Effectivement, il faudrait créer des structures qui, au niveau personnel, seraient capables de… voilà, de scanner, de sauvegarder, de gérer les dossiers, les noms, etc. À priori rien d'insurmontable. Ou encore mieux : approvisionner et soutenir les structures déjà en place depuis des années. Par exemple les EPN’s et les PIMMS.

Notamment en hiver, les accueils de jour, (des endroits chauds !) sont très importants pour le moral ou ce qu’il en reste : boire un café, lire les journaux, parler, discuter, se reposer, dormir un peu... Malheureusement, ils ouvrent souvent assez tard (vers 9 heures) et se sont les bus de la RATP et les petits déjeuners des paroisses qui dépannent plus tôt (vers 6:30 / 7:00).

La domiciliation administrative est également une nécessité absolue pour les SDF (au 3ème degré de la descente) : avoir une adresse, un lien courriel. Mais là encore, les quotas attribués aux nombreuses associations qui gèrent les domiciliations sont souvent trop limités par la préfecture. Manquent également les moyens en personnel et financiers.

Ça ne devrait quand même pas générer des coûts astronomiques, de réceptionner le courrier, de le classer alphabétiquement dans des casiers et d’accueillir les « clients » comme c’est la coutume dans les 17 000 bureaux de la Poste en France avec le courrier et les lettres recommandées AR (ces fameuses lettres dont la prolifération est un indicateur sûr d’une descente imminente aux enfers, cf. paragraphe « 1er degré »).

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Pour les chômeurs, il est extrêmement important, de disposer d'une adresse « anonyme », c’est-à-dire que sur son adresse administrative figurent seulement son nom, le numéro de l’immeuble, la rue, la ville, mais pas de mention révélatrice et discriminatoire comme « Hôtel XYZ », « Association SDF, chômeur, sans-abri...».

Depuis quelques années il existe le formidable outil de l’adresse électronique, l'e-mail.

Cette adresse n’est pas domiciliée à un endroit précis. Elle est à la fois partout dans le monde, et nulle part. Et elle ne coûte absolument rien !

Problème : la grande majorité des SDF ont développé une grande méfiance contre tous ces écrans, claviers, souris. Et ils disent : « ça ne m’intéresse pas, rien à foutre », ou « je n’y comprends rien, etc. ».

Et là, c’est une nécessité également absolue, de développer une politique d’insertion numérique efficace, comme ça existe déjà ici et là. Mais souvent, ces structures, qui existent (!) ne sont malheureusement pas assez subventionnées et soutenues... les EPN’s et les PIMMS connaissent la chanson.

Cliché pris, par hasard, le 12 mars 2014, 13:32:15 exactement

Parfois, il m’arrive d’essayer de convaincre un SDF de l’utilité de l’informatique : « Regarde, ma clé USB : j’ai toutes mes données, documents, photos là-dessus..., et avec mon adresse e-mail, j’ai peux regarder partout dans le monde et à tout moment mon courrier électronique, ben, je reste en contact avec mes ami(e)s, avec mon AS, etc... ».

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Par contre, la communication avec un portable est très chère et emmerdante. Les opérateurs gagnent pas mal d’argent sur les plus pauvres. Prenons par exemple le plus grand, Orange : une recharge de 5 € (avec un bonus d’un €, ça fait 6,00 € !) est limitée à une semaine. Et leurs SMS énervants (« Attention, il vous reste encore une journée pour utiliser votre crédit de 5,99 € ») ne leur coûtent apparemment rien !

Ce délai beaucoup trop court d’une semaine est absolument incompréhensible et honteux pour les opérateurs. Qu'est-ce que ça leur coûterait d'allonger ce délai à deux semaines, trois, quatre ? Un micro-centime ? Ou un nano-centime ? C'est le même système antisocial, disons plutôt minable, de petit esprit, voire de très petit esprit, minuscule esprit (« gnangnan gnangnan ») que celui de l'attribution en extrême lenteur du passe NAVIGO (voir plus bas) : de gagner ici quelques centimes et là-bas quelques centimes (ou même parfois quelques Euros !), et, avec 5 (ou 10?) millions de pauvres en France gagner peut-être de 5 (ou 10?) millions Euros toutes les semaines. Cash. Pour une non-prestation (mini-délai dépassé).

Rappelons-nous que les pauvres sont obligés – et ne peuvent pas faire autrement ! - d'acheter toujours les plus petites quantités disponibles, sans aucune remise ou « bonus », pour, à la fin, payer beaucoup plus cher l'unité que les gens riches !

Dans ce sens, nous n'avons absolument pas besoin des Jeux Olympiques en 2024 ni d'autres « événements », et, attention, ça ne donne pas une très bonne image quand toutes les stations de métro sont malheureusement occupées par des gens qui ne trouvent nulle part ailleurs un endroit sec et pas trop froid pour dormir un tout petit peu.

Consacrons aussi une minute de réflexion (gratuite !) au sujet des appels gratuits à partir d'un poste fixe, mais non gratuits pour les portables. Un scandale ! Ça touche aussi essentiellement les plus pauvres, les gens qui ne disposent pas d’un poste fixe, mais d’un (vieux) portable.

Sans oublier le fameux 115. Déjà essayé ? Faites-le, c’est gratuit ! Après une communication réussie, vous pouvez toujours dire : « Excusez-moi, mais c’est seulement un test pour notre journal, je suis journaliste d’investigation, encore une fois, sorry, pas besoin d'une place chez vous... ».

Et enfin, pour les déplacements, accélérons l’attribution du passe NAVIGO (ça ne coûte également pratiquement rien). Sur ce sujet, tout est expliqué en détail sur mon blog www.sdfetpassnavigo.wordpress.com

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3ème Palier : Les SDF (Sans Domicile Fixe)

Pour les SDF « avec abri », la situation est déjà un peu moins catastrophique.

A ce niveau-là, il y a des structures qui marchent depuis longtemps, qui ne sont plus en rodage et qui se sont améliorées pas mal ces derniers temps (plus propres, plus accueillants, plus de services…) :

la bouffe, ce n’est plus une priorité. Ça marche. Parfois, il manque de la communication (les adresses, les horaires) - notamment pour les nouveaux « membres du Club », c’est-à-dire, les gens qui sont descendus récemment du 2ème degré (ADF). Il faut ici rendre hommage aux très nombreux bénévoles qui assurent quotidiennement ces services, parfois dans des conditions assez difficiles (engueulades, agressivité, gars bourrés déjà le matin...). Sans eux, qui travaillent dans les associations, syndicats, paroisses, et souvent aussi au sein des structures municipales, le système s’écroulerait en une journée.

les WC, c’est pratiquement résolu avec ces fameuses toilettes automatiques. Seul bémol : ils ferment à 10 heures le soir et ouvrent à 6 heures le matin. Mais quoi faire entre-temps ?

les bains-douches, en nombre suffisant à Paris, mais parfois vraiment délaissés, vétustes et, par conséquent, souvent en panne (chaudières, chauffe-eau, sèche-cheveux… cliché pris le 17 avril 2014).

Là, il y a un fort besoin de rénovation, notamment au niveau hygiène. Un autre problème à améliorer concerne les horaires d’ouverture, souvent incompatibles pour les gens qui travaillent… (faut absolument des nocturnes !).

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On constate que les améliorations nécessaires et possibles devraient tout à fait entrer dans le budget de la Ville de Paris qui gère beaucoup plus de piscines (39), de bibliothèques* (58) et presque autant de musées (14) avec des horaires d’accessibilité beaucoup plus larges que ceux des bain-douches (17). C’est uniquement une question de priorité... et de volonté.

* Ici, il faut souligner avec vigueur que les bibliothèques de la Ville de Paris (et aussi celles du Centre Pompidou) jouent un rôle très important dans la vie des SDF (Sans-abri évidemment inclus). La gentillesse et l’humanité sont généralement remarquables et exemplaires. Peut-être ont-ils trop lu ?

Un frein sérieux à toute remontée accélérée est la machinerie insaisissable de l’administration (« vous pouvez contacter une telle ou un tel », « il vous faut tel papier, telle signature », etc.).

Souvent, les AS dans les différentes services remplissent à nouveau tout le dossier, pourtant censé d’être interconnecté... Classement de l’individu perdu dans les centaines de casiers, les tiroirs. Tout est réglementé : faut avoir ci, faut avoir ça : des lettres de l’AS pour les bagageries, des cartes, des justificatifs (c’est justement pour ça, que dans mon blog La bouffe à Paris, le premier et unique critère est l’accessibilité aux services sans aucun justificatif : on a faim et soif, on arrive, on mange et on boit, point). C’est un peu comme les déclarations d’impôts : beaucoup de paperasses pour peu d’effet : on a quatre ou six pages à scruter et on remplit deux cases !

Une remarque : seulement les gens riches et bien conseillés remplissent presque toutes les cases, parce qu’ils peuvent déduire ici et là, et là-bas encore. Et dans la grande majorité des cas, ce sont leurs conseillers qui les remplissent...

Une fois, une AS m’a averti : « Monsieur, c’est kafkaïen ici ! Beaucoup de paperasses !». Ben, elle avait raison !

Et la nuit, dans mon sac de couchage, tout resurgit subitement dans un cauchemar atroce :

« Vous êtes condamné !». « Quoi ? Moi ? Mais pourquoi ? Comment ?»

« C’est écrit là ! ». « Euh, c’est peut-être un document falsifié, quelqu’un a triché... »

« Silence ! Votre condamnation est lue, approuvée et signée ! »

« À la guillotine avec ce misérable ! »

Trempé, en sueur, j’ai repris conscience : « Mais non, la guillotine n’existe plus ! ».

Mais où est le progrès ? A l’époque, c’était un spectacle grand public avec la possibilité de jouer – pour une fois (!) - le rôle principal ; aujourd’hui, ça ce fait dans l’indifférence générale ou au mieux dans les faits divers des journaux.

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4ème Palier : Les ADF (Avec Domicile Fixe)

Remonté à ce niveau-là, on pourrait presque considérer que la partie commence à être gagnée :

plus besoin : d’une bagagerie, d’une domiciliation administrative, de bains-douches, de cafés amicaux,

encore besoin : de la bouffe gratuite, des aides au logement, d’un boulot, éventuellement d’un vestiaire.

Mais attention : la rechute serait terrible !

Bon, les services sociaux parlent de la « stabilisation ». Et c’est déjà bien.

Un danger non négligeable : le yo-yo entre le « 5 du mois » (on se paye un resto, une bouteille de vin, ou deux...) - c’est l’euphorie et le danger accru d’accidents de toutes sortes - et la fin du mois – c’est la dépression.

Ben, et le boulot ? Difficile dans le contexte économique actuel. Faut développer des petits boulots et des tout petits boulots. Quelques heures par semaine, quelques heures par jour. On peut commencer même au niveau des Sans-abri comme le fait maintenant la ville d’Amsterdam où les SDF...

Très important : que tous ces boulots soient rémunérés. À Amsterdam, à un niveau très élémentaire, la rémunération consiste en un repas chaud par jour, 10 € par jour et 4 canettes de bière.

Après, on pense aux ateliers gérés par les associations comme Emmaüs.

Développer l’entraide !

L’entraide permet aussi aux SDF de s’en sortir un peu mieux matériellement et d’avoir des « tuyaux », mais surtout d’augmenter l’estime de soi-même : le sentiment d’être utile (mot clé : « sens de la vie »), d’avoir encore la capacité, l’énergie, le pouvoir – à chacun de choisir le terme le plus approprié – d’être actif, de « faire bouger les choses » et plus généralement : d’aider.

Il semble que beaucoup de « tuyaux d'insertion » ne sont pas encore développés. Laissons tomber les préjugés, demandons plutôt aux intéressés, allons sur le terrain, loin des plans ou promesses - à la con - aussi utopiques que pluriannuels (ce qui va d'ailleurs très bien ensemble) comme : « il n'y aura plus de SDF à Paris en 2020 ».

On verra bien, en 2020.

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5ème Palier : La majorité ?

Diminuer la peur, le refus d’aller « au social ». En fait, ce refus est la conséquence directe de la discrimination, du « bla, bla », de « ne pas tomber dans l’assistanat », de la fausse fierté « d’encore tenir » (c’est-à-dire souvent au bar...), mais aussi l’accueil parfois déplorable aux services sociaux. J’ai dit bien « l’accueil », pas « l’accueil par les AS » qui est généralement assez chaleureux...

Effectivement, le monde des SDF et les SDF eux-mêmes inspirent de la répulsion pour la majorité. Ça pue et ça gueule assez souvent. Mais tout ça, ce n'est que de la façade.

Ce sont des gens profondément déçus de leur vie et souvent de la vie en générale.

Mais même résignés et déprimés, ils tiennent. Tous les jours. Dans une galère incroyable.

D'après une enquête privée auprès de quelques confrères (l’échantillon statistique est donc assez petit, peut-être pas significatif et donc pas apte à l'extrapolation...), 80 % des SDF interrogés disaient que 2014 sera meilleur que 2013 !

Logique : effectivement en arriver à ce niveau-là, on ne peut que remonter, n'est-ce pas ?

Dans ce monde de précarité s’installe souvent un racisme primaire, des engueulades « gratuites », des gens qui pètent les plombs.

Il ne faut pas avoir peur de tout ça. Il y a aussi pas mal des gens aussi honorables que dans la société « normale ».

A ce niveau-là, les coûts du sauvetage social – ou mieux : de la solidarité humaine – baissent peut-être par rapport aux paliers inférieurs : les sujets ont encore un logement, n'ont pas attrapé les maladies liées à la grande précarité, ont souvent un boulot qu'ils sont simplement en train de perdre...

Il ne faut pas non plus tomber dans les excès hyper-chers comme l'on fait parfois dans le monde étrange du grand management pour être encore plus performant ou « compétitif » : leurs « ateliers » (séminaires psys, épreuves sportives, etc. à la con). Attention plutôt au « Burn-out » (cf. deuxième chapitre) !

Le problème clé, c’est l’indifférence, l’ignorance de la société de ses propres déchets. Or, elle même est profondément pourrie, illogique et inconsciente.

Elle ne peut guérir qu’en acceptant et soignant ses blessures.

Et une dernière question : qui parle d'amour ?

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Quatrième chapitre : Résumé provisoire

Un théorème :

Plus on est « dans la merde » (grande et très grande précarité), moins on respecte les consignes d’une bonne hygiène de vie, les règles de la courtoisie et de la politesse, les droits de la propriété (occupation des lieux publiques et privés, leur dégradation, petits vols...).

Quelques lois empiriques (liste non exhaustive) :

Loi 1 :

Les coûts des mesures contre la grande et très grande précarité (« la merde ») décroisent avec le degré de la chute. Aider un peu un Sans-abri (4ème degré) est beaucoup moins onéreux qu’aider un SDF hébergé (3ème degré), ou encore un VIP (on pense ici à M. Tapie qui a coûté à l’État la bagatelle de quelques centaines de Millions d’Euros. Là, le rapport effet/prix est très mauvais, ça frôle même la contre-productivité).

Loi 2 (aussi connue sous le nom loi « Anti-Kafka ») :

L’efficacité des mesures est proportionnelle à leur simplicité. Au lieu d’investir et d’élaborer des formulaires de plus en plus complets et compliqués (c’est coûteux!), il faudrait aller un peu plus sur le terrain !

Loi 3 :

La raison des mesures est celle de notre humanité. Liberté. Égalité. Fraternité.