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24 // REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - JANVIER 2014 - N°458 Cet événement a réuni plus de 350 participants : médecins, pharmaciens, enseignants-chercheurs, scientifiques, internes, étudiants ou jeunes doctorants de 11 pays, majoritairement du Maroc, de Tunisie, d’Algérie, mais aussi d’Afrique subsaharienne (Mali, Mauritanie, Gabon…) et de France, qui ont suivi ces jour- nées très riches sur le plan scientifique mais aussi très chaleu- reuses et conviviales, ce qui a facilité largement les échanges entre les équipes présentes, africaines et européennes. Au programme de ces journées étaient inscrits 9 sessions, 4 symposiums, 3 conférences inaugurales, 13 en sessions plé- nières, 60 communications orales, et plus de 185 communications Pour la première fois, et ce fut un véritable événement à Rabat, la Société marocaine de myco- logie médicale (SMMM) a organisé du 23 au 26 octobre, dans le cadre magnifique de l’Hôtel de la Tour Hassan, les premières Journées franco-maghrébines de parasitologie et de mycologie médicale, en partenariat avec l’Institut Pasteur de Tunis, la Société française de parasitologie (SFP), la Société française de mycologie médicale (SFMM) et le Groupement des protistologues de langue française (GPLF). État actuel de l’hydatidose au Maghreb, implication du chien et facteurs humains Encadré 1 Les pays du Maghreb sont les plus touchés par l’hydatidose (Pr Bouratbine, IP de Tunis), avec une incidence chirurgicale moyenne chez l’homme de 7,7/100 000 au Maroc et 15/100 000 en Tunisie. Le taux de mortalité est estimé de 3 à 5 % selon les séries, de 5 à 15 % des cas rechutant après l’intervention, laquelle nécessite une longue convalescence, insiste le Pr Bouratbine. Cette forte incidence s’explique par de multiples facteurs aussi bien environnementaux que socioculturels, favorisant le cycle de trans- mission zoonotique entre le chien et le mouton, et impliqués dans la persistance de la prévalence d’infestation du chien, supérieure à 20 % dans la plupart des pays maghrébins. Le climat tempéré qui domine dans ces régions favorise en outre la survie des embryophores d’Echinococcus granulosus dans l’environnement. La présence au Maghreb d’une population canine importante, compo- sée essentiellement de chiens errants ou semi-errants, peu contrôlée et à renouvellement rapide, explique largement la forte endémicité. L’entretien du cycle parasitaire, rappelle le Pr Bouratbine, est rendu possible par les multiples occasions offertes aux chiens d’accéder aux viscères parasités, du fait des difficultés de ramassage des carcasses infestées des herbivores morts laissés sur les pâtures, du manque d’incinérateurs dans les abattoirs périphériques et surtout de l’abattage non contrôlé, fréquent dans les zones rurales – les plus touchées –, et concernant souvent les brebis âgées à faible valeur marchande. Malgré les campagnes d’éducation sanitaire sur cette parasitose, le comportement de la population rurale, la plus à risque, reste souvent permissif. De plus, les connaissances du cycle parasitaire et du mode de transmission sont insuffisantes. Une enquête en population de zone d’endémie du nord de la Tunisie révèle que 75 % des sujets interrogés ignorent le cycle épidémique, plus de 40 % rattachant le risque pour l’homme à la consommation de viande parasitée, plus de 70 % recon- naissant jeter les viscères parasités ou les enterrer sommairement, les laissant facilement accessibles aux chiens. affichées. Ce qui a permis de faire le point sur les pathologies parasitaires dominantes au Maghreb, les différents aspects de l’épidémiologie, des para- sites et des champignons, leur phylogénie, leur diversité et les aspects cliniques sans oublier les nouvelles approches et outils diagnostiques, et bien sûr les thérapeutiques des pathologies parasitaires et fongiques domi- nantes au Maghreb : toxoplasmose, hydatidose (encadré 1), leishmanioses (encadré 2), les protozooses intestinales et aussi les parasitoses d’origine animale ayant un impact en Cérémonie d’ouverture De gauche à droite, Pr Pascal Boireau, président de la Société française de parasitologie, Pr Claude Guiguen, président de la Société française de mycologie médicale, Pr Jamal Toufick, vice-doyen de la Faculté de médecine de Rabat, Pr Badre Eddine Lmimouni, président de la Société marocaine de mycologie médicale, et Mme le Pr Aida Bouratbine, chef du laboratoire de parasitologie-mycologie de l’Institut Pasteur de Tunis. Premières Journées franco-maghrébines de parasitologie-mycologie L’organisateur de ces journées, le Pr Badre Eddine Lmimouni (Service de parasitologie- mycologie, Hôpital Militaire d’Instruction des Armées Mohammed V, Rabat).

Premières Journées franco-maghrébines de parasitologie-mycologie

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Page 1: Premières Journées franco-maghrébines de parasitologie-mycologie

24 // REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - JANVIER 2014 - N°458

Cet événement a réuni plus de 350 participants : médecins, pharmaciens, enseignants-chercheurs, scientifiques, internes, étudiants ou jeunes doctorants de 11 pays, majoritairement du Maroc, de Tunisie, d’Algérie, mais aussi d’Afrique subsaharienne (Mali, Mauritanie, Gabon…) et de France, qui ont suivi ces jour-nées très riches sur le plan scientifique mais aussi très chaleu-reuses et conviviales, ce qui a facilité largement les échanges entre les équipes présentes, africaines et européennes.

Au programme de ces journées étaient inscrits 9 sessions, 4 symposiums, 3 conférences inaugurales, 13 en sessions plé-nières, 60 communications orales, et plus de 185 communications

Pour la première fois, et ce fut un véritable événement à Rabat, la Société marocaine de myco-

logie médicale (SMMM) a organisé du 23 au 26 octobre, dans le cadre magnifique de l’Hôtel de

la Tour Hassan, les premières Journées franco-maghrébines de parasitologie et de mycologie

médicale, en partenariat avec l’Institut Pasteur de Tunis, la Société française de parasitologie (SFP),

la Société française de mycologie médicale (SFMM) et le Groupement des protistologues de

langue française (GPLF).

État actuel de l’hydatidose au Maghreb, implication du chien et facteurs humainsEncadré 1

Les pays du Maghreb sont les plus touchés par l’hydatidose (Pr Bouratbine, IP de Tunis), avec une incidence chirurgicale moyenne chez l’homme de 7,7/100 000 au Maroc et 15/100 000 en Tunisie. Le taux de mortalité est estimé de 3 à 5 % selon les séries, de 5 à 15 % des cas rechutant après l’intervention, laquelle nécessite une longue convalescence, insiste le Pr Bouratbine.Cette forte incidence s’explique par de multiples facteurs aussi bien environnementaux que socioculturels, favorisant le cycle de trans-mission zoonotique entre le chien et le mouton, et impliqués dans la persistance de la prévalence d’infestation du chien, supérieure à 20 % dans la plupart des pays maghrébins. Le climat tempéré qui domine dans ces régions favorise en outre la survie des embryophores d’Echinococcus granulosus dans l’environnement.La présence au Maghreb d’une population canine importante, compo-sée essentiellement de chiens errants ou semi-errants, peu contrôlée et à renouvellement rapide, explique largement la forte endémicité.

L’entretien du cycle parasitaire, rappelle le Pr Bouratbine, est rendu possible par les multiples occasions offertes aux chiens d’accéder aux viscères parasités, du fait des difficultés de ramassage des carcasses infestées des herbivores morts laissés sur les pâtures, du manque d’incinérateurs dans les abattoirs périphériques et surtout de l’abattage non contrôlé, fréquent dans les zones rurales – les plus touchées –, et concernant souvent les brebis âgées à faible valeur marchande.Malgré les campagnes d’éducation sanitaire sur cette parasitose, le comportement de la population rurale, la plus à risque, reste souvent permissif. De plus, les connaissances du cycle parasitaire et du mode de transmission sont insuffisantes. Une enquête en population de zone d’endémie du nord de la Tunisie révèle que 75 % des sujets interrogés ignorent le cycle épidémique, plus de 40 % rattachant le risque pour l’homme à la consommation de viande parasitée, plus de 70 % recon-naissant jeter les viscères parasités ou les enterrer sommairement, les laissant facilement accessibles aux chiens.

affichées. Ce qui a permis de faire le point sur les pathologies parasitaires dominantes au Maghreb, les différents aspects de l’épidémiologie, des para-sites et des champignons, leur phylogénie, leur diversité et les aspects cliniques sans oublier les nouvelles approches et outils diagnostiques, et bien sûr les thérapeutiques des pathologies parasitaires et fongiques domi-nantes au Maghreb : toxoplasmose, hydatidose (encadré 1), leishmanioses (encadré 2), les protozooses intestinales et aussi les parasitoses d’origine animale ayant un impact en

Cérémonie d’ouverture

De gauche à droite, Pr Pascal

Boireau, président de la Société

française de parasitologie,

Pr Claude Guiguen, président

de la Société française de

mycologie médicale, Pr Jamal

Toufick, vice-doyen de la Faculté

de médecine de Rabat, Pr Badre

Eddine Lmimouni, président de la

Société marocaine de mycologie

médicale, et Mme le Pr Aida

Bouratbine, chef du laboratoire

de parasitologie-mycologie

de l’Institut Pasteur de Tunis.

Premières Journées franco-maghrébines de parasitologie-mycologie

L’organisateur de ces journées,

le Pr Badre Eddine Lmimouni

(Service de parasitologie-

mycologie, Hôpital Militaire

d’Instruction des Armées

Mohammed V, Rabat).

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médecine humaine. En mycologie, l’accent a été porté essentiellement sur les mycoses cutanées superficielles (intérêt des méthodes de diagnostic direct) et les mycoses invasives, voire émer-gentes, rencontrées de plus en plus en Afrique du Nord.

À noter que 2 symposiums étaient proposés par Sanofi, laboratoire phar-maceutique français bien implanté au Maroc, l’un qui portait sur l’état des lieux de la leishmaniose dans le bassin méditer-ranéen (encadré 2) ,

l’autre sur le thème Paludisme : la lutte continue. Il faut savoir que si le paludisme autochtone a pratiquement disparu des pays du Maghreb, le Maroc, bien que n’étant plus touché, produit localement, dans une unité récemment implantée, une combinaison thérapeutique antipaludéenne à base d’artémisinine (ACT), qui approvisionne les pays d’Afrique subsaharienne.

Ces journées ont permis également aux participants de profiter de véritables moments d’échanges de savoir, d’expériences, de confrontations de pratiques et de mise en place de projets d’avenir. Tous les participants ont souligné l’accueil particulièrement chaleureux des organisateurs, en particulier du Pr Badre Eddine Lmimouni (Parasitolo-gie-mycologie de l’Hôpital militaire Mohamed V Rabat) avec son équipe et le Pr Karim Aoun (Institut Pasteur de Tunis), pour la préparation de ce congrès. C’est ce der-nier qui aura la lourde tâche de préparer dans le même état d’esprit de volonté de « bien faire », les prochaines Journées franco-maghrébines qui se tiendront à Tunis en 2015, a-t-il déclaré avec enthousiasme !

Dominique ChabasseParasitologie-mycologie, Institut de biologie en santé, CHU Angers

Visite des posters : près de 190

exposés durant les 3 journées.

Journée scientifique

tipaludéenne nne les ys

rticipants de

ees payse

RR R 22014 14 - NN°458///// 2525°458/// 2RES - JANVIER

Les congressistes pendant une « pause café »

dans les jardins du magnifique Hôtel la Tour

Hassan, à Rabat.

Épidémiologie de la leishmaniose

dans les pays du MaghrebEncadré 2

Les leishmanioses viscérales (LV) et cutanées (LC) sont en progression depuis environ 30 ans en Afrique du Nord, où elles restent encore aujourd’hui un problème de santé majeur pour les populations et un risque potentiel pour le touriste qui visite ces régions.On évalue entre 10 000 et 60 000 cas le nombre de cas de LC diagnostiqués chaque année, précise le Pr K. Anoum, principa-lement dues à Leishmania tropica anthroponotique et Leishmania major zoonotique, plus rarement ou de façon sporadique à Leishmania infantum. La prolifération des rongeurs (mérions) liée au développement des cultures irriguées et celle du vecteur Phlebotomus papatasi expliquent l’augmentation des cas de leishmanioses à L. major dans les plaines arides, les oasis et les palmeraies du désert. La LC n’est pas toujours traitée, faute de prise en charge efficiente, elle guérit spontanément au prix de cicatrices résiduelles préjudiciables.Au Maroc, des campagnes de dépistage de masse sont actuellement en cours dans les écoles et des traitements gratuits sont réalisés (injection périlésionnelle de 1 à 3 ml d’antimoniate de méglumine), l’objectif à court terme est de réduire de 50 % l’incidence annuelle (Dr A. Laamrani el Idrissi, Rabat). La recherche de traitements locaux ou per os efficaces et bien tolérés, permettant de traiter plus simplement la majorité des patients, est indispensable à la maîtrise de l’affection (Dr P. Buffet, Paris).La LV y est due à l’espèce L. infantum. Longtemps cantonnée au nord du Maghreb, on assiste ces 20 dernières années à une extension vers le centre et même le sud de ces pays. Les foyers les plus actifs actuellement sont ceux de Sidi Kacem au Maroc, de la Kabylie et de l’Algérois en Algérie, de Kairouan en Tunisie et de Tripoli et Jebel El-Akhdhar en Libye. L’incidence annuelle moyenne peut atteindre dans ces régions 30 à 70 cas/100 000 chez les enfants de moins de 5 ans, les plus touchés. L’impact de la LV est principalement en rapport avec la gravité de la maladie (mortalité de 2 à 6 %), la lourdeur et le coût élevé de sa prise en charge et la non disponibilité actuelle d’alternatives thérapeutiques efficaces. Il n’y a pas, en effet, d’alternative à l’antimoniate de méglumine. L’amphotéricine B liposomale n’est pas accessible en raison de son coût particulièrement élevé.Par ailleurs, on a démontré une transmission transplacentaire et vénérienne des leishmanies sur le chien (M. Kasbari, Maisons-Alfort).

Les modérateurs de la session

« Leishmanioses » :

le Pr J.-P. Dedet de Montpellier et

le Pr Aida Bouratbine de Tunis.

V

ex

SYMPOSIUM I ASSEMBLÉE GÉNÉRALE I COLLOQUE I CONGRÈS I SALON