Projet de Rapport Au 15-12-2014

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    N ______

    ASSEMBLE NATIONALECONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

    QUATORZIME LGISLATURE

    Enregistr la Prsidence de l'Assemble nationale le xx dcembre 2014

    RAPPORT DINFORMATION FAIT

    e n a p p l i c a t i o n d e l a r t i c l e 145 d u R g l e m e n t

    AU NOM DE LA MISSIONles professions juridiques rglementes (1)

    MMECCILEUNTERMAIER,

    M. PHILIPPEHOUILLON,

    Dputs. ____

    (1) La composition de cette mission figure au verso de la prsente page.

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    L a m i s s i o n i n f o r m a t i o n u r l e s p r o f e s s i o n s u r i d i q u e s r g l e m :

    Mme Ccile Untermaier, prsidente et rapporteure ; M. Philippe Houillon,vice-prsident etco-rapporteur ; M. Jean-Michel Clment,vice-prsident ;Mme Colette Capdevielle, Mme Pascale Crozon, M. Marc Dolez, M. Yves Goasdou, M. SbastienHuyghe, M. Jean-Yves Le Bouillonnec, M. Bernard Lesterlin, M. Paul Molac, M. Alain Tourret,M. Jacques Valax, Mme Marie-Jo Zimmermann, M. Michel Zumkeller,membres.

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    2. Le constat: un nombre doffices stable voire en baisse qui ne rpond plus auxdemandes dinstallation des jeunes ........................................................................ 48

    3. Maintenir, sous une forme rnove, la matrise par la puissance publique de lacarte dimplantation des officiers publics et ministriels ....................................... 52

    4. Conjuguer crations doffices et dveloppement des offices existants .................. 56 5. Fluidifier les parcours professionnels ..................................................................... 58

    a. Supprimer la procdure dhabilitation des clercs .................................................. 58 b. Permettre le recours au salariat tout en lencadrant pour quil ne soit pas une

    alternative subie lassociation ........................................................................... 61 B. PRSERVER LE MAILLAGE TERRITORIAL OFFERT PAR LES

    BARREAUX .............................................................................................................. 64 1. Lextension de la postulation des avocats devant les tribunaux de grande

    instance du ressort dune mme cour dappel : exprimenter dabord .................. 64

    a. Un monopole gographique, soumis tarification et hrit des avous ................. 64 b. La suppression de la territorialit de la postulation ............................................... 66 c. Lextension de la comptence de postulation devant tous les tribunaux de

    grande instance situs dans le ressort dune mme cour dappel .......................... 68 2. Louverture des bureaux secondaires dans le ressort dun autre barreau :

    garantir leffectivit du contrle des barreaux ....................................................... 71

    DEUXIEME PARTIE: RENOUVELER LOFFRE ET LA QUALITEDES PRESTATIONS DES PROFESSIONS JURIDIQUESREGLEMENTEES SANS PORTER ATTEINTE A LA SECURITEJURIDIQUE ..................................................................................................................... 73 I. ASSURER LACCOMPLISSEMENT DES MISSIONS ET DES

    PRESTATIONS AU JUSTE COUT ET DANS DES CONDITIONSOPTIMALES POUR LE CONSOMMATEUR, LUSAGER ET LESENTREPRISES ............................................................................................................. 73 A. APPLIQUER UNE TARIFICATION PROPORTIONNEE AUX

    DILIGENCES ACCOMPLIES, LISIBLE ET ASSURANT UN EGAL ACCES AU DROIT .................................................................................................. 73

    1. tablir des barmes quilibrs et actualiss ............................................................ 74 a. Remdier aux complexits dune tarification qui ne correspondent plus aux

    conditions dexercice des missions ...................................................................... 74 b. Rendre plus objectives les modalits de fixation des tarifs .................................... 81 c. Assurer lactualisation des tarifs ........................................................................... 85

    2. Dpasser lanachronisme du tarif de postulation .................................................... 87 3. Assurer le financement de laide juridictionnelle ................................................... 90

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    B. VEILLER A LA PERTINENCE DE LA GESTION ET DE LA DIFFUSIONPAR LES GREFFIERS DES TRIBUNAUX DE COMMERCE DESDONNES RELATIVES AUX ENTREPRISES .................................................. 94 1. Une mission ne relevant pas de la comptence exclusive des greffiers des

    tribunaux de commerce .......................................................................................... 94 2. Une prestation justifie compte tenu du caractre public de certaines donnes ? .. 96

    II. MODERNISER LES CONDITIONS DEXERCICE DES PROFESSIONS DUDROIT ............................................................................................................................. 101 A. FAVORISER LA COMPETITIVITE DES PROFESSIONS DU DROIT

    SANS PORTER ATTEINTE A LEUR ADN ................................................... 101 1. valuer limpact des rcentes possibilits dinterprofessionnalit capitalistique

    avant douvrir davantage les capitaux des socits des professions juridiques et judiciaires rglementes ......................................................................................... 101 a. Lessor ancien de lexercice collectif dune mme profession au sein de socits . 101 b. Les rcentes possibilits de dvelopper des liens capitalistiques entre

    diffrentes professions du droit et du chiffre ........................................................ 103 2. Dvelopper linterprofessionnalit dexercice entre les professions du droit ......... 107 3. Prserver lindpendance de lavocat dont le statut est incompatible avec un

    quelconque lien de subordination au sein dune entreprise ................................... 114 B. JETER LES BASES D ..... 122

    1. Une piste explorer dans un souci de modernisation du droit national ................. 123 a. Un approfondissement des dispositifs qui apportent dutiles tempraments au

    morcellement des tches ..................................................................................... 123 b. Linstrument dune amlioration de loffre de services des professions ................ 125 c. Une mesure de nature renforcer le maillage du territoire en professionnels du

    traitement des difficults des entreprises ............................................................. 126 2. Une rforme conduire sur le moyen terme ........................................................... 130

    a. Prendre la mesure des disparits actuelles entre professions ................................. 131 i. En termes de statut et de missions .......................................................................... 131 ii . En termes de formation et de cultur e professionnell e .............................................. 132

    b. Organiser un rapprochement progressif des professionnels ................................... 134 i. Bti r une nouvelle prof ession au regard de la complmentar itdes missions et de la

    pr oximitdes comptences ................................................................................. 134 ii. Gar antir les droits et l a place des salaris .............................................................. 135 iii. Privilgier dans un prem ier temps linterprofessionnalis lda

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    MESDAMES, MESSIEURS,

    la suite de lannonce dune rforme des professions rglementes, lacommission des Lois a souhait crer, le 17 septembre dernier, une missiondinformation sur celles dentre elles qui appartiennent au monde du droit, afinden valuer la ncessit.

    Compose de 15 dputs de faon reflter la configuration politique delAssemble, la mission dinformation sur les professions juridiques et judiciairesrglementes a choisi dinclure dans le primtre de ses travaux les professionsdavocat, davocat au Conseil dtat et la Cour de cassation, decommissaire-priseur judiciaire, de greffier des tribunaux de commerce, dhuissierde justice, de notaire ainsi que dadministrateur et de mandataire judiciaires.

    Anime par une volont dcoute et dapaisement, la mission sestattache recueillir le point de vue de lensemble des acteurs concerns sur leursconditions dinstallation et dexercice, ainsi que leurs propositions sur lesvolutions de leur profession qui leur paraissaient possibles et souhaitables.

    cet gard, la mission sest efforce de ne pas limiter le champ de sesinvestigations aux pistes de rforme voques par diffrents documents qui ont t prsents comme des avant-projets de loi et dont les diffusions successivesauraient pourtant pu troubler nos dbats. Elle sest galement refus adopter uneapproche biaise par une ptition de principe selon laquelle les professions juridiques et judiciaires rglementes, dont les comptences donnent globalementsatisfaction aux usagers du droit, bnficieraient de rmunrations trop leves.

    La mission a entrepris une dmarche pragmatique, en raisonnant profession par profession, sans ignorer les spcificits des unes et des autres, ni le poids conomique quelles reprsentent, notamment travers les salaris quellesemploient.

    La mission a en effet parfaitement conscience que, parmi les professions juridiques et judiciaires rglementes, des distinctions doivent tre opres,notamment entre celles qui ont le statut dofficier public et/ou ministriel, et cellesqui ne lont pas.

    Mais il faut galement garder lesprit, quau sein de chaque profession,la situation des professionnels nest pas monolithique, et quil peut exister degrandes disparits, la fois en termes de conditions dexercice et en termes de

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    rmunrations, entre des membres dune mme profession, notamment selonquils sont tablis dans des zones dominante plutt urbaine ou plutt rurale.

    Cest la raison pour laquelle la mission a eu le souci de se pencher sur dessituations trs diverses, ses membres sefforant de faire remonter les observationset propositions formules par les professionnels du droit tablis dans leurcirconscription pour nourrir les travaux mens dans la capitale.

    Au Palais-Bourbon, la mission a procd 42 auditions et entendu prs de160 personnes. Elle a pris soin de permettre aux points de vue les plus varis desexprimer, en donnant la parole aussi bien aux acteurs institutionnels que sont lesorganisations ordinales des professions du droit et les organisations syndicalesdemployeurs comme de salaris, quaux reprsentants des institutions amenes collaborer avec ces professions (juridictions suprmes, juridictions dappel), auxassociations des usagers du droit, aux membres de diffrents collectifs ou encoreaux experts et universitaires ayant rflchi aux problmatiques auxquelles sontconfrontes ces professions sans oublier bien sr la ministre de la Justice,Mme Christiane Taubira, ses administrations, le ministre de lconomie,M. Emmanuel Macron, ainsi que lAutorit de la concurrence.

    Soucieuse denrichir sa rflexion laune du droit europen et des pratiques trangres, la mission a galement reu un reprsentant de laCommission europenne et adress un questionnaire aux magistrats de liaison en poste dans certaines de nos ambassades (en Allemagne, en Italie et aux Pays-Bas) magistrats quelle remercie dy avoir rpondu dans des dlais contraints.

    Tous ces travaux ont t mens avec lexigence constante de permettre lareprsentation nationale de disposer des lments dapprciation les plus objectifs possible, et sans jamais perdre de vue les impratifs de promotion du droitcontinental, de prservation de lgal accs au droit sur lensemble du territoire etde garantie de la scurit juridique pour les usagers du droit.

    Ces travaux ont permis de mettre en lumire des marges de progrs pourtout ou partie des professions du droit, en particulier en matire daccs certainesdentre elles, en matire dinstallation laquelle pourrait parfois garantir unmeilleur maillage territorial , en matire de lisibilit des tarifs dont certainssemblent inadapts par rapport aux cots rels des prestations , ainsi quenmatire de conditions dexercice qui pourraient tre modernises et plus propices linterprofessionnalit.

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    PREMIRE PARTIE : FACILITER LINSTALLATIONDES PROFESSIONNELS EN GARANTISSANT LACCS AU DROIT

    SUR TOUT LE TERRITOIRE

    Si le statut dofficier public et/ou ministriel de certaines professions dudroit apparat adapt aux missions dintrt gnral quelles accomplissent,certains de ses aspects napparaissent pas exempts de tous effets excessivementrestrictifs sur les conditions daccs certaines professions (I) effets qui pourraient tre attnus par un assouplissement de leurs conditions dinstallation condition que celui-ci soit respectueux dun maillage territorial qui garantisselaccs au droit sur lensemble du territoire (II).

    I. LE STATUT DOFFICIER PUBLIC ET/OU MINISTRIEL : UN OBSTACLE ALINSTALLATION ?

    Si lensemble des professions juridiques et judiciaires rglementes(1) surlesquelles la mission a choisi de se pencher sont des professions librales(2), cinqdentre elles ont soit le statut dofficier ministriel (avocats aux conseils,commissaires-priseurs judiciaires), leurs membres tant nomms par le ministre dela Justice, soit celui dofficier public et ministriel (greffiers des tribunaux decommerce, notaires, huissiers de justice), dans la mesure o leurs membres, outreleur nomination par le garde des Sceaux, ont le pouvoir dtablir des actesauthentiques faisant foi jusqu inscription de faux en criture publique.

    Cest donc en toute logique que la mission sest intresse la notiondoffice public ou ministriel ainsi qu celle de charge , qui est courammentemploye comme synonyme, ou encore celle de droit de prsentation , qui luiest souvent associe.

    (1) S i l n e x i s t e p a s d e d f i n i t i o n d e s p r o f e s s i o n s r g l e m e n t e s e n d r o iu n e , l a r t i c l e 3,

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    Sans remettre en cause le statut dofficier public ou ministriel dont lesimpratifs en termes de comptence, de probit et de dontologie sont de nature satisfaire aux exigences des missions dintrt gnral accomplies, la mission sestinterroge sur sa conformit au regard du droit europen, sur certains de sesaspects, comme le droit de prsentation, ainsi que sur sa pertinence pour lexercicede certaines professions, comme celle davocat au Conseil dtat et la Cour decassation.

    A. UN STATUT QUI EST APPROPRIE AUX EXIGENCES DE SECURITEJURIDIQUE ET QUI NEST PAS EN SOI CONTRAIRE AU DROITEUROPEEN

    La France est le seul pays au monde avoir conserv le statutdofficier public ou ministriel, comme la rappel devant la mission le

    professeur Jean-Louis Halprin, professeur dhistoire du droit lcole normalesuprieure. Les derniers tats europens avoir abandonn ce statut lont fait auXIXe sicle : il sagissait de lEspagne et des tats pontificaux (en 1870).

    Sil nexiste pas de dfinition lgale de loffice public ou ministriel,ltymologie (officium et ministerium dsignant, en latin, lensemble desdevoirs attachs une fonction dont une personne a t investie par lautorit publique) suggre que ce statut tient la nature particulire des missions que ses bnficiaires exercent par dlgation de la puissance publique. Ce statut revt aufond une nature hybride, empruntant la fois la fonction publique et aux

    professions librales.

    1. Un statut justifi par les missions de service public qui lui sontattaches.

    Nomms jadis par le roi (ou, sagissant des notaires, par le Pape ou desseigneurs) et dsormais par le garde des Sceaux, ministre de la Justice, lesofficiers publics et/ou ministriels se voient en effet reconnatre par la loi unmonopole pour laccomplissement dun certain nombre de tches essentielles pourla scurit juridique de nos concitoyens monopole en contrepartie duquel ils sonttenus de respecter un statut exigeant offrant aux justiciables des garanties de probit, dintgrit, de comptence et de solvabilit. Comme lexpliqueM. Frdric-Jrme Pansier, le titulaire d un office est tenu de justifier saqualit en observant les rgles de la dontologie, les usages de la profession, et en pratiquant un comportement empreint de dignit et de rserve, exempt de scandaleet de manifestations tapageuses ; il sabstiendra de toute publicit directe ouindirecte, comme de dnigrement l endroit de ses confrres et de racolage declientle. Il devra, dans le recrutement de son personnel, notamment clercs etcomptables, se conformer aux prescriptions lgales, aux stipulations des

    conventions collectives, et la rglementation des organismes caractre social (1).

    (1) F.-J. Pansier, Office public ou ministriel ,Rpertoire de procdure civile , Dalloz, janvier 2008, n 115.

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    Il importe en effet que les usagers du droit puissent bnficier desprestations ncessaires la bonne marche de la vie en socit dans desconditions de parfaite rgularit que seul un statut permettant le contrle dela puissance publique peut assurer. Aussi les titulaires du statut dofficier publicou ministriel reoivent-ils une investiture officielle, sont-ils soumis des rglesimpratives et leur activit est-elle conditionne par les critres de continuit,d galit des usagers et d adaptation aux circonstances nouvelles caractrisant le service public (1).

    Dlgataires dune parcelle de lautorit publique, les officiers publicset/ou ministriels ont un statut qui, certains gards, se rapproche de celuides fonctionnaires. Dailleurs, les offices, d abord temporaires, rvocables etincessibles, ont t l origine de la fonction publique [] Lofficier du roi, fonctionnaire public, nexerait qu titre prcaire un pouvoir qui lui avait tdlgu, mais non alin (2). La Constituante a dailleurs confr le statut defonctionnaires un certain nombre de professionnels (dont les notaires), jadis propritaires de charges auxquelles avait t reconnu un caractre patrimonial.Plus rcemment, en 1965, les greffes des juridictions civiles et pnales, jadisconstitutifs doffices publics et ministriels, ont t fonctionnariss(3). titre decomparaison, on notera quen Allemagne, dans le Land de Bade-Wurtemberg, lesnotaires peuvent exercer avec le statut de fonctionnaire ( Beamtennotar ).

    Aujourdhui encore, le statut dofficier public ou ministriel est marqu par les caractres exorbitants du droit commun qui sont attachs au pouvoir

    dapposer sur des actes le sceau de ltat : nomination par les pouvoirs publics,exercice de missions sous la surveillance des parquets, comptence pourlexcution des dcisions des autorits judiciaires ou dactes caractre publicauxquels est confre lauthenticit, rgime disciplinaire autonome.

    Lacte administratif de nomination des officiers publics et/ou ministrielsdcide par le garde des Sceaux dans le seul intrt du service public du droit, ne peut faire lobjet de recours que devant les juridictions administratives. Dunemanire gnrale, les litiges concernant le statut de loffice (cration, transfert,suppression doffices, modification de leur sige, de leur ressort, validit des

    socits cres pour lexercice collectif de la fonction, et, plus gnralement, toutequestion relative lorganisation du service public) relvent de la comptence des juridictions administratives(4).

    Comme certains agents de la fonction publique, certains officiers publicset/ou ministriels, comme les huissiers de justice, ont une comptence territorialelimite et un devoir de rsider dans le lieu o est tabli leur office. Par ailleurs, onremarquera que,dans l intrt de la continuit du service public, un dispositif de

    (1) E. du Rusquec, Nature juridique des offices publics ou ministriels ,Gazette du Palais , 29 octobre 1987,

    p. 678.(2) Idem.(3) Loi n 65-1002 du 30 novembre 1965 portant rforme des greffes et juridictions civiles et pnales.(4) Tribunal des conflits, 27 novembre 1952.

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    supplance des officiers publics et/ou ministriels temporairement empchs estorganis, dans le cadre duquel la dure de supplance peut tre porte par letribunal de grande instance trois ans dans le cas o le titulaire de l office estatteint de l une des affections graves numres au statut gnral des fonctionnaires (1). Comme certains agents de la fonction publique, certainsofficiers publics et/ou ministriels ont l obligation de prter leur concoursquand ils en sont requis et ils reoivent de la loi pnale une protection identiquecontre les violences, les outrages et l usurpation de fonctions (2).

    Personnes prives investies dune mission de service public, lesofficiers publics et/ou ministriels sont tenus au respect dune dontologiecommune qui est particulirement stricte. Outre des exigences de qualificationet de comptence, qui sont autant de garanties pour les usagers du droit, lescandidats aux diffrents offices publics ou ministriels doivent, pour y trenomms, satisfaire des exigences dhonorabilit et justifier de navoir pas tlauteur de faits contraires lhonneur, la probit ou aux bonnes murs, denavoir pas t lauteur dagissements de mme nature ayant donn lieu mise laretraite doffice ou une sanction disciplinaire ou administrative de destitution,radiation, rvocation, retrait dagrment ou dautorisation, ou encore de navoir pas t frapp de faillite personnelle ou de linterdiction de diriger, grer,administrer ou contrler, directement ou indirectement, toute entreprisecommerciale ou artisanale, toute exploitation agricole ou toute personne morale.

    Une fois nomms, les officiers publics et/ou ministriels doivent faire

    preuve de la mme probit. Ils sont tenus de respecter unsecret professionnel etsont astreints undevoir de conseil qui, bien souvent, est excut gratuitement.En effet, les officiers publics ministriels, tels les notaires et les huissiers de justice, ont, certes, lobligation dassurer la validit et lefficacit des actesauthentiques quils tablissent, mais leur mission ne se limite pas ltablissementde ces actes et au suivi des procdures : ils doivent informer leurs clients de leursdroits, les clairer sur leur situation juridique, sur la nature et la porte desoprations entreprises, ainsi que sur les avantages et inconvnients susceptiblesden rsulter(3). Il leur est bien sr interdit de prter leur concours ltablissement dun acte frauduleux.

    Il est en outre impos aux officiers publics et/ou ministriels de tenir unecomptabilit conforme aux rgles lgales, dassurer une bonne gestion de latrsorerie et de respecter les prescriptions relatives aux dpts effectuer auprsde la Caisse des dpts et consignations. Il leur est par ailleurs interdit de participer, un titre quelconque, des actes de commerce, des oprations de banque, de change ou caractre spculatif, la gestion de fonds de commerce etde socits commerciales.

    (1) F.-J. Pansier, Office public ou ministriel ,Rpertoire de procdure civile , Dalloz, janvier 2008, n 142.(2) E. du Rusquec, Nature juridique des offices publics ou ministriels ,Gazette du Palais , 29 octobre 1987,

    p. 678.(3) Sur le devoir de conseil du notaire, voir notamment : Cass. 3e civ. 21 fvrier 2001, pourvoi n 98-20817.

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    Toutes ces obligations et interdictions qui font du statut dofficierpublic et/ou ministriel un dispositif particulirement adapt aux exigencesdu service public du droit, sont assorties, en cas de manquement, dun certainnombre de sanctions, prvues notamment par lordonnance du 28 juin 1945relative la discipline des notaires et de certains officiers ministriels. Lventaildes sanctions stend du rappel lordre la destitution, en passant par la censuresimple ou la censure devant la chambre runie de lorganisation professionnelleordinale, la dfense de rcidiver, linligibilit aux instances ordinales, ou encorelinterdiction temporaire dexercer la fonction.

    Outre celle de signaler au garde des Sceaux les vnements (dcs,empchements, etc.) susceptibles daltrer la continuit du service public, lesparquets ont la charge de surveiller le respect de ces exigences dontologiquespar les officiers publics et/ou ministriels tablis dans leur ressort et

    dinformer le ministre de la Justice des faits susceptibles de mettre en causelhonneur et lintgrit de ces officiers. Les parquets dtiennent les dossiers personnels des officiers publics et/ou ministriels, dans lesquels sont notammentclasss les procs-verbaux dinspection ainsi que les ventuelles plaintes etsanctions. Le procureur de la Rpublique peut citer directement devant le tribunalde grande instance un officier public et/ou ministriel pour des faits disciplinaires(voire pnaux) soit qui, la faveur de lindulgence de ses pairs, nauraient pas t poursuivis par les organisations professionnelles ordinales, soit qui nauraient past assez svrement sanctionns ses yeux.

    Les organisations professionnelles ordinales (1)

    participent en effet lasurveillance des offices publics ou ministriels, soit la demande du parquet, soitde leur propre initiative. Des inspections et vrifications comptables sonteffectues(2). Et les instances ordinales ont constitu des organismes de garantie,en cas de mise en cause de la responsabilit dun professionnel (bourse communedes huissiers de justice(3), caisses rgionales et centrale de garantie des notaires(4),etc.).

    Pour conforter la bonne excution de leurs obligations professionnelles, etnotamment dontologiques, les officiers publics ou ministriels sont en effet tenus

    non seulement de souscrire, auprs de compagnies dassurance notoirementsolvables, des assurances de responsabilit civile, mais aussi dalimenter par descotisations, avec tous les autres membres de la profession, une caisse couvrant les

    (1) Conseil suprieur du notariat, Chambre nationale des huissiers de justice, Conseil national des greffiersd e s t r i b u n a u x d e c o m m e r c e , O r d r e d e s a v o c a t s a u C o n s e i l d t a t enationale des commissaires-priseurs judiciaires.

    (2) I l e s t p r c i s q u e n c e q u i l e s c o n c e r n e , l e s g r e f f i e r s d e s t r i b u n a u xd e s n s p e c t i o n s q u a d r i e n n a l e s e t o c c a s i o n n e l l e s d e l n s p e c t i o n g n

    (3) Dcret n 56-222 du 29 fvrier 1956 pris pou r l a p p l i c a t i o n d e l o r d o n n a n c e d u 2 n o v e mau statut des huissiers de justice.

    (4) Dcret n 56-220 d u 29 f v r i e r 1956 p r i s p o u r l a p p l i c a t i o n u d c r e t n 55-604 du 20 mai 1955 relatif auxofficiers publics et ministriels et certains auxiliaires de justice, en ce qui concerne la garantie de laresponsabilit professionnelle des notaires.

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    questions dintrt priv, les officiers publics et/ou ministriels des usagers dudroit ayant la qualit de clients relvent des juridictions judiciaires.

    Cest aussi la raison pour laquelle le Conseil dtat a jug en 2006 que la qualit d officier public des notaires ne leur confre pas la qualit d agent public (1).

    Plus rcemment, le Conseil constitutionnel, saisi dune question prioritairede constitutionnalit contestant la conformit du droit de prsentation reconnu auxnotaires au regard, notamment, du principe dgalit devant la loi et les emplois publics affirm par larticle 6 de la Dclaration des droits de lhomme et ducitoyen de 1789, a estim que sils participent l exercice de l autorit publiqueet ont ainsi la qualit d officier public nomm par le garde des Sceaux, lesnotaires titulaires d un office n c c u p e n t p a s d e s dignits, places et emploisp u b l i c s a u s e n s d e l article 6 de la Dclaration de 1789 et que par suite, le grief tir de ce que le droit reconnu au notaire de prsenter son successeur l agrment du garde des Sceaux mconnatrait le principe d gal accs auxdignits, places et emplois publics est inoprant (2).

    Toutefois, tout en dniant aux officiers publics la qualit de fonctionnaire,le Conseil dtat a admis en 2006 que les activits lies la qualit d officier public des notaires doivent tre regardes comme participant l exercice del autorit publique et entrent, de ce fait, dans le champ d application desdrogations relatives la libert d tablissement et de prestations de services prvues par le trait instituant la Communaut europenne (3) ce en quoi sonapprciation diverge de celle de la Cour de justice de lUnion europenne.

    2. Un statut qui n est pas en soi contraire aux rgles europennes.

    Au sujet de la profession de notaire, la Cour de justice de lUnioneuropenne (CJUE) a jug, dans un arrt du 24 mai 2011, que les activitsnotariales, telles quelles sont dfinies en l tat actuel de l ordre juridique franais, ne participent pas l exercice de l autorit publique au sens del article 45, premier alina du trait instituant la Communaut europenne

    TCE (actuel article 51 du trait sur le fonctionnement de lUnion europenne TFUE)(4). Ce texte soustrait les activits participant, mme titre occasionnel, lexercice de lautorit publique du champ dapplication des dispositions relativesla libert dtablissement institue par larticle 49 du TFUE (ancien article 43 duTCE). Autrement dit, le juge europen a estim que les activits notariales taientconcernes par la libert dtablissement dans la mesure o elles ne participaient pas lexercice de lautorit publique.

    (1) CE, 9 juin 2006, requte n 280911.(2) Conseil constitutionnel, dcision n 2014-429 QPC du 21 novembre 2014.(3) CE, 9 juin 2006, requte n 280911.(4) CJUE, Commission europenne contre France , affaire C-50/08.

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    justifier d ventuelles restrictions l article 43 CE[actuel article 49 du TFUE]dcoulant des spcificits propres l activit notariale, telles que l encadrementdont les notaires font l objet au travers des procdures de recrutement qui leur sont appliques, la limitation de leur nombre et de leurs comptences territorialesou encore leur rgime de rmunration, d indpendance, d incompatibilits etd inamovibilit, pour autant que ces restrictions permettent d atteindre lesditsobjectifs et sont ncessaires cette fin (1).

    Le statut dofficier public ou ministriel pourrait donc fort bien treregard comme conforme aux exigences europennes en matire de libertdtablissement et de prestation de services ds lors que les rgles quil comportesont justifies par des objectifs dintrt gnral et proportionnes aux objectifs poursuivis(2).

    M. Konstantinos Tomaras a dailleurs indiqu quaucun litige mettant encause le dispositif franais doffice public ou ministriel ntait actuellement pendant devant les juridictions europennes, celles-ci ntant aujourdhui saisies, sa connaissance, que de trois affaires concernant laccs la profession derfrendaire prs la Cour de cassation de Belgique(3), laccs la profession denotaire en Lituanie et lexclusion des notaires du champ dapplication de ladirective dite qualifications professionnelles (4).

    B. MAIS QUI NEST PAS SANS SUSCITER DE LEGITIMESINTERROGATIONS

    1. Le droit de prsentation revt-il un caractre patrimonial et sasuppression doit-elle donner lieu indemnisation ?

    Apparu sous lAncien rgime, aboli lors de la Rvolution, le droit deprsenter un successeur lautorit publique dtentrice du pouvoir denomination a t consacr sous la Restauration de faonpresqu accidentelle , ou du moins pour des motifs trangers lide que lesofficiers publics et/ou ministriels aient un droit caractre patrimonial surleur charge.

    Pour combler le dficit du budget de lanne 1816, lourdement grev parlimportante indemnit de guerre impose la France par les coaliss en 1815, ilfut dcid de demander aux officiers ministriels le versement ltat de sommesdargent (ou cautionnement ), titre de garantie de la bonne excution de leurs

    (1) CJUE, Commission europenne contre France , affaire C-50/08, considrant n 87.(2) Certains auteurs prdisent cependant que le statut des offices publics ministriels fera, tt ou tard, lobjet

    de directives et de rglements tendant leur harmonisation lchelle europenne (F.-J. Pansier, Office public ou ministriel ,Rpertoire de procdure civile , Dalloz, janvier 2008, n 6).

    (3) Les rfrendaires prs la Cour de cassation de Belgique prparent les travaux des magistrats du sige etdes membres du parquet. Ils collaborent aux travaux relatifs la rdaction des projets, ils ont la charge dela documentation et ils participent la traduction et la publication des arrts.

    (4) Directive 2005/36/CE du 7 septembre 2005.

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    missions. En contrepartie, larticle 91 de la loi de finances du 28 avril 1816,toujours en vigueur, reconnut aux avocats la Cour de cassation, notaires, greffiers, huissiers, prestataires de service d investissement, courtiers,commissaires-priseurs , le droit de prsenter l agrment de Sa Majest des successeurs, pourvu quils runissent les qualits exiges par les lois cessuccesseurs pouvant tre soit des personnes physiques, soit des socits professionnelles(1) .

    Cest donc en raison de contraintes budgtaires purement circonstanciellesque les officiers ministriels se sont vu octroyer un droit sur leur titre , droit quise cantonnait la prsentation dun successeur lagrment de lautorit publiqueet qui, selon le professeur Jean-Louis Halprin, ne revtait, dans lesprit dulgislateur de 1816, aucun caractre patrimonial. Larticle 91 de la loi prcitedispose dailleurs en son dernier alina que cette facult de prsenter des successeurs ne droge point, au surplus, au droit de Sa Majest de rduire lenombre desdits fonctionnaires, notamment celui des notaires, dans les cas prvus par la loi du 25 ventse an XI sur le notariat , sans prvoir la moindreindemnisation en cas de suppression doffice. Cest du reste ce qui ressortait dunecirculaire du garde des Sceaux Pasquier aux procureurs gnraux, en date du21 fvrier 1817, et ce qua galement confirm la jurisprudence de la Cour decassation qui, tout en admettant que des traits de cession puissent tre conclus pour lexercice du droit de prsentation(2), a refus, jusquen 1849, de reconnatretout caractre patrimonial au droit de prsentation(3).

    Ce droit a t prennis au XIXe

    sicle avec lassentiment de laChancellerie dans la mesure o il prsentait pour elle le double avantage denavoir pas chercher de successeur aux officiers ministriels et dexercer un droitde regard sur les conditions de transmission des offices dont le nombre est pass, pour les notaires, de 9000 en 1803 environ 8000 en 1914. En effet, une loi du25 juin 1841 a impos lenregistrement des traits de cession doffices ministriels

    (1) Les socits prof e s s i o n n e l l e s p e u v e n t s o i t t r e t i t u l a i r e s d e l o f f i c e ( t d o n cn e p a s t r e t i t u l a i r e s d e l o f f i c e ( t d o n c p r i v e s d u d r o i t d e p r s e n tet/ou ministriel peuvent en effet tre exerces en commun :

    - s o i t p a r d e s a s s o c i s a y a n t i n d i v i d u e l l e m e n t l a q u a l i t d o f f i c i e r pi n d i v i d u e l l e m e n t l e u r d r o i t d e p r s e n t a t i o n d a n s l e c a d r e d u n en 66-879 d u 29 n o v e m b r e 1966) o u d une socit en participation (loi n 90-1258 du 31 dcembre 1990)q u i e s t p a s t i t u l a i r e d e l f f i c e ;

    - s o i t p a r d e s a s s o c i s d u n e s o c i t c i v i l e p r o f e s s i o n n e l l e ( o i n 66-879 d u 29 n o v e m b r e 1966), d u n es o c i t d e x e r c i c e l i b r a l ( o i n 90-1258 du 31 dcembre 1990) soit anonyme ( SELAFA ), soit responsabilit limite ( SELARL ), soit en commandite par actions ( SELCA ), socit qui est seulet i t u l a i r e d e l o f f i c e e t q u i , s e u l e , p e u t d o n c e x e r c e r l e d r o i t d e p r s s oud a c t i o n s p a r u n a s s o c i , c e q u i i m p l i q u e l n a n i m i t d e s a s s o c i p r s e n t l a g r m e n t d u g a r d e d e s S c e a u x e t , e n c a s e d s a c c o r d ,

    (2) Cass., sieur Lavalley , 20 juin 1820 : attendu que cet article [91 de la loi de finances du 28 avril 1816]attribue aux greffiers des tribunaux et autres officiers ministriels la facult de prsenter des successeurs lagrment du roi, comme un ddommagement du supplment de cautionnement exig deux ; que, par uneconsquence naturelle, cette disposition autorise les arrangements ou conventions ncessaires lexercicede cette facult .

    (3) Cass. civ., Lain , 8 janvier 1849 : attendu que les offices ne sont pas une proprit dont les titulaires puissent disposer leur gr et dune manire absolue .

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    auprs de la Chancellerie, toute contre-lettre tant sanctionne, compter delentre en vigueur dune loi du 27 fvrier 1912, par la nullit de la cession et ladestitution de lofficier ministriel fautif. Lintrt pour la Chancellerie decontrler les transmissions doffices convergeant avec lintrt pour leurs titulairesde les cder titre onreux, la pratique consistant monnayer le droit de prsentation a donc logiquement prospr jusqu nos jours.

    Initialement, cest la jurisprudence et elle seule qui a reconnu uncaractre patrimonial au droit de prsenter un successeur lagrment dugarde des Sceaux, ce quautorise, il est vrai, lambigut du second alina delarticle 91 de la loi de finances de 1816 qui renvoie une loi particulire le soinde statuer sur les moyens d en faire jouir les hritiers ou ayants-cause desditsofficiers . La Cour de cassation a en effet jug en 1854 que cet article implique, sans doute, une ide de proprit, mais de proprit d une nature exceptionnelleet soumise des rgles qui en circonscrivent et limitent l exercice [de sorte]quilen rsulte, pour le titulaire, non le droit de disposer de l office ou de l affecter l action de ses cranciers, mais seulement la facult de prsenter un successeur sous des conditions et moyennant des stipulations qui, toujours subordonnes aucontrle et l agrment de l autorit publique, laissent celle-ci sa plnituded action (1).

    Le lgislateur a embot le pas au juge. Ds le dbut du XXe sicle, la proposition de loi tendant labolition de la vnalit des offices ministriels prsente au Snat le 23 octobre 1902 par Georges Clemenceau comportait un

    dispositif dindemnisation pour suppression du droit de prsentation. En 1965, laloi qui a fonctionnaris les greffes des juridictions civiles et pnales faisaitmention, dans son intitul mme, de lindemnisation de la perte du droit de prsenter un successeur(2).

    Les lois qui ont supprim les offices ministriels davous prs lestribunaux de grande instance et les cours dappel (3) comportent un dispositifdindemnisation. Larticle 2 de la loi du 31 dcembre 1971 dispose dsormais que les offices d avous prs les tribunaux de grande instance et les offices d avous prs les cours d appel sont supprims et que les avous sont indemniss, dans

    les conditions fixes au chapitre II de la loi n 2011-94 du 25 janvier 2011 prcite, de la perte du droit qui leur est reconnu par l article 91 de la loi du2 avril 1816 de prsenter un successeur l agrment du garde des Sceaux,ministre de la justice . Les conditions dindemnisation de la perte du droit de prsentation sont prcises notamment par larticle 13 de la loi du 25 janvier 2011

    (1) Cass. civ., sieur Blon , 23 m a i 1854. D e s o n c t , l e C o n s e i l d t a t a j u g e n 1876 la facult de prsenter un successeur accorde aux titulaires doffice, leurs hritiers ou ayant-cause par larticle 91 de laloi du 28 avril 1816 a un caractre personnel, et ne saurait tre tendue aux cranciers qui ne sont pas lesayant-cause du titulaire dans le sens de larticle 91 prcit, et qui nont daction que sur lindemnitr eprsentant le prix ou lquivalent de la valeur attache au droit de prsentation (CE, 30 juin 1876, Veuve Chartier et sieur Adigard ).

    (2) Loi n 65-1002 du 30 novembre 1965 portant rforme des greffes et juridictions civiles et pnales.(3) Loi n 71-1130 du 31 dcembre 1971 portant rforme de certaines professions judiciaires et juridiques et

    loi n 2011-94 d u 25 j a n v i e r 2011 p o r t a n t r f o r m e d e l a r e p r s e n t a t i o n d e v a n

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    On peut toutefois se demander si, plus que le droit de prsenter unsuccesseur lagrment du garde des Sceaux, cest, travers ce qui estqualifi de droit de prsentation , laccs la clientle et autres biens(archives, locaux, quipements, etc.) ncessaires lexercice de la profession(la finance ) qui prsente un caractre patrimonial.

    Comme lont expliqu certains auteurs, le droit de prsentation est autrechose que le droit de proprit du cdant sur l office (1). La Cour de cassation ladailleurs clairement suggr en jugeant que la destitution d un notaire a poureffet de faire perdre celui-ci son droit de prsenter un successeur sans le priverde son droit sur la valeur de l office (2). Cest bien le signe que la valeur deltude et la valeur patrimoniale du droit de prsentation (si tant est quil en aitune) ne se confondent pas.

    Preuve en est quen cas de transmission dun office titre onreux ougratuit, la nomination du successeur par le garde des Sceaux est subordonne lexistence dun trait de cession antrieur dans lequel figure soit lestimation (encas dalination titre gratuit) soit le prix (en cas dalination titre onreux) de laclientle, des locaux et des quipements (entre autres) ensemble dactifs qui, parabus de langage, est souvent dsign comme constitutif du droit de prsentation . Il faut rappeler avec certains auteurs que le droit de prsentationest un acte spcifique devant faire l objet d une requte distincte du trait dec e s s i o n e t n e e v a n t t r e m i s e n u v r e u aprs la signature de celui-ci. Le cdantou les ayants droit peuvent d ailleurs renoncer l exercer sans perdre pour

    autant le bnfice de la valeur de l office. Ils peroivent en ce cas l indemnitmise la charge du titulaire choisi par le Gouvernement. Il en est de mme sil y adestitution (3).

    La mthode de contrle du prix de cession des offices labore par laChancellerie montre, du reste, que cest plutt la valeur du fonds libral et, travers lui, celle de la clientle civile, qui est fixe par les traits de cession et qui justifie lindemnisation du cdant par le cessionnaire.

    Critique devant la mission par M. Frdric-Jrme Pansier, au motif

    quelle se fonde davantage sur le chiffre daffaires de loffice que sur sarentabilit, la mthode dvaluation du prix dune tude dofficier ministrielrepose sur des critres fixs dans une circulaire du 26 juin 2006 qui prvoit que la finance de loffice sapprcie au regard de deux coefficients :

    le coefficient brut (qui sobtient en divisant le prix de cession de loffice par la moyenne des recettes annuelles de loffice sur les cinq dernires annes) qui

    (1) E. du Rusquec, Nature juridique des offices publics ou ministriels ,Gazette du Palais , 29 octobre 1987, p. 678.

    (2) Cass. 1re civ. 22 mars 1983, pourvoi n 82-10940/82-10994.(3) E. du Rusquec, Nature juridique des offices publics ou ministriels ,Gazette du Palais , 29 octobre 1987,

    p.678. L a c o n v e n t i o n d e c e s s i o n d u n o f f i c e p u b l i c o u m i n i s t r i e l c oons u s p e n s i v e s u b o r d o n n a n t l a r a l i s a t i o n d e l a c e s s i o n l g r m e n t , p prsent par le cdant.

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    doit tre compris entre 0,8 et 1,2 (pour les greffiers des tribunaux de commerce jusqu 1,4) ;

    le coefficient net (qui sobtient en divisant le prix de cession de loffice par la moyenne, sur les cinq dernires annes, des bnfices annuels moyens horscotisations exceptionnelles du cdant) qui doit tre compris entre 2 et 3 (pour lesgreffiers des tribunaux de commerce jusqu 3,75).

    Le prix de cession doit se situer dans chacune des deux fourchettes ainsicalcules.

    Le principe selon lequel le Gouvernement fixe souverainementlindemnit revenant au cdant tant dordre public(1), la Chancellerie procdeassez frquemment soit une augmentation du prix ou de lestimation de ltude(notamment si elle estime quils ont t dissimuls pour minorer les frais demutation(2)), soit une rduction de ce prix ou de cette estimation (en particuliersi elle estime quils aboutissent rserver laccs dun office aux candidatsfortuns ou contraindre les candidats dmunis contracter des emprunts hors de proportion avec la rentabilit de loffice et donc susceptibles de menacer laviabilit financire de ltude et la qualit du service public)(3).

    Plutt que dopposer le titre au droit de prsentation au senslarge, il faudrait donc, selon une certaine doctrine, oprer une distinctionentre, dune part, le titre et le droit de prsentation au sens strict(cest--dire le droit de prsenter un successeur lagrment du garde desSceaux), qui, en eux-mmes, seraient dpourvus de caractre patrimonial, et,dautre part, le fonds libral , qui, lui, revtirait un caractre patrimonial,tant constitu de la clientle civile, des infrastructures, du rendement de lacharge li la situation gographique de ltude et la personnalit delofficier public et/ou ministriel cdant.

    Lors de leur audition par la mission, les reprsentants de lOrdre desavocats au Conseil dtat et la Cour de cassation ont dailleurs eux-mmessuggr de parler d indemnit de clientle , plutt que de droit de prsentation . Ils ont dailleurs confirm cette analyse dans la contribution critequils ont fournie la mission, expliquant que l exercice concret du d r o i t d ep r s e n t a t i o n [] ne donne lieu aucun autre paiement que celui de la cessiond un fonds libral .

    (1) CE, 15 juin 1955, Sieur Ledoux et autres ,Recueil Lebon , p. 323.(2) Les conventions occultes (ou contre-lettres ), ayant notamment (mais pas exclusivement) pour objet de

    dissimuler une partie du prix de cession sont frappes de nullit (Cass. Req. 19 octobre 1904). Par ailleurs,depuis une ordonnance n 2005-1512 du 7d c e m b r e 2005, l o f f i c i e r p u b l i c o u m i n i s t rc e s s i o n n a i r e o u c d a n t d u n o f f i c e , e s t a u t o m a t i q u e m e n t f r a p p d ep a y o u e n c a i s s u n r i x s u p r i e u r c e l u i i n d i q u a n s l c t e d e c e s

    (3) Dans les r p o n s e s q u e l l e a f o u r n i e s a u q u e s t i o n n a i r e q u i l u i a t a d r Affaires civiles et du Sceau (DACS) a soulign que le contrle de la chancellerie nest pas limit au prixde cession e t q u e l l e sassure en sus de la fixation dun prix corrl lactivit de loffice, des qualitsdu cessionnaire (contrle de la moralit, des diplmes), de la validit juridique de lopration, de lasolvabilit venir du cessionnaire .

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    Ds lors quune telle distinction serait opre entre ltude,comprenant la fois les locaux, les quipements, les archives et la clientlecivile, et le droit de prsenter un successeur au garde des Sceaux, il pourraittre envisag de distinguer les effets de la suppression dun monopole ayantpermis la constitution dune clientle de ceux de la suppression du seul droitde prsentation.

    Il serait donc intellectuellement concevable de supprimer le droit deprsentation encore reconnu aux officiers ministriels sans remettre en causeleur monopole pour laccomplissement de leurs missions et ce, soit en ne leurversant aucune indemnisation, comme la suggr dans son rapport notre collgueRichard Ferrand(1), soit en leur versant une indemnisation qui ne correspondrait pas lintgralit de la valeur de ltude, mais seulement une quote-part de cettedernire.

    Certains auteurs (2) dnient toute valeur patrimoniale au droit deprsentation, estimant que la valeur dune tude dofficier public et/ouministriel rside tout entire dans le fonds libral , dont la Cour decassation a admis la cession titre onreux ds lors que, sagissant des professionsmdicales librales, la libert de choix du patient du cdant est sauvegarde(3).

    Au regard de la jurisprudence de la Cour de cassation et du Conseildtat, il apparat toutefois quune ventuelle suppression du droit deprsentation devrait tre assortie dune indemnisation, ne serait-ce que parceque ce droit rmunre lobligation de non-concurrence que contracte le cdantdun office public ou ministriel(4).

    Cest dailleurs en ce sens que se sont prononcs, lors de leur audition,aussi bien le professeur Serge Guinchard, que les reprsentants de la confrence

    (1) R. Ferrand, Professions rglementes : pour une nouvelle jeunesse , Rapport remis au ministre del c o n o m i e , e l I n d u s t r i e e t d u N u m r i q u e , n o v e m b r e 2014, p p . 18-19, proposition n 5.

    (2) Voir notamment : B. Beignier et B. Bernab, Office, charge et fonds : notions distinctes ,JCP N , n 45,9 novembre 2012, 1362 : La valeur de loffice est indpendante de lexercice du droit de prsentation par un notaire de son successeur -et ce en dpit dune pratique courante qui accorde ce droit une valeur patrimoniale. Attach loffice, soumis lala de lagrment ministriel, ce droit de prsentation doit luiaussi demeurer hors commerce .

    (3) Cass. 1re civ. 7 novembre 2000, pourvoi n 98-17731 : si la cession de la clientle mdicale, loccasionde la constitution ou de la cessiondun fonds libral dexercice de la profession, nest pas illicite, cest lacondition que soit sauvegarde la libert de choix du patient .

    (4) e c d a n t d u n o f f i c e p u b l i c o u m i n i s t r i e l e s t e n e f f e t t e n u p a r u n etnon seulement de dnigrer son successeur, mais aussi de lui faire concurrence, mme indirectement(Cass.c i v . 18 a v r i l 1944). C e s t l a r a i s o n p o u r l a q u e l l e l e s p r o f e s s e u r s B e rs i n t e r r o g e n t : comment sapprcie le droit de prsentation ? Dans la mesure o il ne seffectue pas auprsdes clients mais auprs du garde des Sceaux, fait-il partie du fonds libral ? Ou bien est-il indissolublementattach loffice ? La difficult vient de ce que le droit de prsentation revtune valeur patrimoniale

    incontestable, par les obligations quil implique : obligation de faire, prsenter le successeur la clientle,et de ne pas faire, ne pas concurrencer larrivant[Note 31 : G. Chabot, JCl. Entreprise individuelle, Fasc.1210, n 8],ainsi que diverses autres obligations accessoires (tel le transfert de proprit defichiers...)[Note 32 : F. Vialla, prc. note sous Cass. 1re civ. 7 novembre 2000, JCP G 2001, II, 10452, p. 141, n 168] ( Office, charge et fonds : notions distinctes ,JCP N , n 45, 9 novembre 2012, 1362).

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    des premiers prsidents de cour dappel ou le vice-prsident du Conseil dtat,M. Jean-Marc Sauv.

    Nanmoins, le montant de lindemnisation pourrait ne pas seconfondre avec la valeur globale des offices et pourrait tre fix un certainquantum de cette valeur globale pourcentage dfinir sur la base dune tude prcise qui pourrait tre labore par une commission associant des reprsentantsde lAutorit de la concurrence et des professions concernes, ainsi que desmagistrats.

    Afin dclaircir la diffrence juridique et conomique entre la notionde droit de prsentation et celle de fonds libral , vos rapporteursproposent de confier le soin dlaborer une tude une commissionad hoc ,associant lAutorit de la concurrence, des magistrats et des reprsentantsdes professions exerant avec le statut dofficier public et/ou ministriel.

    Proposition n 1 (commune aux deux rapporteurs) : confier une commissionad hoc associant lAutorit de la concurrence le soin dvaluer la diffrenceconomique et juridique entre le droit de prsentation et la finance deloffice.

    Au vu des conclusions de cette tude, la suppression du droit de prsentation pourrait tre envisage, ainsi que son ventuelle indemnisation, hauteur dun certainquantumde la valeur des offices correspondant pour ainsidire au prix des clefs .

    La suppression des dispositions lgislatives concdant un droit de prsentation aux officiers publics ou ministriels nimpliquerait pasncessairement quen pratique, ces officiers cessent dindiquer au garde desSceaux un successeur pressenti.

    Labrogation des textes relatifs au droit de prsentation nemporterait paslabolition du statut dofficier public ou ministriel car ce droit nest pas delessence de ce statut. Preuve en est qu lpoque coloniale, le bnfice de cedroit de prsentation na jamais t tendu aux notaires algriens, qui taientrecruts par concours, et qu la suite de sa suppression en 1870, ce droit na jamais t rtabli en Alsace-Moselle dont la mission ne souhaite pas remettre encause les spcificits en matire dorganisation des offices publics ou ministriels.

    La mission nentend pas davantage contester la pertinence du statutdofficier public ou ministriel pour lexercice des professions de notaire,dhuissier de justice, de greffier des tribunaux de commerce ou de commissaire- priseur judiciaire.

    En revanche, elle sinterroge sur la pertinence du statut dofficierministriel pour lexercice des missions de reprsentation et de plaidoirie devantles juridictions suprmes des ordres judiciaire et administratif.

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    3. La pertinence de ce statut pour les avocats au Conseil d tat et laCour de cassation.

    La mission a estim lgitime de sinterroger sur les conditions daccs la profession davocat aux conseils, qui avait t laisse de ct tant par le rapport de

    lInspection gnrale des Finances sur les professions rglementes, que par celuide notre collgue Richard Ferrand.

    Lointains descendants des avocats aux conseils du roi qui, institus par undit de Louis XIV de septembre 1643, ont vu leur nombre fix 70 par unrglement du chancelier dAguesseau du 28 juin 1738, les avocats au Conseildtat et la Cour de cassation ont le statut dofficiers ministriels.

    la suite de la suppression des charges davocats aux conseils du roi parun dcret du 2 septembre 1790, deux compagnies davocats (lune habilite

    plaider devant la Cour de cassation, lautre devant le Conseil dtat) ont trtablies (respectivement par un dcret du 25 juin 1806 et par une ordonnance du10 juillet 1814), avant dtre rassembles, en vertu dune ordonnance du10 septembre 1817, dans un ordre unique de 60 titulaires de charge qui, en 1848,ont pris le nom davocats au Conseil dtat et la Cour de cassation. Ces officiersministriels bnficient dun monopole de la reprsentation et de la plaidoiriedevant la Cour de cassation et le Conseil dtat (1).

    a. Une profession qui est m inem m ent qualifie et com ptente

    Lexistence dun ordre davocats spcialiss bnficiant dunmonopole de la reprsentation et de la plaidoirie devant les juridictionssuprmes se justifie par la complexit de la technique de cassation, qui exigeune parfaite matrise de la gymnastique intellectuelle de la distinction du faitet du droit ainsi que des connaissances trs solides et approfondies dans desdomaines fort divers du droit public, priv et europen.

    Cest la raison pour laquelle la profession davocat aux conseils nestouverte qu des juristes justifiant dune haute technicit et dune grandeexprience. Le dcret n 91-1125 du 28 octobre 1991 relatif aux conditionsdaccs la profession davocat au Conseil dtat et la Cour de cassation rservecet accs :

    aux conseillers dtat, aux conseillers la Cour de cassation et auxconseillers la Cour des comptes et aux professeurs de droit, qui sont dispenss deformation et dexamen ;

    aux avocats, aux conseils juridiques et aux notaires ayant au moins dixannes dexprience, ceux-ci tant dispenss de formation et bnficiant dunexamen trs allg (deux matires crites et un seul entretien oral portant sur ladontologie, la rglementation professionnelle et la gestion du cabinet) ;

    (1) Articles 974 982 du code de procdure civile pour la Cour de cassation.

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    aux avocats qui, une fois inscrits au barreau, ont suivi une formation detrois ans et, lissue de celle-ci, ont obtenu le certificat daptitude la professiondavocat aux conseils (CAPAC).

    Sadressant aux jeunes avocats qui exercent rgulirement dans un ou plusieurs cabinets aux conseils et qui envisagent une carrire davocat auxconseils, cette formation triennale est dispense gratuitement au sein de linstitutde formation et de recherche des avocats aux conseils (IFRAC), qui est dirig etanim par des avocats aux conseils.

    Elle comprend, raison de 2 heures par semaine, un enseignementthorique pluridisciplinaire (droit civil et commercial, contentieux administratif,cassation en matire pnale, contentieux constitutionnel et europen), la participation aux travaux de la confrence du stage des avocats au Conseil dtatet la Cour de cassation ainsi que des travaux de pratique professionnelle.

    Ladmission en deuxime et en troisime annes est prononce par un juryindpendant compos pour moiti davocats aux conseils (trois). Lautre moiticomprenant un professeur de droit ainsi quun conseiller dtat et un conseiller la Cour de cassation, ces deux derniers en assumant alternativement la prsidence.Le jury se dcide en fonction des rsultats de lensemble des devoirs crits etoraux ainsi que de lapprciation des responsables denseignement et du directeurde lIFRAC.

    La troisime anne permet deffectuer des stages en juridiction, lun auConseil dtat, lautre la Cour de cassation. Au cours de cette mme anne lesenseignements dispenss portent sur la dontologie, la rglementation professionnelle et la gestion dun cabinet ainsi que sur les juridictions financires,communautaires et internationales.

    lissue de la formation, un certificat de fin de formation est dlivr etceux qui le souhaitent peuvent alors se prsenter lexamen du CAPAC qui estorganis et corrig chaque anne par le jury susmentionn.

    Lexamen du CAPAC comporte trois preuves crites, dune dure de5 heures chacune : rdaction dun mmoire devant le Conseil dtat, devant laCour de Cassation en matire civile et devant la Cour de Cassation en matire pnale, lissue desquelles les candidats qui ont obtenu la moyenne sont dclarsadmissibles aux preuves orales. Les preuves orales dadmission comprennentune plaidoirie, une interrogation sur un sujet juridique, une interrogation sur ladontologie, la rglementation professionnelle et la gestion du cabinet. Le mme jury organise et contrle lexamen des avocats, conseils juridiques et notaires justifiant de dix annes danciennet.

    La formation au sein de lIFRAC, dont les promotions comptent chaqueanne 15 25 personnes, complte lexprience acquise par la pratiquequotidienne dans les cabinets davocats aux conseils. Mais, selon les reprsentantsde lOrdre des avocats au Conseil dtat et la Cour de cassation, elle ne constitue

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    quun appoint qui ne dispense pas de la connaissance du mtier que favorise lacollaboration rmunre au sein des offices davocats aux conseils.

    Sil est trs slectif, lexamen du CAPAC contribue un accs galitaire la profession et permet que celui-ci repose sur un contrle des connaissances plutt que sur la cooptation et sur des barrires sociales.

    La cession dun cabinet libral ou des parts dune SCP intervient, dans la plupart des cas, au profit dun collaborateur du cabinet libral ou de la SCP ayantobtenu le CAPAC. dfaut de collaborateur remplissant les conditions, le cdantsadresse aux titulaires du CAPAC, lOrdre favorisant la candidature de ceux quisont les plus anciennement diplms. Dans cette hypothse, il est dusage de faire prcder la cession ou lassociation dune collaboration dune anne (dite defianailles ), afin dassurer la transmission du cabinet libral et la prsentation dunouvel avocat aux conseils sa clientle ou pour que chacun des associs actuelset futurs puissent sassurer dune compatibilit de vue suffisante pour travaillerensemble long terme.

    Quinze CAPAC ont t dlivrs depuis 2010. Six des quinze titulaires sontaujourdhui avocats aux conseils, et deux sont engags dans des processusdinstallation.

    Les reprsentants de lOrdre des avocats au Conseil dtat et la Cour decassation ont fait valoir quela haute qualification des membres de la professionconstituait, pour les justiciables, une garantie dun accs effectif au juge decassation, ce qua illustr laugmentation du taux de cassation depuis linstitutiondu ministre davocat aux conseils obligatoire devant la chambre sociale de laCour de cassation. Le procureur gnral prs la Cour de cassation, M. Jean-ClaudeMarin, a soulign lors de son audition que, depuis que le ministre davocat avaitt rendu obligatoire en matire prudhomale par le dcret n 2004-836 du20 aot 2004, le taux de cassation devant la chambre sociale tait pass denviron6 % en 2004 prs de 30 % en 2014. Auparavant massivement rejets car btissur des moyens mlangs de fait et de droit, les pourvois forms devant cettechambre sont dsormais mieux prsents.

    La garantie que reprsentent les avocats aux conseils pour un accs rel au juge de cassation a t mise en avant, lors de leurs auditions, aussi bien par le procureur gnral prs la Cour de cassation, M. Jean-Claude Marin, que par levice-prsident du Conseil dtat, M. Jean-Marc Sauv. Le premier a soulign quelaccs au juge de cassation nest quune illusion lorsque ce juge est saisi dunefaon qui ne lui permet pas de se prononcer correctement sur un pourvoirecevable.

    Hors les hypothses o le Conseil dtat juge en premier et dernier ressort,

    il ny a gure aujourdhui quen matire de droit pnal, de droit des trangers et decontentieux des lections professionnelles que le ministre davocat aux conseilsne soit pas obligatoire. Or le pourcentage de cassation devant la chambre

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    criminelle de la Cour de cassation, dans les affaires ayant donn lieu un mmoiresoutenu, nest que denviron 6 %... quand il slve 33 % devant les troischambres civiles et 28 % devant les chambres commerciale et sociale(1). Lors deson audition, le procureur gnral prs la Cour de cassation, M. Jean-ClaudeMarin, a indiqu quen 2012, 60 % des 8 700 pourvois forms devant la chambrecriminelle avaient t non-admis et que, pour 75 % des pourvois non-admis, lesmmoires ampliatifs ou en dfense avaient t produits par dautres personnes quedes avocats aux conseils.

    Les reprsentants de lOrdre des avocats au Conseil dtat et la Cour decassation mettent galement en exergue le fait queleurs prestations garantissentun accs gal au juge de cassation. Il est vrai que ces avocats ont lobligationdontologique de modrer leurs honoraires et que des consultations gratuites sont proposes. Les dossiers daide juridictionnelle sont rpartis entre tous les avocatsde lordre, dbutants ou expriments(2), et devant la chambre criminelle de laCour de cassation, les avocats aux conseils ont pris en charge, au titre de laide juridictionnelle, lensemble des procdures de mandat darrt europen, danslesquelles un mmoire doit tre dpos dans les cinq jours suivant le dpt dudossier au greffe. Des permanences gratuites sont galement assures par lesavocats aux conseils, tour de rle, par priode de deux semaines, pour garantir lareprsentation des parties dans le cadre des rfrs dont est saisi le Conseil dtat.Enfin, toute partie souhaitant saisir le juge de cassation dun recours nonmanifestement dpourvu de srieux a la garantie dtre reprsente par un avocat,au besoin dsign par le prsident de lOrdre.

    Outre leur comptence, conforte par un engagement de qualit sign le29 juin 2010 avec lAssociation franaise de normalisation (AFNOR),les avocatsaux conseils offrent aux justiciables des garanties de probit car ils sont tenusde respecter des obligations dontologiques strictes, consignes dans unrglement gnral de dontologie adopt le 2 dcembre 2010 et complt par unecharte organique de collaboration signe avec le Conseil national des barreaux(CNB) le 17 juin 2010.

    (1) D. de Bchillon, M. Guillaume, La rgulation des contentieux devant les cours suprmes. Enseignementsdes rformes trangres et perspectives franaises ,JCP G , n 46-47, 10 novembre 2014, doctrine 1194.Ces auteurs ajoutent que devant la Cour de cassation, linstitution de lavocat obligatoire en matire pnale apparat ncessaire. Elle sinscrirait dans le prolongementdu dcret du 20 aot 2004 [dcretn 2004-836 portant modification de la procdure civile]. Elle assurerait au demeurant une meilleurechance pour les parties de voir leur pourvoi prosprer. Ainsi, les pourvois devant les formations civiles ontconduit davantage de cassation aprs 2004 quand le ministre davocat est devenu obligatoire. Sonabsence est lune des causes du taux trs faible de 6 % de cassation. Cette ncessaire rforme devrasaccompagner des moyens ncessaires pour laide juridictionnelle .

    (2) cet gard, le procureur gnral prs la Cour de cassation, M. Jean-Claude Marin, a prcis lors de son

    a u d i t i o n q u e l e b u r e a u d a i d e j u r i d i c t i o n n e l l e d e l a C o u r d e c a s s a t jouer un rle de filtre des pourvois car, en matire civile, ce bureau examine non seulement si lesc o n d i t i o n s d e r e v e n u s n c e s s a i r e s p o u r b n f i c i e r d e l i d e j u r i d i c t i pourvoi form est srieux et ce afin que ne soient pas financirement supports des pourvoismanifestement irrecevables.

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    Les avocats aux conseils donnent galement satisfaction aux juridictions suprmes dont les reprsentants ont soulign que leur faiblenombre avait favoris la dmatrialisation complte des procdures la Courde cassation depuis 2008 et au Conseil dtat depuis 2013. Selon le procureurgnral prs la Cour de cassation, M. Jean-Claude Marin, cette dmatrialisationtotale, qui concerne aussi bien les mmoires ampliatifs et en dfense, que les avisdu parquet gnral et les rapports des magistrats du sige, na t possible quenraison du faible nombre dinterlocuteurs avec lesquels la Cour de cassation a puutilement nouer un dialogue. M. Jean-Claude Marin a ajout lors de son auditionque ce faible effectif est galement un atout dans le cadre de procdures exigeantune grande clrit, comme celle qui rgit les pourvois forms contre les arrts deschambres dinstruction.

    De son ct, le vice-prsident du Conseil dtat, M. Jean-Marc Sauv, asoulign lutilit dun barreau spcialis bnficiaire dun monopole de lareprsentation et de la plaidoirie devant le Conseil dtat. Selon lui, les avocatsaux conseils jouent un rle important non seulement dans le cadre des procduresdadmission(1) et de rfr(2), mais aussi lors des audiences, en particulier depuisquun dcret du 7 janvier 2009 a permis aux parties de prsenter leursobservations orales aprs lexpos de ses conclusions par le rapporteur public(3).Par ailleurs, la dontologie exigeante laquelle sont tenus les avocats aux conseilsconstitue, pour M. Jean-Marc Sauv, un atout propre instaurer un climat deconfiance avec les juridictions suprmes. Le prsident de la section du contentieuxdu Conseil dtat, M. Bernard Stirn, en a soulign devant la mission le grand

    intrt dans le cadre de la rcente affaire concernant M. Vincent Lambert, surlaquelle le Conseil a t amen statuer le 24 juin dernier(4).

    En outre, le vice-prsident du Conseil dtat, M. Jean-Marc Sauv, aindiqu, lors de son audition, quelexistence dun barreau spcialis devant les juridictions suprmes nest pas contraire aux rgles europennes, notammenten matire de libert dtablissement et de prestation de services.

    Le considrant n 11 de la directive 98/5/CE du Parlement europen et duConseil du 16 fvrier 1998 visant faciliter lexercice permanent de la profession

    davocat dans un tat membre autre que celui o la qualification a t acquiseindique en effet que pour assurer le bon fonctionnement de la justice, il y a lieu

    (1) L e p r s i d e n t d e l a s e c t i o n d u c o n t e n t i e u x d u C o n s e i l d t a t , M . Bernard Stirn, a soulign que les avocatsa u x c o n s e i l s t a i e n t p l e i n e m e n t i n t g r s a u s e i n d e l a p r o c d u r edialogue entre ces avocats et les prsidents de sous-section tait crucial.

    (2) M. Bernard Stirn a insist sur le rle capital des avocats aux conseils dans le cadre des procdures der f r d e v a n t l e C o n s e i l d t a t , d o n t l a b o n n e m a r c h e d o i t b e a u c o u ptme de permanences assures gratuitement et par roulement par les avocats aux conseils.

    (3) Dcret n 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et aud r o u l e m e n t d e l u d i e n c e d e v a n t c e s j u r i d i c t i o n s .

    (4) L affaire Vincent Lambert a r c e m m e n t r a v i v l e d b a t s u r l a f i n d e v i e e naccident de la route survenu en 2008, M. Vincent Lambert a t plong dans un tat de conscience minimal.L a d c i s i o n d a r r t e r l e s t r a i t e m e n t s a t p r i s e l e 11 j a n v i e r 2014. S e s t a l o r s e n g a g u n c o nd e u x p a r t i e s r e s p e c t i v e m e n t f a v o r a b l e e t o p p o s e l e u t h a n a s i e p a s Vincent Lambert.

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    de laisser aux tats membres la facult de rserver, par des rgles spcifiques,l accs leurs plus hautes juridictions des avocats spcialiss, sans faireobstacle l intgration des avocats des tats membres qui rempliraient lesconditions requises . En consquence, larticle 5, 3, alina 2, de cette directive prvoit que dans le but d assurer le bon fonctionnement de la justice, les tatsmembres peuvent tablir des rgles spcifiques d accs aux cours suprmes, tellesque le recours des avocats spcialiss .

    LOrdre des avocats au Conseil dtat et la Cour de cassation nest pasferm aux ressortissants trangers. Daprs les informations fournies par lOrdre la mission, on recense, depuis 2011, un avocat de nationalit allemande parmi lesavocats aux conseils.

    Par ailleurs, la Cour europenne des droits de lhomme (CEDH) a eu, plusieurs reprises, loccasion de se prononcer sur la compatibilit du caractreobligatoire du ministre davocat aux conseils avec les dispositions delarticle 6, 1, de la Convention europenne de sauvegarde des droits de lhommeet des liberts fondamentales, qui garantit le droit un procs quitable. Demanire gnrale, la Cour de Strasbourg juge que lobligation de recourir auministre dun avocat pour saisir une juridiction suprme nest pas, en elle-mme,incompatible avec les exigences de larticle 6, 1, prcit. Selon cette cour, le droit un tribunal , dont le droit daccs est un aspect parmi dautres, peut se prter des limitations implicitement admises, notamment quant aux conditionsde recevabilit dun recours, car il appelle, par sa nature mme, une

    rglementation par ltat qui jouit, cet gard, dune certaine margedapprciation. La Cour de Strasbourg sassure toutefois que ces limitations nerestreignent pas laccs au juge suprme dune manire ou un degr tels que le droit un tribunal du justiciable sen trouve atteint dans sa substance mme(1).

    Qui plus est, la CEDH estime que la spcificit de la procdure devant unecour suprme, considre dans sa globalit, peut justifier de rserver aux seulsavocats spcialiss le monopole de la reprsentation et de la plaidoirie devant cettecour(2). Ainsi, le fait de ne pas avoir offert une requrante loccasion de plaidersa cause oralement devant une juridiction de cassation, personnellement ou par

    lintermdiaire dun avocat la Cour, mais de lui avoir donn la possibilit dechoisir son conseil parmi les avocats au Conseil dtat et la Cour de cassation,ne porte pas une atteinte au droit un procs quitable garanti par larticle 6, 1,de la Convention europenne de sauvegarde des droits de lhomme et des libertsfondamentales(3).

    (1) CEDH, Raitire contre France , 12 mars 2002, n 51066/99 ; Vogl contre Allemagne , 5 dcembre2002, n 65863/01.

    (2) S a g i s s a n t d u C o n s e i l d t a t , v o i r notamment : G.L. & S.L. contre France , 6 mars 2003, n 58811/00 ; Marc-Antoine contre France , 4 juin 2013, n 54984/09.

    S a g i s s a n t d e l a C o u r d e c a s s a t i o n , v o i r n o t a m m e n t : Meftah et autres contre France , 26 juillet 2002,n 32911/96, n 35237/97, n 34595/97 ; Richen et Gaucher contre France , 23 janvier 2003,n 31520/96 et n 34359/97.

    (3) CEDH, Bassien-Capsa contre France , 26 septembre 2006, n 25456/02.

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    b. m ais dont le statut ne se justif ie plus.

    Aussi bien les avocats aux conseils que les chefs des juridictionssuprmes font valoir que la profession elle-mme et son organisation fondesur un nombre restreint doffices rest 60 depuis 1817 contribuent filtrer les pourvois forms devant la Cour de cassation et le Conseil dtat.

    Lors de son audition, M. Gilles Thouvenin a fait valoir quen principe, unavocat aux conseils refuse de plaider un dossier o ne sont en cause que desenjeux purement factuels et ne relevant pas du contrle de cassation.

    Dans la contribution crite quil a fournie la mission, lOrdre des avocatsau Conseil dtat et la Cour de cassation soulignent que 26 % des pourvoisdevant les chambres civiles de la Cour de cassation ne sont pas soutenus ou poursuivis (dsistements et dchances) sur l avis de l avocat aux conseils quidissuade le justiciable de persvrer dans une procdure voue l chec etqu ces 26 % doit sajouter le nombre important d affaires dans lesquelles leclient est dissuad avant mme la formation du recours . Un barreau spcialiscompos dun nombre restreint de membres bnficiaires dun monopole de lareprsentation et de la plaidoirie contribuerait, selon les avocats aux conseils, viter l engorgement des hautes juridictions et conserver ainsi des dlais de jugement raisonnables (la dure moyenne d une procdure devant les juges decassation est d une anne), de faon plus large la bonne administration de la justice.

    Votre rapporteure estime toutefois quon doit sinterroger surlefficacit du dispositif actuel, compte tenu de laugmentation exponentielledu nombre de pourvois.

    En 2013, daprs les indications des reprsentants de lOrdre des avocatsau Conseil dtat et la Cour de cassation, la juridiction suprme de lordre judiciaire a jug prs de 28 719 affaires et sest prononce sur 333 questions prioritaires de constitutionnalit (QPC)(1), tandis que la juridiction suprme delordre administratif a jug 10 143 affaires et a trait 157 QPC(2). Au total, ce sontdonc prs de 40 000 pourvois qui ont t soutenus devant les cours suprmesfranaises lan pass.

    Comme le notent le professeur Denys de Bchillon et M. Marc Guillaume,secrtaire gnral du Conseil constitutionnel, alors que la trs grande majoritd e s d m o c r a t i e s o c c i d e n t a l e s o n t m i s e n u v r e drguler les contentieux devant les cours suprmes, la France laisse ses cours suprmes faire face d normes masses contentieuses (3).

    (1) Cour de cassation, Rapport annuel 2013. Voir le lien suivant :

    https://www.courdecassation.fr/publications_26/rapport_annuel_36/rapport_2013_6615/(2) C o n s e i l d t a t , R a p p o r t p u b l i c 2014, L a D o c u m e n t a t i o n f r a n a i s e , p . 34 et p. 55.(3) D. de Bchillon, M. Guillaume, La rgulation des contentieux devant les cours suprmes. Enseignements

    des rformes trangres et perspectives franaises ,JCP G , n 46-47, 10 novembre 2014, doctrine 1194.

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    Dans le prolongement du rcent rapport du Club des juristes sur La rgulation des contentieux devant les cours suprmes(1), ces auteurs constatentque nos voisins ont adopt deux types de mthode pour rguler le flux de saisinesdes juridictions suprmes : soit loctroi aux cours dappel dune comptence pourautoriser le pourvoi en cassation (cest le cas en Allemagne et au Royaume-Uni),soit ladoption, au sein mme des cours suprmes, de procdures de filtrage(comme en Espagne et aux tats-Unis, o 99 % des recours sont carts).

    MM. Denys de Bchillon et Marc Guillaume invitent sinspirer desexemples trangers pour remdier lengorgement actuel des juridictionssuprmes des ordres administratif et judiciaire. Ils rappellent que le nombredaffaires reues chaque anne par la Cour de cassation est pass de 26 595 en2005 30 165 en 2012 (soit une progression de 13 %), tandis que, dans le mmetemps, le nombre daffaires portes devant le Conseil dtat reste stable unniveau trs lev de plus de 9 000 affaires par an, alors que de nombreusesrformes ont t entreprises pour le rduire (cration des cours administrativesdappel, etc.). Cette situation des cours suprmes franaises est, l exception del Italie, sans comparaison en Allemagne, en Grande-Bretagne, en Espagne ou aux tats-Unis d Amrique. Aucune des grandes dmocraties occidentales ne laisse ses cours suprmes face de telles masses contentieuses (2). Il ny a quen Italieque la Cour de cassation et le Conseil dtat ont des stocks daffaires analogues ousuprieurs(3).

    Pour faire face au flux toujours croissant des pourvois, les effectifs des

    magistrats ont t significativement augments : la Cour de cassation comptaitainsi 179 emplois budgtaires de magistrats en 1999. Ce nombre a augment de prs de 55 % en quinze ans avec aujourd hui 277 magistrats et notamment uneaugmentation trs forte du nombre de conseillers rfrendaires et de membres du parquet gnral, auxquels il faut ajouter 276 fonctionnaires et greffiers, pour untotal de 553 emplois. Le Conseil d tat a d galement faire face cette massecontentieuse en modifiant ses recrutements. Il a largi le recrutement desconseillers de tribunaux administratifs et de cours administratives d appel. La loidu 12 mars 2012 a pos la possibilit de nommer au tour extrieur deux matresdes requtes issus de ce corps chaque anne. Par ailleurs, une dizaine demagistrats judiciaires servent dsormais comme matre des requtes en service

    (1) Ce rapport est consultable au lien suivant :http://www.leclubdesjuristes.com/wp-content/uploads/2014/10/CDJ_Rapports-2014_Cours-

    supr%C3%AAmes_Oct.2014_Web.pdf(2) D. de Bchillon, M. Guillaume, La rgulation des contentieux devant les cours suprmes. Enseignements

    des rformes trangres et perspectives franaises ,JCP G , n 46-47, 10 novembre 2014, doctrine 1194.(3) Lors de son audition, M. Jean-Marc Sauv, vice-p r s i d e n t d u C o n s e i l d t a t , a i n d i q u q uer janvier

    2014, on comptait, devant la Cour de cassation italienne, prs de 99 000 affaires pendantes en matirecivile, et prs de 32 000 en matire pnale soit un stock suprieur 130 000 affaires. Pour ce quiconcerne les juridictions administratives italiennes, le stock des affaires pendantes devant elles au1er janvier dernier approchait le nombre de 322 000, quand, en France, le stock des affaires pendantesd e v a n t l e n s e m b l e e s j u r i d i c t i o n s a d m i n i s t r a t i v e s e s t n e t t e m e n t i n f 000.

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    extraordinaire. Lappel d autres agents dans la prparation des dcisions agalement t renforc (1).

    MM. Denys de Bchillon et Marc Guillaume dressent un bilan svre dudispositif actuel de rgulation du nombre des pourvois : jusqu prsent, la France a mis en u v r e , comme en Belgique, des techniques de filtrage interne au sein des cours suprmes qui nont pas produit les effets escompts. Dune part, lacharge de travail consacre l admission des pourvois en cassation napparat pas radicalement moindre que pour les autres contentieux. Dautre part, ledispositif est soumis critique. Certains avancent quil laisse place la subjectivit, voire des approximations, pour aboutir des taux levs de non-admission. En tout tat de cause, ce systme a atteint aujourd hui ses limites sansaboutir au ncessaire rsultat de permettre au Conseil d tat et la Cour decassation de se consacrer leur rle de cour suprme rgulatrice[ car de tellesmasses contentieuses]conduisent les cours suprmes ne plus exercer la tche premire qui est la leur, celle de dire le droit en traitant les questions de principe (2).

    Ce constat montre bien que le filtrage quexerceraient les avocats auxconseils soit ne fonctionne pas soit ne suffit pas (3).

    Le nombre doffices ministriels davocats au Conseil dtat et laCour de cassation est rest fix 60 depuis 1816 et ce, malgr la suppression du numerus clausus par un dcret du 23 avril 2009 qui apermis au garde des Sceaux de crer davantage doffices (4). Larticle 15 de cedcret a en effet modifi lordonnance du 10 septembre 1817 pour permettre augarde des Sceaux de crer, par arrt, de nouveaux offices d avocats au Conseild tat et la Cour de cassation, pour des motifs tenant la bonne administrationde la justice, au vu notamment de l volution du contentieux devant ces deux juridictions, aprs avis du vice-prsident du Conseil d tat, du premier prsidentde la Cour de cassation, du procureur gnral prs la Cour de cassation et duconseil de l ordre des avocats au Conseil d tat et la Cour de cassation .

    Or jusqu prsent, cette facult na pas t utilise par le ministre de

    la Justice, la direction des Affaires civiles et du Sceau ayant fait valoir dans lesrponses fournies au questionnaire adress par la mission, que les crationsd offices devraient tre justifies par une augmentation significative des recoursdevant les juridictions suprmes. Or on nobserve pas un tel mouvement devantces juridictions. Dailleurs, ni les chefs de ces cours (leur avis a t requis en

    (1) D. de Bchillon, M. Guillaume, La rgulation des contentieux devant les cours suprmes. Enseignementsdes rformes trangres et perspectives franaises ,JCP G , n 46-47, 10 novembre 2014, doctrine 1194.

    (2) Idem.(3) M. Jean-Michel Darrois notait, dans leRapport sur les professions du droit q u i l a r e m i s a u P r s i d e n t d

    Rpublique en mars 2009, que les avocats au Conseil dtat et la Cour de cassation ne refusent passystmatiquement des pourvois vraisemblablement vous lchec, comme en tmoignent les nombreuxrefus dadmission prononcs par le Conseil dtat et la Cour de cassation (p. 54).

    (4) Dcret n 2009-452 u 22 a v r i l 2009 r e l a t i f l v o l u t i o n d e s p r o f e s s i o n s j u r i d i q u

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    la Cour de cassation(1). Cette ordonnance a prcis que s il bnficie del indpendance que comporte son serment , lavocat aux conseils salari ne peut [cependant] pas avoir de clientle personnelle . Elle a en outre tendu la profession davocat aux conseils la rgle du un pour un , prvoyant qu une personne physique ou morale titulaire d un office d avocat au Conseil d tat et la Cour de cassation ne peut pas employer plus d un avocat au Conseil d tat et la Cour de cassation salari.

    Sil est vrai que, lors de leur audition, les reprsentants de lOrdre desavocats au Conseil dtat et la Cour de cassation ont indiqu que la professionavait accueilli 7 nouveaux membres en 2013 et quelle comptait en accueillir10 ou 12 dici la fin de lanne 2014 alors que, dans le mme temps, seuls sixdparts en retraite ont t enregistrs , il nen demeure pas moins quele nombrede membres de cette profession reste trs en-de du plafond de 240 qui

    rsulte de la rcente augmentation du nombre maximal dassocis au sein dessocits civiles professionnelles davocats aux conseils.

    M. Gilles Thouvenin a dailleurs indiqu lors de son audition que cetteaugmentation avait t demande par la profession non pas tant pour augmenter lenombre de ses membres, que pour assurer une fluidit dans la gestion desoffices existants, en facilitant la transition entre le dpart dun associ et larrivedun nouveau.

    Si les 108 officiers ministriels membres de la profession davocat auxconseils parviennent aujourdhui faire face aux 40 000 pourvois jugs par laCour de cassation et le Conseil dtat en 2014, cest en grande partie grce aurenfort de collaborateurs qui sont soit des avocats la Cour (et cest le cas leplus frquent), soit des universitaires (professeurs de droit, matres deconfrences, docteurs ou doctorants en droit).

    Ces collaborateurs sont amens traiter des dossiers de faon plus oumoins rgulire, selon que la collaboration est pour eux une prparation unecarrire davocat aux conseils, ou une tape pralable dautres carrires(universitaires, avocats, magistrats, notamment de lordre administratif). La

    plupart collaborent dans un cadre libral, soit titre exclusif pour un office, soit audossier (le cas chant pour plusieurs offices). Certains collaborateurs travaillent la fois en interne pour un office, tout en traitant des dossiers, en externe, pour unou plusieurs autres offices.

    Daprs les donnes fournies par lOrdre des avocats au Conseil dtat et la Cour de cassation, les collaborateurs sont rmunrs soit au forfait, soit audossier, hauteur denviron 500/600 euros hors taxes par dossier pour undbutant, jusqu 750/850 euros hors taxes par dossier pour un collaborateurconfirm. Votre rapporteure rappelle que, lors de leur audition, les reprsentants

    de cet ordre ont indiqu que le chiffre daffaires global annuel de la profession(1) Ordonnance n 2014-239 d u 27 f v r i e r 2014 r e l a t i v e l e x e r c i c e d e s p r o f e s s i o n s

    d t a t e t l a C o u r d e c a s s a t i o n e t d e n o t a i r e e n q u a l i t d e s a l a r i .

  • 8/10/2019 Projet de Rapport Au 15-12-2014

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    slevait 130 millions deuros, ce qui reprsente un chiffre daffaires annueldenviron 1,2 million deuros par officier ministriel.

    La mission nest pas parvenue obtenir une valuation prcise du nombrede ces collaborateurs. Lors de leur audition, le chiffre dun millier environ a tavanc tant par le procureur gnral prs la Cour de cassation, M. Jean-ClaudeMarin, que par les reprsentants de lOrdre des avocats la Cour de cassation etau Conseil dtat. Celui denviron 500 a t indiqu dans la contribution criteque ces derniers ont fournie la mission.

    Votre rapporteure estime que le fait quautant davocats assistent lesavocats aux conseils dans leurs tches dlaboration des mmoires confortelide que le nombre actuel davocats la Cour de cassation et au Conseildtat est insuffisant au regard du dveloppement des contentieux.

    Par ailleurs, les missions des avocats aux conseils ne diffrent pas sifondamentalement de celles des avocats quil soit ncessaire et utile de leuroctroyer le statut dofficier ministriel (et le droit de prsentation qui lui estattach). En effet, les avocats la Cour de cassation et au Conseil dtat ne participent en rien lexercice de lautorit publique.

    Partant, votre rapporteure juge pertinent denvisager la mise en placedun nouveau dispositif dont laccs serait plus ouvert et galitaire et quipermettrait dobtenir les mmes garanties en termes de comptence et dedontologie, voire de raliser des progrs en matire de rgulation descontentieux.

    Il pourrait tre envisag de supprimer le statut dofficier ministrieldont bnficient aujourdhui les avocats au Conseil dtat et la Cour decassation. Sil est vrai que les subtilits de la technique de cassation comme lamission de consultation sur les chances de succs des pourvois dont votrerapporteure nignore pas lutilit pour les juridictions suprmes peuvent justifier une haute qualification, et donc lexistence dun barreau spcialiscomportant un nombre de membres restreint, rien ne justifie en revancheloctroi dun statut dofficier ministriel aux avocats aux conseils ni celuidun droit de prsenter leur successeur lagrment du garde des Sceaux.

    Votre rapporteure propose donc de supprimer les charges davocatsau Conseil dtat et la Cour de cassation.

    La suppression des charges davous prs les tribunaux de grand