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Projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique Réactions de la CCI Paris Ile-de-France

Rapport présenté par Madame Cécile ANDRÉ LERUSTE au nom de la Commission du droit de l’entreprise et adopté à l’Assemblée générale du 12 mai 2016 Avec la collaboration de Françoise ARNAUD-FARAUT, Département de droit civil et commercial, à la Direction générale adjointe, Vie institutionnelle et Etudes

Chambre de commerce et d'industrie de région Paris Ile-de-France

27, avenue de Friedland F - 75382 Paris Cedex 8

www.cci-paris-idf.fr/etudes

Registre de transparence de l’Union européenne N° 93699614732-82

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SOMMAIRE

I – SUR LA LUTTE ANTI-CORRUPTION (TITRE I) 7 A – LA CREATION D’UN SERVICE SPECIFIQUE (ART. 1 ET S.) 7 B - LA PROTECTION ACCRUE DES LANCEURS D’ALERTE DANS LE SECTEUR FINANCIER (ART. 7) 8 C - L’INSTAURATION D’UNE OBLIGATION DE CONFORMITE ANTI-CORRUPTION (ART. 8 ET 9) 9 D – LES MESURES DE LUTTE CONTRE LA CORRUPTION INTERNATIONALE (ART. 11 ET 12) 10 II – SUR L’ENCADREMENT DU LOBBYING (TITRE II) 11 III – SUR LE RENFORCEMENT DE LA REGULATION FINANCIERE (TITRE III) 12 A – LE RENFORCEMENT DES POUVOIRS REPRESSIFS DE L’AMF 12 B – L’ELARGISSEMENT DU CHAMP DE LA COMPOSITION ADMINISTRATIVE 13 IV – SUR LE RENFORCEMENT DE LA REGLEMENTATION SUR LES DELAIS DE PAIEMENT (TITRE V) 14 V – SUR LES MESURES EN FAVEUR DE L’AMELIORATION DU FINANCEMENT DES ENTREPRISES (TITRE V) 15 VI – SUR LES MESURES EN FAVEUR DE LA CROISSANCE DE L’ENTREPRISE (TITRE VI) 16 A – SUR LA SIMPLIFICATION DU PASSAGE DE L’EI VERS L’EIRL (ART. 40) 16 B – SUR LA SIMPLIFICATION DE L’APPORT DU FONDS DE COMMERCE EN SOCIETE

UNIPERSONNELLE (ART. 41) 16

C – SUR LA DISPENSE DU RECOURS A UN COMMISSAIRE AUX APPORTS EN CAS DE PASSAGE DE LA FORME INDIVIDUELLE A LA FORME SOCIETAIRE (ART. 42) 17

D – SUR LA SIMPLIFICATION ET LA CLARIFICATION DES OBLIGATIONS D’INFORMATION DES SOCIETES (ART. 45) 18

E – SUR LA SIMPLIFICATION DE LA PRISE DE DECISION DANS LES ENTREPRISES ET DE LA PARTICIPATION DES ACTIONNAIRES (ART. 46) 19

F – SUR LA SIMPLIFICATION DES OPERATIONS CONCOURANT A LA CROISSANCE DE L’ENTREPRISE (ART. 47) 21

G – SUR LA SIMPLIFICATION DU REGIME DE LA FAUTE DE GESTION (ART. 48) 23

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SYNTHESE DES PRINCIPALES PROPOSITIONS Fondamentalement, la CCI Paris Ile-de-France partage la volonté de développer la transparence, la probité et la sincérité dans la vie des affaires. Il n’en demeure pas moins que ces impératifs doivent s’inscrire dans un cadre cohérent et équilibré pour toutes les parties prenantes. Ils n’en seront que mieux accueillis s’ils s’articulent avec d’autres principes fermement défendus par les représentants des entreprises :

1. la simplification de l’environnement législatif ; 2. la promotion de la compétitivité des entreprises ; 3. le respect de la confidentialité des données concurrentielles des entreprises ; 4. la stabilisation de l'arsenal répressif ; 5. la confiance accordée aux entreprises vertueuses qui se sont d’ores et déjà fortement

responsabilisées ; 6. et en tout état de cause, la mesure de l'impact du dispositif au niveau national comme européen.

Sur la méthode, la CCI Paris Ile-de-France dénonce le renvoi pléthorique au mécanisme des ordonnances, au risque d'obstruer le débat démocratique. Pour le moins, il faut que de réelles consultations des parties prenantes soient faites suffisamment en amont. Au vu des enjeux majeurs du projet de loi Sapin 2 pour les entreprises, la CCI Paris Ile-de-France entend prendre part au débat sur ces évolutions et formule une série d’observations et de propositions. I – SUR LA LUTTE ANTI-CORRUPTION D’une manière générale, on constate la mise en place d’un dispositif très lourd pour les entreprises en particulier les ETI. Sur la création d’un service spécifique

- Conférer à ce service la qualité d’autorité administrative indépendante ou d’autorité publique

indépendante afin de garantir sa totale indépendance au regard de toute immixtion de l’exécutif ; - Revoir la composition de la commission des sanctions de ce service, qui ne doit pas être composée que

de magistrats… Pour le moins, y faire siéger des représentants des entreprises ; - Approfondir l’impact budgétaire de cette initiative sur les finances publiques

Sur l’instauration d’une obligation générale de conformité anti-corruption

- Privilégier l’adhésion volontaire des entreprises aux démarches de lutte anti-corruption. La CCI Paris

Ile-de-France insiste sur l’importance des enjeux de sensibilisation et de formation des entreprises, notamment par les organisations professionnelles. Elle reste mobilisée pour œuvrer auprès des entreprises, en particulier des PME/ETI.

- S’interroger sur les seuils retenus, beaucoup trop larges ; - Faire en sorte, en cas d’adoption d’un dispositif légal, d’en limiter l’application aux plus grandes

sociétés. Subsidiairement, ventiler le mécanisme de la façon suivante : dans les sociétés employant de 500 à 5.000 salariés en France ou 10.000 en France et à l’étranger,

n’instaurer que l’obligation d’adopter un code de conduite et de dispenser une formation aux cadres et aux personnels les plus exposés ;

dans les sociétés employant plus de 5.000 salariés en France ou 10.000 en France et à l’étranger, appliquer l’ensemble du dispositif, étant précisé que l’obligation d’établir une cartographie des risques devrait être intégrée dans le cadre général de la gestion des risques.

- Revoir à la baisse le quantum des sanctions.

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II – SUR L’ENCADREMENT DU LOBBYING Afin de préserver la mission légale des Chambres de commerce et d’industrie « de représentation des intérêts de l'industrie, du commerce et des services auprès des pouvoirs publics », compléter le projet de loi afin qu’il vise expressément -dans sa définition des représentants d’intérêts- les établissements publics administratifs au même titre que les établissements publics industriels et commerciaux. III – SUR LE CHAMP DE LA COMPOSITION ADMINISTRATIVE DANS LE CADRE DE LA REGULATION FINANCIERE

- Encourager l’élargissement du domaine de la composition administrative aux manquements, voire envisager d’y inclure les abus de marché les moins graves ;

- Laisser l’AMF proposer l’entrée en voie de composition administrative. IV – SUR LE RENFORCEMENT DE LA REGLEMENTATION SUR LES DELAIS DE PAIEMENT

- Approuver la volonté affichée par les pouvoirs publics de mieux encadrer les pratiques en la matière et de relever le plafond des sanctions administratives à 2 millions d’euros.

- Parallèlement, explorer de nouvelles pistes pour améliorer durablement l’efficacité des dispositifs et encourager la diffusion des comportements vertueux. Par exemple : o rendre automatique l’encaissement des pénalités de retard via la mise en place d’une facturation

périodique obligatoire de ces pénalités ; o pour réduire les risques de contournement de la loi, modifier le fait déclencheur des délais de paiement

en les faisant courir à partir de l’émission du bon de commande. V – SUR LES MESURES EN FAVEUR DE L’AMELIORATION DU FINANCEMENT DES ENTREPRISES Approuver les mesures permettant de faciliter le financement des entreprises de toute taille, qu’elles soient cotées ou non. Dans le cadre de l’élaboration des ordonnances à venir, associer les représentants des entreprises. VI – SUR LES MESURES EN FAVEUR DE LA CROISSANCE DE L’ENTREPRISE

- Approuver le dispositif de simplification du passage de l’EI vers l’EIRL ; - Pour l’apport du fonds de commerce en société unipersonnelle, soutenir la simplification des formalités

préconisée mais maintenir la publicité faite au BODACC, afin de préserver la protection des tiers et l’information des créanciers ;

- Approuver la dispense du recours à un commissaire aux apports en cas de passage de la forme individuelle à la forme sociétaire ;

- Sur les obligations d’information des sociétés, élargir le champ de l’ordonnance pour permettre la suppression pure et simple du rapport du président et l’intégration des informations qu’il contient au sein du rapport de gestion ;

- Soutenir les évolutions en faveur de la simplification de la prise de décision dans les entreprises et de la participation des actionnaires. Élargir le champ de l’ordonnance en prévoyant la possibilité de tenir des assemblées générales dématérialisées au profit des établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC) ;

- Dans le prolongement d’une préconisation formulée par la CCI Paris Ile-de-France en 2011, soutenir l’allègement du régime des conventions réglementées dans les SA, via la limitation de l’information du commissaire aux comptes et l’approbation de l’assemblée générale aux conventions autorisées et conclues ;

- Approuver la simplification du régime des conventions réglementées au sein de la SASU, ainsi que la suppression de l’exigence d’un accord unanime des associés de la SAS en cas d’adoption ou de modification d’une clause d’agrément ;

- Approuver l’octroi du droit aux associés de SARL de déposer des projets de résolutions ou des points à l’ordre du jour des assemblées dès lors qu’ils détiennent au moins 5% du capital ;

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- Soutenir les mesures de simplification relatives aux apports en nature de faible montant, en étendant le champ de l’exemption au-delà de la seule SARL, et viser les autres formes sociétaires (notamment les sociétés par actions non cotées – SA, SCA et SAS) ;

- Admettre l’apport en industrie dans les SA non cotées, ce qui s’inscrirait dans le contexte actuel de libéralisation de cette forme sociale ;

- Approuver la clarification du dispositif légal relatif à la conservation des droits de vote double en cas de fusion ou de scission ;

- En matière de location-gérance, soutenir la suppression de la solidarité du loueur afin de favoriser la transmission du fonds de commerce ;

- Pour faciliter le rebond du dirigeant de bonne foi d’une société mise en liquidation judiciaire, appuyer la limitation de la faute de gestion en précisant que sa responsabilité ne peut être recherchée en cas de simple négligence dans la gestion.

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INTRODUCTION Le projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (dit « projet de loi Sapin 2 »), présenté en Conseil des ministres le 30 mars 2016, a pour ambition de porter la France au niveau des meilleurs standards internationaux en matière de transparence et de lutte contre la corruption. Ce texte vise à : - instaurer plus de transparence dans le processus d’élaboration des décisions publiques et dans la vie

économique, avec notamment la création d’un répertoire numérique des représentants d’intérêts et l’introduction d’une protection des lanceurs d’alerte ;

- mieux lutter contre la corruption via, d’une part, la création d’un service national chargé de la prévention et de l’aide à la détection de la corruption et, d’autre part, l’obligation pour les grandes entreprises de mettre en place un dispositif de prévention.

- favoriser l’initiative économique et le parcours de croissance des entreprises, à travers notamment une simplification et une modernisation du droit des affaires.

Au vu des enjeux importants pour les entreprises, la CCI Paris Ile-de-France entend prendre part au débat sur ces évolutions majeures et formule une série d’observations et de propositions.

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I – SUR LA LUTTE ANTI-CORRUPTION (TITRE I) Par-delà les questions éthiques qu’elle suscite, la corruption est un fléau pour l’économie et affecte négativement le libre jeu de la concurrence1. Il faut la combattre et favoriser ainsi la loyauté économique. Dès lors, la CCI Paris Ile-de-France salue les initiatives qui contribuent à faire évoluer les mentalités dans le sens d’une prise de conscience plus éclairée du phénomène. Particulièrement, elle est favorable à ce que les entrepreneurs s’engagent dans une démarche saine et volontaire de lutte contre la corruption, comme elle l’avait elle-même préconisée très tôt dans un vade-mecum réalisé avec l’association Transparency International France2. Pour autant, elle s’interroge sur la création d’un dispositif qui apparaît très lourd pour les entreprises, au regard notamment de la nouvelle obligation de prévention contre les risques de corruption. A – LA CREATION D’UN SERVICE SPECIFIQUE (ART. 1 ET S.) Projet de loi

Le dispositif envisagé repose sur la création d’un service national chargé de la prévention et de l’aide à la détection de la corruption. Il est investi de nombreuses missions :

- une mission d’ordre général consistant dans la centralisation et la diffusion des informations, la participation à la coordination administrative et l’appui aux administrations de l’Etat, aux collectivités territoriales et à toute personne physique ou morale ;

- une mission spécifique aux acteurs publics et économiques visant l’élaboration de recommandations et la réalisation de contrôles3.

Le service disposera, pour l’accomplissement de ses missions, de pouvoirs étendus : il pourra s’entretenir avec toute personne, se faire communiquer tout document et procéder à des vérifications sur place. Il s’agit d’un service interministériel, désigné par l’article 1er du projet de loi comme « un service à compétence nationale placé auprès du ministre de la justice et du ministre chargé du budget ». Il est dirigé par un magistrat de l’ordre judiciaire nommé par le Président de la République pour une durée de six ans non renouvelable. Dans l’exercice de ses missions de contrôle et de sanction, il « ne reçoit et ne sollicite d’instruction d’aucune autorité administrative et gouvernementale ».

1 Voir en ce sens la récente étude EY : http://www.ey.com/FR/fr/Newsroom/News-releases/ey-communique-de-presse-enquete-internationale-ey-sur-la-fraude-2016 2 Voir : http://www.transparency-france.org/e_upload/pdf/Vademecum-PME.pdf 3 Il s’agit notamment de la réalisation de missions de contrôle de l’existence et du respect par les entreprises de l’obligation générale de conformité anti-corruption prévue à l’article 8 du projet de loi ; le suivi des peines de mise en conformité ordonnées par les tribunaux prévues à l’article 9 ; et le contrôle, au regard de la loi n° 68-678 du 26 juillet 1968 (dite « de blocage »), de l’exécution de décisions d’autorités étrangères imposant à une société française une obligation de mise en conformité de ses procédures internes de prévention et de détection de la corruption.

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OBSERVATIONS ET PROPOSITIONS DE LA CCI PARIS ILE-DE-FRANCE 1. Dans la mesure où il est doté d’un pouvoir de sanction, la CCI Paris Ile-de-France estime préférable de

lui conférer la qualité d’autorité administrative indépendante ou d’autorité publique indépendante4 afin de garantir sa totale indépendance au regard de toute immixtion de l’exécutif5. Une telle précision apparaît d’autant plus naturelle que l’article 14 du projet de loi a précisément eu pour objet de clarifier les notions d’autorité administrative indépendante et d’autorité publique indépendante.

2. La CCI Paris Ile-de-France préconise de revoir radicalement la composition de sa commission des

sanctions, composée exclusivement de magistrats…De toute façon devraient y siéger des représentants des entreprises.

3. L’étude d’impact réalisée le 30 mars 2016 chiffre le budget annuel « dans un premier temps » entre 10 et

15 millions d’euros, pour un effectif de 60 à 70 personnes, réparti entre une équipe dédiée au contrôle des acteurs publics et privés et composée de 25 à 30 agents et les fonctions dites transverses (analyse, coordination ministérielle) impliquant 30 à 40 fonctionnaires. La CCI Paris Ile de France se demande si ce chiffre n’est pas sous-estimé : est-il raisonnable de penser que 25 à 30 agents seront suffisants pour procéder à l’ensemble des contrôles ? Elle observe en outre que n’est chiffré ni le coût immobilier - des locaux propres devant être alloués à ce service selon l’étude - ni l’impact pour les collectivités territoriales.

B - LA PROTECTION ACCRUE DES LANCEURS D’ALERTE DANS LE SECTEUR FINANCIER (ART. 7) Projet de loi

L’article 7 met en place un régime spécifique de protection des lanceurs d’alerte qui s’applique aux personnes physiques ayant signalé de bonne foi à l’Autorité des marchés financiers (AMF) ou à l’autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) des manquements aux obligations issues de certains textes européens relatifs au secteur financier (règlement sur les abus de marché, directive sur les marchés d’instruments financiers, etc.). Ces personnes ne peuvent ainsi faire l’objet, pour ce motif, d’un licenciement, d’une sanction, d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération ou d’évolution professionnelle, ou de toute autre mesure défavorable. Le Conseil d’Etat a complété le dispositif en prévoyant, d’une part, la nullité de plein droit de telles mesures et, d’autre part, le renversement de la charge de la preuve si le lanceur d’alerte établit des faits faisant présumer qu’il a agi de bonne foi – il appartient alors au défendeur de démontrer que sa décision a été justifiée par des éléments objectifs étrangers au signalement.

OBSERVATIONS ET PROPOSITIONS DE LA CCI PARIS ILE-DE-FRANCE La CCI Paris Ile-de-France est favorable à une protection des lanceurs d’alerte afin d’améliorer la lutte contre la corruption. La piste proposée par le Conseil d’état de mettre en place un dispositif très structuré lui semble intéressante6. Encore faut-il qu’il soit étroitement encadré. A cet égard, elle met en garde sur la

4 Les autorités publiques indépendantes disposent, à la différence des autorités administratives indépendantes stricto sensu, de la personnalité juridique. 5 La même position a d’ailleurs été adoptée par Transparency France (v. synthèse des propositions de Transparency France, projet de loi sur la transparence, la lutte contre la corruption, et la modernisation de la vie économique, p. 5). Il est vrai que le Conseil constitutionnel ne pose pas cette exigence pour qu’un pouvoir de sanction soit conféré à une autorité administrative (v., par exemple, s’agissant de la COB, Conseil constitutionnel, Décision n° 89-260 DC du 28 juillet 1989, JO du 1er août 1989, p. 9676 et Recueil, p. 71). 6 Pour éviter notamment les dérives observées aux Etats-Unis, en particulier en matière de rémunération.

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nécessité d’assurer un équilibre avec la protection du secret des affaires et insiste sur le fait que ce dispositif doit rester cantonné au secteur financier. Elle observe aussi que le renversement de la charge de la preuve opéré par le Conseil d’Etat sera difficile à mettre en œuvre en pratique – quels faits pourront faire présumer la bonne foi du lanceur d’alerte ?

C - L’INSTAURATION D’UNE OBLIGATION DE CONFORMITE ANTI-CORRUPTION (ART. 8 ET 9) Projet de loi

Obligation générale de conformité anti-corruption Le projet de loi s’impose aux sociétés et à leurs dirigeants. Il vise (i) les entreprises employant au moins 500 salariés et (ii) celles appartenant à un groupe employant au moins 500 salariés et dont le chiffre d’affaires est supérieur à 100 millions d’euros. Elles devront prendre des mesures « effectives » destinées à prévenir et détecter la commission, en France ou à l’étranger, de faits de corruption ou de trafic d’influence à savoir :

1. Adopter un code de conduite décrivant les comportements à proscrire ; 2. Mettre en œuvre un dispositif d’alerte interne ; 3. Établir une cartographie des risques (régulièrement actualisée et détaillant les risques de sollicitations

externes en fonction du secteur d’activité et des zones géographiques) ; 4. Mettre en œuvre une procédure d’évaluation de la situation des clients, des fournisseurs, des partenaires

et des intermédiaires ; 5. Réaliser des contrôles comptables internes ou externes ; 6. Dispenser une formation aux cadres de la société ainsi qu’aux personnels les plus exposés ; 7. Instaurer une politique de sanctions disciplinaires permettant de sanctionner les membres de la société

en cas de violation du code de conduite. En cas de manquement à ces obligations, le service pourra mettre en demeure le contrevenant. À défaut, la commission des sanctions pourra lui enjoindre de respecter ses obligations et prononcer des sanctions (jusqu’à 200.000 euros pour les personnes physiques et 1.000.000 euros pour les personnes morales) éventuellement assorties de mesures de publication. Peine de mise en conformité Une peine complémentaire de mise en conformité est prévue par le nouvel article 131-39-2 du Code pénal. D’une durée de cinq ans maximum, elle consistera en une obligation de mettre en œuvre un programme de conformité sous le contrôle du service. Les frais engendrés par cette mesure pour le service seront mis à la charge du condamné (sans toutefois pouvoir excéder le montant de l’amende encourue au titre de l’infraction ayant justifié le prononcé de la peine). Cette peine complémentaire pourra être prononcée en cas de condamnation pour des délits de corruption ou de trafic d’influence afin de s’assurer que l’entreprise adapte ses procédures internes de prévention et de détection. En cas de violation de l’obligation de mise en conformité, de lourdes sanctions sont également prévues (deux ans d’emprisonnement et 30.000 euros d’amende pour les personnes physiques ou l’amende encourue au titre du délit pour lequel elles ont été condamnées et qui a donné lieu au prononcé de la peine complémentaire de mise en conformité pour les personnes morales). Des peines complémentaires d’affichage et de diffusion de la décision pourront également être prononcées.

OBSERVATIONS ET PROPOSITIONS DE LA CCI PARIS ILE-DE-FRANCE 1. Pour la CCI Paris Ile-de-France, la démarche des entrepreneurs doit conserver un caractère

purement volontaire. Il en va de l’efficacité même du dispositif, qui doit « s’imposer » davantage par conviction et engagement que par commandement et coercition ; d’autant que la sanction financière est particulièrement lourde. A cet égard, la CCI Paris Ile-de-France insiste sur l’importance des enjeux de sensibilisation et de formation des entreprises, notamment par les organisations professionnelles. Elle reste mobilisée pour œuvrer auprès des entreprises, en particulier des PME/ETI.

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2. En tout état de cause, sur son champ, deux observations doivent être formulées. Tout d’abord, l’article 8

du projet devrait englober tant le secteur public que privé. Ensuite, la plupart des dispositions préconisées sont, en l’état, difficiles voire impossibles à appliquer en dehors des grandes sociétés, notamment au regard de leur coût. Il convient au demeurant de s’interroger sur les seuils retenus beaucoup trop larges.

En définitive, en cas d’adoption d’un dispositif légal, il faudrait le limiter aux plus grandes sociétés. Pour le moins, et subsidiairement, dans le souci de ne pas décourager les entreprises les plus modestes, la CCI Paris Ile-de-France propose de ventiler les obligations de prévention prévues à l’article 8 du projet de la façon suivante7 : - dans les sociétés employant de 500 à 5.000 salariés en France ou 10.000 en France et à l’étranger,

n’instaurer que l’obligation d’adopter un code de conduite et de dispenser une formation aux cadres et aux personnels les plus exposés ;

- dans les sociétés employant plus de 5.000 salariés en France ou 10.000 en France et à l’étranger, appliquer l’ensemble du dispositif, étant précisé que l’obligation d’établir une cartographie des risques devrait être intégrée dans le cadre général de la gestion des risques.

3. Enfin, il serait indispensable de revoir à la baisse le quantum des sanctions.

D – LES MESURES DE LUTTE CONTRE LA CORRUPTION INTERNATIONALE (ART. 11 ET 12) Projet de loi

À côté de ces mesures phares, le projet adopte deux dispositions dans le but de mieux lutter contre la corruption internationale. D’une part, il élargit le champ du délit de trafic d’influence de manière à ce que désormais il couvre également les faits commis par un agent public étranger, et non plus seulement ceux accomplis par un agent public français ou appartenant à une organisation internationale publique. D’autre part, il assouplit les conditions dans lesquelles les faits de corruption et de trafic d’influence commis à l’étranger par des Français ou des entreprises françaises8 peuvent être poursuivis en France. Trois des exigences requises en principe pour l’exercice d’une compétence extraterritoriale sont ainsi supprimées : la condition de double incrimination ; le monopole du Parquet en matière de poursuite ; et la nécessité d’une plainte de la victime ou d’une dénonciation officielle de l’Etat de commission des faits. Une constitution de partie civile est donc désormais possible en la matière.

OBSERVATION ET PROPOSITION DE LA CCI PARIS ILE-DE-FRANCE La CCI Paris Ile-de-France est favorable à ces mesures permettant de mieux appréhender la dimension internationale de la corruption. Elle attire toutefois l’attention sur le fait qu’elles seront susceptibles de conduire à l’éviction des entreprises françaises de certains marchés.

7 Les seuils proposés sont ceux retenus par la proposition de loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordres qui impose aux grandes entreprises (5.000 salariés en France ou 10.000 en France et à l’étranger) d’établir un « plan de vigilance » afin de prévenir les atteintes aux droits de l’homme et à l’environnement, ainsi que la corruption chez leurs sous-traitants ou fournisseurs avec lesquels elles entretiennent une relation commerciale durable. 8 Ou des personnes résidant habituellement en France.

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II – SUR L’ENCADREMENT DU LOBBYING (TITRE II) Projet de loi

Le titre II traite de la transparence des rapports entre les représentants d’intérêts et les pouvoirs publics. L’article 13 vise à créer un répertoire numérique des représentants d’intérêts auprès du Gouvernement, ainsi qu’il en existe dans un certain nombre de pays, auprès des institutions européennes et, en France, auprès de l’Assemblée nationale et du Sénat. Cet article définit la représentation d’intérêts et le périmètre des acteurs publics auprès desquels l’exercice de cette activité emporte l’inscription obligatoire sur le registre, dont la tenue est confiée à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), et qui est rendu public. Cette inscription impliquera par ailleurs un certain nombre d’exigences déontologiques pour ces représentants, visant à assurer la transparence de leurs relations avec les acteurs publics susmentionnés et dont la méconnaissance pourra entraîner une sanction pécuniaire par la Haute Autorité.

OBSERVATIONS ET PROPOSITIONS DE LA CCI PARIS ILE-DE-FRANCE 1. La CCI Paris Ile de France a réagi, très en amont, lors des travaux préparatoires du texte afin d’intégrer

les personnes morales de droit public dans la définition des représentants d'intérêts et préserver, par là-même, sa mission légale de défense des intérêts des entreprises auprès des pouvoirs publics. En effet, la définition retenue initialement dans le projet de loi - lue à la lettre – excluait curieusement les personnes morales de droit public !

Aujourd’hui, force est de constater que – bien que remaniée – la rédaction du projet demeure radicalement insuffisante : en ne visant que les EPIC (établissements publics industriels et commerciaux), tous les EPA (établissements publics administratifs), dont en l’occurrence les chambres de commerce et d’industrie, demeurent toujours exclues du dispositif9 ! 2. Par là-même, le projet s’avère de surcroît en totale opposition avec les dispositions de l’article L.710-1 du

Code commerce, selon lequel "les établissements ou chambres départementales du réseau des chambres de commerce et d'industrie ont chacun, en leur qualité de corps intermédiaire de l'Etat, une fonction de représentation des intérêts de l'industrie, du commerce et des services auprès des pouvoirs publics ou des autorités étrangères". Au-delà même de la sphère nationale, l’existant à l'échelle de l’Union10 - notamment un registre des représentants d'intérêts, parmi lesquels figurent des personnes morales de droit public dont la CCI Paris Ile-de-France - vient aussi contredire le projet.

3. Au demeurant, l’impératif de simplification exigerait, pour éviter un mille-feuille de régimes, une articulation

avec les réglementations déjà existantes tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat. Une définition commune des représentants d'intérêts, tenant compte au maximum des évolutions européennes, serait opportune.

Pour l’heure, la CCI Paris Ile-de-France propose d’amender l’article 13 du projet de loi afin de viser

explicitement les établissements publics administratifs au même titre que les établissements publics industriels et commerciaux. La rédaction suivante du point 4° de l’article 13 est suggérée :

(…) Sont également des représentants d’intérêts au sens de la présente loi les personnes qui, au sein d’une personne morale de droit privé autre que celles mentionnées aux b à d du présent I, ou d’un groupement ou établissement public industriel et commercial ou établissement public administratif, ont pour fonction principale d’influer sur la décision publique dans les conditions fixées aux alinéas précédents.

9 De même d’ailleurs que les chambres des métiers et de l’artisanat, les chambres de l’agriculture, etc. 10 Le dispositif européen en la matière est aussi en cours de refonte.

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III – SUR LE RENFORCEMENT DE LA REGULATION FINANCIERE (TITRE III) Le titre III du projet de loi renforce les pouvoirs répressifs de l’AMF, élargit le champ de la composition administrative, conforte les pouvoirs de l’ACPR et renforce la transparence et la sécurité des produits dérivés11. Il a été en revanche amputé des dispositions relatives à la réorganisation de l’articulation des sanctions pénales et administratives des abus de marché (procédure d’« aiguillage » entre les deux voies répressives) ; pour des raisons de calendrier, ces mesures font l’objet d’une proposition de loi12. Seront plus précisément abordés ici le renforcement des pouvoirs répressifs de l’AMF et l’élargissement du champ de la composition administrative. A – LE RENFORCEMENT DES POUVOIRS REPRESSIFS DE L’AMF 1 – Extension des pouvoirs de sanction de l’AMF en matière de titres non cotés Projet de loi

L’article 19 du projet de loi étend le pouvoir de sanction de la commission des sanctions de l’AMF aux manquements commis à l’occasion des offres au public de titres financiers non cotés, des offres de financement participatif et des offres au public de parts sociales de banques mutualistes ou coopératives ou de certificats mutualistes.

OBSERVATION DE LA CCI PARIS ILE-DE-FRANCE L’extension des pouvoirs de sanction de l’AMF aux offres de titres non cotés, et notamment de financement participatif ou crowdfunding, est opportune. Elle participe d’une meilleure protection de l’épargne publique, dont cette autorité est précisément en charge (C. mon. fin., art. L. 621-1).

2 – Renforcement du montant des sanctions pécuniaires Projet de loi

L’article 20 du projet de loi renforce le montant des sanctions pécuniaires :

- pour les personnes physiques : le montant maximal de la sanction pécuniaire encourue n’est pas modifié en valeur absolue (100 millions d’euros) mais peut désormais atteindre, en valeur relative, le décuple « de l’avantage retiré du manquement ou des pertes qu’il a permis d’éviter, si ceux-ci peuvent être déterminés » et non plus seulement « des profits éventuellement réalisés » ;

- pour les personnes morales : un nouveau plafond de sanctions est porté à 15 % du chiffre d’affaires annuel total de la société mise en cause13 et vient compléter le plafond actuel de 100 millions d’euros ou du décuple désormais « de l’avantage retiré du manquement ou des pertes qu’il a permis d’éviter, si ceux-ci peuvent être déterminés » (et non plus seulement « des profits éventuellement réalisés »).

OBSERVATIONS ET PROPOSITIONS DE LA CCI PARIS ILE-DE-FRANCE Ce renforcement des sanctions pécuniaires résulte notamment du nouveau règlement relatif aux abus de marché.

11 Il autorise également le gouvernement à prendre par voie d’ordonnance les mesures nécessaires à la transposition de la directive 2014/57/UE relative aux sanctions pénales applicables aux abus de marché et à l’application du règlement n° 596/2014 relatif aux abus de marché. 12 Portée par Dominique Baert, député du Nord et adoptée en séance à l’Assemblée nationale le 7 avril 2016. 13 Tenant compte de l’avis du Conseil d’Etat, le gouvernement a limité cette nouvelle sanction uniquement aux cas de manquement à un texte européen.

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B – L’ELARGISSEMENT DU CHAMP DE LA COMPOSITION ADMINISTRATIVE Projet de loi

L’article 18 étend le champ de la composition administrative (transaction). Auparavant limitée à certains professionnels régulés intervenant sur les marchés financiers, elle pourra être désormais proposée à toute personne (y compris les non-professionnels et structures de marché) ayant commis un manquement, à l’exclusion des abus de marché.

OBSERVATIONS ET PROPOSITIONS DE LA CCI PARIS ILE-DE-FRANCE Cette procédure, mise en place à l’article L. 621-14-1 du Code monétaire et financier par la loi n° 2010-1249 de régulation bancaire et financière du 22 octobre 2010, procède du constat que certains manquements peuvent ne pas porter une atteinte grave au bon fonctionnement du marché ou à la protection des investisseurs. Son succès a incité le gouvernement à proposer son élargissement. Les mécanismes transactionnels permettent de compléter utilement les outils répressifs à la disposition des régulateurs et présentent l’avantage de la rapidité et d’une relative discrétion. Cet élargissement constitue donc une avancée qu’il faut encourager. On pourrait d’ailleurs envisager de l’étendre aux abus de marché « les moins graves », si la réforme en cours (cf. P.L. précitée) orientait effectivement les abus « les plus graves » vers la seule voie pénale. En tout état de cause, ce serait à l’AMF de proposer l’entrée en voie de composition administrative.

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IV – SUR LE RENFORCEMENT DE LA REGLEMENTATION SUR LES DELAIS DE PAIEMENT (TITRE V) Projet de loi

L’article 36 renforce la réglementation sur les délais de paiement, en élargissant le champ de la publication des décisions de sanctions et en rehaussant le niveau des amendes.

OBSERVATIONS ET PROPOSITIONS DE LA CCI PARIS ILE-DE-FRANCE Si des progrès ont été observés à la suite de la LME, la récurrence de la problématique des délais de paiement au cours des dernières années montre que le chemin vers des relations interentreprises durablement équilibrées est encore long. Face à l’ampleur des enjeux pour les entreprises et compte tenu des insuffisances constatées dans l’application de la loi, la CCI Paris Ile-de-France souhaite que le dispositif législatif soit renforcé pour mieux encadrer les pratiques en matière des délais de paiement et améliorer de façon pérenne les relations interentreprises au service de la compétitivité et de la croissance. En effet, les retards de paiement ont des conséquences qui peuvent être dramatiques pour les professionnels qui en sont victimes. Les problèmes de trésorerie qu’ils engendrent accroissent les incertitudes pesant sur la gestion et peuvent conduire, dans certains cas, au dépôt de bilan. Ainsi, selon les analyses de la société Altares, sur les 430 000 défaillances d’entreprises enregistrées depuis 2008, plus de 100 000 (soit un quart des faillites) sont directement causées par des retards de paiement clients. La CCI Paris Ile-de-France approuve donc la volonté affichée par les pouvoirs publics consistant à relever le plafond des sanctions administratives à 2 millions d’euros, mais elle estime qu’il convient d’explorer de nouvelles pistes pour améliorer sensiblement l’efficacité des dispositifs et encourager la diffusion des comportements vertueux en la matière. Une des pistes consisterait ainsi à rendre automatique l’encaissement des pénalités de retard via la mise en place d’une facturation périodique obligatoire de ces pénalités. En effet, à ce jour, près de la moitié des entreprises ne les réclament pas, soucieuses de préserver leurs relations commerciales. En 2015, elles auraient été seulement 16 % à les encaisser selon une étude réalisée par l’Association française des credit managers et conseils. Par ailleurs, compte tenu des pratiques récurrentes consistant à retarder la date d’exigibilité des paiements, et les exemples sont nombreux en la matière - prise en compte par le client de la date de livraison au lieu de la date de facturation pour le calcul du délai maximum de règlement, report automatique des factures émises en fin de mois (dernier jour, dernière semaine) sur le mois suivant, retour à l'expéditeur sans motif ou " par erreur ", des demandes de paiement - une modification du fait déclencheur des délais permettrait de réduire les risques de contournement de la loi, en faisant par exemple courir le délai à partir de l’émission du bon de commande.

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V – SUR LES MESURES EN FAVEUR DE L’AMELIORATION DU FINANCEMENT DES ENTREPRISES (TITRE V) Projet de loi

- L’article 33 habilite le Gouvernement à créer, au niveau national, une nouvelle forme d’organismes exerçant une activité de retraite professionnelle supplémentaire et pouvant bénéficier d’un régime prudentiel ad hoc, tout en maintenant le niveau de protection actuel des assurés. - L’article 34 habilite le Gouvernement à adopter par ordonnance des mesures destinées à faciliter le financement par dette des entreprises, visant à :

- réformer les dispositions relatives aux émissions obligataires dans le sens du renforcement de l’attractivité du droit français.

- doter le droit français d’un régime juridique de l’agent des sûretés efficace, permettant de concurrencer les dispositifs existants dans les pays anglo-saxons.

- améliorer le fonctionnement des fonds d’infrastructure, en particulier les fonds qui ont reçu le label ELTIF, qui ont traditionnellement un recours important aux instruments de dette d’actionnaire pour faire face aux contraintes techniques liées à la très longue durée de vie des fonds en précisant les conditions dans lesquelles ces fonds peuvent avoir recours à des dettes d’actionnaire, notamment les avances en compte courant d’associés.

- permettre à certaines catégories de fonds d’investissement de long terme, notamment de fonds ELTIF, d’octroyer des prêts aux entreprises.

- permettre une clarification du cadre applicable aux organismes de financement, organismes de placement collectifs se finançant par le biais d’une émission de titres financiers.

- préciser les conditions dans lesquelles des investisseurs, quel que soit le droit qui leur est applicable et leur statut, peuvent acquérir des créances non échues cédées par des établissements de crédit et des sociétés de financement, par dérogation aux restrictions faites aux opérations de crédit à l’article L. 511-5 du code monétaire et financier.

L’article 35 habilite le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance les mesures du domaine de la loi nécessaires à la modification des définitions des prestataires de services d’investissement, des entreprises d’investissement et des sociétés de gestion de portefeuille afin de sortir les sociétés de gestion de portefeuille de la catégorie juridique des entreprises d’investissement.

OBSERVATIONS ET PROPOSITIONS DE LA CCI PARIS ILE-DE-FRANCE La CCI Paris Ile-de-France est favorable à toute mesure permettant ainsi : de faciliter le financement des entreprises de toute taille, qu’elles soient cotées ou non ; de répondre à l’objectif d’allouer davantage d’investissements dans des actifs plus risqués avec un horizon

à plus long terme ; de faciliter le financement des entreprises en réformant le régime obligataire. Néanmoins, la CCI Paris Ile-de-France regrette que la mise en œuvre de ces mesures soit renvoyée dans des ordonnances à venir. En effet, il aurait été souhaitable qu’elles soient débattues lors de débats parlementaires, pour faire l’objet de la consultation la plus large possible.

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VI – SUR LES MESURES EN FAVEUR DE LA CROISSANCE DE L’ENTREPRISE (TITRE VI) A – SUR LA SIMPLIFICATION DU PASSAGE DE L’EI VERS L’EIRL (ART. 40) Projet de loi

L’article 40 a pour objet de simplifier le régime de l’EIRL. Afin de faciliter le passage de l’entreprise individuelle vers l’EIRL, il permet à l’entrepreneur individuel, qui n’opte pas pour l’impôt sur les sociétés et qui utilise son dernier bilan comme bilan d’ouverture de l’EIRL, de retenir les valeurs comptables figurant dans celui-ci sans lui imposer une évaluation à la valeur vénale des éléments affectés au patrimoine professionnel. L’entrepreneur individuel est dispensé de l’obligation de faire procéder à une évaluation par un tiers des biens affectés, dès lors qu’ils ne sont pas d’une valeur supérieure à 30 000 euros. Par ailleurs, cet article simplifie le régime de la déclaration d’affectation en écartant la faculté, rarement mise en œuvre, de rendre rétroactive l’affectation du patrimoine aux créanciers antérieurs à la création de l’EIRL et allège les procédures en supprimant la double publication du bilan lorsque l’entrepreneur a déposé sa déclaration d’affectation au répertoire des métiers ou lorsqu’il est soumis à une double immatriculation.

OBSERVATIONS ET PROPOSITIONS DE LA CCI PARIS ILE-DE-FRANCE Parce qu’il participe de la fluidification des passerelles entre les différents statuts juridiques, cet allègement - qui résulte d’une proposition faite dans le rapport de Mme Catherine Barbaroux de décembre 201514 - doit être soutenu. Il n’en demeure pas moins que la CCI Paris Ile-de-France reste réservée sur l’attractivité, voire même l’intérêt de l’EIRL. En effet, en la matière, toute démarche de simplification trouve rapidement ses limites en raison de la complexité inhérente à ce statut. Pour la CCI Paris Ile-de-France, de façon très pragmatique, les voies à privilégier lorsque l’on souhaite exploiter individuellement une entreprise sont soit le cadre classique de l’entreprise individuelle, soit les formes plus protectrices de société unipersonnelle (EURL ou SASU, selon les profils des créateurs).

B – SUR LA SIMPLIFICATION DE L’APPORT DU FONDS DE COMMERCE EN SOCIETE UNIPERSONNELLE (ART. 41) Projet de loi

L’article 41 a pour objet de faciliter le passage de l’EI vers la société unipersonnelle en simplifiant l’apport d’un fonds de commerce à une EURL ou à une SASU. Dans cette hypothèse, deux allègements sont prévus. Ainsi, l’apporteur serait dispensé :

- d’une part, de l’obligation de faire figurer dans l’acte d’apport les mentions prévues à l’article L141-1 du code de commerce15 ;

14 Lever les freins à l’entreprenariat individuel, Rapport au Ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, Catherine Barbaroux, avec le concours de Laurent Moquin (CGEFi), décembre 2015, p. 60 et 61. 15 C. com., art. L. 141-1 : « I. - Dans tout acte constatant une cession amiable de fonds de commerce, consentie même sous condition et sous la forme d'un autre contrat ou l'apport en société d'un fonds de commerce, le vendeur est tenu d'énoncer : 1° Le nom du précédent vendeur, la date et la nature de son acte d'acquisition et le prix de cette acquisition pour les éléments incorporels, les marchandises et le matériel ; 2° L'état des privilèges et nantissements grevant le fonds ; 3° Le chiffre d'affaires qu'il a réalisé durant les trois exercices comptables précédant celui de la vente, ce nombre étant réduit à la durée de la possession du fonds si elle a été inférieure à trois ans ; 4° Les résultats d'exploitation réalisés pendant le même temps ; 5° Le bail, sa date, sa durée, le nom et l'adresse du bailleur et du cédant, s'il y a lieu. II. - L'omission des énonciations ci-dessus prescrites peut, sur la demande de l'acquéreur formée dans l'année, entraîner la nullité de l'acte de vente ».

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- d’autre part, de l’obligation de publication au BODACC prévue par l’article L141-21 du code de commerce16.

OBSERVATIONS ET PROPOSITIONS DE LA CCI PARIS ILE-DE-FRANCE Sur le premier point, la simplification est judicieuse puisqu’elle supprime des formalités qui sont de fait inutiles lorsque la société bénéficiaire de l’apport du fonds de commerce a pour seul associé l’apporteur. En revanche, la seconde mesure appelle des réserves au regard de la nécessaire protection des tiers et de l’information des créanciers. En effet, aux termes de l’article L. 141-22 du Code de commerce, la publicité faite au BODACC permet aux créanciers de l’apporteur du fonds de commerce de déclarer leur créance auprès du greffe du tribunal de commerce dans les dix jours de ladite publication. La société est alors tenue solidairement, avec le débiteur principal, du paiement de la dette. Il est alors loisible aux créanciers, même si la société est entièrement détenue par l’apporteur, d’agir soit contre l’apporteur soit directement contre la société. Dès lors il est légitime de préserver leur bonne information ce qui implique de maintenir la publicité faite au BODACC.

C – SUR LA DISPENSE DU RECOURS A UN COMMISSAIRE AUX APPORTS EN CAS DE PASSAGE DE LA FORME INDIVIDUELLE A LA FORME SOCIETAIRE (ART. 42) Projet de loi

L’article 42 constitue le pendant de l’article 40 s’agissant du passage de l’entreprise individuelle vers, non plus une EIRL, mais une société. Il supprime l’obligation de recourir à un commissaire aux apports dès lors que l’apporteur, entrepreneur individuel, apporte des éléments qui figuraient dans le bilan de son dernier exercice à une société dont il est l’associé unique (EURL ou SASU). En élargissant le champ de la dispense de recours à un commissaire aux apports, il complète également l’article 41 visant à simplifier l’apport d’un fonds de commerce à une société unipersonnelle17. Par ailleurs, cet article étend aux SAS deux dispositions déjà prévues pour la SARL en matière d’apports en nature : d’une part, les futurs associés peuvent décider à l’unanimité que le recours à un commissaire aux apports ne sera pas obligatoire, lorsque la valeur d’aucun apport en nature n’excède un montant fixé par décret (30 000 euros pour la SARL) et si la valeur totale de l’ensemble des apports en nature non soumis à l’évaluation d’un commissaire aux apports n’excède pas la moitié du capital social ; d’autre part, lorsqu’il n’y a pas eu de commissaire aux apports ou lorsque la valeur retenue est différente de celle proposée par le commissaire aux apports, les associés sont solidairement responsables pendant cinq ans, à l’égard des tiers, de la valeur attribuée aux apports en nature lors de la constitution de la société.

OBSERVATIONS DE LA CCI PARIS ILE-DE-FRANCE Le premier pan de l’article 42 doit être approuvé, dans la mesure où l’évaluation retenue par l’associé unique n’affecte, par définition, aucun autre associé que lui-même, et qu’elle est compensée, au regard des tiers, par le dispositif protecteur déjà bien connu en droit des sociétés de la responsabilité solidaire des associés pendant cinq ans. De même, l’extension des dispenses applicables à la SARL au profit de la SAS est bienvenue, dès lors qu’elle a pour contrepartie une plus grande responsabilité des associés envers les tiers.

16 C. com., art. L. 141-21 : « Sauf s'il résulte d'une opération de fusion ou de scission soumise aux dispositions du quatrième alinéa de l'article L. 236-2 et des articles L. 236-7 à L. 236-22, tout apport de fonds de commerce fait à une société en constitution ou déjà existante doit être porté à la connaissance des tiers dans les conditions prévues par les articles L. 141-12 à L. 141-18 par voie d'insertion au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales. Dans cette insertion, l'élection de domicile est remplacée par l'indication du greffe du tribunal de commerce où les créanciers de l'apporteur doivent faire la déclaration de leurs créances ». 17 Ne sont ainsi modifiés que les articles L. 223-9 et L. 227-1 du Code de commerce, relativement aux apports en nature réalisés respectivement dans une SARL ou une SAS.

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D – SUR LA SIMPLIFICATION ET LA CLARIFICATION DES OBLIGATIONS D’INFORMATION DES SOCIETES (ART. 45) Projet de loi

L’article 45 vise à rationaliser les obligations d’information annuelle auxquelles sont astreintes les sociétés. A cette fin, le gouvernement est autorisé, par voie d’ordonnance, à prendre plusieurs mesures : la suppression des redondances entre le rapport du président du conseil d’administration ou du conseil de surveillance et le rapport de gestion ; l’allègement des obligations de dépôt des comptes annuels et du rapport de gestion pour les sociétés établissant un document de référence ; la dématérialisation optionnelle des dépôts des comptes annuels au RCS pour l’ensemble des sociétés ; et la simplification du contenu du rapport de gestion pour les petites et micro-entreprises18.

Observations et propositions de la CCI Paris Ile-de-France

De manière générale, tant la dématérialisation optionnelle des dépôts des comptes annuels au RCS pour l’ensemble des sociétés, que la suppression des doublons – en application du principe « dîtes-le-nous une fois » - ou la simplification du rapport de gestion des petites et micro-entreprises19 sont des évolutions favorables aux entreprises d’un point de vue pratique. Elles participent de la simplification et donc de la meilleure attractivité de notre droit. Notamment, pour les sociétés cotées qui établissent un document de référence – c’est-à-dire la plupart d’entre elles -, le dépôt du document de référence devrait valoir dépôt des comptes annuels et du rapport de gestion au greffe du tribunal de commerce, dès lors que ce document reprend ces informations. Plus particulièrement, la suppression des redondances existant entre le rapport du président du conseil d’administration ou du conseil de surveillance (requis dans les sociétés cotées sur un marché réglementé) et le rapport de gestion apparaît bienvenue. Un rapport récent de l’AMF20 a fait le constat que l’information relative aux procédures de contrôle interne et de gestion des risques est répartie dans divers documents : le rapport du président sur les procédures de contrôle interne et de gestion des risques ; le rapport de gestion dans lequel le conseil d’administration ou de surveillance ou le directoire décrit les principaux risques auxquels la société est confrontée ; les comptes pour lesquels les normes applicables requièrent une information sur les risques financiers ; le document de référence ou, le cas échéant, le prospectus qui inclut une partie sur les facteurs de risque. Pour mettre fin à cette redondance, ce rapport préconise de supprimer :

- le rapport du président du conseil sur les procédures de contrôle interne et de gestion des risques en intégrant ces informations dans le rapport de gestion ;

- et le rapport distinct des CAC sur ce sujet en intégrant un paragraphe ad hoc dans le rapport d’audit. Il invite par ailleurs le législateur à poursuivre l’exercice en écartant également l’autre partie du rapport du président relative à la gouvernance et à la politique de rémunération et en l’intégrant dans le rapport de gestion21. 18 Selon la définition de la directive 2013/34/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative aux états financiers annuels, aux états financiers consolidés et aux rapports y afférents de certaines formes d’entreprises, modifiant le directive 2006/43/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant les directives 78/660/CEE et 83/349/CEE du Conseil, JOUE du 29 juin 2013, L 182/19. 19 D’ailleurs, la directive 2013/34/UE du 26 juin 2013 précitée permet même d’exempter ces entreprises de la publication d’un rapport de gestion. 20 Rapport sur le rapport du Président sur les procédures de contrôle interne et de gestion des risques, groupe de travail présidé par Jean-Claude Hanus, nov. 2015. 21 Le rapport du président contient plus précisément des informations relatives à la composition du conseil et l’application du principe de représentation équilibrée des femmes et des hommes en son sein, et aux conditions de préparation et d’organisation des travaux du conseil. Il comprend en outre : dans les SA à forme moniste, les éventuelles limitations que le conseil d’administration apporte aux pouvoirs du directeur général ; et dans les SA à forme dualiste et les SCA, les modalités particulières relatives à la participation des actionnaires à l’assemblée générale ou les dispositions des statuts qui prévoient ces modalités ainsi que les informations relatives au gouvernement d’entreprise et les principes et les règles arrêtés par le conseil de surveillance pour déterminer les rémunérations et avantages de toute nature accordés aux mandataires sociaux.

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Pour la CCI Paris Ile-de-France, l’article 45 du projet de loi ne va pas assez loin. Le champ de l’ordonnance pourrait donc être opportunément élargi pour permettre la suppression pure et simple du rapport du président et l’intégration des informations qu’il contient au sein du rapport de gestion. E – SUR LA SIMPLIFICATION DE LA PRISE DE DECISION DANS LES ENTREPRISES ET DE LA PARTICIPATION DES ACTIONNAIRES (ART. 46) L’article 46 habilite le gouvernement à prendre par voie d’ordonnance plusieurs mesures pour simplifier la prise de décisions dans les entreprises et la participation des actionnaires. 1 - Dispositions applicables aux SA

Projet de loi

D’abord, l’article 46 permet de tenir des assemblées générales dématérialisées dans les SA non cotées par recours exclusif aux moyens de visioconférence ou de télécommunication, tout en préservant la faculté pour les actionnaires de demander, dans certaines conditions, la convocation d’une assemblée générale physique. Il donne également le pouvoir au conseil d’administration ou au conseil de surveillance de déplacer le siège social en France ou de mettre en conformité les statuts avec la loi sous réserve d’une ratification ultérieure par les actionnaires. Il aligne enfin les hypothèses d’autorisation préalable par le conseil de surveillance sur celles prévues par le conseil d’administration22. Ensuite, il clarifie le régime des conventions réglementées dans les SA en précisant que le président du conseil d’administration ou du conseil de surveillance ne donne avis aux commissaires aux comptes et ne soumet à l’approbation de l’assemblée générale que les conventions autorisées et conclues.

OBSERVATIONS ET PROPOSITIONS DE LA CCI PARIS ILE-DE-FRANCE 1. Tant la possibilité de tenir des assemblées générales dématérialisées dans les SA non cotées23

que la faculté ouverte aux dirigeants de déplacer le siège social en France ou de mettre en conformité les statuts avec la loi sans avoir à recourir à une assemblée générale ou l’alignement des hypothèses d’autorisation préalable par le conseil de surveillance sur celles prévues par le conseil d’administration sont des évolutions favorables qui simplifient et modernisent la vie des sociétés anonymes.

Les droits des actionnaires sont préservés puisque : premièrement, ils conservent la possibilité de demander, dans certains cas, la convocation d’une assemblée générale physique ; deuxièmement, ils devront ultérieurement ratifier la modification statutaire relative au transfert du siège social en France ou relevant d’une mise en conformité ; troisièmement, ils conservent la faculté de décider librement, dans les statuts, des hypothèses dans lesquelles une autorisation du conseil de surveillance est requise.

22 Plus précisément, l’article supprime, dans les sociétés dualistes, l’exigence d’autorisation préalable du conseil de surveillance en matière de cession d’immeubles par nature, de cession totale ou partielle de participations et de constitution de sûretés prises pour garantir les engagements de la société, à l’instar du régime applicable à la SA à conseil d’administration, tout en préservant la possibilité de stipulations contraires dans les statuts. 23 Cette possibilité s’appliquera également aux SCA (C. com., art. L. 226-1 al. 2). Pour l’instant, le Code de commerce permet seulement, depuis la loi n° 2001-420 relative aux nouvelles régulations économiques du 15 mai 2001, JORF n° 113 du 16 mai 2001, p. 7776 (dite « loi NRE »), que peuvent être réputés présents pour le calcul du quorum et de la majorité les actionnaires participant à l’assemblée par visioconférence ou par des moyens électroniques de télécommunication permettant leur identification (C. com., art. L. 225-107, II).

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En outre, ces modifications assurent une cohérence entre les différents types sociétaires. Les deux premières facultés sont déjà prévues pour la SARL à l’article L. 223-18 du Code de commerce24. La troisième modification harmonise le régime de la SA, qu’elle soit à forme moniste ou dualiste25. Il conviendrait toutefois que la possibilité de tenir des assemblées générales dématérialisées soit également prévue, au-delà des seules sociétés et pour les mêmes raisons, au profit des établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC). Ces assemblées générales devraient pouvoir avoir lieu exclusivement par correspondance. 2. S’agissant du régime des conventions réglementées, la CCI Paris Ile-de-France est favorable,

comme elle l’avait d’ailleurs préconisé en 201126, à la limitation de l’information du commissaire aux comptes et de l’approbation de l’assemblée générale aux conventions autorisées et conclues, à l’exclusion de celles qui n’auraient jamais été conclues quelle qu’en soit la cause. Cette modification constituerait en effet une simplification et apporterait une plus grande sécurité juridique, en clarifiant l’articulation de l’article L. 225-40 ou L. 225-88 – qui indique que le président avise le commissaire aux comptes de toutes les conventions « autorisées » et les soumet à l’approbation de l’assemblée générale – et de l’article R. 225-30 du Code de commerce qui précise que cet avis est transmis dans le délai d’un mois à compter de la « conclusion » de ces conventions.

2 - Dispositions applicables aux SAS Projet de loi

L’article 46 propose d’abord de simplifier le régime des conventions réglementées dans le cas spécifique des SASU, en étendant le régime applicable aux conventions intervenues directement ou par personne interposée entre la société et son dirigeant (simple mention au registre des décisions des conventions intervenues) aux conventions intervenues directement ou par personne interposée entre l’associé unique, ou une société le contrôlant, et la société. Cet article propose ensuite de supprimer la règle prévue à l’article L. 227-19 du Code de commerce exigeant l’accord unanime des associés de la SAS en cas d’adoption ou de modification d’une clause d’agrément27, pour renvoyer aux statuts le soin de prévoir les conditions dans lesquelles la clause d’agrément sera adoptée ou modifiée.

OBSERVATIONS ET PROPOSITIONS DE LA CCI PARIS ILE-DE-FRANCE La première proposition, qui permet d’harmoniser le régime des conventions réglementées au sein de la SASU, est bienvenue. En effet, lorsque la loi NRE du 15 mai 2001 a étendu le champ d’application du régime des conventions réglementées dans les SAS (C. com., art. L. 227-10) aux conventions intervenues entre un associé disposant d’une fraction des droits de vote supérieure à 10 % (ou, s’il s’agit d’une société actionnaire, la société la contrôlant), elle a omis d’étendre également le régime dérogatoire propre à la SASU. Cette omission se verrait ainsi réparée. La seconde proposition, plus fondamentale, est également opportune en ce qu’elle allège le formalisme applicable et est en adéquation avec la liberté statutaire qui prévaut dans la SAS. L’on

24 C’est la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, JORF n° 0181 du 7 août 2015, p. 13537, dite « loi Macron », qui a introduit la faculté pour la SARL de déplacer son siège social en France par une décision du gérant, celle-ci étant auparavant limitée au même département ou au département limitrophe. 25 Seules les cautions, avals et garanties exigeant désormais dans toutes les SA l’autorisation préalable du conseil d’administration ou du conseil de surveillance. 26 V. Chambre de commerce et d’industrie de Paris, Renforcer l’efficacité de la procédure des conventions réglementées, Contribution de la CCIP aux travaux de place, Rapport de M. Jean-Michel Delisle avec la collaboration de M. Tanguy Allain, 8 sept. 2011, proposition n° 11, p. 24 et 25. 27 En effet, en vertu de l’article L. 227-14 du Code de commerce, « les statuts peuvent soumettre toute cession d’actions à l’agrément préalable de la société ».

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notera d’ailleurs que dans la SA, une clause d’agrément peut être adoptée ou modifiée dans les statuts par une décision prise en AGE et donc à la majorité des deux tiers et non à l’unanimité.

3 - Dispositions applicables aux SARL

Projet de loi

L’article 46 propose enfin d’introduire un nouveau droit au profit des associés, notamment minoritaires, dans la SARL, en leur permettant de déposer des projets de résolutions ou des points à l’ordre du jour des assemblées dès lors qu’ils détiennent au moins 5% du capital.

OBSERVATIONS ET PROPOSITIONS DE LA CCI PARIS ILE-DE-FRANCE Parce qu’elle renforce la démocratie actionnariale au sein de la société et harmonise le régime de la SARL avec celui de la SA28 et qu’elle met fin à une lacune qui a pu être considérée comme pénalisante pour l’attractivité de l’investissement en France, cette proposition est judicieuse.

F – SUR LA SIMPLIFICATION DES OPERATIONS CONCOURANT A LA CROISSANCE DE L’ENTREPRISE (ART. 47) L’article 47 autorise le gouvernement à prendre par voie d’ordonnance plusieurs mesures pour simplifier les opérations concourant à la croissance de l’entreprise, à l’évolution du capital de la société et à la transformation des formes sociales. 1 - Dispositions applicables aux apports Projet de loi

L’article 47 étend la possibilité pour les associés d’une SARL de déroger au principe de la désignation d’un commissaire aux apports en cas d’apport en nature réalisé lors de la constitution de la SARL29 à l’hypothèse de l’apport en nature réalisé en cours de vie sociale par une augmentation de capital (réservée, par définition, à l’apporteur en nature).

OBSERVATIONS ET PROPOSITIONS DE LA CCI PARIS ILE-DE-FRANCE Cette extension est judicieuse en ce qu’elle harmonise le régime de l’apport en nature dans la SARL en cours de vie sociale avec celui applicable lors de la constitution. La CCI Paris Ile-de-France appelle toutefois de ses vœux l’application de cette exemption aux autres formes sociétaires (notamment aux sociétés par actions non cotées – SA, SCA et SAS30), cette mesure ne jouant que pour des apports en nature de faible montant. De même, l’introduction d’un apport en industrie dans les SA non cotées serait opportune. Une telle modification contribuerait à l’harmonisation du droit dès lors que les apports en industrie ne sont plus désormais réservées aux seules sociétés de personnes, la loi NRE du 15 mai 2001 les ayant autorisés sans restriction dans la SARL (C. com., art. L. 223-7 al. 2) et la loi de modernisation de l’économie (dite « LME ») du 4 août 2008 les ayant introduits dans la SAS (C. com., art. L. 227-1 al. 4).

28 C. com., art. L. 225-105, réservant également cette prérogative dans la SA à un ou plusieurs actionnaires représentant au moins 5 % du capital social, ce seuil étant toutefois dégressif dès que le capital social dépasse 750 000 euros (C. com., art. R. 225-71 al. 2). 29 Lors de la constitution de la SARL, les futurs associés peuvent décider à l’unanimité que le recours à un commissaire aux apports ne sera pas obligatoire, lorsque la valeur d’aucun apport en nature n’excède un montant fixé par décret (30 000 euros) et que la valeur totale de l’ensemble des apports en nature non soumis à l’évaluation d’un commissaire aux apports n’excède pas la moitié du capital social (C. com., art. L. 223-9 al. 2 et al. 3 pour l’EURL). 30 Les articles L. 225-8 et L. 225-8-1 du Code de commerce devraient ainsi être modifiés s’agissant de la SA. Ces dispositions s’appliquent par renvoi à la SCA (C. com., art. L. 226-1 al. 2) et à la SAS (C. com., art. L. 227-1 al. 3).

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En outre, aucune raison ne justifie plus de réserver les apports en industrie à certains types de formes sociales : d’une part, le capital social ne constitue plus qu’un gage fort limité des créanciers dans les sociétés à risque limité ; d’autre part et surtout, la faculté de pouvoir effectuer des apports en industrie est devenue indispensable dans les sociétés par actions, dont la richesse repose désormais en grande partie sur de l’immatériel. En conclusion, d’une part, une telle évolution contrerait les effets pervers de la limitation des apports en industrie à la seule SAS – les entrepreneurs pouvant être conduits à choisir cette forme sociale uniquement à cette fin alors qu’elle est moins protectrice que la SA. D’autre part, ceci s’inscrirait plus largement dans le contexte actuel de libéralisation de la SA non cotée.

2 - Dispositions applicables à la fusion-acquisition Projet de loi

L’article 47 tend à clarifier les dispositions de l’article L. 225-124 du Code de commerce relativement à la conservation des droits de vote double en cas de fusion ou de scission. Il indique en effet que c’est la société absorbante ou la société nouvelle résultant de la fusion ou de la scission qui bénéficiera du droit de vote double en cas de fusion ou de scission de la société détenant des actions à droit de vote double dans une société tierce.

OBSERVATIONS DE LA CCI PARIS ILE-DE-FRANCE L’article L. 225-124 du Code de commerce prévoit, en son alinéa 1, que toute action convertie au porteur ou transférée en propriété perd le droit de vote double attribué en application de l’article L. 225-12331, tout en précisant que sauf stipulation contraire des statuts, le transfert par suite d’une fusion ou d’une scission d’une société actionnaire ne fait pas perdre le droit acquis au vote double et n’interrompt pas le délai de deux ans. Il ajoute, en son alinéa 3, que la fusion ou la scission de la société est sans effet sur le droit de vote double pouvant être exercé au sein de la ou des sociétés bénéficiaires, si celles-ci en bénéficient. L’article L. 225-124 du Code de commerce méritait d’être clarifié. En effet, il semble indiquer que tant la fusion ou la scission de la société actionnaire bénéficiant d’un droit de vote double dans une société tierce (alinéa 1), que celle de la société tierce dans laquelle est exercé le droit de vote double (alinéa 3) ne mettent pas fin au droit de vote double. Pourtant, dans la seconde hypothèse, comment peut être exercé le droit de vote double dès lors que la société tierce dans laquelle il est précisément exercé fait l’objet soit d’une fusion soit d’une scission ? Cette modification de l’article L. 225-124 du Code de commerce est donc bienvenue.

3 - Dispositions applicables à la location-gérance Projet de loi

L’article 47 propose de supprimer la solidarité du loueur en matière de location-gérance afin de favoriser la transmission du fonds de commerce. En effet, en vertu de l’article L. 144-7 du Code de commerce, le loueur du fonds est solidairement responsable avec le locataire-gérant des dettes contractées par celui-ci à l’occasion de l’exploitation du fonds pendant un délai de six mois à compter de la publication du contrat de location-gérance. Cette garantie légale est ainsi dissuasive pour l’exploitant souhaitant donner son fonds en location-gérance, notamment dans la perspective d’une transmission d’entreprise.

31 L’article L. 225-123 du Code de commerce prévoit en effet, en son alinéa 1, qu’un droit de vote double peut être attribué par les statuts à toutes les actions entièrement libérées pour lesquelles il sera justifié d’une inscription nominative, depuis deux ans au moins, au nom du même actionnaire. Depuis la loi n° 2014-384 du 29 mars 2014 visant à reconquérir l'économie réelle (JORF n° 0077 du 1er avril 2014, p. 6227), dite « loi Florange », il prévoit en outre, en son alinéa 3, que ces droits de vote doubles sont, sauf stipulation statutaire contraire, de droit dans les sociétés cotées sur un marché réglementé.

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OBSERVATIONS ET PROPOSITIONS DE LA CCI PARIS ILE-DE-FRANCE La CCI Paris Ile-de-France est favorable à la suppression de cette garantie légale. En effet, celle-ci constitue un frein à la location-gérance : - valant pour toutes les dettes contractées par le locataire-gérant pendant les six mois à compter de la

publication du contrat de location-gérance, elle est particulièrement lourde pour le loueur ; - elle est injuste au regard des intérêts de ce dernier tenu de supporter les conséquences d’une gestion

dont il n’a pas la maîtrise ; - elle constitue une incitation perverse pour les créanciers à contracter avec un locataire-gérant peu fiable

en comptant a posteriori sur la solidarité du loueur (c’est à eux qu’il appartient de s’assurer de la solvabilité du locataire-gérant et éventuellement d’exiger les garanties contractuelles habituelles en matière commerciale - cautionnement, clause de réserve de propriété, etc. -).

La solidarité du loueur de fonds de commerce ne doit par conséquent être maintenue que pour les dettes éventuellement contractées par le locataire-gérant jusqu’à la publication de la location-gérance, les tiers pouvant alors légitimement ignorer la mise en location-gérance du fonds.

G – SUR LA SIMPLIFICATION DU REGIME DE LA FAUTE DE GESTION (ARTICLE 48)

Projet de loi

Afin de faciliter le rebond du dirigeant de bonne foi d’une société mise en liquidation judiciaire, l’article 48 propose de mieux encadrer la définition de la faute de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actif de sorte que l’action en contribution ne puisse pas être mise en jeu en cas de simple négligence du dirigeant dans la gestion de la société. Il complète ainsi le premier alinéa de l’article L. 651-2 du Code de commerce par la phrase suivante : « Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la société, sa responsabilité au titre de l’insuffisance d’actif ne peut être engagée ».

OBSERVATIONS ET PROPOSITIONS DE LA CCI PARIS ILE-DE-FRANCE La CCI Paris Ile-de-France juge opportune la limitation de cette faute, en ce qu’elle renforce la sécurité juridique et facilite le rebond du dirigeant de bonne foi. Elle fait toutefois observer que cette acception de la faute de gestion ne saurait valoir de manière générale. Un dirigeant simplement négligent dans sa gestion doit pouvoir être tenu responsable par le juge à travers une appréciation in concreto.

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Directeur de la publication : Etienne GUYOT CCI Paris Ile-de-France 27 avenue de Friedland - 75382 Paris cedex 08 Rapports consultables ou téléchargeables sur le site : www.cci-paris-idf.fr Dépôt légal : mai 2016 ISSN : 0995-4457 – Gratuit ISBN :