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La France a très longtemps été un pays rural dont la majorité des habitants vivait de l’agriculture. Alors que la population active agricole, familiale et salariée, représentait avec 6,2 millions de personnes 31% de l’emploi total en France en 1955 (Desriers 2007), cette part est tombée à 3,4% en 2008 (INSEE, enquête emploi). Dans le même temps, l’agriculture française connaissait une croissance de sa production tout à fait remarquable, soutenue par les lois d’orientation agricole de 1960 et 1962 qui ont impulsé de fortes et rapides évo- lutions des structures et dont l’effet a été renforcé par les premières organisa- tions communes de marché (Politique Agricole Commune (PAC) issue du trai- té de Rome de 1957). A partir des années 1980, le marché européen étant devenu excédentaire pour bon nombre de produits agricoles, différentes réformes de la PAC se sont succédé pour réguler l’offre tout en continuant dans un premier temps à soutenir les prix à la production, puis en passant à un soutien direct au revenu des agriculteurs (Butault 2004). La tendance à la réduction du nombre d’exploitations et de travailleurs agrico- les se poursuit encore aujourd’hui. Le recensement agricole 2010 (Giroux 2011) montre que le nombre total de tra- vailleurs agricoles a chuté de 22% entre 2000 et 2010, le nombre d’exploitations diminuant de 26% (en 2010 les 490 000 exploitations agricoles que compte la France métropolitaine emploient 750 000 Unités de Travail Annuel (UTA)). La superficie agricole totale poursuit éga- lement son érosion (- 3% sur dix ans). Au final, la surface que valorise en moyenne un travailleur agricole s’est accrue de 24% depuis 2000 (36 ha/tra- vailleur en 2010 contre 29 ha/travailleur en 2000) (Desriers 2011). Le nombre d'exploitations d’élevage a diminué et les cheptels ont connu des évolutions contrastées selon les pério- des et les espèces. Le nombre total de bovins s’est accru entre 1950 et 1980 (passant de 15,8 millions de têtes à 23,1 millions soit près de 50% d’augmenta- tion), avant de régresser de 17% jus- qu’aux années 2000 (20,5 millions de bovins en 2000, 19,1 millions en 2011) sous l’effet des quotas laitiers et des Primes au Maintien du Troupeau de Vaches Allaitantes (PMTVA). La PAC a aidé à «fixer» les productions d’herbi- vores dans l’ensemble des régions, bien qu’on assiste à une légère concentration des bovins laitiers dans l’Ouest et des bovins à viande dans le Massif Central (Institut de l’Elevage 2011a). La ten- dance est toujours à la croissance de la taille moyenne des troupeaux : + 38% entre 2000 et 2010 pour le nombre moyen de vaches laitières par exploita- tion et + 31% pour celui de vaches allaitantes, même si le travail est sou- vent évoqué comme un facteur limitant par beaucoup d’éleveurs. Parallèlement, le nombre d’élevages hors sol et les effectifs de porcs et volailles ont explosé. Ces élevages, non soutenus par la PAC, se sont concen- trés en Bretagne et Pays de la Loire (Bourgeois et Desriers 2002), mouve- ment lié à la forte intégration de la filiè- re par des firmes agro-alimentaires qui cherchent à limiter leurs coûts grâce à des économies d’échelle et à un accès facile à une production standardisée (Bagoulla et al 2010). Les agriculteurs se sont ainsi toujours adaptés (structures, systèmes de pro- duction, pratiques) au contexte écono- mique et politique en privilégiant avant tout l’augmentation de la productivité de leur travail. En cinquante ans, les gains de productivité en agriculture ont été continus et considérables. En paral- lèle, les prix agricoles à la production INRA Productions Animales, 2012, numéro 2 INRA Prod. Anim., 2012, 25 (2), 193-210 T. CHARROIN 1 , P. VEYSSET 2,3 , S. DEVIENNE 4 , J.-L. FROMONT 5 , R. PALAZON 1 , M. FERRAND 6 1 Institut de l’Elevage, BP 50, F-42270 Saint-Priest-en-Jarez, France 2 INRA, UMR1213 Herbivores, F-63122 Saint-Genès-Champanelle, France 3 Clermont Université, VetAgro Sup, UMR Herbivores, BP 10448, F-63000 Clermont-Ferrand, France 4 UFR Agriculture comparée et développement agricole, AgroParisTech, 16 rue Claude Bernard, F-75231 Paris, France 5 AFOCG de l’Ain, 1 rue Robert Schuman, F-01000 Bourg-en-Bresse, France 6 Institut de l’Elevage, 149 rue de Bercy, F-75595 Paris, France Courriel : [email protected] Productivité du travail et économie en élevages d’herbivores : définition des concepts, analyse et enjeux Au cours des cinquante dernières années, la productivité du travail s’est accrue en agriculture à un rythme beaucoup plus rapide que dans les autres secteurs économiques. Les agriculteurs ont adapté leurs structures et systèmes de production en utilisant plus d’intrants et de capitaux pour accroître la productivité de leur travail avec pour objectif de maintenir leur revenu. Pourtant, la relation entre volume de production par travailleur et revenu des éleveurs n’est pas linéaire.

Productivité du travail et économie en élevages …...La France a très longtemps été un pays rural dont la majorité des habitants vivait de l’agriculture. Alors que la population

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Page 1: Productivité du travail et économie en élevages …...La France a très longtemps été un pays rural dont la majorité des habitants vivait de l’agriculture. Alors que la population

La France a très longtemps été unpays rural dont la majorité des habitantsvivait de l’agriculture. Alors que lapopulation active agricole, familiale etsalariée, représentait avec 6,2 millionsde personnes 31% de l’emploi total enFrance en 1955 (Desriers 2007), cettepart est tombée à 3,4% en 2008 (INSEE,enquête emploi). Dans le même temps,l’agriculture française connaissait unecroissance de sa production tout à faitremarquable, soutenue par les lois d’orientation agricole de 1960 et 1962qui ont impulsé de fortes et rapides évo-lutions des structures et dont l’effet a étérenforcé par les premières organisa-tions communes de marché (PolitiqueAgricole Commune (PAC) issue du trai-té de Rome de 1957).

A partir des années 1980, le marchéeuropéen étant devenu excédentairepour bon nombre de produits agricoles,différentes réformes de la PAC se sontsuccédé pour réguler l’offre tout encontinuant dans un premier temps àsoutenir les prix à la production, puis enpassant à un soutien direct au revenudes agriculteurs (Butault 2004).

La tendance à la réduction du nombred’exploitations et de travailleurs agrico-les se poursuit encore aujourd’hui. Le

recensement agricole 2010 (Giroux2011) montre que le nombre total de tra-vailleurs agricoles a chuté de 22% entre2000 et 2010, le nombre d’exploitationsdiminuant de 26% (en 2010 les 490 000exploitations agricoles que compte laFrance métropolitaine emploient 750 000Unités de Travail Annuel (UTA)). Lasuperficie agricole totale poursuit éga-lement son érosion (- 3% sur dix ans).Au final, la surface que valorise enmoyenne un travailleur agricole s’estaccrue de 24% depuis 2000 (36 ha/tra-vailleur en 2010 contre 29 ha/travailleuren 2000) (Desriers 2011).

Le nombre d'exploitations d’élevage adiminué et les cheptels ont connu desévolutions contrastées selon les pério-des et les espèces. Le nombre total debovins s’est accru entre 1950 et 1980(passant de 15,8 millions de têtes à 23,1millions soit près de 50% d’augmenta-tion), avant de régresser de 17% jus-qu’aux années 2000 (20,5 millions debovins en 2000, 19,1 millions en 2011)sous l’effet des quotas laitiers et desPrimes au Maintien du Troupeau deVaches Allaitantes (PMTVA). La PAC aaidé à «fixer» les productions d’herbi-vores dans l’ensemble des régions, bienqu’on assiste à une légère concentrationdes bovins laitiers dans l’Ouest et des

bovins à viande dans le Massif Central(Institut de l’Elevage 2011a). La ten-dance est toujours à la croissance de lataille moyenne des troupeaux : + 38%entre 2000 et 2010 pour le nombremoyen de vaches laitières par exploita-tion et + 31% pour celui de vachesallaitantes, même si le travail est sou-vent évoqué comme un facteur limitantpar beaucoup d’éleveurs.

Parallèlement, le nombre d’élevageshors sol et les effectifs de porcs etvolailles ont explosé. Ces élevages, nonsoutenus par la PAC, se sont concen-trés en Bretagne et Pays de la Loire(Bourgeois et Desriers 2002), mouve-ment lié à la forte intégration de la filiè-re par des firmes agro-alimentaires quicherchent à limiter leurs coûts grâce àdes économies d’échelle et à un accèsfacile à une production standardisée(Bagoulla et al 2010).

Les agriculteurs se sont ainsi toujoursadaptés (structures, systèmes de pro-duction, pratiques) au contexte écono-mique et politique en privilégiant avanttout l’augmentation de la productivitéde leur travail. En cinquante ans, lesgains de productivité en agriculture ontété continus et considérables. En paral-lèle, les prix agricoles à la production

INRA Productions Animales, 2012, numéro 2

INRA Prod. Anim.,2012, 25 (2), 193-210

T. CHARROIN1, P. VEYSSET2,3, S. DEVIENNE4, J.-L. FROMONT5, R. PALAZON1, M. FERRAND6

1Institut de l’Elevage, BP 50, F-42270 Saint-Priest-en-Jarez, France 2 INRA, UMR1213 Herbivores, F-63122 Saint-Genès-Champanelle, France

3 Clermont Université, VetAgro Sup, UMR Herbivores, BP 10448, F-63000 Clermont-Ferrand, France4 UFR Agriculture comparée et développement agricole, AgroParisTech, 16 rue Claude Bernard, F-75231 Paris,

France 5 AFOCG de l’Ain, 1 rue Robert Schuman, F-01000 Bourg-en-Bresse, France

6 Institut de l’Elevage, 149 rue de Bercy, F-75595 Paris, FranceCourriel : [email protected]

Productivité du travail et économieen élevages d’herbivores :définition des concepts, analyse et enjeux

Au cours des cinquante dernières années, la productivité du travail s’est accrue en agricultureà un rythme beaucoup plus rapide que dans les autres secteurs économiques. Les agriculteursont adapté leurs structures et systèmes de production en utilisant plus d’intrants et de capitauxpour accroître la productivité de leur travail avec pour objectif de maintenir leur revenu.Pourtant, la relation entre volume de production par travailleur et revenu des éleveurs n’est paslinéaire.

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ont fortement baissé, compensés enpartie et depuis vingt ans seulement pardes soutiens directs. Cette baisse a sur-tout profité aux branches clientes del’agriculture, notamment aux industriesagro-alimentaires (la France est deve-nue un grand exportateur de produitsagro-alimentaires). A contrario, lesconsommateurs en ont peu bénéficié,sauf pour les produits de l’industrie dela viande et du lait : le taux de margedu commerce a plutôt baissé de 1979 à1994, mais il augmente fortementdepuis, entraînant un accroissement entermes réels des prix à la consommation(Butault 2008).

Nous débuterons cet article en préci-sant dans un premier temps la notion demain-d’œuvre en exploitation agricole,ainsi que les différentes définitions de laproductivité physique et économique dutravail. Nous introduirons égalementles principaux indicateurs utilisés pourjuger de la performance économiquedes exploitations.

Nous porterons ensuite un regard surl’évolution de la productivité du travailet de l’économie de la production agri-cole française au cours des 50 dernièresannées. Un zoom sur les trajectoiresd’exploitations d’élevage bovin allaitantpendant 20 ans illustrera ces tendanceset précisera leurs impacts productifs etéconomiques. Enfin, nous analyseronsla relation entre productivité du travailet résultats économiques en élevage,pour les différents types d’élevages her-bivores (bovins, ovins, caprins pourl’année 2009) et ouvrirons le débat surla recherche de gains de productivité enélevage, leurs moteurs, leurs intérêts etleurs limites.

1 / Productivités du travailet indicateurs économi-ques : concepts et défini-tions

1.1 / Quantification de la main-d’œuvre

Il est assez difficile de quantifier lamain-d’œuvre en agriculture du fait del’importance de la main-d’œuvre nonsalariée dont le nombre d’heures de tra-vail est rarement enregistré. On a doncle plus souvent recours à des conven-tions.

Afin d'analyser l’organisation du tra-vail, comme le propose la méthode duBilan Travail (INRA et l'Institut del'Elevage, Dedieu et al 2000), nousavons distingué trois classes pour lamain-d’œuvre : «exploitants et asso-ciés», «salariée» et «bénévole».

Pour sa quantification, nous compta-bilisons une unité de main-d’œuvrepour toute personne majeure «à tempsplein» sur l’exploitation, quel que soitson âge (même si son temps réel detravail dépasse largement les normes envigueur pour le travail salarié). Pour lestemps partiels (représentations profes-sionnelles importantes, autres activitéspour l’exploitant ou son conjoint, coupde main bénévole) nous disposons denormes qui, lors des suivis en exploita-tions, sont ajustées par échange avec leséleveurs. Cette démarche rejoint la pra-tique du Service de la Statistique et de laProspective (SSP) (Lacroix et Mollard1991).

Le vocable «Unité de Main-d’œuvre»(UMO) a été préféré à celui «d’Unité deTravail Annuel» (UTA) qui faisait réfé-rence par le passé à un nombre d’heures(degré de précision difficile à appro-cher).

1.2 / Productivités du travailLa productivité du travail peut être

définie de deux manières : la «produc-tivité physique» qui mesure le volumede biens produit par UMO (unités phy-siques de lait ou de viande produit enexploitation d’élevage) et la «producti-vité économique» qui ambitionne dequantifier la richesse créée par UMO.Leur analyse sur un intervalle de tempspermet de mesurer des gains de produc-tivité. Nous allons préciser pour chacu-ne d’entre elles les conventions métho-dologiques que nous avons retenuespour cette analyse.

a) Productivité économique du travailLa productivité économique du travail

correspond à la richesse créée par lesactifs ayant participé au processus deproduction ; elle est mesurée par lavaleur ajoutée, brute ou nette, par actifagricole. Celle-ci est égale à la valeur dela production (hors aides) diminuée decelle de l’ensemble des biens et servicesproduits par des tiers (consommationsintermédiaires et consommation annuel-le moyenne de capital fixe). Pour lavaleur ajoutée brute, la dépréciation ducapital fixe n’est pas soustraite ; onpasse à la valeur ajoutée nette en dédui-sant cette consommation. Ces grandeurséconomiques peuvent être calculées auniveau de l’exploitation, mais aussi auniveau de la branche agricole dans lesComptes de la Nation. Notons que lavaleur ajoutée peut varier significative-ment dans le temps en fonction de laconjoncture économique de l’année etindépendamment de la productivitéphysique.

Pour s’affranchir des effets de laconjoncture et estimer in fine la crois-

sance réelle de la richesse produite, lesComptes de la Nation «décomposent lesévolutions des opérations sur les bienset services en valeur en deux composan-tes : un facteur prix, reflétant le mouve-ment des prix, et un facteur volume,mesurant l’évolution des «quantités»des agrégats (produit brut, consomma-tions intermédiaires, valeur ajoutée…)à prix constants» (Braibant 2007). Cettedécomposition s’effectue produit parproduit, en tenant compte de la défor-mation des prix relatifs.

b) Productivité physique du travailLes notions de production rapportée à

des unités non monétaires telles la pro-ductivité numérique (nombre de pro-duits par femelle reproductrice), pondé-rale (kg de viande vive par Unité GrosBétail (UGB)), fourragère (tonnes dematière sèche par ha), etc. sont aujour-d’hui bien intégrées. En complément, ilest de plus en plus fréquemment faitréférence à la productivité physique dutravail. Cet indicateur est relativementaisé à appréhender dans les exploita-tions ayant un seul atelier de production.Pour les exploitations d’élevage avecplusieurs ateliers de production (poly-culture-élevage, élevage diversifié…),certains auteurs ont proposé des métho-des pour quantifier la productivité phy-sique globale de l’exploitation (Benoitet Laignel 2006) en convertissant deshectares de grandes cultures, des mar-ges brutes d'atelier hors sol en «équiva-lent UGB» pour les cumuler aux UGBde l’atelier animal et présenter ainsi unindicateur. Mais de fait, ces conventionsévaluent une dimension et non pasune productivité (qui peut être très diffé-rente).

Devant l’absence d’une méthodologiepartagée par tous les acteurs (recherche,développement, enseignement, agricul-teurs…), notre approche s’est refusée àcumuler des quantités de nature aussidifférente que par exemple le lait et laviande.

Nous avons préféré désagréger lamain-d’œuvre totale de l’exploitationau niveau de l’atelier. Un jeu de coef-ficients d’affectation déterminés parrégression multiple dans une étudeprécédente (Charroin et Ferrand 2010)nous permet de calculer la part de main-d'œuvre affectée à chaque atelier (cellesnécessaires au troupeau, aux surfacesfourragères et aux céréales intracon-sommées) et donc à en évaluer la pro-ductivité physique. Pour les élevagesd’herbivores, le volume de productioncorrespond au produit principal de lafilière : litres de lait pour les produc-tions laitières et kilos de viande vive(calculée à partir des ventes et achatsd'animaux et des variations d’inventaire

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en nombre et en poids) pour la viandebovine. En viande ovine, en raison de laforte différence de valorisation entreagneaux et brebis de réforme et de laprépondérance des agneaux vendus encarcasse, le volume de production estexprimé en «équivalents agneaux car-casse». Nous avons renoncé à prendreen compte les coproduits (veaux de 8jours pour les troupeaux laitiers, laineen élevage ovin…) après avoir vérifiéleur faible poids dans le chiffre d'affai-res.

Pour tous les ateliers herbivores dechaque exploitation de la base de don-nées des Réseaux d’élevage, nousdisposons des résultats de productivitéphysique par UMO rémunérée (une éva-luation de l'atelier «grandes cultures»est en cours). Ce mode d'estimation dela productivité physique du travail,maintenant intégré dans les outils«coûts de production», a été systématisédans toutes les filières herbivores.

1.3 / Indicateurs économiquesL’impact de la productivité du travail

est analysé selon les grandes composan-tes du compte d’exploitation : produit

brut avec et sans les aides, contributiondes aides et part des intrants. Ce dernierposte (concentrés, fourrages et pailleachetés, engrais, semences, produits deprotection phytosanitaire, carburants,électricité et gaz) regroupe les chargesles plus liées au degré d’intensificationdes systèmes de production et donc apriori à un accroissement de la produc-tivité.

Parmi les soldes intermédiaires degestion (encadré 1), nous avons retenula valeur ajoutée brute calculée sansaide, la valeur ajoutée nette aprèsdéduction des amortissements, l’Excé-dent Brut d’Exploitation (EBE), ainsique le Résultat Courant Avant Impôts(RCAI) qui est l’indicateur du revenudes comptes de l’agriculture. Afin depouvoir analyser la productivité du tra-vail de la main-d’œuvre rémunérée(salariée ou non), le RCAI et l’EBE sontcalculés sans déduire les salaires, lescharges salariales et les charges socialesde l’exploitant. L’efficience écono-mique des exploitations est analysée àpartir du ratio EBE/Produit brut total.Le montant du capital d’exploitation estcalculé hors foncier (du fait de la

dimension patrimoniale que celui-cireprésente).

La rétrospective de l’évolution de laproductivité du travail de l’agriculturefrançaise sur les 50 dernières annéesfera référence aux critères utilisés parles Comptes de la Nation. Les donnéesdisponibles pour traiter du zoom surles trajectoires d’exploitations bovinesallaitantes et les analyses des relationsentre la productivité du travail et lesrésultats économiques feront référenceà la productivité physique du travail.

2 / Evolution de la producti-vité du travail et des résul-tats économiques de l’agri-culture française depuis1950

Depuis cinquante ans, la productionagricole française a connu, nous l’avonsvu, une forte expansion malgré la bais-se importante du nombre d’exploita-tions et d’actifs agricoles. Cette évo-lution repose sur un accroissementspectaculaire du volume produit par

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Encadré 1. Schéma des soldes intermédiaires de gestion.

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actif agricole, donc de la productivitéphysique du travail, permis par de pro-fondes transformations des systèmes deproduction agricole1.

2.1 / Les systèmes de polycultu-re-élevage des années 1950

En 1950, dans la majeure partie desrégions françaises, prédominaient dessystèmes de production basés sur l’as-sociation agriculture-élevage, très large-ment tournés vers l’autoconsommationfamiliale (Mazoyer et Roudart 1997).Ces systèmes combinaient différentssystèmes de culture (adaptés à la diver-sité des terroirs) et d’élevage qui entre-tenaient des relations étroites. Les systè-mes de culture étaient généralementbasés sur des rotations complexes quifaisaient alterner céréales, plantessarclées (betteraves fourragères et/ouà sucre, pommes de terre, navets,choux...) et légumineuses fourragères(trèfle semé sous avoine, luzerne, sain-foin…). Les produits végétaux fournis-saient une part importante de l’alimen-tation de la famille, ainsi que l’essentielde l’alimentation des élevages. Lalogique agronomique des rotations decultures était basée sur les effets «précé-dent» et «sensibilité du suivant» : leslégumineuses contribuaient à enrichir lesol en azote tandis que l’alternance desplantes sarclées et des prairies tempo-raires ou artificielles avec les céréales,contribuait à améliorer la structure dusol, à limiter l’impact des maladies et àcontrôler la prolifération des adventiceset des prédateurs. Un travail manuelimportant était encore nécessaire pourle désherbage et les rendements demeu-raient limités.

Les productions fourragères ainsi queles sous-produits de culture contribuaientau fonctionnement des systèmes d’éleva-ge. Les exploitations élevaient bien sou-vent à la fois des bovins, pour la produc-tion de lait et de viande, des ovins et/oudes caprins dans les régions aux condi-tions de milieu plus difficiles et, à l’ex-ception des plus petites d’entre elles, deschevaux pour la force de trait, ainsi quequelques porcs (porcs à l’engrais et par-fois une ou quelques truies) et de lavolaille. Ces différents systèmes d’éleva-ge fournissaient en retour l’énergie detraction et le fumier pour la reproductionde la fertilité sur les espaces cultivés. Lesystème de polyculture-élevage reposait

ainsi sur une large autofourniture desmoyens de production.

L’autoconsommation et l’autofourni-ture absorbaient en général la majeurepartie de la production agricole et lessurplus étaient vendus, parfois aprèstransformation, afin de dégager le reve-nu monétaire nécessaire pour renouve-ler les moyens de production de l’ex-ploitation (notamment l’équipement deculture attelée) et assurer les besoins dela famille.

2.2 / Une révolution agricolebasée sur l’incorporation demoyens de production indus-triels

A partir des années 1950, une vérita-ble révolution agricole (Mazoyer etRoudart 1997) a pris place et s’estdéroulée en plusieurs phases jusqu'àaujourd'hui. Elle a reposé sur l’utilisa-tion croissante de moyens de productionindustriels et sur le développement detechniques conçues par la recherchepublique ou privée et vulgarisées dansles centres de formation ou directementauprès des agriculteurs.

Les innovations techniques, sur les-quelles repose l’accroissement de laproductivité du travail dans le secteuragricole, ne sont pas conçues indé-pendamment du système technique etde l’esprit technologique ambiant(Mounier 1992, Perez 2009). Ainsi,depuis 1950, les solutions proposées etmajoritairement adoptées dans le sec-teur agricole se sont fondées dans unpremier temps sur le pétrole (industriedu tracteur et du machinisme agricole,pétrochimie…), une division horizonta-le et verticale du travail et des écono-mies d’échelle, la standardisation desproductions, etc. avant que l’informa-tique et les biotechnologies ne prennentrécemment une place grandissante. Labiologie a été mise au service du déve-loppement de ces technologies. Lasélection génétique a visé à adapter lesplantes cultivées et les animaux auxmoyens de production industriels, tandisque les écosystèmes, considérés seule-ment comme un support de production,ont été aménagés afin de permettre lamise en œuvre des nouvelles formes deproduction (arrachage des haies, agran-dissement des parcelles, drainage, irri-gation...). Le contrôle des cycles de

matière (eau, azote, phosphore, oligoé-léments…) et des populations vivantes aété extrêmement poussé. Le mode deproduction développé ne s’est que peuappuyé sur les capacités intrinsèquesdes écosystèmes à produire et à serenouveler, privilégiant au contraire lerecours aux moyens de productionindustriels.

L’adoption d’équipements de plus enplus performants a permis aux exploi-tants agricoles d’accroître l’efficacitéde leur travail et de toujours repousser lalimite du nombre d’hectares ou d’ani-maux qu’un actif peut prendre en char-ge. Le recours aux intrants a contribué àaccroître les rendements, à simplifier letravail. Il a également permis d’aban-donner la complémentarité jusqu’alorsindispensable entre les cultures au seindes rotations et entre les systèmes deculture et d’élevage. Le processus deremplacement de l’autofourniture desmoyens de production par l’approvi-sionnement auprès de l’industrie aouvert la voie à la spécialisation desunités de production dans un nombre deplus en plus restreint de productionsvégétales et/ou animales, en fonctiondes conditions de milieu, de leur super-ficie et de leurs moyens de productionainsi que des débouchés auxquelselles avaient accès. Aujourd’hui seules12,6% des exploitations agricoles fran-çaises sont en polyculture ou polyéleva-ge, contre 16,8% en 1988 ; Sébillotte(1966) estimait qu’elles étaient 85% en1963. L’accroissement de la productivi-té physique du travail s’est égalementaccompagné d’un agrandissement de lasuperficie et de la taille de troupeau desexploitations, permis par l’adoption denouveaux équipements et nécessairepour les rentabiliser. Ce processus aété rendu possible par la disparitionprogressive et continue des exploita-tions insuffisamment productives poursuivre ce mouvement ; il aboutit à uneconcentration de la production dans unnombre toujours plus restreint d’exploi-tations.

2.3 / Des systèmes de productionspécialisés de plus en plus pro-ductifs

En grandes cultures, le développe-ment a reposé sur une spécialisation deplus en plus poussée des systèmes deproduction et sur la simplification et

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1 La description des modalités concrètes d’évolution des systèmes de production s’appuie sur les nombreux travaux de terrain réalisés dans différentes régionsfrançaises depuis 20 ans visant à effectuer l’analyse-diagnostic de l’agriculture de petites régions agricoles (Cochet et Devienne 2006). Ces travaux, encadréspar les enseignants de l’UFR d’Agriculture comparée et Développement agricole d’AgroParisTech, ont été effectués soit dans le cadre de mémoires d’Ingénieuren Développement Agricole ou lors de travaux de terrain collectifs avec des étudiants de la dominante d’approfondissement Développement agricole ou en2ème année du cursus agronome d’AgroParisTech. Au total, plus de cinquante diagnostics ont été réalisés, dans des régions très différentes (Nord, Haute Marne,Meuse, Côtes d’Armor, Vendée, Deux Sèvres, Cantal, Yonne, Corrèze, Drôme, Seine Maritime, Orne, Charente, Allier…). Ces diagnostics visent à compren-dre la situation actuelle et l’évolution de l’agriculture à l’échelle d’une petite région agricole en mettant en évidence le processus de différenciation des sys-tèmes de production qui a conduit à la situation actuelle.

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le raccourcissement des rotations.L’accroissement de la production paractif a été permis par l’augmentationdes rendements et de la superficie.L’utilisation de variétés sélectionnées,des engrais et des produits phytosani-taires et, dans bien des cas aussi, ledrainage, voire l’irrigation, ont conduità des rendements accrus (qui sont pas-sés par exemple pour le blé de 25 q/haen 1960 à 70 q au début des années2000 et plafonnent depuis). La superfi-cie cultivée par actif a pu être augmen-tée non seulement grâce à l’adoptiond’équipements autorisant une plusgrande capacité de travail (puissance etlargeur de travail), mais aussi grâce àla simplification des itinéraires tech-niques (travail simplifié, semis direct)que permet le recours aux herbicides.Cette évolution devrait se poursuivreavec le développement de l’informa-tique et des biotechnologies. Le recoursau GPS permet en effet à la fois l’auto-guidage des machines, donc un allège-ment substantiel du travail2 et la pos-sibilité, avec les mêmes puissance etlargeur de travail, d’accroître la superfi-cie maximum cultivable par actif et unegestion précise de l’information sur dessuperficies importantes, donc l’ajuste-ment précis de l’utilisation des intrants.Les biotechnologies quant à elles, sielles sont autorisées comme aux Etats-Unis, offrent avec les variétés généti-quement modifiées (tolérantes aux her-bicides et/ou résistantes à certainsinsectes) la possibilité de simplifier letravail en réduisant encore le nombre depassages sur la parcelle.

L’accroissement de la productivité dutravail en grandes cultures repose ainsisur un capital fixe par actif de plus enplus élevé et la mise en œuvre d’itiné-raires techniques s’appuyant sur unrecours important aux consommationsintermédiaires, en dépit des effortsréalisés au cours des vingt dernièresannées pour maîtriser l’utilisation desintrants.

Le même processus est à l’œuvredans le secteur de l’élevage. En élevagebovin laitier, la voie privilégiée d’aug-mentation de la productivité du travail aconsisté en l’augmentation du nombrede vaches laitières par actif et de la pro-duction laitière par vache. L’adoption debâtiments permettant de réduire letemps de travail nécessaire à l’alimenta-tion des animaux et à la manutentiondes déjections a été couplée aveccelle d’équipements plus performants(fosses à lisier, désileuses-pailleusespuis mélangeuses distributrices tractées

ou automotrices, robots d’alimentation,pots trayeurs dans les années 1950 jus-qu’au robot de traite ou carrousel auto-matisé depuis les années 1990…). Dansles exploitations équipées de l’automati-sation, la traite, tâche la plus contrai-gnante pour les éleveurs laitiers, cessed’être le facteur limitant du nombre devaches par actif ; la surveillance deschaleurs devient alors la principalecontrainte et de nouvelles techniquesont été développées permettant derepousser cette limite. L’externalisationde certaines tâches, comme le recours àl’entreprise pour la réalisation des opé-rations culturales, permet par ailleurs despécialiser le travail de l’exploitant ainsique le capital d’exploitation et d’accroî-tre le nombre de vaches laitières qu’ilpeut élever.

Parallèlement les éleveurs ont cher-ché, afin de rentabiliser les investisse-ments coûteux qu’ils réalisaient dans leséquipements, à augmenter les rende-ments laitiers (qui sont passés de 2370L/vache en 1960 à 3100 en 1970 et 6340en 2008). La sélection génétique a visénotamment à accroître le potentiel deproduction des vaches, tandis que lerecours à des fourrages de densité éner-gétique plus élevée, distribués avec desconcentrés riches en protéines commele tourteau de soja acheté à l’extérieur,permettait à ce potentiel de s’exprimer.La production de ces fourrages est alléede pair avec une modification des systè-mes fourragers visant à accroître lesrendements et à augmenter le charge-ment. Ce mouvement a été réalisé enplusieurs étapes. Dans les années 1950-1960, la priorité a été donnée à la «révo-lution fourragère», basée sur le dévelop-pement des prairies temporaires de ray-grass anglais ou italien et sur l’intro-duction de la technique de l’ensilage,permettant à la fois de mieux tirer partidu pic de croissance de l’herbe auprintemps et d’obtenir un fourragebeaucoup plus digestible que le foin.Les techniques de gestion de la prairie,notamment de pâturage tournant et defertilisation, ont elles aussi été vulgari-sées à cette époque (Dumont 1954,Voisin 1957, Pochon 2002, Pochon2008).

A partir des années 1970, la culture demaïs ensilage commence à être dévelop-pée en plaine ainsi que dans certainesrégions de moyenne montagne. Elle pré-sente l’avantage de permettre des rende-ments et une densité énergétique élevés,de bien se conjuguer avec des tourteauxriches en protéines pour l’équilibre dela ration et d’être entièrement méca-

nisable, du semis à la distributionaux vaches (Guesdon 1985). Cultureannuelle relativement coûteuse enintrants (semences, herbicides, engrais),le développement du maïs nécessitesouvent des investissements impor-tants : drainage de parcelles au potentielde rendement élevé mais dont la portan-ce du sol n’est pas suffisante à l’autom-ne pour permettre la récolte ; irrigationdans les régions au déficit hydriquemarqué en été afin d’assurer la régulari-té des rendements ; construction debâtiments munis de couloirs d’affoura-gement adaptés pour la distribution del’ensilage. Les prairies cèdent progres-sivement la place au maïs : les prairiespermanentes situées dans les espaces lesplus favorables à la culture du maïs(fonds de vallée par exemple) sontretournées tandis que les prairies tem-poraires reculent dans les rotations, endépit des améliorations apportées auxtechniques de conservation de l’herbe(perfectionnement des techniques d’en-silage et développement de l’enruban-nage à partir des années 1990). Ainsi, sidepuis 1960 les cultures fourragères ontreculé de plus de 5 millions d’hectares,l’évolution de la superficie des diffé-rents types de fourrages a été contras-tée : recul continu des superficiestoujours en herbe (- 3,5 millions d’hec-tares), diminution brutale de la superfi-cie des prairies artificielles dans lesannées 1960 et 1970 (passées de plusde 3 millions d’hectares en 1960 àmoins d’un million en 1980 et un peumoins de 400 000 ha en 2010), stabilitéde la superficie des prairies temporairesdepuis 1970, après une progression deprès d’un million d’ha entre 1960 et1970 ; quant au maïs fourrage, pratique-ment absent des assolements dans lesannées 1960, il a vu sa superficie explo-ser à partir de 1970, pour atteindre 1,7million d’hectares au début des années1990 et se stabiliser ensuite autour de1,5 million d’hectares.

Les systèmes fourragers qui se sontdéveloppés depuis les années 1970 sont,excepté en zone de montagne, de plusen plus dépendants du maïs. D’abordutilisé pour la seule ration hivernale,l’ensilage de maïs est progressivementdonné en complément du pâturage pen-dant la période estivale, puis de plus enplus tôt au printemps jusqu’à des systè-mes d’alimentation dans lesquels lessilos sont ouverts toute l’année et pro-curent l’essentiel de l’alimentation desvaches, lesquelles ne prélèvent plusque très peu de fourrages à la pâturevoire sont élevées en zéro-pâturage.Cette évolution a autorisé l’agrandisse-

2 Le recours à l’autoguidage, permis par le GPS («Global Positioning System») permet de supprimer le travail de conduite de la machine et de surveillancepour la réalisation de l’opération culturale, la machine effectuant seule le travail avec une précision de l’ordre de un ou deux centimètres.

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ment du troupeau, grâce à l’augmenta-tion du chargement et l’accroissementdes rendements laitiers. Le passage auzéro-pâturage est par ailleurs aujourd’-hui également accéléré par l’adoptiondu robot de traite. Ce type de systèmede production laitier, basé sur une rationidentique tout au long de l’année àbase d’ensilage de maïs et de tourteau,conduit en zéro-pâturage, équipé d’unesalle de traite très performante ou d’unrobot de traite, est devenu courant dansles régions de plaine en France ; ilest encore beaucoup plus répandu auDanemark, aux Pays-Bas, ou aux Etats-Unis, où il concerne des troupeaux degrande voire de très grande taille (plu-sieurs milliers de têtes aux Etats-Unis).

La logique de ce type de développe-ment repose, comme en grandes cultu-res, sur un capital fixe de plus en plusconséquent par actif mais aussi sur unrecours important aux consommationsintermédiaires (achat d’aliments, cultu-re du maïs, importance des fourragesstockés dans la ration au détriment dupâturage). La même logique a été privi-légiée pour les autres types d’élevages.

2.4 / Des résultats économiquescontrastés : accroissement dela production en volume, maisdiminution de la valeur ajoutéeréelle de la branche agriculture

La politique agricole a joué un rôleimportant dans les profondes transfor-mations de l’agriculture : la garantieapportée aux prix agricoles (notammentpour les céréales, le lait ou la viandebovine), ainsi que les politiques decrédit et de restructuration foncière ontencouragé les agriculteurs et leur ontdonné les moyens de réaliser des inves-tissements et d’acquérir les nouveauxmoyens techniques permettant d’accroî-tre la productivité de leur travail. Lecaractère familial des exploitations agri-coles a indéniablement été déterminant :ne cherchant pas à rentabiliser au mieuxleur capital, mais avant tout à rémunérerleur propre travail, les exploitants agri-coles qui en avaient les moyens, bénéfi-ciant de la sécurité des prix garantis,ont poursuivi leurs investissements à unrythme rapide depuis les années 1950.

Les Comptes de la Nation permettentd’observer les résultats de ces transfor-

mations pour le secteur agricole dansson ensemble. La production agricoleen volume a été multipliée par 2,2 encinquante ans (figure 1). Les consom-mations intermédiaires ont augmenté envolume à un rythme à peine supérieur,permettant à la valeur ajoutée brute envolume de doubler sur la même période.L’évolution des différents postes deconsommations intermédiaires apparaîttrès contrastée. L’utilisation des produitsde protection des cultures, de l’alimen-tation achetée et des dépenses vétéri-naires, ainsi que le recours aux servicesd’entreprise agricole se sont accrusrapidement jusqu’aux années 1990 etmaintenus depuis au même niveau. Levolume d’engrais et amendements adiminué depuis le milieu des années1980, mais cette évolution masque larelative stabilité de la consommationd’engrais azotés, en légère diminutionseulement depuis le début des années2000. Ces différentes consommationsparticipent directement à l’accroisse-ment de la productivité physique dutravail. En revanche, un accroissementbeaucoup moins important peut êtreconstaté pour le poste de l’énergie, sta-ble depuis 1975 et même une diminu-tion des frais d’entretien des bâtimentset du matériel, évolutions à mettre enrelation avec les économies d’échellepermises par l’agrandissement desstructures.

L’accroissement de la production et dela valeur ajoutée brute en volume s’estaccompagné d’une forte diminution dela population active. Il traduit donc latrès rapide augmentation de la producti-vité du travail dans le secteur agricole.La productivité apparente du travail,mesurée par la valeur ajoutée brute envolume par équivalent temps plein, s’estaccrue en agriculture à un rythme beau-coup plus rapide que dans les autressecteurs économiques (figure 2) depuisles années 1950. Elle a augmenté enmoyenne chaque année de 6,5% entre1949 et 1961 (Malassis 1969) et depresque 5% entre 1969 et 1989 (Mabile1990), contre respectivement 5,1 et3,3% pour l’ensemble de l’économie ;depuis 1978, elle a évolué plus de deuxfois plus rapidement que dans l’ensem-ble de l’économie (Guihard et Lesdos2007).

Ces gains de productivité se sontrépercutés sur les prix des produits agri-coles : en termes réels3, le prix descéréales a ainsi diminué de 75% depuisle début des années 1960, celui du lait etde la viande bovine de moitié (INSEE,séries longues IPPAP). Le différentielsectoriel de productivité du travail se

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3 Evolution corrigée de l’inflation mesurée ici par l’indice de prix du Produit Intérieur Brut.

Figure 1. Evolution de la production agricole, des consommations intermédiaireset de quelques postes spécifiques en volume.(1959 = indice 100). Source : Insee, Comptes de la Nation.

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traduit, en monnaie constante, par unediminution plus rapide des prix agrico-les par rapport à ceux des biens, équipe-ments et services qu’achètent les agri-culteurs.

Cette évolution des prix défavorable àl’agriculture se répercute sur les résul-tats économiques de la branche (figu-re 3). Le poids des consommationsintermédiaires et de la consommationannuelle de capital fixe dans la produc-tion agricole s’est considérablementaccru depuis cinquante ans, de manièrebien plus importante en valeur qu’envolume. Ainsi, les consommations inter-médiaires sont-elles passées de 40% dela valeur de la production agricole dansles années 1960 à 50% environ dans lestrente années suivantes et à plus de 60%aujourd’hui. La part de la consomma-tion de capital fixe dans la valeur de laproduction a régulièrement augmentépour atteindre un peu plus de 15%aujourd’hui. Au total, la valeur ajoutéenette de l’agriculture ne représente plusaujourd’hui que 20% de la valeur de laproduction agricole contre 55% audébut des années 1960. En monnaiecourante, la valeur ajoutée agricolediminue depuis le début des années

2000 et le revenu net d’entreprise agri-cole ne se maintient qu’avec les subven-tions.

Ainsi, en dépit de l’accroissementspectaculaire de la productivité phy-sique du travail dans le secteur agricole,la valeur ajoutée et le revenu de l’agri-culture en termes réels (déflatés par leprix du PIB) ne cessent de diminuerdepuis le milieu des années 1970 (figu-re 3). Le revenu agricole par actif nes’est globalement maintenu qu’avec ladiminution du nombre d’actifs qui sepoursuit à un rythme rapide : aprèsavoir stagné de 1970 jusqu’au début desannées 1990 (Desriers 2007), celui-ci aaugmenté de 20% entre 1990 et 2000,avant de diminuer ensuite pour revenir àun niveau environ 10% supérieur à celuide 1990 (INSEE, comptes provisoiresde l’agriculture 2011). Cette évolution atoutes les chances de se poursuivre carles exploitations sont loin d’avoir adop-té les équipements les plus performantsqui existent, et ceux-ci ne cessent, avecla révolution des technologies de l’in-formation, de la communication et del’informatique, de repousser les limitesen termes de superficie ou de nombred’animaux par actif.

Productivité du travail et économie en élevages d’herbivores : définition des concepts, analyse ... / 199

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Figure 2. Productivité apparente brute du travail par branche (valeur ajoutée bruteen volume/actif). (1978 = indice 100). Source : INSEE, Comptes de la Nation.

Figure 3. Evolution en monnaie constante de la production, de la valeur ajoutée etdu revenu de la branche agricole.(1959 = indice 100). Source : INSEE, Comptes de la Nation.

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3 / Productivité du travail etéconomie en élevage bovinallaitant :trajectoires d’évo-lution d’exploitations

Les évolutions constatées globale-ment au niveau de l’agriculture françai-se masquent des disparités entre les dif-férentes filières et zones géographiques.Les forts gains de productivité, aussibien en grandes cultures, cultures four-ragères et production laitière, ont forte-ment impacté les effectifs d’herbivores.Le troupeau bovin s’est de plus recom-posé : sur les 10 millions de vaches pré-sentes en 1970, trois sur quatre étaientlaitières ; en 2011, plus d’une vache surdeux est une allaitante (7,9 millions devaches dont 3,7 millions de laitières et4,2 millions d’allaitantes). Le troupeauallaitant fournit aujourd’hui près de60% de la viande bovine produite etconsommée en France.

Les bovins allaitants ont été long-temps, en France, l’apanage des monta-gnes du Massif Central et des plainesherbagères à faible potentialité agrono-mique. En 1970, le troupeau allaitantétait localisé à 75% dans cinq régions :Bourgogne, Limousin, Auvergne, Midi-Pyrénées et Aquitaine. L’instaurationdes quotas laitiers a provoqué un déve-loppement du troupeau allaitant dans leszones intensives de l’Ouest. Ce trou-peau s’est délocalisé, les zones herbagè-res et montagneuses ont ainsi vu leurpart régresser de 75 à 50% de l’effectifallaitant national.

Les exploitations de ces régionsd’élevage herbager classées en zone dif-ficile sont restées spécialisées dans laproduction de viande bovine mais ontsubi de grands bouleversements dansleurs structures et systèmes de produc-tion. Nous allons illustrer ces évolutionspar les trajectoires observées d’exploi-tations d’élevage bovin allaitant duBassin Charolais.

3.1 / Productivité physique dutravail et revenu en élevage bovinallaitant spécialisé

En 20 ans, de 1990 à 2009, la superfi-cie moyenne (SAU en ha) des exploi-tations d’élevage bovin allaitant enFrance métropolitaine (Agreste, RICA,OTEX42) a augmenté de plus de 60%,le cheptel moyen de près de 65% alorsque le nombre de travailleurs totaux parexploitation a baissé de 7%. Ces résul-tats issus d’une «sonde» nationale de500 à 700 exploitations (nombre varia-ble et exploitations différentes selonl’année) représentant statistiquementl’ensemble des exploitations d’élevage

bovin allaitant, ne renseignent pas surleurs trajectoires et leurs adaptations àces changement structuraux.

Afin de comprendre les déterminantsdes évolutions des exploitations, deconnaître et d’analyser les potentialitéstechniques et économiques des sys-tèmes de production, une équipe del’INRA de Clermont-Ferrand/Theix amis en place, depuis les années 1970 unréseau d’observations sur le long termed'exploitations d’élevage bovin allaitantCharolais du centre de la France (Lhermet al 1983). Pour l’analyse qui suit, nousallons nous appuyer sur un échantillonconstant de 59 exploitations spécia-lisées (naisseurs stricts et naisseurs-engraisseurs) sur les 20 dernièresannées (1991-2010) de ce réseauCharolais INRA.

a) Evolution des structuresA la fin des années 1980, de nom-

breux GAEC père-fils se sont consti-tués. Au cours des années 2000, aprèsson départ à la retraite, le père continuesouvent à travailler bénévolement surl’exploitation quelques années. Depuisle début des années 2000, le nombre detravailleurs exploitants a donc tendanceà diminuer au profit des travailleursbénévoles (parents à la retraite) quireprésentent près de 5% des travailleurstotaux ces dernières années (contremoins de 1% dans les années 1990).Parallèlement, le nombre de salariés alégèrement augmenté, passant de 0,19 à0,30 UMO entre 1991 et 2010. Les sala-riés et les bénévoles ne compensent pasentièrement les départs des exploitantsretraités. Entre 1991 et 2010, le nombremoyen de travailleurs totaux par exploi-tation a baissé de 4%, respectivement2,11 et 2,03 UMO en 1991 et 2010, avectoujours une forte dominance du travaildes exploitants (familiaux ou associésdans les formes sociétaires). Une incer-titude pèse sur les solutions à trouverlorsque les bénévoles cesseront définiti-vement de travailler.

Contrairement aux grandes zones depolyculture-élevage, nous n’avons pasassisté dans le Charolais à une évolutionmarquante des assolements, ni à uneintensification des surfaces fourragères.L’instauration, en 1992, d’un complé-ment de prime animale pour les systè-mes «extensifs», ainsi que la mise enplace de la Prime au Maintien desSystèmes d’Elevage Extensifs (PMSE)(dite «prime à l’herbe») ont été suffi-samment incitatives pour conforter cessystèmes. Les seuils de chargementpour l’attribution de ces aides étaienttrès proches des chargements observésdans la région, les surfaces en herbe etle nombre d’UGB totaux se sont donc«figés». En revanche, les tendances àl’agrandissement des structures ont étéobservées ici comme partout ailleurs.La SAU des exploitations a augmentéde 41% en 20 ans, et ce, de façon quasicontinue à un rythme de 1,6 à 1,9% paran. La part de la Surface FourragèrePrincipale (SFP) dans la SAU est restéestable (autour de 80%), l’orientation«élevage spécialisé» de ces exploita-tions s’est donc maintenue. La taille destroupeaux a augmenté dans les mêmesproportions que celle de la surface, soit+ 36% (179 UGB en 2010 vs 132 UGBen 1991), le chargement est donc restéstable entre 1,25 et 1,30 UGB/ha SFP.

La productivité physique du travail apar conséquent fortement augmenté(figure 4). Le nombre d’hectares deSAU, de vaches et d’UGB totaux déte-nus par UMO totale a augmenté respec-tivement de 50, 55 et 42% en 20 ans. En2010, un travailleur produit 48% deviande vive de plus qu’en 1991 (27780 kg vifs produits/UMO en 2010 vs18 730 kg en 1991).

b) Systèmes de production et résultatstechniques

Les réformes successives de la PACdepuis 1992 (baisse des prix garantiscompensée, en partie, par des aidesdirectes), ainsi que les évolutions de

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Figure 4. Evolution de la productivité du travail dans les exploitations bovinesCharolais du Centre de la France.Source : Réseau Charolais INRA, 59 exploitations.

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prix de marché, ont abouti à un raccour-cissement du cycle de production et àune moindre diversité de types de mâlesproduits (Veysset et al 2005a). Deuxgrandes catégories représentent plus de90% des mâles produits : les broutards(plus ou moins âgés et lourds) et les jeu-nes bovins gras, avec une prédominancedes broutards (70% des mâles vendus).Alors que, dans les années 1980, unemême ferme pouvait produire jusqu’à4 ou 5 types d’animaux différents (dujeune broutard au bœuf de 4 ans, l’inter-diction des anabolisants en 1988 a été«fatale» pour la production de bœufs),la «standardisation» et la spécialisationdes systèmes autour de la production deun ou deux types d’animaux ont conduità gérer une moindre diversité d’ani-maux aux besoins différents dans unemême ferme. Les nouveaux bâtimentsd’élevage et les nouvelles techniquesd’alimentation ont permis de loger etnourrir dans de bonnes conditions deslots de grande taille. La taille des trou-peaux de vaches a ainsi pu augmentersans pénaliser significativement lesrésultats zootechniques (Bébin et al1995).

La forte baisse du prix des céréalesdepuis 1992 et donc des concentrés, aégalement encouragé la simplificationdes pratiques. La distribution de con-centrés s’est faite de façon beaucoupplus libérale : 720 kg/UGB en 2010 vs510 kg/UGB en 1991 (+ 41% en 20 ans)alors que la productivité animale, c'est-à-dire la production de viande vive(kg vifs) par UGB, n’augmentait que de5% (312 kg/UGB vs 298). Dans lemême temps, le chargement et donc ladisponibilité en fourrages par animal,n’ont pas évolué. La valorisation de laressource en herbe, c'est-à-dire les kgde viande produits uniquement avecl’herbe, a baissé au profit des alimentsconcentrés faciles à acheter et de valeuralimentaire stable sur l’année. Nousobservons ces dernières années unevolatilité du prix des céréales avec des

augmentations très fortes en 2007 et2010 sans pour autant, pour l’instant,observer des différences de stratégiedans l’utilisation des concentrés de lapart des éleveurs. Une bonne gestion del’herbe demande de l’observation et dutemps, incompatibles avec la nécessitéde simplification des pratiques. Un prixdes céréales durablement élevé inciteracertainement à l’avenir les éleveurs àfaire un nouvel arbitrage entre la gestionde l’herbe, des concentrés et la taille destroupeaux.

c) Résultats économiquesPour comparer les résultats écono-

miques des exploitations entre elles,mais également au fil des années, il estimpératif de tenir compte du statut destravailleurs et du mode de faire valoirdes terres. Nous utiliserons donc lanotion de résultat courant «homogé-néisé» : les salaires nets des salariés nesont pas comptabilisés dans les chargesfixes (alors que les charges sociales dessalariés et des exploitants sont mainte-nues dans les charges) et un fermage estaffecté aux terres en propriété duquelsont déduits les impôts fonciers. Cerésultat courant «homogénéisé» devraitdonc permettre de rémunérer l’ensem-ble des travailleurs présents, sans dis-tinction de statut et l’ensemble des capi-

taux propres de l’exploitation hors fon-cier. Nous appellerons ce résultat éco-nomique le revenu du travail et des capi-taux (RWC).

RWC = Résultats Courant + (salairesnets) – (valeur locative des terres enpropriété – impôts fonciers)

Sur les vingt années étudiées, le RWCpar travailleur s’est maintenu autour de22 000 €/UMO (en euros constants 2010en tenant compte de l’évolution de l’indi-ce moyen annuel des prix à la consomma-tion INSEE), avec des variations annuel-les assez conséquentes (figure 5). En2010, les aides totales représentent 151%du RWC (hors aides, ce revenu seraitnégatif), la viabilité économique de cesexploitations est donc très fortementdépendante de celles-ci (Veysset et al2005b). Les gains de 45 à 50% de pro-ductivité physique du travail ont doncjuste permis de maintenir les revenus.

Le RWC/ha de SAU présente égale-ment de grandes variations annuelles,mais, globalement, la tendance à la bais-se est significative (- 8,06 €/ha/an, r² =0,44) du fait, notamment, de la haussedes charges fixes (figure 6). La baissedu prix de la viande de 26% en 20 ansayant été compensée par l’augmentationdes aides totales et par le léger accrois-sement de la productivité animale, leproduit par ha est resté stable. Les char-ges proportionnelles par ha ont égale-ment été relativement stables sur lapériode étudiée, la forte augmentationdes quantités de concentrés distribués aété compensée par la baisse conséquen-te de leur prix unitaire. L’augmentationdu prix unitaire des engrais et des pro-duits phytosanitaires a entraîné unediminution de leur utilisation. Alorsqu’avec l’augmentation de la taille desexploitations nous pouvions nous atten-dre à une diminution des frais de méca-nisation et de bâtiment (notion d’écono-mie d’échelle), ceux-ci ont augmentérespectivement de 30 et 20%. Les autrescharges fixes ont peu évolué. Parmiles charges de mécanisation à l’hectare,les frais de carburants et les amortisse-

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Figure 5. Evolution du revenu du travail et des capitaux (RWC) par travailleur(UMO ) et par hectare de SAU dans les exploitations bovines Charolais du Centrede la France.Source : Réseau Charolais INRA, 59 exploitations.

Figure 6. Evolution des charges fixes par ha de SAU dans les exploitations bovinesCharolais du Centre de la France.Source : Réseau Charolais INRA, 59 exploitations.

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ments (consommation annuelle du capi-tal matériel, amortissements dégressifsde 10 à 15% par an selon le matériel)ont augmenté respectivement de 61 et18%, les frais d’entretien sont restésstables ; de même, pour les bâtiments,ce sont les charges d’amortissement(amortissements linéaires sur 10 à 20ans) qui ont augmenté.

Contrairement aux observations réali-sées sur l’ensemble de l’agriculture fran-çaise (figure 1), il n’y a pas eu effet dedilution de la consommation d’énergie,des charges de structure et notammentde l’utilisation du matériel et des bâti-ments avec l’augmentation de la tailledes exploitations. La notion d’économied’échelle, qui a guidé l’évolution de bonnombre de structures productives agrico-les, n’est donc pas valide dans ces exploi-tations d’élevage bovin allaitant.

Ces producteurs de viande bovineCharolaise n’ont donc pas retenu leursgains de productivité, mais les ont «dis-tribués» (Butault et al 1995) presqueintégralement, sous forme de baisse deprix et de consommation de matériel.

Ces résultats sont corroborés parl’étude de l’évolution des coûts de pro-duction du kilogramme de viande viveproduit, incluant la rémunération de lamain-d’œuvre exploitante et des capi-taux propres (Institut de l’Elevage2010a). Ce coût de production est quasistable, 3,29 €/kg vif, sur 20 ans. Seul leposte charges fixes est en forte progres-sion : + 20 centimes d’€/kg soit + 18%,alors que le poste rémunération de lamain-d’œuvre exploitante est en baissede 28% (il faut moins de travail pourproduire un kg de viande). Sur les cinqdernières années, les charges fixes horsmain-d’œuvre représentent 42% du coûtde production et les charges de travailtotales en représentent 27%.

3.2 / Contribution du capital àl’accroissement de la producti-vité

Le cheptel représente le premierposte en valeur de capital total d’uneexploitation bovine allaitante. Si lecapital total détenu par ha de SAU desexploitations en élevage bovin allaitantCharolais a baissé de 13% en 20 ans(figure 7), ce n’est pas grâce à unemeilleure utilisation du capital sur deplus grandes structures, mais unique-ment grâce à la baisse de la valeur,quasiment équivalente, du cheptel surla même période.

L’accroissement de la productivité dutravail a pu se réaliser grâce à la moder-nisation des exploitations (accompa-gnant la spécialisation des troupeaux etla simplification des pratiques) princi-palement par des investissements lourdset continus en matériel. Ces investisse-ments matériels ne sont cependant pastous réalisés dans un but productif envue d’améliorer le revenu (ils partici-pent à la baisse du revenu par les amor-tissements et les frais financiers géné-rés), mais pour certains, dans un intérêtfiscal. Dans le cadre de projets d’instal-lation d’un fils (GAEC père-fils) avecobtention de nouveaux droits (gratuits)de PMTVA, de nouvelles stabulationspour loger l’ensemble des animaux etfaciliter le travail, se sont construites.Par ailleurs, beaucoup d’éleveursconcernés par la mise aux normes desbâtiments et installations existants ontpréféré investir dans un nouveau bâti-ment en utilisant les subventions quiauraient été nécessaires pour moderni-ser l’ancien. On a ainsi assisté à un fortrenouvellement avec modernisation duparc de bâtiments. Ces investissementsdans les bâtiments sont relativementlourds en valeur absolue, mais, contrai-rement au matériel, sont réalisés une

seule fois, avec une durée d’amortisse-ment longue (20 ans).

Au final, malgré l’agrandissementdes fermes, le capital matériel détenupar ha de SAU a progressé de 36% en20 ans. Le capital bâtiment est resté sta-ble ; et en 2010, il est deux fois moinsimportant par ha que celui en matériel.Le cheptel qui représentait 65% du capi-tal total d’une exploitation Charolaiseen 1991 n’en représente que 53% en2010, alors que le capital matériel voitsa part passer de 17 à 27%.

Malgré la baisse du capital par ha, lenombre d’ha détenus par travailleur(tous types de travailleurs confondus) necessant d’augmenter, le capital détenupar travailleur s’accroît de 33% en 20ans pour atteindre près de 230 000 €/UMO en 2010. En 2010, un travailleuren exploitation d’élevage bovin allaitantdoit engager 20% de capital de plusqu’en 1991 (en euros constants) pourune espérance de revenu identique. Cecipénalise évidemment l’entrée des jeu-nes dans cette profession et expliquepourquoi les exploitants sortants netrouvent pas toujours facilement unacquéreur unique pour leur outil deproduction (Veysset et al 2008).

4 / Relation entre producti-vité physique du travail etindicateurs économiques enélevage d’herbivores

Ces observations sur les tendancespassées donnent lieu à penser qu’il exis-te une corrélation, plus ou moins signi-ficative selon les productions, entre pro-ductivité physique du travail et revenu.Pour les filières d’herbivores, la produc-tivité est également liée à la zone et ausystème de production. Au-delà d’uneanalyse transversale de ces relations,nous décrirons pour chaque filière lesprincipaux repères de productivité phy-sique du travail, le lien avec les perfor-mances économiques et le besoin encapital qui, comme cela a été soulignéprécédemment, est très lié à l’accroisse-ment de la productivité du travail etdevient un point déterminant pour latransmissibilité du système.

L’analyse statistique porte sur les don-nées de l’année 2009. Cependant, pourprendre en compte le caractère exception-nel de la conjoncture laitière bovine decette année-là (baisse de revenu de prèsde 50%), nous avons également analyséles données de l’année 2008.

4.1 / L’échantillonL’analyse repose sur les résultats des

1441 exploitations du dispositif des

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Figure 7. Evolution du capital par ha et par UMO dans les exploitations bovinesCharolais du Centre de la France. Source : Réseau Charolais INRA, 59 exploitations.

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Réseaux d’Elevage4. Elle a été ren-due possible grâce à la disponibilitéconjointe de données techniques et éco-nomiques. Cet échantillon est composéd’exploitations de taille moyenne àgrande (les petites structures sont peureprésentées dans le dispositif mobili-sé).

Les exploitations combinant un éleva-ge herbivore avec une production hors-sol, des cultures pérennes ou spécialesou encore de la transformation fromagè-re, n’ont pas été retenues du fait d’effec-tifs insuffisants. A contrario, toutes lesexploitations comprenant des grandescultures (43% des exploitations dudispositif au sens des OTEX – polycul-ture élevage voire de grandes culturesavec de l’élevage) ont été conservées.De grandes structures sociétaires diver-sifiées présentant des volumes de pro-duction importants et une producti-vité du travail souvent élevée ont égale-ment été intégrées dans l’échantillonétudié.

Toutes les exploitations ont été typéesselon les conventions de la statistiqueagricole qui déterminent l’orientationtechnico-économique (OTEX) et laclasse de dimension (CDEX). Nousavons finalement retenu trois grandesfamilles d’OTEX : i) les systèmes spé-cialisés herbivores avec une ou plu-sieurs productions animales «HER»(OTEX 41-Bovins lait, 42-Bovins vian-de, 43-Bovins mixtes, 44-Autres herbi-vores et 71-Polyélevage - Herbivores) ;ii) les systèmes de polyculture-élevage«POLY» (OTEX 60-Polyculture et 81-Grandes cultures et herbivores) ; iii) lesexploitations céréalières avec la présen-ce d’élevage «GCU» (OTEX 13-Céréales - Oléagineux – Protéagineux et14-Autres grandes cultures).

Parmi les trois filières laitières, cesont les systèmes ovins qui sont les plusspécialisés en élevage alors que, pourles bovins et caprins, les systèmes depolyculture représentent respectivement20 et 30% des exploitations (les associa-tions avec une part importante de gran-des cultures -GCU- étant cependant peufréquentes). Pour les filières viandesbovine et ovine, un peu plus de 10% desexploitations se caractérisent par uneprédominance de grandes cultures dansle système.

Le nombre total d’UMO par exploita-tion varie de 0,5 à 6. La majorité desexploitations (53%) n’a pas de salarié,ni de bénévole. La main-d’œuvre sala-riée représente 9% du total des UMOde l’échantillon et son importance vade pair avec la dimension des exploita-tions. Elle est plus fréquente dans lessystèmes caprins et au sein des systèmesassociant une production bovine (lait ouviande) avec des céréales. La part debénévolat est plus faible (6%). Les sys-tèmes ovins laitiers en comptent le plus(12%) et les systèmes laitiers bovins etcaprins sont ceux qui y ont le moinsrecours (< 5%). La part de cette main-d’œuvre est inversement proportionnel-le à celle de la main-d’œuvre rémunérée(14% de la main-d’œuvre totale dans lesplus petites exploitations contre 3%pour les plus grandes).

Au niveau de la main-d’œuvre rému-nérée, 3 classes ressortent : un tiers desexploitations a moins de 1,4 UMO, 40%comptent 1,4 à 2 UMO et un quartcompte plus de 2 UMO. Les exploita-tions allaitantes ovines et bovines sontpour près de la moitié d'entre elles dansla première catégorie alors que celles dela filière bovine laitière et les associa-tions avec des grandes cultures prédo-minent dans la troisième.

Pour la suite des traitements, nous neprendrons en compte que la main-d’œu-vre rémunérée (UMOr), salariée ou non.

4.2 / Productivité physique dutravail et indicateurs écono-miques selon les filières ani-males

a) Analyse transversale des filièresA partir d’une affectation de la main-

d’œuvre aux différents ateliers desexploitations (méthode décrite dans lapartie 1) et d’un regroupement par filiè-re animale principale, nous avons croiséla productivité physique et les princi-paux critères économiques de l’atelier(tableau 1).

Plusieurs tendances se dessinent (enlien avec les évolutions observées pourla branche agricole) :

- Le produit brut total est logiquementtrès fortement corrélé à la productivitéphysique du travail pour toutes les filiè-

res. La relation avec les aides est nette-ment moins forte et devient même néga-tive en filière caprine (historiquementmoins concernée).

- L’augmentation de la productivité dutravail repose sur une part croissanted’intrants et de capital dans toutes lesfilières. L’impact des intrants sur l’effi-cience économique, appréhendée par lecritère EBE/PB, est systématiquementnégatif. L’accroissement des amortisse-ments lié à celui du capital dégrade éga-lement très fortement la relation entreproductivité du travail et valeur ajoutéenette pour les conjonctures les moinsfavorables (cas en 2009 pour les filièresbovines). Il en va de même pour le reve-nu courant.

Il est clair que le résultat de ce typed’analyse est très dépendant de laconjoncture économique de l’année.Nous aurons l’occasion de l’illustrer enproduction de lait de vache à traversdeux années ayant connu des conjonctu-res très contrastées, 2008 et 2009.

Le lien entre productivité physique etrevenu a été analysé pour les différentssystèmes au sein des filières à l’aide derégressions univariées.

b) Les productions laitières bovines,ovines et caprines

En production laitière, le volume delait commercialisé a été retenu commeunité pour quantifier la productivitéphysique des exploitations. C’est unindicateur facile à déterminer et très uti-lisé. Il ne tient pas compte du coproduitviande (animaux de réforme et animauxjeunes – veaux, agneaux et chevreaux)qui ne représente qu’une part marginalede travail physique.

Les volumes de lait commercialisépar unité de main-d’œuvre rémunéréesont généralement différents entre lessystèmes de plaine et ceux de monta-gne. Le handicap dû au milieu impactesignificativement la productivité dutravail : les systèmes d’élevage depiémont et de montagne enregistrentune productivité physique du travailinférieure à celle des systèmes de plaine(figure 8).

Pour les zones de montagne, nousavons également distingué les exploita-

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4 L’approche globale (structurelle, technique et économique) des exploitations d’élevage mise en œuvre en France dans les «Réseaux d’Elevage pour le Conseilet la Prospective (RECP)» depuis le début des années 1980 (Lebrun 1983) repose sur un partenariat associant des éleveurs volontaires, les Chambresd’Agriculture et l’Institut de l’Elevage. Ce dispositif s’appuie aujourd’hui sur un échantillon raisonné de 1420 exploitations des filières bovines, ovines etcaprines et, pour certaines régions, d’exploitations supplémentaires suivies selon la même méthodologie. Le suivi approfondi et le traitement des donnéesrecueillies, combinés à l’expertise des acteurs de ce dispositif permettent de mettre au point, de modéliser et de décrire des systèmes de production efficientset cohérents, à des niveaux d’optimisation compatibles avec leurs contextes socio-économiques et pédoclimatiques (Delaveau et al 1999). Les Réseaux d'éle-vage contribuent ainsi à l’élaboration de références globales et/ou thématiques utilisées pour le conseil par les agents de développement et pour l’aide à la déci-sion par les professionnels et les acteurs publics. Les critères de choix des exploitations (structures, performances et modes de conduite) et le suivi rapprochésur plusieurs années répondent à un objectif de connaissance de la diversité des systèmes plus que de représentativité.

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tions en agriculture biologique et cellesavec une production laitière sous signede qualité (AOP des montagnes del’Est). En plaine, la part de grandes cul-tures a été prise en compte. Enfin, lesexploitations équipées d’un robot detraite ont également fait l’objet d’unecatégorie spécifique.

Pour les systèmes conventionnels deplaine, nous observons un gradient

croissant de productivité physique dutravail pour les exploitations des gran-des régions d’élevage, celles de polycul-ture élevage situées en région de gran-des cultures (où les quotas disponiblessont importants suite à la spécialisationcroissante des exploitations vers lesgrandes cultures) et celles équipéesd’un robot de traite (pour lesquelles lamise en place de cet équipement permet

de franchir un nouveau cap de producti-vité physique du travail). L’écart entreles deux extrêmes atteint 100 000 litrespar unité de main-d’œuvre.

En montagne, les systèmes en agri-culture biologique ont la plus faibleproductivité avec 120 000 litres enmoyenne par unité de main-d’œuvre, lesmêmes systèmes en plaine produisant50 000 litres de plus (figure 8).

En 2009, le revenu est très peu corré-lé avec la productivité (r = 0,14). Dansce type de conjoncture exceptionnelle(baisse du prix du lait standard de 20%par rapport à 2008 et prix des intrantsélevés – revenu divisé par deux), lessystèmes positionnés sur une démarca-tion de produit (laits issus de l’agricul-ture biologique ou autres AOP des mon-tagnes de l’Est) obtiennent un revenupar unité de main-d’œuvre plus impor-tant, comme le montre par exemple lacomparaison entre les résultats desexploitations laitières en AOP Comté(32 k€ RCAI/UMOr pour une produc-tivité de 180 000 L/UMOr) et ceuxdes exploitations de l’Ouest en systèmemaïs dominant (25 k€ pour une produc-tivité de 250 000 litres) (Institut del’Elevage 2011b).

A contrario, avec une conjoncturefavorable (prix du lait standard élevé)comme celle de 2008, le revenu est plusfortement corrélé avec la productivité(r = 0,43), et cette conjoncture convientbeaucoup mieux aux systèmes les plusproductifs : par exemple 37 k€ RCAI/UMOr avec une productivité de 240 000L/UMOr pour le même système del’Ouest contre 26 k€/UMOr pour une

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Tableau 1. Coefficients de corrélations entre la productivité physique du travail dans les filières herbivores (en unité de produitpar UMOr) et différents indicateurs économiques.Source : Réseaux d'élevage 2009.

Figure 8. Productivité physique du travail des systèmes bovins laitiers. Source : Réseaux d’élevage 2009.La variabilité de la productivité physique de la main-d’oeuvre est présentée graphi-quement sous forme de box-plot (1er décile, 1er quartile, médiane, 3ème quartile et9ème décile).

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productivité de 156 000 litres en lait àComté (Institut de l’Elevage 2010b).Une telle sensibilité à la conjoncturepermet de mettre en relief l’importancede la cohérence et de l’efficience dessystèmes dans la détermination durésultat économique.

Cela nous a incité à réaliser un traite-ment complémentaire des données 2008et 2009 pour les deux types convention-nels de plaine en introduisant le ratioExcédent Brut d’Exploitation/ProduitBrut. Les résultats (tableau 2) sontexprimés en coefficients standardisés(βstandardisé=β*σx/σy), ce qui permet decomparer les différents coefficientsentre eux, l’unité commune étant l’é-cart-type.

Pour les deux types et les deuxannées, l’augmentation du RCAI/UMOrinduite par l’efficience économique estnettement supérieure à celle liée à l’aug-mentation de la productivité. L’écartentre productivité et efficience écono-mique est plus important en 2009 pourles systèmes «éleveurs» et quasimentconstant entre les deux années pour lessystèmes «polyculteurs». Les systèmesles plus consommateurs d’intrants sesont trouvés très pénalisés et ont dûrecourir, pour les moins solides finan-cièrement, à des emprunts de trésorerie.

En production de lait de chèvre, lacomparaison se limite aux systèmes deplaine et de montagne (les systèmesfromagers caprins qui représententprès de la moitié des exploitations lai-tières caprines en 2009 (Source SSP -Cheptel) ne sont pas retenus dans cetteétude (cf. § 4.1)). La productivité phy-sique moyenne du travail des systèmescaprins de plaine est de 150 000 litres/UMOr, soit 50% supérieure à celle demontagne. Dans les deux situations, lavariabilité est forte (tableau 3) avec desexploitations très productives dans lesdeux zones (et un montant d’aides leplus faible de toutes les filières étu-diées). Le lien entre la productivité et leRCAI est nettement plus fort que pour lelait de vache (r = 0,53), ceci étant confir-

mé par les résultats du modèle de régres-sion appliqué sur les exploitations deplaine. La conjoncture 2009 a été favora-ble aux revenus des élevages caprins(fourrages de qualité, prix des aliments àla baisse et poursuite de la hausse du prixdu lait). Avec la crise que traverse la filiè-re depuis 2010 (prix du lait à la baisse),les éleveurs caprins pourraient se retrou-ver dans la même situation que les éle-veurs bovins laitiers en 2009.

En production de lait de brebis, laproductivité moyenne est proche de50 000 L/UMOr. L’écart entre la pro-ductivité du Rayon de Roquefort et celledes Pyrénées n’est pas très important,même si les exploitations de la zoneRoquefort sont de plus grandes dimen-sions. La liaison du RCAI avec laproductivité est aussi significative(r = 0,50).

Pour ces deux filières, les conjonctu-res 2008 et 2009 ont été beaucoupplus stables et donc, pour cette dernièreannée, plus favorable que pour lesbovins laitiers.

c) Les productions de viande bovineet ovine

La grande diversité des systèmes deproduction en viande bovine ne permetpas une comparaison aussi facile et

directe que pour la production laitière.Par exemple, la productivité d’un systè-me naisseur repose sur une part impor-tante de cheptel de souche (à faiblecroissance) dans le troupeau à la diffé-rence d'un système spécialisé dansl’engraissement de jeunes bovins ayantrecours à des achats de broutards (àforte croissance).

Parmi les systèmes naisseurs(tableau 4), ce sont les exploitations enagriculture biologique qui observent laplus faible productivité de la main-d’œuvre avec 18 000 kilos de viandevive/UMOr. Les exploitations conven-tionnelles avec un niveau de chargementinférieur ou égal à 1,2 UGB/ha de SFP,principalement localisées dans le grandbassin allaitant, sont nettement plus pro-ductives (plus de 45% par rapport àleurs homologues en agriculture biolo-gique). Les systèmes les plus intensifsau niveau de la conduite fourragère(> 1,2 UGB/ha) apparaissent les plusproductifs.

En ce qui concerne les systèmes nais-seurs-engraisseurs, les producteurs deveaux sous la mère, dont les pratiquesd’élevage sont «consommatrices» demain-d’œuvre (tétée contrôlée desveaux), ont logiquement la plus faibleproductivité (autour de 15 000 kg/UMOr) alors que le système avec des

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Tableau 2. Résultats des modèles de régressions expliquant le revenu courant avant impôts par la productivité du travail etl'efficience économique en élevage laitier.Source : Réseaux d'élevage.Régressions établies sur l'échantillon complet des systèmes lait «conventionnel éleveurs et polyculteurs» en plaine pour lesannées 2008 et 2009.

Tableau 3. Productivité physique du travail des systèmes ovins et caprins laitiers.Source : Réseaux d'élevage 2009.

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jeunes bovins produit en moyenne39 000 kilos de viande/UMOr, soit laplus forte productivité de tous les systè-mes allaitants. Quant aux engraisseurs,ils atteignent des niveaux moyens plusimportants, avec 115 000 kilos de vian-de vive/UMOr.

Sur l'ensemble des exploitations, lelien entre productivité de la main-d’œuvre et produit brut est là aussitrès important (r = 0,89) mais devientinexistant avec le RCAI. Une analyseselon les systèmes de production mon-tre une relation faible mais positive pourles systèmes naisseurs. La conjoncture2009, marquée par de très faibles reve-nus pour ces systèmes, a probablementun impact sur ces résultats. En 2008,comme en 2009, la relation entre valeurajoutée nette et productivité physiquedu travail est quasi-nulle (respective-ment 0,04 et - 0,09), ce qui rend l’actede production peu rémunérateur cesannées-là. La filière bovine à viande setrouve devant le défi d’améliorer sonefficience économique car, en plus de ladépendance aux intrants, comme pourles autres filières, elle se caractérise parla plus forte corrélation entre le capitalet la productivité physique (r = 0,78).

En production ovine allaitante, l’évalua-tion de la productivité est basée sur les

kilos de carcasse «agneaux». Cela se jus-tifie d’un point de vue économique car,comme en viande porcine et contraire-ment à la viande bovine, les réformessont beaucoup moins bien valorisées queles produits «jeunes», avec un prix par kginférieur d’environ 50%.

Nous avons distingué 4 grands typesde systèmes de production : les systè-mes «fourragers» avec un chargementsupérieur à 1,4 UGB/ha, les systèmes«herbagers» (< 1,4 UGB/ha) et deuxtypes de systèmes «pastoraux» («pasto-raux mineurs» et «pastoraux majeurs»selon l’importance du recours aux sur-faces pastorales). La productivité phy-sique du travail du système «fourrager»est supérieure à 11 000 kg d’équivalentscarcasses d’agneaux/UMOr (tableau 5).Celle des «herbagers» est inférieure de25%. Ce sont les systèmes «pastoraux»qui ont la plus faible productivité, et ced’autant plus que la part du pastoralis-me s’accroît : la taille de cheptel supé-rieure en comparaison des autres typesde systèmes ne compense pas la moin-dre productivité numérique à la brebis etle moindre poids des agneaux.

Comme pour toutes les autres filières,le lien entre la productivité physique dutravail et le produit brut est très net (r = 0,90). La relation globale entre la

productivité et les aides en ovins allai-tants est une des plus faibles (r = 0,35),ce qui s’explique probablement par lefait qu’une partie des aides du secondpilier ne sont pas directement propor-tionnelles au volume de production,donc à la productivité physique dutravail. La corrélation globale entre laproductivité et le revenu est de 0,43.

d) Capital d’exploitation et producti-vité du travail

Comme nous l’avons mentionné dansl’analyse transversale, la relation entrele montant du capital d’exploitationhors achat de foncier (matériel, bâti-ments améliorations foncières, cheptel)et la productivité physique du travail esttrès significative dans toutes les filières.

En valeur absolue par UMO, le mon-tant varie de 1 à plus de 2 selon les filiè-res (tableau 6). Au sein des filières lai-tières, ce sont les exploitations laitièresbovines et ovines qui engagent le plusde capitaux, alors qu'en production delait de chèvres, le capital est le moinsimportant. En production de viande, lecontraste est très fort entre les deuxespèces. Les exploitations allaitantesbovines sont celles qui engagent le plusde capitaux et la répercussion financiè-re en impacte négativement les perfor-

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Tableau 4. Productivité physique du travail des élevages de bovins à viande selon le type de système. Source : Réseaux d'élevage 2009.

Tableau 5. Productivité physique du travail des élevages ovins allaitants selon le type de système.Source : Réseaux d'élevage 2009.

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mances économiques tant au niveau dela valeur ajoutée nette que du revenu.

L’accroissement du capital est relati-vement progressif au fil des années, lacapacité à le transmettre est un pointnévralgique pour les installations,notamment pour celles qui sont horscadre familial.

Aujourd’hui, les exploitations quienregistrent les plus fortes productivitésdu travail ont les montants de capitauxpar unité de main-d’œuvre les plus éle-vés dans toutes les filières (par exemplepour les exploitations allaitantes bovi-nes de plaine, le montant du capitalreprésente 230 k€/UMOr pour la pro-ductivité du travail la plus faible contre430 k€ pour la plus forte). Dans uncontexte de volatilité des revenus, lebesoin de sécurité financière au momentde l’installation, pour faire face à unemauvaise conjoncture, ne fait qu’accroî-tre les besoins d’autofinancement.

Conclusion

Quelles conséquences de l’augmenta-tion de la productivité physique du tra-vail sur l’économie des exploitations ?

Au plan méthodologique, nous noussommes attachés dans cet article à clari-fier la notion de productivité physiquedu travail. Cependant, le travail resteune donnée difficile à mesurer en agri-culture en raison de son caractère fami-lial. Nous avons utilisé les UMO pourl’évaluer (quantification du temps detravail «en équivalent temps plein») enétant conscients que les variations detemps de travail effectif pour une mêmeUMO peuvent être considérables. Desenquêtes avec des méthodes de reconsti-tution analytique visant une quantifica-tion en heures permettraient d’identifierces variations et de mesurer la producti-vité de la journée ou de l’heure de tra-vail. Quant à la productivité écono-mique du travail, nous l’avons mesuréepar la valeur ajoutée rapportée à lamain-d'œuvre, méthode classiquementutilisée par les économistes. Ces inves-

tigations restent à poursuivre, par exem-ple l'évaluation des conséquences éco-nomiques d'un appel à l'entreprise ou ausalariat partagé, comparé à celui d'uninvestissement propre.

L’analyse rétrospective montre que laproductivité du travail en agricultures’est accrue à un rythme beaucoup plusrapide que dans les autres secteurs éco-nomiques. Le volume produit et lavaleur ajoutée brute en volume ramenéspar actif ont connu un accroissementspectaculaire (+ 400% en 30 ans pour lavaleur ajoutée brute en volume). Cetteévolution s’est faite de pair avec l’aug-mentation de la part du capital fixe etdes consommations intermédiaires dansla valeur de la production, alors que lesprix de ces dernières diminuaient moinsvite en termes réels que celui des pro-duits agricoles. Ainsi, la valeur ajoutéede la branche agricole a fortement dimi-nué (en monnaie constante) depuis lemilieu des années 1970. Le revenu agri-cole par actif ne s’est maintenu quegrâce à l’accroissement des subventionset à la diminution du nombre d’actifs.

L’analyse de la productivité physiquedu travail et des principaux indicateurséconomiques réalisée sur l’année 2009pour les filières d’élevage met en exer-gue trois points déterminants :

- les écarts de productivité importantsentre systèmes d’une même filière,

- l'importance de l’efficience écono-mique du système (mesurée par le ratioEBE/PB) indicatrice de la recherche decohérence du système de production etde l’optimisation des moyens de pro-duction,

- le poids de la conjoncture : si revenuet productivité physique évoluent sou-vent dans le même sens, la relationdevient très ténue les années où les prixde vente baissent fortement, du faitnotamment du poids des charges fixesdans les structures les plus importantes.

Les conséquences de l’accroissementde la productivité du travail doivent éga-lement s’analyser au-delà du revenu. Eneffet, dans toutes les filières d’élevage,

son augmentation va de pair avec celledu capital, acquis progressivement etdont la transmission est un point névral-gique de la vie de l'exploitation. Leniveau de capital requis, mis en regarddu revenu espéré, de plus en plus vola-til, peut être dissuasif. Une cessationd’activité génère un nouvel agrandisse-ment des exploitations les plus procheset les plus à même de financer une aug-mentation de capital. En prolongeant latendance actuelle (1 remplacement pour5 départs, «départs précoces» inclus), lenombre d'exploitations bovines laitièrespourrait se situer en 2014 entre 68 et54 000 (Perrot 2010) avec, pour consé-quence, une pression accrue vers l’ac-croissement de la productivité de lamain-d’œuvre.

Si l’on peut considérer que l’augmen-tation de la productivité du travailconstitue une voie possible d’améliora-tion d’un système d’exploitation, ilest cependant souhaitable qu’elle neconduise pas à l’artificialisation de sonfonctionnement sur les plans agrono-mique, zootechnique, économique oune le rende pas de plus en plus dépen-dant de ressources financières extérieu-res. Les effets, souvent peu perceptiblesimmédiatement, peuvent néanmoins serévéler très impactants à plus ou moinslong terme (perte d’autonomie avecrecours de plus en plus important auxintrants) ou dans un contexte écono-mique et financier très volatil (qui sem-ble devoir se généraliser). L’avenir n’estpas à un modèle unique d’exploitation(petites, moyennes ou grandes entrepri-ses agricoles, système de productionintensif ou extensif...), mais plutôtaux agriculteurs attentifs à une gestionde leur exploitation privilégiant larecherche permanente d’équilibre entreviabilité, vivabilité et transmissibilité(AFOCG01 2007, InterAFOCG 2007,Levallois 2010). Si beaucoup ont miséet misent encore sur l’agrandissement,la spécialisation et la rationalisation destâches afin d’accroître la productivitéphysique de leur travail, d’autres optentpour la diversification et/ou la créationde valeur ajoutée au travers d’unemeilleure valorisation de leurs produitsou de la mise en œuvre de processusplus économes en intrants et en équipe-ments. Ces stratégies ne sont ni cloison-nées ni exclusives ; la transformation etla commercialisation de produits agri-coles concernent parfois les grandesexploitations et les petites peuvent êtrespécialisées5.

Des systèmes de production revenantaux bases de l’agronomie (complémen-tarité des productions, rotations de cul-tures privilégiant la prise en compte des

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Tableau 6. Capital d'exploitation hors foncier selon les filières. Source : Réseaux d'élevage 2009.

5 Sur ce thème, l’Institut de l’Elevage, l’INRA et l’inter AFOCG sont partenaires du projet CASDAR (2011 -2013) «Organisation, productivité du travail etsens du métier dans des élevages innovants».

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effets précédent/sensibilité du suivant,associations de cultures, autonomie ali-mentaire pour les animaux et les plan-tes), tels que les systèmes de polycultu-re élevage développés en agriculturebiologique, se montrent autant, voireplus rémunérateurs que les systèmesconventionnels (Pavie et Lafeuille2009a et b, Pôle AB Massif Central2010). De la même manière, les systè-mes herbagers économes qui valorisentau mieux le fonctionnement de l’éco-système (cultures pluriannuelles, asso-ciations prairiales à base de légumineu-ses, utilisation de l’effet précédentcultural, maximisation du pâturage…)et réduisent le recours à des intrants et àdes équipements coûteux, se révèlentêtre intensifs du point de vue de lacréation de valeur ajoutée par hectare,performants en termes de productivitééconomique du travail et moins dépen-dants des aides publiques et des ressour-ces fossiles (Garambois et Devienne2010, Garambois 2011).

Si l’on sort de la France, on constateaujourd’hui à travers le monde unegrande diversité de niveaux de producti-vité physique du travail suivant les sys-tèmes de production (Agri benchmark2011, IFCN 2011). Ne serait-ce qu’enEurope, une très large gamme peut êtreobservée pour la production de lait devache. L’analyse de l’évolution danscertains bassins laitiers de l’Europe dunord, notamment au Danemark où laproductivité physique du travail est laplus élevée au monde, avec plus de500 t de lait/UMO, peut être riche enenseignements. Ces dernières annéesle phénomène de volatilité des revenusy a été encore plus fort que celui quenous avons connu en France. L’accrois-sement de la productivité se traduit eneffet par «un besoin en capital toujoursplus important, nécessitant un recours à

des instruments financiers sophistiqués,censés permettre une gestion dyna-mique de l’endettement de ces exploita-tions» (Perrot et al 2011). L’éclatementdes bulles foncières et financières a misen lumière la fragilité financière d’uneproduction laitière hautement capitalis-tique : le revenu moyen des exploita-tions laitières, qui avait atteint près de40 k€/UMO en 2007, est devenu néga-tif en 2008 et en 2009 (respectivement - 20 k€/ UMO et - 40 k€) et est resté nulen 2010. Les dynamiques de développe-ment basées sur l’accroissement de laproductivité physique du travail se sonttraduites par une agriculture de moinsen moins familiale au profit d’un mo-dèle entrepreneurial dont les capitaux,très importants par actif, sont de plus enplus détenus par des structures finan-cières.

De plus, dans les territoires où le fon-cier est limitant, par exemple aux Pays-Bas, il est difficile de concilier auniveau des systèmes de production l’ac-croissement de la productivité physiquedu travail et de bonnes performancesenvironnementales.

En France, la productivité physiquedu travail reste encore faible (180 t delait/UMO en 2010) au regard de cespays, mais s’accroît régulièrement. Ledéveloppement de nouveaux moyenstechniques (notamment automatisationet élevage de précision) laisse à penserque ce mouvement pourrait se poursui-vre. Pour la filière lait de vache, la findes quotas laitiers se traduira-t-elle parun nouvel accroissement de productivi-té dans le sillage des pays de l’Europedu Nord ? Comment les projets decontractualisation vont-ils orienter laproduction ? Le mode d’attribution desaides peut avoir autant d’incidence surles stratégies d’évolution des agricul-

teurs que leur seul montant ; selon cer-tains auteurs, les soutiens directs aurevenu seraient sécurisants pour lesagriculteurs soumis aux aléas de prix(OCDE 2011) et n’encourageraient pasforcément l’investissement (Sckohai etMoro 2009) ; d’autres les présententcomme un outil coûteux et inefficacepour protéger les agriculteurs contre lavolatilité des prix des produits agricoleset des moyens de production (Kroll2010). Les politiques publiques confor-teront-elles cette tendance à l’accroisse-ment de la productivité physique dutravail ? Comment se répartiront lesgains de productivité entre les diffé-rents acteurs de la branche (produc-teurs, industries agro-alimentaires,com-merce et consommateurs) ? Quellesera l’attractivité du métier d’agricul-teur ? Enfin quelles seront les demandessociétales de demain ?

Quoi qu’il en soit, les systèmes deproduction et les agriculteurs continue-ront d'évoluer et de s’adapter ; danstous les cas, la poursuite de l’analysede la diversité des performances desexploitations, notamment pour les sys-tèmes émergents en France et à l'étran-ger, du point de vue de la productivitéphysique mais aussi économique dutravail, sera utile pour l'ensemble desfilières d'élevage.

Remerciements

Nous remercions les éleveurs quiparticipent au dispositif des Réseauxd’Elevage, les ingénieurs départemen-taux qui assurent le suivi et l’enregistre-ment des données des exploitations etles ingénieurs qui animent les équipesrégionales.

208 / T. CHARROIN, P. VEYSSET, S. DEVIENNE, J.-L. FROMONT, R. PALAZON, M. FERRAND

INRA Productions Animales, 2012, numéro 2

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Productivité du travail et économie en élevages d’herbivores : définition des concepts, analyse ... / 209

INRA Productions Animales, 2012, numéro 2

De tous les secteurs de l’économie, c’est l’agriculture qui a connu l’accroissement le plus rapide de la productivité du travail au coursdes cinquante dernières années. La production en volume de la branche a été multipliée par 2,2 entre 1955 et 2010, grâce à l’utilisa-tion croissante des intrants et à la mobilisation d’un capital toujours plus important (matériel et bâtiments). Sur cette même période,la population active agricole est passée de 31 à 3,4% de l’emploi total. Les subventions jouent aujourd’hui un rôle déterminant dansle maintien du revenu agricole par actif. L’analyse de la productivité du travail pour les filières bovine, ovine et caprine montre quel’accroissement de la productivité physique et des principaux indicateurs économiques ne vont pas forcément de pair. Il existe desécarts de productivité physique du travail importants entre systèmes et entre filières. Si, en bonne conjoncture de prix, les systèmes àhaute productivité physique du travail dégagent les meilleurs revenus, une évolution défavorable des prix induit pour ces systèmes unefragilisation économique révélant ainsi leur faible capacité de résilience. La recherche de cohérence du système de production et del’optimisation des moyens de production apparaît toujours comme un élément déterminant des performances économiques.L’orientation des exploitations sera largement induite par la répartition des gains de productivité entre les différents acteurs de labranche (producteurs, industries agricoles et alimentaires, commerce et consommateurs) ainsi que par les choix des pouvoirs publics.

Résumé

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210 / T. CHARROIN, P. VEYSSET, S. DEVIENNE, J.-L. FROMONT, R. PALAZON, M. FERRAND

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Labour productivity and economy in herbivore rearing: concepts, analysis and stakes

Labour productivity in agriculture has grown faster than the other sectors of the economy over the last fifty years. Volume produc-tion of the branch was multiplied by 2.2 from 1955 to 2010, thanks to the increasing use of input and a more important mobilizationof capital (equipment and buildings). At the same time the agricultural labour force decreased from 31 to 3.4% of total employment.Today, subsidies have a decisive role in the upholding of farm income per worker. The analysis of labour productivity for cattle, sheepand goat productions shows that the economic indicators are not necessarily linked to an increase in physical productivity. There aredifferences in physical productivity of labour between systems and production sectors. In a favourable economic situation, systemswith high physical productivity of labour get the best income, but when the economic situation becomes unfavorable these systemsappear financially weak and reveal their low resilience capability. The consistency of the production system and the optimization ofmeans of production always appear as a determinant of economic performance. The distribution of productivity gain between the dif-ferent actors in the sector (producers, agricultural and food industries, trade and consumer) and the choice of government will remaindecisive for farm orientation.

CHARROIN T., P. VEYSSET P., DEVIENNE S., FROMONT J.-L., PALAZON R., FERRAND M., 2012. Productivité du tra-vail et économie en élevages d’herbivores : Définition des concepts, analyse et enjeux. In : Numéro spécial, Travail en élevage.Hostiou N., Dedieu B., Baumont R. (Eds). INRA Prod. Anim., 25, 193-210.

Abstract