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Le traitement des adolescents délinquants

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le traitement des adolescents délinquants

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COLLECTION « PÉDAGOGIE PSYCHOSOCIALE »

La collection « Pédagogie Psychosociale » a été créée pour apporter sur les problèmes les plus fondamentaux ou les plus critiques, concernant l'enfance, l'ado- lescence et même l'accès à l'âge adulte, l'éclairage que peuvent fournir les diverses sciences de l'homme : psychologie, sociologie, psychopathologie, éthique, religion, et, finalement, pédagogie ou orthopédagogie. Elle s'est proposé de considérer l'homme à tous les niveaux de son être et en fonction de tous ses besoins, qu'ils soient physiques, psychiques, sociaux ou spirituels. Elle s'attache plus particulièrement, mais non pas uniquement, à l'être humain handicapé, en difficulté dans sa confron- tation avec son entourage et avec lui-même. Elle cherche à promouvoir, en matière de pédagogie et d'orthopédagogie, des idées nouvelles ou des efforts courageux. C'est pourquoi la collection « Pédagogie Psychosociale » publie des ouvrages originaux, souvent des œuvres de pionniers d'hier et d'aujourd'hui, qu'il s'agisse de manuscrits français ou de textes traduits d'autres langues. Elle s'efforce d'allier le sérieux scientifique et la clarté du style afin de se mettre à la portée d'un grand nombre. Et c'est ainsi qu'intéressant ces spécialistes que sont éducateurs, psychiatres, psy- . chologues, travailleurs sociaux divers, elle concerne aussi les parents, les responsables de groupements, les ministres du culte et finalement cette part du grand public qui, jouissant d'une certaine culture de base, s'intéresse aux problèmes de l'éducation générale et de la rééducation dans l'univers d'aujourd'hui.

Ouverte à des options diverses, la collection « Pédagogie Psychosociale » n'en demeure pas moins désireuse de promouvoir une certaine vision de l'homme et du monde! Son ambition, par le retentissement qu'elle donne aux services déjà rendus et par les travaux qu'elle désire susciter, est, en effet, de mieux faire aimer l'homme quel qu'il soit. S'attachant en priorité aux plus démunis et désireuse de leur venir en aide, elle souhaiterait, à sa manière et à sa mesure, « sauver ce qui était perdu ».

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COLLECTION « PÉDAGOGIE PSYCHOSOCIALE »

Publié par Richard EjrREMBLAV, Anne-Marie FAVARD et Raymond JOST. avec la collaboration de Michael GEISSLER, Nathan GLAZER, Walter HOLLSTEIN, Josine JUNGER-TAS, Marc LEBLANC, Michel LEMAY, Milton F. SHORE, David B. SMITH et Norman Turr.

le t ra i tement des adolescents dé l inquants

Perspectives et prospectives internationales

Préface de Jacques Sélosse

éditions fleurus

31, rue de Fleurus 75006 Paris

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Autre ouvrage de R. E. Tremblay

R. E. Tremblay, M. A. Provost'et F. F. Strayer, Éthologie et développement de l'enfant, Paris, Stock, 1985.

@ ÉDITIONS FLEURUS, 1985 ISBN 2-215-00785-0

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Liste des auteurs

Anne-Marie FAVARD Maître de Recherche Centre National de la Recherche Scientifique Institut des Sciences Juridiques et Criminelles Université de Pau et des Pays de l'Adour Avenue du Doyen Poplawski - 64000 Pau - France

Michael GEISSLER Juge des mineurs Grenseniusstr. 7 - Munchen 60 - République fédérale d'Allemagne

Nathan GLAZER Professeur Département d'Éducation et de Sociologie Université Harvard Cambridge, Massachusetts - 02138, USA

Walter HOLLSTEIN Professeur Ahrenshooper / Zeile 11 D-1000 Berlin 38 - République fédérale d'Allemagne

Raymond JOST Secrétaire général / Fondation Boscoville Directeur / Centre d'Accueil Boscoville 10950 bd Perras est - Montréal HIC 1B3 - Québec, Canada

Josine JUNGER-TAS Conseiller scientifique à la Protection de la Jeunesse Ministère de la Justice Post Bus 20301 / 2500 EH'S - Gravenhage - Pays-Bas

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Marc LEBLANC Professeur

Centre International de Criminologie Comparée École de Criminologie Faculté des Arts et des Sciences / Université de Montréal C.P. 6128, Succursale A - Montréal H3C 3J7 - Québec, Canada

Michel LEMAY Professeur

Département de Psychiatrie / Faculté de Médecine (détaché à l'École de psycho-éducation) Université de Montréal C.P. 6128, Succursale A - Montréal H3C 3J7 - Québec, Canada

Jacques SÉLOSSE Professeur, directeur du Département de Psychologie U.E.R. Lettres et Sciences Humaines / Université Paris Nord, Avenue Jean-Baptiste Clément - 93430 Villetaneuse - France

Milton F. SHORE National Institute of Mental Health Mental Health Study Center 2340 University Bd East - Adelphi, Maryland - 20783, USA

David B. SMITH Professeur University of Lancaster / Department of Social Administration Fylde College Lancaster LAI 4YF - England

Richard E. TREMBLAY Professeur Équipe de Recherche sur les Interventions en Sciences Humaines École de psycho-éducation / Faculté des Arts et des Sciences Université de Montréal 750 est, bd Gouin - Montréal H2C 1A6 - Québec, Canada

Norman TUTT Professeur University of Lancaster Department of Social Administration Fylde College Lancaster LAI 4YF - England.

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Préface

Il faut bien constater que la démarche scientifique est plus préoccupée par la résolution des problèmes technologiques que par celle des problèmes sociaux. Ces derniers ont jusqu'à présent surtout entretenus les discussions des idéologues et des hommes politiques. C'est pourquoi cette publication internationale est opportune.

Il est en effet utile d'attirer l'attention sur le développement des attitudes interpersonnelles et intergénérationnelles, solidaires et pro-sociales. La compréhension du social passe par la maîtrise des comportements et la prise en considération des responsabilités indi- viduelles et collectives, car l'aspect moral est indépendant de l'ef- ficience des conduites et de la compétence de leurs auteurs. L'ap- prentissage socio-cognitif aussi nécessaire soit-il ne peut à lui seul garantir l'orientation pro-sociale des conduites : les valeurs ne sont pas uniquement objets de connaissances. C'est pourquoi l'analyse des troubles de la socialisation et celle des manifestations déviantes méritent d'être sérieusement effectuées afin de mieux les traiter.

L'histoire des idées consacrées à l'étude de la délinquance juvénile est particulièrement révélatrice des ambivalences qui tra- versent le champ des représentations humaines et sociales lors- qu'elles évoquent des situations sociales problématiques. Situées au cœur des interrogations relatives à la socialisation des jeunes, les diverses disciplines des sciences humaines et sociales proposent des approches variées selon qu'elles privilégient l'individu ou le corps social, le déterminisme des conduites ou la liberté de l'acteur, la / structure de la personnalité ou le processus évolutif et développe- mental, les droits des sujets ou les devoirs des citoyens, pour ne citer que quelques-unes des perspectives qui gouvernent les prises de position contradictoires ou complémentaires dans ce champ de controverses idéologiques ou théoriques.

Car toute analyse qui prend pour objet les comportements

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dérogatoires des enfants et des adolescents ne peut éviter une réflexion pluri-dimensionnelle qui associe dans un schéma inter-actif l'environnement, l'individu et les valeurs ambiantes. Selon que l'un ou l'autre de ces termes est privilégié, découle une argumentation particulière qui fait de l'être humain un acteur plus ou moins responsable de son destin ou un objet d'influences et de mécanismes plus ou moins déterminé.

Confronté à des théories et à des modèles différents d'expli- cation, l'examen des manifestations dérogatoires balance entre des lectures normatives ou psychopathologiques, sociales ou indivi- duelles qui débouchent sur des prises de position répressive ou/et thérapeutique, rééducative ou/et sociale.

Le développement des perspectives systémiques, la prise en considération de rétro-actions invitent à concevoir une approche multi-factorielle, en faisceaux ou en réseaux d'interactions qui pondèrent les parts respectives du déterminisme individuel et social ainsi que celles de l'initiative personnelle des acteurs sociaux. Mais encore faut-il considérer qu'au-delà de la compréhension des échanges et des interactions « organisme-milieu » s'impose l'étude des sys- tèmes de valeur en tant que régulateurs d'action. Ce sont eux qui donnent en effet leur sens à ces transactions et qui les médiatisent. Les statuts des différents facteurs endogènes, exogènes et symbo- liques qui interfèrent sur les processus de socialisation constituent des cadres de références qui proposent aux conduites des formes et des expressions successives selon la maturation des sujets et leurs positions différentes dans des contextes sociaux variés.

Cet élargissement des perspectives a modifié sensiblement l'ana- lyse aussi complexe que celle de la délinquance des jeunes. Celle- ci est plus souvent que par le passé considérée comme une des formes des conduites interpellantes de la jeunesse. Son caractère international et sa fréquence particulièrement élevée durant la période d'autonomisation et d'affirmation des adolescents et des jeunes adultes témoignent de ses dimensions développementales, transitoires et rituelles.

Les conduites dérogatoires questionnent les modalités sociales de transaction entre le besoin d'affirmation et de différenciation des jeunes et celui de leur participation et de leur reconnaissance sociale. Elles provoquent les habitudes, les conventions, les règles et inter- rogent leur pertinence et leur légitimité. Elles somment les adultes à répondre et à expliciter l'origine et la nature de leur pouvoir. Elles invitent à préciser les rôles et les statuts attribués à ceux qui

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ne sont plus des enfants et pas encore des adultes. Elles mettent en question les repères sociaux et symboliques des normes et des valeurs ainsi que leur hiérarchie. Bref, par les interrogations qu'elle suscite, la délinquance participe de façon dynamique à l'évolution des attitudes et aux ajustements des organisations et des structures sociales. Par ailleurs, en interrogeant les limites du prescrit et du toléré elle confère une réalité à la variance des mœurs et à la flexibilité de la loi. Elle rappelle qu'à la différence des lois physiques et naturelles, les règles sociales ne sont ni universelles ni absolues et qu'elles possèdent un caractère relatif et contingent.

Plus que dans tout autre domaine des sciences humaines et sociales l'importance des valeurs et des symboles ne peut être ignorée. L'importance axiologique et la dimension téléologique des études appliquées aux manifestations dérogatoires font partie inté- grante des variables à prendre en compte. Il y a intérêt qu'elles soient le plus consciemment possible inscrites dans les divers pro- tocoles d'analyse.

Ce bref survol des divers paramètres sociaux, individuels et moraux, montre la nécessité d'approches multiples, coordonnées susceptibles d'être appliquées aux relations entre les jeunes et les adultes, leurs conduites et leurs environnements. Le caractère poly- morphe des manifestations dérogatoires juvéniles conduit à porter une attention particulière aux investissements affectifs et aux moda- lités des communications avec autrui, qui donnent un sens et une valeur aux interactions sociales. Dans la mesure où de tels agisse- ments, qui se donnent à voir, selon un registre comportemental, recourent au décodage de la signification sociale, ils suscitent des réactions d'évaluation et de sanction. Or, c'est généralement dans un circuit de communications distordues et paradoxales qu'il convient d'en rechercher la genèse. C'est pourquoi nous avons tendance à conférer aux actes délictueux une valeur « perlocutoire » c'est-à- dire qu'ils satisfont très souvent à des fins autres que celles dans lesquelles ils s'inscrivent. Ils sont généralement à la recherche d'un décryptage, en quête d'un « donneur de sens » dans la mesure où ils interpellent les différents systèmes de significations des pratiques humaines. Leur polymorphisme traduit ce besoin de questionner les différents systèmes d'interdiction. L'engagement dans des conduites répréhensibles renouvelées s'accompagne fréquemment d'un chan- gement de nature des transgressions. Les dérogations successives prospectent ainsi de nouvelles limites. Il semble bien que l'inter- pellation insatisfaisante au cours de l'enfance des divers systèmes

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de justices particulières conduise des jeunes à questionner le bien- fondé des règles et des sanctions. Lorsque les réactions sociales ont été inopérantes la négociation avec la loi se poursuit et la prospection de nouveaux espaces interdits aboutit parfois, pour une minorité de jeunes, à rencontrer la loi pénale et, au-delà la loi ultime, biologique, celle de la vie et de la mort. Pour certains sujets lorsque la présence de la loi est inexistante ou insatisfaisante dans ses fondements symboliques et sociaux les transgressions ne concernent plus l'in- terdiction légale mais agressent directement les interdicteurs. Lorsque la loi est vidée de son sens et de sa valeur il n'existe plus d'ordre et la déviance erratique s'installe dans l'univers du simulacre en recourant au mythe de la toute-puissance. Progressivement et pour une minorité de jeunes ils outrepassent les règles sociales au risque de la vie, la leur et celle de leurs victimes. Autrui n'est plus alors un interlocuteur mais un adversaire.

En franchissant les limites les délinquants annulent l'ordre significatif des choses. L'agir transgressif surgissant dans les failles de la signification prend en effet au dépourvu. Il bouscule, désor- donne, empiète sur l'espace et le temps des autres. Se placer hors la loi c'est faire obstacle au temps en supprimant le sens qu'il peut avoir pour des sujets dépourvus de maîtrise sur leur destin et de contrôle sur le réel. L'acte de passer au-delà de la loi équivaut à un bond en avant dans l'inconnu qui renvoie à l'aléatoire. Utiliser l'agir aventureux c'est une façon de dire son refus, de se soumettre à un avenir sur lequel le sujet n'a pas de prise. C'est en quelque sorte s'en remettre au jugement de Dieu, « à l'ordalie ». De même qu'ont été évoqués les aspects ordaliques du suicide et de la toxicomanie il est fondé de parler du caractère ordalique de certaines formes de délinquance. S'en remettre ainsi au destin c'est mettre en doute la portée sociale de la loi. Au-delà de la mort sociale de certains jeunes par l'exclusion et le rejet il reste à provoquer la mort biologique ou à continuer à franchir, impunément, les limites et explorer les lieux interdits, tels les héros dont se saisira notre société du spectaculaire en alimentant l'imaginaire social pour en faire du sensationnel. Ainsi la délinquance et les délinquants consti- tuent-ils une préoccupation particulièrement controversée dans l'opi- nion publique.

Si l'explication, la compréhension et la signification de cette manifestation individuelle et sociale divisent les protagonistes de la politique judiciaire, les moyens institutionnels mis à la disposition des politiques sociales font également partie des arguments polé-

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miques. Toutefois après une phase de critique négativiste sur les institutions d'où le tiers social est exclu émerge timidement la reconnaissance d'un statut fonctionnel et thérapeutique accordé à des structures intermédiaires. Il s'agit d'offrir des lieux de transition caractérisés par un espace, un temps et des activités de reconstruc- tion et de réconciliation des sujets avec eux-mêmes et avec autrui. Il s'agit d'exploiter des situations médiatrices entre un passé conflic- tuel et un avenir négociable. Le cadre de ces nouvelles structures ne se justifie que par son contenant au service d'un processus d'étayage psychique, corporel ou social dans la mesure où l'inves- tissement du temps futur passe par la reconnaissance, par les jeunes, de leur vécu qui retrouve sens grâce à la réappropriation de leur histoire.

Le fait que les conflits varient dans leur nature et dans l'in- tensité selon les niveaux de développement, que les formes de négociation avec les règles sociales changent avec les milieux et les cultures, que les transgressions prospectent des interdits différents, aboutit à l'émergence de complexes psycho-socio-éducatifs aux structures variables selon leur implantation dans les milieux de vie. Ils visent à s'ajuster aux besoins des jeunes dans une plus grande variété de modes de prise en charge. Une perspective d'intégration différentielle, une immersion dans le corps social invitent à modifier les perceptions et les représentations des déviances et des déviants. Elles incitent à « vivre et à faire » à proximité de ceux qui inter- pellent les différents systèmes normatifs.

Certes, il existe encore des tenants d'une répression sécuritaire qui préconisent la création de centres fermés et qui ne conçoivent pas d'autre politique que celle de l'enfermement. A l'opposé, certains militants considèrent que les contrevenants n'ont aucune responsa- bilité individuelle dans leurs comportements hostiles. Entre ces prises de position extrêmes il est symptomatique d'entendre l'actuel garde des sceaux déclarer lors d'une interview que « la véritable défense contre la délinquance et le crime ce sont les valeurs intériorisées ». Il revient aux éducateurs de proposer aux délinquants des raisons et des moyens d'adhérer à l'organisation sociale de leur vie. En présentant des images d'adultes signifiants ils constituent des repères d'identification résolutoire et restructurante. Ce faisant la rencontre négociée psycho-socialement avec ceux qui dérogent aux lois convie à mieux saisir l'importance de la complémentarité des divers systèmes de justices privées et publiques : familiales, scolaires, conventionnelles et légales. La justice est une vertu indi-

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viduelle et sociale difficilement gérable par une administration. Elle déborde de toute part le pouvoir d'une autorité gouvernementale. Sa dimension symbolique et altruiste oblige à un effort d'imagination et de solidarité qui débouche actuellement sur de nouvelles formes de prise en charge : telles celles du contrôle judiciaire en milieu ouvert, des peines de substitution à l'incarcération, des travaux d'intérêts sociaux ainsi que diverses expériences de réparation et de réconciliation négociée avec les victimes.

Ces essais, accueillis parfois de façon très ambiguë, ques- tionnent également les professionnels de l'accompagnement. Le modèle charismatique familialiste fait progressivement place à une conception plus professionnalisée du métier d'éducateur. La compé- tence thérapeutique indispensable à la socialisation des jeunes s'appuie sur les ressources de réseaux de solidarité qui redonne au bénévolat un statut dans les programmes d'insertion sociale. Des relais cherchent à se mettre en place dès le prononcé des mesures afin de maintenir des contacts avec la vie réelle. Ainsi des répar- titions de rôles et des compétences diversifiées s'essayent à répondre aux besoins des sujets. Nous assistons à une insertion des politiques d'intervention dans le corps social, celui-ci y réagit d'ailleurs avec plus ou moins de compréhension et de générosité, la réserve l'em- porte encore le plus souvent sur l'accueil. C'est un nouvel objectif des acteurs sociaux que d'avoir à négocier une situation institution- nelle dans de nouvelles positions relationnelles avec l'environnement social. Ce faisant elle convie à se demander si certains dysfonction- nements individuels ne trouvent pas leur origine dans le dysfonc- tionnement d'un système social.

C'est donc dans son questionnement politique et social, mais aussi théorique et méthodologique que le lecteur est invité à décou- vrir cet ouvrage. Sa publication présente un triple intérêt :

Informatif tout d'abord. Il est heureux de rassembler dans un même volume les études de chercheurs et de praticiens étrangers; cela permet de prendre une conscience plus claire des préoccupa- tions et des conceptions diverses qui sont en jeu dans des politiques différentes de protection judiciaire.

Évaluatif ensuite. Divers résultats mesurés objectivement sont présentés à l'appréciation des publics. Cette dimension d'évaluation prend de l'importance, non seulement d'un point de vue théorique mais également économique dans la mesure où les crédits des prises en charge sont plus souvent que par le passé gérés directement par

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des représentants régionaux et locaux soucieux des biens des col- lectivités qu'ils représentent. Structures et praticiens n'ont plus seulement à rendre compte de leurs compétences devant les autorités de tutelle administratives ou privées, ou devant leurs pairs mais également devant l'opinion publique. Un principe de réalité éco- nomique gouverne de plus en plus les pratiques de réinsertion sociale. Il introduit de nouveaux critères dont certains pourront avoir des effets salubres et d'autres pervers. De toute manière de nouveaux circuits relationnels mais aussi de nouveaux systèmes de commu- nications faisant place à des critères d'efficacité auront à s'établir. Les acteurs sociaux ne pourront plus évacuer l'estimation de leurs pratiques. D'ores et déjà ils sont invités à en préciser les paramètres.

Prospectif enfin. A partir de plusieurs types d'approches dif- férentes et/ou complémentaires : criminologique, écologique, psycho- sociale, clinique, psycho-pathologique et expérimentale. Cette seconde partie de l'ouvrage illustre bien les rapports que praticiens et chercheurs établissent entre leurs préoccupations et leur cadre de références théoriques et méthodologiques. Ces bases ne sont pas indifférentes à la construction des modèles sous-jacents aux prises en charge. Plutôt qu'exclusives elles se conjuguent souvent dans la praxis mais avec plus ou moins de lucidité et de pertinence. C'est pourquoi les distinctions qui sont faites ici possèdent une valeur didactique intéressante; la complémentarité exclut en effet toute confusion.

A un moment où les nations occidentales s'interrogent sur les réponses socio-politiques à apporter aux questions posées par les jeunes au travers de leurs conduites dérogatoires, la matière de cet ouvrage fournit une contribution originale et précieuse aux débats en cours.

Jacques SELOSSE

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Introduction

Vers la fin du xixe siècle la majorité des pays occidentaux avaient créé des internats de rééducation pour adolescents délin- quants. Traditionnellement ceux-ci étaient emprisonnés avec les adultes; mais des citoyens, guidés par des idéaux humanitaires, étaient convaincus que l'adolescent délinquant pouvait devenir un citoyen honnête si on le soumettait à une discipline rigoureuse et si on lui inculquait l'amour du travail.

Au début du XXe siècle, les théories psychanalytiques inspi- rèrent quelques expériences d'une approche thérapeutique de l'ado- lescent délinquant. Ce dernier n'était plus un enfant rebelle à éduquer mais plutôt un « malaise » à traiter. Tout au long de ce siècle chaque théorie psychologique a tenté d'expliquer les causes de la délinquance et d'offrir des principes d'intervention « théra- peutique ».

L'idée d'une solution « thérapeutique » à la délinquance juvénile a fait place récemment à l'idée de la normalisation : les adolescents délinquants (ainsi que les autres personnes marginales) devraient faire l'objet d'une intervention qui conserve le plus possible le caractère naturel (normal) de leur environnement et de leurs condi- tions de vie. Il n'y avait qu'un pas à franchir pour proposer la désinstitutionnalisation. Les internats de rééducation n'étaient plus des lieux privilégiés pour offrir l'éducation dont avait manqué l'adolescent délinquant, comme le croyaient les humanistes de la fin du XIXe siècle, ni des lieux privilégiés pour créer un environne- ment thérapeutique, comme le croyaient les psychanalystes de la première moitié du xxe siècle; l'internat de rééducation était devenu un lieu où l'individu apprend à vivre aux dépens d'un environnement totalitaire.

La majorité des pays occidentaux, au cours des années 1970, ont soit réduit le nombre d'internats soit refusé d'en créer de nouveaux. Le début des années 1980 nous a déjà permis de voir

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apparaître une nouvelle tendance. Dans certains milieux nous obser- vons une augmentation du nombre d'adolescents détenus dans des prisons pour adultes. Est-ce qu'en un siècle nous aurions fait un tour complet sur nous-mêmes pour nous retrouver au point de départ?

Il est difficile d'imaginer que nous n'ayons pas profité de toutes ces expériences sociales pour améliorer la qualité et l'efficacité de nos interventions. La Fondation Boscoville a décidé de créer, au début de l'année 1980, une série de colloques pour faire le point sur l'intervention auprès des adolescents délinquants et tenter d'en- trevoir les avenues possibles, souhaitables et probables pour les années 1980. Ces colloques ont permis de réunir des intervenants, des formateurs et des chercheurs de plusieurs disciplines et de différentes cultures pour présenter et discuter leurs points de vue.

Nous avons réuni dans ce livre un ensemble de textes présentés au cours de deux de ces colloques. La première partie de l'ouvrage trace un portrait de la situation actuelle, tant au point de vue du phénomène de la délinquance qu'au point de vue de l'intervention, dans six cultures différentes. Cette première partie devrait permettre au lecteur de noter les phénomènes que l'on retrouve dans l'ensemble des pays occidentaux aussi bien que d'identifier les phénomènes particuliers à tel ou tel pays.

La deuxième partie de l'ouvrage présente sept textes rédigés par des universitaires de formation et d'orientation fort différentes. Chacun a tenté d'envisager, selon sa perspective, l'avenir de l'in- tervention auprès des adolescents délinquants. Le lecteur à la recherche d'une solution unique au problème de la délinquance pourra être dérouté par cet ensemble d'idées parfois convergentes, mais souvent parallèles ou contradictoires. Nous sommes de l'avis qu'il serait difficile pour un seul penseur, aussi brillant soit-il, d'envisager l'ensemble des solutions qui peuvent nous permettre d'améliorer les interventions auprès des adolescents délinquants. Nous croyons que pour l'intervenant professionnel ou en formation, comme pour le public averti, il importe d'avoir un aperçu des différents courants de pensées pour en arriver à se former une opinion éclairée et, à la limite, choisir un ensemble d'idées cohé- rentes pour guider l'action. Cet ouvrage tente de donner au lecteur un tour d'horizon des différentes problématiques qui sont au cœur du débat sur le traitement des adolescents délinquants.

R. E. Tremblay. A. M. Favard. R. Jost.

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Première partie

La situation internationale

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Chapitre premier

Angleterre et pays de Galles CONFUSION ET CHANGEMENT

DAVID B. S M I T H 1

Dans cet exposé, nous traiterons du problème des adolescents délinquants en Angleterre et au pays de Galles, ainsi que de la réponse officielle à ce phénomène au cours de la dernière décennie. Aux termes de la loi, le mot « adolescent » signifie toute personne âgée de plus de 10 ans, mais de moins de 17 ans. Les enfants ayant moins de 10 ans ne peuvent être tenus « responsables d'actes cri- minels » ni poursuivis en justice. À 17 ans, les adolescents ayant commis des actes criminels doivent comparaître devant un tribunal pour adultes. La loi fait cependant une distinction entre un enfant de 10-13 ans et un jeune de 14-16 ans, le groupe des moins jeunes étant soumis à une plus grande gamme de sanctions pénales. Au cours de cette étude, nous emploierons le terme « adolescent » pour désigner ces deux groupes et, tel que défini par la loi, le terme « adulte » pour désigner les jeunes de 17 ans et plus.

Nous nous proposons de critiquer fortement la tendance des

1. Traduction : Carmen Landry et Huguette Rioux.

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p o l i t i q u e s e t d e s p r a t i q u e s o f f i c i e l l e s r e l a t i v e s à l a d é l i n q u a n c e

j u v é n i l e a u c o u r s d e l a p é r i o d e e n q u e s t i o n , c e p e n d a n t n o u s l e

f e r o n s p l u s l o i n d a n s c e t e x p o s é . D a n s u n p r e m i e r t e m p s , n o u s

e x p o s e r o n s q u e l q u e s s t a t i s t i q u e s s u r l ' é t e n d u e e t l a n a t u r e m ê m e

d u p r o b l è m e d e l a d é l i n q u a n c e j u v é n i l e e n A n g l e t e r r e e t a u p a y s

d e G a l l e s . ( I l e s t i m p o r t a n t d e n o t e r q u e l ' É c o s s e e t l ' I r l a n d e d u

N o r d n e f o n t p a s p a r t i e d e c e t t e a n a l y s e . C e s p a y s o n t l e u r s p r o p r e s

l o i s , p o l i t i q u e s e t j u r i s p r u d e n c e e t n o u s n e l e s m e n t i o n n e r o n s q u e

b r i è v e m e n t a u p a s s a g e . ) E n s u i t e , n o u s f o u r n i r o n s d e s d é t a i l s c o n c e r -

n a n t l a l é g i s l a t i o n t r a i t a n t d e l a d é l i n q u a n c e j u v é n i l e a u c o u r s d e

l a p é r i o d e é t u d i é e , a i n s i q u ' u n c o m p t e r e n d u s u r l e s é t a b l i s s e m e n t s

e t o r g a n i s m e s c h a r g é s d e s o n e x é c u t i o n . E n f i n , n o u s s o u l i g n e r o n s

b r i è v e m e n t l e s c h a n g e m e n t s a p p o r t é s p a r l a « C r i m i n a l J u s t i c e

A c t », c e t t e l o i q u i f u t p r o m u l g u é e p a r l e P a r l e m e n t e n 1 9 8 2 , m a i s

q u i n ' a p a s e n c o r e é t é a p p l i q u é e . L a s e c t i o n p r i n c i p a l e d e c e t e x p o s é

c o m p r e n d u n e a n a l y s e c r i t i q u e e t d e s c o m m e n t a i r e s s u r l e s e x p é -

r i e n c e s p a s s é e s , a i n s i q u e d e s r e c o m m a n d a t i o n s p o u r l ' a v e n i r .

L E P R O B L È M E O F F I C I E L

D E L A D É L I N Q U A N C E J U V É N I L E

C e t t e p r e m i è r e p a r t i e e s t b a s é e e n t i è r e m e n t s u r d e s s t a t i s t i q u e s

o f f i c i e l l e s a u s u j e t d e l a d é l i n q u a n c e j u v é n i l e . L e s p r o b l è m e s d ' i n -

t e r p r é t a t i o n d e c e g e n r e d e s t a t i s t i q u e s é t a n t b i e n c o n n u s d e t o u t

c r i m i n o l o g u e , n o u s l e s p r é s e n t o n s i c i s o u s t o u t e r é s e r v e . É t a n t d o n n é

q u e l a p l u p a r t d e s c r i m e s n e s o n t p a s r a p p o r t é s , l e s s t a t i s t i q u e s n e

r e f l è t e n t d o n c p a s t o u s l e s a c t e s d é l i c t u e l s c o m m i s p a r d e s a d o l e s -

c e n t s . D e p l u s , l e s s t a t i s t i q u e s d ' u n e a n n é e n e s o n t p a s t o u j o u r s

p r é c i s é m e n t c o m p a r a b l e s à c e l l e s d ' u n e a u t r e a n n é e : l a p o l i c e

n ' e n r e g i s t r e p a s t o u s l e s d é l i t s d é c l a r é s ; l e s a m e n d e m e n t s à l a l o i

e t l e s m o d i f i c a t i o n s a p p o r t é e s a u x m é t h o d e s d e c o m p i l a t i o n p e u v e n t

a v o i r u n s é r i e u x i m p a c t s u r l e s s t a t i s t i q u e s q u i n ' o n t r i e n à v o i r

a v e c d e s c h a n g e m e n t s d e c o m p o r t e m e n t c r i m i n e l . D ' a u t r e s s o u r c e s

d ' i n f o r m a t i o n p e u v e n t é g a l e m e n t o c c a s i o n n e r d e s p r o b l è m e s p a r c e

q u ' e l l e s s o n t s o u v e n t i n c o m p l è t e s o u p e u f i a b l e s . C e p e n d a n t , il e s t

i m p o r t a n t d e n o t e r q u e , d ' a p r è s l e s s o n d a g e s (« G e n e r a l H o u s e h o l d

S u r v e y s ») e f f e c t u é s p é r i o d i q u e m e n t p a r l e g o u v e r n e m e n t , l e n o m b r e

r é e l d e c a m b r i o l a g e s s e r a i t d ' a u m o i n s 1 f o i s e t d e m i e à 2 f o i s

Page 22: Le traitement des adolescents délinquants

s u p é r i e u r a u n o m b r e e n r e g i s t r é d a n s l e s s t a t i s t i q u e s o f f i c i e l l e s s u r

l e c r i m e , e t q u ' a u c o u r s d e s a n n é e s 1 9 7 0 , o n a v a i t t e n d a n c e à

e n r e g i s t r e r o f f i c i e l l e m e n t u n e p r o p o r t i o n p l u s é l e v é e d e c a m b r i o -

l a g e s , d e s o r t e q u e l e s s t a t i s t i q u e s r e f l è t e n t u n e a u g m e n t a t i o n

e x c e s s i v e p a r r a p p o r t à l a r é a l i t é ( r a p p o r t a n t u n e a u g m e n t a t i o n

a n n u e l l e m o y e n n e d e 4 % , a l o r s q u e l e s « G e n e r a l H o u s e h o l d S u r -

v e y s » s u g g è r e n t u n e a u g m e n t a t i o n d e 1 % ) . L ' u t i l i s a t i o n d e s t a t i s -

t i q u e s o f f i c i e l l e s s u r l e c r i m e p o u r a n a l y s e r l e s t e n d a n c e s e n m a t i è r e

d e d é l i n q u a n c e p e u t é v i d e m m e n t p o s e r d e s p r o b l è m e s c o n s i d é r a b l e s .

C e p e n d a n t , m ê m e s ' i l e s t v r a i - c o m m e l e p r é t e n d e n t c e r t a i n s

c r i m i n o l o g u e s - q u e c e s c h i f f r e s n o u s e n d i s e n t d a v a n t a g e s u r l a

r é a c t i o n o f f i c i e l l e f a c e a u x d é l i n q u a n t s q u e s u r l a d é l i n q u a n c e e l l e -

m ê m e , i l s n o u s f o u r n i s s e n t , m a l g r é t o u t , d e s é l é m e n t s v a l a b l e s .

L a p l u p a r t d e s s t a t i s t i q u e s t o u c h e n t u n i q u e m e n t l e s d é l i t s

p u n i s s a b l e s p a r l a l o i - g é n é r a l e m e n t d e s d é l i t s g r a v e s - e t e l l e s

n ' i n c l u e n t p a s l e s i n f r a c t i o n s a u C o d e d e l a s é c u r i t é r o u t i è r e ( q u i

r e p r é s e n t e n t p l u s d e l a m o i t i é d e s c a u s e s c r i m i n e l l e s d e l ' A n g l e t e r r e

e t d u p a y s d e G a l l e s ) . E n 1 9 8 1 ( d ' a p r è s l e s p l u s r é c e n t e s s t a t i s t i q u e s

d i s p o n i b l e s ) , e n v i r o n 1 / 3 d e t o u s l e s d é l i t s p u n i s s a b l e s p a r l a l o i

p o u r l e s q u e l s u n e p e r s o n n e a u r a i t é t é r e c o n n u e c o u p a b l e o u m e n a c é e

d e p o u r s u i t e s f u t c o m m i s p a r u n a d o l e s c e n t . C e l a r e p r é s e n t e e n v i r o n

1 7 4 0 0 0 d é l i t s , d o n t 1 7 % o n t é t é c o m m i s p a r d e s j e u n e s f i l l e s . C e s

p o u r c e n t a g e s ( e n v i r o n 1 / 3 d e s d é l i t s c o m m i s p a r d e s a d o l e s c e n t s

d o n t u n p e u m o i n s d e 1 / 5 é t a i e n t d e s j e u n e s f i l l e s ) s o n t d e m e u r é s

r e l a t i v e m e n t s t a b l e s a u c o u r s d e l a d é c e n n i e 1 9 7 1 - 1 9 8 1 , q u o i q u e l a

p r o p o r t i o n d ' a d o l e s c e n t e s a i t a u g m e n t é l é g è r e m e n t . S ' i l f a l l a i t i d e n -

t i f i e r l e g r o u p e l e p l u s d é l i n q u a n t d a n s l a s o c i é t é d u r a n t c e t t e

p é r i o d e , il s ' a g i r a i t d e s a d o l e s c e n t s â g é s d e 1 4 - 1 6 a n s , c a r e n v i r o n

7 5 0 0 / 1 0 0 0 0 0 ( s o i t 7 , 5 % ) d e c e u x - c i o n t é t é r e c o n n u s c o u p a b l e s

o u m e n a c é s d e p o u r s u i t e s p o u r d é l i t p u n i s s a b l e p a r l a l o i e n 1 9 8 1 ,

c e q u i r e p r é s e n t e u n e a u g m e n t a t i o n a n n u e l l e d e 2 à 3 % a u c o u r s

d e l a d é c e n n i e . C e c i c o r r e s p o n d à p e u p r è s a u t a u x d ' a u g m e n t a t i o n

a n n u e l l e p o u r t o u s l e s d é l i t s c o n n u s , m a i s p o u r l e s p l u s j e u n e s ( d e

1 0 à 13 a n s ) , l a t e n d a n c e é t a i t à l a b a i s s e , à s a v o i r q u ' u n p e u p l u s

d e 3 0 0 0 / 1 0 0 0 0 0 o n t é t é r e c o n n u s c o u p a b l e s o u m e n a c é s d e p o u r -

s u i t e s e n 1 9 8 1 , c o m p a r a t i v e m e n t à 3 2 0 0 e n 1 9 7 1 .

D a n s l a p l u p a r t d e s c a s d e d é l i t s c o m m i s p a r c e s j e u n e s ( 9 0 %

p o u r l e s p l u s j e u n e s e t 8 2 % p o u r l e s 1 4 - 1 6 ) , il s ' a g i s s a i t d e v o l s ,

d e r e c e l d ' o b j e t s v o l é s o u d e c a m b r i o l a g e s . G é n é r a l e m e n t , l e s

s o m m e s d ' a r g e n t v o l é e s é t a i e n t i n f i m e s . L e s c r i m e s v i o l e n t s - a u x -

q u e l s l e s p o l i t i c i e n s e t l e s m é d i a s a c c o r d e n t b e a u c o u p d ' a t t e n t i o n

Page 23: Le traitement des adolescents délinquants

- r e p r é s e n t a i e n t 3 % e t 8 % d e t o u s l e s d é l i t s c o m m i s p a r l e s g r o u p e s

d ' a d o l e s c e n t s d e 1 0 - 1 3 e t d e 1 4 - 1 6 , r e s p e c t i v e m e n t .

A l a l u m i è r e d e c e s s t a t i s t i q u e s , il s e r a i t f a u x d e c r o i r e , c o m m e

c e r t a i n s l e p r é t e n d e n t , q u e l ' A n g l e t e r r e e t l e p a y s d e G a l l e s

c o n n a i s s e n t u n e v a g u e c r o i s s a n t e d e c r i m e c h e z l e s j e u n e s q u i

d e v i e n t m e n a ç a n t e p o u r l e b i e n - ê t r e p u b l i c . E n t e r m e s p r o p o r t i o n -

n e l s , l e t a u x d ' a u g m e n t a t i o n d e s c r i m e s c o m m i s p a r d e s a d o l e s c e n t s

n ' e s t p a s s u p é r i e u r à c e l u i d e l ' e n s e m b l e d e s c r i m e s e n r e g i s t r é s . E n

t e r m e s d e c h i f f r e s r é e l s , 9 5 0 0 0 a d o l e s c e n t s o n t é t é r e c o n n u s c o u -

p a b l e s o u m e n a c é s d e p o u r s u i t e s p o u r d é l i t s p u n i s s a b l e s , e n 1 9 8 1 ,

c o m p a r a t i v e m e n t à 1 0 4 0 0 0 e n 1 9 7 8 . P o u r c e u x q u i p r é c o n i s a i e n t

l ' a d o p t i o n d ' u n e p o l i t i q u e p l u s r é p r e s s i v e e t p r é v e n t i v e q u e c e l l e

d e s a n n é e s 1 9 7 0 , c e s s t a t i s t i q u e s o f f i c i e l l e s d é m o n t r e n t q u ' u n e t e l l e

m e s u r e n ' é t a i t p a s n é c e s s a i r e .

L E C A D R E L É G I S L A T I F

N o u s e x p o s e r o n s i c i l e s p r i n c i p a u x é l é m e n t s d e c h a c u n e d e s

o r d o n n a n c e s d o n t d i s p o s e n t l e s t r i b u n a u x p o u r e n f a n t s . E n s u i t e n o u s

f e r o n s q u e l q u e s c o m m e n t a i r e s s u r c e r t a i n s a s p e c t s p r o b l é m a t i q u e s

d e c e s o r d o n n a n c e s q u a n t à l ' h i s t o r i q u e d e l a l o i , e t n o u s e n

d r e s s e r o n s l e t a b l e a u p o u r l a p é r i o d e 1 9 7 1 - 1 9 8 1 . E n f i n , n o u s d o n -

n e r o n s u n c o m p t e r e n d u s u r l e s o r g a n i s m e s c h a r g é s d ' e x é c u t e r c e s o r d o n n a n c e s .

L e t r i b u n a l p o u r e n f a n t s p e u t p r o n o n c e r l e s o r d o n n a n c e s s u i -

v a n t e s , p a r o r d r e c r o i s s a n t d e g r a v i t é :

1 . T o u t a d o l e s c e n t ( 1 0 à 1 6 a n s )

L i b é r a t i o n a b s o l u e : a u c u n e a u t r e a c t i o n n ' e s t e n t r e p r i s e c o n t r e

l e j e u n e .

L i b é r a t i o n c o n d i t i o n n e l l e : l a l i b é r a t i o n e s t c o n d i t i o n n e l l e p o u r

u n e p é r i o d e m a x i m a l e d e 2 a n s . S i l ' a d o l e s c e n t r é c i d i v e , il p e u t ê t r e

c o n d a m n é p o u r v i o l a t i o n d e s a l i b é r a t i o n c o n d i t i o n n e l l e , d e m ê m e

q u e p o u r s o n s e c o n d d é l i t .

A m e n d e : d ' a u p l u s 2 5 0 £ . S e l o n l a l o i , l e p a r e n t o u t u t e u r d u

Page 24: Le traitement des adolescents délinquants

j e u n e d o i t p a y e r l ' a m e n d e , à d é f a u t d e q u o i il e s t p a s s i b l e d ' e m -

p r i s o n n e m e n t .

O r d r e d e s é j o u r e n c e n t r e : l e s a d o l e s c e n t s p e u v e n t ê t r e o b l i g é s

d e s é j o u r n e r d a n s d e s c e n t r e s ( a d m i n i s t r é s p a r l a p o l i c e ) p o u r u n e

d u r é e t o t a l e d e 1 2 o u 2 4 h e u r e s , l e s f i n s d e s e m a i n e , p o u r u n e

p é r i o d e m a x i m a l e d e 3 h e u r e s à l a f o i s , e t o ù i l s d o i v e n t s e p r ê t e r

à d i v e r s e s a c t i v i t é s d o n t l ' é d u c a t i o n p h y s i q u e e s t o b l i g a t o i r e . L e

n o n - r e s p e c t d e c e t t e e x i g e n c e d e s é j o u r c o n s t i t u e u n e i n f r a c t i o n .

O r d r e d e s u r v e i l l a n c e : l ' a d o l e s c e n t e s t p l a c é s o u s l a s u r v e i l -

l a n c e d ' u n t r a v a i l l e u r s o c i a l o u d ' u n d é l é g u é à l a l i b e r t é s u r v e i l l é e

p o u r u n e p é r i o d e d e 6 m o i s à 2 a n s . L e s p r i n c i p a l e s e x i g e n c e s s o n t :

u n e b o n n e c o n d u i t e ; a v i s e r l e s u r v e i l l a n t d e t o u t c h a n g e m e n t

d ' a d r e s s e , e t c . ; r e c e v o i r l a v i s i t e d u s u r v e i l l a n t à d o m i c i l e . D a n s

c e r t a i n s c a s , o n p e u t e x i g e r q u ' i l r e ç o i v e d e s « s o i n s c o u r a n t s » p o u r

u n e p é r i o d e m a x i m a l e d e 9 0 j o u r s . C e c i p e u t c o m p r e n d r e u n s é j o u r

d a n s u n « Y o u t h C l u b » o u e n c o r e , u n e p é r i o d e d e s é j o u r d a n s u n

é t a b l i s s e m e n t d e c o r r e c t i o n . À d é f a u t d e s e c o n f o r m e r a u x e x i g e n c e s

d ' u n « o r d r e d e s u r v e i l l a n c e », l e j e u n e p e u t s e v o i r o b l i g é d e

c o m p a r a î t r e à n o u v e a u d e v a n t l e t r i b u n a l e t s ' e x p o s e r à r e c e v o i r

u n e n o u v e l l e o r d o n n a n c e p o u r s o n d é l i t i n i t i a l .

O r d r e d e p r o t e c t i o n : l ' a d o l e s c e n t e s t c o n f i é à l a g a r d e d e s

a u t o r i t é s l o c a l e s ( g é n é r a l e m e n t , l e s C e n t r e s d e s e r v i c e s s o c i a u x i n

l o c o p a r e n t i s ) p o u r u n e p é r i o d e i n d é t e r m i n é e . C e t o r d r e p r e n d f i n

- s a u f s i d e s d é m a r c h e s o n t é t é e n t r e p r i s e s p o u r o b t e n i r s a l i b é r a t i o n

a n t i c i p é e - l e j o u r o ù il a t t e i n t l ' â g e d e 1 8 a n s . L e s C . S . S . p e u v e n t ,

à d i s c r é t i o n , i n t e r p r é t e r u n t e l o r d r e e t e n d é t e r m i n e r l e s m o d a l i t é s

d ' a p p l i c a t i o n . L e j e u n e p e u t r e s t e r d a n s s o n m i l i e u n a t u r e l e t

r e c e v o i r p é r i o d i q u e m e n t d e s v i s i t e s , o u il p e u t p a s s e r u n e l o n g u e

p é r i o d e e n d é t e n t i o n p r é v e n t i v e ( c o n s i d é r é e c o m m e u n e « p r o t e c t i o n

s p é c i a l e o u i n t e n s i v e ») . T o u s l e s c a s d e j e u n e s a u x q u e l s u n o r d r e

d e p r o t e c t i o n s ' a p p l i q u e d o i v e n t o b l i g a t o i r e m e n t ê t r e r é e x a m i n é s

p a r l e C e n t r e t o u s l e s 6 m o i s .

2 . D é t e n t i o n p r é v e n t i v e à l a d i s c r é t i o n d e l a C o u r o n n e

E n v e r t u d e l a S e c t i o n 5 3 d e l a « C h i l d r e n a n d Y o u n g P e r s o n s

A c t ( 1 9 3 3 ) », l e s a d o l e s c e n t s r e c o n n u s c o u p a b l e s d e d é l i t s q u i , d a n s

l e c a s d ' a d u l t e s , e n t r a î n e n t u n e p e i n e d ' e m p r i s o n n e m e n t à p e r p é t u i t é

( s u r t o u t p o u r h o m i c i d e ) p e u v e n t ê t r e d é t e n u s i n d é f i n i m e n t . S e u l e

u n e c o u r s u p é r i e u r e ( C r o w n C o u r t ) p e u t i m p o s e r u n e t e l l e s e n t e n c e .

Page 25: Le traitement des adolescents délinquants

3. Adolescents de 14 ans et plus (garçons seulement)

Ceux-ci peuvent être placés dans un centre de détention pour une période de 6 semaines à 6 mois. Il s'agit d'établissements de détention préventive régis par les services pénitenciers. Leur pro- gramme préconise une discipline rigoureuse et vise la prévention.

4. Adolescents de 15 ans et plus

Ceux-ci peuvent se voir imposer une « formation borstal » uniquement par un tribunal de la Couronne, la magistrature (Sum- mary courts) ne pouvant que recommander une telle sentence. Cette période de formation peut varier de 6 mois à 2 ans; la date de sortie est déterminée par les autorités du « borstal » qui sont des membres du personnel des services pénitenciers. Le degré de sécurité varie d'un établissement à l'autre. Il appert que dans les « borstals », on accorde plus d'importance à la rééducation et à la formation professionnelle que dans les centres de détention.

Au sortir d'un borstal ou d'un centre de détention, les adoles- cents sont assujettis à une période de liberté surveillée obligatoire, généralement de 6 mois dans le cas d'un centre de détention, et de 12 mois pour un borstal. Cette surveillance est confiée à un tra- vailleur social ou à un délégué à la liberté surveillée, et les exigences sont semblables à celles d'un « ordre de surveillance ». Si le jeune ne respecte pas ces exigences, il peut se voir obligé de retourner au borstal sans avoir à comparaître devant le tribunal.

Il serait important ici de souligner certains problèmes. D'abord, certaines de ces mesures devaient être abolies, suite à l'adoption de la « Children and Young Persons Act (1969) », surtout celles qui furent utilisées de plus en plus fréquemment au cours de la dernière décennie (comme le démontrent les chiffres au tableau qui suit). Cependant, cette loi n'a jamais été entièrement mise en application. Elle avait été promulguée vers la fin du mandat du Parti travailliste (1966-1970), mais lorsque le Parti conservateur - qui s'était vive- ment opposé à cette loi - vint au pouvoir en juin 1970, il annonçait, dans l'une de ses premières déclarations de principe, que certaines sections de la loi ne seraient pas exécutées. Cette loi avait pour but

Page 26: Le traitement des adolescents délinquants

d'abolir les ordres de séjour en centre, ceux-ci étant considérés comme une anomalie dans une société orientée vers l'aide sociale. Les centres de détention et les borstals devaient également être abolis en tant que mesures de sanction pour adolescents. En somme, d'après cette loi, les jeunes qui autrefois recevaient des peines de détention devaient plutôt être confiés aux autorités locales d'aide à la jeunesse, surtout à des Centres d'accueil avec scolarisation ou CAS (Community Homes with Education on the premises (CHEs)). Ces établissements devaient offrir « protection et traitements dans un contexte structuré », de même qu'un enseignement adéquat. Ils pouvaient accueillir non seulement des délinquants, mais aussi tout jeune confié à la garde des autorités locales. La loi envisageait l'instauration d'un programme de surveillance et de « soins cou- rants » qui permettrait aux adolescents ayant déjà séjourné dans des « Approved Schools » (qui ont précédé les CAS) de demeurer dans leur milieu naturel, sauf pour de courtes périodes, et de recevoir l'aide et le soutien requis au sein même de la collectivité. Ces services devaient s'instaurer dans le contexte d'une politique globale visant un processus radical de décriminalisation des adolescents, un contexte dans lequel les délinquants ne seraient plus considérés comme étant différents des jeunes perturbés ou victimes de carences affectives. La délinquance étant simplement un symptôme parmi tant d'autres d'ordre familial ou personnel, il n'y avait donc pas lieu de traiter la plupart de ceux-ci différemment des autres ado- lescents ayant besoin d'aide. Si toutes les dispositions de la loi avaient été exécutées, il serait devenu impossible de poursuivre en justice les enfants de 10 à 13 ans pour des actes criminels; seules les procédures d'aide à la jeunesse auraient pu les conduire devant les tribunaux. Quant au groupe d'adolescents plus âgés, la poursuite demeurait possible, mais uniquement en dernier ressort, toute autre mesure s'étant avérée inadéquate. Donc, la loi prescrivait l'instau- ration d'un processus de consultation entre la police et les Centres de services sociaux locaux avant qu'une poursuite puisse être inten- tée. De plus, afin de faire valoir l'importance de traiter les délin- quants d'abord en fonction de leurs besoins et de leurs problèmes, et non en fonction du délit, la loi prévoyait que le Service de liberté surveillée n'aurait plus à s'occuper des adolescents délinquants, et que le seul organisme responsable d'assurer les services d'assistance et d'hébergement serait le service local d'aide à la jeunesse.

Un peu plus loin dans cet exposé, nous explorerons plus en détail les conséquences de la non-exécution des sections cruciales

Page 27: Le traitement des adolescents délinquants

de cette loi, à savoir la décriminalisation et la diversion. Le tableau ci-dessous qui illustre la courbe tendancielle des ordonnances pro- noncées par les tribunaux contre les délinquants, démontre que, de plus en plus, ceux-ci furent traités d'une façon diamétralement opposée à celle préconisée au début des années 1970. Dans la pratique, les éléments protecteurs furent minimisés, alors que les aspects punitifs ont pris une importance accrue.

Tableau 1

Pourcentage de garçons de 14-16 ans condamnés pour délits punissables par la loi, par type d'ordonnance, de 1971 à 1981

(Source : Criminal Statistics for England and Wales, 1981)

Ces chiffres pour les garçons indiquent une baisse constante au niveau des ordres de protection et une baisse encore plus marquée au niveau des ordres de surveillance; les chiffres pour jeunes filles démontrent un profil semblable, mais avec un taux plus élevé de libérations conditionnelles et d'ordres de surveillance. Les filles ne peuvent pas être placées dans des centres de détention.

O R G A N I S M E S C O N C E R N É S

Trois principaux organismes sont engagés dans le système judiciaire pour enfants : la police, les magistrats et les centres de services sociaux. Ces organismes adoptent des pratiques qui diffèrent

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beaucoup d'une région à l'autre du pays, et nous reviendrons sur ce point lorsque nous aborderons les perspectives de changement. Ainsi, en 1981, par exemple, le pourcentage de garçons, menacés de poursuites au lieu d'être condamnés pour leurs délits, a varié entre 35 % (dans la ville de Manchester) et 64 % (dans le secteur à prédominance rurale du Lincolnshire). Il est à noter cependant que ce taux élevé de mises en garde n'indique pas nécessairement une tendance à la baisse des condamnations, étant donné qu'on peut obtenir de tels chiffres en enregistrant les avertissements formels contre des adolescents qui, dans d'autres régions, sont donnés de façon informelle. Il a été démontré que les deux tendances s'équivalent dans la plupart des régions. Quant à la consultation entre les policiers et les autres organismes, à savoir s'il est préférable d'intenter une poursuite contre un adolescent ou de le mettre en garde, cela varie énormément au sein des quelque 42 forces poli- cières de l'Angleterre et du pays de Galles, certaines ayant établi une procédure de consultation et de liaison très dynamique, d'autres n'en ayant pour ainsi dire aucune.

La plupart des adolescents sont soumis aux ordonnances des magistrats qui sont des profanes n'ayant que peu de formation juridique et qui doivent représenter les vues et intérêts de la communauté locale à laquelle ils appartiennent. Au tribunal, ces adolescents reçoivent les conseils d'un greffier qui, généralement, est un avocat qualifié. La procédure dans les salles de tribunaux, ainsi que les sanctions pénales varient énormément d'un tribunal à l'autre et d'une force policière à une autre. Cependant, dans les régions plus importantes, les tribunaux adoptent une procédure et des mesures de sanction relativement constantes. À titre d'exemple, voici quelques indices de ces variations. Dans une même région très industrialisée où le taux de criminalité est très élevé, le taux d'utilisation de centres de détention varie de 3 % à 14 % pour tous les adolescents reconnus coupables ou menacés de poursuites pour délits punissables par la loi. Dans les centres urbains, où le taux de criminalité est des plus élevés, on retrouve une tendance géné- ralisée pour les peines de détention. Toutefois, il ne s'agit que d'une tendance, car ni le nombre réel de crimes, ni leur degré de gravité, ni d'autres facteurs (par exemple, la façon dont les services sociaux préparent les rapports préliminaires au procès) ne semblent pouvoir expliquer ces variations. Ce serait plutôt les pratiques et traditions

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locales qui déterminent les profils de sanction, en dépit des autres variables.

Deux principaux services sociaux sont engagés dans le système : les Centres de services sociaux locaux, et le Service de liberté surveillée. Comme nous l'avons déjà mentionné, la loi de 1969 envisageait le retrait du Service de liberté surveillée dans le secteur des adolescents, mais cette disposition n'a jamais été mise en application. Même si les pratiques locales varient, ces deux orga- nismes se partagent la responsabilité des adolescents délinquants en fonction de l'âge des contrevenants, alors que le Service de liberté surveillée s'occupe des adolescents âgés de 14 ans et plus, sauf si ceux-ci, ou leurs familles, ont déjà été vus par les travailleurs du centre local de services sociaux.

Le Service de liberté surveillée (qui comprend environ 5 500 délégués, dont la plupart sont des travailleurs sociaux qualifiés et les autres, des membres du personnel auxiliaire) relève directe- ment, en grande partie, du gouvernement central, à savoir du ministère de l'Intérieur. Les fonds pour ce service proviennent des revenus d'impôts, ce qui le rend moins vulnérable aux changements de politiques locales et au manque de fonds. Chaque zone de surveillance (il y en a 56 en Angleterre et au pays de Galles) exerce un pouvoir discrétionnaire considérable quant à l'attribution de ses ressources financières et à l'établissement de ses pratiques courantes. Au niveau du partage des responsabilités, tel que mentionné ci- dessus, le Service de liberté surveillée est responsable de la pré- paration des rapports préliminaires à toute ordonnance du tribunal, de la surveillance des adolescents soumis à des ordres de surveillance et durant la période de liberté surveillée au sortir d'un centre de détention ou d'un borstal. Ce service ne dispose d'aucun réseau d'hébergement pour jeunes, et il doit également solliciter des fonds des autorités locales pour ses programmes de soins courants.

Les Centres de services sociaux sont des organismes davantage soumis à des contrôles locaux et doivent assumer plus de respon- sabilités. Ils furent créés en 1970, dans le but d'offrir une gamme de services plus « générique » par la fusion de trois organismes gouvernementaux chargés de l'aide à la jeunesse, de la santé mentale, des personnes âgées et des handicapés physiques. Ils assument donc la responsabilité pour une grande diversité de ser- vices, mais on y a introduit un degré de spécialisation des fonctions et plusieurs centres ont maintenant des travailleurs spécialisés qui s'occupent exclusivement des adolescents délinquants. Les Centres

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de services sociaux sont non seulement responsables du travail communautaire, mais aussi des ressources résidentielles pour ado- lescents - centres pour enfants, centres d'évaluation et centres d'accueil (CAS) déjà mentionnés. La plupart des centres reçoivent des fonds destinés spécifiquement aux soins courants, cependant les montants varient en fonction de l'intérêt et de l'engagement, à la fois des travailleurs professionnels et des représentants politiques locaux qui sont responsables, dans les limites de la loi, de la répartition des fonds.

A M E N D E M E N T S L É G I S L A T I F S I M M I N E N T S

Il existe une nouvelle loi du Parlement qui, en grande partie, n'est pas encore en vigueur et qui modifie radicalement l'approche officielle à l'égard des délinquants durant toute la période d'après- guerre. Il s'agit de la « Criminal Justice Act (1982) ». Son approche globale de la délinquance fait volte-face par rapport à la politique sous-jacente à la loi de 1969. Elle met l'accent sur la punition plutôt que sur le traitement; elle redonne certains pouvoirs aux tribunaux et en retire d'autres aux organismes d'assistance sociale. De plus, elle met l'accent sur le contrôle plutôt que sur l'aide. Les principales dispositions de cette Loi ayant trait à notre propos sont les suivantes :

1. L'imposition de peines de détention plus courtes. La durée minimale est désormais de 3 semaines. Cela signifie que, dans la plupart des cas, le détenu ne passera en principe que 2 semaines en détention et que le maximum sera de 4 mois. On invoque deux motifs pour justifier un tel changement, à savoir : la punition est en soi un objectif valable du système judiciaire pour enfants, et les recherches ont démontré qu'une période de détention plus courte produisait un effet de dissuasion plus sûr qu'une détention de longue durée.

2. L'abolition de la formation borstal en tant que sanction distincte de l'emprisonnement, et son remplacement par une ordon- nance appelée « Ordre de détention de jeune » (Youth Custody Order). Il s'agit d'une ordonnance d'une durée précise allant de 4 à 8 mois. Les magistrats, qui n'étaient pas autorisés à prononcer des ordonnances « borstal », pourront désormais imposer des ordres de détention de jeunes pour une période maximale de 12 mois.

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3. L'adoption de nouvelles mesures visant à augmenter l'aspect de contrôle dans les rapports entre les Centres de services sociaux et les adolescents délinquants du milieu. Celles-ci prévoient d'inclure diverses exigences nouvelles quant aux ordres de surveillance, y compris une « restriction de nuit » (curfew), ainsi que des exigences négatives (par exemple s'abstenir de fréquenter un club ou un groupe d'amis, en particulier). L'Association professionnelle des délégués à la liberté surveillée a déjà dénoncé ces deux dispositions qu'elle considère mauvaises et impraticables. La loi accorde éga- lement aux tribunaux pour enfants le pouvoir de donner un ordre de service communautaire (aux jeunes de 16 ans seulement). Ces ordres, qui furent innovés avec beaucoup de succès dans les cours pour adultes, peuvent exiger qu'un adolescent délinquant accom- plisse jusqu'à 120 heures de travail bénévole surveillé, supposé être un travail d'ordre socialement bénéfique.

4. L'adoption de mesures destinées à augmenter les pouvoirs des tribunaux de spécifier le contenu d'une ordonnance particulière, et à réduire le pouvoir discrétionnaire des organismes d'assistance sociale. Ces mesures comprennent un nouvel « ordre de protection en résidence » (residential care order) et un « ordre d'activités spé- cifiques » (specified activities order) ayant pour but de répondre aux attentes des magistrats. En effet, ceux-ci déploraient que les ordres de protection établis en vertu de la loi de 1969 n'offraient aucune garantie que l'adolescent serait retiré de son milieu naturel. De plus, n'étant souvent pas informés du contenu des programmes de soins courants, ils ne pouvaient donc pas se prononcer ni exercer un contrôle sur ceux-ci. Dans une mesure semblable que l'on pourrait qualifier de « progressive », la loi prévoit que la décision de savoir si le jeune qui ne respecte pas les conditions de sa mise en liberté doit retourner au centre de détention ou placé en « youth custody », en est une qui relève des autorités judiciaires (puisqu'il s'agit d'une nouvelle compa- rution devant le tribunal), et non une décision d'ordre administratif, comme c'est le cas présentement dans les borstals.

Dans une autre section, nous discuterons de l'impact que cette loi pourrait avoir dans le domaine de l'intervention auprès des adolescents délinquants. Il suffit, pour l'instant, de constater que d'après ce résumé des principales dispositions de la nouvelle loi, il s'agit d'une approche tout à fait à l'opposé des principaux thèmes de la « Children and Young Persons Act » de 1969. Comment une telle volte-face dans la position officielle a-t-elle pu se produire?

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Voilà l'une des principales questions à laquelle nous tenterons de répondre.

U N E C R I T I Q U E D E L A P O L I T I Q U E O F F I C I E L L E

Ayant déjà décrit la « dimension » officielle du problème de la délinquance juvénile en Angleterre et au pays de Galles, donné un aperçu des lois qui la régissent et des façons dont elles sont interprétées dans la pratique, nous nous proposons maintenant de faire une analyse critique de l'évolution de la situation au cours de la dernière décennie et de proposer certains changements.

Avant d'entreprendre la description critique du fonctionnement interne du système judiciaire pour enfants au cours de cette période, il faut d'abord reconnaître que ce système est un mélange confus d'idéologies, de politiques et de pratiques fort différentes. Il s'agit non seulement d'un, mais de plusieurs systèmes souvent incompa- tibles. Ce n'est pas uniquement le résultat inévitable d'un prag- matisme anglo-saxon traditionnel, mais plutôt le reflet de l'actuelle pondération des pouvoirs dans certaines luttes politiques et profes- sionnelles sans fin.

Au plan de l'élaboration d'une politique nationale, la respon- sabilité relative à la délinquance juvénile se répartit entre deux ministères (le ministère de l'Intérieur et le ministère de la Santé et de la Sécurité sociale). Au plan de la prise de décision cruciale relative au jeune délinquant, la responsabilité de la sentence relève encore des tribunaux pour enfants. Cependant, la décision initiale et capitale, à savoir si l'adolescent doit être mis en accusation ou traité d'une autre façon (généralement par une menace de pour- suites), relève de la police; et une deuxième décision importante, touchant les enfants confiés à la garde des autorités locales par le tribunal, à savoir s'ils doivent être placés sous surveillance dans leur milieu familial ou en résidence, appartient aux travailleurs sociaux. De même, la responsabilité de procurer les services commu- nautaires aux jeunes délinquants se partage entre les Centres locaux de services sociaux et le Service de liberté surveillée, deux orga- nismes ayant leurs propres traditions, préjugés et structures orga- nisationnelles. De plus, l'administration des centres d'accueil ou de détention est également partagée entre les Centres de services

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sociaux et le Service de police. Tous ces arrangements institutionnels quelque peu hybrides sont sous-tendus par la controverse sur les principes directeurs de l'intervention auprès des délinquants, en d'autres mots, c'est l'éternel débat « justice ou protection ». Devrions- nous considérer les adolescents délinquants comme des êtres res- ponsables de leurs actes, juger les dommages causés ou la gravité des délits, puis prononcer une sentence appropriée? Ou devrions- nous les percevoir comme le triste produit d'un foyer malheureux ou d'un milieu culturel médiocre, et tenter avant tout de comprendre leurs besoins et leurs problèmes pour ensuite y remédier?

Même si, dans la pratique, ni l'une ni l'autre (surtout la deuxième) de ces positions ne sont adoptées et poussées à l'extrême, la confusion qui règne à tous les niveaux découle effectivement de l'ambiguïté qui entoure ce débat. Comme preuve de cette confusion, il nous a été presque impossible jusqu'à maintenant de savoir quelle était la position officielle du gouvernement face au problème de la délinquance juvénile. Les politiciens, universitaires, autorités judi- ciaires et praticiens ont beaucoup écrit, parlé et agi comme si, à partir de 1970, l'intervention s'était adoucie pour devenir plus indulgente et orientée davantage vers l'assistance sociale, l'aide et le traitement plutôt que vers la punition, la discipline et le contrôle. Au milieu des années 1970, les politiciens de droite et les univer- sitaires de gauche finirent par s'entendre pour dire qu'on avait poussé à l'extrême l'approche « protectrice » (welfare). Les gens de droite prétendaient que la criminalité juvénile n'était pas suffisam- ment contrôlée et qu'il fallait recourir à des méthodes punitives dissuasives et à un contrôle rigoureux en limitant le pouvoir des travailleurs sociaux et en augmentant celui des autorités judiciaires et policières. Par contre, la gauche considérait que les agents de traitement avaient sérieusement enfreint les droits civils des ado- lescents en ne leur reconnaissant pas la liberté d'action et en doutant que leur délinquance puisse contenir un élément politique valable. Pour eux, il fallait revenir aux voies de droit régulières dans la procédure judiciaire et abandonner la formule du « traitement » qui laissait supposer que les délinquants souffraient d'une pathologie quelconque. Les recommandations faites par la gauche et par la droite étaient donc très similaires. Mais ces deux factions n'ont pas réalisé qu'elles portaient un jugement non pas sur une réalité sociale, mais sur une création imaginaire.

En réalité, loin de s'être assouplie et davantage orientée vers la protection, la réponse officielle à la délinquance est devenue plus

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sévère et plus répressive. Même certains conservateurs s'en sont rendu compte par la suite. En 1979, Léon Brittan, membre du Cabinet actuel, faisait remarquer qu'il était 20 fois plus probable, en 1955, qu'un adulte se voit imposer une peine d'emprisonnement pour son délit qu'en 1979, alors que cette probabilité n'était que de deux. En d'autres mots, aujourd'hui les adolescents risquent trois fois plus de recevoir une peine de détention qu'en 1960, alors que la possibilité d'emprisonnement pour les adultes a diminué de moitié au cours de la même période. De plus, l'emploi de mesures néces- sitant l'intervention des techniciens en assistance sociale - surveil- lance dans la communauté ou en milieu surveillé - a beaucoup diminué proportionnellement et en nombre absolu. Cette tendance relative à la surveillance était déjà évidente avant l'adoption de la loi de 1969. Il a été démontré que même le peu de travail social que nécessite la préparation des rapports préliminaires aux procès a diminué proportionnellement. Un plus grand nombre d'adolescents sont maintenant jugés sans aucune intervention de travailleurs sociaux ou autres agents de traitement, ni avant, ni après le jugement. D'après les statistiques officielles, il y aurait proportion- nellement plus d'adolescents présentement en détention qu'à toute autre période depuis 1908.

Quoique les chiffres varient nettement d'une région à l'autre, la tendance globale est manifeste. Il fut un temps où le taux de criminalité chez les jeunes augmentait au même rythme que chez les adultes. Comment les politiciens, les universitaires, les médias et le public en général en sont-ils venus à croire que le contraire se produisait? Comment le système judiciaire pour enfants en Angleterre et au pays de Galles est-il devenu tellement plus répressif et en si peu de temps? Que fait-on ou que pourrait-on faire pour inverser le processus? Voilà des questions auxquelles nous tenterons de trouver réponse.

La réponse à la première question semble résider dans le fait qu'on a eu tendance à croire que les intentions législatives étaient étroitement reliées à la réalité. La « Children and Young Persons Act » de 1969 était un produit bien de son temps, c'est-à-dire d'une période caractérisée par beaucoup d'optimisme quant au potentiel d'une rééducation basée sur des principes à la fois humanitaires et scientifiques, par un enthousiasme et une confiance en la valeur et la faisabilité d'une réforme « modernisante », et par une confiance en la capacité de l'économie britannique à supporter les coûts d'une

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expansion de l'État Providence - confiance fondée sur les réalisations de la période d'après-guerre. Toutes ces croyances se sont révélées fausses. Déjà en 1969, il était évident qu'à cause des contraintes économiques et des premières déclarations cohérentes faites par une droite autoritaire, cette réforme qui s'annonçait très prometteuse au départ ne pouvait se réaliser. La loi elle-même comportait un compromis : les déclarations de principes (Livres blancs) de 1965 et de 1969 proposaient une approche beaucoup plus radicale en prévoyant de retirer complètement la délinquance juvénile de la juridiction criminelle. (Cela s'était partiellement réalisé en Écosse durant cette période.) En Angleterre et au pays de Galles, il fallait trouver des formules de compromis, entre autres, conserver le tribunal pour enfants, dont la procédure judiciaire pénale était un peu moins formelle que celle des tribunaux pour adultes. Néan- moins, initialement, la loi se présentait, nous l'avons vu, comme une mesure de réforme radicale. Mais en 1970, lorsque les conser- vateurs prirent le pouvoir, il fut décidé que les plus importantes sections de la loi ne seraient pas exécutées, à savoir : que les établissements pénitenciers demeureraient pour les tribunaux une option de sanction pour adolescents délinquants; que les policiers ne seraient pas obligés (ils furent par la suite encouragés) de consulter un organisme de services sociaux avant de poursuivre en justice un adolescent, et que l'âge de responsabilité criminelle serait maintenu à 10 ans. De plus, le Service de liberté surveillée qui, d'après la loi, ne devait plus s'occuper des adolescents, continuerait de le faire. Cette décision découlait sans doute du fait que les magistrats des tribunaux pour enfants semblaient marquer une préférence pour les délégués à la liberté surveillée (qu'ils connais- saient déjà) et qu'ils présumaient être plus sévères que les travail- leurs sociaux, davantage orientés vers l'aide à la jeunesse. Depuis, cette décision est demeurée une source interminable de confusion, d'incertitude et de problèmes de liaison entre ces deux organismes qui, somme toute, continuent à travailler chacun de leur côté. Même lorsque l'un d'eux a tenté d'élaborer une politique définie et d'établir des pratiques efficaces, il n'a jamais appelé l'autre à participer à ses travaux de planification, de recherche ou d'expansion des ser- vices. Par conséquent, les programmes adoptés pour la gestion des services à la délinquance juvénile manquaient de cohésion.

Dès le début, les Centres de services sociaux étaient mal équipés pour assumer efficacement toute une gamme de nouvelles tâches qui leur étaient imposées par la loi de 1969. Des problèmes d'or-

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ganisation - inévitables dans toute nouvelle entité administrative - venaient s'ajouter aux difficultés auxquelles tout organisme doit nécessairement faire face en assumant l'exécution d'une loi nouvelle et complexe, sans tradition établie dans le domaine de la délinquance juvénile. Ces nouveaux services ont d'abord tenté de répondre aux problèmes de la délinquance en établissant et en modernisant tout un réseau de foyers d'hébergement. Entre autres, ils ont voulu intégrer les anciennes « Approved Schools » (ces établissements de correction et de formation ayant un programme traditionnellement disciplinaire) à leur réseau d'accueil pour adolescents, mais en les rebaptisant « Centres d'accueil avec scolarisation » (CAS) (Commu- nity Homes with Education on the premises). Les magistrats n'ap- précièrent guère de se voir retirer le droit d'envoyer des jeunes à une « Approved School », et leur clémence extrême devint légen- daire. En fait, des études ont démontré (mais trop tard pour détruire le mythe qui venait d'éclore) que les magistrats n'avaient pas à s'inquiéter, car la plupart des jeunes visés par des ordres de protection furent retirés de leur milieu naturel (environ la moitié ont séjourné quelque temps dans des CAS).

En général, la loi avait pour but d'assurer qu'aucun ordre de protection ne puisse être prononcé sans que le tribunal n'ait déterminé que la sécurité de l'enfant était compromise d'une façon ou d'une autre (y compris le danger de commettre d'autres délits) et que la protection, ou le contrôle, ne peut lui être procurée dans son foyer. Cependant, ce test de « protection ou contrôle » fut omis dans une section obscure et irrégulière de la loi qui stipulait qu'un ordre de protection ne pouvait être prononcé que si l'enfant avait commis un délit (donc, tous les délits, sauf les infractions mineures) qui aurait entraîné une peine d'emprisonnement dans le cas d'un adulte. La plupart des enfants pris en charge à la suite d'un délit ont été traités en vertu de cette section et, dans au moins 60 % des cas, ont reçu cette ordonnance sans pour autant être des délinquants chroniques, car nombre de ces jeunes en étaient à leur premier délit. Des études empiriques entreprises par l'auteur et ses collègues ont démontré de façon constante que 70 % à 90 % de ces enfants n'avaient aucun besoin de protection et qu'en fait, ils n'y auraient pas été contraints si le test de « protection ou contrôle » avait été administré. Ainsi, ils devaient accepter une peine indéterminée (jusqu'à l'âge de 18 ans) qui pouvait comporter de longues périodes en résidence surveillée ou, dans certains cas, en détention préventive - généralement pour des délits qui n'auraient sans doute jamais entraîné une peine d'em-

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T r o i s i è m e m e n t ( e t c e l a e s t d e p l u s e n p l u s i m p o r t a n t ) , l e s

t r a v a i l l e u r s s o c i a u x d e v r o n t t r a v a i l l e r a v e c l e s i n d u s t r i e s l o c a l e s

p o u r c r é e r d e s p o s s i b i l i t é s d ' e m p l o i a u x j e u n e s d o n t i l s s ' o c c u p e n t .

L ' e m p l o i j o u e u n r ô l e c o n s i d é r a b l e d a n s l a r é d u c t i o n d e s c h a n c e s

d e r é c i d i v e ; d a n s l e c o n t e x t e d é c r i t p l u s h a u t , l ' e m p l o i c o n s t i t u e u n

é l é m e n t i m p o r t a n t d e l ' e n j e u q u ' u n j e u n e a d a n s l a v i e , e t c ' e s t

p o u r q u o i d e s e f f o r t s s p é c i a u x a c h a r n é s d e v r a i e n t ê t r e f a i t s p o u r l u i

t r o u v e r d u t r a v a i l . U n c e r t a i n n o m b r e d e p r o j e t s i n n o v a t e u r s o n t

é t é m i s s u r p i e d p o u r e s s a y e r d ' a u g m e n t e r l e s p o s s i b i l i t é s d ' e m p l o i

d e s d é l i n q u a n t s . L ' u n d e c e s p r o j e t s c o m p r e n a i t m ê m e u n e f o n c t i o n

s u p p l é m e n t a i r e d e p r é v e n t i o n d u c r i m e 30 q u i c o n s i s t a i t à r e c r u t e r

u n c e r t a i n n o m b r e d ' e m p l o y e u r s l o c a u x d i s p o s é s à e m b a u c h e r d e s

j e u n e s e n t r a i n d e t e r m i n e r l e u r d e r n i è r e a n n é e d e s c o l a r i t é , p o u r

l e s f a i r e t r a v a i l l e r t o u s l e s j o u r s d e 1 6 h e u r e s à 1 8 h e u r e s e t t o u t e

l a j o u r n é e l e s j o u r s d e c o n g é s c o l a i r e , e n v u e d e l e u r d o n n e r u n e

f o r m a t i o n d e b a s e d a n s u n m é t i e r q u e l c o n q u e . C e s j e u n e s g e n s , q u i

é t a i e n t p a y é s u n t a u x h o r a i r e , é t a i e n t a i n s i b e a u c o u p m i e u x p r é p a r é s

p o u r e n t r e r d a n s l e m o n d e d u t r a v a i l à l a f i n d e l e u r s é t u d e s .

N A C R O , d e c o n c e r t a v e c l a C o m m i s s i o n d e s s e r v i c e s d e m a i n -

d ' œ u v r e , a a u s s i u n p r o j e t d e g r a n d e e n v e r g u r e v i s a n t à p r o c u r e r

d u t r a v a i l a u x j e u n e s d é l i n q u a n t s s o r t a n t d ' é t a b l i s s e m e n t s s p é c i a u x

o u p é n i t e n c i a i r e s 31. A p e x T r u s t , q u i , p e n d a n t d e n o m b r e u s e s a n n é e s ,

a a i d é d e s e x - p r i s o n n i e r s a d u l t e s à s e t r o u v e r d u t r a v a i l , a r é c e m m e n t

m i s s u r p i e d u n p r o j e t p o u r j e u n e s d é l i n q u a n t s s o r t a n t d ' é t a b l i s s e -

m e n t s d e t r a i t e m e n t 3 2 . I l e s t i n d i s p e n s a b l e q u e l e s t r a v a i l l e u r s

s o c i a u x s o i e n t t r è s a u c o u r a n t d e c e s p r o j e t s e t q u ' i l s c o l l a b o r e n t

é t r o i t e m e n t a v e c l e s r e s p o n s a b l e s d e c e u x - c i , a i n s i q u ' a v e c l e s

i n d u s t r i e l s l o c a u x , c a r s i u n i n d u s t r i e l c o n n a î t u n e e x p é r i e n c e

s a t i s f a i s a n t e a v e c u n j e u n e d é l i n q u a n t p l a c é d a n s s o n e n t r e p r i s e , i l

y a d e f o r t e s c h a n c e s q u ' i l c o n t r i b u e à a m é l i o r e r l ' a t t i t u d e d e t o u t e

l a c o l l e c t i v i t é à l ' é g a r d d u c r i m e .

M é t h o d e s d e t r a v a i l a v e c l e s a u t o r i t é s s c o l a i r e s l o c a l e s

L a p o l i t i q u e a d o p t é e p a r l e s e r v i c e s c o l a i r e l o c a l e t l e s s e r v i c e s

s o c i a u x p e u t a v o i r u n e f f e t i m p o r t a n t s u r l a f r é q u e n c e d e s d é l i t s

juvéniles. Reynolds33 et Rutter 34 ont démontré que les écoles peuvent avoir une influence profonde sur le comportement des jeunes. Ils ont tous deux démontré que certaines écoles, quelle que soit leur capacité, sont capables de réduire les possibilités que leurs

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élèves soient traités comme délinquants, et réussissent même à réduire les comportements délinquants chez leurs élèves. Le facteur important semble être « l'atmosphère sociale » de l'école, laquelle contribue à améliorer le rendement académique et à réduire les absences non justifiées. Les travailleurs sociaux doivent être au courant de ces recherches et s'assurer que les autorités scolaires locales sachent quelles sont leurs écoles qui connaissent des taux élevés d'absences non justifiées et de délinquance.

En ce qui concerne ces absences, la politique qu'adoptent les écoles, les autorités scolaires locales et le service social est capitale. Si ces organismes adoptent comme politique de faire comparaître les élèves qui font l'école buissonnière devant les tribunaux pour enfants, ils surchargeront les services sociaux, puisqu'un nombre substantiel des élèves faisant l'école buissonnière recevront des ordres de surveillance ou de soins spéciaux à la suite de leur comparution, même s'il est prouvé que de telles sanctions ne constituent pas la façon la plus efficace d'assurer leur retour à l'école 35. Une collaboration plus étroite entre les travailleurs sociaux et les enseignants des diverses écoles pourrait très bien aboutir à l'élaboration de méthodes plus simples et plus constructives pour traiter du problème de ces absences non justifiées. Par exemple, charger des bénévoles qui se relayeraient pour aller chercher, tous les matins, les élèves qui ont tendance à faire l'école buissonnière, pourrait se révéler un moyen efficace de réduire le problème, sans qu'il n'en coûte trop cher ou qu'on fasse perdre du temps à des travailleurs sociaux spécialisés. De concert avec l'école, le travailleur social aurait pour tâche de mettre le projet sur pied et de recruter, former et superviser les bénévoles.

Ainsi, il existe divers moyens par lesquels le travailleur social peut démontrer à la collectivité qu'il s'intéresse à la délinquance et réduire les pressions exercées sur le système judiciaire, car si celles- ci continuent au même rythme, de plus en plus de jeunes se retrouveront devant les tribunaux.

Le système judiciaire pour enfants

Le système judiciaire pour enfants se compose des organismes qui s'occupent de jeunes délinquants, c'est-à-dire la police, les tribunaux pour enfants, les services sociaux et le service de liberté surveillée. Il existe de nombreux indices qui démontrent que le