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Prise en charge anesthésique d’une souffrance fœtale aiguë (SFA)

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Le praticien en anesthésie réanimation© 2007. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés rubrique pratique

Prise en charge anesthésique d’une souffrance fœtale aiguë (SFA)

Samy Figueireido, Vassilis Tsatsaris, Alexandre Mignon (photo)

Correspondance : Alexandre Mignon, Département d’Anesthésie Réanimation, Hôpital Cochin, 27 Boulevard Saint-Jacques, 75005 Paris. [email protected]

ouffrance ? Vous avez dit souffrance ? Souffrances, commecelles ressenties par une parturiente lors d’une extractioninstrumentale ou d’une césarienne en extrême urgence

sous « anesthésie trop légère » ? Souffrance ou stress, commeceux ressentis par les anesthésistes réanimateurs effectuant encatastrophe une anesthésie générale (AG) à des heures avancéesde la nuit dans les suites d’un appel « vite, vite, on passe aubloc pour SFA ! » le plus souvent injustifié ? Souffrance oustress enfin de l’équipe obstétricale de n’avoir pas été assezrapide pour extraire un fœtus présentant des anomalies durythme cardiaque fœtal (ARCF) inquiétantes, exposé au risquede décéder ou de présenter des séquelles neurologiques irréver-sibles ?Au centre du débat se trouvent la parturiente et son fœtus avecleurs risques propres et, autour d’eux, des professionnelsdevant gérer ces risques au mieux, ce qui n’est pas toujourssimple ! Si stress il y a, c’est qu’en effet, la mesure des risqueset de leurs conséquences est loin d’être établie, ce qui justifieen soit les efforts importants des obstétriciens pour optimiserles moyens de mesurer l’état du fœtus, et pour les anesthésis-tes de renforcer les conditions de sécurité et d’analgésie pourle travail comme pour les extractions, qu’elles soient instru-mentales ou chirurgicales.L’insuffisance d’analgésie ou d’anesthésie découle souvent de ladifficulté d’adapter ou d’étendre une anesthésie locorégionaledéjà installée, d’autant plus que l’anesthésiste n’a pas forcémentété sollicité au moment opportun (c’est-à-dire suffisamment tôt).À l’opposé, pour éviter une anesthésie générale, l’anesthésiste est

S

parfois amené à utiliser jusqu’au bout de ses ressources l’anesthé-sie péridurale. Les parturientes risquent alors d’être exposées àdes niveaux d’anesthésie trop haut situés et des blocs sympathi-ques dangereux. Enfin, certaines anesthésies péridurales serontconverties de manière périlleuse en anesthésie générale, alors quequelques minutes d’attente supplémentaire sans accroître outremesure le risque néonatal, auraient probablement permis de réali-ser une césarienne à moindre risque.

Nous tenterons donc dans cet article de ramener du calme et de lasérénité dans le débat pour rassurer et lever les inquiétudes par-fois injustifiées, et proposer un mode de fonctionnement basé surl’organisation, l’anticipation et la collégialité avec les obstétri-ciens. La conduite à tenir devant une SFA ne consiste-t-elle pasd’abord à développer une stratégie « à froid » pour éviter le plussouvent possible les anesthésies insuffisantes ou acrobatiquesdécrites plus haut ?

SFA ou ARCF ?

Le terme de « souffrance fœtale » est utilisé à l’excès, car il restetrès imprécis (1). Il ne doit d’ailleurs plus être employé mais rem-placé (en grande partie pour des raisons médicolégales) par celuimoins fort d’anomalies du rythme cardiaque fœtal. En effet, lasouffrance fœtale aiguë (SFA) est définie comme une hypoxiecapable d’entraîner la mort du fœtus ou des lésions neurologiquesdéfinitives (2). La SFA, qui peut survenir en cours de travail, durehabituellement quelques minutes. Elle est heureusement très raremais ses conséquences potentielles sont graves, puisqu’on estimequ’elle est responsable de 20 à 40 % de l’ensemble des infirmitésmotrices cérébrales et de 10 % des retards mentaux sévères (3). Leterme de SFA demeure pourtant en pratique très imprécis, car il estutilisé devant des anomalies du rythme cardiaque fœtal très varia-bles. Il existe ainsi une discordance très nette entre la suspicionfréquente de SFA au cours du travail, favorisée par le développe-ment du monitorage continu du RCF, et son incidence réelle à lanaissance évaluée à seulement 2 % par la mesure du pH et de laréserve alcaline au niveau de l’artère ombilicale (4).

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On distingue quatre grandes causes pouvant conduire à une SFApendant le travail chez un fœtus jusqu’alors sans problème :

– l’hypotension artérielle maternelle ;

– la rupture utérine ;

– l’hématome rétroplacentaire ;

– la compression du cordon ombilical.

■ La souffrance fœtale aiguë (SFA) est définie comme une hypoxie

capable d’entraîner la mort du fœtus ou des lésions

neurologiques définitives ■

Les contractions utérines d’un travail par ailleurs normal, en aug-mentant la pression intra-utérine, peuvent concourir à diminuer ledébut utéroplacentaire parfois déjà compromis, par exemple parune hypotension maternelle. À l’extrême, l’hypertonie utérine enest la manifestation la plus sévère, car l’utérus ne se relâchant plusdu tout, le débit utéroplacentaire est quasiment réduit à zéro demanière prolongée et peut per se conduire à une authentique SFA.Les conséquences des contractions et/ou de l’hypertonie utérinedoivent alors, en cas d’ARCF indiquant le début d’une hypoxémiefœtale, conduire à une « réanimation in utero » qui peut dans unpremier temps faire surseoir à l’indication d’extraction enurgence. Ainsi, la mise en DLG, l’oxygénothérapie, l’arrêt du Syn-tocinon® et le contrôle de la pression artérielle maternelle avec del’éphédrine, constituent le réflexe instantané de tout intervenant,comme l’a très bien montré le travail de l’équipe de Lariboisière(5). Enfin, en cas d’hypertonie utérine avérée, une tocolyse quireposait antérieurement sur les bêta-2-mimétiques et les halogé-nés et désormais sur la trinitrine intraveineuse (Nitronal®), parfoisà doses importantes (200-300 μg IV) peut s’avérer salvatrice (6). Ilconvient toutefois de ne pas oublier que parallèlement, il fautimpérativement corriger et maintenir la pression artérielle.L’éphédrine qui présente le double avantage de prévenir l’hypo-tension induite par la trinitrine et de provoquer une libération decatécholamines maternelles endogènes favorisant la tocolyse, estici le médicament de choix. L’intérêt de la réanimation in utero estsoit de corriger suffisamment la SFA pour retarder l’urgence àl’extraction, soit même de la corriger complètement, permettantd’éviter la césarienne.

Les éléments du diagnostic et surtout de la sévérité des ARCF fai-sant suspecter une souffrance fœtale aiguë étant bien connus, onn’y reviendra pas. Il conviendra toutefois de les connaître, ainsique d’autres paramètres importants, comme par exemple le terme.Faire courir des risques maternels inconsidérés pour la survenue

d’ARCF chez un enfant à terme à l’issue d’une grossesse normale sejustifie plus que pour la survenue d’ARCF chez un fœtus de24 semaines d’aménorrhée de 500 grammes au pronostic trèsdéfavorable ! Il est donc important de bien connaître les ARCFréellement significatives afin de mieux comprendre l’attitude obs-tétricale, et ne pas oublier que si la valeur prédictive négative duRCF est excellente (> 95 %), sa valeur prédictive positive reste trèsfaible (moins de 30 %) (7). Ceci permettra alors le plus souventd’anticiper la décision obstétricale de césarienne et parfois dediscuter sereinement du degré d’urgence avec notre collègue obs-tétricien, lui-même informé de nos problèmes et des risques atta-chés à l’anesthésie dans ce contexte. Il est clair en effet quel’urgence obstétricale liée à la SFA est un objectif qui diverge de lasécurité anesthésique de la mère. Un dialogue efficace entre l’obs-tétricien et l’anesthésiste et une compréhension mutuelle contri-buent à mieux concilier ces deux impératifs de sécurité qui sontparfois assez contradictoires.

De quel risque maternel parlons-nous ? Ou comment aborder sereinement l’anesthésie générale chez la femme enceinte…

L’urgence et le stress ressentis en cas de SFA peuvent conduire àdes anesthésies générales dans des conditions catastrophiques etaboutir au décès maternel (8). Sur la base d’études très insuffisan-tes (9, 10), on a associé l’anesthésie générale à un excès de ris-ques de mortalité chez les mères. Hawkins, en 1997, attribue àcette pratique un « sur risque » de mortalité maternelle d’un fac-teur 16, heureusement corrigé plus tard en 2003 à 6… Dans noscontrées où la mortalité maternelle s’approche désormais de5 pour 100 000 naissances et où la part directement attribuable àl’anesthésie est inférieure à 2 %, ces résultats ne peuvent raison-nablement pas être avancés pour interdire l’anesthésie généraledans les meilleures conditions de pratique quand elle est requise !

Il faut néanmoins remarquer que les accidents anesthésiques gra-ves surviennent pratiquement toujours dans le cadre de l’urgenceet non lors des césariennes programmées sous anesthésie géné-rale. Il est donc important de bien connaître les raisons de cettedifférence de risque. Certes, le taux d’intubation impossible est unpeu plus élevé (0,4 %) qu’en contexte non obstétrical mais, surune série importante de 5 800 césariennes sous AG (11), il n’aabouti à aucun décès heureusement, juste à une réflexion autourde la mise en place de stratégies en cas de contrôle difficile desvoies aériennes, sur la seniorisation, et sur la formation de nos

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jeunes qui malheureusement ne feront au cours de leur cursus quemoins de 10 AG dans ce contexte… La solution doit passer en par-tie par l’anticipation des difficultés : évaluation systématique desvoies aériennes des parturientes par une consultation d’anesthé-sie au moins un mois avant la date prévue de l’accouchement ou àdéfaut dès l’entrée en salle de travail. Si on craint une difficultéd’intubation-ventilation, une analgésie péridurale doit être miseen place dès le début du travail afin de réduire au maximum le ris-que de recourir à l’anesthésie générale. Dans les cas extrêmes oùun risque hypoxique lié à l’induction de l’anesthésie généraleparaît d’emblée inacceptable, il faut élaborer conjointement avecl’obstétricien une stratégie de prise en charge. Le but est alorsd’exclure tout risque d’anesthésie générale en urgence ou d’êtreen mesure de contrôler les voies aériennes grâce à des moyensadaptés. Cette stratégie individuelle d’anticipation est définie aucas par cas (par exemple : accouchement programmé sous analgé-sie péridurale voire sous rachianesthésie continue, possibilitéd’effectuer une fibroscopie voire une trachéotomie en urgence,anticipation des indications de césarienne pour anomalies du RCF,césarienne programmée d’emblée dans de rares cas extrêmes…).Le choix dépend notamment du délai et des ressources dont ondispose dans sa structure et peut parfois imposer un transfert encentre plus spécialisé, au même titre que toute autre pathologiematernelle grave. Enfin, les techniques et un algorithme d’intuba-tion difficile chez la femme enceinte doivent être connus de tous.Ils constituent une stratégie générale complémentaire permettantde faire face aux intubations-ventilations imprévisibles ou nondépistées. Nous présentons ici l’algorithme choisi dans notre ins-titution (fig. 1).

Le syndrome de Mendelson (inhalation de liquide acide gastrique)survient essentiellement au cours des anesthésies (générales) réa-lisées en urgence. La règle est donc d’intuber pour protéger lesvoies aériennes dès le terme de 16 semaines d’aménorrhée.L’administration d’un agent anti-H2 augmente le pH gastrique defaçon durable et réduit le volume gastrique résiduel. Ainsi, l’asso-ciation citrate + cimétidine ou ranitidine (Tagamet® ou Raniplex®

effervescent) permet d’obtenir un effet immédiat sur le pH gastri-que avant l’induction et une protection efficace lors du réveil.Enfin, si les risques d’inhalation gastrique sont augmentés parl’état gestant (encore que discutés), on a noté une quasi-absencede mortalité et des suites finalement relativement simples chez lespatientes de la série historique de Mendelson qui en 1948, nebénéficiaient ni de la cimétidine effervescente, ni de l’intubationavec ballonnet, ni de la ventilation mécanique, ni des antibioti-ques, ni des techniques de réanimation actuelles… Ce n’est paspour autant qu’il faut se dispenser de la protection des voiesaériennes par l’intubation systématique, en cas d’anesthésiegénérale évidemment.

En pratique, de quels délais dispose-t-on pour l’extraction en cas d’ARCF ? Quelle technique d’anesthésie faut-il choisir ?

Cette question est au centre des débats, et influence évidemmentle choix de la technique d’anesthésie (12). L’American College ofObstetrics and Gynecology a recommandé pour des raisons organi-sationnelles (et finalement assez peu médicales) de distinguertrois types de césariennes en fonction de délais acceptables pouréviter la mort néonatale ou l’infirmité motrice cérébrale (cerebralpalsy) (tableau 1) :

– extrême urgence (Emergent des Anglo-Saxons) : cette situationcorrespond à des circonstances de SFA ou d’ARCF où le délai entredécision et extraction doit dans l’idéal être inférieur à 10 minutes.Ces situations sont assez rares, et incluent l’hématome rétropla-centaire, la rupture utérine, la procidence du cordon ombilical etdes anomalies marquées, profondes et soutenues dans le temps duRCF. Dans le cas rare des procidences du cordon, le refoulementmanuel de la présentation fœtale peut parfois faire régresser tran-sitoirement une décélération voire une bradycardie fœtale. Cettemanœuvre simple transforme alors le degré d’urgence de cettecomplication classiquement redoutable et peut parfois permettrede disposer des quelques minutes supplémentaires nécessairespour obtenir l’installation complète de l’anesthésie locorégionalepour la césarienne.

Figure 1. Proposition d’algorithme de prise en charge de l’intubation impossible en obstétrique (Port-Royal).

Intubation impossible

Appeler de l’aide Maintenir la pression cricoïde

Ventiler au masque facial en FIO2 = 1Préparer masque laryngé

Préparer matériel de cricothyroïdotomie (± jet-ventilation)

Oxygénation adéquate Oxygénation inefficace

Souffrance fœtale aigue Souffrance fœtale aigue

Halogéné au masque (en O2 pur)

Extraction urgente

Masque laryngé

Oxygénation inefficace Oxygénation adéquate

cricothyroïdotomie

Oxygénation adéquate (jet-ventilation)

Extraction urgente

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– urgence non différable, où le délai entre décision et extractiondoit idéalement rester inférieur à 30 minutes. Dans cette catégo-rie figurent, outre les indications de défaut de progression ou destagnation de la dilatation, des situations d’ARCF d’importancerelative ou relativement rassurante (grâce par exemple à la réalisa-tion d’un pH au scalp > 7,25).

– enfin, urgence mais différable, pour laquelle on peut dépasserdes délais de 30 minutes.

En pratique, ces recommandations sont très peu validées dansla littérature, pour des raisons évidentes de méthodologie(aucune étude ne pourrait effectuer de randomisation pour desdélais longs versus courts, compte tenu des incertitudes desmoyens disponibles pour mesurer le bien-être fœtal, et c’est làque réside en grande partie le cœur du problème…). Ainsi,dans de très rares circonstances, la vie du fœtus semble immé-diatement en danger et l’obstétricien peut vouloir effectuer lacésarienne immédiatement lorsqu’il dispose d’une organisationgénérale adaptée. Si le délai décision-incision raisonnable àobtenir doit être ≤ 10 minutes, aucune technique d’anesthésielocorégionale n’est adaptée. L’anesthésie générale s’impose,du fait de sa rapidité de mise en œuvre et de son efficacitécertaine. Ces situations recouvrent habituellement les brady-cardies permanentes se prolongeant malgré la tocolyse. Ellespeuvent cependant parfois correspondre à des tracés moinsimpressionnants comme des décélérations tardives si elless’accompagnent d’une perte de la variabilité du RCF et/ou d’un

contexte aggravant (prématurité marquée ± chorioamniotiteou suspicion d’hématome rétroplacentaire ou de rupture uté-rine). C’est donc à l’obstétricien de déterminer s’il y a« extrême urgence ». En revanche, il doit être clairement conscientdu risque maternel encouru dans ces circonstances et donc êtreen mesure de justifier ce degré « d’extrême urgence ». Lors dutransfert de la salle de naissance à la salle de césarienne, lecontrôle du RCF est habituellement interrompu (sauf si télé-métrie). Ce contrôle doit alors être brièvement mais impérative-ment revérifié avant d’effectuer le badigeonnage de l’abdomen pourinciser. On constate en effet parfois une amélioration du RCFavec les mobilisations et les effets de la réanimation in utero,permettant d’éviter l’anesthésie générale, par exemple enétendant le niveau anesthésique d’une péridurale déjà enplace.

Lorsque la SFA n’apparaît plus immédiatement menaçante, undélai supplémentaire (≈ 10 minutes) peut être obtenu de l’obs-tétricien pour pouvoir utiliser une technique d’anesthésielocorégionale d’action rapide, à moins qu’elle ne soit « contre-indiquée » pour des raisons maternelles. Rasage pelvien,sondage urinaire et préparation de la table d’instruments chi-rurgicaux peuvent le plus souvent être effectués dans le mêmetemps (cas de l’extension d’une péridurale déjà en place). Enfait, l’expérience prouve que les délais entre la décision etl’extraction, sauf à réaliser la césarienne en salle de naissanceavec une désinfection sommaire et une procédure chirurgicalerudimentaire, sont toujours en moyenne de 15 à 20 minutes(13), ce qui laisse le plus souvent le temps à l’extension d’unepéridurale ou même la réalisation d’une rachianesthésie (àcondition de laisser faire celui qui sait…). Citons à cet effet lepapier princeps de Price (14) qui montre bien que la césariennepeut débuter dans un délai de 7,5 minutes pour 2/3 des partu-rientes, dans un délai de 10 minutes pour 90 % des parturien-tes, et dans un délai de 12,5 minutes dans la totalité des caschez des patientes qui ont bénéficié de l’extension de l’analgé-sie péridurale en anesthésie avec de la lidocaïne à 2 % semi-adrénalinée (15 à 20 ml). On mentionnera aussi l’étude deBéclère (15) qui, reprenant près de 200 cas de césarienne souspéridurale, rapportait le recours dans moins de 3 % des cas àl’anesthésie générale, avec des délais décision-extractionmoyens à 19 minutes… Un travail récent a tenté d’identifier lesraisons pour lesquelles la péridurale est parfois insuffisantepour réaliser la césarienne, et rend nécessaire le recours à uncomplément de sédation, voire à une anesthésie générale (16).L’obésité, la nécessité de faire de nombreuses réinjections aucours du travail, ainsi qu’un niveau d’analgésie antérieureinsuffisant constituent les trois facteurs indépendants de ris-

Tableau 1Classification des différentes classes d’urgence de césarienne.

Extrême urgenceDélai < 5-10 min

Urgence qui ne peut être différée

Délai < 30 min

Urgence qui peut être différée

Délai > 30 minHRP Échec d’extraction

instrumentaleDisproportion

fœto-pelvienne

Procidence du cordon avec ARCF

Présentation dystocique Présentation du siège

Herpes génital

Rupture utérine ARCF récupérant entre les contractions

Placenta praevia sans saignement

Hémorragies sévères

Stagnation dilatation

Échec déclenchement

ARCF anoxique ne récupérant pas

Pré-éclampsiegravidique

Stable

HRP : Hématome Rétro-Placentaire.

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que que la péridurale ne soit pas suffisante pour l’anesthésierequise pour la césarienne.

Ces études soulignent l’importance qu’il y a à exiger le meilleur del’analgésie péridurale à partir du moment où on a décidé de l’uti-liser pour l’analgésie du travail. Ceci implique de vérifier que lecathéter est en place, qu’il fonctionne bien, que le bloc est bilaté-ral, pour qu’au moment donné, sans mauvaise surprise, il puisseêtre utilisé en toute sécurité et après titration pour la dose anes-thésique de césarienne. Notons aussi que la présence des anesthé-sistes de manière régulière en salle d’accouchement, ainsi quedans les moments « chauds » (ceux où des anomalies du RCF sur-viennent, en particulier chez les patientes à risque) permet ledébut de l’injection de la dose anesthésique avant même le pas-sage sur le brancard avant d’aller au bloc opératoire, ce qui auto-rise dans l’immense majorité des cas la réalisation de la césariennesous péridurale sans recourir à l’AG tant redoutée…

Enfin, comment ne pas citer l’intéressante étude de Dyer (17)publiée en 2003 rapportant l’intérêt de la rachianesthésie pourcésarienne chez des pré-éclamptiques graves dont les fœtusprésentaient des anomalies du RCF, et chez qui les auteurs onteu le temps de randomiser entre AG et rachianesthésie ! Enthéorie, la rachianesthésie permet d’obtenir un bloc sensitifsuffisant pour la césarienne dans un délai de 10 minutes,même si l’extension maximale du bloc n’est obtenue enmoyenne qu’entre la 20 et la 30e minute. Cependant, il fautcompter un délai supplémentaire de réalisation technique de5 minutes au moins, même dans des mains très expérimentées.Ainsi, le délai total en théorie se situe à 15 minutes au moins,et sous réserve de ne pas rencontrer de problème technique lorsde sa réalisation. Dans le travail de Dyer, les délais inductionextraction sont comparables entre AG et rachianesthésie, avecrespectivement 9,7 min et 11,1 min ! Par ailleurs, aucune dif-férence néonatale n’est observée chez ces enfants pourtant ensituation de grande détresse in utero…

Nous proposons donc un algorithme décisionnel de choix destechniques d’anesthésie en fonction du degré d’urgence dans letableau 2.

Conclusion

La prise en charge anesthésique d’une SFA nécessite de l’orga-nisation, de l’anticipation et surtout de saines relations entreles deux partenaires obstétriciens et anesthésistes qui doiventconnaître et savoir à chaque moment se mettre d’accord surl’appréciation des risques fœtaux et maternels, dans le but

d’opter pour les meilleures stratégies. Ainsi, des anomalies duRCF ne doivent pas être obligatoirement synonymes dedemande extrême urgente d’anesthésie générale pour extraireun fœtus en condition excellente, mais au prix de complica-tions maternelles significatives. La remise en place rapide d’unmoniteur du RCF à l’arrivée au bloc opératoire peut être rassu-rant et permettre d’attendre l’installation d’une ALR dans lesmeilleures conditions. À l’opposé, les situations fœtales gravesne doivent pas faire perdre de temps et faire entreprendre uneanesthésie générale réalisée de manière sereine, ce d’autantque les éventuelles difficultés auront été anticipées et que lesprocédures, en particulier en cas de contrôle difficile des voiesaériennes, auront été établies et appropriées par l’équiped’anesthésie réanimation.

Tableau 2Choix des techniques anesthésiques en fonction des degrés d’urgence et des étiologies.

Délai Décision/ Extraction

(min)

Analgésie Péridurale

efficace

Analgésie Péridurale

inexistante / inefficace

Urgence extrême

< 5

Anesthésie générale

Extension de la péridurale à discuter

Anesthésie générale

Procidence du cordon

Rupture utérine

Hématome rétroplacentaire

Hémorragie de Benkiser

Urgence qui ne peut être différée

< 30Extension de la péridurale

Rachi-anesthésie

Anomalies du rythme cardiaque fœtal

Liquide méconial

Échec d’extraction instrumentale

Urgence qui peut être différée

> 30Extension de la péridurale

Rachi-anesthésie

Disproportion fœtopelvienne

Début de travail et contre-indication à l’accouchement par voie basse

Échec de déclenchement

Rupture des membranes

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