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DOCUMENT N°2 DE L’UNION EUROPÉENNE SUR LA FORESTERIE TROPICALE PRINCIPES ET PRATIQUE DE COGESTION FORESTIÈRE : TÉMOIGNAGES D’AFRIQUE DE L’OUEST David Brown Overseas Development Institute Londres Commission européenne Bruxelles 1999 Le présent document a été financé par la Commission des Communautés européennes mais ne représente pas nécessairement l’opinion de la Commission. © Overseas Development Institute 1999 ISBN NO: 0 85003 472 8 Traduction: Claude Karnif Mise en page: Cathy Waterhouse Imprimé par: Russell Press Ltd, Nottingham

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DOCUMENT N°2 DE L’UNION EUROPÉENNESUR LA FORESTERIE TROPICALE

PRINCIPES ET PRATIQUE DE COGESTION FORESTIÈRE :TÉMOIGNAGES D’AFRIQUE DE L’OUEST

David Brown

Overseas Development InstituteLondres

Commission européenneBruxelles

1999

Le présent document a été financé par la Commission des Communautés européennes mais ne représentepas nécessairement l’opinion de la Commission.

© Overseas Development Institute 1999ISBN NO: 0 85003 472 8

Traduction: Claude KarnifMise en page: Cathy WaterhouseImprimé par: Russell Press Ltd, Nottingham

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TABLES DES MATIERES

Résumé iv

1. Introduction 1

2. La diversité des intérêts 1

3. Les éléments constitutifs 33.1 Les objectifs du mouvement 33.2 Les forêts en tant que ressource naturelle 43.3 La place variable des forêts dans les modes d’existence 43.4 Le modèle de gestion en collaboration 4

4. Appliquer le modèle de gfc 54.1 Les questions de volonté politique 54.2 L’engagement institutionnel 64.3 Les questions de tenure 64.4 Appliquer le modèle de Gestion Forestière Communautaire 7

5. Les ambiguïtés du modèle 85.1 Les autochtones et les autres communautés locales 85.2 Les rôles de l’Etat 85.3 Le développement participatif 95.4 Les communautés géographiques et sociales 9

6. Stratégies d’adaptation locale 106.1 Recréer les systèmes traditionnels de gestion des ressources 106.2 Appliquer la loi pour exclure les usagers illégaux 126.3 Valider les accords de partage des ressources avec des méthodes participatives 136.4 Les limites de l’approche sectorielle 13

7. Etude des problématiques liées à la promotion de la foresterie communautaire 137.1 Introduction 137.2 L’étude de cas du Ghana 157.3 L’étude de cas du Cameroun 227.4 Conclusion des deux études de cas 30

8. Les questions posées 318.1 Les grandes questions d’occupation des sols 318.2 L’intérêt d’une approche sectorielle 318.3 Les accords de partage des revenus 328.4 Les conflits entre les organisations locales et l’Etat 328.5 Accroître la capacité de la recherche sociologique 328.6 La place de l’information 338.7 Les “communautés” et la notion de développement participatif 33

9. Conclusion 33

Bibliographie 35

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LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1: Caractéristiques principales des différents types de relation entre forêts 5et moyens d’existence

Tableau 2: Principes conceptuels pour des organisations plus solides de RPC 7Tableau 3: Comparaison Ghana-Cameroun 11Tableau 4: Superficie des Réserves Forestières ghanéennes, région par région 18Tableau 5: Superficie des exploitations tenues par les femmes et les hommes

(% des exploitants) 20Tableau 6: Origine des terres cultivées en 1994 – Femmes et Hommes

(% des parcelles agricoles) 21Tableau 7: Allocation des contrats d’exploitation forestière – par nationalité, 1991-6

(Cameroun) 26

LISTE DES ENCADRÉS

Encadré 1: La logique derrière l’engagement de la communauté dans la gestion forestière 2Encadré 2: Statistiques élémentaires sur les forêts du Ghana 15Encadré 3: Statistiques élémentaires sur les forêts du Cameroun 23Encadré 4: Classification et exploitation des forêts selon la Loi de 1994 24Encadré 5: L’exclusion des usagers non traditionnels des ressources – le cas de

Bimbia-Bonadikombo 28

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RÉSUMÉ

Le principe de cogestion – l’engagement aussi bien descommunautés locales que de l’Etat dans la gestionforestière – est devenu un élément majeur de la plupart desprogrammes internationaux de développement du secteurforestier dans les pays tropicaux et une caractéristiqueimportante des politiques et pratiques forestières dans lemonde. Les arguments en faveur de l’engagement descommunautés sont nombreux et convaincants, depuis lesaspects positifs de la participation locale (en termes decapacité indigène et de proximité des ressources),jusqu’aux aspects négatifs des autres solutions(l’inefficacité des systèmes actuels de gestion uniquementindustrielle et le besoin d’améliorer la discipline dans cesecteur).

Le principal objectif de l’aide au développement de laforesterie ces vingt dernières années a été de placer laparticipation fermement au centre de la gestion des forêtstropicales et cela fut fait dans une très large mesure.Toutefois, on se demande maintenant de plus en plus sicette méthode se justifie du point de vue de l’impactprobable à la fois sur les conditions d’existence des plusdémunis et sur la conservation des ressources forestières.Le présent document s’intéresse à certaines des difficultésque ce mouvement rencontre actuellement et cherche despistes de travail pour améliorer l’efficacité desinterventions d’aide au développement.

Le principal centre d’intérêt porte sur les tentatives faitespour promouvoir la participation communautaire à lagestion forestière dans les forêts des zones tropicaleshumides de l’Afrique subsaharienne. Dans ces sociétés, iln’est pas rare de constater des déséquilibres significatifsde pouvoir entre les utilisateurs industriels et nonindustriels et des niveaux discutables de volonté politiquedans les principaux organismes d’Etat. Ces deux élémentsconstituent des obstacles importants à une réelleparticipation communautaire. Dans ce contexte, il estaussi peut-être risqué de chercher à changer les systèmesde tenure foncière pour favoriser une gestion forestièredurable, cela ne garantirait d’ailleurs pas un meilleur accèsdes pauvres à ces ressources. Une autre difficulté vient dufait que les préjugés fréquents dans le modèle classique decogestion forestière sur les identités et les relationscommunautaires peuvent très bien ne pas convenir auxconditions qui persistent encore dans de nombreusesrégions de haute futaie tropicale. Dans le monde moderned’intégration globale, de monétisation des économies, decomplexité sociale grandissante et d’augmentation despressions exercées sur les ressources naturelles, cesrégions sont souvent hautement instables au niveau socialet la dynamique des populations ne favorise pas toujours lasolidarité communautaire et l’action en commun.

A partir d’études de cas réalisées dans des zones de hautefutaie au Ghana et au Cameroun, ce document passe enrevue les ambiguïtés du modèle classique de cogestionforestière et les difficultés rencontrées dès que l’on

cherche à appliquer ce modèle à des contextes nationauxspécifiques. Il prend en considération certaines dessolutions proposées pour traiter ces problèmes d’adaptationlocale. Ce dossier est particulièrement sceptique au sujetdes tentatives faites pour recréer des systèmes de gestiontraditionnelle des ressources. Elles supposent en effetl’existence de directions “traditionnelles” efficaces avec,à la base, une communion de vue chez les dirigeants et lesdirigés. Dans ni l’une ni l’autre des études de cas, lasituation ne correspondait à cette hypothèse. Au Ghana,les intérêts qui séparent les chefs traditionnels de leursadministrés sont peut-être au moins aussi importants queceux qui les unissent. Dans de nombreuses régions duCameroun, la notion même de véritable autoritétraditionnelle est mise en doute. Différents niveauxd’hétérogénéité dans les deux contextes (avec uneimmigration croissante et un mélange des populations)gênent également l’union des forces communautairesautour de l’autorité traditionnelle, notamment lorsqu’il y aun groupe ethnique ou tribal dominant. Au Ghana, lespopulations rurales ont fait preuve de fluidité pendant dessiècles et une communauté rurale typique se caractériseaujourd’hui par une grande variété de statuts sociaux,reflétant toute une hiérarchie en matière de contrôle et depropriété des ressources naturelles. La structure sociale dela ruralité camerounaise est plus variable bien que d’unecomplexité croissante.

Lorsque les communautés manquent d’harmonie auniveau géographique et social, on peut avancer que lecontrôle des ressources devrait être mis entre les mains desautorités territoriales plutôt que de le confier aux autoritésou communautés culturelles, socialement définies. Il y ades arguments en faveur de cette approche dans nos deuxétudes de cas, bien qu’il y en ait aussi d’autres allant dansl’autre sens. Dans les zones de haute futaie, les autoritésgouvernementales locales ont souvent la responsabilité degrandes superficies et d’importantes populations (ce quidiminue leur capacité à distribuer des incitationsadministratives à la conservation des forêts) et là où lessystèmes électoraux lient fermement les représentants dugouvernement à la politique centrale (comme c’est le casau Cameroun), il n’y a aucune certitude que les prises dedécision puissent refléter l’intérêt local à long terme et,encore moins, contribuer à la conservation des ressourcesnaturelles.

Dans des contextes de ce genre, les projets d’aide audéveloppement risquent de rencontrer un certain nombrede difficultés. Les problèmes d’allocation des ressourcesauxquels ils sont confrontés ne peuvent probablement passe résoudre au niveau strictement local et les typesd’approches actuellement favorisées – par exemple,appliquer des méthodes rapides et participatives pouridentifier les principales parties prenantes – risquent depasser à côté de la dimension historique des systèmes degestion actuels et d’être incapables de prendre en compteles implications plus générales au niveau intersectoriel etsociétal. Si l’on ne peut que se féliciter de la tendance audéveloppement des projets de foresterie communautaire,

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les questions politiques qui se posent sont rarementspécifiques à ce secteur et le personnel de ces projets estsouvent confronté à des problèmes qui ne relèvent pas deleur mandat.

La principale conclusion du présent document est que lesdéfis fondamentaux confrontant le mouvement concernentdes questions plus larges de gestion de l’utilisation dessols avec d’importantes composantes intersectorielles etqui ne peuvent pas être résolues uniquement au sein dusecteur forestier. Les implications pour les interventionsdes donateurs sont diverses. Au point de vue des projets,les questions concernent l’équilibre entre les intérêts sur leterrain et les initiatives politiques ; la nature, fonction etprogrammation des activités pilotes ; et la nécessité, pourles institutions de tutelle, de relier expérience locale etpolitique nationale. Au point de vue des programmes, lesquestions concernent les mérites relatifs des approchessectorielles et intersectorielles, les limites de la délégationdes pouvoirs du gouvernement, le rôle des organes deplanification multisectorielle et de l’ensemble des partiesprenantes, le rôle des approches basées sur les droits et lanature des processus d’apprentissage par-delà lesfrontières. Tout cela fait appel à une plus grandecoordination entre gouvernements et donateurs (et au seinde la communauté des donateurs), et à l’union desdifférentes compétences et perspectives puisées dans unegrande diversité de sciences naturelles et humaines.

REMERCIEMENTS

L’auteur tient à remercier les personnes suivantes de leuraide lors de la préparation du présent document : JamesAcworth, Kojo Amanor, Mike Arnold, Evelyne Beng,Philip Burnham, John Casey, Graham Chaplin, ElijahYaw Danso, André Djeumo, Chimere Diaw, FrançoisEkoko, Samuel Egbe, Bill Garber, Jane Gronow,Ousseynou Ndoye, Jean-Luc Roux, Barrie Sharpe,William Sunderlin et Fred Swartzendruber, ainsi que descollègues du Groupe chargé de la Politique forestière et del’Environnement à l’ODI (chercheurs : Michael Richards,Kate Schreckenberg, Gill Shepherd et administrateur :Cathy Waterhouse, pour la présentation et la mise enpage).

Certaines parties de ce rapport ont été présentées lorsd’une invitation au Cours international et au Séminaireexécutif sur la Gestion locale des Arbres et des Forêts auservice d’une Utilisation durable des Sols qui se sont tenusconjointement au Centre International d’Agriculture deWageningen, aux Pays-Bas, en septembre 1998. L’auteurremercie les contributions faites par les participants à cetterencontre pour développer l’argumentation.

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LISTE DES ACRONYMES

CUB Contrat d’utilisation du Bois (Ghana)

DFNP Domaine forestier non permanent (Cameroun)

DFP Domaine forestier permanent (Cameroun)

FAB Franco à bord

GFC Gestion forestière en collaboration (ou communautaire)

GFP Gestion forestière participative

GIC Groupe d’initiative commune (Cameroun)

GIE Groupe d’intérêt économique (Cameroun)

MINEF Ministère de l’environnement et des forêts, République du Cameroun

OF Office des forêts, ministère des terres et des forêts, Ghana

ONG Organisation non gouvernementale

PFNL Produits forestiers non ligneux

RPC Ressource en propriété commune

SGF Service ghanéen des forêts (l’organe semi-indépendant du secteur public devantêtre créé à partir de l’OF)

UFA Unité forestière d’aménagement (Cameroun)

UFC Unité de foresterie communautaire, Ministère de l’environnement et des forêts,République du Cameroun

WWF Fonds mondial pour la nature (ONG)

ZHF Zone de haute futaie

ZP Zone protégée

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11. INTRODUCTION

Le principe de cogestion, tel qu’il apparaît dans lesconcepts de “gestion forestière participative”, “gestionforestière en collaboration”, “gestion forestière commune”,etc, est désormais un élément majeur de la plupart desprogrammes d’aide internationale au développement dusecteur forestier dans les régions tropicales et une partienon négligeable de la politique et de la pratique forestièresdans le monde. En termes d’engagement des donateurs, letotal des investissements est substantiel, probablementplus de deux cents millions de dollars par an.1

La cogestion peut être définie comme “un partenariat detravail entre les principales parties prenantes en vue degérer une forêt donnée” (Carter, 1999 : 1). Dans sonacception conventionnelle, le terme met en relief lacontribution cruciale (bien que partielle) des communautésdans ces partenariats.

Certains esprits critiques avancent que les communautésparticipent à la gestion forestière depuis des millénairesmais leur droit politique de le faire ne date, à de raresexceptions près, que d’une petite vingtaine d’années. Ils’agit là d’un développement récent dans les politiques del’Etat colonial et post-colonial, bien que revêtant uneimportance régulièrement croissante dans les stratégiesd’aide au développement. Notre sujet, ici, porte avant toutsur les initiatives de cogestion soutenues par desinterventions d’aide au développement et non pas sur lesformes indigènes de cogestion.

La logique de la participation des communautés à lagestion forestière a des volets multiples (voir encadré 1).

Cet intérêt croissant n’est pas né dans le vide. Il vient etsoutient d’autres aspects du changement politiqueinternational plus ou moins lié à l’évolution del’économie : recul de l’Etat, libéralisation des structuresqui maintenaient autrefois un contrôle démesurémentbureaucratique et leur transformation en prestataires semi-indépendants de services, la montée des approchespopulistes au développement, etc. Il y a eu une très bonnesynchronisation avec les changements opérés dans lefinancement de l’aide internationale. Les initiativesdestinées aux communautés sont évidemment trèscompatibles avec les capacités et les philosophies desONG et complètent bien les initiatives des donateursofficiels à un niveau politique supérieur. Une volontépolitique claire et vocale se développe pour voir cetteapproche prendre racine et prospérer.

La nature et la valeur des ressources forestières varienténormément d’un contexte à l’autre et, ainsi, lesimplications de ce changement en direction des droitspopulaires sont, de même, très différentes. Pourtant, si lecoeur du débat – comme le dit Hobley – est la “lutte pourla propriété des terres forestières” (1996 : 7) alors, dans lecontexte typique de l’Etat post-colonial, nous assistonsclairement à un changement politique pouvant atteindredes proportions tout à fait importantes.

Le principal objectif de l’aide au développement de laforesterie ces vingt dernières années aura été de mettrefermement la participation au centre de la gestion desforêts tropicales et cela à certainement été réussi dans unetrès large mesure. En outre, depuis la fin des années 1980,on assiste à l’apparition d’un concept de gestion encollaboration permettant un réel partage des prises dedécision et des droits d’accès et reflétant la prise deconscience croissante du radicalisme de l’entreprise et durôle central des innovations politiques et juridiquesnécessaires pour la réussite de ce projet.

Vu l’importance du mouvement et la nature réciproquementcomplémentaire de ses liens avec ses principaux piliersque sont les stratégies de politique économique et d’aideinternationale, on pourrait en déduire que son futur estassuré et crier victoire dans notre évaluation de l’avenirimmédiat. Pourtant cela ne représenterait guère la réalitéde la situation, que l’on parle des organismes d’aide audéveloppement ou (surtout) de leurs nombreux partenairesdans le monde en développement. S’il fallait définir leclimat qui règne actuellement dans le mouvement auniveau international, on pourrait parler de doutesgrandissants, d’hésitations de la part des gouvernementschargés de l’exécution et d’une incertitude générale sur ladirection à prendre. Le mouvement n’est peut-être pasencore en crise mais il n’en est pas moins à la croisée deschemins – ou pas loin – et nul ne sait clairement la routequ’il devra prendre ou, même où il devrait chercher à aller.

Quelles sont les origines de cette situation et quels signentpourrraient indiquer la direction à prendre ?

2. LA DIVERSITÉ DES INTÉRÊTS

Les forêts, bien entendu, ne sont pas une seule et mêmechose et cela est particulièrement vrai des forêtstropicales. Pour examiner ces questions, nous devonsprendre en compte un certain nombre de variables :

1. La nature et la valeur des ressources forestières ;2. L’importance et le pouvoir des parties prenantes qui

y ont des intérêts (notamment la filière bois) ;3. L’intérêt de l’Etat dans les ressources forestières, le

pouvoir des institutions d’Etat et la capacité de l’Etatà gérer les forêts ;

4. La nature et les intérêts des communautés locales etleurs capacités de gestion.

1 L’APD totale pour la foresterie s’élève actuellement à 1-1,5 milliard dedollars US (Madhvani, 1999). Tout n’est pas encore attribué à desprojets (les principaux donateurs dans ce secteur sont la Banquemondiale et le Japon). L’estimation des dépenses de cogestion indiquéedans le texte (ci-dessus), suppose que la foresterie communautairereprésente environ 20 % de l’ensemble des investissements ce quipourrait bien être une sous-estimation. Si l’on tient compte de certainesambiguïtés de classification, les investissements de la Banque mondialeen matière de gestion forestière en commun pourraient se chiffrer, pourl’Inde uniquement, à plus de 70 millions de dollars US par an.

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Encadré 1: La logique derrière l’engagement de la communauté dans la gestion forestière

1. Proximité : les populations locales sont les gardiennes immédiates de la forêt. Elles sont les parties prenantes les plusproches de la forêt et dépendent d’elle de bien des façons. Elles sont donc les mieux placées pour en prendre soinefficacement.

2. Impact : leurs activités de subsistance ont de même un effet très direct sur la condition de la forêt ; ainsi, leur engagementdans sa gestion est tout à fait pragmatique.

3. Equité : il peut y avoir des considérations importantes d’équité et de justice sociale dans l’exploitation des forêts. Lagestion forestière à caractère communautaire devrait permettre d’accroître la quantité de ressources revenant auxpopulations rurales, avec des conséquences importantes pour la réduction de la pauvreté et la distribution des revenus.

4. Moyens d’existence : les besoins et intérêts locaux ne devraient pas non plus être dédaignés, notamment lorsque lesproduits forestiers constituent des éléments fondamentaux dans les modes de vie ou – comme c’est souvent le cas pourles produits forestiers non ligneux (PFNL) – d’importants filets de sécurité. On a constaté que le développement dusecteur forestier pour un usage industriel unique détériore les moyens d’existence, détourne les avantages qu’en tiraientles pauvres et désavantage des catégories importantes d’usagers (notamment les femmes). L’engagement de lacommunauté dans la gestion forestière, lorsque les forêts jouent un rôle important dans les modes de vie rurale, devraitconduire à des modifications substantielles de la manière dont les forêts sont gérées, assurant du même coup lapréservation et/ou la diversification de leurs multiples bénéfices. Le volet de protection sociale doit donc prendre uneplace importante dans la gestion forestière communautaire.

5. Capacité : ces dernières années, la capacité de gestion des habitants des forêts a été fortement préconisée dans la littératuredes sciences humaines tandis que celle des gouvernements était de plus en plus remise en question. Les rôles descommunautés dans la gestion forestière sont maintenant bien documentés et, au regard des récentes expériencesd’engagement communautaire, il semble bien qu’elles amélioreraient grandement la qualité et l’état de la forêt, dans desproportions supérieures à celles que les gouvernements sont capables d’obtenir par eux-mêmes (voir, par exemple,Soussan et al, 1998).

6. Biodiversité : du fait de leurs intérêts dans la gestion à usage multiple, les utilisateurs locaux ont toutes les chances demieux conserver la biodiversité que les groupes industriels n’ayant qu’un seul intérêt ou ceux qui les soutiennent. En dépitde nombreuses affirmations contraires, la biodiversité pourrait très bien s’enrichir, et non pas s’appauvrir, du fait desactivités des habitants des forêts.

7. Rentabilité : pour des considérations d’efficacité, on peut faire rarement autrement que d’associer les communautés à lagestion forestière. En effet, très souvent dans le monde en développement, il y a très peu de possibilités de gérerefficacement les ressources forestières uniquement avec le secteur public. Même lorsque celui-ci peut le faire, le prix derevient d’une gestion exclusivement et directement assurée par l’Etat peut s’avérer trop élevé et une gestion locale peutêtre un bon moyen d’en diminuer les coûts.

8. Adaptation : la reconnaissance croissante de la diversité des cultures et des moyens d’existence encourage une approchecentrée sur la participation locale et l’adaptation contextuelle. Presque par définition, une gestion flexible et adaptablene peut pas s’appliquer depuis le centre, les intérêts et les pressions locales doivent donc pouvoir s’exercer.

9. Administration gouvernementale : associer les communautés et institutions communautaires à la gestion forestière (unsecteur souffrant souvent d’un manque évident de “bonne administration”) pourrait contribuer à introduire un peu dediscipline dans la gestion de ce secteur et permettre d’équilibrer et de surveiller des services publics souvent livrés à eux-mêmes. Plusieurs auteurs ont souligné le rôle important que les organisations de la société civile peuvent avoir pouraugmenter “l’expression populaire” et agir comme “porte-paroles” (voir, par exemple, Paul 1991). Le secteur forestier,du fait qu’il déborde sur de nombreux aspects de la vie locale, peut constituer une tribune importante où cette expressionpopulaire pourrait faire entendre sa voix.

10. Philosophie du développement : la GFC devrait bien d’intégrer aux stratégies plus générales d’aide au développementpoursuivies par la communauté internationale. En effets, celles-ci donnent une grande priorité aux principes departicipation locale, de décentralisation et de “subsidiarité” (le principe selon lequel les décisions devraient être prises leplus près possible des citoyens concernés), ainsi que la promotion de la société civile, des principes tous potentiellementpossibles grâce à la GFC.

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De toute évidence, on parle de deux situations biendifférentes lorsque l’on compare, disons, des ressourcesforestières de montagne, ayant peu de valeur commercialemais précieuses pour l’existence des populations dans undistrict isolé de l’Himalaya, hors de porté réelle desorganismes d’Etat, à celles des forêts tropicales humidesd’Afrique centrale où les intérêts de l’une des partiesprenantes – l’industrie du bois – surpassent de beaucoupceux de toutes les autres. Dans ce dernier cas, la solidité del’alliance entre l’industrie et l’élite induit un déséquilibrefondamental dans la gestion des ressources, de sorte queles autorités centrales voient très peu de raisons d’enpartager les bénéfices avec les communautés locales. Demême, on ne peut comparer le pouvoir d’un officeforestier riche, fort et déterminé à préserver sa proprepuissance qui est considérable (ex : l’Office Indien desForêts), avec une agence de vulgarisation fragile etdémunie de fonds dans, disons, un pays du Sahel, et qui n’ad’autre choix que de faire des compromis et de partager lefutur poids du pouvoir avec des groupes d’usagersprimaires, et qui peut même souhaiter la possibilité d’unsoutien communautaire. Voire au sein d’une mêmesociété, les relations entre l’Etat, les populations rurales etla forêt ne sont pas toujours constantes et l’intérêt de deuxgroupes de partenaires peut varier au fil du temps enfonction des nouvelles options économiques.

Il est aussi probable qu’il y a de fortes variations dans lamanière dont les problèmes de participation publique à lacertification des forêts sont perçus, en fonction ducontexte en question. La participation, en tant qu’outil depréservation de la biodiversité dans une zone à faibledensité démographique et sans grand potentiel touristiqueaura probablement une signification tout à fait différentede celle intervenant dans une région densément peuplée età fort potentiel touristique. On citera plusieurs aspects dela première hypothèse qui la rendent particulièrementdifficile. La question de la sélection du site en est une. Leszones à faible densité sont souvent rebelles audéveloppement participatif car le prix de revient de lagestion des ressources risque fort de dépasser largementles bénéfices attendus en termes d’amélioration desconditions et de pérennité et, surtout, des avantages locauxà court terme. De même, il y a le fait que l’économie localedans de telles régions a tendance à dépendre non pas de lapréservation des habitats naturels mais de leur conversion.Il est intéressant de noter que des niveaux élevés debiodiversité et de conversion des habitats naturels onttendance à apparaître dans les mêmes environnements(Blaikie et Jeanrenaud, 1996). Cela remet en cause lesmodèles conventionnels de conservation participative dela biodiversité, ce qui rend difficile pour les donateurs(notamment les organisations écologiques) de réconcilierleur engagement déclaré envers la primauté des intérêtscommunautaires et leurs principes en faveur de laconservation. Trop souvent, les approches des donateurs àl’égard de la participation communautaire à la gestion deszones protégées ont souffert de ne pas avoir reconnu lesdifférences tout à fait significatives qui existent là où lesforêts sont bien intégrées aux modes de vie rurale et où la

conservation de la biodiversité signifie avant tout labiodiversité des ressources, alors que la perceptionoccidentale du concept de Zone Protégée (ZP) signifie trèssouvent de simplement limiter son exploitation industrielleau profit d’activités de loisirs et de conservation. Changerl’objectif qui consiste à tenter de détourner les populationsde leurs modes de vie actuels (en le justifiant parl’affirmation souvent hautement contestable qu’elles sontles principales responsables de la dégradation des forêts)pour les inciter à une participation constructive àl’économie existante risque d’être la première étapeimportante de ce processus pour de nombreux pays endéveloppement (Brown, 1998).

Dans le même temps, il y a probablement de grandesdifférences dans la manière dont les diverses partiesprenantes perçoivent les objectifs de la cogestion, enparticulier s’agissant de la priorité à accorder auxquestions d’efficacité et d’équité. Il n’y a aucun doute quede nombreux gouvernements encouragés par desdonateurs à adopter la cogestion ont des objectifs pluslimités à ce sujet que les agences donatrices elles-mêmeset que les ONG partenaires voient les choses d’unemanière très différente. Il convient de poser d’importantesquestions de propriété et de souveraineté avant de déciderdes intérêts à privilégier. L’atmosphère de gestion en crisequi prévaut dans une grande partie du débat internationalsur les forêts tropicales et l’environnement a eu tendance àrestreindre, au lieu d’élargir, les possibilités alternatives eta, trop souvent, servi à justifier des mouvementsrétrogrades qui s’opposent aux solutions locales sousprétexte de servir l’intérêt général (Roe, 1997 ; Fairhead etLeach, 1998). Si ces initiatives de cogestion parviennent àcréer un ensemble de précédents juridiques pour aller àl’encontre de ces perceptions, leur influence sur lemouvement en faveur de l’environnement pourrait êtreprofonde.

3. LES ÉLÉMENTS CONSTITUTIFS

3.1 Les objectifs du mouvement

On peut considérer la GFC/GFP comme une série dechangements politiques visant à accroître à la foisl’efficacité et l’équité de la gestion forestière, à traversdiverses mesures juridiques et organisationnelles. Celapasse généralement par une décentralisation de la gestionforestière, la promotion de réformes institutionnellesappropriées, une augmentation des ressources allouéesaux populations dépendantes des forêts et la création denouveaux partenariats à la suite de modifications depropriété et d’accès. Ces derniers sont destinés à donnerune série d’avantages à des populations locales jusqu’iciplus ou moins privées de leurs droits, à savoir, uneaugmentation de leur sécurité foncière et de leurs revenus,et des droits de participation aux décisions concernantl’occupation des terres. La GFC n’est pas le seul moyen àla disposition des gouvernements et de leurs partenaires

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internationaux pour améliorer la qualité de la conservationdes forêts, leur gestion et l’équité en ce domaine 2, maisc’est un élément important et souvent au centre desréformes institutionnelles.

La proportion GFC-GFP varie selon les programmes et lesquestions relatives à la meilleure combinaison en termed’efficacité et de reproduction d’une culture à l’autre sontimportantes et suscitent encore un débat considérable(ODA, 1996 ; DFID, 1999).

3.2 Les forêts en tant que ressourcenaturelle

Bien que sujettes à de considérables variations locales, lesressources des forêts tropicales humides ont toutes leschances d’être de grande valeur, d’avoir des utilitésmultiples, de couvrir de grandes superficies, d’exiger delongs délais d’exploitation, d’être très vulnérables auxinfluences extra-sectorielles et d’avoir des potentiels deprofits incertains mais substantiels. Leur gestion prête leflanc à toute une série de difficultés commerciales etpolitiques. Parmi les difficultés commerciales, on noteraque de nombreux produits forestiers n’entrent pas sur lemarché, ne sont pas monnayés et restent difficiles àévaluer par un quelconque numéraire commun ; celacomprend à la fois les produits locaux non commercialiséset les avoirs publics non compensés (servicesenvironnementaux) ayant une valeur nationale etinternationale. Parmi les difficultés politiques, onretiendra que ces ressources sont souvent très sous-évaluées par les gouvernements car leur valeur affichée neprend pas en compte leurs bénéfices à long terme et le coûtde leur substitution. La capacité de les gérer est diminuéepar l’insécurité foncière de ceux qui vivent à proximité dela forêt et par le fait que, à la différence des produitsagricoles, le petit producteur n’acquiert pas de droitssignificatifs au cours du processus de production ; desdélais d’exploitation plus longs et moins contraignantspourraient jouer là un rôle critique (Gregerson et al, 1993).

Dans l’ensemble, les forêts tropicales constituent unenvironnement complexe pour une gestion collective. Plusle coefficient de ces variables et plus la fréquence deséchecs politiques et commerciaux sont élevés et plusdifficile sera probablement leur cogestion par lescommunautés locales. Les forêts humides se caractérisentpar une tendance à avoir des densités démographiquesplutôt plus faibles que les aires adjacentes de forêts sèches,ce qui signifie aussi que leurs ressources risquentrelativement moins de subir de grandes pressions. Là

encore, cela peut diminuer l’intérêt porté par l’Etat à uneapproche participative de ce genre d’environnement.

3.3 La place variable des forêts dans lesmodes d’existence

Pour comprendre le potentiel de la GFC, il convient deprendre en compte aussi les relations variables qui existententre les habitants des forêts et leur habitat, relations quireflètent elles-mêmes les différences de densitédémographique, le type et l’étendue du couvert forestier,la pénétration du marché et la différentiation sociale.Apprécier la nature variée de la relation humaine aveccette ressource constitue un élément fondamental d’uneGFC adaptée et, à cet égard, la classification en 4 points deByron et Arnold est une référence instructive (tableau 1).Elle indique les variables essentielles qu’il faut prendre encompte pour évaluer la position des principales partiesprenantes et les modes d’existence dans chaque régime,ainsi que les options politiques permettant d’améliorerleur position. Ce qui apparaît clairement de cetteclassification c’est que le potentiel d’action collectiven’est pas également réparti et que, du point de vue desseules questions de ressources naturelles, certains typesd’exploitation forestière sont intrinsèquement plusprédisposés à la cogestion que d’autres. Dans la typologiede Byron et Arnold, les classes 1 et 4 semblent êtrerelativement bien adaptées à des régimes de cogestion.

3.4 Le modèle de gestion encollaboration

Le modèle “classique” (idéal-typique) de GFC repose surune certaine notion de “communauté dépendante d’uneforêt” qui est aussi (plus ou moins) une communautéphysique. On estime aussi qu’il doit y avoir (là encore plusou moins) un certain équilibre entre la proximité de laressource, l’importance de la dépendance à son égard et lalégitimité fondamentale de la revendication de propriétéou du moins d’accès. Comme pour tous les conceptsthéoriques, il s’agit là d’une simplification et si tous cesrapports ne sont pas exactement de cette nature, on risqued’avoir des difficultés particulières à appliquer le modèle.

Une grande partie de la réflexion qui suit porte sur unexamen plus précis de ce modèle, l’exploration de savalidité tout en reconnaissant ses limites en tant quereprésentation de la réalité pleine et entière de la GFC.L’idée développée ici est que les difficultés rencontréesactuellement par de nombreux projets de GFC sont liéesaux très grands défis qu’il y a à rendre opérationnel cemodèle dans le monde d’aujourd’hui, préoccupé parl’intégration mondiale, la monétisation des économies, lacomplexité sociale croissante et toujours plus de pressionsur les ressources naturelles.

2 D’autres moyens comprennent diverses combinaisons (par exemple) :gestion industrielle améliorée de la forêt, réduction de l’impact desméthodes d’abattage et autres changements technologiques dansl’industrie forestière, incitations à la transformation locale du bois,incitations commerciales telles que la certification des forêts et les labelsverts, mesures pour rectifier les incitations politiques inappropriées,intensification de l’agriculture et autres formes de renforcementinstitutionnel ou de réforme juridique au niveau national.

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Relations à la forêt Profil type desressources

Les parties prenantes Les m oyens d’existencepotentiels

Im plications politiques

1.Forêts gérées parles utilisateurs enpropriété commune

Principalement despopulations vivantdans unenvironnementforestier e t pratiquantla chasse, la cueille tteet l’agricu ltureitinérante

Des com munautéshomogènes avec desattitudes similaires àl’égard de l’u tilisation desressources

Ces forêts son t au centredu systèm e desubsistance.Historiquement stab lem ais souven t di ffic ile àm ain tenir face à despressions extérieures (ex :abattage, salaires etopportun itéscommerciales)

Le maintien des systèmescollectifs de gestion et decontrôle forestiers nécessite lareconnaissance et la p rotectionpar le gouvernement des dro itsdes groupes locaux d’usagers (ex: contre l’industrie du bois etl’empiétement d ’autrespopulations); e t d’éviter certainesm esures dans d ’autres secteurs,te lles qu ’une politique depeuplement qui les fragiliserait

2.Forêts utiliséespar des partiesprenantes multip lesayant d ifféren tsintérêts

Une associationd’agricu lture,d’objectifs deproduction et deconservation pour lesforêts e t avec desexploitants industrie ls,l’E tat e t desuti lisateurs locaux

Des groupes d’usagersmultip les risquant d’avoirdes revendicationscontrad ictoires ouconcurrentes sur les forêts -à la fois entre les usagerslocaux et les au tres et entreles dif férentes catégoriesd’usagers locaux. Manqued’att itudes sim ilaires àl’égard de l’u tilisation desressources et con flitspo tentiels

Ces forêts son t toujoursim portan tes dans lesstratégies de subsistancepour les pauvres dans desconditions d ’économ iestagnan te. Avec leurcroissance, le pauvrerisque de perdre l’accès àla ressource car elle passesous le contrô led ’intervenan ts plus richeset plus puissan ts, m ieux àm ême d ’exp loiter lespossibil ités commercialesou de p rivatiser les terresboisées et en faire uneu tilisation non forestière

Fragmentées, in térieu rementd ifférenciées, les comm unautésrisquent, si el les ne sont pasaidées, de ne pas avo ir lacapacité de faire face à desconcurren ts. D ’autres efforts sontnécessaires pour développer etsoutenir des approches de gestionp luralistes et adaptées. Lesincitat ions à la part icipationlocale do iven t suivre l’évo lut iondu rô le des produits forestiers. Lesobstacles po litiques peuventcomprendre des changements detenure qui menacent les droi tsexistan ts et des restrictions à larécolte privée et à lacommercialisation des produ itsfo restiers

3.P rodu its fo restiersvenantprincipalement desourcesagrofo restières

Ressources fo restièresen déclin,modification de lademande et facteurde dispon ibil ité etd’allocation su r lesterres agrico les,favorise les réco ltesarboricoles

Uniquement d isponib les àceux ayan t accès auxterres qu’i ls peuven tcultiver, l’arboriculturen’est pas toujours possiblepour les métayers et autresagricul teu rs ayant descontrain tes de tenure

Ils donnent aux pauvresagricu lteurs un moyenpeu cher d’améliorer lap roductivi té du site, de led iversifier pour réduireles risques et de satisfa ireles besoins familiaux sanstrop de main-d ’oeuvre.L’arboricu lturecommerciale a plus dechances de conven ir àceux qui n’en dépendentpas pour leu r nourritureet/ou qui ont d’autressources de revenus

Les condit ions de tenure quilimitent la cu ltu re des arbres ontpeut-être beso in d’êtreclarifiées/modifiées. La po litiquedevrai t s’a ttacher p lus àharmoniser l’offre et la dem ande.Les obstacles empêchant lesagricu lteurs d‘accéder auxm archés et fa isant baisser les p rixdes p rodu its de leu rs arbres/fo rêtsdoiven t être pris en compte (ex :les systèmes commerciauxfonctionnant mal et laconcurrence des produ itssubvent ionnés provenant desfo rêts et plantations de l ’Etat)

4.Les activités liéesaux p roduitsforestiers sont unsource importanted’emplois et derevenus

Facilité d ’accès à laressource, seuilsd’entrée peu élevés etdemande ru rale deproduits forestierspeuven t faire de cesactiv ités une sourcemajeure de revenusnon agricoles enmil ieu rural

Activités ouvertes aussibien à ceux qu i n’on t pasde terres qu’aux autres etaux femmes autant qu’auxhomm es

Souvent un élémentim portan t des stratégiesde subsistance pour ceuxqui ont peu depossibil ités d’avo ird ’autres revenus.Toutefo is, les pro fits sontsouvent modestes et lesfu turs m archés en déclinou plus com pétitifs. Lesact ivi tés cul turales plusrémunératricesnécessitent souvent unsavoir-fa ire et des moyensuniquement à lad isposit ion des plusriches et des pluscompéten ts

Elim iner/améliorer lesréglem entat ions partia les et autresqui favorisent les concurren tsindustriels et étatiques. Privilégierl’amélioration de la p roductivi tédes p roducteurs et commerçan tsru raux et les opportun ités decréer des act ivi tés et des m archésdurables. Différents groupesciblés ont différents besoins(crédit, formation, etc. ). Ilconviendrai t peut-être d ’aider lesgens dans les secteurs en déclin àse recycler dans des activ ités plusrentables

Source: adaptée de la base d’Arnold (1999) d’après Byron et Arnold (1997)

Tableau 1 : Caractéristiques principales des différents types de relation entre forêts et moyens d’existence

4. APPLIQUER LE MODÈLE DE GFC

L’attitude prévalant actuellement chez les donateurs estgénéralement ce que Hobley a décrit comme le passaged’une phase initiale faisant la promotion de la GFC à unephase de consolidation, plus sceptique, plus analytique(1996 : 254-5). L’enthousiasme initial suscité par lagestion forestière en collaboration fait place à l’envieprogressive de tester ses limites. Le modèle classique est

perçu comme de plus en plus difficile à appliquer et l’onrecherche maintenant des compromis qui n’étaient pasprévus au départ et qui peuvent remettre en cause lesobjectifs recherchés.

4.1 Les questions de volonté politique

Ces difficultés reflètent en partie les inquiétudes sur leniveau de volonté politique nationale, notamment lorsque

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les forêts ont une valeur commerciale élevée – boisd’oeuvre et produits forestiers – richesses dont lesgouvernements (ou leurs représentants) hésitent souvent àse dessaisir. La décision de différencier les forêts degrande valeur et en bonne condition de celles dégradées etdes “friches”, et d’appliquer ainsi des concepts différentsde participation dans chaque cas, est le résultat de plus enplus fréquent de cette situation, bien qu’elle remette encause la viabilité réelle de la GFC. Dans le même temps, siles communautés ne se voient confier la garde que desforêts sérieusement dégradées et marginales, alorsl’affirmation selon laquelle la GFC peut contribuer d’unemanière significative à la gestion forestière durable risquefort d’être remise en question.

Le problème à ce niveau n’est pas seulement la capacité del’industrie d’influencer les orientations du pouvoircentral, mais aussi certaines préoccupations légitimesconcernant l’éthique fondamentale du transfert. Le soucid’équité peut être au centre du mouvement pour la GFCmais cela ne signifie pas nécessairement qu’il aura pourconséquence davantage d’équité. Certains critiquesdemandent pourquoi, en fonction des péripéties del’histoire, ceux qui vivent le plus près des forêts devraient-ils bénéficier plus de leur exploitation, tandis que ceux quivivent dans des zones moins boisées devraient se passer deces bénéfices ? Ce dilemme est exacerbé par le fait qu’il ya souvent une relation inverse entre la densitédémographique et la qualité du couvert forestier. En effet,les aires les plus peuplées sont souvent celles les pluspauvres, où les besoins de la population sont les plusgrands mais les revenus forestiers les plus faibles.

Selon cette argumentation, les forêts sont une richessenationale et leur exploitation devrait servir l’intérêtnational. Le fait que les systèmes fiscaux actuels sont oubien inopérants ou bien ouverts à tous les abus n’est pas, ensoi, une raison d’abandonner cette tentative deredistribution des richesses au bénéfice de tous. Le débatsur l’équité a une dimension à la fois nationale et localeque le principe d’efficacité (selon lequel les populationslocales seraient mieux placées pour gérer ces ressources)ne fait que contrebalancer partiellement.

4.2 L’engagement institutionnel

La faiblesse de la volonté politique a souvent été accuséede mener à un manque d’engagement institutionnel, à destentatives faites sans enthousiasme pour introduire lesmesures institutionnelles nécessaires pour réformer lesoffices forestiers et en faire de véritables “prestataires deservice”. Une part importante de la littérature récente surle statut institutionnel de la foresterie du secteur publicporte précisément sur la mise en oeuvre de la réforme dusecteur public (voir Bass et al, 1998). La modification desaccords sur la création de revenus contribuera sans douteà concrétiser ce changement de vue. Parallèlement, là oùles revenus forestiers sont substantiels et où l’industrie dubois conserve un pouvoir disproportionné, rien ne garantitque la création de ces services autofinancés aboutira à une

meilleure protection de l’intérêt public – en fait lecontraire pourrait se produire.

Assurer l’efficacité du processus de réforme est au centrede la démarche GFC, même s’il y a toujours le danger queles préoccupations excessives à propos des questions demanagement ne cachent certains des problèmes sous-jacents de mise en oeuvre. Il y a aussi le risque de voir lesquestions organisationnelles (“vision partagée”, “réveildes institutions”, trouver les “nouveaux paradigmes”nécessaires pour surmonter “l’inertie institutionnelle”)prendre le pas sur le reste et, dans un contexte de“réduction” et de “redéploiement”, contribuer à créerexactement le type de conformisme et d’environnementcoercitif que ces innovations devaient remplacer.

4.3 Les questions de tenure

Il convient aussi de ne pas sous-estimer la difficulté dechanger les systèmes de tenure des arbres et des terres enfaveur d’une gestion forestière durable, lorsque cessystèmes opèrent d’une manière essentiellementcommunautaire, systèmes qui, quels que soient leursdéfauts, ont le mérite de garantir un minimum de moyensd’existence aux plus démunis. Il apparaît que la sécuritéd’accès semble plus importante dans les prises de décisiondes petits exploitants que la propriété intégrale, bien quecelle-ci soit dans bien des cas la meilleure façon degarantir les droits d’accès (ODA, 1996).

La question majeure de mise en oeuvre de ces stratégies sepose en relation avec celle du changement de tenure,même lorsqu’il existe une volonté politique d’accomplirdes réformes positives. Par exemple, dans de nombreusesforêts africaines, la terre était traditionnellement détenueen propriété commune mais est transférée en tenureindividuelle (plus ou moins temporairement) du fait de laconversion à l’agriculture (le concept francophone de“Mise en valeur”). Lorsque les gouvernements sontintervenus pour imposer de nouveaux accords fonciers,cela a souvent eu deux effets négatifs : une diminution dela sécurité des tenures agricoles pour les petits exploitants(souvent une expropriation de jure si ce n’est de facto parl’Etat) tandis que, simultanément, les ressources en boiscommercialisable passaient sous le contrôle total de l’Etat.Ce contrôle peut s’accompagner d’un renforcement de ladistinction entre arbres plantés et arbres naturels. L’effetde ces changements a tendance à affaiblir l’engagementdes paysans dans la conservation des forêts qui, entreautres choses, ne sont plus prêts à favoriser la croissancedes arbres naturels sur les terres agricoles jusqu’àmaturité. 3 Ce qu’il faudrait c’est changer les règles detenure pour encourager les petits cultivateurs à conserver

3 Un effet pervers fait que la préconception selon laquelle le petitexploitant détruirait “l’environnement naturel” a tendance à êtreconsolidée dans ce genre de situation, avec des notions telles quel’existence d’une “frontière forestière” et la dichotomie entre “forêt etexploitation agricole”, concepts qui n’ont pas une validité évidente dansde nombreux systèmes de jachère forestière et qui ne peuvent que servirà aggraver la stigmatisation du petit exploitant (Fairhead et Leach, 1998: 186-7).

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les semences et les plants naturels comme les arbresadultes, tout en les incitant à développer au maximumleurs activités de conservation.

C’est, sans doute, plus facile à dire qu’à faire. Augmenterla sécurité foncière de certains paysans peut diminuer celledes autres (notamment des plus pauvres) car il est plus queprobable que cela se produit là où les pauvres ont des bauxavec des propriétaires traditionnels de ressources. Endépit d’une opinion contraire largement répandue,l’expérience historique montre peu d’exemples où lechangement de tenure se fait en faveur des plus démunis,en fait, dans l’immense majorité des cas, on constate lecontraire.

4.4 Appliquer le modèle de Gestionforestière communautaire

Une quatrième zone d’inquiétude concerne la question desavoir dans quelle mesure la généralisation d’un modèlede GFC est possible. Susciter un mouvement dynamiqueen faveur d’une réforme populaire du secteur forestiernécessite l’adoption d’un “discours” convaincant sur le

développement local et une certaine simplification decette approche afin de pouvoir mobiliser les diversesforces en présence. Toutefois, il y a le risque que cediscours ne s’emballe et que les limites du modèle nesoient occultées par la force d’une croisade trop zélée(Roe, 1991). Les projets et ministères sont de plus en plusconfrontés à des problèmes très importants d’adaptationlocale lorsqu’ils cherchent à appliquer le modèle classiquede GFC ; problèmes qu’il faudra très vite résoudre si l’onveut que cette approche contribue fortement à la créationde systèmes de gestion forestière qui soient aussi biensocialement que techniquement durables.

Le coeur du problème ici est que des ambiguïtés existentdans la définition des principales catégories departenariat. Maintenant que les théoriciens et lespraticiens du développement ont une bonne compréhensionde beaucoup de ces ambivalences, il faut se rappelerqu’une meilleure connaissance n’est qu’un élément de lasituation et qu’il existe un niveau de rapport de forcerelativement indifférent aux niveaux de connaissances del’observateur, notamment quand les observateurs enquestion travaillent à des projets financés de l’extérieur oùla propriété locale est déjà remise en question.

Tableau 2 : Principes conceptuels pour des organisations plus solides de RPC

Source: Ostrom, 1999 : 7

Principe conceptuel Implications

1. Des ressources clairement délimitées Les particuliers et les familles qui les utilisent doiventêtre clairement définis, ainsi que la RPC.

2. Harmonisation des règles de gestion -Relations claires entre les règles et la nature desressources de sorte que la distribution des bénéfices desrègles d’occupation soit à peu près proportionnelle auxfrais entraînés par les règles de fourniture.-Conditions d’occupation (réf, temps, place,technologie, quantité) reflétant le niveau d’accès à laressource.

3. Accords de choix collectifs La plupart des personnes concernées par les règles defonctionnement peuvent participer à leur modification.

4. Surveillance Les inspecteurs qui surveillent le comportement desoccupants et l’état de la RPC doivent rendre descomptes à ceux qui occupent la ressource.

5. Sanctions graduées Des sanctions graduées sont applicables et appliquées àceux qui enfreignent les règles de fonctionnement.

6. Mécanismes de résolution de conflit Les occupants doivent avoir accès à des mécanismesrapides et peu coûteux de résoudre les conflits.

7. Droit de s’organiser Le droit des occupants de s’organiser n’est plus remis encause par les autorités extérieures.

8. Entreprises imbriquées (pour les ressources encommun telles que de nombreuses forêts faisant partiede systèmes plus larges)

Occupation, fourniture, surveillance, application de laloi, résolution de conflit, etc. sont organisées en stratesmultiples d’entreprises imbriquées de sorte que lesrelations externes entre les groupes peuvent être traitéesdans des organisations plus importantes et reconnueslégitimes.

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5. LES AMBIGUÏTÉS DU MODÈLE

5.1 Les autochtones et les autrescommunautés locales

L’une des grandes déclarations du principe departicipation apparaît dans le Principe 22 de laDéclaration de Rio sur l’Environnement et leDéveloppement qui stipule :

‘Les peuples indigènes, leurs communautés et les autrespopulations locales ont un rôle vital à jouer dans la gestionde leur environnement et de leur développement du fait deleurs connaissances et pratiques traditionnelles. Lesnations concernées devraient reconnaître et dûmentsoutenir leur identité, culture et intérêts et favoriser leurparticipation effective à la réalisation d’un développementdurable’.

Peu de gens renieraient cette déclaration générale deprincipe mais la mettre en oeuvre est tout à fait autre chose.Le concept de “peuple indigène”, pour commencer, s’il estvalide en Amérique latine, n’est pas universellementreconnu et là où il n’y a pas d’histoire récente de conquêtecomportant une dimension ethnique évidente, il n’aprobablement guère de signification pratique. Dans lemême temps, le fait de lier les droits de participationcommunautaire uniquement aux questions de connaissancespratiques traditionnelles introduit un élément derestriction – la participation étant justifiée par le savoir etla compétence et non par des principes démocratiques –qui, bien que valide dans certaines circonstances, est unenotion dangereuse lorsqu’elle est appliquée sansdiscrimination (cf. Brown, 1998b). Lorsque nousessayons de mettre en pratique une notion de‘communautés indigènes... et autres....’, nous nousheurtons à des difficultés majeures. Elles sont d’une natureintrinsèquement politique et réfractaire à toute définitionécrite. Chercher à résoudre ces difficultés en redéfinissantles catégories de partenaires de “propriétairestraditionnels”, “utilisateurs traditionnels des ressources”,“groupes d’utilisateurs des forêts”, “populationsdépendantes des forêts”, ou simplement “populationlocale” ou “villageois”, ne change rien à cespréoccupations sous-jacentes.

C’est le côté apolitique de ces notions qui est au coeur dela difficulté. Les appliquer dans les situations socialementcomplexes au coeur de la GFC en Inde allait certainementêtre difficile et ce fut le cas. Toutefois, les transférer dansdes situations apparemment moins sociologiquementcomplexes comme en Afrique ou ailleurs ne s’est pasmontré plus facile. Paradoxalement, c’est précisémentdans ces situations où la pression des populationss’accumule au point que la cogestion devient à la foisnécessaire (pour protéger de précieuses ressourcesmenacées) et faisable (dans la mesure où il devientrentable pour les populations de gérer activement leursressources), que les complexités de la structure sociale

commencent à présenter des défis majeurs. Plus les forêtsoffrent des bénéfices divers et les possibilités d’existencequi en découlent sont élevées, et moins la simple notion de“communauté” a de chances de définir les bases d’uneaction collective réelle (cf. Blench, 1998). C’estparticulièrement le cas lorsque les bénéfices ont unevaleur importante et se retrouvent au centre du débatpolitique. Dans ces situations, les interventions à courtterme en faveur du développement ont peu de chances decréer ou de maintenir des solidarités communautairescapables de transcender les gains à la portée des groupesd’intérêt en refusant de reconnaître l’intérêt public et, enpillant le passé ou autrement, d’établir la supériorité deleurs propres droits d’accès et de propriété. 4

Dans l’ensemble, le problème qui nous concerne n’a pasété un manque de conscience sociologique de la part despartisans de la GFC. Le débat théorique sur la marginalitésociale est tellement général qu’il doit y avoir très peu depersonnes travaillant dans le domaine de la GFC qui nereconnaissent pas les problèmes que ces ambiguïtésentraînent et qui ne cherchent pas à en préciser laterminologie. La nécessité de différencier les communautésgéographiques des communautés se définissant par leurintérêt dans les ressources forestières est devenue unelapalissade dans la gestion participative (Savenije etHuijsman, 1991 : 26). Le point en cause n’est donc pas lareconnaissance de ces ambiguïtés mais leur résolutionpratique. La difficulté sous-jacente est que le discourspolitique de la GFC est celui du consensus (même souscouvert de “résolution de conflit”) et de la participationdans son acceptation la plus bénigne. Malheureusement,reconnaître une hiérarchie ne revient pas à résoudre lesproblèmes qu’elle suscite et le projet de développementconstitue généralement un piètre instrument pour yparvenir.

5.2 Les rôles de l’Etat

Quelle que soit la situation, une telle résolutionconsensuelle a peu de chances de réellement s’imposersans être diminuée par une agence nationale ayant lepouvoir d’arbitrer et de clamer sa légitimité nationale. Le

4 Le recours à un discours consensuel et communautaire n’est passimplement une affaire de sentiment. Le dépolitisation des concepts etde la terminologie usitée a également des fonctions politiques etadministratives bien utiles et elle est particulièrement attrayante pourmobiliser des forces sociales dans le contexte des interventions dedéveloppement dans des domaines pluridisciplinaires. Foucaultemploie le terme de “technologie politique” pour décrire la façon dont lapolitique est absente du champ du discours politique et traduite dans unlangage scientifique neutre (1972). De cette manière, elle peutapparaître objective, “scientifique” et libérée des valeurs, doncinoffensive dans des domaines où les besoins politiques doivent êtrecouverts par un manteau de neutralité. Dans le même temps, lesentreprises pluridisciplinaires ont également tendance à rassembler lesocial et le technique (en l’occurrence ici, la foresterie et la sociologie)pour trouver un terrain d’entente dans un langage neutre qui convientaux deux disciplines et qui peut les réconcilier. Toutefois, ce qui estpossible pour les agences travaillant dans le cadre d’un mandat politiquepeut devenir problématique pour les artisans du développementconfrontés aux réalités sur le terrain.

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seul candidat potentiel à ce rôle est l’Etat. Il y a descontextes dans lesquels l’Etat peut continuer à exercercette fonction, ne serait-ce qu’imparfaitement (l’Indeétant un cas notable). Trop souvent, cependant, l’Etatn’est pas une entité dynamique mais a, plus ou moins, lescaractéristiques d’un Etat rentier (Yates, 1996).

Les Etats rentiers sont des structures très lourdementdépendantes de rentes économiques extérieures et danslesquelles seule une petite proportion de la main-d’oeuvre est employée à produire la rente extérieuretandis que la majorité dépend, à des degrés divers, de sadistribution et de sa consommation. L’Etat rentierclassique est celui vivant de l’économie pétrolière (Yatesprend l’exemple du Gabon pour illustrer cette catégorie)où la majorité des revenus viennent d’une enclave ayantpeu de liens réels avec l’économie nationale. Cependant,beaucoup de pays africains ont les caractéristiques d’unEtat rentier en ce sens que les organes de l’Etat ont unesituation de rente par rapport au processus de production.Ils vivent des rentes qu’ils tirent de la propriété d’avoirsappréciés internationalement (y compris les produits“primaires” tels que le bois) plutôt que du fruit de leurpropre activité économique, dans une situation où lesniveaux de rétribution sont sans commune mesure avec leniveau d’effort déployé dans l’économie nationale. Dansces cas-là, très peu de pression s’exerce sur legouvernement rentier pour qu’il crée un environnementéconomique, à la fois dynamique et sain, mutuellementenrichissant pour lui-même et pour sa population ; et desstructures représentatives reflétant la volontédémocratique. Lorsque les citoyens bénéficient desservices (souvent limités) de l’Etat, ils le font sanscontrepartie directe et, parce qu’ils n’ont pas à payerpour ces services (du moins pas directement, au senscommercial du terme), ils ont peu d’influence sur leurgouvernement. Yates soutient que les projets dedéveloppement ont tendance à échouer dans ce type desituation parce que les gouvernements n’ont pas besoinqu’ils réussissent. La représentation n’est pas inhérente àla structure sociale et a guère de rapport avec latransparence (Yates, 1996 ; Wilkie, 1998).

5.3 Le développement participatif

Dans ces situations, il est évidemment difficile de grefferle discours du développement participatif – etl’allocation participative des ressources – sur dessystèmes économiques et politiques qui ne présententque des formes très limitées de représentation populaire.La rhétorique du développement participatif dérange laréalité des Etats rentiers et cela d’autant plus lorsque lesintérêts de l’Etat sont clairement aux antipodes de ceuxdes populations locales, par exemple, s’il n’existe pasd’industrie de transformation locale pour faire contrepoidsà l’industrie extractive5. Pourtant la notion de

“participation” en général est loin d’être révolutionnaireet souvent présentée comme “facultative”.

Ribot fait de la provocation en écrivant sur ce thème(1995a, 1995b). Citant le cas du Sénégal, il se demandedans quelle mesure le nouveau code forestier “participatif”du pays (1992) aura permis d’accroître l’équité. D’unecertaine manière, estime-t-il, il pourrait bien avoiraugmenté l’emprise du contrôle central sur les villageois(par exemple, concernant l’apport de main-d’oeuvrevillageoise dans la gestion forestière). La questioncentrale devient ainsi non pas simplement l’impositiond’un contrôle local mais la création de structures decontrôle permettant la transparence. Le système actuel estloin d’assurer une véritable représentation et risque à lafois d’exploiter la main-d’oeuvre locale et d’encouragerles villageois (désormais libérés d’interdictioncommerciale) à surexploiter la ressource.

5.4 Les communautés géographiques etsociales

Dans le même temps, la communauté rurale classiquen’est plus aujourd’hui marquée pas une harmonie naturellequelconque entre situation géographique, identité socialeet intérêt économique, mais plutôt par une très fortemobilité des populations, des hiérarchies sociales quidifférencient les droits sur les ressources naturelles enfonction d’histoires sociétales complexes – et souvent –contestées. Elle poursuit des luttes de pouvoir entre partiesadverses, change la forme des droits fonciers et depropriété, y compris des tenures agricoles de durée et destabilité diverses, de la main-d’oeuvre migrante nonrémunérée (là encore, avec des cycles divers, suivant lecontexte), des allégeances à l’élite de la “ville locale” etdifférentes formes de clientélisme, le tout sur un fond dedivision des classes sociales, naissantes ou établies, quiviennent de l’intégration à l’économie industrielle et quiaugmentent le risque de voir l’élite s’emparer desressources. Comme Wade l’observe dans le cas de l’Inde,‘les groupes définis territorialement, comme les villages,ne correspondent pas à l’identité et aux besoins (desvillageois indiens). Au contraire, la force de l’attachementaux groupes non territoriaux, comme la sous-caste, faitobstacle, dit-on, à l’attachement affectif au village’ (1988,cité par Hobley, 1996 : 141). Des remarques similairespourraient s’appliquer à la plupart des autres sociétésprincipalement rurales d’Afrique et d’ailleurs.

Ascher note que là où les droits de contrôle sont détenuspar des groupes qui ont une forte identité traditionnelle,indépendante de la situation géographique, les droitsd’utilisation ont tendance à être relativement faciles àgarantir. En revanche, lorsque la “communauté”s’identifie en termes géographiques, la gestion desressources risque davantage de revenir à ceux qui ont leplus de pouvoir politique ou aux autorités locales (Ascher,1995 : 38-39). Dans ce dernier exemple, des questionsimportantes se posent sur le niveau de transparence locale.En général, les autorités locales reflètent les structures du

5 Une réserve importante à faire est que l’industrie de transformation estelle-même confrontée à la concurrence et contrainte de fonctionnerefficacement, sans trop de protection ou d’aide de l’Etat (JEM Arnoldpers. com.).

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pouvoir local et désavantagent ainsi les groupessocialement marginalisés parmi les utilisateurs desressources. Dans les Etats rentiers, il s’avèreparticulièrement difficile de garantir des droits auxgroupes les plus marginalisés. Dans un tel contexte, lesreprésentants des donateurs seraient tentés d’assumer laresponsabilité de l’arbitrage entre les revendicationscontradictoires, évitant ainsi toute capture des ressourcespar ceux ayant le pouvoir dans une société. Mises à part lesquestions morales qui ne manqueraient pas de se poser, onpeut émettre des doutes sur la viabilité à long terme desystèmes créés par des interventions venues de l’extérieur.

6. STRATÉGIES D’ADAPTATIONLOCALE

Plusieurs solutions ont été proposées pour remédier à cesdifficultés d’adaptation. Nous allons en examiner trois,avant de considérer deux études de cas qui illustrentcertaines des questions qui se posent :

6.1 Recréer les systèmes traditionnelsde gestion des ressources

Il est évident que des systèmes efficaces de gestion desressources existaient autrefois et l’on ne peut que seféliciter des tentatives faites en s’inspirant des systèmesindigènes. Si elles n’étaient pas universelles, lesinstitutions indigènes n’en étaient pas moins trèsrépandues (Shepherd, 1997). Les tentatives de restaurationde ces systèmes ont un attrait considérable pour lesprogrammes d’aide au développement, vu les problèmesd’arbitrage qu’ils rencontrent dans les contentieux sur lesressources. La légitimité facilement attribuée à des“autorités traditionnelles” apparemment statiques etéternelles évite également au donateur de s’aventurer surle terrain “politique” (un domaine de toute évidence horsde portée de la plupart de ces initiatives). Il y a aussi le faitque la décision d’une autorité traditionnelle, dans lamesure où elle est encore valide, peut souvent avoirbeaucoup de poids.

Il peut y avoir des situations dans lesquelles la résurgenced’un système traditionnel de gestion est une optionpossible et, dans ce cas-là, on ne peut que s’en féliciter. Ilconvient, toutefois, d’être prudent sur la fréquence aveclaquelle cette approche pourrait permettre de résoudre lesproblèmes qui nous préoccupent actuellement. Le fond del’affaire est que les sociétés, dans lesquelles ces systèmesde gestion fonctionnaient, n’existent plus et que lesnouvelles doivent relever des défis (pénétrationcommerciale et accès aux marchés, monétisation etmobilité des ressources, polarisation de la richesse et desavoirs, ainsi que les changements dans les structuressociales telles que la relation homme-femme) qui necorrespondent pas aux modèles traditionnels de gestion.Bien que l’on puisse trouver des raisons d’adapter certainssystèmes indigènes à de nouvelles fins, il convient de se

poser des questions sur ce que ces systèmes réalisaientsous leur forme traditionnelle. Il ne faut pas supposer, apriori, que les institutions traditionnelles rempliront desfonctions compatibles avec le nouveau mandat, pas plusqu’une institution obtenant de bons résultats pour ungroupe d’intérêts, en fera autant pour d’autres.

Un domaine particulièrement inquiétant est celui du rôledes dirigeants traditionnels. Lorsque ceux-ci et d’autreschefs ont assumé des rôles de représentation à une époquerécente, ils sont probablement encore bien placés pourcontinuer à le faire. Il convient de noter, pourtant, que lanature des rôles traditionnels a souvent été mal comprise etque la représentation était fréquemment le reflet d’uneentreprise personnelle et non pas une fonction de directionréellement indépendante, même dans les sociétés réputéesles plus égalitaires et acéphales, c’est-à-dire sansgouvernement (Brown, 1984). Avant de chercher à recréerces arrangements, il faut se demander si d’autresinfluences existent toujours en matière de conditionnement.De même, tous les rôles de leadership “traditionnel” nepeuvent pas se réclamer d‘une légitimité traditionnelle.Les structures sociales qui apparaissent maintenantéternelles et “traditionnelles” peuvent très bien être desconstructions artificiellement imposées aux populationslocales à une époque relativement récente. L’histoire ducolonialisme offre quantité d’exemples de tentativescherchant à créer une “autorité traditionnelle” pour desraisons n’ayant pas grand chose à voir avec les désirs de lapopulation locale (voir, par exemple, Geschiere, 1993 :152). On trouve des corrélations inquiétantes entre lesefforts des administrateurs coloniaux pour créer des“systèmes traditionnels” et les tentatives récentes desorganisations d’aide au développement pour faireressurgir une imagerie similaire afin de mieux réorienterl’économie (Fairhead et Leach, 1998 ; Geschiere, 1993).De tels exemples nous préviennent des dangers d’uneterminologie trompeuse. Comme les langues elles-mêmes,les systèmes traditionnels n’ont pas une “origine” au sensd’origine clairement définie ou ayant atteint des états destabilité. Ce qui apparaît comme “traditionnel” à uneépoque donnée n’est que le reflet du rapport de force ausein d’une société et, lorsque l’équilibre change, lestraditions évoluent.

Une autre sujet à controverse cité par Geschiere, examinedans quelle mesure les chefs traditionnels ont “participé àl’élite dominante cristallisée autour de l’Etat” (1993 :152). Dans de nombreuses sociétés, l’accès à l’autoritétraditionnelle déterminait l’accès personnel aux ressources(ou vice versa) de sorte que les chefs traditionnels ont unerelation à ces ressources tout à fait différente de la majoritéde leurs administrés. Deux scénarios opposés sontpossibles, les deux impliquant probablement uneréduction de l’engagement des chefs à l’égard du soinapporté à long terme aux ressources. Ou bien les chefs nedépendent pas directement de l’exploitation de la forêt, àla différence de leurs administrés (Ascher, 1993 : 40), oubien les revenus qu’ils tirent de la forêt modifient leursintérêts, les encourageant à l’exploiter davantage. Dans

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Tableau 3 : Comparaison Ghana-Cameroun

Ghana Cameroun

1. Stratégie de réformedu secteur

1.1 Réforme institutionnelle de l’Officedes Forêts devenant une agenced’Etat auto-financée

1.2 Accroître les revenus du bois etl’emploi des prix FAB du bois

1.3 Allocation admin. maintenue -CUB des réserves, licence hors-réserve

1.4 Croissance en valeur absolue desrevenus pour les populationsrurales par une augmentation destaxes et une plus grande efficacité

1.1 Changements législatifs majeurs (Loiforestière de 1994), comprenant lapromotion de la forester iecommunautaire

1.2 Augmentation des revenus du bois1.3 Adjudication remplaçant l’allocation

administrative des concessions; UFAdans les DFP, ventes de coupe/forêtscommunautaires dans les DFNP

1.4 L’exportation de grumes est interdite(1999)

2. Logique de laréforme

Bénéfices au niveau de l’économie, desmoyens d’existence et de la conservation.Promouvoir une gestion durable par :

2.1 Des flots de ressources accrus pourles propriétaires traditionnels

2.2 Une agence de vulgarisation plusattentive

2.3 Une industrie du bois plus efficace2.4 Augmentation du prix du bois

Bénéfices au niveau de l’économie, desmoyens d’existence et de la conservation.Promouvoir une gestion durable par :

2.1 Une gestion plus rationnelle del’industrie

2.2 L’engagement des communautésrurales dans la gestion forestière aumoyen de forêts communautaires etd’une augmentation des revenus

2.3 Augmentation du prix du bois

3. Centrage de laco ges t ion po ure f f e c t u e r l echangement

3.1 Un certain élément de cogestionactive, changement consécutif à laréforme institutionnelle de l’Officedes Forêts

3.1 La foresterie communautaire constitueun élément central de la Loi de 1994fortement soutenu par les donateurs

4. P r o p r i é t é d up r o c e s s u s d echangement

4.1 Ad h é s io n n a t i o na l e a uchangement, soutenu par une sériede donateurs bilatéraux etmultilatéraux

4.1 Adhésion nationale au changementlimitée, changement imposé desdonateurs, notamment la Banquemondiale

5. Propriétaires fonciers(domaine public)

5.1 Les propriétaires traditionnels autravers de l’agence régissant leschefferies

5.1 L’Etat

6. Tenure des arbres 6.1 La propriété des arbres naturels estconfiée au Président pour lecompte des propriétai restraditionnels

6.1 Les arbres naturels appartiennent àl’Etat

7. Industrie du bois 7.1 En déclin7.2 Surapprovisionnée7.3 P u i s s a n t e i n d u s t r i e d e

transformation

7.1 En croissance7.2 L’industrie de transformation est sous-

développée

8. C o m m u n a u t é srurales

8.1 Long historique de migration rurale8.2 Forte migration de la main

d’oeu vre, universe llementcomplexe, accords de métayage etde tenure

8.1 Migration rurale plus localisée, bienqu’en expansion

9. Pressions sur lesterres

9.1 Fortes dans la plupart des zonesrurales

9.2 Presque toutes les terres rurales onteffectivement un “propriétaire”

9.1 Faibles dans la plupart des zonesforestières, notamment dans le Sud

9.2 Terres forestières encore en surplus(bien qu’avec parfois desrevendications de propriété)

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bien des sociétés, l’autorité traditionnelle tend à aller maindans la main avec la conduite de nombreuses affaires, ce quiréduit le niveau de dépendance à l’égard d’une seule sourcede revenus et la nécessité de mener une gestion durable. Enconséquence, ceux qui disposent de “capacités économiqueset politiques plus importantes (ne sont peut-être pas) autantaffectés par le type actuel d’utilisation” (Ostrom, 1999 : 4).

En résumé, s’il y a bien des arguments en faveur des régimesde gestion traditionnelle des ressources, on peut aussi sedemander s’il existe à la base une convergence d’intérêtsmaintenant pour gérer une entité aussi complexe qu’undomaine forestier. Il y a lieu de craindre que les tentatives derétablissement des systèmes traditionnels aboutiront, tropsouvent, à l’apparition de nouvelles formes d’injustice, deprivations et de privilèges, peut-être avec des conséquencesdésagréables au niveau social (et peut-être ethnique).

La théorie de RPC (Ressource en propriété commune) nousconduit également à questionner la validité de cetteapproche. Les recherches originales de Ostrom nousavertissent que les régimes RPC ont peu de chances d’êtreefficaces dans les types de situation que l’on trouve de plusen plus dans les sociétés rurales : des limites contestées(avec des usagers des ressources qui ne sont pas clairementdéfinis et dont les droits ne sont pas reconnus par touscomme aussi légitimes) et des droits inégalitaires en matièrede participation aux choix collectifs (voir tableau 3). Il fautrester sceptique vis-à-vis du potentiel de la GFC dans dessituations où l’efficacité des régimes indépendants RPCserait de toute manière mise en doute (Ostrom, 1990 ;1999,Arnold, 1998a).

6.2 Appliquer la loi pour exclure lesusagers illégaux

Un deuxième point de vue courant (notamment chez lespartisans de la conservation) voudrait que beaucoup desproblèmes liés à l’accès de ressources viennent d’unecertaine illégalité et que la solution se trouve donc dans uneapplication rigoureuse de la loi. Dans le contexte africain,les accords de cogestion ont tendance à concerner lapériphérie des zones protégées, en complément d’unsystème unique d’utilisation forestière. Là où l’Etatconserve un intérêt majeur dans la ressource, il est tentéd’avoir recours à des stratégies d’exclusion pour résoudreles revendications contradictoires des propriétaires locauxet, du même coup, renforcer ses propres prérogatives.

Là où des lois ont été promulguées et démocratiquementacceptées comme légitimes par la majorité, leur validité doitêtre admise et il serait imprudent de la part des donateurs oudes personnels de projet d’intervenir en contestant lasouveraineté nationale. Trop souvent, cependant, l’allocationdes ressources n’est pas considérée légitime par les usagers ;ils la contestent et cela depuis longtemps. Dans le mêmetemps, on peut très bien douter aussi de l’autorité de l’Etat.Le fait que des villageois semblent avoir accepté leurexclusion des accords de partage des ressources n’est pastoujours une indication de leur soutien actif mais la

démonstration que, lorsque le gouvernement manque demoyens d’application, il est souvent plus sage de négocieravec le système et d’acheter ses agents que de le contesteractivement. Même si les gouvernements y voient uneadmission tacite de l’intégrité fondamentale de la zoneprotégée – renforçant les préjugés des classes moyennes surl’aspect virginal de la nature et la menace que ferait peser surelle des populations rurales envahissantes – la perceptionlocale risque d’être bien différente (Fairhead et Leach,1998).

Les tentatives faites pour limiter l’accès des habitants desforêts cadrent mal avec l’engagement déclaré de nombreuxprojets de foresterie communautaire en faveur de laparticipation locale et de l’amélioration des conditions devie. Une politique d’exclusion est difficile à réconcilier avecune philosophie participative et activement “entreprenante”et a facilement tendance à interdire totalement toutes lesactivités, souvent essentielles aux modes de vie et au bien-être des populations locales, telles que la production de boisà la tronçonneuse et la viande de gibier. Stigmatiser etcriminaliser ces activités crée une atmosphère quin’encourage guère la participation locale et contribue peu àen atténuer les effets négatifs. Dans le même temps, celapeut aussi tenter les fonctionnaires recherchant des rentes desituation, sans aucun bénéfice pour la société.

Par principe, il semble que l’approche la plus intéressantedans ces circonstances serait d’adapter la réglementationdes permis aux intérêts locaux. Cela est particulièrementtentant lorsque les frais entraînés par l’obtention de permissont excessivement élevés (comme, par exemple, lorsquedes villageois pauvres vivant dans des zones reculéesdoivent se rendre dans la capitale du pays en vue d’obtenirdes permis coûteux pour de petites quantités de produitsforestiers non ligneux (PFNL), essentiellement pour unusage personnel). Toutefois, ce n’est pas si simple. Lesconnaissances de la biologie des ressources en question sontsouvent très limitées et l’introduction de nouveauxmécanismes de régulation peut, par inadvertance, aller àl’encontre des intérêts qu’ils sont sensés défendre. Parexemple, les tentatives faites pour différencier les accordsde récolte des PFNL et de prélèvement de gibier selon quele produit en question est destiné à la consommationpersonnelle (jugée légitime) ou à la vente (jugée illégitime)risquent de pas tenir compte de leur importance pour ceuxqui dépendent le plus à la fois de cette consommation et deces ventes. De même, limiter les prélèvements à de faiblesquantités destinées à la consommation privée peut favoriserles commerçants qui ne sont que trop contents de négocieravec des légions de petits fournisseurs, à leur merci, dans unenvironnement hautement concurrentiel et à la limite de lalégalité. Il peut arriver également que le droit de prélever enforêt des PFNL reflète la rareté du produit sur le marché etque le fait de chercher à réglementer son prélèvementaugmente son prix, en termes de main-d’oeuvre, bien au-delà de sa valeur réelle (Arnold et Townson, 1998).

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6.3 Valider les accords de partage desressources avec des méthodesparticipatives

De plus en plus, la manière dont l’aide au développementcherche à faire face aux hiérarchies et aux différents intérêtsdans les ressources est de concentrer les efforts au niveaudes communautés et de faire appel à des méthodesparticipatives pour, d’abord, identifier puis chercher àtrouver des consensus avec les divers groupes d’usagersconcernés (voir, par exemple, Gardner et al, 1997). Adapterles pratiques de gestion aux circonstances locales par desméthodes qui permettent de reconnaître et de prendre encompte leur nature est un principe bien établi de la gestionRPC et, lorsque la question des principales ressources est engrande partie réglée, cette approche est tout à faitrecommandable. Pourtant, les problèmes surgissent avecl’application de méthodes participatives aux questionscomplexes d’allocation de ressources qui ne sont niparticulières à une localité, ni à même d’être résolues auniveau purement local. De telles méthodes risquent dedonner des résultats à la fois superficiels et erronés si ellessont appliquées dans des contextes d’inégalités entre lescommunautés, les régions et les classes avec de profondesracines historiques. Les donateurs ont rarement réussi àcontrer les tendances historiques profondément enracinéesdans la société qu’ils ciblent et, passer outre la complexitépolitique de l’histoire a peu de chances d’aboutir au résultatescompté. L’atmosphère évangélique qui rassemble laforesterie communautaire et la philosophie APR n’aurapeut-être servi qu’à occulter ces difficultés et à faire passerdes questions importantes d’orientation politique pour uneaffaire de foi personnelle.

De surcroît, l’emploi de techniques participatives (tellesque l’APR) qui ont tendance à privilégier ceux qui peuvents’exprimer et qui ont le pouvoir, présente un danger lorsqueles cibles sont silencieuses et marginalisées. Les techniquesAPR ont aussi la particularité de privilégier la thèse que lesproblèmes sous-jacents sont une question de connaissanceset non pas de pouvoir (Farrington et Bebbington, 1993 ;Sellamna, 1998). Là encore, le fait de savoir que lesdifférents groupes de la société ont différentes perceptionsdes principaux problèmes en fonction de la diversité del’accès au pouvoir n’explique pas, en soi, ces différentielsde pouvoir à la base. L’application de “mécanismes derésolution de conflit” est également souvent la solutionproposée pour résoudre les conflits suscités par lesressources locales, bien qu’il faudrait se demander si dessanctions sont possibles à ce niveau pour faire respecter lesconditions dans lesquelles ces conflits doivent être“résolus” et si les conclusions ont des chances de s’inscriredans une légitimité publique à long terme. Lorsque desdifférentiels importants de pouvoir existent entredifférentes catégories d’utilisateurs (entre, par exemple, desexploitants de bois et des paysans), le concept même de“résolution de conflit” peut apparaître suspect. Dans cesconditions, il vaudrait peut-être mieux reconnaître la réalitéet accepter que ce qui est en cause n’est pas une affaire de

résolution de conflit mais de réconciliation de différencesfondamentales (Anderson, 1998).

6.4 Les limites de l’approche sectorielle

Les trois exemples évoqués ci-dessus illustrent un problèmefondamental. On a tendance à laisser au personnel forestierofficiel sur le terrain, en association avec la totalité(hypothétique) de la population locale, des usagers desressources et des responsables, le soin d’arbitrer lesquestions d’utilisation foncière et d’allocation desressources naturelles qui ne sont pas limitées au secteurforestier, qui ont des implications intersectorielles (souventimportantes) et qui nécessitent éventuellement dessanctions de l’Etat. Les difficultés que la GFC rencontreactuellement sont trop souvent la conséquence de ceproblème et de l’incapacité du personnel de ce secteur àrésoudre des conflits qui outrepassent leur domaine. Le faitde chercher à résoudre ces questions de manière sectorielleprésente un certain nombre de dangers. Si le personnel del’OF (Office des forêts) ou du projet GFC cherche dessolutions de façon indépendante, il risque d’entraîner leservice dans des conflits et débats où il n’a pas de mandat etqui contribueront, en dernier ressort, à le discréditer. LesOffices des forêts n’ont généralement pas le poids politiquesuffisant pour intervenir à des niveaux élevés dugouvernement et des appels en ce sens risquent de ne pasêtre entendus. Par ailleurs, lorsque des solutions localessemblent se présenter, on peut souvent douter de leurviabilité à long terme.

Il y a un risque évident à surcharger la foresteriecommunautaire de la responsabilité de résoudre lesproblèmes de la société et l’expérience du processus TFAPmontre le danger d’assumer un tel mandat lorsque cettepossibilité n’existe pas (Winterbottom, 1990). L’expériencedes projets de développement rural intégré dans les régionstropicales montre aussi le danger de croire trop en desstructures de coordination intersectorielle lorsqu’elles n’ontpas de fondations dans les hiérarchies politiques. Laconclusion de ce qui précède, toutefois, est qu’une actionintersectorielle et pluridisciplinaire est nécessaire pourtraiter ces questions d’utilisation des terres et de luttes pourles ressources tout en permettant au concept de cogestiond’être adapté aux réalités nationales.

7. ETUDE DES PROBLÉMATIQUESLIÉES À LA PROMOTION DE LAFORESTERIE COMMUNAUTAIRE

7.1 Introduction

Nous nous tournons maintenant vers deux études de casexaminant des tentatives récentes de participationcommunautaire à la gestion du secteur forestier dans des paysd’Afrique centrale et occidentale. Bien que les deuxprogrammes soient relativement récents (les analyses

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proposées doivent donc être considérées avec prudence), ilsmettent cependant en lumière certaines des difficultéssouvent rencontrées lors de la promotion de la cogestion dansdes régions où l’industrie du bois occupe depuis longtempsune position dominante et dans lesquelles les identitéscommunautaires connaissent des fluctuations considérables.

Ces études de cas se déroulèrent au Ghana et auCameroun. Il y a plusieurs similarités entre les deux.Géographiquement, les deux pays se divisent entre la forêthumide au sud et la savane au nord (bien que le Camerounait, de loin, la plus grande biodiversité et possède lesquatre biotopes dominants en Afrique). Toutefois,l’écologie de la zone de haute futaie n’est pas du tout lamême dans les deux cas, même si l’on constate quelquesressemblances en termes de structure forestière, typesd’espèces et modes traditionnels d’exploitation de la forêt.

Les deux pays ont historiquement montré une grandedépendance à l’égard du secteur forestier en matière derevenus et d’emplois. Dans les deux cas, des systèmes deroyalties peu efficaces ont fait que les arbres étaient payésbien au-dessous de leur valeur commerciale et que cemanque à gagner, aggravé par l’inefficacité desinstitutions de ce secteur, une coordination insuffisanteentre les organismes concernés, la mauvaise qualité desindustrie d’extraction et de transformation et la faiblessedes pouvoirs publics, a conduit à des standards de gestionet de planification qui laissent beaucoup à désirer.

Dans les deux cas, il y a eu un sérieux déséquilibre depouvoir et d’influence sur la forêt en faveur d’une seulepartie prenante – l’industrie du bois – et au détriment despopulations vivant en forêt. S’il est vrai que cedéséquilibre date de la période coloniale, ce n’estprobablement que récemment qu’il s’est accentué,notamment au cours des années de pouvoir totalitaire.Depuis l’indépendance, ces deux pays ont eu des parcourspolitiques et économiques mouvementés et le secteurforestier a joué un rôle dans ces événements. Il a semblé,plus ou moins, cautionner les relations de classesparticulières qui se sont développées dans chaque société.Les deux pays se sont maintenant dotés de systèmes degouvernement plus démocratiques (bien qu’avec desdifférences intéressantes dans la façon de les appliquer). Ilserait surprenant que le secteur forestier ne continue pas àjouer un rôle dans le développement de chaque société etn’influence pas les différents intérêts politiques concernéspar les ressources forestières.

La gestion à usages multiples a longtemps étéproblématique dans les deux cas, notamment auCameroun où le manque apparent de pression sur les forêtsn’incite pas à mettre en place une gestion forestières’inscrivant dans la durée et où la primauté des intérêtsindustriels n’a fait que marginaliser les préoccupations despopulations vivant dans les forêts.

Dans les deux cas, un facteur vient compliquer les effortsd’amélioration de la gestion forestière. En effet, pour la

population rurale en général, le “développement” n’estpas toujours synonyme de conservation de la forêt ; aucontraire c’est la conversion de la forêt en terres agricoleset les services et installations qui l’accompagnent qui sontsouvent les objectifs souhaités et non pas le maintien d’undomaine forestier intact (Sharpe, 1998).

Ainsi, les similarités entre les deux cas sont significatives.Néanmoins, les différences sont aussi marquées. Onnotera surtout que le Ghana possède un ensemblebeaucoup plus solide d’institutions traditionnelles dans sazone forestière, notamment dans les zones parlant l’akandes régions Achanties, centrale et occidentale. Les“autorités traditionnelles” ghanéennes ont longtempsexercé une présence en forêt beaucoup plus forte quecelles du Cameroun. La différence provient, en partie, desdifférentes histoires coloniales des deux pays, le Ghanaayant été soumis à l’administration indirecte par lesBritanniques tandis que le Cameroun a été, suivant lesrégions, une colonie française et britannique (et,auparavant, allemande), bien que maintenant l’influencefrançaise prédomine sur le plan administratif. Dans lemême temps, d’autres intérêts ont aussi modelé les deuxsociétés. La structure sociale de la zone de haute futaie quise trouve sur le territoire actuel du Ghana fut dominéependant des siècles par des politiques centralisées, alorsque de vastes zones de ce qui est aujourd’hui le Camerounmanquaient historiquement d’institutions étatiques. Laforce de l’administration indirecte en Côte-de-l’Or(maintenant le Ghana) n’a peut-être pas été simplement lefait de ses rapports avec les Britanniques mais aussi de larapide croissance de la production de cacao, dès la fin dusiècle dernier, qui les encouragea à laisser tranquille lasociété indigène (Phillips, 1986). Le niveauremarquablement élevé d’aide publique consacrée à lapréservation des forêts établies de longue date est aussi liéà la centralité de cette industrie et, à de rares exceptionsprès, les réserves forestières ghanéennes ont été et restentencore bien respectées par les communautés vivant dansles forêts.6 Le développement économique du Camerounest intervenu plutôt tardivement et il est,proportionnellement, plus dépendant du secteur pétrolieret moins dépendant de l’agriculture. Le Cameroun abeaucoup plus des caractéristiques de l’Etat rentier que leGhana. Ses ressources forestières sont également bien plusimportantes et ses régions forestières moins densémentpeuplées. C’est peut-être pourquoi il n’y a pas eu autantd’aide à la préservation des forêts en dehors dugouvernement et de ses partenaires internationaux et laplupart des réserves forestières camerounaises sontconsidérablement empiétées.

6 Les exceptions sont les anciennes “terres boisées protégées” de larégion occidentale fortement empiétées dans les années 1970 etmaintenant soumises à une campagne d’évictions en masse appelée“Opération Halte”. Cependant, ces terres ont une histoire complexe. Parun tour de passe-passe, elles sont devenues propriété du gouvernementsous le régime Acheampong, maintenant discrédité mais cela ne signifiepas moins de respect pour la politique de conservation forestièrelorsqu’elle a fait l’objet d’un accord valable entre l’Etat et lacommunauté (voir Kotey et al, 1998).

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Bien que le Ghana ait toujours beaucoup dépendu de sonsecteur forestier, l’amenuisement plus rapide de sesressources forestières (du moins en termes de la valeur dubois), du fait d’une industrie du bois moins régulée, d’unepopulation agricole en expansion et d’une industrie detransformation plus développée et plus exigeante, sa zonede haute futaie (ZHF) est beaucoup plus dégradée quecelle du Cameroun. Alors que les forêts climaciques duCameroun ont encore une importance substantielle, cellesdu Ghana approchent de la fin de leur vie économique etsont massivement surexploitées par l’industrie du bois, desorte que leur rétablissement est problématique dans lamoitié, environ, de la zone de production. Une étuderécente suggère que les ressources en réserve pourraientêtre durablement exploitées par 5 entreprises de taillemoyenne au lieu des 120 ou plus actuellement en opération(Hobley et Everts, 1997). Cela a contribué à créer uncertain élan pour la gestion forestière durable au Ghanaqui est encore largement absente au Cameroun.

Les histoires précoloniales et coloniales différentes ontégalement été évoquées pour expliquer les différentesréglementations en matière de tenure des arbres et desterres. La terre dans les ZHF du Ghana est essentiellementpossédée par les autorités traditionnelles, les chefferies“souveraines” et, même, certaines réserves forestièresappartiennent à des chefferies bien qu’elles soient géréespar l’Etat. Au Cameroun, la propriété tant des réservesforestières que des autres forêts, relève exclusivement del’Etat. Dans les deux cas, la tenure des arbres est déficienteau niveau de la conservation depuis l’époque coloniale.Au Cameroun, la propriété reste entre les mains de l’Etat.Au Ghana, la tenure des arbres est assignée au Présidentpour le compte des communautés propriétaires, bien quele résultat ne soit pas très différent 7. L’absence de droits detenure n’incite guère les paysans à préserver les arbres etles semis naturels sur leurs terres, notamment les essencesqui concurrencent les cultures agricoles en termesd’ensoleillement et d’éléments nutritifs.

Ces deux pays ont adopté des démarches différentes pourréformer leur secteur forestier. Le Cameroun est trèsdépendant des changements législatifs souhaités par lesdonateurs, avec un élément important et symbolique deforesterie communautaire, tandis que le Ghana a privilégiéles réformes institutionnelles avec un niveau beaucoupplus élevé de propriété nationale. Ces différences ont euune influence cruciale sur le cours des événements.

Le tableau 3 résume certaines des différences et similaritésentre ces deux sociétés concernant la stratégie de réformedu secteur forestier. Nous allons maintenant étudier cesdeux cas tour à tour.

7.2 L’étude de cas du Ghana

Au Ghana, la stratégie de réforme du secteur forestier asurtout porté sur la politique de revenus (accroître le prixdu bois, élever les loyers et encourager l’efficacité de cetteindustrie) et sur la réforme institutionnelle de la principaleinstitution du secteur, l’Office des Forêts. Ce dernier doitdevenir le Service Ghanéen des Forêts (SGF) une agenceautofinancée, prestataire de services (au lieu de contrôles),libérée dans une grande mesure des contraintes liées aufonctionnement du secteur public. Un nouveau régime deconcessions à long terme et localisées, le “Contratd’Utilisation du Bois” (CUB) a été introduit pourorganiser l’exploitation du bois naturel à l’extérieurcomme à l’intérieur des réserves. A la différence duCameroun, (examiné ci-après), il n’y a pas eu unemodification unique de la législation ou de la tenure pouralimenter le processus de participation communautaire àla gestion forestière. C’est plutôt un train de mesures quiont été adoptées ou améliorées pour accroître l’ensembledes bénéfices qu’en tirent les autorités traditionnelles etles populations vivant dans les forêts. La foresteriecommunautaire peut ainsi être considérée, en quelquesorte, comme un élément subsidiaire de réformes plusgénérales. Dans la zone cogérée, ces mesures ont comprisnotamment :

• Des accords de responsabilité sociale, selon lesquels unmaximum de 5 % des royalties annuelles provenant desopérations des sociétés d’exploitation de bois(concessions désormais appelées “contrats d’utilisationdu bois”) doit être consacré à des fonds sociaux destinésaux populations de la zone sous contrat. Si ces sommesrestent modestes (au maximum £300 000 en 1998 pourl’ensemble du pays), elles témoignent du droit de regarddes communautés rurales.

• Des mesures d’intérim, un catalogue de procéduresd’abattage introduit en 1995 qui prévoit la participationà la fois des autorités forestières et des populationslocales concernées lors des opérations avant et aprèsl’abattage, ainsi que le paiement d’une compensation àl’agriculteur dont la propriété ou les récoltes ont étéendommagées.

• Des activités pilotes dans des domaines tels que larécolte de PFNL (y compris les changements du systèmede délivrance des permis pour abaisser le coût destransactions pour les pauvres en milieu rural et lesutilisations personnelles) ; la domestication des PFNL ;la participation communautaire à l’entretien des limites ;l’introduction d’un programme de taungya modifié pourréhabiliter les réserves dégradées donnant aux résidentslocaux le droit de cultiver des parcelles sur la réservependant trois années en échange de l’entretien des semisdes essences de bois d’oeuvre ; etc.

La Constitution ghanéenne de 1992 régit l’allocation dupartage des royalties provenant des concessionsforestières à l’extérieur comme à l’intérieur des réserves.

7 La propriété des arbres naturels est effectivement assignée à l’Etat,tandis que les accords de partage des revenus reflètent les intérêts despropriétaires (voir l’étude de cas du Ghana). Dans la réalité, celas’applique essentiellement aux arbres à bois d’oeuvre ; alors que lescoupes d’arbres ordinaires, à des fins agricoles, sont largement libres.

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L’article 272 (6) stipule :

‘10 % des revenus des terres des chefferies seront versésau bureau de l’Administrateur des Chefferies Territorialespour couvrir les dépenses administratives ; le reste serapartagé dans les proportions suivantes :

(a) 25 % à la Chefferie via l’autorité traditionnelle pourson entretien et le maintien de son statut ;

(b) 20 % à l’autorité traditionnelle ;(c) 55 % à l’Assemblée de District ayant la chefferie sous

sa tutelle’.

Ces allocations sont nettes, les coûts de gestion de l’OFétant déduits. Ces dernières années, ils étaient de 70 %dans les réserves et de 10 % hors des réserves.8

Les effets de l’ensemble de ces dispositions ne se sont pasencore fait sentir et l’on ignore encore leur potentiel socialet politique. La hausse des taux de royalties, par exemple,peut très bien rencontrer une forte résistance de la part del’industrie du bois locale (notamment de ceux qui nepratiquent pas le commerce international et/ou qui n’ont

pas d’intégration verticale dans la filière bois) tandis quela réforme du service forestier, en faveur del’autofinancement, risque d’associer encore plusétroitement ce service à l’industrie dont il dépend pourl’essentiel de ses revenus. Il y a une sorte de contradictionstructurelle entre le rôle prévu de l’OGF – principalresponsable de la conservation des forêts ghanéennes – etle fait qu’il dépende financièrement de leur exploitation.Dans le même temps, le passage à l’autofinancementrisque de créer une situation dans laquelle les activitéssociales complémentaires (comme la foresteriecommunautaire) deviendraient des “entreprises à perte” etseraient marginalisées à mesure que le secteur privéimposerait sa logique. Par ailleurs, l’Office des Forêts n’apas complètement abandonné toutes ses ambitions decontrôle. Il cherche, par exemple, à imposer une totaleinterdiction de l’abattage à la tronçonneuse dans le secteurinformel, en dépit des effets que cela aurait sur lesconditions de vie en milieu rural. Cette attitude peutaffaiblir le soutien à l’OF-OGF dans le monde rural(surtout si l’interdiction est rigoureusement appliquée) desorte qu’il y aurait pression des deux côtés pour freiner sesactivités complémentaires. Face à ces dangers, il fautreconnaître que, dans sa manière actuelle d’opérer, lesecteur est largement perçu comme à la fois mal géré etouvert à la corruption et qu’il doit être réformé d’urgencepour empêcher sa chute libre.

Encadré 2 : Statistiques élémentaires sur les forêts du Ghana

Superficie nationale totale (SNT) 22 754 000 haSuperficie forestière totale 9 022 000 ha (1995)dont : Forêts naturelles 8 969 000 haZones protégées (UMCN catégories I-IV) 4,8 % de la SNTRéserves forestières en ZHF 1 634 100 haForêts en ZHF hors réserve 300-400 000 ha (1995)Moyenne annuelle de changement du couvert forestier, 1980-95 1,3 %Changement du couvert forestier ce siècle 7 mn. ha(Fairhead et Leach, estimation (1998) 3.9 mn. ha)Population totale 18 857 000 (1998)Moyenne annuelle de changement démographique +3,1 % (1985-90)Contribution de l’agriculture au PIB 46 %Contribution du secteur forestier au PIB 11,5 % (estimation)

La ZHF génère environ 14,1 millions de dollars en revenus forestiers (estimés à 2 % du total des revenus fiscaux),dont environ un quart versé aux autorités locales

Production moyenne de bois ronds (1993-5) 25 990 000 m3 (+59 % depuis 1983-5)Production moyenne de sciages (1993-5) 727 000 m3 (+141 % depuis 1983-5)Commercialisation moyenne de bois ronds (1993-5) 447 000 m3 (+413 % depuis 1983-5)(Import- Export)

(Le bois est au quatrième rang des exportations après l’or, le cacao et le tourisme)

Structure de l’industrie forestièreNombre d’entreprises 411Nombre total d’emplois 100 000 (MLF, 1997/9)

8 Une nouvelle formule, récemment approuvée, harmonise les frais degestion, à l’intérieur comme à l’extérieur des réserves, à hauteur de60 % ; cependant, elle reste encore à être appliquée.

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Dans le cas présent, l’intérêt réside dans la façon dont leGhana utilise un système de gestion traditionnel desressources pour tenter de contrôler et de développer sesressources forestières, en faisant appel à un conceptparticulier de “communauté rurale”. La force du modèleghanéen repose sur sa claire appartenance au systèmetraditionnel de tenure foncière. Paradoxalement, lesfaiblesses du système viennent aussi précisément de là.

La promotion de la foresterie communautaire au Ghanadoit relever plusieurs défis. L’objectif déclaré par labranche de l’Office des Forêts chargée de la participation9,concernant la gestion en collaboration, est de chercher àaccroître le flot de ressources au profit des propriétairestraditionnels et des communautés dépendantes des forêts,afin de renforcer le lien entre revenus forestiers etconservation des forêts. Les clients prioritaires sont lespropriétaires fonciers traditionnels.

A première vue, le fait que les terres rurales dansl’ensemble de la région de haute futaie au Ghana (à ladifférence de celles de la plupart de ses voisins)n’appartiennent pas à l’Etat mais à des communautésindigènes propriétaires pourrait sembler simplifier ce lienet accroître les chances d’une bonne application pour leplus grand bien des forêts. En fait, cependant, la relationentre la structure de la propriété foncière et la gestionquotidienne tant des terres que des arbres est extrêmementcomplexe et on ne peut pas préjuger que l’augmentation duflot d’avantages au bénéfice des propriétaires desressources (c’est-à-dire la direction des Chefferies)aboutira obligatoirement à une meilleure conservation desforêts ou à davantage d’équité.

Pour bien comprendre le potentiel de la structure actuellede la représentation communautaire (et surtout le systèmetraditionnel des chefferies) destinée à gérer la ressource,nous devons nous interroger sur deux aspects de sonutilisation, l’un historique, l’autre contemporain :

(a) le premier concerne le développement du système dechefferie, et les rôles historiques qu’il a tenus. Si lepassé, en effet, ne subsume pas nécessairement etentièrement le présent (de sorte que les institutionscréées pour un ensemble de raisons peuvent très bienarriver à en servir d’autres tout à fait efficacement), ily a tout de même lieu de penser qu’il doit y avoircertains éléments fondamentaux de congruence dansles objectifs ;

(b) le second concerne la composition actuelle descommunautés rurales qui habitent l’intérieur de laZHF ghanéenne. Dans quelle mesure reflètent-elleset soutiennent-elles les structures traditionnellesdevant permettre de contrôler les ressources ?

Comme nous allons le voir ci-après, ces deux questions nedoivent pas être traitées isolément.

L’histoire sociale de l’occupation desforêts au GhanaA première vue, le fait que les terres agricoles de la ZHFrelèvent clairement de la propriété traditionnelle suggèrequ’il existe là un moyen, peut-être dormant mais efficace,de conserver les forêts, n’attendant qu’à être réutilisé.C’est peut-être le cas mais il faut aussi tenir compte du rôlehistorique que ces institutions traditionnelles ont joué dansl’ouverture des forêts, plutôt que dans leur conservation, etdans les relations entre les populations propriétaires deterres indigènes et les agriculteurs et travailleurs agricolesmigrants qui ont – parfois pendant des siècles – été leprincipal vecteur du développement agricole. De fait,beaucoup des aspects les plus inhabituels et surprenantsdes cultures que l’on rencontre chez les peupladesforestières du Ghana peuvent s’expliquer principalementpar leur rôle en matière de conversion de la forêt et non passa conservation. Le matrilinéaté en est un bon exemple.Wilks (1977) avance la thèse selon laquelle plusieurscaractéristiques particulières du système matrilinéaired’héritage chez les Achantis servirent à ouvrir la ZHF àl’époque des “grands défrichements”, du XVe au XVIIIe

siècles pour lesquels la main-d’oeuvre venait del’extérieur du royaume Achanti et était financée par lecommerce très rentable des lingots d’or. Le déclin del’importance de certains aspects du système matriarcal auxXIX e et XXe siècles – par exemple, les clans matriarcauxspécifiques aux Akans de la zone de haute futaie (le“groupe en expansion”) – peut s’expliquer par rapport àdes caractéristiques fonctionnelles contribuant à leurexpansion et facilitant l’organisation du travail que celasupposait, mais ayant tendance à décliner, à l’époquemoderne, en ce que Wilks appelle un état actuel de“vestige”. 10

Durant toute cette période, la main-d’oeuvre immigrée –élément central de l’expansion – changeait quelque peud’origine, l’essentiel étant au départ constitué deprisonniers tandis que, plus tard, un marché de main-d’oeuvre immigrée allait se développer. Ainsi :

‘Occupant une position géographique à la périphérie desgrands centres commerciaux du monde, les Akans ne s’entrouvèrent pas moins aspirés dans l’économie mondialeaux XVe et XVIe siècles. L’or produit pour le marchémondial des lingots était échangé tant au Nord qu’au Sud,pour des travailleurs captifs venus de régions aussiéloignées que le Bénin ou au-delà. L’afflux de main-d’oeuvre rendit possible des défrichages massifs en forêt,de sorte qu’une société où le mode de production principalétait la chasse et la cueillette allait se transformer et passerà une mode de production essentiellement agricole.’(Wilks, 1977 : p.520).

La fluidité au coeur de l’organisation sociale continue decaractériser l’ordre agraire de la ZHF, avec deux

9 Devant devenir prochainement le Centre d’aide à la gestion forestièreGFS (CAGF).

10 L’opinion de Wilks a été contestée mais plus à propos des dates quedes processus (pour examiner cette documentation, voir Fairhead etLeach, 1998, chapitre 4).

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catégories d’immigrés jouant un rôle central dans, à la foisl’économie agricole et, dans certaines régions, laconversion de forêts en de nouvelles zones de peuplement.Ce sont :

(a) les travailleurs immigrés, souvent les métayersvenant généralement de l’extérieur de la sociétéAkan, du Nord en particulier, sont souvent soumis aurégime de l’abusa (partage aux tiers de la récolteentre le propriétaire foncier et le travailleur agricole)11

ou, moins souvent, de l’abunu (1 : 1 partage).

(b) Les agriculteurs venus du Sud pour trouver des terresagricoles ont souvent l’intention de cultiver le cacao.Dans les régions Akans, ces migrants sontgénéralement sous un régime de tenure (même si lespropriétaires parlent souvent de “vendre” leurs terresaux migrants). Hors du territoire Akan (notammentdans la région orientale), il y a une longue tradition devéritable vente de terres en propriété libre. Lesmigrants venus du Sud peuvent passer des contrats detype abusa et abunu, mais aussi d’autres formesd’accords sont possibles avec les propriétairesfonciers (généralement plus en leur faveur).

L’historique et l’ampleur des migrations dans la ZHF ontlargement été documentés (MacMillan, 1940 ; Hill, 1963 ;Robertson, 1987 ; Amanor, 1994, 1996). Robertson aavancé que la fréquence des accords de métayage peutprovenir de trois contraintes principales : la capacité limitéedes propriétaires fonciers à superviser directement le travaileffectué dans les champs ; leur manque de capitauxd’exploitation ; et (pour notre siècle) la complexitétechnique relativement élevée de la culture du cacao ce qui

explique la volonté des immigrés à accepter un statut“d’apprenti” relativement peu rémunéré mais riche enenseignements. Dans le même temps, les conditions dumétayage au Ghana sont très souples ; Robertson, parexemple, note l’évolution des accords abusa qui ont de plusen plus les caractéristiques du travail salarié mais rémunéréen nature. Il relie ceci à un changement d’équilibre dans ladisponibilité de la terre et de la main-d’oeuvre, la premièredevenant toujours plus rare dans la ZHF (1987 : 55).

Les diverses catégories de main d’oeuvre immigrée que l’ontrouve dans le sud du Ghana (en plus de celles décrites ci-dessus, il y a d’autres variantes telles que les travailleurstemporaires et ceux à contrat annuel (Hill, 1963 : 189 ;Robertson, 1987 : 66-67)) ont tendance à maintenir lesdistinctions traditionnelles entre propriétaires et ouvriers 12.Bien qu’il n’y ait pas de données pour étayer cettesupposition, il y a fort à parier qu’une cartographie spatialede la forêt révélerait que les immigrés les plus récents sontconcentrés dans les régions les plus boisées, tandis que lespeuplements autochtones occuperaient des places centralesoù se trouvent les services. Avoir accès aux terresforestières nécessite souvent de la part des migrants de fairede grands sacrifices alors que les propriétaires jouissent desbénéfices que leur rapportent leurs ressources ainsivalorisées.

L’immigration dans la zone forestière est désormais siimportante que, dans bien des cas, les propriétairesfonciers ne représentent plus la majorité de la populationdes villages 13. Les statistiques sur la composition desvillages ne sont pas toujours fiables mais les populationsimmigrées peuvent être substantielles. Beaucoup devillages de la région orientale ne comptent presque plusque des immigrés exclusivement. Les achats de terres faits

Superficie en km² % du couvert total des RF

Région occidentale 7210 40

Région Achanti 3787 21

Région Brong-Ahafo 2990 17

Région orientale 1692 10

Région centrale 1445 8

Région de la Volta 692 4

Total 17816 100

Tableau 4 : Superficie des Réserves forestières ghanéennes, région par région

Source: Office des Forêts, Ghana

11 Les proportions exactes dépendent de la culture, de la durée du cyclede croissance, de l’importance des intrants et de la plus ou moins grandedisponibilité de la main-d’oeuvre et de la terre. Le cacao estnormalement partagé à raison de 2 : 1 entre le propriétaire et le métayer,tandis que les cultures vivrières telles que le maïs le sont souvent à 1 : 2(voir Hill, 1963 ; Robertson, 1988, chapitre 3).

12 La “propriété” peut être un terme équivoque dans ce contexte, vu lesdivers degrés d’aliénabilité des terres (Hill, 1964).

13 Field (1948) rappelle un vieux proverbe Akan “les étrangers fontprospérer une ville” (cité par Robertson, 1987 : 63).

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par les Manya-Krobos dans la région orientale, parexemple, datent essentiellement de la moitié du XIXe

siècle (Amanor, 1994). Dans d’autres zones comme larégion occidentale, l’immigration est plus récente mêmesi, là encore, les paysans nouvellement arrivés dominentsouvent l’économie locale maintenant. Les dernierschiffres officiels concernant les immigrés déclarés dans leDistrict de Sefwi-Wiawso indiquent 3874 chefs de famille(environ 20 000 personnes ou plus), pour une populationtotale de 69 387 (1984) bien que le nombre réel dans lesdeux cas est sans aucun doute beaucoup plus élevé quecela. Le directeur du district de Juabeso, non loin de là,estime que les immigrés constituent environ 45 % de lapopulation, dans un district où la population totalerecensée est de 129 101 (1984) et dépend à 60-70 % dusecteur forestier pour ses revenus (com. pers., octobre1998). La région occidentale est également la région laplus riche en réserves forestières (voir tableau 4) et, donc,une région particulièrement lucrative pour les autoritéstraditionnelles.

La main-d’oeuvre immigrée est courante dans toutes lesrégions de la ZHF et vient souvent des territoires pluspauvres du Nord et de l’Est. Ces immigrés ont tendance àdépendre particulièrement de la forêt pour gagner leur vie.Cette dépendance a plusieurs causes : leur rôle dans ledéfrichage et donc leur contact étroit avec la forêt et sesproduits ; leur pauvreté – qui accroît leur dépendance àl’égard des produits forestiers mineurs (par exemple, larécolte de feuilles de Marantaceae qui servent àenvelopper des produits cuisinés (Agyemang, 1997)) ; etleur vulnérabilité, les PFNL constituant un important filetde protection en temps de crise et lorsque le travail vient àmanquer 14.

Les hommes à la tête des chefferies ont joué un rôleimportant dans le processus d’immigration qui a lui-mêmeété souvent une source de conflit au sein de la communautépossédant des terres car la plupart des revenus provenantde l’établissement des immigrés revenaient aux chefs eux-même15. Cela a entraîné des tensions sociales considérablesdans de nombreuses régions, une partie de la populationautochtone éprouvant du ressentiment à l’égard del’inégalité de la distribution des revenus et des faiblesloyers versés. La tension avait souvent des connotationsintergénérationnelles, les plus jeunes reprochant à leursaînés de “vendre” leurs droits acquis à la naissance,accusations qui ne peuvent que s’aggraver à mesure queles générations âgées disparaissent et que la pression sur laterre augmente.

En plus du rôle joué par les chefs dans la distribution desterres à l’époque contemporaine, il faut aussi tenir comptedu fait qu’ils sont souvent eux-mêmes d’importantsentrepreneurs en milieu rural, avec de grandes plantationsde cacao, café, huile de palme et cultures vivrières et desintérêts dans la filière bois : coupe, transport ettransformation. Le Ghana est une société relativementriche et ces entrepreneurs peuvent être des personnalitésimportantes dans l’économie locale.

La société rurale ghanéenne est socialement trèsdifférenciée, par rapport au reste de l’Afrique de l’Ouest etil y a une polarisation des propriétés foncières comme lemontrent les données d’Amanor (tableaux 5 et 6).

Ce qui est frappant dans ces chiffres, c’est la grandediversité de superficie (0-16 ha et plus), la distributionassez égale des surfaces, la variété des accords contratsd’accès à la terre et le nombre non négligeable (bien queminoritaire) de parcelles tenues par des femmes.

En résumé, la structure sociale de la ZHF ghanéenne estcelle d’une différenciation sociale assez marquée et, pourl’Afrique de l’Ouest, exceptionnellement marquée, lespopulations vivant dans les forêts étant organisées enstrates à la fois sociales et économiques constituant uncertain nombre de groupes d’intérêt relativement bienséparés. Les conséquences pour la foresteriecommunautaire sont examinées ci-après.

Propriétaires fonciers traditionnels et autres habitantsdes forêtsEn ce qui concerne les possibilités qu’un tel systèmepuisse aboutir à une gestion forestière à la fois équitable etdurable, elles sont mitigées. D’un côté, le fait que la forêtsoit sous un régime de propriété indigène et non pasentièrement sous la coupe de l’Etat a, de bien des façons,une influence positive. En outre, l’existence d’unestructure formée d’institutions indigènes qui ont un intérêtdans la forêt et qui investissent dans sa gestion est aussi unélément encourageant. D’un autre côté, plusieurs aspectsde la présente situation suggèrent que la conversion debénéfices locaux accrus en une gestion forestière durablerisque de ne pas être chose facile. En particulier, on peuts’inquiéter que ceux qui sont les plus en contact avec laforêt et les plus dépendants de ses produits ont le moinsintérêt à investir dans une bonne gestion à long terme et ontles plus faibles niveaux de “propriété” personnelle, tandisque l’un des grands rôles historiques de ceux qui ont leplus de droits de propriété – les instances des chefferies –se sont plus préoccupés de convertir la forêt à l’agricultureque de la conserver. De surcroît, ils se sont récemmentengagés dans diverses entreprises telles que l’exploitationdu bois, apparemment sans beaucoup se soucier d’unebonne gestion à long terme.

Naturellement, on ne peut pas affirmer que l’augmentationdu flot de bénéfices revenant aux autorités foncièrestraditionnelles n’aura aucun effet positif. Néanmoins, il estclair que les chefs n’ont pas les mêmes vues que leurs

14 Les revenus du travail dans les activités PFNL sont souvent très faibleset, donc, ce travail est fréquemment effectué par ceux qui ont le moinsde choix – des gens pour qui, en situation de destitution, le moindrerevenu est mieux que rien. Ce sont généralement des migrants,notamment venus du Nord.

15 Dans une économie agricole en expansion, les chefferies des zoneslimitrophes jouent des rôles similaires dans la réglementation de l’accèsà la terre et au travail comme, par exemple, l’administration Krobo dansce qui est aujourd’hui la région orientale (Amanor, 1994 : 58-60).

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prétendus administrés qui ont, eux-mêmes, toutes leschances d’être assez fortement différents les uns desautres. Comme le démontrait Ascher (1995 : 40), le faitque ces chefs comptent probablement sur l’exploitationdes ressources pour leurs propres revenus, sous diversesformes, doit certainement modifier la possibilité del’émergence d’une stratégie communale en matière deconservation forestière et cela aussi bien pour les chefsque pour les autres habitants des forêts.

Ainsi, de nombreux intérêts convergent sur la forêt etpeuvent très bien apparaître dans les activités de foresteriecommunautaire financées par l’aide au développement,mais cela ne signifie pas que tous ces intérêts soutiennentforcément l’objectif de conservation forestière. L’intérêtdes travailleurs venus du Nord pourrait bien résider dansce que la formule taungya représente pour avoir un accèstemporaire à la terre, sans avoir à partager la récolte 16.L’intérêt des cultivateurs de cacao immigrés devraitrésider dans la sauvegarde de leurs droits fonciers.L’intérêt principal des chefs réside dans l’augmentation deleur prise de bénéfices. L’intérêt de l’Administrateur desChefferies Territoriales est d’améliorer la collecte des 10% de revenus provenant de diverses sources, y compris del’industrie du bois et des tenures agricoles ; et ainsi desuite. Il n’y a aucune garantie de pouvoir produire unmodèle unique de conservation indigène à partir d’unenvironnement social aussi complexe. On peut aussi

mettre en doute la notion que, laissés à eux-mêmes etassurés d’accroître les bénéfices qu’ils tirent desressources forestières, ces divers intérêts vont, parmiracle, se rallier autour d’un objectif unique deconservation forestière.

Le rôle des autorités localesLe fait que la “communauté” concernée est définie plus entermes géographiques que sociaux pourrait signifier quel’avenir repose davantage dans un gouvernementterritorial (les Assemblées de District) que dans lesautorités culturelles traditionnelles (les chefferiessouveraines). A la différence des autorités traditionnelles,les Assemblées de District ont un mandat spécial :‘identifier les ressources et potentiels économiques dudistrict.... identifier les possibilités et difficultésd’exploiter ces ressources (et) préparer l’exploitation etles plans et stratégies d’aménagement”. Au contraire, laChefferie n’a d’autre préoccupation que d’utiliser sa partdes royalties pour “le maintien du statut de la chefferie’.

Au Ghana, les autorités locales, du moins au niveau desstructures, constituent un système notablementdémocratique, et libre de beaucoup des influencesexternes que Ribot (1995a, 1995b) considère comme lamarque d’une démocratie dévoyée. Les membres desAssemblées de District ghanéennes sont élus à partir d’uneliste indépendante et purement locale. La loi leur interditde s’allier aux partis politiques nationaux. Les particulierssont libres de s’inscrire sur la liste électorale du district deleur choix de sorte qu’il n’y a pas de barrière structurelleempêchant les immigrés ou les agriculteurs étrangersd’exercer leur droit démocratique dans la région où ils

Asankrangwa(Région occidentale)

Akyem Oda (Région centrale)

Begoro (Région orientale)

Mampong (Région achanti)

Exploita-tions:

Femmes Hommes Femmes Hommes Femmes Hommes Femmes Hommes

Aucune 2 0 15 18 48 28 12 29

2 ha oumoins

26 7 56 41 25 28 37 9

2-6 ha 43 51 23 25 25 37 40 32

6-16 ha 29 33 6 12 2 6 7 18

>16 ha 0 9 0 4 0 1 4 12

Nombred’exploi-tants danslesondage

48 97 79 79 64 80 57 84

Tableau 5 : Superficie des exploitations tenues par les femmes et les hommes(% des exploitants)

Source: Amanor, 1996 : 34

16 Dans le système taungya modifié, actuellement pratiqué par l’Officedes Forêts, les participants peuvent garder l’ensemble des revenus deleurs parcelles (pas simplement la part abusa) à condition de planter etde soigner les plants d’arbres fournis par l’Office et de ne pas planter demanioc car il dégrade le sol.

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résident. Les Assemblées reçoivent 55 % des royaltieslocales et l’on peut supposer que les membres desAssemblées considèrent que de faire profiter des revenusforestiers ceux qui supportent les conséquences del’exploitation forestière est une bonne manière d’acquérirla faveur des électeurs. L’OGF examinent les possibilitésà ce sujet et cherche à accroître la compréhension des liensentre revenus forestiers, dépenses publiques locales etconservation forestière.

Face à ces arguments, il faut souligner le fait que lesdistricts ont souvent de vastes territoires (parfois plus de5000 km²) et de fortes populations (dans les zones ruralesde la ZHF, les districts de 50 000 à 150 000 personnes sontmonnaie courante). Leur gestion n’a souvent pas grandchose à voir avec les besoins des habitants des forêts sur leplan matériel et social17. Les dépenses du District portentessentiellement sur la santé et l’enseignement ; elles sontconcentrées dans les zones urbaines éloignées des forêts(et la préférence urbaine dans l’éducation a tendance à êtreaussi bien idéologique que matérielle) ; l’allocation desdépenses peut favoriser les autochtones au détriment desimmigrés18, etc. Au niveau local, les “Comités de section”qui sont beaucoup plus proches de la forêt peuventconstituer un bon moyen de lier les revenus aux services

locaux et, donc, de favoriser la conservation des forêts.Cependant, ces comités n’ont été créés que récemment (lespremières élections ont eu lieu en septembre 1998).

Un sujet d’intérêt similaire concerne les fonctions del’Administrateur des Chefferies Territoriales. LaConstitution de 1992 stipule que ‘l’Administrateur deschefferies territoriales et la commission des terresrégionales consulteront les chefferies et autres autoritéstraditionnelles sur toutes les questions liées àl’administration et à l’aménagement des terres deschefferies et mettront à leur disposition toutes lesinformations et données nécessaires. (...) La Commissiondes Terres Régionales et l’Administrateur des ChefferiesTerritoriales assureront la coordination avec tous lesservices publics compétents, autorités et chefferiestraditionnelles lors de la préparation d’un cadre de travailpolitique pour un développement et un aménagementrationnel et efficace des terres des chefferies’ (article 267).L’Administrateur des Chefferies Territoriales a donc lapossibilité de contribuer utilement au processus decogestion.

Le changement de tenureLe changement de tenure n’a pas été perçu comme unemanière très prometteuse de conserver les forêts au Ghana,du moins au niveau du projet et cette opinion est assezjustifiée. Le danger est que le fait d’accroître la sécuritéfoncière des propriétaires – de toute évidence en leuraccordant des droits de tenure absolue sur les arbres –affaiblirait sérieusement la position des agriculteurslocataires. D’un autre côté, sans un certain renforcementdes droits des propriétaires aux revenus provenant des

Asankrangwa (Région occidentale)

Akyem Oda (Région centrale)

Begoro (Région orientale)

Mampong (Région achanti)

Originede laterre:

Femmes Hommes Femmes Hommes Femmes Hommes Femmes* Hommes

Propriétépersonn-elle

54 83 71 60 36 55 73 62

Propriétéduconjoint

29 1 9 7 11 1 12 1

Location 2 2 8 15 15 18 10 31

Métayage 16 15 11 18 36 22 0 3

Nombredeparcellesagricolesdans lesondage

63 153 125 123 115 174 178 347

Tableau 6: Origine des terres cultivées en 1994 – Femmes et Hommes(% des parcelles agricoles)

Source: Amanor, 1996 : 34; les deviations du 100 % dans les chiffres aggregées, par colonne, se rapportent à l’arrondissement aux chiffres superieurs/inférieurs, avec une seule

exception (*) ou les données pour 5 % des femmes dans l’echantillon manquaient.

17 Stone et D’Andrea ont affirmé que la consolidation des brancheslocales des partis politiques nationaux représentant toute la populationd’une région ne saurait bénéficier aux forêts ou aux usagers traditionnelsdes forêts, pas plus que d’être sensible aux priorités forestières (1997).

18 Il y a quelques preuves de cela concernant le ciblage des dépensesd’infrastructure de certains donateurs, par exemple.

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arbres naturels, il est difficile de voir comment onpourrait les inciter à conserver les arbres sur leursterres. Ce qu’il faut, c’est une politique nationaleétablissant les droits des propriétaires mais quigarantirait aussi qu’un locataire ne puisse faire l’objetd’une éviction simplement pour permettre à sonpropriétaire de liquider les biens présents sur sa terre.Vu la nature informelle de nombreuses locationsrurales et des contrats de travail, ce défi législatifrisque d’être redoutable.

Les politiques d’exclusionLe bilan du Ghana à l’égard de ses réserves (protectionet production) est, dans l’ensemble, positif. En fait,certains préconisent la diminution de la superficieprotégée au lieu de l’agrandir. La politique menéeactuellement risque d’être remise en cause dans lesprochaines années, surtout si la pressiondémographique continue de monter dans les zonesrurales. L’introduction d’une nouvelle espèce decacao tolérant mieux la lumière pour remplacer lesvariétés actuelles de Tetteh Quarshie qui ont besoind’ombre représente une menace considérable et a déjàaltéré le paysage de nombreuses régions. L’avenir dela conservation passe probablement par une mise enoeuvre réussie des politiques du type déjà en route –une meilleure discipline dans l’industrie du bois, uneaugmentation des revenus versés aux habitants desforêts (et d’une manière qui renforce le lien entreconservation et services sociaux) et de meilleursmoyens d’existence tirés des ressources forestière par,à la fois, un accès facilité et une gestion améliorée.

Le rôle des mesures d’exclusion – telles que laproposition d’interdire l’utilisation artisanale destronçonneuses – est discutable. D’un côté, lesconsidérations sociales conduisent à penser qu’uneinterdiction aveugle est un instrument inférieur à desmesures plus positives comme l’officialisation desdroits des agriculteurs et des mesures juridiquesgarantissant que les paysans sont consultés avant toutabattage. Lorsque la terre est cultivée par deslocataires, on constate que les opérateurs detronçonneuses parviennent à un accord avec aussi bienle locataire que le propriétaire, mutuellementsatisfaisant. Cela milite en faveur des mesures degestion active selon le principe “à prendre ou àlaisser”. Le fait que l’interdiction devra être appliquéepar le nouvel OGF alors qu’il cherche à devenir unprestataire de service va encore un peu plus dans lesens d’un arrangement avec les pratiques locales.

A l’encontre de ces arguments, il y a le fait que lesartisans travaillant à la tronçonneuse ne seraient pasentièrement indépendants de l’industrie forestière (lesindustriels sont soupçonnés d’employer des artisanscomme sous-traitants dans les zones sensibles afin deprotéger leurs propres permis et intérêts). Dans lemême temps, l’expérience semble montrer que lesagriculteurs peuvent très bien souhaiter supprimer les

arbres de leur exploitation, notamment lorsqu’ilsconcurrencent des cultures beaucoup plus rentablescomme le cacao et le café. Ainsi, la logique del’argument en faveur de la conservation – qui veut quedonner de la valeur aux arbres encouragera lespaysans à les conserver – peut très bien ne pass’appliquer tant que des mesures spéciales ou la raretédu bois n’aura pas fait monter les prix beaucoup plushaut que ce qu’ils sont aujourd’hui. Toutefois, lasimple imposition d’une interdiction de ce type nedevrait pas, par elle-même, suffire à sauvegarder laressource – tout du moins tant qu’existent desincitations à faire d’autres cultures (café, cacao), quela surveillance reste aussi limitée et que les petitsexploitants n’ont pas un accès comparable à d’autressources d’approvisionnement.

Examen de l’étude de cas du GhanaIl est donc évident que nous nous trouvons dans unesituation où la recherche d’une participationcommunautaire accrue dans la conservation des forêtsest confrontée à des questions complexes de gestionfoncière profondément enracinées dans l’histoire, quitranscendent le secteur forestier et dont la résolutionnécessite la coopération d’intérêts de nombreuxsecteurs. Développer la capacité à comprendre cesquestions exigera du personnel de l’OGF deconceptualiser ses interventions et cela, à son tour, lesamènera à développer des compétences en termesd’évaluation sociale qui, à présent, leur fontgénéralement défaut. Pourtant ces compétences etcapacités ne devraient pas suffire, à elles-seules, pourmaîtriser l’environnement. Ces problèmes dépassentle niveau local et relèvent des question nationales etrégionales de politique environnementale. Lestentatives faites pour traiter ces questions uniquementau niveau local non seulement risquent d’êtreinefficaces à court terme, mais aussi de favoriser desaccords qui ne pourront pas être respectés à longterme. Dans une grande mesure, les questions sous-jacentes d’allocation des ressources (du fait qu’ellesaffectent la population en général) ne peuvent releverque d’une institution ayant une légitimité nationale –en d’autres termes un organisme d’Etat. L’ambition derapprocher ministères et départements publics poursupporter l’objectif de conservation représente un défimajeur que devra relever non seulement l’OGF maisaussi le gouvernement.

7.3 L’étude de cas du Cameroun

Le Cameroun constitue un contraste intéressant parrapport au Ghana car, dans ce pays, la démarche aconsisté à rénover radicalement le cadre juridique envue d’accroître l’efficacité de l’industrie et depromouvoir la participation communautaire à lagestion forestière. Bien que cela crée une puissanteforce de changement, c’est une stratégie politiquehautement risquée, notamment dans un pays (commele Cameroun) où les niveaux de propriété dans la

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législation nationale sont relativement faibles et la viepolitique locale peu développée.

Le principal moteur du changement des pratiques degestion forestière au Cameroun est la Loi forestière de1994 qui prévoit de nombreuses autres dispositions enplus de la foresterie communautaire, bien que cettedernière reste au centre de la législation. Pour biencomprendre le potentiel de la gestion forestièrecommunautaire au Cameroun, il faut avant toutclarifier les dispositions de la nouvelle loi.

Selon la législation camerounaise, toutes les terres quin’ont pas été vendues libres de toute obligation sont lapropriété de l’Etat. Cela reflète le passé colonial –essentiellement français – du pays. D’après lalégislation camerounaise actuelle et le droit françaisqui l’a précédée, toute “terre vacante et sans maître”appartient à l’Etat. Alors que dans la tenuretraditionnelle, la conversion “mise en valeur” d’uneforêt confère à son auteur le statut de “propriétairefoncier”, cela n’est pas reconnu par la législationnationale, notamment pour ce qui concerne les arbressur pied. Dans la pratique, la législation officiellen’est pas toujours appliquée et les “ventes” de terressont courantes mais le principe existe et il tend à

affaiblir la sécurité des tenures. Toutefois, pour laplupart des petits exploitants agricoles qui ont peu depouvoir d’achat, la seule manière d’accéder à la terre,autrement que par héritage, est de transformer la forêten terre agricole. Comme dans le cas du Ghana (bienqu’à un degré plus fort), les incitations pour le petitexploitant sont essentiellement à la “déforestation”(du moins en un certain sens car la plupart des fermesne sont pas sans arbres), et non pas à la conservationdes forêts.

Coïncidant avec le processus de réforme législative,un nouveau système de classification des terres a étémis en place. Il fait une distinction importante entreles domaines forestiers permanents et temporaires.Cette distinction indique si la forêt en question est – oun’est pas – susceptible d’être convertie pour d’autresusages et pas nécessairement la permanence de tels outels arbres (encadré 3). La première étape de lanouvelle classification aura été la rédaction d’un “plande zonage” pour la moitié sud du pays (les zonesforestières au sud du fleuve Sanaga) en 1993 parl’Office des Forêts avec le soutien technique del ’ONADEF, un service du Ministère del’Environnement et des Forêts. L’ONADEF était aidéen cela par un cabinet-conseil canadien, TECSULT

Encadré 3 : Statistiques élémentaires sur les forêts du Cameroun

Superficie nationale totale (SNT) 46 540 000 ha (1995)Superficie forestière totale 19 598 000 ha, dontSuperficie des forêts naturelles 19 582 000 ha

Domaine forestier permanent (plan de zonage) 64 % de la zone forestière(dont 43 % de forêts de production)Forêts non permanentes (plan de zonage) 31,5 % de la zone forestièreZones protégées (UMCN catégories I-IV) 4,5 % de la SNTMoyenne annuelle de changement du couvert forestier, 1980-95 -0,6 %

Population totale 14 540 000Moyenne annuelle de changement démographique +2,8 %

Contribution de l’agriculture au PIB 39 %Contribution du secteur forestier au PIB 4 – 7 %

(Revenus fiscaux de la foresterie : 19 milliards de francs CFA, soit 6 % du total des revenus)

Production moyenne de bois ronds (1993-5) 15 263 000 m3 (+30 % depuis 1983-5)Production moyenne de sciages (1993-5) 1 088 000 m3 (+136 % depuis 1983-5)Commercialisation moyenne de bois ronds (1993-5) 991 000 m3 (+82 % depuis 1983-5)(Import.- Export.)

(Le bois est au troisième rang des exportations après le pétrole et les produits agricoles (café, cacao et coton))

Structure de l’industrie forestièreNombre d’entreprises 414Nombre total d’emplois 19 235

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International, une filiale de Poulin-Thériault qui a aussiapporté un soutien technique au gouvernement lors dela rédaction de la Loi de 1994. Ce plan de zonage ne faitpas l’unanimité comme nous allons le voir ci-après.

Dans ce système de classification des terres, lesactivités d’extraction en forêt sont permises dans un

certain nombre de régimes de gestion possibles (voirencadré 3).

Chacune de ces catégories est soumise à des duréesd’exploitation différentes. Les forêts communautairesont une durée minimum de 25 ans, revue tous les 5 ans,tandis que les unités forestieres d’aménagement (UFA)

Encadré 4 : Classification et exploitation des forêts selon la Loi de 1994

Classification des forêts :

La Loi de 1994 classe les forêts camerounaises en deux catégories :

A. Les forêts permanentes ou classées qui ne peuvent servir qu’à des fins de foresterie ou d’habitats de la viesauvage ;

B. Les forêts non permanentes (non classées mais pas nécessairement “temporaires”) qui comprennent lesterres boisées pouvant servir à autre chose que ce qui est indiqué en (A).

A. Les forêts permanentes sont de deux types :

1. Les forêts domaniales qui comprennent les aires de protection de la nature (parcs nationaux, réserves degibier, etc) et les réserves forestières de production;

2. Les forêts communales devant être gérées par des conseils locaux, à partir de plans d’aménagement agrééspar le Ministère.

B. Les forêts non permanentes sont de trois types :

3. Les forêts communautaires;4. Les forêts privées, appartenant à des particuliers;5. Les forêts du domaine national, (à ne pas confondre avec celles de la classe A2, ci-dessus). Une classe

disparate où se trouvent toutes les forêts non incluses dans les classe A ou B4 (bien que la classe B3 soittechniquement une sous-classe de B5, elle est généralement traitée séparément).

La superficie des forêts classées “non permanentes” ne représente que 31,5 % de l’ensemble du domaine forestier,contre 64 % pour les forêts permanentes (dont 43 % de forêts de production).

L’exploitation des forêts :

Il y a deux types principaux de droits d’abattage, contrôlés par le MINEF :

1. Les concessions. Depuis 1996, elles sont devenues des unités forestières d’aménagement (UFA) destinéesà constituer la classe dominante de droits d’abattage dans les forêts d’Etat (Classe A1). Elles peuvent fairejusqu’à 200 000 ha de superficie. L’UFA remplace les anciens permis de coupe et, à la différence de cesderniers, nécessite un plan d’aménagement établi avant l’exploitation des zones sous concession. Ces plansdoivent indiquer les sous-divisions de l’UFA qui seront exploitées annuellement (selon un usage bien établi,ces sous-ensembles s’appellent des assiettes de coupe).

2. Les ventes de coupe peuvent être accordées à l’intérieur comme à l’extérieur du domaine forestierpermanent et pour de petites zones (jusqu’à 2500 ha) ou pour un volume donné de bois sur pied (Eba’a Atyi,1997). Dans ce dernier cas, les droits sont de deux sortes ; les permis de coupe (jusqu’à 500 m3) etl’autorisation personnelle (jusqu’à 30 m3). Les ventes par zone et les permis de coupe doivent associer unexploitant agréé de la profession, tandis qu’une autorisation personnelle peut être accordée directement àun non professionnel (par exemple, un villageois) mais pour une utilisation non commerciale uniquement.Les ventes de coupe n’exigent pas, par elles-mêmes, de plans d’aménagement, bien qu’elles soient (dumoins théoriquement) sujettes à des limites au niveau des quantités et du type de bois autorisé à extraire.

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ont une durée d’exploitation de 15 ans, renouvelable19.

La nouvelle loi interdit, par ailleurs, l’exportation desgrumes brutes, 5 ans après l’entrée en vigueur de la loi (àpartir de juillet 1999). En dépit de nombreusesprédictions contraires (vu la faible capacité detransformation du bois dans le pays et l’hostilité del’industrie), cette mesure a été appliquée à temps, bienqu’avec de multiples dérogations qui risquent dediminuer son impact.

La promulgation de la nouvelle loi en 1994 fut suivie lestrois années suivantes par de nombreux changements deprocédure dans l’allocation des concessions d’abattageet dans le niveau de taxation. Ces changements étaientfortement encouragés par la Banque mondiale et le FMIdans le cadre du processus continu de dialogue sur lesecteur forestier lié aux discussions sur l’effortd’ajustement structurel renforcé au Cameroun. Ilscomprenaient :

• l’allocation de concessions au plus offrant (parsoumission cachetée) plutôt que l’allocationadministrative20 ;

• des changements progressifs dans le régime fiscal, avecune simplification considérable du système, l’emploi deprix FAB (franco à bord) pour le calcul de l’impositionet non plus les valeurs mercuriales21, et une importancebien plus grande donnée à l’origine géographique (plutôtqu’au type d’espèce) dans la fiscalité.

Les taux de taxation des grumes et des exportations de boistransformé ont également été révisés en 1997. On trouvaitdans cette catégorie une taxe progressive sur lesexportations de grumes pour pénaliser les sociétésexportant des grumes brutes au-delà des 30 % permispendant la période de transition avant l’interdiction desexportations de grumes. Tous ces changements dans lesystème fiscal s’accompagnaient d’une amélioration desmécanismes de surveillance et d’inspection indépendantes,

mis en place par des entreprises de gestion forestière tellesque SGS Forestry.

La mise en oeuvreBeaucoup de ces changements représentent,potentiellement du moins, des améliorations significativesdans la gestion de l’industrie. Conformément auxentretiens menés précédemment, la nouvelle loi et lesinnovations en matière de procédure ont vocationd’accroître la transparence dans des domaines qui,actuellement, en manquent manifestement. Il y a deuxgrands sujets de préoccupation : les questions de volontépolitique et la pertinence des changements face auxbesoins de la majorité de la population rurale.

Les questions de volonté politique sont intimement liéesaux questions d’adhésion nationale et, à cet égard, desproblèmes sérieux se posent concernant la capacité dusystème d’allocation de l’aide à promouvoir une véritableadhésion à la nouvelle législation camerounaise. Il ne faitaucun doute que le moteur de cette législation ne se trouvepas au Cameroun mais dans la communauté des donateurs,notamment à la Banque mondiale. De surcroît, il seraitdifficile d’alléguer que les conditions, dans lesquelles lanouvelle législation a été conçue, auraient favorisé cetteadhésion car l’essentiel du travail crucial de démarcationdu plan de zonage était dans les mains du cabinet-conseilcanadien (Ekoko, 1997). Une innovation inhabituelle et, àpremière vue, attrayante bien qu’en l’espèce rétrograde,concernait la nature du contrat régissant la consultation :son règlement dépendait entièrement des résultatsobtenus. On pourrait dire que cela n’a pas favorisél’adhésion nationale, dans la mesure où cela encourage latendance à mettre de côté la participation nationale, sousprétexte de non rentabilité, pour favoriser une approchedonnant des résultats recherchés essentiellement enfonction des critères du donateur et non pas de la sociétéconcernée. Le plan de zonage n’a que peu de rapport avecles systèmes d’utilisation des terres en pratique auCameroun et, donc, porte préjudice à la Loi de 1994(Penelon, 1996 ; Sharpe, 1998)22.

Dans toute intervention de donateur, une adhésionvéritablement nationale a toutes les chances d’être unecondition fondamentale de réussite mais c’est toutparticulièrement le cas lorsque des changements majeurssont envisagés dans la législation pour modifier ladistribution des pouvoirs et des ressources entre l’Etat et laSociété. Le fait que l’industrie forestière ait une influenceaussi disproportionnée au Cameroun est bien évidemmentune source de complication. Il y a le risque que la

19 Sous une forte pression des donateurs (notamment de la Banquemondiale), le texte original de la Loi forestière de 1994 autorisait unedurée d’exploitation de 30 ans pour l’UFA. Cependant, la législationcamerounaise l’a réduite à 15 ans renouvelables, avec révision tous lestrois ans, en partant du principe qu’une période plus longue comprometla souveraineté nationale (beaucoup de gros exploitants de bois sont desexpatriés) et que cela désavantage les sociétés d’exploitation locales quin’ont pas les finances nécessaires pour planifier à si long terme. Quelsque soient les mérites de cette question de souveraineté, l’effet a été deréduire excessivement la planification, en termes de paramètres établisde gestion des forêts tropicales. On pourrait donc dire qu’une occasionsignificative d’adapter les forêts camerounaises aux normes de gestionforestière durable a été gâchée.

20 L’expérience de ce premier tour d’allocations en apparence au plusoffrant ne semble pas indiquer que le système sera correctementappliqué. Moins d’un tiers des enchères remportées au premier tourallèrent au plus offrant ce qui représenta un manque à gagner pour l’Etatde l’ordre de 3 millions de dollars US.

21 Ces valeurs, fixées par le gouvernement, sont destinées à représenter lavaleur actuelle du bois d’oeuvre mais, en fait, ont tendance à ne pas tenircompte suffisamment de l’inflation et de l’évolution des marchés.

22 Que cela n’ait pas été plus combattu par les ONG militant pourl’environnement dans le pays est en soi une source d’inquiétude car toutindique qu’il y a une connivence grandissante entre les porte-parole dela conservation et l’industrie du bois, en faveur d’une claire distinctionentre les “forêts permanentes” (soit la grande majorité de la zone dehaute futaie restante) et les “forêts non permanentes” (généralement desaires boisées de seconde classe plutôt dégradées et résiduelles danslesquelles les populations rurales risquent de se voir de plus en plusconfinées).

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puissance financière de cette industrie serve à coopter leséléments de l’administration qui soutiennent ses propresintérêts partisans. Ce danger n’est que trop accru etencouragé par le fait que la législation camerounaise estcalquée sur le droit français, de sorte que c’est lapromulgation d’une loi et non pas la jurisprudence qui faitautorité pour toute action engagée devant les tribunaux.Une telle situation donne une grande marge de manoeuvreà toute personne hostile aux changements, en luipermettant de les contrecarrer par une application à lalettre de la loi pour bloquer toute activité nonexplicitement prévue, comme on l’a constaté les premièresannées23.

Dans une certaine mesure, les questions relevant desinstitutions locales engagées dans la mise en oeuvre d’unegestion à caractère communautaire au Cameroun offrentun parallèle avec celles rencontrées au Ghana. A l’inverse,cependant, l’introduction de la participation locale à lagestion forestière au Cameroun ne cherche pas à s’appuyersur une institution communautaire déjà bien établie. Enfait, la législation camerounaise ne cherche en aucunemanière à définir la nature de la “communauté” entre lesmains de laquelle la gestion d’une forêt communautairedoit être placée. On peut alors se demander si le terme“communauté” est une abstraction qui a encore un sensdans le contexte camerounais et s’interroger sur la manièredont la notion de “communauté” (quelle que soit sadéfinition) pourrait devenir opérationnelle dans la gestionforestière.

La notion de “communauté”L’absence d’une claire notion de communauté pose uncertain nombre d’interrogations. Au Cameroun,

l’identification à une communauté est importante bien quepas nécessairement supérieure en qualité à d’autres formesd’affiliation sociale basées sur la tribu, la parenté ou leclientélisme. De même, si la tribu constitue un moyen deréférence important, les institutions tribales n’en ont pasmoins, historiquement, été relativement faibles. Peu deprécédents historiques semblent indiquer que lesinstitutions tribales camerounaises qui existent encoreauraient la capacité d’être l’agent principal d’une gestioncommunautaire (Hobley et Shah, 1997). Le pointimportant a été souligné par Geschiere qui notait que ‘cequi est désormais considéré, dans le sud du Cameroun,comme des fonctions traditionnelles ne sont souvent quedes positions “essentiellement modernes” de pouvoir(que) les colonisateurs et les chefs ... se sont efforcés de ...“traditionaliser” – souvent avec relativement peu desuccès et sans beaucoup d’approbation de la part despopulations qu’ils devaient gouverner’ (1993 : 152).

Le Cameroun compte une grande diversité d’ethnies. Dansle sud du pays, par exemple, les populations des groupestribaux – Bulu, Beti et Fang – habitent les mêmes localitésou des localités voisines. Ces divisions socialesn’entraînent pas toujours des conflits sociaux et, dans biendes cas, les différents groupes coexistent harmonieusementdepuis longtemps (Djeumo, 1998 : 12)24. Parfois, lesdivisions d’origine sociale et les intérêts économiquespeuvent se chevaucher et empêcher la coexistenced’intérêts sur le même lieu de résidence. Cela estparticulièrement le cas lorsque les ressources sont, ou bienpeu abondantes et la concurrence pour y avoir accès estrude (comme dans certaines régions du sud-ouest), ou bienlorsque les différences de stratégie d’existence induisent(dans le contexte des récents changements législatifs) desconflits d’intérêts à long terme par rapport à la forêt. Unexemple de cela est la relation entre les sédentairesagricoles Bantous et les Pygmées chasseurs-cueilleursBakas dans les zones méridionales.

Ventes de coupe Assiettes de coupe (Concessions allouées)

Annéebudgétaire

Nationales Etrangères Total Nationales Etrangères Total

1991/2 48 17 65 pas disponible pas disponible

1992/3 100 33 133 pas disponible pas disponible

1993/4 127 44 171 76 170 246

1994/5 115 53 168 95 138 233

1995/6 127 46 173 141 157 298

Total : 517 193 710 312 465 777

Tableau 7 : Allocation des contrats d’exploitation forestière – par nationalité, 1991-6(Cameroun)

Source: Eba’a Atyi, 1998:19

24 En général, les conflits sur les ressources qui ont une dimensionethnique semblent moins graves dans les zones forestières que dans lesrégions de prairie et de savane, généralement plus peuplées (cf. Bouttier,1996).

23 Dans le même temps, il y a plusieurs manières de contourner la loi quipeuvent conduire à des abus. On a dit, par exemple, que des allocations“à la légère” de ventes de coupe ne tiennent aucun compte des intentionsde la nouvelle politique de gestion des concessions et qu’une sous-classerésiduelle de permis, les ventes de récupération, prévues seulementpour nettoyer des parcelles boisées dans des lieux destinés à d’autresutilisations (ex : plantations ou logements), sert maintenant à allouerclandestinement des droits de coupe.

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On ne connaît pas très bien l’importance de la mobilitédes populations au Cameroun bien que, d’une manièregénérale, elle devrait être moindre qu’au Ghana maisavec des variations locales notables. Certaines régionsont connu des mélanges importants de population à lasuite d’une longue histoire d’immigration et les divisionsau sein de la communauté peuvent être encoremaintenant particulièrement fortes. On pourrait prendrel’exemple de la province du sud-ouest – l’ancienCameroun anglophone – où les plantations decaoutchouc, d’huile de palme et de fruits, établies audébut de ce siècle sous tutelle allemande, ont suscité uneafflux massif de travailleurs immigrés. Dès les années1950, ceux-ci étaient plus nombreux que les autochtonesBakweris à raison de 16 pour 1, à proximité desplantations CDC proches du Mont Cameroun (Ardener etal, 1960) et ce ratio est probablement encore au moinsaussi élevé25. Sous la tutelle britannique, les conflitsgravitaient autour des “autorités indigènes” que lecolonisateur avait mises en place pour représenter lestribus et qui excluaient spécifiquement les étrangers detoute fonction politique (Sharpe, 1998 : 33). Les tensionsentre les autochtones Bakweris et les immigrés restentnon négligeables encore aujourd’hui (Geschiere, 1993 ;Sharpe, 1998). Sharpe (1998 : 39-40) s’est montréparticulièrement critique à l’égard de l’échec desrécentes interventions de développement pour ne pasavoir reconnu et pris en compte ces vieux conflitspolitiques. Parmi les raisons de ces échecs, il indique quela manière avec laquelle on a privilégié les méthodesd’enquête rapide et les techniques APR pour desrecherches pratiques (au détriment de recherchesethnographiques de longue haleine) ‘a conduit cesprojets à sous-estimer les processus historiquescomplexes qui sous-tendent ces relations’ (ibid).

La localité du Mont Cameroun est probablement plus oumoins exceptionnelle du fait de la longue histoire de sonagriculture de plantation. Ailleurs, les taux d’immigrationsont souvent plus faibles, même s’ils sont parfois en fortehausse. Par exemple, Sunderlin et Pokam ont trouvé dansune étude récente sur 38 villages du sud, que 46 % de tousles membres des familles (11 328 sur 24 565 personnesdans l’enquête) étaient nés hors du village où ils résidentactuellement (Sunderlin, 1998, com. pers.)26. Aucontraire, l’étude de Franqueville de ces mêmes villagesen 1974-75 donnait des pourcentages compris entre 5 et

15 % de résidents nés hors du village. Ces chiffres nedonnent pas nécessairement des indications précises dustatut de l’immigré au sens propre du terme (en ce sensque des autochtones peuvent être nés hors de leurterritoire) mais ils semblent indiquer que le brassage despopulations est en augmentation et maintenant important,même dans les zones moins peuplées de la ZHF.

Le manque d’adéquation entre communauté sociale etgéographique a, dans le présent contexte, d’autresimplications. Par exemple, les élites camerounaisescomme celles de toute l’Afrique centrale et occidentale,ont toutes les chances de vivre en dehors de leur villagenatal, tout en continuant de s’identifier à lui, car cetteaffiliation constitue un atout important dans une carrièreadministrative ou politique. S’il est facile de stigmatiserces élites et de les traiter de “parasites” vivant sur le dosde la “communauté” locale, leur rôle d’intégrationlocale-nationale est bien reconnu et, dans l’ensemble,considéré positif par les populations rurales auxquelleselles s’identifient. Toutefois, il y a le risque que ces élitesutilisent cette capacité d’intégration – faire le lien entrela communauté et le centre politique – pour “capturer”les ressources forestières, ou bien en prenant la tête deforêts communautaires fictives ou bien en employant desinformations confidentielles pour empêcher leurétablissement et favoriser les ventes de coupe, de la façonindiquée ci-après.

Les mécanismes de développement des “forêtscommunautaires”Les mécanismes devant permettre aux communautésd’exploiter la forêt sont, en grande partie, passés soussilence dans la Loi forestière de 1994. Le mécanisme leplus prometteur consiste pour les communautés à sous-traiter à des entrepreneurs agréés (qui généralementrepassent des ventes de coupe à des opérateurs plusimportants par un système appelé fermage).27 Néanmoins,dans de nombreuses circonstances, les opérateurs agrééssont beaucoup plus tentés de faire une demandedirectement de ventes de coupe que de sous-traitance desforêts communautaires.28 C’est en partie à cause des

25Ardener et Ardener donnent la répartition ethnique suivante de lamain-d’oeuvre dans les plantations CDC, en 1955-6 (les frontièresadministratives modernes ont été ajoutées ex-post par David Brown) :province du Sud-Ouest 28,1 % (dont 5,4 % de la sous-divisiond’accueil, province du Nord-Ouest 32,8 % et ailleurs au Cameroun“francophone” 6,9 %, Nigéria 31,5 %, autres 0,5 % (Ardener et al, 1960: 28)). Ces même auteurs identifièrent des membres de 36 tribusdifférentes des Camerouns britanniques (c’est-à-dire les provincesactuelles du S-O et du N-O) dans les archives du CDC en 1955 (1960 :23).26 Si l’on inclut la totalité des 31 104 personnes de l’échantillon (ycompris les filles et les fils des chefs de famille interrogés, ne résidantpas actuellement dans les villages), le pourcentage de gens nés hors desvillages descend à 37 % (Sunderlin, pers. com.).

27 La sous-traitance à des opérateurs agréés n’est probablement pas laseule façon pour une communauté d’exploiter le bois d’oeuvre d’uneforêt communautaire. La situation juridique est encore floue mais ilsemblerait qu’une communauté pourrait, dès qu’une forêt est reconnuecommunautaire, permettre aux villageois de couper du bois eux-mêmess’ils détiennent des autorisations personnelles (à raison de 30 m3 chacunmaximum) et à condition que le bois ne soit destiné qu’à leur utilisationpersonnelle.

28 Cela ne signifie pas que les entreprises d’abattage ne chercherontjamais à se servir de la législation sur la foresterie communautairecomme d’un subterfuge pour obtenir des ventes de coupe. Lorsque descommunautés ont déjà entrepris des démarches pour créer des forêtscommunautaires, les exploitants peuvent se sentir obligés d’intervenir.Vers la fin de 1998, par exemple, il y a eu trois exemples d’entreprisesd’abattage faisant pression sur des chefs locaux pour qu’ils s’allouent àeux-mêmes des forêts communautaires fictives. C’était dans la région deLomié où SNV travaille avec la population locale depuis plusieursannées. Suite à une intervention diplomatique de haut niveau, cettesociété a cessé ses interventions.

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règlements plus souples qui s’appliquent aux ventes decoupe (aucun plan d’aménagement n’est exigé, parexemple).29 Ce type de permis reste la forme préféréed’exploitation pour beaucoup de marchands de boisautochtones (et relativement sous-capitalisés) au Cameroun,comme le montre le tableau 7.

On peut s’interroger sur les chances de réussite qu’aurontles communautés locales lorsqu’elles chercheront àobtenir des droits sur les éléments les plus rentables desDomaines Forestier Non Permanent (DFNP), face auxentreprises indépendantes et mieux financées qui ont unmeilleur accès aux centres de pouvoir et n’ont pas à fournirde plans d’aménagement détaillés et coûteux. Ce n’estqu’en refusant résolument de laisser entrer les bûcheronsque les contrats de foresterie communautaire apparaîtrontà l’industrie comme une solution envisageable car, pour

l’instant, le prix de revient est largement défavorable.L’initiative Unité de Foresterie Communautaire (UFC),entreprise avec le soutien du DFID, a fait en sorte que desinventaires ne sont plus exigés avant même l’approbationd’une demande d’allocation de forêt communautaire etcela a considérablement réduit le risque financier encourupar ceux qui disposent de peu de fonds propres.Cependant, ces inventaires sont encore exigés avant depouvoir entreprendre l’exploitation et, selon le niveau deprécision requis, peuvent très bien coûter 75 $US l’hectareou plus. Il y a aussi le danger qu’une fois que lacommunauté aura investi dans l’inventaire, et que laprésence d’essences de bois de haute valeur aura étéconfirmée, des fonctionnaires peu scrupuleux soient tentésde prouver qu’une infraction a été commise par lacommunauté en question. Cela permettrait à une sociétéd’abattage d’intervenir et d’exploiter la zone comme unevente de coupe conventionnelle, bénéficiant gratuitementdu travail d’inventaire déjà effectué.

Encadré 5: L’exclusion des usagers non traditionnels des ressources – le cas deBimbia-Bonadikombo

Une stratégie préconisée pour promouvoir la gestion des ressources forestières dans des régions de grandecomplexité sociale a été d’exclure les usagers non traditionnels des ressources, notamment ceux d’origineétrangère. Un exemple intéressant de cela concerne la péninsule de Bimbia-Bonadikombo qui se trouve àquelques kilomètres seulement à l’Est du port de Limbé dans la province Sud-Ouest du Cameroun et qui estfacilement accessible depuis la ville. Encore relativement bien boisée (en partie parce qu’elle est protégée parcertains baux inutilisés par la Cameroon Development Corporation), la zone est devenue le lieu de prédilectiondes salariés de Limbé et des plantations avoisinantes qui cherchent à augmenter leurs faibles revenus par desactivités agricoles et l’on a pu voir, dans cette région, plus d’un millier de personnes effectuer à mi-temps desactivités agricoles ou apparentées. C’est aussi une aire de biodiversité exceptionnelle, l’un des points les pluschauds parmi les points chauds de la côte africaine (Hawthorne, com. pers.). La péninsule fait partie de la zoneoù le Projet Mont Cameroun (soutenu par le DFID et le Ministère camerounais de l’Environnement et des Forêts)a pour mission de conserver la biodiversité. Le dilemme confrontant le projet a été de trouver le moyen decontrôler l’accès à cette région sans avoir recours à des opérations de surveillance coûteuses et non durables. Audébut, l’approche favorisée consistait à soutenir les propriétaires traditionnels de la zone dont la pluparttravaillent maintenant dans l’industrie des services, hors des localités proches et souvent à Limbé. Il seregroupèrent en un comité de gestion – le “Comité des Terres et Forêts de Victoria” (ressuscitant ainsi le Comitédes Terres de Victoria, existant mais en sommeil, qui devait son nom au Limbé de l’époque coloniale) – avec unedouble ambition : préserver la biodiversité de la région et rétablir leurs droits traditionnels de propriété. Le Projetassurait le soutien logistique du groupe pour organiser des patrouilles de vigiles dans la péninsule, en associationavec le personnel de la branche départementale du MINEF, confisquant au passage les bois d’oeuvre illégalementabattus et empêchant l’accès des “squatters” aux terres agricoles. Ultérieurement, le MINEF et le Projet tentèrentd’élargir l’adhésion au comité, alors renommé Conseil de Gestion des Ressources Naturelles de Bimbia-Bonadikombo (CGRNBB) en acceptant des membres de l’extérieur, en dépit d’une certaine opposition dans legroupe. Dans les faits, les autochtones dominent encore le CGRNBB. S’il est vrai que cette situation peutconduire à la conservation de la biodiversité de Bimbia-Bonadikombo, elle risque cependant de renforcer lesrevendications d’une partie de la population. Si cela devait s’étendre au niveau national, cela pourrait créer desprécédents que le Gouvernement camerounais pourrait hésiter à accepter. Le dilemme est que les autres stratégiespossibles impliqueraient ou bien de confier la région au Conseil du District Urbain de Limbé pour peut-être enfaire une forêt communale (le Conseil a d’autres priorités que la conservation et la région a une valeur potentiellepour l’immobilier), ou bien d’essayer plus généralement de la réglementer, tout en sachant que les contrôlesseraient difficiles, coûteux et probablement non durables. Dans le même temps, il n’y a aucune assurance que lespropriétaires autochtones, s’ils réussissent à établir un droit de propriété, ne chercheront pas eux-mêmes àconvertir leurs terres en capitaux.

29 Le régime fiscal pour les forêts communautaires est le même que pourles ventes de coupe (Acworth, 1999).

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Même lorsque les populations cherchent à établir desforêts communautaires dans l’esprit de la nouvelle loi, il ya d’importantes zones d’ombre au niveau institutionnel.Le concept de “communauté” n’a un sens pratique pour lalégislation camerounaise que s’il aboutit à la formationd’une entité juridique, les deux principales possibles étantun groupe d’initiative commune (GIC) et un grouped’intérêt économique (GIE). L’institution légalement laplus concernée par la gestion des forêts communautairesdevrait être la première. D’après la loi camerounaise, unGIC n’a pas à comprendre tous les membres d’unecommunauté villageoise, trois membres suffisent. Il n’y apas nécessairement de rapport entre la “communauté” aunom de laquelle la forêt communautaire sera créée, et la“communauté” qui sera chargée d’en assurer la gestion.On peut donc craindre qu’un petit groupe, probablementdes élites urbaines d’origine rurale, n’utilise ses contacts“en haut lieu” pour faire approuver une forêtcommunautaire au nom de toute une communauté mais lagère au moyen d’une institution qui n’en représenteeffectivement qu’une petite partie. L’attitude de l’UFC aconsisté à éviter la question, en faveur d’une approche quiexige un maximum de consultations avec toutes lessections de la “communauté”. Cela a d’ailleurs été inscritdans le Manuel des procédures d’attribution et desnormes de gestion des forêts communautaires (MINEF,1998) et validé par un arrêté gouvernemental. Ainsi, lerisque de voir une “communauté” définie de manière àexclure des catégories locales importantes est, en partie dumoins, évité. D’un autre côté, plus négatif celui-là,l’ambiguïté incite au conflit et il faudra donc que toutgroupe victime d’exclusion conteste ouvertement lesprocédures suivies dans un secteur de la loi reconnu poursa conceptualisation insuffisante. Les groupes enquestions risquant fort de se trouver parmi les moinspuissants de la société et dépourvus d’alliés bien placés,cela risque de ne pas être facile.

Les demandes de création de forêt communautaire àce jourJusqu’à présent, il y a eu peu de tentatives de création deforêts communautaires mais toutes ont été problématiqueset aucune demande véritable n’a été encore approuvée(début 1999). Djeumo (1998) examine trois de ces cas,situés dans des localités différentes de la zone de hautefutaie. Tous trois ont rencontré de sérieuses difficultés. Onne s’en étonnera peut-être pas vu la nouveauté de lalégislation, les incertitudes sur l’approche à adopter et leshésitations à engager une procédure risquant d’êtrecoûteuse et d’avoir un effet négatif sur les intérêts de lacommunauté. Cela a d’ailleurs été le cas à chaque fois.Non seulement le processus était engagé à l’initiative desélites mais aussi, en grande partie, géré par elles ce qui créeun sentiment d’exclusion et de méfiance chez beaucoupdes villageois les plus pauvres. L’absence d’une voixcohérente parlant pour la communauté et les doutes sur lasignification d’une “participation entière” dans le contextelocal ont affecté ces trois tentatives, à des degrés divers,tandis que les rivalités entre tribus en ont bloqué une demanière significative (le projet SOLIDAMI, soutenu par

le WWF). Les villageois ont hésité, dans certains cas, àaccepter les restrictions d’utilisation que la transformationd’une zone en forêt communautaire signifierait, notammentparce qu’ils pensaient que les forêts leur appartenaientdéjà.

D’autres essais de conversion en forêts communautaires sesont soldés par des échecs. Les recherches de Penelon surle projet API-DIMAKO mettent en lumière le pouvoirdémesuré du “lobby” industriel et un exemple troublantd’alliance entre l’industrie et un organisme donateur(1997). Un grand nombre (plus de 50) d’autrescandidatures sont actuellement examinées mais il s’agit làd’un ensemble très hétérogène et la plupart n’ont pasrespecté les dispositions légales. Vu la complexité duprocessus juridique au Cameroun, les choses ne font quecommencer (Beng, 1998).

Les autres moyens d’associer les communautés à lagestion forestièreDonc, dans l’ensemble, la législation camerounaise enmatière de foresterie communautaire est extrêmementdifficile et le risque d’échec est bien réel. Le fait que lesforêts communautaires sont limitées aux forêts nonpermanentes est révélateur de leur marginalisation au seindu système d’exploitation forestière30, et il y a fort à parierque, si elles disposent de ressources en bois importantes,elles risquent d’être manipulées par des opérateurs sansscrupules utilisant des formes fictives de vente de coupe.Le danger est aggravé par la complexité de la structuresociale rurale et les multiples intérêts qui convergent endirection de la moindre parcelle de forêt. Ces deuxéléments constituent autant d’obstacles sur la routemenant à la solidarité communautaire.

Toute tentative d’évaluer le risque de poursuivre unestratégie de cogestion de ce type doit prendre en compte àla fois l’ampleur des besoins d’amélioration concernant laqualité de la gestion des forêts camerounaises (et cesbesoins sont certainement considérables) et les chances desuccès des autres stratégies possibles. Les forêtscommunautaires ne sont pas le seul moyen de faire profiterla communauté de la nouvelle législation, les communautésvillageoises bénéficient aussi de divers accords de partagedes revenus. On notera les taxes d’abattage, y compris desdroits d’abattage de 1000 francs CFA à l’hectare dans lesrégions soumises aux ventes de coupe et la taxe de 1500francs CFA à l’hectare dans les UFA (à partager dans lesproportions suivantes : 50 % au Trésor public, 40 % auconseil régional et 10 % aux communautés locales). Onpeut douter de la capacité des communautés locales àallouer ces ressources fiscales efficacement. Le problèmeest non seulement l’équilibre entre les bénéfices revenantà l’ensemble de la communauté (au contraire des revenus

30 Toutefois, ce n’est pas nécessairement la preuve qu’elles ne sont paséconomiquement viables car cette zone n’est en aucun cas entièrementdégradée et, bien souvent, on y trouve plusieurs essences secondaires –mais importantes pour les marchés internationaux – telles que les“ayous” (Triplochyton scleroxylon) – connu aussi au Ghana sous le nomde Wawa – et le “fromager” (Ceiba pentandra) connu aussi au Ghanasous le nom de “coton de soie”.

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individuels) et le manque probable d’expérience degestion au niveau du village, mais aussi la dépenseinappropriée des capitaux versés aux localités sansgarantie de reconduite lors du prochain budget de l’Etat.Il y a aussi la crainte que les sommes allouéesgéographiquement puissent constituer un moyen moinsefficace de favoriser une gestion forestière durable queles taxes directement liées à la gestion communautairequi exige et récompense une exploitation efficace dudomaine forestier.

Une question tout aussi discutable est de savoir si lespopulations locales ne bénéficieraient pas plus si, au lieude forêts communautaires, on les appelait forêtscommunales, sous le contrôle démocratique du maire etdu conseil local. L’encadré 5 considère le cas de Bimbia-Bonadikombo, dans la province du sud-ouest, où cetteapproche a été suggérée. Comme au Ghana, la logiquevoudrait que, lorsque les intérêts sont définis en termesgéographiques, au lieu de l’être par rapport à des groupesd’usagers non localisés, la forme la plus appropriéed’organisation soit territoriale et renforcée par lalégitimité d’un système démocratique. Les conseilslocaux sont élus au Cameroun, bien que sur des listesliées aux partis politiques nationaux avec toutes lesdistorsions possibles que cela suppose. Au Cameroun, leprocessus démographique, même au niveau national,s’est avéré un instrument très imparfait pour faireentendre la voix du peuple (cf. Ribot, 1995a). Toutefois,il y a des cas où ces formes de légitimation démocratique,en dépit de leurs imperfections, semblent apporter un peude cette transparence si nécessaire. Reste à voir si cetteforme de transparence sera mieux acceptée par leshabitants des forêts que celle apportée par les formesd’organisation sociale qui apparaissent autour desnouvelles “forêts communautaires”.

Finalement, il convient de considérer quelque peu lasolution contraire à la participation communautaire –l’exclusion catégorique – qui a été l’option préférée denombreuses initiatives de conservation et énergiquementsoutenue par la communauté des donateurs. S’il est vraique la politique d’exclusion et la recherche d’autresstratégies d’existence pour les communautés empêchéesde poursuivre leurs activités traditionnelles ont, toutesdeux, eu remarquablement peu de réussite au Camerounces dernières années (Brown, 1998a), ces deuxapproches sont encore très favorisées par les agencesenvironnementales. WWF-International, par exemple,soutient actuellement une initiative visant à doubler lasuperficie protégée en Afrique centrale (y compris auCameroun), une approche qui est soutenue par tous lesgouvernements intéressés.

Vu les piètres résultats de ces initiatives, cette évolutionserait déjà inquiétante en elle-même. En dépit de la faibledensité démographique dans la plus grande partie desrégions forestières d’Afrique équatoriale, peu de zonessont dépourvues de revendications foncièrestraditionnelles (voir, par exemple, Vermeulen, 1997) de

sorte que l’exclusion entraîne inévitablement aliénationet conflits sociaux. Pourtant, dans le contexte de stratégiefoncière visant à déclarer les deux tiers des forêts“Domaine Forestier Permanent” (DFP) – bloquant touteutilisation locale plus ou moins à perpétuité – le coût trèsélevé de l’exclusion risque d’être, immédiatement oupresque, supporté par de petits exploitants suffisammentinfortunés pour se voir confinés dans des zones de plusen plus en marge du domaine forestier non permanent.On ne s’étonnera donc peut-être pas que la politiqued’exclusion n’ait pas seulement les faveurs du lobbyenvironnemental, mais aussi de leurs partenairesnationaux et de l’industrie du bois (Sharpe, com. pers.) –une alliance qui ne devrait pas protéger les intérêts de lamajorité de la population rurale et qu’il convient decomparer à tous les avantages, réels ou potentiels, dontles populations locales pourraient bénéficier du fait de lanouvelle loi sur la foresterie communautaire.

7.4 Conclusion des deux études de cas

Le Ghana et le Cameroun présentent des contrastesintéressants concernant la stratégie générale visant àpromouvoir la réforme de ce secteur et le contexteinstitutionnel différent dans lequel cela s’est produit.

Une question intéressante émerge de ces études de cas.Nous apprennent-elles quelque chose sur l’attrait de lagestion “à caractère communautaire” des ressourcesnaturelles, à mesure que la population et la pression surles ressources augmentent ? La situation ghanéenne estavantagée, dans une certaine mesure, non seulement parson environnement institutionnel favorable, mais aussipar le fait qu’il y a dans ce pays un élément importantd’appropriation locale des changements, aussi bien dansle grand public que – et c’est crucial – dans les sphères oùse prennent les décisions. Cela reflète, du moins enpartie, le fait que la ressource est sous pression,l’industrie forestière menacée et l’opinion publiqueconsciente des intérêts économiques en jeu. Dans lemême temps, les conflits à propos des ressources ont unehistoire tout à fait particulière au Ghana et, dansl’ensemble, sont plus complexes qu’au Cameroun. Il fautdonc se demander si l’ambition de voir davantage debénéfices provenant de l’exploitation forestière revenir,non seulement aux propriétaires apparents des forêts,mais également à la “communauté” en général et auxpauvres ruraux en particulier, n’est pas en contradictionavec l’histoire de ce pays. Il est certainement ambitieuxd’espérer que cela peut se faire de manière totalementconsensuelle et à partir d’approches basées sur la gestionparticipative, sans aucune lutte de pouvoir. S’il est peut-être vrai que, toutes choses confondues, les forêts enpropriété locale représentent la catégorie de tenure ayantle plus grand potentiel pour la GFC (Carter, 1999 : 4),d’autres facteurs doivent être pris en compte, y comprisla complexité sociale qui peut très bien se développerdans de tels contextes, comme lorsque la propriété desressources a longtemps été entre les mains de lapopulation locale.

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Etablir de nouvelles formes de contrôle communautairesur les ressources naturelles dont la propriété estcontentieuse, n’est déjà pas facile dans une situation degrande complexité ethnique et sociale, mais c’est encorebien plus difficile lorsque ces ressources sont fortementconvoitées par une filière industrielle politiquementinfluente et disposant de liens avec des services techniqueset, plus généralement, avec l’élite politique. Le principe deforesterie communautaire est une idée énormémentambitieuse dans des sociétés où le tandem industrie-éliteest puissant. Sa viabilité est encore largement inconnue.Les implications de donner aux populations locales unintérêt dans la gestion du bois alors qu’elles profitaientauparavant essentiellement des PFNL ne constituentqu’un aspect de ce changement. On ne peut pasnécessairement supposer que les pratiques traditionnellesd’utilisation seront préservées et que toutes les catégoriesde population seront capables de garantir la poursuite desbénéfices que les forêts leur ont traditionnellementapporté.

Au-delà du problème d’équité dans la distribution desbénéfices à la communauté, la question se pose de savoirsi, même lorsque la distribution est équitable, ses résultatsaboutiront à améliorer la conservation de la forêt ou si elleoffrira simplement la possibilité à certains intervenantslocaux de capitaliser sur sa conversion à d’autresutilisations. Cela renvoie, en partie, aux débats sur lapréférence (ou autre) des pauvres à consommer plutôt qu’àthésauriser et, en partie, aux effets de l’instabilité politiquesur le comportement économique de l’ensemble descitoyens d’un pays, y compris des pauvres et, en partie, à lacomplexité technique de la gestion forestière durable. Leseffets de la gestion locale sur la composition des essencesd’une forêt et la préservation de son intégrité générale, nesont pas encore connus (cf. Reid et Rice, 1997).

8. LES QUESTIONS POSÉES

8.1 Les grandes questions d’occupationdes sols

Les arguments présentés ci-dessus suggèrent que lesproblèmes fondamentaux auxquels la cogestion des forêtsest confrontée sont autant des questions généralesd’occupation des sols, et même d’aménagement duterritoire, que des difficultés techniques de conservationdurable des forêts. Si la GFC doit devenir un élémentmajeur des systèmes de gestion des forêts, la premièrechose à faire est d’identifier ou d’affiner les structures etmécanismes juridiques et institutionnels permettant à laforesterie de s’engager dans d’autres secteurs et dans lesprocessus généraux d’aménagement. Les élémentsspécifiques à des situations particulières sont pertinentsmais, dans l’ensemble, ils risquent de dépendre dedécisions prises concernant l’allocation des ressources quitranscendent le niveau local et qui recoupent d’autresphénomènes bien plus importants d’économie politique.

Là où les intérêts industriels et ruraux entrent en conflit, leproblème des modes d’existence devient une préoccupationcentrale et le débat doit être recentré sur la question de lacogestion. Néanmoins, comme le montrent nos deuxétudes de cas, le concept des modes d’existence ne suffitpas, à lui tout seul, à en saisir la dimension humaine. Il fautaussi prendre en compte les perspectives historiques etsociologiques pour comprendre la diversité des intérêtsdans les ressources forestières.

Dans certains cas, pour résoudre les questions de gestiondu territoire, il faudra probablement s’attaquer à desproblèmes évidents d’allocation des ressources par le biaisdes structures déjà en place. Dans d’autres cas, il faudrapeut-être faire appel à de nouvelles structures et mesuresjuridiques pour valider les revendications de certainsutilisateurs par rapport à d’autres. La reconnaissance desdroits d’accès et de contrôle devra toujours prendredûment en compte aussi bien les questions de justicesociale que les impératifs de gestion durable. En dernièreanalyse, ce qui fera pencher la balance en faveur d’un typed’usagers plutôt qu’un autre, sera leur disposition à mieuxgérer la ressource. Les connaissances et pratiquesexistantes pourront jouer un rôle important à cet égard(selon le principe 22 de la Déclaration de Rio citéprécédemment (section 5)), bien que d’autres facteursdoivent aussi être pris en compte, y compris l’intérêt à longterme et les intentions des différentes catégories de lapopulation concernée. Cela relève, bien évidemment, desgouvernements respectifs et ne doit pas faire l’objet d’unarbitrage impromptu réalisé lors d’initiatives financéespar des donateurs. Les questions sous-jacentes sontintrinsèquement politiques et ne peuvent se réduire à desaspects techniques de la gestion durable, aussi importantssoient-ils. Il va sans dire que l’appropriation locale duprocessus politique constitue une condition fondamentalede la réussite dans un domaine aussi sensible auchangement et que, sans elle, il y a peu de chancesd’obtenir l’adhésion gouvernementale et populairenécessaire face à la complexité de ces questionsintracommunautaires et intersectorielles.

8.2 L’intérêt d’une approche sectorielle

Dans le même temps, les expériences récentes semblentmontrer que la progression des questions de foresteriedépend beaucoup de la création de points de pression et dedynamiques de changement au sein du secteur lui-même etnon pas de l’extérieur. Lorsque les questions de foresteriesont absorbées dans des débats plus généraux sur lagestion des ressources naturelles, elles risquent de passerau second plan au détriment des intérêts du secteur. Ledéveloppement agricole offre des avantages plus rapides,plus tangibles et, généralement, plus importants sous uneforme mieux acceptable politiquement ; sa justificationdépendant moins de facteurs extérieurs comme c’est le caspour la conservation des forêts. La gestion forestière estaussi vulnérable à la domination des groupes industriels audétriment des intérêts nationaux. Ainsi, les débats surl’allocation des ressources forestières sont facilement

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ramenés à la question des besoins de l’industrie. Le défit àrelever consiste à trouver les moyens d’engager le débatsur les questions plus générales d’aménagement duterritoire, sans perdre de vue l’intérêt des ressourcesforestières31.

8.3 Les accords de partage des revenus

Le secteur forestier pourrait constituer un modèle pour lereste de la société. En effet, ce pourrait être grâce auxaccords de cogestion forestière en matière de partage desrevenus et de cogestion associant l’Etat et la populationque les gouvernements se verront obligés de résoudre lesproblèmes plus généraux de transparence. Il est urgentmaintenant de clarifier ces accords de partage des revenus,de les rendre plus transparents et de s’assurer qu’ils soientconçus de façon à promouvoir la gestion durable, tout enpréservant les intérêts des pauvres et des plus vulnérables.Parallèlement, la cogestion forestière donne l’occasion deramener sur terre la rhétorique pédantesque de laparticipation et de la redéfinir comme un moyen detransparence.

8.4 Les conflits entre les organisationslocales et l’Etat

Shepherd a posé la question de savoir ‘qui arbitrera, unefois les projets achevés, les conflits entre les organisationslocales et l’Etat ?’ (1997 : 8). Les conflits communauté-Etat sont certainement possibles et peuvent aller bien au-delà. Dans les types de contexte évoqués ci-dessus, c’est lecas essentiellement pour trois raisons : primo, parce queles hiérarchies sociales historiquement validées donnentune base toute trouvée pour différencier les accès auxressources qui n’ont pas, jusqu’ici, été traitéspubliquement ; secundo, car le pouvoir excessif d’uneseule partie prenante (dans ce cas l’industrie forestière)risque d’accentuer les divisions sociales qui existent dansla société, en plus de ses propres stratégies demaximisation ; et, tertio, parce que la décentralisation(même les types de décentralisation limitée dont il s’agitici), si elle est intrinsèquement bénéfique, augmentera lesdangers de capture par l’élite – ou peut-être plusprécisément, aggravera les formes que cette capturepourront prendre.

L’un des problèmes est que l’Etat ne se situe pasnécessairement en dehors de ces conflits, pas plus qu’onne pourrait attendre de lui qu’il “reste au-dessus de lamêlée”. Il peut très bien rester discret tout en intervenantactivement contre les intérêts de ses citoyens. Dans ce casde figure, l’intervention d’un donateur a, par principe, deseffets positifs et négatifs. On peut mettre en doute le droitd’intervention de la communauté internationale dans les

questions de souveraineté nationale, et encore plus pourles forêts que pour la plupart des autres ressourcesnaturelles. Pourtant, certains diront que lorsque lesprocessus démocratiques sont absents ou sérieusementdéfectueux, l’intérêt national a, en fait, besoin d’uneprotection vis-à-vis de l’exploitation forestière industrielleet de ses clients. Comment ce droit peut s’exercer est uneautre question car cela compromettrait clairement lapossibilité d’une véritable adhésion nationale dontl’importance a déjà été démontrée. Il reste d’importantesquestions à résoudre dans un domaine délicat sur le planmoral, et centrales à toute “approche basée sur les droits”au développement.

8.5 Accroître la capacité de larecherche sociologique

S’il est vrai que beaucoup de progrès ont été accomplis cesdernières années dans l’introduction des sciences socialesau sein des techniques de foresterie, la GFC n’en reste pasmoins hautement dépendante des connaissancessociostructurelles. Accroître les recherches sociologiqueset historiques a donc toutes les chances de demeurer unenécessité constante dans de nombreux projets etprogrammes. Ce que ces deux études de cas nousapprennent est que si l’accumulation de connaissancessociologiques est souvent une condition sine qua non desinterventions en “phase expérimentale”, la compréhensionnécessaire n’est pas nécessairement ce que l’on peutacquérir à bon compte ou rapidement. Les méthodes derecherches participatives ont, sans aucun doute, leur placemais elles ne sauraient pas remplacer les études à longterme, en profondeur et plus rigoureuses qui sontindispensables pour comprendre de façon satisfaisantel’évolution historique des systèmes complexes de gestiondes ressources naturelles.

Les programmes de cogestion ont besoin de savoir oùtrouver ce genre de connaissances et doivent avoir lescompétences de les exploiter efficacement. Ils doivent êtrecapables d’identifier et de classer par priorité les conflitsassociés à la gestion des ressources au niveau desdifférentes directions et de distinguer ceux qui sontsusceptibles d’être résolus localement, de ceux quinécessitent une intervention à un niveau politique plusélevé. Dans ce dernier cas, il sera nécessaire (commeindiqué précédemment) de faire le lien entre les secteurspour permettre aux gouvernements de les traiter. Lesprojets financés par des donateurs sont bien placés pourrassembler l’ensemble des acteurs qui peuvent contribuerà clarifier ces conflits à propos des ressources et à lesmettre publiquement à l’ordre du jour. Les agencesmultilatérales et bilatérales (comme l’Union européenne)sont les mieux à même de traiter ces questions au niveaupolitique et à en débattre avec les gouvernements dans unerelation de partenariat. Les universités et les ONG ontaussi un rôle important à jouer, les premières en apportantdes compétences sociologiques, un engagement intellectuelà long terme et les connaissances historiques indispensablespour une analyse contextuelle, tandis que les secondes

31 Ce point est également mentionné par le PNUD sur les forêts qui note :“l’intégration intersectorielle et le maintien d’une approche holistique ettotale aux questions de foresterie constituent un défi fondamental” (1998: p.1 ; leur insistance).

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reprendront à leur compte les intérêts des sans-voix et desmarginalisés. En fin de compte, cependant, les décisionsdevront recevoir l’approbation de l’Etat, car aucun autreacteur ne peut revendiquer autant de représentativité. Lacogestion ne doit donc pas chercher à déposséder l’Etat deson contrôle et de son autorité (Hudson, 1997) mais faireen sorte que son rôle devienne plus vérifiable.

8.6 La place de l’information

Un autre domaine de préoccupation concerne les aspectséconomiques de la participation locale. Si la “participation”doit devenir autre chose que de la condescendance de lapart des donateurs, il faut clairement que les programmesde cogestion donnent la priorité aux accords de partagedes revenus, mettent l’information à la disposition de ceuxqui ont droit à une partie des revenus et leur donnent undroit de regard sur la manière dont les décisions sont prisesen matière de dépenses. Certaines des informationsnécessaires dans le secteur forestier sont élémentaires etfondamentales : la valeur des bois sur pied, les plus-valuesaprès transformation, le coût d’exploitation comparé auxbénéfices pouvant être réalisés si on garde les arbres surles terres communautaires, la plus-value obtenue auxdifférents stades de commercialisation des produitsforestiers et les contraintes imposées par les chaînescommerciales sur les bénéfices locaux. L’opinionpublique est généralement très peu informée sur cesquestions, en dépit des dépenses considérables consacréesà la “gestion participative”. Ces informations ont sûrementune plus grande importance aux yeux des communautéslocales que le genre d’idées actuellement véhiculées parles activités conventionnelles de “prise de conscience”organisées par les projets pour l’environnement et lesONG. Le fait qu’elles soient souvent traitées comme desdonnées commerciales confidentielles plus que comme(ce qu’elles devraient certainement être) des informationsimportantes à la disposition du public, ne fait qu’accroîtreles possibilités pour les programmes de cogestiond’informer le public des bénéfices associés à l’exploitationdu domaine national. Sans ces informations à leurdisposition, les communautés participantes ont peu dechances de négocier avec l’industrie, à leur avantage, etrisquent de devenir simplement le jouet des concessionsd’exploitation de bois, sous des formes déguisées etréductrices.

8.7 Les “communautés” et la notion dedéveloppement participatif

L’examen précédent a mis en lumière certaines desdifficultés rencontrées dans l’application des principes dedéveloppement participatif dans des situations où lanotion de “communauté” est contestée, où les élites sont enposition de capturer toute augmentation de la valeur de laressource et où la “participation” prend place dans uncontexte de déséquilibre politique fondamental. Cesdilemmes ne sont bien évidemment pas réservés aux paysen développement, ou au secteur forestier d’ailleurs, ils

apparaissent dans toute situation où les intérêts communsdes résidents vont à l’encontre des hiérarchies au pouvoiret de leurs intérêts économiques. En fin de compte, desconcepts tels que “communauté” et “participation”doivent être considérés comme des termes de secondordre, inférieurs en force et en légitimité à ceux de“transparence” et “démocratie”.

Les difficultés, dans le contexte actuel, sont de deuxordres. Premièrement, les structures démocratiques dansles sociétés en question ne peuvent opérer que de manièreinsatisfaisante, et encore si elles y parviennent.Deuxièmement, les structures démocratiques, mêmelorsqu’elles sont opérantes peuvent très bien ne pasgarantir une conservation effective des forêts. Toutefois,le message n’est pas nécessairement tout à fait pessimiste.Là comme ailleurs, la conclusion n’est pas simplementl’affaire d’un important défit à relever, mais évoque ausside grandes possibilités. Dans le contexte typique de l’Etatrentier, la GFC peut constituer virtuellement le seulvéhicule capable de faire avancer la cause del’aménagement des ressources et des modes de viedurables. On peut dire sans exagérer que le mouvement enfaveur de la cogestion des forêts tropicales représente unechance unique, non seulement de contribuer à laconservation des forêts, mais aussi d’en faire progresser lagestion.

9. CONCLUSION

Maintenant que l’enthousiasme initial suscité par ledéveloppement participatif commence à s’émousser face àla réalité des expériences menées, on commence à prendrela mesure réelle des défis confrontant le mouvement. Lavolonté d’employer au début un discours idéologique pourconstruire et motiver un rassemblement fort et confiant,fait place à la réalisation que les enjeux sous-jacents sontsouvent politiques et que le fait de les présenter comme desarticles de foi partagée et d’adhésion aux principesparticipatifs ne contribue pas beaucoup à clarifier cesracines politiques, cela pourrait même servir à les occulter.Il est de plus en plus admis désormais qu’on ne peut pasproposer un modèle unique de gestion en collaboration, àappliquer sans discrimination, quel que soit le contexte.Dans le même temps, la spécificité du contexte ne peut seréduire à la spécificité de la localité. Il convient doncd’appliquer une multitude de stratégies, en regroupant auniveau local des activités ayant de plus en plus la capacitéd’intégrer et de définir des instruments politiques etjuridiques.

Les implications pour la GFC sont diverses. Au point devue des projets, les questions concernent l’équilibre entreles intérêts sur le terrain et les initiatives politiques ; lanature, fonction et programmation des activités pilotes ; etla nécessité, pour les institutions de tutelle, de relierexpérience locale et politique nationale. Au point de vuedes programmes, les questions concernent les méritesrelatifs des approches sectorielles et intersectorielles, les

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limites de la délégation des pouvoirs du gouvernement, lerôle des organes de planification multisectorielle et del’ensemble des parties prenantes, le rôle des approchesbasées sur les droits et la nature des processusd’apprentissage par-delà les frontières. Tout cela faitappel à une plus grande coordination entre gouvernementset donateurs (ainsi qu’au sein de la communauté desdonateurs), et à l’union des différentes compétences etperspectives puisées dans une grande diversité de sciencesnaturelles et humaines.

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