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Gestion économique du produit, dosiier 2, Arnaud Diemer, IHEDREA, MCF Clermont-Ferrand PRODUCTION ET COMMERCIALISATION DES PRODUITS AGRICOLES Institut des Hautes Etudes en Droit Rural et Economie Agricole 1

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PRODUCTION

ET

COMMERCIALISATION

DES PRODUITS

AGRICOLES

Institut des Hautes Etudes en Droit Rural et Economie Agricole

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PLAN

Introduction

I) L’OFFRE AGRICOLE A) Les périodes d’analyse B) Les effets et les élasticités prix-revenu C) Offres individuelles et offre globale de produits agricoles

1) L’offre relative d’un produit 2) L’offre globale d’un produit

II) LES ASPECTS TEMPORELS ET SPATIAUX DE LA PRODUCTION A) Le temps agricole

1) L’impact du temps 2) Les variations de l’offre globale

a) Les variations climatiques b) Les variations annuelles c) Les variations fondamentales

B) L’espace agricole 1) Les analyses spatiales 2) Concentration et Spécialisation : expressions des zones de production

III) OFFRE DE PRODUCTION ET COMMERCIALISATION A) Une stratégie de masse

1) La fixation des marges 2) Comprendre les marchés

a)Analyse fondamentale b) Analyse technique

3) Illustration : marchés du colza et du tournesol B) Une stratégie de différenciation C) Une stratégie de diversification

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I) L’OFFRE DE PRODUITS AGRICOLES L’offre de produits agricoles est constituée par l’ensemble des quantités que les producteurs sont disposés à écouler sur un marché à un prix donné. L’offre se décompose en trois éléments : la production de produits nouveaux par les exploitants, le stock de produits existants chez les producteurs et les intermédiaires, les importations qui accroissent les quantités offertes sur le marché national. Elle varie en fonction du prix du produit, toutes choses égales par ailleurs. C’est généralement une fonction croissante du prix.

Fig 1 : Offre croissante avec le prix

e

s

. Une analyse traditionnelle de l’offre de produits agricoles retient le décomposition de l’offre en périodes de durée plus ou moins longues ; 2élasticités prix-revenus ; 3° la dissociation entre offres individuelles et of A) Les périodes d’analyse Pour l’étude de l’offre, trois périodes sont généralement retenues : - la période dite infra-courte : c’est une durée suffisamment restreinteproduction soit donné. Si on excepte les possibilités du commerce extéridépend uniquement du fait qu’ils peuvent stocker une partie des bienspuiser dans les stocks antérieurement constitués. - la période courte : les variations de la production peuvent s’effectuer dde production donnée. Le niveau de production dépend de l’utilisationfacteurs de production variables (ou opérationnels), les consommations et des possibilités d’adaptation des facteurs fixes. - la période longue : la durée est suffisamment importante pour qu’il sode modifier leur capacité de production et d’introduire de nouvelles variable et il n’y a plus de distinction entre facteurs fixes et facteurs vvariables autres que le prix peuvent avoir une influence très grande sur l’o

B) Les effets et les élasticités prix-revenu La relation entre les quantités produites, les prix et les revenus des explotypes d’effets : les effets de substitution et les effets revenus. Il y a effediminution de prix du produit sur le marché conduit les producteursréduisant leur production et en utilisant leur capacité pour réaliser dsommes dans le cas normal d’une offre variant dans le même sens que l

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Quantité

Prix

Offr

découpage suivant : 1° la ° le calcul des effets et des fre globale.

pour que le volume de la eur, l’offre des producteurs produits ou, au contraire,

ans le cadre d’une capacité plus ou moins élevée des intermédiaires principales,

it possible aux entreprises techniques. Tout est donc ariables. Dans ce cas, les ffre.

itants tend à dissocier deux t de substitution lorsque la à diminuer leur offre en ’autres fabrications. Nous e prix (dans le cadre d’une

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Gestion économique du produit, dosiier 2, Arnaud Diemer, IHEDREA, MCF Clermont-Ferrand exploitation pluri-cultures, ceci peut se traduire par une modification des surfaces emblavées en blé, orge et tournesol selon les conditions prix du moment). Il y a effet de revenu lorsque la baisse du prix entraînant une diminution des recettes et du revenu, le producteur va s’efforcer d’écouler une quantité supplémentaire du produit pour conserver le même niveau de recettes, l’offre augmente lorsque le prix diminue (ce phénomène est généralement associée aux productions porcines, aux monoproductions…). Quel est l’effet le plus puissant ? La réponse doit être cherchée dans l’importance du produit offert par l’exploitant. L’effet de revenu risque de l’emporter si la production considérée représente la recette principale de l’entreprise (s’il s’agit d’une monoproduction) et si les facteurs fixes de l’exploitant sont très spécifiques (cultures pérennes, par exemple, dont il est difficile d’envisager l’arrachage). Par contre, l’effet de substitution l’emportera si le produit agricole représente une faible part de la recette du producteur (logique de diversification ou de différenciation) L’élasticité de l’offre au prix définit quant à elle un rapport entre une variation relative de la quantité offerte et la variation relative du prix qui l’a provoquée.

PQ

QP

PPQQe

∆∆

=∆∆

= .//

L’élasticité de l’offre par rapport au prix est positive dans la mesure où l’offre est normalement une fonction croissante du prix (l’effet de substitution l’emportant sur l’effet de revenu). Elle se mesure en un point de la courbe d’offre et elle est donc variable le long de cette courbe. Trois cas significatifs peuvent être retenus :

Fig 2 : Elasticités et offre

Offre

Offre

q

Prix Prix Prix

Offre

q

Si 1 > e > 0, une variation du prix engendre une variation moins que proportionnelle et de même sens que l’offre.

q

Si e = 1, une variation du prix engendre une variation proportionnelle et de même sens que l’offre

C) O Si l’oconvanalypeut soulè

Si e >1, cela signifie qu’une variation de prix engendre une variation plus que proportionnelle et de même sens que l’offre.

ffres individuelles et offre globale de produits agricoles

ffre globale est censée représenter la somme des offres individuelles de produits agricoles, il ient d’atténuer ce résultat par les deux propositions suivantes : 1° l’offre individuelle doit être sée en termes de périodisation du marché ; 2° la localisation des offres signifie qu’un marché être globalement excédentaire (O > D) et localement déficitaire (Oi < Di) ce phénomène ve le problème plus général de l’agrégation.

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Gestion économique du produit, dosiier 2, Arnaud Diemer, IHEDREA, MCF Clermont-Ferrand 1) L’offre individuelle d’un produit

L’analyse de l’offre individuelle de produits s’appuie sur les trois configurations suivantes : l’offre sur un marché instantané, l’offre sur une courte période, l’offre sur une longue période. - Dans le cas d’un marché instantané, le producteur présente son produit sur un marché, défini à la fois par le lieu et la date de vente. Il s’agit soit d’un produit dont l’offre est continue (lait, viande, œuf), soit d’un produit à offre discontinue pendant la période de récolte (fruits non stockables, légumes frais) ou pendant la période située entre le début de la récolte et la fin du stockage (pommes, poires). Les réponses de l’offre aux différents niveaux de prix qui peuvent s’établir sur le marché dépendent : 1° des possibilités pour le producteur d’apporter sa marchandise sur un autre marché (nécessité d’un moyen de transport) ; 2° des possibilités de stockage du produit ; 3° des possibilités de substitution dans l’affectation du produit (les pommes de terre peuvent servir à l’alimentation des porcs, les pommes peuvent être transformées en jus de fruit). Si on néglige les possibilités de stockage du produit, d’une campagne sur l’autre, on peut dire que l’offre du producteur va être égale à sa récolte. Quel que soit le prix moyen de la campagne, le producteur ne pourra offrir plus que ce qu’il a récolté et, à moins de détruire une partie de sa récolte – ce qui suppose une entente avec tous les autres producteurs (exemple des arrachages de pieds de vigne dans la région du Calvados pour mieux réguler la production de Cognac) – il présentera sur le marché toute sa production de l’année (il peut tout au plus ne récolter qu’une partie de sa production, exemple des fruits et légumes, chou-fleur…). On peut donc parler de rigidité de l’offre par rapport au prix dans l’année infra-courte, ce qui peut se représenter graphiquement par la figure suivante.

Fig 3 : Rigidité de l’offre de produits

Offre Prix

Quantité

- Dans la période courte (au cours de plusieurs campagnes, la capacité de production de

l’exploitation agricole étant donnée), on assiste à une variation de l’offre par rapport au prix du produit. Si l’exploitant s’attend à un prix élevé, il va essayer de produire davantage, en augmentant les doses d’engrais par exemple. Inversement, si il craint une évolution défavorable des cours, il va délaisser le produit considéré (réduction des emblavures, réduction des achats de produits phytosanitaires) au profit d’un autre produit, dans le respect des contraintes d’assolement.

Fig 4 : courte période et courbe d’offre croissante avec les prix

Offre

Prix Prix

Offre

Qtés Qtés

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Gestion économique du produit, dosiier 2, Arnaud Diemer, IHEDREA, MCF Clermont-Ferrand La courbe d’offre de la période courte, de même allure que celle qui s’établit sur un marché instantané, n’a pourtant pas la même signification. Le prix auquel réagit l’offre de la période courte n’est pas le prix sur un marché, c’est un prix escompté, anticipé. Nous avons affaire à une courbe d’anticipation. Les décisions de l’agriculteur relatives à la production d’un produit A, le blé (extension ou réduction de la surface cultivée, intensification) dépendent autant du prix d’autres produits susceptibles d’être cultivés (orge, colza, maïs) que du prix du blé. Il peut donc y avoir déplacement de la courbe d’offre lié à l’évolution des prix des autres produits. Pour un même prix escompté du blé, l’offre sera plus ou moins importante.

- Dans la longue période, on peut envisager un plus large éventail dans les choix de l’agriculteur, par exemple, le recours à de nouveaux équipements, l’utilisation de surfaces supplémentaires, le passage à un nouveau système de production. La réaction de l’offre à la variation du prix, c’est-à-dire la tendance exprimée sur plusieurs campagnes et dont l’agriculteur anticipe la poursuite, semble devoir être plus élevée. L’interdépendance des prix et des productions apparaît également plus effective, puisque les contraintes relatives à l’immuabilité de l’appareil de production sont théoriquement supprimées. En modifiant l’appareil de production (équipements, cheptel, surface, main d’œuvre…), l’exploitation agricole possède plus d’aptitudes à passer de telle spéculation1 à telle autre (ou de tel groupe de spéculations à tel autre).

Fig 5 : Longue période et courbe d’offre

P1

Q1 Q2

Offre 1 Offre 2

Quantités

Prix

2) L’offre globale d’un produit L’offre globale introduit deux particularités : 1° elle tient compte de la continuité et de la discontinuité de la production (ce qui génère sur les marchés, des déséquilibres ou des cycles plus moins marqués) ; 2° elle fait référence au principe d’agrégation des différentes offres individuelles.

- l’offre globale (comme l’offre individuelle) est discontinue dans le cas des productions à récolte annuelle (toutes les productions végétales). Ces productions peuvent toutefois faire l’objet d’une offre plus ou moins étalée entre deux récoltes, lorsque les produits peuvent être stockés (céréales, vins…) ou récoltés à intervalles décalés (blés précoces, blés tardifs). L’élargissement et la multiplication des échanges entre les régions et les Etats européens permettent également un plus grand étalement de l’offre, même dans le cas de produits périssables à récolte annuelle (légumes frais, fruits…). L’offre globale est continue dans le cas de productions animales. La continuité de l’offre n’implique pas sa régularité et il y a souvent des fluctuations saisonnières de l’offre. Les abattages d’animaux sont par exemple plus importants à la fin de la saison d’été. Ces fluctuations de l’offre sont dues soit à un phénomène cyclique normal, soit à des circonstances exceptionnelles, par exemple le manque de fourrages pour assurer l’alimentation du bétail avant le départ aux herbages.

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1 La spéculation est en quelque sorte un pari, celui d’avoir fait le bon choix !

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Gestion économique du produit, dosiier 2, Arnaud Diemer, IHEDREA, MCF Clermont-Ferrand Ces fluctuations se sont atténuées au cours de la période récente, en raison du progrès technique : découverte de variétés plus productives, recours à d’autres modes d’alimentation des animaux….

- Malgré le caractère discontinu des décisions des agriculteurs, la somme des offres individuelles permet de tracer une courbe continue de l’offre globale par rapport au prix, toutes choses étant égales par ailleurs, notamment les prix des autres productions.

Fig 6 : Offre globale et prix de marché Prix

Offre

Quantités

Cependant, l’interdépendance des prix et des productions joue de manière encore plus forte que pour les offres individuelles. L’offre globale d’un produit dépend autant des prix des autres productions que du prix du produit lui-même. D’autres éléments influencent l’offre globale et peuvent entraîner également un déplacement de la courbe d’offre. Dès lors, l’offre globale d’un produit i est fonction du prix du produit i (pi) ; du prix des autres produits susceptibles d’être cultivés à la place du produit i ; du prix des facteurs nécessaires à la production de i ; du prix des facteurs nécessaires à la production d’autres produits ; de la rareté de certains facteurs de production ; du progrès technique et des conditions pédo-climatiques. Il est donc particulièrement difficile d’isoler l’influence du prix du produit et de calculer l’élasticité de l’offre globale d’un produit agricole par rapport à son prix. Les déplacements de la courbe d’offre liés à d’autres facteurs peuvent fausser les calculs effectués, ainsi que l’illustre le graphique suivant : déplacement de courbe d’offre (S1 S2) sous l’effet du progrès technique. La variation de l’offre (q2 q3) n’est pas due à la variation du prix, puisqu’on constate une augmentation malgré la chute des cours (P2 P3).

Fig 7 : Offre globale et élasticité prix

S2 S1

Prix

P2 P3 P1

Quantités

Q1 Q2 Q3

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II) LES ASPECTS TEMPORELS ET SPATIAUX L’offre de produits agricoles introduit deux dimensions importantes : le temps et le lieu. Le temps a un impact concret sur les plans de production des agriculteurs, sur les caractéristiques physiques des produits et sur la compétitivité de l’exploitation (coûts de stockage). La localisation quant à elle permet de cerner les avantages comparatifs des exploitations, les aspects de concentration et de spécialisation des zones de production et la compétitivité de l’exploitation (coûts de transports). A) Le temps agricole Les plans de production des agriculteurs considérés individuellement dépendent d’une série d’éléments de nature fort disparate et imposent la succession d’engagements de ressources, devenant de plus en plus irréversibles. Le temps a ainsi un impact concret sur les productions individuelles et globales. 1) L’impact du temps Le processus de production n’est pas instantané mais, en raison de sa nature biologique, exige un certain temps. Entre la décision de produire et la venue à existence de la production issue de cette décision, il s’écoule une certaine durée essentiellement variable selon les productions. Dans les productions végétales, le temps séparant la récolte du semis ou de la plantation varie de plusieurs semaines (radis, salade) à plusieurs mois (5 à 8 mois pour les céréales de printemps, les pommes de terre, les betteraves, 9 à 10 mois pour les céréales d’hiver, voire plusieurs années (production fruitière ou forestière). Les productions animales sont de plusieurs types. Lorsqu’il s’agit d’un flux continu de production dans le temps (œufs, lait, gorets), le temps s’écoulant entre la naissance de l’animal de base et la fin de sa carrière productive varie de 20 mois (poule pondeuse) à 3 à 10 ans (vache laitière). D’autre part, la production de viande est une interruption de la croissance des animaux survenant 6 à 8 semaines après l’éclosion du poulet, 5 à 7 mois après la naissance du porc, 3 à 5 mois après la naissance du veau gras et 1 à 3 ans après la naissance du taureau gras ou du bœuf gras. Bien qu’elle soit variable selon les productions, la liberté d’action dont dispose l’exploitant à l’égard des techniques de production et des décisions de produire peut se résumer aux trois cas suivants : 1° lors de l’engagement du processus de production, 2° avant l’engagement du processus de production, 3° avant l’acquisition de capitaux fixes.

- Dès que le processus de production est engagé (semis ou plantation d’une culture, commencement de l’engraissement d’un porc…), toute décision de produire est pratiquement irréversible. La production doit être menée à son terme et le producteur dispose de la liberté, en fait fort restreinte, de modifier certaines techniques de production en cours de croissance (mode de récolte, épandage d’un complément de fumure azotée, alimentation du porc et conditionnement de la porcherie, lutte contre les maladies…). L’irréversibilité du processus de production fraîchement engagé n’est pas absolue, tout au moins pour les productions animales, et il est toujours possible d’interrompre celui-ci avant leur venue à existence (liquidation de l’étable de vaches laitières, vente du bœuf dans son état d’engraissement…). Mais elle est souvent imposée par des raisons économiques évidentes.

- Avant l’engagement du processus de production, l’exploitant dispose assurément d’une liberté plus grande pour allouer les facteurs fixes dont il dispose, mais celle-ci est limitée par l’importance des investissements spécifiques déjà réalisés, et le coût additionnel de tout choix d’une production non encore pratiquée jusqu’alors et consistant dans les investissements requis, les compétences techniques nécessaires… Par exemple, il est assez difficile pour un exploitant d’abandonner complètement la production de lait alors qu’il est bien équipé à cette fin et que le

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Gestion économique du produit, dosiier 2, Arnaud Diemer, IHEDREA, MCF Clermont-Ferrand retournement des prairies et l’extension de la culture de betteraves entraînent l’obligation de consentir de nouveaux investissements spécifiques (semoir, arracheuse…). Donner à l’exploitation une structure conforme à une option (compétence technique, acquisition de machines, construction de bâtiments…) impose souvent à l’exploitant l’obligation de pratiquer pendant un certain temps les productions en fonction desquelles cette structure a été réalisée. Une production peut être abandonnée ou réorientée facilement si l’augmentation concomitante des autres productions ne nécessite pas de capitaux nouveaux et si, compte tenu des ressources disponibles, il en résulte une augmentation de revenu (exemple d’un producteur de poulets standards qui se lancerait dans une production de poulets labellisés ou de dindes ou de canards). Cette vision stratégique de la production agricole doit toutefois être tempérée par les deux arguments suivants :

1° Les investissements ne s’avèrent rentables que si le coût global de leur acquisition est réparti sur un volume de production suffisant. Si des études de marché sont régulièrement associées à la faisabilité technique du projet, elles ont encore du mal à anticiper les grandes tendances du marché, or ces tendances agissent directement sur la rentabilité économique et la trésorerie des exploitations agricoles.

2° la persistance d’une situation de rentabilité médiocre n’implique pas qu’il soit profitable de s’orienter vers des productions dont les perspectives sont présentées comme meilleures. Ainsi, si le prix des œufs baisse à un moment donné au-dessous des coûts variables, il faut cesser la production ou tout du moins ne pas remplacer les poules réformées. Mais cette situation ne justifie pas pour autant le choix d’une autre spéculation, telle la production de porcs. En fait, ce changement sera d’autant plus difficile que les capitaux fixes (poulailler, équipements) sont spécifiques à la production abandonnée, et ainsi difficile à alloués à la production porcine ; que la compétence technique de l’exploitant est faible pour entreprendre la nouvelle compétence ; que celle-ci est exigeante en capitaux nouveaux. ; qu’elle engage l’avenir pour un temps plus long. Il en résulte que l’exploitant peut, à un moment donné, être contraint de continuer à pratiquer une production dans laquelle il ne s’engagerait pas sur la seule base des critères de choix à ce même moment. En d’autres termes, si l’agriculteur ne s’était pas engagé auparavant dans une production, il ne devrait sans doute pas le faire, mais le fait qu’il s’y est engagé implique qu’il subit un moindre dommage en y restant engagé, au moins pour un certain temps, parce qu’il ne supporte plus le coût additionnel relatif à la première production et évite les investissements résultant d’une éventuelle production de remplacement.

- Avant l’acquisition des capitaux fixes (achat de machines, construction d’un bâtiment..) ou l’adoption d’une structure d’exploitation spécifique à telle ou telle production, la liberté de l’exploitant devant le choix des productions est évidemment totale. Mais un même producteur a, au cours de sa carrière, un nombre fort limité d’occasions de revoir ses options fondamentales de production parce qu’elles dépendent de facteurs structurels (potentialités de production de la région, fertilité des terres, éloignement des marchés…) qui ne se modifient que fort lentement, et aussi en raison des besoins en capitaux associés aux changements fondamentaux d’orientation des productions. De plus, la révision des options s’inscrit toujours dans le cadre du fonctionnement continu d’une exploitation qu’elle ne doit pas entraver, et porte sur l’affectation à long terme d’une partie seulement de ses ressources. En résumé, l’engagement d’un exploitant est discontinu et se fait essentiellement en deux stades : (1) réalisation des investissements spécifiques (construction d’un poulailler, modernisation de l’étable, achat de l’arracheuse de pommes de terre…) ou en termes plus généraux, réalisation d’une structure d’exploitation. Les décisions en matière d’investissements ont des implications sur le choix des productions pendant la durée de leur maintien en service (5 à 20 ans) ; (2) Modification des ressources fixes en courte période et application des facteurs variables (semences, engrais…). Dans ce cadre, s’inscrivent les décisions immédiates de production prises, dans le cas des

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Gestion économique du produit, dosiier 2, Arnaud Diemer, IHEDREA, MCF Clermont-Ferrand productions végétales, quelque temps avant le semis ou la plantation, en automne pour les emblavements d’hiver et au printemps pour les emblavements d’été ; dans le cas des productions animales, à une époque moins dépendante de la saison mais en tout état de cause avant l’acquisition ou l’élevage des animaux de base (poussin d’un jour, veau, goret…). Le temps pendant lequel les décisions de production sont engagées est bien supérieur à celui pendant lequel le producteur dispose d’une liberté de choix. Dans les exploitations de polyculture, le temps marque la succession de moments ou de périodes, soit tous les processus de production sont en cours (avril, mai, juin, juillet), soit une partie seulement (octobre à mars). Ceci limite, à tout moment, la liberté de l’exploitant au choix des productions non encore engagées. L’analyse qui précède dégage amplement le caractère contraignant, voire douloureux, des changements fondamentaux d’orientation de la production notamment en raison de leurs exigences en capitaux, ainsi que les raisons fondamentales d’une certaine rigidité dans le temps des productions de l’agriculteur.

2) Les variations de l’offre globale La production globale est la résultante des décisions prises par chaque agriculteur dans le cadre des contraintes propres à son exploitation et concrétisées par l’étendue globale affectée aux diverses productions, le nombre total d’animaux détenus… Mais la production globale dépend aussi du rendement des cultures ou des animaux, dont le niveau moyen porte l’empreinte du progrès technique accomplis par l’agriculture et sur lequel se greffent des variations essentiellement climatiques actuellement non prévisibles et, tout au moins pour les productions de plein air fort disparates, extrinsèques à l’exploitation, et que chaque agriculteur considéré individuellement ne peut pratiquement pas influencer. Les variations de la production globale dans le temps reflètent différemment, selon leur nature, l’influence des décisions de production, des progrès techniques et des aléas climatiques. On distingue les variations rythmiques, les variations annuelles et les variations fondamentales. a) Les variations rythmiques

Les variations rythmiques se produisent avec une périodicité donnée. Lorsqu’elles sont liées à la saison, elles dépendent essentiellement de la biologie des végétaux et des animaux, soit du rythme de la reproduction (productions de gorets, de porcs gras et de lait) ou de l’alimentation (production de viande bovine) pour les productions animales ; soit du rythme des récoltes pour les productions végétales. Ainsi, dans le cas du blé, la dernière mise en marché d’une récolte effectuée en t, interviendra en mai-juin de l’année t +1 (il y a donc une pression des prix à la hausse), en juillet – août de cette même année, la récolte de t +1 se traduira tout de suite par des prix plus faibles (pression des prix à la baisse).

Tableau 1 : cotation du blé tendre « rendu Rouen » au 19/04/2004

Année de

récolte Echéance Qualité Prix € / tonne

2003 mai-juin standard 144.00

2004 juillet-août standard 123.50

Ces variations saisonnières (biologiques) se traduisent généralement par un cycle économique :

répercussions sur les lois du marché (retour à l’équilibre), réponse des producteurs aux prix, temps requis pour que ces décisions se manifestent par la venue à existence effective de ces productions. La production de viande de porc en constitue l’exemple classique : une hausse des prix durant l’année t engendrera une augmentation de la production pour l’année t +1 ; une crise sanitaire

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Gestion économique du produit, dosiier 2, Arnaud Diemer, IHEDREA, MCF Clermont-Ferrand touchant un pays producteur de porcs (exemple des Pays-Bas) se traduit par une pression sur les prix mais surtout par une augmentation de la production des autres pays producteurs (tentative visant à augmenter les parts de marché des producteurs). Le manque de données rend difficile la mise en évidence de ces variations. Les statistiques de production globale sont le plus souvent relatives à une période d’un an. Seules l’offre des animaux sur le marché et la statistique trimestrielle des abattages permettent de s’en faire une idée relativement exacte.

b) Les variations annuelles Les variations annuelles s’apprécient le mieux par la différence entre le volume des productions d’une année sur l’autre. Ces différences successives reflètent les décisions de produire prises à court terme par les agriculteurs quant aux superficies affectées aux diverses productions et au nombre d’animaux détenus. Mais sur ces décisions viennent se greffer des aléas imprévisibles et non contrôlables, de nature climatique par exemple. Comme la statistique des productions est généralement annuelle, elle met bien en relief, sous réserve de son exactitude2, ce type de variation dont l’ampleur doit être appréciée sur une période suffisamment longue, est exprimée soit (1) par un rapport entre deux variables (production en t+1 / production en t), soit (2) par un taux de croissance (différences entre deux niveaux de production rapportée à une production initiale, soit [production (t+1) – production en t ] / production en t ).

c) Les variations fondamentales

Du point de vue général, les variations fondamentales sont observées sur une période de plusieurs années et permettent de dégager une certaine tendance. Elles reflètent l’influence des deux facteurs suivants : (1) les décisions de produire, prises par l’ensemble des agriculteurs dans la perspective de la période longue et se concrétisant dans les emblavements ou le nombre d’animaux détenus, et (2) les progrès techniques dont la manifestation la plus tangible est l’évolution des rendements de long terme.

En résumé, les variations de la production dans le temps sont dues partiellement aux décisions de produire situées dans leur horizon temporel propre. Elles reflètent en outre l’influence des rythmes biologiques (variations au cours de l’année), des éléments climatiques (variations annuelles) et des progrès techniques (variations à long terme).

B) L’espace agricole

L’espace agricole désigne la fraction de l’espace affectée à des fins de production agricole. Un diagnostic économique de l’espace agricole tend à privilégier les deux axes suivants : 1° expliquer le schéma de répartition des activités agricoles dans un espace géographique donné ; 2° préciser le degré de concentration et de spécialisation des zones de production agricole.

1) Les analyses spatiales

Deux sortes d’analyse bien distinctes tendent à expliquer le schéma de répartition des activités agricoles dans l’espace géographiques. Il y a d’abord l’avantage comparatif lié aux conditions naturelles (personne ne peut nier qu’il est plus facile de faire pousser des abricotiers dans le sud de la France plutôt que dans le nord). On peut donc s’attendre à ce que les analyses ricardiennes des échanges, basées sur des différences de conditions naturelles, s’appliquent en agriculture. 2 Le Service statistique (SCEES) du Ministère de l’Agriculture présente généralement une estimation des principales productions agricoles de l’année t au début de l’année t+1 (mars-avril). Cette estimation est ensuite comparée aux données réelles, répertoriées tout au long de l’année t+1, de manière à ce qu’à la fin de l’année t+1, le SCEES fasse apparaître des variations corrigées.

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Gestion économique du produit, dosiier 2, Arnaud Diemer, IHEDREA, MCF Clermont-Ferrand Dans la mesure où le découplage redonne au marché un plus grand rôle directeur, on peut s’attendre à une relocalisation des productions, les régions se spécialisant dans les productions pour lesquelles elles détiennent un avantage comparatif. Dans une étude portant sur l’impact de la réforme de la PAC (2003) sur l’offre des régions françaises, Barkaoui (INRA, Nancy) envisage un net recul des grandes cultures, soit dans les zones défavorisées, soit dans les zones d’élevage bovin (notamment le grand Ouest) au profit des fourrages. De même, elle conduit à une quasi disparition de l’élevage bovin-viande dans les régions qui y sont déjà spécialisées (Ouest et Centre de la France).

Le second type d’analyse associe la politique agricole et l’aménagement du territoire (Von

Thunen). A la différence des théories ricardiennes, on élimine tout effet des avantages comparatifs, en raisonnant sur un modèle dans lequel une ville ponctuelle est le seul lieu de consommation des produits agricoles issus d’une vaste plaine homogène. Dans ces conditions, la recherche du moindre coût pour les consommateurs, et la concurrence entre les producteurs, conduisent à localiser les productions en cercles concentriques autour de la ville. Les cercles intérieurs sont consacrés aux productions qui exigent relativement peu de terres (comme les légumes) ou qui tout étant peu intensives, sont grevées de coûts de transport très élevés par unité de produit. A contrario, les cercles extérieurs sont occupés par des cultures extensives à coûts de transport relativement faibles comme les céréales. Ainsi, même dans des conditions de production parfaitement homogènes, du seul fait des difficultés de transport entre des producteurs et des consommateurs qui ne sont pas localisés au même endroit, on peut observer une différenciation poussée de l’espace agricole.

Fig 8 : Logique des coûts de transport

Ville Marché

Agriculture commerciale

intensive

Ainsi considérant une région parfaitement homogène du point de vue du milie

la production agricole (fertilité du sol, topographie, climat…), comportant en son ceville qui centralise la consommation de produits agricoles, et accessoirement la facteurs de production. La ville est alimentée au moyen de produits agricoles amenpoints de la région et dont le prix est établi, conformément aux lois de l’équilibre du mmarché unique au centre de la ville. Le prix de ce marché est le même pour tous lmême qualité, quelle soit sa provenance, mais le coût de son transport est en relation distance parcourue par le produit : le prix reçu par l’agriculteur pour chacun de ses pr

12

Distance x

Agriculture Commerciale

extensive

Agriculture desubsistance

u physique de ntre une seule production de és de tous les arché, sur un

es produits de directe avec la oduits est égal

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Gestion économique du produit, dosiier 2, Arnaud Diemer, IHEDREA, MCF Clermont-Ferrand à la différence entre le prix de marché et le coût de transport. Cette référence au coût de transport met en lumière deux résultats importants : 1° que la compétitivité des exploitations agricoles n’est uniquement liée au phénomène de productivité (logique de rendement), la distance entre le bassin de production et la zone de consommation est un facteur important dans la rémunération d’une activité de production ; 2° Plus une région s’étend, plus le facteur distance a un impact important, dès lors certains bassins de production entrent en concurrence eu égard au déplacement des zones de consommation (ceci peut remettre en cause le système de contractualisation de proximité).

Cas d’école : L’élargissement de l’Europe et l’extension du marché unique risquent de modifier les zones de production et de rendre plus pertinent la création d’une structure d’approvisionnement des usines à l’échelle européenne. Cette gestion spatiale du marché européen peut remettre en cause les systèmes de contractualisation locaux ou régionaux entre industriels et groupements de producteurs. Lors de la discussion annuelle entre l’industriel Mc Cains et le groupement des producteurs du Pas de Calais (discussion qui fixe les contrats pour l’année suivante), ce dernier a annoncé pour 2005 une réduction des surfaces sous contrats comprise entre 10 et 15%. Cette décision doit être mise en relation avec la création prochaine d’une structure d’approvisionnement des usines, dont le siège serait installé en Belgique ou aux Pays-Bas. 2) Concentration, spécialisation : expressions des zones de production

On entend par spécialisation départementale l’existence ou non d’une production dominante

dans le département. La mesure de la spécialisation passe par un indicateur de niveau et des indicateurs de fréquence.

Ts (i) = Prod (i) / Prod totale

Le taux de spécialisation d’un département dans une production spécifique (i) est le ratio de

la production (i) sur la production agricole départementale totale. Il y a un effet prix, le taux de spécialisation peut augmenter sous l’effet de la seule hausse des prix de marché (ainsi la hausse des cours du Porc a augmenté la production porcine du département de la Marne).

La concentration géographique est mesurée par le coefficient de Gini. Ce dernier mesure la

surface comprise entre la courbe de répartition de la production parmi les départements observés (A ou B) et la droite D. Cette droite représente une répartition de la production absolument uniforme, chaque département contribue à 1/92e de la production nationale.

Fig 9 : Concentration géographique des activités agricoles

Production cumulée

80%

40%

100%

Production non concentrée A

Production concentrée B Répartition cumulée D

10% 0% 100%

10% Nombre de départements

13

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Gestion économique du produit, dosiier 2, Arnaud Diemer, IHEDREA, MCF Clermont-Ferrand Explication du schéma : plus la surface entre la courbe et la droite est grande, plus l’indice de Gini est proche de 1, plus la concentration géographique est intense. Sur la droite D de la répartition uniforme, 10% des départements réalisent 10% de la production agricole nationale. Sur la courbe A, 10% des départements réalisent 40% de la production agricole nationale (coef de Gini proche de 0). Sur la courbe B, 10% des départements réalisent 80% de la production agricole nationale (coef de Gini proche de 1). A partir des critères de concentration et de spécialisation de la production agricole, il est possible de présenter l’activité agricole « territoriale » à partir de 4 modèles différents3.

- Les monopoles régionaux se sont constitués pour l’élevage hors sol (Ouest) et la culture de betteraves. Un petit nombre de départements appartenant à une même entité régionale réalise l’essentiel de la production agricole nationale. Elevage porcin : Les Côtes d’Armor, le Finistère, l’Ile et Vilaine, le Maine et Loire, la Manche et la Mayenne réalisent 68% de la production nationale. Disparition des élevages porcins dans le Nord Pas Calais et le Sud Ouest. Elevage avicole : Bretagne et Pays de Loire, poche de résistance dans les Landes (Poulet de qualité, labels). Betteraves (2,5% de la production agricole nationale) : production concentrée dans les départements de l’Aisne, des Ardennes, de l’Aube, du Loiret, de la Marne, du Nord, de l’Oise, du Pas de Calais, de la Somme et de la Seine et Marne. Le département de l’Aisne réalise 17% de la production nationale (ce qui représente 23% du chiffre d’affaires du département). Pommes de terre : La production de pommes de terre est dans une situation très concurrentielle, cependant les évolutions récentes se sont faites au bénéfice des départements du Nord de la France (les 10 premiers départements réalisent 57% du chiffre d’affaires national contre 48% en 1971). La production de la région de l’Ouest et des départements bretons sont en déclin (la baisse des prix a pénalisé l’ensemble de la filière : la valeur de la production a diminué de 26% de 1971 à 1995).

- Les oligopoles géographiques se sont constitués pour de nombreuses productions (fruits, légumes, ovins, veaux). Plusieurs ensembles régionaux concentrent la production sans qu’aucun n’exerce de leadership véritable. Légumes : 4 ensembles de départements, Pointe Bretagne (Finistère, Côtes d’Armor) ; Nord (Nord, Pas de Calais, Somme, Aisne) ; Pays de Loire (Loire Atlantique, Maine et Loire) ; Sud méditerranéen (Vaucluse, Pyrénées orientales).

Fruits : quelques bassins de production : Vallée du Rhône (Bouches du Rhône), Gard, Vaucluse) ; Région du Sud-Ouest (Dordogne, Lot et Garonne, Tarn et Garonne, Pyrénées orientales) ; Région du Val de Loire (Indre et Loire, Maine et Loire).

- Les oligopoles de département concernent particulièrement la viticulture (vins de qualité et

vins de consommation courante). Peu de départements concentrent la production nationale mais ils appartiennent à des régions différentes (le poids des dix premiers départements producteurs a oscillé autour de 65%). A la différence du hors sol et des betteraves, la viticulture se réalise à travers plusieurs bassins non contigus. La concentration de la production viticole ne s’effectue pas dans un ensemble régional monopolistique mais dans un ensemble oligopolistique de départements (Marne, Côte d’Or, Gironde, Vaucluse pour les vins de qualité, Charente, Charente-Maritime, Gard et Hérault pour les vins de consommation courante).

3 Notons que les disponibilités en terre et en main d’œuvre restent les éléments essentiels de la différenciation.

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Gestion économique du produit, dosiier 2, Arnaud Diemer, IHEDREA, MCF Clermont-Ferrand

- Certains bassins régionaux en élevage bovin (lait, viande) et en position céréaliculture (blé, maïs) en position de monopole ne l’exercent pas car ils font face à la concurrence diffuse de nombreux départements faiblement spécialisés. Lait : Poids de la région Nord-Ouest (Bretagne, Normandie, Pays de Loire, Nord-Pas de Calais). 10 départements de ces régions réalisent 40% de la production nationale. Blé tendre : concentration dans le bassin parisien, cependant 40 départements réalisent chacun près de 1% de la production nationale. Veaux : l’élevage national de veaux se répartit entre une zone de production à l’Ouest (Côtes d’Armor, Finistère, Ile et Vilaine, Manche et Morbihan) et une autre au Sud (Corrèze, Dordogne, Haute Loire, Lot et Pyrénées Atlantiques). Aucune de ces deux zones ne l’emporte dans l’équilibre interrégional.

III) OFFRE DE PRODUCTION ET COMMERCIALISATION

Le passage de la production à la commercialisation est un acte important en matière agricole. Les deux parties précédentes ont souligné trois caractéristiques importantes : 1° que l’offre globale était fonction des prix de marché, et que les agriculteurs avaient peu d’emprise sur ces prix ; se pose donc le problème de l’anticipation du prix des produits agricoles ; 2° que le temps était une contrainte de production pour l’exploitation (gestion du temps de travail, programmation des investissements…) mais qu’il se traduisait également par une échelle de prix que l’on devrait pouvoir estimer (dans le cas des céréales, on sait que les prix sont élevés en fin de campagne, et faibles en début de campagne ; qu’il est important de comparer les prix de plusieurs campagnes) ; 3° que l’espace agricole se traduit par des coûts de distance (logique d’acheminement des produits vers les lieux de stockage ou/et vers les lieux de consommation) et des bassins de production (logique de concentration et de spécialisation) qu’il convient de mettre en parallèle avec les zones de consommation. La prise en compte de ces trois éléments doit maintenant être replacée dans un contexte stratégique. Il s’agit en effet d’apporter des solutions en matière d’augmentation du revenu des exploitants agricoles. Ces solutions sont généralement le reflet de trois stratégies différentes : 1° une stratégie de masse (dite de spécialisation) ; 2° une stratégie de différenciation ; 3° une stratégie de diversification.

A) Une stratégie de masse La stratégie de masse (ou spécialisation) consiste « à maintenir l’exploitation dans un seul domaine ou secteur d’activités pour y développer et exploiter des compétences spécifiques, sans chercher à y adjoindre de nouvelles activités ». Cette stratégie consiste généralement à proposer un produit standard à différents types de clients. Elle est extensive car elle suit une logique d’accroissement de taille pour viser un marché géographique plus large ou l’entrée dans de nouveaux produits et/ou la satisfaction de nouveaux clients sans pour autant supposer de nouvelles compétences. La stratégie de masse est une façon d’obtenir une position favorable en termes de coûts et de marché. L’exploitation cherche à acquérir une taille critique (effet volume), de produire à plus grande échelle et d’obtenir des coûts plus faibles que les exploitations qui ont dispersé leurs ressources entre plusieurs activités. Au rang des inconvénients, on notera que les biens standardisés sont des biens pour lesquels les clients ne sont pas disposés à payer un supplément de prix (à l’exception d’une rémunération de la qualité). En outre, l’exploitation est exposée aux risques de dépendance vis à vis d’un seul domaine d’activité ou d’un seul type de clients.

Développer une stratégie de masse, soulève plusieurs questions. L’exploitant doit tout d’abord répondre à la question quand vendre ? il lui faut en effet calculer des marges sur la base d’un prix anticipé. L’exploitant doit maintenant connaître son marché et son environnement

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Gestion économique du produit, dosiier 2, Arnaud Diemer, IHEDREA, MCF Clermont-Ferrand international. Ensuite il doit s’interroger sur les outils qu’il convient d’utiliser (marché au comptant, livraison différée, marché à terme, option). Enfin, il doit savoir à qui vendre (identifier les clients, jouer sur la sécurité de paiement…). Dans ce qui suit, nous insisterons surtout sur la première question, formulée de cette manière, à quel moment, l’exploitant doit-il vendre sa production ?

1) La fixation des marges La question des marges répond à une logique comptable qui revient à distinguer les charges fixes des charges variables, mais également à une logique marchande puisque le prix de vente (généralement le prix de marché) permet de déterminer ce qu’il reste à l’exploitant une fois les coûts défalqués. Ces marges sont généralement exprimées en fonction d’une unité de valeur, ainsi dans le cas des céréales, on rapporte la marge brute à l’hectare (c’est une manière de savoir ce que rapporte, mais également ce que coûte chaque parcelle du facteur terre). On le voit, l’accès au marché oblige l’exploitant à calculer son point mort. Pendant longtemps, cette difficulté avait pu être évitée grâce à l’intermédiation de la coopérative. Cette dernière s’engageait auprès de l’exploitant à lui acheter sa production dès octobre (livrable en juillet-août) moyennant un prix prédéterminé. Suite à la volatilité des prix de marché (les prix européens se rapprochant de plus en plus des prix mondiaux) et au processus de réorganisation des coopératives (fusion), cet engagement coopérative-exploitant n’arrive plus à garantir une rémunération stable et pertinente à l’exploitant. Dès lors, il lui faut effectuer un calcul de marge (estimation des rendements, de la production, des coûts) sur la base d’un prix de vente (de marché) anticipé, et cela, avant même d’emblaver les terres. La tâche principale de l’exploitant est donc d’affiner son anticipation du prix de marché (semer du blé en octobre de l’année courante, c’est donc anticiper le prix du blé en juillet-août de l’année suivante). Le poids des anticipations sera plus ou moins important selon les capacités de stockage de l’exploitant (un stockage à la ferme donne un degré de liberté à l’exploitant, celui de ne pas être obligé de vendre lorsque le blé est au plus bas). 2) Comprendre les marchés La compréhension des marchés s’appuie sur une série d’études et d’informations que doit posséder l’exploitant agricole. a) Analyse fondamentale

- L’exploitant doit connaître l’environnement international, macroéconomique (situation de crise subie par certains pays comme l’Argentine, la Thaïlande…, croissance soutenue des autres tels que la Chine…, élargissement de l’Europe…) afin d’anticiper les principaux points de croissance ou de retournement du marché. Dans le cadre de l’élargissement européen, l’entrée de la Pologne modifiera l’organisation du marché du lait, la Hongrie se place déjà comme un acteur important dans la production de foie gras, de fraises, de vins…

- L’exploitant doit4 pouvoir cerner l’impact des échanges internationaux. Dans le cas des

produits agricoles, il convient de cerner les évolutions de la production mondiale, des échanges mondiaux afin de connaître les zones de surplus, d’équilibre ou de déficit. Une étude du marché mondial du blé donne quelques informations sur l’évolution futures des cours et des zones de surplus. Les stocks mondiaux sont passés de 200 millions de tonnes en 2001 à près de 124 millions de tonnes en 2004 (soit une baisse de près de 40%). Après deux campagnes déficitaires (2002-2003, 2003-2004) durant lesquelles la production mondiale fût inférieure à la consommation mondiale 4 Ce devoir se traduit généralement par une offre de services agricoles (sociétés qui proposeront, moyennant un certain coût, des informations économiques, techniques, commerciales sur les principaux marchés) ou par une veille informationnelle (recherche sur internet…).

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Gestion économique du produit, dosiier 2, Arnaud Diemer, IHEDREA, MCF Clermont-Ferrand (différentiel de 34 Mt, puis de 40 Mt), on assiste à un retour des excédents depuis la campagne 2004-2005 (selon l’USDA et le CIC, cette tendance devrait se prolonger sur la campagne 2005-2006). La production et la consommation mondiales de blé sont respectivement de 623 Mt et de 610 Mt mondiale. Cet excédent devrait permettre de reconstituer les stocks de blé (137 Mt). Si la production, la consommation et les stocks mondiaux donnent la tendance du marché, ce sont les échanges mondiaux (exportations-importations), avoisinant les 100 millions de tonnes, qui font les prix. Il convient donc de connaître avec précision les zones de surplus et de déficit. Les surplus se trouvent du côté des 5 principaux exportateurs de blé : les Etats-Unis (30%), l’Australie (17%), le Canada (16%), l’UEM (16%) et l’Argentine5 (8%). Ces zones d’exportation, traditionnellement stables, doivent être mises en relation avec des zones d’exportation plus instables (il s’agit principalement des exportations de la Russie, de l’Ukraine…). Les zones de déficit se situent principalement du côté de la Chine (forte baisse de la production et des stocks depuis 2001). Le marché et le CIC (Conseil international des céréales) ayant beaucoup de mal à estimer la production et les stocks chinois (manque de données, pas de transmission d’informations) doivent régulièrement anticiper et spéculer (arbitrage) sur les besoins (ou l’autosuffisance) du marché chinois.

520540560580600620640

2001-2002

2002-2003

2003-2004

2004-2005

2005-2006

Consommation et production mondiales en millions de tonnes

Consommation Production

- L’analyse de la production, de la consommation et des échanges définit les zones de surplus et de déficit, toutefois l’exploitant devra tenir compte d’un effet dominant en agriculture, l’effet KING. Dans le cas de la production porcine, cet effet rappelle qu’une hausse de la production de 2% génère une baisse des prix de plus de 50%. Dans le cas du blé dur, on soulignera que le Canada et les USA représentent près de 80% des échanges mondiaux de blé dur. Durant la campagne 1996-1997, la production nord américaine a baissé de 15%, ce qui représentait une baisse de 3.5% de la production mondiale, mais surtout une baisse de 20% des surplus exportables mondiaux. Conséquence, les prix mondiaux ont augmenté de 25%. - Après avoir suivi les évolutions de l’offre, de la demande, des stocks et des échanges ; il est nécessaire de déterminer le cadre géographique du marché étudié : s’agit-il d’un marché régional, national, européen, mondial ? Si le producteur de céréales doit se situer dans un marché de plus en plus mondialisé, le producteur de colza évolue dans un marché européen relativement bien cloisonné.

- Ayant circonscrit son espace marchand, l’exploitant devra ensuite tenir compte de sa position géographique à l’égard des zones de stockage, de production et de consommation. Sa compétitivité s’exprime à la fois en termes de coût de production, de coût de stockage et de

5 Cette dernière vient directement concurrencée l’UEM sur ses principaux marchés d’exportation (Egypte, Tunisie…).

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coût de transport. Ainsi dans le cas du colza, le coût du fret Canada – Europe (port de Rouen) est égal à 13 $ la tonne, alors que le coût du fret Châteauroux – Rouen est de 12 €. Cet écart varie en fonction de la demande de barges (à l’heure actuelle, la Chine, du fait de sa forte croissance, fait pression sur les prix du fret) et de l’évolution des monnaies (taux de change). La parité €/$ est une variable importante de la compétitivité de l’exploitation. Lorsqu’un blé rendu Rouen côte 105 €/t, le blé français est estimé à 142 $/t. Il est donc impossible de rivaliser en Afrique du Nord avec un blé argentin à 107 $/t. Rendu Egypte, le différentiel de prix atteint 15 à 20 $/t. L’Argentine peut donc vendre sans problème sur les principaux marchés d’écoulement de la production française.

- Les prix s’expriment généralement en prix rendus (tenant compte des coûts de transport jusqu’au lieu de destination) par rapport à une base donnée (juillet, le plus souvent) et en prix FOB (Free on Board : départ du lieu de stockage ou de production). C’est l’importance des bassins de production et de transport qui déterminent la référence à un port d’embarquement (Rouen, Dunkerque, La Pallice,…), une ville de départ production (Port la Nouvelle, Creil Metz, Eure et Loir…) dans le cas du blé tendre. Ces prix sont donnés par l’ONIC (Office National Interprofessionnel des Céréales). A côté des cotations traditionnelles6 exprimées en « base juillet » et en rendu port d’embarquement, l’ONIC diffuse désormais des cotations internationales quotidiennes pour les blés français et hebdomadaires pour les orges de brasserie. Ces cotations sont directement comparables à celles d’autres origines. Elles incluent les majorations mensuelles et les coûts de mise à fob. Exprimées en euros et en dollars (hors restitutions à l’exportation), elles permettent d’améliorer la compréhension des opérateurs étrangers en leur donnant un élément de comparaison homogène. Pour le blé, deux types de cotations internationales sont disponibles : le French Channel Wheat (FCW) pour les sorties de blé assurées par les ports de la Manche et de la Mer du Nord, soit 80 % des exportations françaises sur pays tiers et 15 % des ventes sur l’Union Européenne. Est côtée en 2003/2004, la classe représentative 1 : FCW 1. En effet, 75% de la récolte française 2003 est classée dans les catégories E et 1. Le French Atlantic Wheat (FAW) pour les opérations réalisées à partir de la façade atlantique, soit 15 % des sorties de blés français. Sont actuellement côtés les blés de classe 1 (FAW 1).

L’exploitant devra traduire l’ensemble de ces informations en termes de risques (les risques

sont-ils faibles ou sont-ils élevés ?) afin de déterminer sa stratégie : continuer à demeurer sur les marchés de masse, chercher à différencier sa production ou se donner les moyens de se diversifier. Il pourra, dans ce contexte, utiliser certains outils statistiques, propres à l’analyse fondamentale et technique. Il pourra intervenir sur les marchés physiques par l’intermédiaire des coopératives, des maisons de négoce, des marchés au cadran (bétail, légumes) ou sur les livraisons différées. 3) Illustration par les marchés du colza et du tournesol a) Le marché du colza Le marché du colza est un marché exclusivement européen. Avec une production de 14 Mt de graines pour une trituration européenne qui en transformera 11 Mt (campagne 2004-2005), l’Europe des 25 n’a pas besoin d’importer de graines. Même si la parité €/$ et les cours du soja donnent la tendance, le marché européen fonctionne avec ses propres prix, et reste soumis à la gestion spatiale des unités de transformation. Les récentes mesures visant à augmenter la production de biocarburants n’a fait que renforcer cette tendance.

6 Les cotations sont présentées au stade négoce (hors TVA). Pour obtenir le prix culture, il suffit de retrancher la marge de l’OS (9 à 12 € la tonne) et les taxes à la charge du producteur (dans le cas du blé tendre : 1.27 €/t ; blé dur : 0.77€/t). Rappelons enfin que le prix d’intervention base juillet est égal à 98.52 €/t.

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Gestion économique du produit, dosiier 2, Arnaud Diemer, IHEDREA, MCF Clermont-Ferrand - En renouvelant son intérêt pour les biocarburants, l’Europe a permis au marché européen du colza d’être autosuffisant. L’Allemagne fait figure de pionnière en la matière. Le biodiesel bénéficie d’une détaxation totale. Et les récentes hausses du pétrole (désormais supérieur à 50€) ne font qu’encourager le développement des biocarburants. Selon l’UFOP (Organisation de promotion du biodiesel en Allemagne), la production dépasserait les 1.4 Mt. Allemagne doit ainsi importer des graines de colza de l’huile - destinées soit au biocarburant, soit au marché de l’alimentaire - pour couvrir ses besoins. Les graines proviennent principalement de la France7 (1 Mt), de la Pologne (1.49 Mt) et de la République Tchèque (0.9 Mt). L’huile vient quant à elle du marché de Rotterdam, véritable plaque tournante en Europe. Ce marché intéresse de plus en plus les industriels français : l’exemption de taxe sur le biodiesel allemand autorise les industriels à acheter les graines avec une prime par rapport au marché français. Les besoins allemands influencent les principaux cours du colza, le « Fob Moselle », principale référence du marché à terme du colza. - Même si le marché européen du colza est quelque peu déconnecté du marché international, il subi comme beaucoup de marchés agricoles les conséquences de la parité €/$. Le Canada est en effet le principal concurrent à l’export, très présent chez tous les pays tiers, il profite actuellement de prix compétitifs suite à la hausse de la parité €/$. Enfin le marché du colza doit être mis en relation avec le marché du soja (222 Mt pour la campagne 2004-2005), leader mondial des oléagineux, et le plus proche concurrent du colza (40 Mt). Le soja pèse sur les prix du colza, particulièrement pour les tourteaux. Deux raisons expliquent cette relation de cause à effet : 1° une production abondante, 2° une qualité protéique très appréciée en alimentation animale). Une fois le prix du tourteau de soja connu, il est possible de déterminer le prix du tourteau de colza (ce dernier se situe, en moyenne, à 65% de celui-ci). Pour les graines et les huiles, la relation soja-colza ne se vérifie plus, les deux oléagineux n’étant pas substituables. Malgré tout le marché à terme européen (Euronext) répercute en les amortissant les grandes variations observées sur la Bourse de Chicago (Ainsi en janvier, l’Argentine annonçait une augmentation de sa production de 23% passant à 63 Mt, cette perspective de forte hausse de la production est suffisante pour plomber les cours du soja et générer une tendance baissière des marchés du colza). - Le marché du colza tourne autour des triturateurs. En France, ils sont deux à se partager le marché : Cargill et Bunge/saipol. Sept usines de trituration sont répertoriées : Compiègne, Dieppe, Rouen, Brest, Bordeaux, Lezoux et Sète. A chaque usine correspond une zone d’approvisionnement où les prix évoluent en fonction des besoins de l’usine en graines, des marges de trituration et des cours des produits finis (le tourteau, l’huile). Une tonne de graines produit environ 40 % d’huile et 58% de tourteaux. C’est sur l’huile que le triturateur se fait sa principale marge (rapport de 2.5 à 1). L’huile de Colza s’est profondément installée en Europe suite aux besoins spécifiques pour l’alimentation humaine (regain d’intérêt pour les huiles riches en oméga 3) et pour la carburation. De ce fait, l’exportation d’huile se réduit de plus en plus (avec le diester, le marché français a besoin de 387 000 t d’huile, soit une consommation de 1 Mt de graines). Quant au tourteau de colza, il reprend peu à peu ses parts de marché face au soja (les industriels apprécient de plus en plus la garantie sans OGM, les hausses de volumes triturés se traduisent par une baisse des coûts de production). COLZA 18/01/05 MAT 01/02/05 MAT 05/04/05 MAT Rendu Rouen Rendu Rouen Rendu Bordeaux

198 (J-M) 196 (F-M) 203 (J-M)

F 05 : 195 M 05 : 198

A 05 : 203.25

195 (M-M) 195 (A-M)

M 05 : 194.75 A 05 : 200.5

198 (M-J) 205 (A-S) 200 (Juin)

M 05 : 202 A 05 : 212.5

FOB Moselle FOB Rhin

200 (J-M) 200 (J – M)

195 (A-M) 195 (A-M)

200 (A-J) 201 (A-J)

Départ OS Chateauroux Côte d’Or

190 (F-M) 186 (F-M)

N 05 : 208 F 06 : 209.75

180 (A-M) 182 (M-M)

N 05 : 205.75 F 06 : 210 M 06 : 212

190 (M-J)

N 05 : 218.5 F 06 : 222.5 M 06 : 227

7 L’axe Rhin-Moselle facilite l’approvisionnement des usines situées à l’Est du Pays, et relativement éloignées des principales zones de production.

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Gestion économique du produit, dosiier 2, Arnaud Diemer, IHEDREA, MCF Clermont-Ferrand Saône et Loire Yonne Allier Puy Dôme

184 (F-M) 185 (F-M) 187 (F-M)

180 (M-M) 181 (M-M) 177 (M-M)

188 (M-J) 188 (M-J) 190 (M)

b) Le marché du tournesol Contrairement au marché du colza, le marché du tournesol, principalement tourné vers l’alimentation humaine, est largement soumis aux marchés internationaux étant donné que l’Europe importe une grande quantité de ses besoins. - L’Europe à 25 produit moins de 4 Mt de tournesol alors qu’elle en triture près de 4.3 Mt. Sur la campagne 2003-2004, l’Europe a dû importer 1.5 Mt. Le marché est directement dépendant de la conjoncture de l’Argentine et de l’Ukraine, principaux pays exportateurs. Ceci est d’autant plus vrai que le marché européen du tournesol n’est pas protégé (les triturateurs peuvent acheter autant de graines qu’ils le souhaitent à l’Argentine). C’est le marché d’El Chaco (Argentine) qui avec près de 20% de la production d’huile du pays, fait la pluie et le beau temps sur le marché européen. Une production déficitaire et les cours montent, une production excédentaire et les cours chutent. L’Argentine (exportations de 150 000 t de graines et de 880 000 t d’huile en 2005) et l’Ukraine (Exportations de 400 000 t de graines et de 900 000 t d’huile) sont devenues en quelques années les principaux transformateurs du marché du tournesol. Elles ont commencé par protéger leur production en taxant les exportations de graines, puis ont cherché à développer leur capacité de trituration de leurs industries afin d’exporter non pas des graines mais de l’huile à forte valeur ajoutée. - Avec une production de 1.4 Mt de graines, la France couvre l’essentiel de ses besoins (deux bassins, répartis en 900 000 t dans la partie Nord et 500 000 t dans la partie sud). Les industriels triturent près d’1 Mt, essentiellement dans les usines de Dieppe, St Nazaire (55% de la trituration française), Bordeaux et Lezoux. La France exporte de la graine vers ses voisins européens du Nord (Pays-bas, Belgique), toutefois l’entrée de la Hongrie (production annuelle de 1 Mt) tend de plus en plus fragiliser ce débouché (Le Danube assure une certaine compétitivité aux barges hongroises). L’Espagne reste aujourd’hui le principal marché d’exportations des graines françaises (près de 1 Mt). Très peu structurée, l’industrie de trituration espagnole est répartie sur une trentaine de sites, qui se consacrent presque exclusivement à la production d’huile d’olive. L’huile de tournesol occupe une place très marginale, elle permet d’augmenter le taux d’utilisation des capacités de production. Cette remise en cause des zones de consommation (du Nord vers le Sud) pourra générer dans l’avenir des modifications de compétitivité au niveau des zones de production. Traditionnellement, la région Centre (prix départ Chateauroux) constituait le cœur de la zone de production qui alimentait l’industrie de trituration. Aujourd’hui, il semblerait que cette compétitivité se déplace vers le Sud-Ouest. - Le tournesol est un produit qui entre directement en concurrence avec le colza dans le portefeuille d’actifs des triturateurs. Avec le second souffle des biocarburants, la demande en colza est en pleine croissance (surtout en Allemagne, encore mitigée en France). En outre, l’image de l’huile de Colza s’est considérablement améliorée depuis quelques années. Elle ne cesse de grignoter des parts de marché à l’huile de tournesol, encore bien implantée en France (Elle couvre plus de 50% des besoins en huile de table). Comme pour le colza, c’est l’huile qui produit l’essentiel de la marge (les marges en colza sont cependant supérieures de près de 50% à celles du Tournesol). Une graine offre un rendement en huile de près de 44%, le reste étant converti en tourteaux. Même si les importations demeurent importantes, le tourteau se montre difficile à valoriser du fait de l’inélasticité de la demande au prix : le marché est incapable d’absorber une forte variation de l’offre (les triturateurs l’utilisent avec modération). Après une transformation de 1.4 t en 2004, c’est moins de 1 Mt qui sera transformée cette année (malgré une faiblesse de l’offre, les cours du tournesol sont restés plombés par les cours du colza).

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Gestion économique du produit, dosiier 2, Arnaud Diemer, IHEDREA, MCF Clermont-Ferrand

TOURNESOL 18/01/05 01/02/05 05/04/05 Rendu Rouen Rendu Dieppe Rendu Bordeaux Rendu St Nazaire Rendu Sète

236 (J-M) 236 (F-M) 235 (J-M) 235 (J-M) 240 (F-M)

236 (F-Mi) 235 (F-A) 235 (F-Mi) 240 (F-Mi)

235 (Mi) 230 (Mi-Jn) 235 (Mi-Jn) 240 (Mi-Jt) 233 (Juin)

FOB Moselle FOB Rhin

241 (J-M) 241 (J-M)

230 (F-Mi) 230 (F-Mi)

240 (Mi-Jt) -

Départ OS Chateauroux Côte d’Or Saône et Loire Yonne Allier Puy Dôme

227 (F-M) 221 (F-M) 223 (F-M) 221 (F-M) 232 (J-M)

230 (M-Mi) 220 (M-Mi) 222 (M-Mi) 220 (M-Mi) 229 (F-A)

225 (Mi-Jt) 220 (Mi-Jn) 222 (Mi-Jn) 220 (Mi-Jn) 225 (A-Mi)

Fob Mer Noire 191.80 201.81 Suite à un appel d’offres lancé par le gouvernement français en 2004 (volonté de produire 480 000 t supplémentaires de diester en 2007), Diester industries a proposé la création d’un site à Mériot (Aube) et d’un site à Montoir (Saint-Nazaire). Ces deux sites devraient produire respectivement 200 000 t et 120 000 t de Diester. Le projet Mériot est le plus avancé. Il présente de nombreux atouts : bien desservi par les réseaux routiers (N 19) et fluviaux (Seine), les cultures de colza et tournesol recouvrent déjà les 20 hectares souhaités par l’industriel… Ce site accueillera à la fois des unités de raffinage, d’estérification et de trituration. A plein régime, l’usine devrait pouvoir produire 440 000 t de tourteaux et 350 000 t d’huile brute, dont 200 000 t seront estérifiées en Diester. L’investissement, évalué à 95 millions d’€, se décompose en 70 millions pour la trituration et le raffinage ; 25 millions pour l’estérification. Ce seront près de 800 000 tonnes de colza et de tournesol, répartis dans un rayon de 150 km, qui seront acheminés vers le site. Cette nouvelle demande va générer un appel d’air dans une région d’approvisionnement qui produit près de 1.9 Mt de graines. Certains organismes stockeurs qui livrent actuellement sur Metz, vont pouvoir baisser leurs coûts de transport et devenir plus compétitifs. La grande incertitude concerne cependant le prix du Colza, augmentera t’il ? B) Une stratégie de différenciation Il s’agit précisément de jouer sur les caractéristiques du produit et de conférer à ce dernier des attraits particuliers que ne possèdent pas les produits concurrents. L’exploitant cherchera à développer une logique de gamme de produits dans laquelle il y a généralement un produit à large échelle et différents produits localisés sur des marchés de niches. Mettre en place une stratégie de différenciation revient enfin à raisonner sur les attentes des clients et à segmenter sa clientèle (ce qui oblige l’exploitant à se porter sur l’aval du marché, donc la demande des clients et des industriels). La stratégie de différenciation permet à la fois de réduire les risques de la monoproduction, de contractualiser sur de petits débouchés, d’élargir ses marchés, d’accroître ses parts de marché et d’améliorer sa rentabilité, autant d’éléments qui fournissent à l’exploitant les moyens financiers d’une croissance future. Illustration 1 : Mr X, céréalier sur plus de 88 ha en Charente Maritime, sème chaque année 4-5 variétés de blé sur la moitié de son exploitation (42.83 ha). Mr X travaille en quasi-exclusivité avec la coopérative de Civray et Chives. Il profite ainsi des contrats de la coopérative, parmi lesquels figurent celui du blé CRC (culture raisonnée contrôlée, variété Apache sur 15.52 ha), celui de variétés pures (variété Oratorio sur 14.5 ha et variété Autan sur 6.6 ha) et du blé biscuitier (variété Craklin sur 6.21 ha). A l’exception du blé CRC dont le cahier des charges interdit certains produits phytosanitaires, Mr X réalise les mêmes traitements et les mêmes apports d’azote sur tous ses blés.

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Chiffres clés de l’exploitation de Mr X Cultures Surfaces (ha) Rdt (q/ha) Contrats

Blé Variétés pures Blé CRC Blé biscuitier

21.1 15.52 6.21

70 à 75

2 €/t 7.5 €/t 4 €/t

Colza 11.39 35 à 36 Tournesol - dont jachère industrielle

30.41 8.94

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Féverole 3.61 22 Le blé biscuitier présente certaines caractéristiques : grain friable, teneur en protéines faible et inférieure à 11%. Cette variété fournit généralement un rendement inférieur à un blé classique. Sous la barre des 12%, la coopérative rémunère automatiquement le taux de protéines au plafond de la grille des blés ordinaires, soit avec une bonification de 1.50€/t. Une stratégie qui reflète la complexité du marché des biscuitiers. La coopérative Civray et Chives collecte chaque année 140 000 tonnes de blé, dont 1 000 à 2 000 tonnes de blé biscuitier. Depuis 1999, cette variété est complètement contractualisée et circonscrite à une zone (pour faciliter la collecte). 70% de la production est vendue aux Grands Moulins de Paris (présents à Bordeaux) et 30% aux meuniers du littoral. Toute la difficulté vient des fluctuations de la demande, fonction de la qualité de la récolte. Les contrats mentionnent en effet qu’un lot de blé contenant plus de 11% de protéines devrait être déclassé. Cette niche est donc étroitement liée à l’existence du marché. Un marché très exigeant vis à vis des caractéristiques du produit : une bonne farine biscuitière se caractérise à la fois par un faible taux de protéines, moins de 11%, et un p/l (rapport entre la ténacité et l’extensibilité de la pâte) inférieur à 0.5. Avec son blé biscuitier, Mr X gagne au moins 4 €/t de plus qu’un blé classique, somme qui correspond à la mise en œuvre de la variété, au remplissage des documents de traçabilité. S’ajoute la prime de qualité, de 1.50 €/t. En 2003, le blé biscuitier (variété Crousty) était vendu à 103 €/t. Illustation 2 : Mr Y, producteur en Côte d’Or (plateau des sources de la Seine), céréalier sur 195 ha travaille pour la Bagu’ette. Ses 45 ha de blé (65 q/ha de moyenne) sont tous en BTC. Le contrat repose sur la charte ITCF/Irtac à laquelle Panidor a ajouté quelques spécifications : produire l’une des 5 variétés retenues dans le contrat ; limiter la monoculture du blé ; ne pas épandre de boues ; raisonner l’azote avec la méthode Hydro N-tester ; stocker des variétés pures ; nettoyer le matériel de récolte et de livraison pour éviter des pollutions de lots par d’autres variétés. Ceci débouche sur une prime à l’agriculteur qui vient s’ajouter aux autres primes en fonction de la variété implantée ; du taux de protéines ; de critères physiques ; et de la traçabilité. Le tout complète un prix de base calculé selon la campagne. En 2003, Mr Y a vendu ses blés BTC 108 €/t, la prime BTC étant de 2 €/t. L’agriculteur n’a pas changé son mode de production. Pour financer ces deux cellules de stockage, il a signé un CTE l’engageant à produire selon la charte ITCF/Irtac. Deux contraintes se dégagent néanmoins : le choix variétal réduit qui empêche l’agriculteur de tester des nouveautés et la nécessité de livrer dans le silo désigné par l’industriel lorsque celui-ci le demande (nécessité d’être proche du lieu de livraison). Illustration 3 : Mr Z, exploitant en Haute Garonne, sur une surface de 140 ha, a opté pour les cultures à forte valeur ajoutée. Si la culture phare de l’exploitation reste le blé dur (80 ha, marge de 900€/ha en 2004), l’exploitant réduit les risques de la monoculture en complétant son assolement par des pois (10 ha), du sorgho (6.5 ha) et du tournesol (28 ha). Dans le cas du tournesol, l’exploitant a choisi de planter une partie de ses surfaces à destination de l’oisellerie. Cette production est contractualisée et vendue à la coopérative CRL (Coopérative régionale du Lauragais). Les tournesols striés ou blancs ne constituent qu’un petit quart des graines utilisées en oisellerie (l’alpiste et le millet couvrant plus de la moitié des débouchés). Récoltées généralement dans le Sud-Ouest ou dans la Vallée du Rhône, les graines françaises n’atteignent pas la qualité de

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Gestion économique du produit, dosiier 2, Arnaud Diemer, IHEDREA, MCF Clermont-Ferrand leurs homologues hongroises (référence du marché) et doivent se contenter des segments de marché « bas de gamme » (il s’agit principalement de ventes aux grandes surfaces). Les acheteurs accordent beaucoup d’importance à la qualité visuelle des graines (les coopératives, quant à elles, surveillent le taux d’humidité, 11% pour un tournesol blanc et 9% pour un tournesol strié). Du point de vue des performances techniques et des charges, les rendements en tournesol strié ou blanc sont proches de ceux du tournesol classique (20 qt/ha). Plusieurs contraintes sont liées à l’itinéraire technique. Pour éviter les pollinisations croisées, l’exploitant doit choisir des parcelles distantes d’au moins 200 m d’un autre tournesol ; nettoyer son semoir pour éviter le mélange de graines. Il doit également réduire la densité des semis (56 000 pieds/ha contre 60 000 pour un tournesol classique) pour la graine se développe mieux ; garantir une pureté des grains (nettoyage des moissonneuses)… Même si la production française de graines pour l’oisellerie est une production d’appoint (complément de récolte pour compenser la faiblesse d’un concurrent, marché très spéculatif, les acheteurs font jouer la concurrence…), la coopérative CRL payait le tournesol strié et le tournesol blanc sur la base de 260 et 270 €/t (hors taxes). Une rémunération bien supérieure au prix du tournesol classique (en 2003, le différentiel de marge brute avoisinait les 160 €, 572 €/t pour le tournesol strié contre 397€/t pour le tournesol classique). C) Une stratégie de diversification

Se diversifier consiste pour exploitation « à se lancer dans des activités nouvelles pour elle, qu’il s’agisse de nouveaux produits et/ou de nouveaux marchés ». Il s’agit d’une stratégie qui peut revêtir des formes multiples, d’où de nombreux essais de typologie. Par exemple, si l’on caractérise un domaine d’activité initial par un produit, un marché et une technologie, les changements apportés à l’un ou plusieurs des termes de cette combinaison, conduisent à distinguer : la diversification horizontale (se lancer dans des produits nouveaux, à technologie identique ou non, pour une même base de clientèle) ; la diversification concentrique ( les produits nouveaux, à technologie identique ou non, s’adressent à des clients nouveaux) ; la diversification hétérogène ou conglomérale (le produit, le marché et la technologie sont simultanément nouveaux). On peut également raisonner en termes de finalités poursuivies ou de contextes dans lesquels se trouvent les exploitations lorsqu’elles décident de se diversifier. Il peut ainsi s’agir d’une diversification défensive motivée par la nécessité de compléter ou remplacer une activité de base défaillante ou d’une diversification offensive destinée à profiter d’un avantage concurrentiel et à maîtriser de nouvelles technologies. Il est courant de justifier la stratégie de diversification en lui associant des avantages d’ordre économique et financier. La diversification est tout d’abord un moyen de satisfaire des ambitions de croissance qui ne pourraient être assouvies par la spécialisation initiale sur un seul domaine d’activité. Elle doit donc être considérée comme une étape logique dans le développement de l’exploitation. La diversification est également un moyen de réduire les risques liés à la dépendance par rapport à un secteur d’activité unique. L’entreprise est en effet soumise au cycle conjoncturel qui la rend vulnérable à court terme et moyen terme (en période de creux conjoncturel, c’est à dire de fléchissement de la demande, la baisse des ventes met en péril la rentabilité de l’exploitation). Enfin la diversification devrait conduire à une meilleure rentabilité en raison de différents types d’économies qu’elle autorise : économies d’intégration (lorsque la maîtrise d’activités interdépendantes permet d’investir à moindre risque dans des actifs spécifiques améliorant la performance technique) ; économies de champs (en raison de l’utilisation partagée de ressources entre plusieurs activités et de phénomènes de synergie)…

La diversification pose à l’exploitant deux catégories de problèmes situés à des stades

différents : 1° avant sa réalisation, il s’agit de choisir les nouvelles activités et le mode d’accès. L’exploitant doit ainsi faire face à trois types de risques : le risque d’entraîner un excès d’offre sur

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le marché, le risque lié aux coûts d’entrée8 sur le marché, et le risque lié aux pertes de démarrage9. Pour minimiser ces risques, l’exploitant doit découvrir les métiers où le marché est peu concurrentiel, et pour lesquels il dispose d’une partie des compétences nécessaires. 2° après la diversification, il faut gérer simultanément des activités aux logiques différentes et organiser de façon efficace le nouvel ensemble diversifié (c’est le défi organisationnel, temps de travail, utilisation du capital).

8 Capitaux nécessaires en immobilisations, en stocks, en dépenses commerciales... Ces coûts d’entrée risquent d’être trop élevés par rapport aux capacités financières de l’exploitant. 9 L’absence de maîtrise par une exploitation de la totalité des compétences nécessaires à l’exercice d’un nouveau métier peut lui infliger des handicaps concurrentiels insurmontables.