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Mec. Ind. (2000) 1, 251–257 2000 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S1296-2139(00)01036-8/FLA Problématique de la conception d’un siège ferroviaire en matériaux composites Stéphane Avril *, Woo-Suck Han *, Alain Vautrin * Département mécanique et matériaux, École nationale supérieure des Mines de Saint-Étienne, 158 cours Fauriel, 42023 Saint-Étienne cedex 2, France (Reçu le 15 mars 2000 ; accepté le 27 avril 2000) Résumé — L’objectif de ce travail est de concevoir une structure de siège de métro en matériaux composites et d’établir une méthodologie de conception, en vue de l’allégement de la structure et de la réduction du coût de revient, tout en respectant le cahier des charges qui impose des contraintes techniques et économiques. Une analyse globale a été faite sur l’ensemble des paramètres liés à la conception de la structure : dimensionnement, assemblage, procédé de mise en œuvre et choix des matériaux composites à utiliser. La solution retenue permet de réduire le coût de mise en œuvre par rapport au siège en matériaux métalliques, en diminuant le nombre de pièces à assembler. 2000 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS conception de structures / contraintes technico-économiques / dimensionnement / matériaux composites / mise en œuvre / siège ferroviaire Abstract Technical and economical constraints of composite material train seats design. The aim of this work is to design a frame of metro seat in composite materials and to establish a design methodology, in order to reduce the weight of structure and the manufacturing cost, respecting the specifications that impose technical and economical constraints. A global analysis was done on all parameters related to the design of the structure: sizing, assembly, manufacturing process and choice of composite materials to use. The retained solution permits reducing the manufacturing cost with regard to the metallic seat, by reducing the number of components to assembly. 2000 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS composite materials / design of structures / manufacturing / structural sizing / technical and economical constraints / train seat 1. INTRODUCTION L’objectif de ce travail est de concevoir une structure de siège de métro en matériaux composites et d’établir une méthodologie de conception. Cette étude doit per- mettre de substituer méthodiquement les matériaux dits classiques par les matériaux composites, en vue de l’al- légement de la structure et de la réduction du coût de re- vient. Pour atteindre l’objectif, il s’est avéré nécessaire de connaître la possibilité économique et technologique de l’utilisation des matériaux composites pour ce type de structure. Les matériaux composites à matrice polymère présen- tent beaucoup d’intérêt pour les transports, compte tenu de leur légèreté, rigidité spécifique et des nombreuses * Correspondance et tirés à part : [email protected], [email protected], [email protected] possibilités qu’ils offrent d’intégrer en une seule pièce plusieurs fonctions, ceci en particulier grâce aux pro- grès récents des procédés de fabrication. Les procédés de transformation, tels que le RTM permettent actuel- lement de réaliser des pièces de géométrie complexe à des coûts compétitifs par rapport aux pièces métalliques. L’absence d’optimisation au niveau de la conception des pièces composites conduit cependant à des coûts élevés en raison du prix des constituants. L’idée directrice de cette étude était d’imbriquer dès le départ les trois phases indissociables : la conception, la fabrication et le contrôle de pièces structurales. Une étude méthodologique initiale est en effet primordiale pour mettre en relief les étapes essentielles du processus de conception, les liens et les bouclages avec les autres phases de fabrication et contrôle. La spécificité des composites rend indispensable cette approche dans la mesure où la structure est bien l’échelle pertinente pour le concepteur. Les propriétés finales dépendent du procédé 251

Probl?matique de la conception d'un siège ferroviaire en matériaux composites

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Page 1: Probl?matique de la conception d'un siège ferroviaire en matériaux composites

Mec. Ind. (2000) 1, 251–257 2000 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservésS1296-2139(00)01036-8/FLA

Problématique de la conception d’un siège ferroviaireen matériaux composites

Stéphane Avril *, Woo-Suck Han *, Alain Vautrin *Département mécanique et matériaux, École nationale supérieure des Mines de Saint-Étienne, 158 cours Fauriel,

42023 Saint-Étienne cedex 2, France

(Reçu le 15 mars 2000 ; accepté le 27 avril 2000)

Résumé —L’objectif de ce travail est de concevoir une structure de siège de métro en matériaux composites et d’établir uneméthodologie de conception, en vue de l’allégement de la structure et de la réduction du coût de revient, tout en respectant le cahierdes charges qui impose des contraintes techniques et économiques. Une analyse globale a été faite sur l’ensemble des paramètresliés à la conception de la structure : dimensionnement, assemblage, procédé de mise en œuvre et choix des matériaux composites àutiliser. La solution retenue permet de réduire le coût de mise en œuvre par rapport au siège en matériaux métalliques, en diminuantle nombre de pièces à assembler. 2000 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS

conception de structures / contraintes technico-économiques / dimensionnement / matériaux composites / mise en œuvre /siège ferroviaire

Abstract —Technical and economical constraints of composite material train seats design. The aim of this work is to design aframe of metro seat in composite materials and to establish a design methodology, in order to reduce the weight of structure andthe manufacturing cost, respecting the specifications that impose technical and economical constraints. A global analysis was doneon all parameters related to the design of the structure: sizing, assembly, manufacturing process and choice of composite materialsto use. The retained solution permits reducing the manufacturing cost with regard to the metallic seat, by reducing the number ofcomponents to assembly. 2000 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS

composite materials / design of structures / manufacturing / structural sizing / technical and economical constraints / trainseat

1. INTRODUCTION

L’objectif de ce travail est de concevoir une structurede siège de métro en matériaux composites et d’établirune méthodologie de conception. Cette étude doit per-mettre de substituer méthodiquement les matériaux ditsclassiques par les matériaux composites, en vue de l’al-légement de la structure et de la réduction du coût de re-vient. Pour atteindre l’objectif, il s’est avéré nécessairede connaître la possibilité économique et technologiquede l’utilisation des matériaux composites pour ce type destructure.

Les matériaux composites à matrice polymère présen-tent beaucoup d’intérêt pour les transports, compte tenude leur légèreté, rigidité spécifique et des nombreuses

* Correspondance et tirés à part :[email protected], [email protected], [email protected]

possibilités qu’ils offrent d’intégrer en une seule pièceplusieurs fonctions, ceci en particulier grâce aux pro-grès récents des procédés de fabrication. Les procédésde transformation, tels que le RTM permettent actuel-lement de réaliser des pièces de géométrie complexe àdes coûts compétitifs par rapport aux pièces métalliques.L’absence d’optimisation au niveau de la conception despièces composites conduit cependant à des coûts élevésen raison du prix des constituants.

L’idée directrice de cette étude était d’imbriquer dèsle départ les trois phases indissociables : la conception,la fabrication et le contrôle de pièces structurales. Uneétude méthodologique initiale est en effet primordialepour mettre en relief les étapes essentielles du processusde conception, les liens et les bouclages avec les autresphases de fabrication et contrôle. La spécificité descomposites rend indispensable cette approche dans lamesure où la structure est bien l’échelle pertinente pour leconcepteur. Les propriétés finales dépendent du procédé

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de fabrication qui doit être intégré dès le début aux phasesde conception et dimensionnement.

L’analyse des paramètres associées à ces phases mon-tre qu’ils sont dépendants les uns des autres. En consé-quence, il peut être nécessaire d’établir un schéma de dé-pendance entre paramètres. L’utilisation d’outils convi-viaux et spécifiques d’aide à la conception est un moyentrès efficace pour arriver à une solution répondant au ca-hier des charges, en bouclant sur l’ensemble des phasesavec les paramètres prédominants. Ces outils doivent pos-séder une interface-utilisateur permettant au concepteurde naviguer de façon rapide et conviviale d’une phase àl’autre et tester diverses possibilités. La décision de bou-cler ou non sur une ou plusieurs phases précédemmentréalisées est prise sur la base de l’évaluation d’indices deperformance technico-économiques caractérisant le pro-cédé et les performances structurales.

Le travail a débuté par la prise en main du savoir-faire des sièges ferroviaires et du cahier des chargesfourni par la société Compin, un des grands fabricantsdes sièges ferroviaires français. Ce travail est réalisé encollaboration avec cette société.

La structure est composée d’un siège (assise, dos-sier et flancs), et d’un bâti (partie support). Chaque par-tie structurale est initialement assemblée de différentespièces métalliques. La démarche principale de ce travailest d’intégrer ces pièces en monobloc, afin de diminuerle coût de la mise en œuvre, en tenant compte du cahierdes charges.

Une analyse globale a été faite sur l’ensemble desparamètres liés à la conception de la structure : géométrieglobale, assemblages, procédés de mise en œuvre etchoix des matériaux composites à utiliser. La conceptiondu bâti de siège s’est poursuivie en menant une étude surl’optimisation de plusieurs variables dimensionnelles, enparticulier l’angle d’empilement des fibres du matériaucomposite utilisé, de manière à minimiser la masse de lastructure. Les résultats obtenus ont permis d’intégrer cebâti à la structure globale du siège de façon à proposerune solution sur le plan de la faisabilité technique etéconomique.

2. ANALYSE FONCTIONNELLE

Cette partie concerne la détermination des variables deconception prédominantes de la structure globale.

Pour positionner le problème, une prise en maindu cahier des charges et du savoir-faire concernant lessièges est indispensable. En parallèle, une acquisition de

connaissances sur la conception en matériaux compositesdoit permettre de le caractériser par un ensemble deparamètres.

Le marché actuel nous oblige à obtenir un compromisentre l’aspect technique et l’aspect économique, c’est-à-dire entre les propriétés mécaniques de la structureassurant le respect du cahier des charges et le coûtde revient compétitif par rapport à celui du siège enmatériaux classiques (environ 1 000 F par place). Parconséquent, la solution doit s’appuyer sur les avantagesdes matériaux composites et de leur mise en œuvre.

Une démarche par essais et erreurs, consistant àajuster un paramètre pour en connaître les conséquences(économiques ou mécaniques), a permis d’aboutir à unesolution acceptable.

2.1. Les contraintes de la conception

Le cahier des charges de la structure du siège imposedes contraintes de nature très différente :

• technique, liées à des dimensions géométriques àrespecter de manière à assurer le confort des passagers ;

• mécanique, décrivant les chargements que doit suppor-ter la structure ;

• matérielle, liées à la tenue au feu et à l’émission defumées toxiques en cas d’incendie. Ceci limite bien lechoix des matériaux composites, notamment celui de larésine ;

• économique, liées aux séries à fabriquer (2 000 siègespar an).

2.1.1. Contraintes d’ordre technique

La structure de siège est composée d’une partie siège,et d’une partie bâti. La partie siège comporte une assise,un dossier et des flancs latéraux. En ce qui concernela partie bâti, un schéma sommaire, inspiré d’un siègeactuel en aluminium moulé, est présenté dans lafigure 1.La poutre en porte à faux est fixée sur un pied quimaintient la structure au sol. La partie fixation au sol doits’adapter à la forme de la liaison prévue pour les siègespar les constructeurs de caisses de métro.

Le cahier des charges impose des maxima et minimades dimensions principales de l’assise et du dossier [1].Le confort postural des passagers est un souci primordial.C’est pourquoi une forme particulière de coque, résultantd’une étude menée sur le confort postural, a été retenue.D’autres dimensions sont inscrites au cahier des charges.

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Figure 1. Schéma du bâti de siège composé d’une poutre enporte à faux fixée à un pied en caisson.

Elles concernent l’encombrement sous la poutre de ma-nière à faciliter le nettoyage de la voiture sous le siège.

2.1.2. Contraintes d’ordre mécanique

La norme française NF F 31 119 dicte la tenue méca-nique de la structure sous plusieurs types de chargements.

En statique, la structure non garnie doit supporterles efforts statiques un par un ou combinés définispar la norme. Il ne doit y avoir après application desefforts aucune déformation permanente, ni fissure oudécohésion. Les modes de contrôle sont l’œil nu, desjauges extensométriques pour les déformations et descomparateurs pour les déplacements. Les déplacementsdes points d’application des efforts simples doivent êtreinférieurs à ceux définis par la norme [1].

En fatigue, des essais dynamiques sont effectués afinde simuler une période de service de 10 ans environ. Leschargements les plus restrictifs sont 100 000 oscillationsen bout d’assise et en bout de dossier à la fréquencede 2,5 Hz.

Pour la tenue au choc, on fournit aux éléments d’assisefixes un choc d’énergie égale à 490 J en laissant tomberun sac de 70 kg d’une hauteur de 0,70 m au milieu destraverses avant. Ce sac d’un diamètre de 30 cm devraêtre suffisamment rigide pour ne pas s’aplanir au cours del’impact (pas d’absorption d’énergie). Après une série dedeux essais, on mesure la hauteur de l’élément d’assise etil ne faut pas avoir de différence avec la hauteur d’assiseavant le choc.

Pour la tenue en vibratoire, les conditions de servicesont simulées.

Tous ces essais sont réalisés à la société Compin quidispose de plusieurs bancs d’essais à Évreux.

2.1.3. Contraintes liées à la tenueau feu/fumée

II s’agit des contraintes liées à la tenue au feu et àl’émission de fumées toxiques en cas d’incendie, quilimitent le choix en cas de l’utilisation d’un matériaucomposite à matrice polymère.

La SNCF et la RATP disposent d’une norme spéci-fique pour ce type de problème : norme NF 16 101. Elles’applique de la façon suivante : les matériaux non mé-talliques utilisés doivent être accompagnés d’une certi-fication donnant leur classement vis-à-vis de la norme.Les sièges de métro, qui circulent dans des souterrains,doivent suivre le classement le plus sévère M1F1 définidans la norme en fonction de l’inflammation ainsi que dela toxicité et de l’opacité des fumées émises. De plus, lastructure doit ensuite être testée dans l’ensemble au bancd’essais feu/fumée pour la validation finale.

2.1.4. Contraintes économiques

En plus des contraintes techniques précitées, il fautajouter une contrainte primordiale : le coût de revientd’une structure fabriquée pour une série de 10 000 unitésne doit pas excéder 1 000 F par place.

Cette contrainte économique nous oblige à investiguersur toutes les possibilités avantageuses offertes par lesmatériaux composites non seulement en terme de caracté-ristiques des matériaux mais également en terme de fonc-tionnement de la structure. Cette réflexion a lieu au coursdu dimensionnement.

Un des paramètres décisifs sur le plan économique estle procédé de fabrication. En conséquence, le choix duprocédé de mise en œuvre est pris en compte dès le débutde la conception.

2.2. Paramètre choix du matériau

Un matériau composite à matrice organique est consti-tué d’une résine thermoplastique ou thermodurcissablerenforcée par des fibres. Il est caractérisé par le type derésine, le type et la forme des fibres ainsi que par la pro-portion de chacun de ces constituants dans le matériaufinal dans lequel interviennent aussi d’autres substancescomme des charges ou des liants.

La conception en matériaux composites a pour objec-tif principal de réduire la masse de la structure. Pour quele coût de revient en série reste compétitif, le choix decomposites de haute performance a été exclu dès le dé-part. La fibre retenue est donc la fibre de verre.

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Une étude bibliographique menée sur la résistance desmatériaux composites au choc et en fatigue [2] révèle unemeilleure performance des fibres tissées avec un équilibredes propriétés dans le sens longitudinal et transverse.

En ce qui concerne la résine, celle qui est la plus utili-sée dans les structures compte tenu de ses performancesmécaniques est la résine époxyde. Cependant, la normeNF F 16 101 impose la classification M1F1 en terme dela contrainte feu/fumée [1]. Or aucun fournisseur ne pro-pose de résine époxyde qui a cette classification.

La tenue au feu d’un composite dépend du type etde la proportion de matière inflammable, c’est-à-dire larésine. En général, les fibres n’ont aucune influence surla tenue au feu/fumée du composite La tenue au feupeut être améliorée en augmentant le taux de charges dumatériau, mais en contrepartie la résistance mécaniquesera dégradée (l’ajout de charges se fait au détriment dela fraction volumique de fibres) et le coût de la matièresera augmenté.

Les résines avec des charges qui ont déjà obtenu desclassifications M1F1 sont les résines polyesters et les ré-sines phénoliques. Une préférence est donnée aux résinesphénoliques compte tenu des intensifications actuelles dela sévérité concernant la tenue au feu des matériaux utili-sés dans le ferroviaire. De plus, le taux de charges néces-saire pour obtenir la classification est plus faible pour larésine phénolique.

Une enquête auprès de fournisseurs des matériauxcomposites a permis d’obtenir quelques informations surle marché actuel des matériaux composites à base po-lymère ou des semi-produits préimprégnés [1]. Certainspréimprégnés standards utilisant la résine phénolique250C avec des fibres courtes ont subi une classification.

2.3. Paramètre procédé de fabrication

Cette phase a été réalisée dans le cadre d’une étudebibliographique [3]. Le procédé retenu permettant la miseen œuvre d’un composite avec renfort tissé se composedes trois étapes suivantes :

(1) moulage ou drapage du tissu ;

(2) imprégnation du tissu par la résine ;

(3) polymérisation de la résine assurant la cohésiondu matériau.

Les deux premières étapes peuvent être regroupéesen utilisant des tissus préimprégnés. L’utilisation de cessemi-produits augmente le coût de la matière premièredu procédé, mais permet d’obtenir les meilleures caracté-ristiques mécaniques du matériau. C’est entre le coût de

fabrication et la tenue mécanique qu’il faudra établir unpremier compromis pour le choix du procédé de fabrica-tion.

Les procédés les mieux adaptés aux structures sont lapultrusion, l’enroulement filamentaire et le drapage depréimprégnés, car ils assurent une proportion élevée defibres dans le matériau final. Ces procédés permettentde soutenir les cadences de 2 000 pièces par an, maisl’amortissement de l’équipement de la pultrusion et del’enroulement filamentaire ne peut se faire pour une sérieinférieure à 10 000 unités.

On peut aussi envisager un moulage au contact ouun moulage parResin Transfer Moulding(RTM). Maisles propriétés mécaniques seront malheureusement mo-destes. En conséquence, il en résultera la nécessité d’uti-liser plus de matière et la masse de la structure sera aug-mentée.

Un deuxième compromis à faire lors du choix duprocédé de fabrication concerne la forme des pièces àmouler et leur nombre. En vue de diminuer la massede la structure, il est nécessaire d’optimiser la formegéométrique. Par exemple, à masse constante, une poutrede profil circulaire résiste plus à la torsion qu’une poutrede profil carré.

Cependant, les coûts de fabrication se comportent defaçon inverse, car une structure ouverte est plus facile àmettre en œuvre qu’une structure fermée. En utilisant latechnique du drapage par préimprégnés, on est obligé,dans le cas où le démoulage est impossible, d’utiliserun équipement supplémentaire qui accroît les coûts defabrication.

Il est donc nécessaire de trouver un compromis entreles propriétés mécaniques, la masse et le coût pourdéterminer le procédé le plus adéquat. Le choix dépendaussi fortement de la géométrie globale puisque toutecomplexité au niveau de la forme va se payer à lafabrication. Ces paramètres sont très dépendants l’unde l’autre. Le choix de procédé dépend également del’évolution géométrique de la structure.

Il faut aussi noter qu’il existe des procédés spéci-fiques brevetés par certains fabricants ou encore à l’étatde recherche qui s’accordent aux autres paramètres de laconception liés au contexte industriel. Par exemple, unprocédé RTM élaboré par l’augmentation chimique de lamouillabilité des fibres [4] permet d’obtenir des proprié-tés mécaniques sur le matériau final équivalentes à cellesobtenues par le drapage de préimprégnés, mais avec uncoût de fabrication très intéressant.

Cette étude paramétrique souligne l’importance descoûts de fabrication. Une enquête auprès de transforma-

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teurs montre que l’utilisation de préimprégnés engendredes coûts qui dépassent largement le critère économique.En conséquence, nous avons retenu le procédé RTM avecune matrice phénolique renforcée par un tissu en fibresde verre imprégnées à la fraction volumique de 50 %.

3. CONCEPTION DU BÂTI

La substitution du bâti initialement en aluminiummoulé par les matériaux composites conduit à un coût defabrication inconcevable pour un projet industriel. C’estpour cette raison qu’il a été décidé de mener une étudesur la géométrie globale du bâti de siège afin d’intégrerplusieurs fonctions à une seule pièce en composite etainsi de profiter au mieux des propriétés de mise enœuvre d’une structure composite.

3.1. Étude de la géométrie globale

La première étape de la conception d’un bâti mono-bloc a consisté tout d’abord à intégrer les deux piècespied et poutre en une seule pièce de forme complexe àl’aide du code de calcul I-DEAS.

Un compromis a dû être trouvé entre la complexité etla fonctionnalité de la pièce :

• L’assemblage est un paramètre important pour le coûtde fabrication. Cette structure doit tenir compte de laliaison avec le siège et de la fixation au sol. Il estdonc nécessaire d’intégrer de nouvelles fonctions à lastructure.

• Même si on a cherché à diminuer le coût de fabricationen regroupant dans une seule pièce la poutre et le pied, lesgéométries globales qui assurent la fabrication la moinscoûteuse doivent être trouvées. En particulier, une facilitéde mise en œuvre et de drapage doit être recherchée.

• Lors de la conception, on doit prendre en compte lerespect des angles de drapage pour la fabrication.

Ainsi un modèle par élément fini, représenté dans lafigure 2, a été retenu offrant les fonctionnalités suivantes :

• ouverture permettant le démoulage ;

• particularités géométriques assurant l’assemblagesavec la partie siège et la fixation au sol ;

• ajustement des dimensions pour obtenir la rigidité et larésistance suffisantes.

L’ajustement des paramètres dimensionnels et d’as-semblage aura lieu pour déterminer la géométrie opti-

Figure 2. Modèle par éléments finis avec une ouverture endessous de la structure.

male, puis une comparaison finale en tenant compte descoûts du constituant et de la mise en œuvre sera faite.

3.2. Fixation au sol

La partie fixation au sol est très sollicitée car c’est parelle que passent tous les efforts. Un premier choix à fairea eu lieu entre l’utilisation d’un insert métallique fixé ausol et une solution tout composite. Cette fixation doit eneffet s’adapter à la forme existante sur le sol des voituresde métro.

Plusieurs solutions ont été explorées pour la concep-tion de cette fixation tout en matériaux composites :

• par le boulonnage au niveau du sol à l’intérieur dupied ;

• par le boulonnage à l’extérieur du pied sur le sol aumoyen d’un repli du bâti à ce niveau ;

• par le vissage à l’arrière sur le rail comme le cas dupied en aluminium.

Cependant, compte tenu du bras de levier constitué parla poutre en porte à faux, ces solutions subissent des ef-forts dix fois supérieurs à ceux engendrés à l’autre boutde la poutre. Le boulonnage peut provoquer l’endomma-gement du composite au niveau des liaisons.

Quant au pied métallique, la solution brevetée parCompin utilise un talon qui vient se fixer au sol etpar lequel passent tous les efforts sans aucun problèmede résistance. La solution retenue est donc l’utilisationde cette pièce métallique déjà existante, collée auxflancs inférieurs du bas du bâti en composite. La piècemétallique étant en quelque sorte insérée à l’intérieur dela coque du bâti en composites comme une botte.

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Ce choix d’assemblage impose de nouvelles contrain-tes dimensionnelles pour la partie basse du bâti.

3.3. Dimensionnement

Le dimensionnement a été effectué pour les charge-ments en statique. Le chargement le plus contraignant ducahier des charges a été déterminé. Pour cela, nous avonsutilisé une modélisation par éléments finis du bâti encas-tré au niveau de sa fixation au sol.

Le dimensionnement de la structure a été effectué parrapport au critère de rupture en contraintes maximales dumatériau composite à l’aide du code de calcul ANSYS.Les caractéristiques du matériau sont :Ex = Ey =20 GPa,νxy = 0,17 et Gxy = 4 GPa. Les critères derupture du matériau avec coefficient de sécurité égalà 1,5 sont : 330 MPa en traction dans le sens chaîne(longitudinal) et dans le sens trame (transverse), 300 MPaen compression dans le sens chaîne et dans le sens trame,et 30 MPa en cisaillement en valeur absolue.

Une première étude théorique sur l’optimisation del’empilement pour une poutre enL dans différents casde chargements avait été réalisée [1]. Elle avait révélél’intérêt d’utiliser les plis à 0/90◦ dans tous les casde chargement, même en cas de torsion. Cette étude aété validée par des calculs par éléments finis sur unestructure équivalente au bâti. Nous avons donc utilisé0/90◦ comme angle d’orientation pour le bâti.

Une étude de dimensionnement a révélé qu’une épais-seur supérieure ou égale à 5 mm permettait de vérifier lecritère de rupture. Les autres variables dimensionnellesont donc été optimisées en fonction de cette contrainte.

Compte tenu de la souplesse du matériau, la vérifi-cation du critère de la contrainte maximale ne permet-tait pas d’assurer une rigidité suffisante à la structure, etl’élancement et la hauteur ont donc été optimisés de ma-nière à ne pas dépasser les flèches imposées définies dansla norme NF F 31-119 pour le chargement le plus contrai-gnant.

Trois modèles ont été retenus suivant les possibilitésde moulage différentes de la pièce (par le dessus, parl’arrière et par le dessous). Les gains de masse par rapportà la structure métallique sont entre 13 % et 40 %.

Maintenant, nous allons faire le choix entre ces troismodèles suivant les coûts de fabrication lorsque le bâtisera intégré à la structure globale.

Figure 3. Géométrie simplifiée de la partie siège.

4. INTÉGRATION À LA STRUCTUREGLOBALE

La structure du siège en matériaux composites estconstituée par des plaques constituant l’assise, le dossieret les flancs (figure 3). La principale contrainte géomé-trique pour l’assemblage siège bâti est la distance entre lepointH dans lafigure 3et le sol qui doit être de 450 mm.Cette distance était une contrainte pour le dimensionne-ment du bâti puisque la hauteur de la poutre en porte àfaux ne pouvait excéder 170 mm pour respecter cette di-mension imposée.

La structure globale monocoque du siège est ouverte àl’arrière et en dessous du siège. Ainsi, cette géométriepermet un emboîtement du bâti à l’arrière. On peutensuite assembler ces deux parties siège et bâti parcollage au niveau des interfaces représentées en noir dansla figure 3.

Cette méthode d’assemblage permet d’éviter d’intro-duire des pièces supplémentaires et même de changer laforme du bâti.

L’avantage d’un bâti moulé par le dessous est de per-mettre une grande interface avec les flancs du siège. Eneffet, la hauteur qui a été retenue lors du dimensionne-ment est la valeur maximale possible selon le cahier descharges, conduisant à un meilleur contact entre l’arêteassise-dossier et la coque du siège. Ainsi, le modèle dumoulage par le dessous est retenu suivant le critère descoûts de fabrication, bien que le gain de masse soit lemois bon (13 %).

Une fois la méthode d’assemblage déterminée, nousavons effectué un dimensionnement de la structure en-tière pour le même chargement utilisé lors du dimen-

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Figure 4. Profi de la structure globale retenue.

sionnement du bâti. Les résultats du calcul montre quetoutes les contraintes sont admissibles sur l’ensemble dela structure, mais la flèche n’est pas admissible.

Afin d’éviter l’ajout d’une masse supplémentaire,nous avons étudié une mise en contact de l’assise etdu bâti (en changeant la forme de ce dernier) selon leprofil représenté dans lafigure 4, ce qui a permis derigidifier la structure globale. Cette modification a aussil’avantage d’augmenter la surface de collage et donc derendre l’assemblage plus résistant. La possibilité dé poserle siège sur le bâti permettra également de faciliter la miseen œuvre de l’assemblage.

Un nouveau dimensionnement pour cette structure(tableau 1) a permis d’obtenir une flèche horizontale demoins de 23 mm en haut du dossier pour le chargement leplus contraignant, alors que le cahier des charges impose25 mm.

TABLEAU IÉpaisseur et empilement retenus.

Épaisseur finale Empilement finalPartie siège 5 mm 〈0/90〉10

Partie bâti 5 mm 〈0/90〉10

5. CONCLUSION

Cette étude a permis d’établir la faisabilité techniqueet économique d’une fabrication de structure de siège enmatériaux composites.

Une évaluation de la masse de la structure finale donne20 kg, ce qui constitue un gain de 30 % par rapport auxstructures initiales. Une partie importante de ce gain estdue à la solution d’assemblage entre les deux parties dela structure. Le coût de revient final en série est évalué à1 000 F par place, ce qui rend les matériaux compositeséconomiquement compétitifs dans ce domaine.

Cependant, l’étude doit se poursuivre pour caractériserla résistance des joints collés, en particulier au niveau dusol. Le comportement mécanique sous des sollicitationsnon statiques doit aussi être vérifié. Enfin, les progrès enmatière de classification des matériaux composites vis-à-vis de la norme feu/fumée sont une clef de leur percéedans le domaine ferroviaire.

Nous retiendrons de cette étude la prédominance descontraintes économiques et technologiques devant l’op-timisation du comportement mécanique de la structuredans le milieu industriel.

Remerciements

Nous remercions MM. Yves Andreux, directeur In-génierie, et Peter Sauvage, chef de projet, de la SociétéCompin, Groupe P. Balloffet, pour leur accueil du stagede DEA et leur soutien technique.

RÉFÉRENCES

[1] Avril S., Contribution à la conception d’une structure desiège ferroviaire en matériaux composites, mémoire de DEA,université Blaise-Pascal, Clermont II, septembre 1999.

[2] Afonso D., Conception d’un siège de métro en matériaux com-posites, Rapport de projet d’option, École nationale supérieuredes Mines de Saint-Étienne, mars 1997.

[3] Avril S., Fabrication des matériaux composites, Rapport biblio-graphique de DEA, université Blaise-Pascal, Clermont II, jan-vier 1999.

[4] Gittel D., Möginger B., Eyerer P., Composite materials usingRTM with ε-Caprolactam, in: Proceedings of ECCM-8, Vol. 2,C. Visconti, Woodhead Publishing Ltd., Naples, Italie, 3–6 juin,1998, pp. 573–576.

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