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Extrait de la série «les Filles», Paris, 2011. PHOTO ALIX AURORE, CHLOË SCHNEIDER Prostitution Le plus vieux débat du monde Lucien Neuwirth, celui par qui la pilule arriva Gaulliste et féministe, cet ancien résistant, mort hier, arracha en 1967 la légalisation de la contraception orale. PAGE 17 Pénaliser le client? La loi qui arrive devant l’Assemblée nationale divise tous les partis. PAGES 2-5 Nouveau plan social chez les militaires Si elle sanctuarise le budget de la défense pour les deux ans à venir, la loi de programmation prévoit encore la suppression de 24000 postes. PAGES 10-11 CINEMA JAMES GRAY MAGNIFIE MARION COTILLARD DANS «THE IMMIGRANT» ANNE JOYCE CAHIER CENTRAL MOMES Paris I I MOMES Paris I I AVEC CE NUMÉRO, LE SUPPLÉMENT 1,60 EURO. PREMIÈRE ÉDITION N O 10121 MERCREDI 27 NOVEMBRE 2013 WWW.LIBERATION.FR IMPRIMÉ EN FRANCE / PRINTED IN FRANCE Allemagne 2,30 €, Andorre 1,60 €, Autriche 2,80 €, Belgique 1,70 €, Canada 4,50 $, Danemark 27 Kr, DOM 2,40 €, Espagne 2,30 €, Etats-Unis 5$, Finlande 2,70 €, Grande-Bretagne 1,80 £, Grèce 2,70 €, Irlande 2,40 €, Israël 20 ILS, Italie 2,30 €, Luxembourg 1,70 €, Maroc 17 Dh, Norvège 27 Kr, Pays-Bas 2,30 €, Portugal (cont.) 2,40 €, Slovénie 2,70 €, Suède 24 Kr, Suisse 3,20 FS, TOM 420 CFP, Tunisie 2,40 DT, Zone CFA 2 000CFA.

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LucienNeuwirth,celui par qui lapilule arrivaGaulliste et féministe, cet ancienrésistant, mort hier, arracha en 1967la légalisation de la contraception orale.

PAGE 17

Pénaliser le client? La loi qui arrivedevant l’Assemblée nationale

divise tous les partis.PAGES 2­5

Nouveau plansocial chezles militairesSi elle sanctuarise le budget de ladéfense pour les deux ans à venir, laloi de programmation prévoit encorela suppression de 24000 postes.

PAGES 10­11

CINEMAJAMES GRAYMAGNIFIE MARIONCOTILLARD DANS«THE IMMIGRANT»

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CAHIER CENTRAL

MOMESParisI I

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MOMESParisI I

L E P A R I S D E S E N F A N T S D E 0 A 1 2 A N S

Un hiverqui pétille

N°89 décembre 2013-janvier 2014. Gratuit. A donner surtout aux parents.Supplément gratuit à Libération du 27 novembre 2013. Ne peut être vendu séparément.

AVEC CE NUMÉRO, LE SUPPLÉMENT• 1,60 EURO. PREMIÈRE ÉDITION NO10121 MERCREDI 27 NOVEMBRE 2013 WWW.LIBERATION.FR

IMPRIMÉ EN FRANCE / PRINTED IN FRANCE Allemagne 2,30 €, Andorre 1,60 €, Autriche 2,80 €, Belgique 1,70 €, Canada 4,50 $, Danemark 27 Kr, DOM 2,40 €, Espagne 2,30 €, Etats­Unis 5 $, Finlande 2,70 €, Grande­Bretagne 1,80 £, Grèce 2,70 €,Irlande 2,40 €, Israël 20 ILS, Italie 2,30 €, Luxembourg 1,70 €, Maroc 17 Dh, Norvège 27 Kr, Pays­Bas 2,30 €, Portugal (cont.) 2,40 €, Slovénie 2,70 €, Suède 24 Kr, Suisse 3,20 FS, TOM 420 CFP, Tunisie 2,40 DT, Zone CFA 2 000CFA.

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Ci­contre etau centre:

Maud Olivieret Catherine

Coutelle,rapporteures PSde la proposition

de loi, hier àl’Assemblée.

A droite, GuyGeoffroy, député

UMP, ferventdéfenseurdu projet.

La loi prévoyant notamment la pénalisation du clientdoit être discutée d’ici vendredi à l’Assemblée,divisant au-delà du clivage gauche-droite

Prostitution:querelle de partisP our ou contre la pénalisation des

clients? Le débat a mis le feu aux pa-ges des journaux, suscité des péti-tions d’un goût pas toujours heureux.

Mais il aura laissé, paradoxalement, relative-ment inaudible la classe politique. Celle-làmême qui s’apprête à voter à l’Assemblée na-

tionale la proposition de loi «delutte contre le système prostitu-tionnel» ce soir ou, plus proba-

blement, pour cause d’embouteillage législa-tif, vendredi. A la demande du groupe EuropeEcologie-les Verts, le texte sera finalementsoumis à un vote solennel le 4 décembre. Cequi obligera chacun à se positionner.

BOUT DES LÈVRES. Annoncée par Najat Val-laud-Belkacem, sitôt arrivée au ministère desDroits des femmes, cette réforme devait êtreportée par le gouvernement. Las. Sentant lepotentiel polémique du sujet, celui-ci a pré-féré laisser le bébé aux soins des parlemen-taires. Deux députées PS, Maud Olivier et Ca-

therine Coutelle, ont rédigé au pas de charge,la proposition de loi. Malgré les efforts de laministre pour défendre publiquement uneréforme qu’elle compare «à l’abolition de l’es-clavage» et tenter de convaincre en privé sespropres rangs de la nécessité de se position-ner «pour», l’élan n’y est pas. Et, si la loi estvotée, ce qui est probable, ce sera du bout deslèvres. Avec des voix contre et des absten-tions dans tous les groupes politiques.A droite, l’UMP dispose d’un fervent défen-

seur de la loi en la personne de Guy Geoffroy.Coauteur du rapport parlementaire de 2011sur la prostitution, ce député aura du mal àconvaincre ses collègues de voter un texte quiannule une mesure phare de Nicolas Sarkozy:le délit de racolage passif. L’autre volet, la pé-nalisation du client ne fait pas non plus fran-chement l’unanimité dans les rangs del’UMP. Comme le reconnaît Guy Geoffroy,«le sujet est dérangeant car les vieux schémas,comme l’idée que la prostitution restera le plusvieux métier du monde ou qu’elle est nécessaire,sont encore présents». Lors du vote, le groupeUMP annoncera donc «des positions diver-ses». Ainsi un Eric Ciotti votera «pour»quand un Bernard Debré se veut réservé.A gauche, les plus sceptiques sont indiscuta-blement les Verts. Hier, lors de leur réunionde groupe, une très large majorité s’est déga-gée contre la proposition de loi. Seule l’éluede l’Essonne Eva Sas s’est clairement pro-noncée en faveur du texte (comme Jean-Vin-cent Placé au Sénat). Sergio Coronado, dé-puté des Français de l’étranger, a tenu lasemaine dernière une réunion à l’Assembléeen compagnie des plus fervents opposants à

cette loi que sont les travailleurs du sexe re-vendiquant la prostitution choisie. Françoisde Rugy, président du groupe écologiste,considère que le PS a «tout fait pour que cetexte ne fasse pas l’objet du véritable débat qu’ilméritait». «On veut résumer les positions à uncamp contre un autre, les contre qui seraientcomplices des réseaux mafieux et les autres,c’est un peu juste», ajoute de Rugy. Le groupecommuniste devrait, lui, voter pour.

«VIEUX SCHNOCKS». Chez les socialistes, lesujet est très sensible. Détail qui en dit long:il y a deux ans, avant de déposer la proposi-tion de loi en tant que président du groupePS, Bruno Leroux était encore opposé à la pé-nalisation du client. «Il fait partie des parle-mentaires qui ont entendu nos arguments», ex-plique aujourd’hui Maud Olivier, rapporteuredu texte. Elle se dit «très confiante» sur levote la semaine prochaine, mais reconnaîtavoir dû affronter, au PS aussi, «l’idée que laprostitution était nécessaire à la société». Unedéputée PS raconte: «Il y a des désaccords trèsprofonds. C’est un sujet assez générationnel.Ceux qui sont contre la pénalisation du clientc’est quand même les vieux schnocks.» Elle, nedonne pas cher de la peau du texte au Sénat.Seule une députée PS a officiellement faitpart de son désaccord, la présidente de lacommission des affaires sociales, CatherineLemorton, dans une tribune à Mediapart. Ellene veut plus s’exprimer depuis.De son côté, le gouvernement n’aura pasbeaucoup aidé le texte. Le ministre de l’Inté-rieur, Manuel Valls, relayant la parole des po-liciers chargés de la lutte contre le proxéné-tisme, a fait état de ses réserves quant àl’abrogation du délit de racolage passif. Mari-sol Touraine, ministre des Affaires sociales etde la Santé, s’est, elle, interrogée sur la péna-lisation des clients : «Le fait de pousser lesprostituées à ne pas apparaître ne leur fait-ilpas prendre un risque accru en matière desanté?» Najat Vallaud-Belkacem espérait quece texte dépasse les clivages politiques. De cepoint de vue, c’est réussi. Mais pas toujoursdans le bon sens. •

Par ALICE GÉRAUDPhotos BRUNO CHAROY L’ESSENTIEL

LE CONTEXTELa loi pénalisant les clients desprostitués divise familles politiques,associations et intellectuels.

L’ENJEUCe texte peut­il mettre fin àl’exploitation des femmes et hommesfaisant commerce de leur corps ?

RÉCIT

LIBÉRATION MERCREDI 27 NOVEMBRE 20132 • EVENEMENT

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Par FRANÇOIS SERGENT

Inégalité

«Posons d’abord quele corps humain n’est pasà vendre et soyonspragmatiques ensuite»,comme le dit la philosopheSylviane Agacinski, quidéfend la proposition de loisur la pénalisation desclients de prostituées.On pourra objecter quele droit et la morale ne fontpas nécessairement bonménage. Libertins etlibertaires ont beau jeu dedéfendre le droit d’adultesconsentants à faire usagede leur corps. Les désirset la vie privéen’appartiennent pasaux législateurs etaux professeurs de droit.Mais, s’agit-il réellementde l’intime lorsque l’onsait que l’immensemajorité des prostituéessont des étrangères sanspapiers, victimes depasseurs et maquereaux ?Qui peut encore fantasmersur la liberté de la femmede vendre sa peau commele romantise le film d’OzonJeune & jolie ? Quoi qu’endisent les défenseurs lesplus éclairés des amourstarifés, y compris mâles,cette profession estessentiellement féminine ;et cette inégalité construitet renforce l’inégalité entreles sexes. Plus sérieusessont les objections desassociations qui défendentles prostituées et desprostituées elles-mêmes,pour qui toute loirépressive ne faitqu’accroître l’isolementdes «travailleuses dusexe» et la dangerosité deleur activité. L’Etat doit-il,pour autant, laisser faireet valider cette formed’exploitation ? On peut,bien sûr, ricaner à l’idéede réformer et éduquerles clients commeles chauffards et lesalcooliques. Cette loin’abolira pas laprostitution mais, aumoins, elle donne le signeque la représentationnationale condamnecet asservissement.

ÉDITORIAL

Le texte vise, entre autres, une meilleure protectiondes prostituées étrangères et un parcours d’insertion.

Pénaliser le client,il n’y a pas que ça…L es défenseurs de la proposition de loi sur

la prostitution tentent contre vents et dé-bats d’expliquer que le texte «ne se réduit

pas à la pénalisation du client» et que, commel’indique son intitulé, il s’agit plus largementde «lutter contre le système prostitutionnel». Defait, le texte que s’apprêtent à examiner lesdéputés s’articule autour de quatre volets :le renforcement des moyens de lutte contre leproxénétisme et les réseaux, l’aide à la «sortiede la prostitution», l’abrogation du délit de ra-colage passif et, donc, la pénalisation duclient. «Tous ces volets n’ont pas de sens prisindépendamment les uns des autres», soulignela députée PS Maud Olivier, l’une des deux co-auteures du texte de loi.

Quels moyens pour luttercontre le proxénétisme ?

La France est déjà l’un des pays qui disposentdes outils juridiques les plus aiguisés contre leproxénétisme, en ayant adopté une définitiontrès très large de ce délit –voir l’affaire DSK auCarlton. Le nouveau texte prévoit cependantquelques dispositions supplémentaires,comme le fait de pouvoir fermer les sites inter-net de prostitution hébergés à l’étranger.

Quid de la protection des prostituéeset aides à la sortie de la prostitution ?

La proposition prévoit une meilleure protec-tion des prostituées, notamment pour lesétrangères, avec un titre de séjour de six moisrenouvelable et la possibilité de bénéficier del’allocation temporaire d’attente (ATA),

de 336 euros mensuels. Une aide «condition-née» à la sortie de la prostitution très critiquéesur le principe moral qu’elle impose et sur sonmontant peu incitatif. Le texte prévoit aussi lamise en place d’un parcours d’insertion, quiserait financé par des saisies de biens desproxénètes.

Le délit de racolage passifsera­t­il abrogé ?

Créé en 2003 par Nicolas Sarkozy, à l’époqueministre de l’Intérieur, ce délit a surtout servià faire la chasse aux sans-papiers, et a poussénombre de prostituées à la clandestinité. Trèspeu sont aujourd’hui poursuivies pour ce délitdifficile à qualifier juridiquement. Mais il restedéfendu par les policiers en charge de luttercontre le proxénétisme, qui s’en serventcomme «hameçon» pour pouvoir entendre lesprostituées afin de remonter les filières.

Comment sera pénalisé le client ?Le texte interdit l’achat de tout acte sexuel, in-fraction qui sera sanctionnée d’une amende de1500 euros (3000 en cas de récidive). L’idée estinspirée du système suédois. Il reste cependantdifficile à appliquer en France, car l’infractionva être dans les faits compliquée à constaterpour les policiers. Les partisans de ce dispositifs’en défendent d’une pirouette en expliquantque cette mesure est avant tout à vocation deprincipe et pédagogique. Ainsi, le client severra proposer un stage de sensibilisation àla réalité de la prostitution.

A.Gd

20 000 personnes ? 40 000 per­sonnes ? Il est impossible demettre un chiffre précis surle nombre de prostitués enFrance, parce qu’une grande partiereste invisible et vulnérable der­rière les écrans d’Internet, lesrideaux des bars à hôtesses et dessalons de massages, les portes desappartements où se déroulela prostitution occasionnelle, étu­diante…

REPÈRES

«Sous prétexte de luttercontre les réseaux, c’estla prostitution qu’on veutanéantir. L’Etat n’a pasà légiférer sur l’activitésexuelle des individus, àdire ce qui est bien ou mal.»

Elisabeth Badinter

2C’est, en milliards d’euros par an,ce que la prostitution rapporte«aux mafias européennes»,selon le ministère de l’Intérieur.

Profil Catherine Coutelle, prési­dente PS de la délégation auxdroits des femmes, dans notresérie «Les députés de l’an II».

• SUR LIBÉRATION.FR

LIBÉRATION MERCREDI 27 NOVEMBRE 2013 • 3

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Trois hommes ayant fréquenté des prostitués ont raconté leurs motivations.

«Pense-t-on que certains “clients”souffrent de ne pas être aimés?»D ans le débat actuel sur la prostitution, il

existe, pour le moment, de grands ab-sents: les clients. Pas les personnalités

qui signent des pétitions, mais les anonymes.Coupables par avance, ils se cachent. Sur Libe-ration.fr, nous avons lancé un ap-pel à témoignages pour pouvoirleur parler, comprendre pour-quoi ils fréquentent des prostitués. Nous avonsreçu une vingtaine de réponses, presque quedes hommes, sauf une femme. Tous ont de-mandé à être anonymes, certains ne souhaitantmême pas parler au téléphone (nous n’avonsalors pas gardé leurs commentaires). Agésde 25 et 60 ans, ils ont des expériences diffé-rentes, même si la plupart appartiennent à laclasse moyenne et supérieure. Frustration, in-capacité ou peur du râteau, refus de la compé-tition, les arguments utilisés sont souvent lesmêmes. Certains pointent aussi une crainted’une perte supposée de virilité, comme si lesfemmes étaient en train de leur enlever leursdernières libertés, voire privilèges. Les trois té-moignages ci-dessous, et d’autres, sont à re-trouver en version longue sur Liberation.fr.

Marc, 54 anschercheur

«J’ai eu recours à des rapports payants avec desgarçons pendant trente ans. J’étais bisexuel,marié, et échaudé par mes premières expérien-ces avec des hommes. Avoir recours à quel-qu’un que l’on paye permet de choisir le parte-naire, le moment, de décider de ce que l’on fait.Ça n’empêche pas de respecter l’autre, voire

de tomber amoureux, car les garçons que j’airencontrés m’ont souvent touché. Certes, il ya une situation facile et de domination, puisquel’un a le pouvoir (l’argent) et l’autre pas, maisles choses ne sont pas toujours carrées. Pen-

dant un long moment, je ne faisaisque discuter avec eux, ce qui lessurprenait. Quelque fois, du sexe.

Toujours un peu frustrant. Car, et j’ai mis long-temps à le comprendre, je recherchais de l’af-fection masculine, voire de l’amour. Et bienévidemment, ça ne peut pas venir de cette fa-çon. On critique souvent la prostitution et lesclients, mais pense-t-on que certains “clients”souffrent de ne pas être aimés, de ne pas trou-ver la bonne personne, et se réfugient dans unesolution peut-être facile mais qui leur apporteau moins un peu de confort?»

Fabrice, 33 ansingénieur

«J’ai eu deux aventures avec des prostituées.La première fois après avoir été racolé en Asie.Je l’ai suivi dans un endroit où elle a effectuéune fellation avec préservatif. Bien qu’elle fûtphysiquement attirante, ce fut un momentaussi peu excitant que si je me faisais examinerles parties intimes par un médecin, à cause desa manière mécanique et expéditive de procé-der. La seconde fois, il s’agissait d’une escort-girl. Après avoir payé le tarif négocié et être alléavec elle dans une salle privée d’un night-club,elle m’a fait comprendre qu’il fallait payer pourespérer plus. J’ai finalement passé une heure(très agréable) avec elle à me faire sagement

masser et rien de plus. Les deux fois, j’étais cé-libataire, insatisfait. Je n’ai pas de réticencesd’ordre moral tant que la femme a choisi elle-même de se prostituer. La seconde fois, avecl’escort-girl, des gens tournaient autour de no-tre pièce, j’ai senti qu’elle était surveillée,c’était angoissant pour elle, et pour moi.»

Alex, 55 anscadre de la fonction publique

«J’ai été marié deux fois, mais à chaque fois masexualité était assez pauvre. Aujourd’hui, je meretrouve seul, avec beaucoup de frustrations.Le manque d’activité sexuelle bien sûr, maisaussi le manque de tendresse, de la chaleur desbras d’une femme. Petit, moche et désargenté,et de surcroît devenant vieux, je ne compte pasvraiment sur le hasard pour changer la situa-tion. La première fois que j’ai rencontré uneescort, j’étais très timide et stressé, il y avaittellement longtemps que je n’avais plus faitl’amour que je ne m’en croyais plus capable.Avec elle, je me suis rendu compte que finale-ment c’était facile. Cette pratique sexuelle mefait tout simplement du bien. Elle me redonnele moral. Après un rendez-vous, j’ai la pêchedurant une semaine, j’ai le sentiment à nou-veau d’appartenir au monde normal, celuiconstitué d’hommes et de femmes qui viventune sexualité épanouie. Si on interdit l’accèsaux escorts, quel sera le sort des laissés-pour-compte de la tendresse qui se comptent en di-zaines, voire en centaines de milliers dans no-tre pays ?»

Recueilli par QUENTIN GIRARD

Lucie Sabau, d’«Osez le féminisme», explique les clichés qui fausse le débat:

«En tant qu’abolitionnistes,la morale ne nous intéresse pas»L ucie Sabau est militante à

Osez le féminisme (OLF)et sympathisante du Nid,

une association d’aide aux prosti-tuées.Pourquoi les abolitionnistes sont-ils peu audibles dans les médias?D’une part, les survivantes de laprostitution qui acceptent de té-moigner à visage découvert sontrares. Parmi elles, Rosen Hicheret la Britannique Rebecca Mottsont devenues de vraies militan-tes. Pour parler de prostitution,l’image choisie est toujours unepaire de jambes ou une poitrine,une femme morcelée. Il y a unesubjectivité patriarcale qui struc-ture le choix des images, d’autantque les médias sont encore dirigéspar des hommes blancs de plus de50 ans. D’autre part, le traitementmédiatique de l’abolitionnisme estemblématique d’un état de fait :les analyses des associations fé-ministes ne sont relayées dans lesmédias que depuis quelques dé-cennies. Et puis, les associations

féministes tradition-nelles n’ont pas lesmêmes moyens de sefaire entendre que leslobbys pro-prostitu-tion : on fait moins debruit sur la Toile, onn’est pas soutenu parles clients qui ont de l’argent. Ceslobbys pro-prostitution ont aussituyauté des associations de luttecontre les maladies sexuellementtransmissibles, et bénéficient deleur appui financier.En tant que responsable du groupe«éducation aux sexualités» d’OLF,quelle vision défendez-vous?Le premier enjeu du combat con-tre le système prostitueur est derendre possible la libération dessexualités des femmes. L’autre estde lutter efficacement contre leviol, soit les rapports sexuels nondésirés dont la prostitution faitpartie. Je refuse de compartimen-ter les femmes des réseaux, les in-dépendantes et celles qui passentpar Internet. Il s’agit d’un conti-

nuum de violences pa-triarcales exercé par lesclients.Pourquoi avez-vous dumal à convaincre lesparlementaires?Le collectif Aboli-tion 2012 et les Jeunes

pour l’abolition ont envoyé unedocumentation aux députés, con-vaincu la délégation aux droits desfemmes du Sénat. Mais les parle-mentaires sont très occupés. Ducoup, ils appréhendent la questionavec leur bain culturel, encore faitde clichés : la traite des femmesd’un côté, l’image d’Epinal de laprostitution indépendante del’autre. Je ne leur jette pas lapierre, c’est compliqué d’adopter,en si peu de temps, une analyse quiva à rebours de ce en quoi on croit.Que pensez-vous du Manifeste des343 salauds publié dans Causeur?Les signataires représentent uneminorité d’hommes qui tiennentà exercer leur privilège de domi-nants, soit 12% à 15% de la popu-

lation française, selon l’estimationdu Nid. Nous avons été choquéespar le Manifeste: ils ne défendentabsolument pas les filles, n’ont pasd’empathie pour elles. Ils ne s’en-gagent pas contre les violencesfaites aux femmes.On vous taxe de moralistes, qu’enpensez-vous?Il faut arrêter de reprocher au Nidd’avoir été cofondé par un curéde gauche. C’est un mouvementlaïque, féministe, qui accompagne5 000 personnes prostituées paran. Pour moi, les moralistes sontles résignés persuadés que la pros-titution a toujours existé.En tant qu’abolitionnistes, la mo-rale ne nous intéresse pas, l’éradi-cation des inégalités, oui. A OLF,nous voulons éviter qu’on fassecroire aux petites filles que leurdésir a un prix, qu’elles soientembarquées dans un carcan ferméd’objet de désir. Nous voulons quele champ des possibles leur soitouvert.

Recueilli par LÉA LEJEUNE

DR

Un défilé pour l’abolition de la prostitution

Manif de prostituées, l’an dernier à Lyon, contre

TÉMOIGNAGES

LIBÉRATION MERCREDI 27 NOVEMBRE 20134 • EVENEMENT

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Très contestée, la loi de 2002 sur la prostitution pourrait avoir vécu.

La libéralisation n’a plusles faveurs de l’AllemagneN ulle part en Europe la législation

sur la prostitution n’est aussi li-bérale qu’en Allemagne. Mais

peut-être plus pour longtemps. Dans lecadre des négociations en vue de formerun gouvernement, la CDU et le SPD en-tendent encadrer plus strictement lapratique du sexe tarifé pour remédieraux excès liés à la loi libérale de 2002.Petit retour en arrière: depuis trois ansau sein du gouvernement Schröder, lessociaux-démocrates et les Verts entre-prennent en 2001 de légaliser la prosti-tution. Le pas est censé permettre aux«travailleuses du sexe» de poursuivreen justice un client mauvais payeur etde cotiser aux caisses retraite et maladiecomme les autres salariés.Gigantesques. Douze ans plus tard, lebilan de la libéralisation est plutôt con-testé. La loi, assurent ses détracteurs, aouvert les vannes à de nombreux abuset aurait manqué ses objectifs. Seuls44 prostitués (dont 40 femmes) sont of-ficiellement enregistrés comme tra-vailleurs du sexe auprès des organismessociaux, alors que le chiffre d’affaires estestimé à 14,6 milliards d’euros par an.De nouvelles formes de maisons closesont fleuri un peu partout en Républiquefédérale: des établissements gigantes-ques, comptant plusieurs dizaines deprostituées, ouverts 24 heures sur 24 etoffrant, côte à côte, activités de «bien-être» et sexe «à volonté». Ces établisse-ments sont peu contrôlés: il est devenudifficile aux policiers, comme aux servi-ces sanitaires, de mener des visites ino-

pinées. La santé et la sécurité des prosti-tuées se seraient détériorées. Et si, selonla police fédérale, le nombre de cas re-censés de trafics d’êtres humains est enbaisse (811 en 2002 contre 432 en 2011),ce ne serait pas dû à un recul de la pros-titution forcée, mais à la diminution dunombre des contrôles depuis 2002.En bord d’autoroute à deux pas du pa-lais des Congrès de Berlin, Artemis estla version haut de gamme de ces mai-sons closes d’un genre nouveau, con-nue de tous les taxis de la ville et ven-tant ses mérites à coups de pubs sur lesculs de bus. Les femmes y travaillantsont présentées sur la page web del’établissement. Les clients sont appelés

à laisser leurs commentaires sur lesprestations. Plus au sud, près de l’aéro-port, un établissement d’aspect miteuxpropose un tarif unique pour «autant depasses que tu peux». Comme partoutdans le pays, les femmes présentées surles sites de ces bordels ont un typeméditerranéen.De 70% à 80% des 400000 prostituéesen Allemagne seraient originaires deBulgarie et de Roumanie. «90% d’entreelles travaillent contre leur gré, dans desconditions parfois épouvantables. Cellesqui disent être volontaires agissent, en

fait, sous la pression de la misère ou ontété victimes de violences sexuelles dansleur enfance, ce qui a détruit leur estimed’elle-même», assure Alice Schwarzer.Papesse du féminisme allemand, la fon-datrice du magazine Emma mène de-puis des années la lutte contre la prosti-tution. «Avec la loi de 2002,s’insurge-t-elle, l’Allemagne est devenuela plaque tournante de la prostitution enEurope et le paradis du tourisme du sexe.»Parapluie rouge. 90 personnalités–dont quelques policiers engagés dansla lutte contre le trafic des êtres hu-mains – ont signé début novembre lapétition lancée par Emma pour la révi-sion de la loi sur la prostitution, récla-

mant la pénalisation desclients sur le modèle sué-dois. En fin de semainedernière, Alice Schwarzerprésentait à Berlin sonouvrage, Prostitution, unscandale allemand, relan-

çant le débat. Face à elle, une dizaine deprostituées, armées d’un parapluierouge, devenu l’insigne de la défense dulibéralisme face à l’abolitionnisme. «Lesféministes […] nous croient incapables deparler pour nous-mêmes, s’offusque Un-dine de Rivière, porte-parole de l’Unionprofessionnelle des fournisseurs de ser-vices sexuels et érotiques. Le désir decontrôle de la sexualité et de la prostitutiona toujours été plus grand, et il est difficilede faire sortir ça de la tête des gens.»

De notre correspondante à BerlinNATHALIE VERSIEUX

Seules 44 personnes sont enregistréescomme «travailleurs du sexe», alorsque le chiffre d’affaires du secteur estestimé à 14,6 milliards d’euros par an.

« Un texte magnifique, dans lequel l’amour exulte. » Valérie Trierweiler, Paris Match

« Un combat pour que le mot “handicap” devienne un mot de la normalité. Revigorant. » André Rollin, Le Canard enchaîné

« Deux voix pour dire l’effroi et l’amour. »

Patricia Gandin, Elle

Photo © Julien Falsimagne

samedi à Paris. PHOTO BRUNO CHAROY

la pénalisation du client. PHOTO SÉBASTIEN EROME. SIGNATURES

LIBÉRATION MERCREDI 27 NOVEMBRE 2013 EVENEMENT • 5

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MoscouaucentredujeuentreKievetBruxellesLe «non» de l’Ukraine à l’accord qu’elle devait signer demainavec l’UE pourrait s’expliquer par des pressions de la Russie.Par HÉLÈNE DESPIC­POPOVIC

M anifestations et contre-manifestations, les plusimportantes depuisla révolution orange

de 2004, se poursuivent à Kievpour la troisième journée consécu-tive (lire ci-contre) : le «non» deKiev à l’accord d’association qu’ildevait signer demain avec l’Unioneuropéenne n’en finit plus de fairedes vagues. Mais est-ce un «non»définitif et un «oui» à l’Uniondouanière eurasienne, que Moscou–qui a joué de toutes ses armes, duchantage à la séduction – ne peutréellement mettre en place de façoncrédible sans la participation de ce

grand voisin? Il est sans doute troptôt pour le dire, car dans ce «mé-nage à trois» l’Ukraine, un pays de45,6 millions d’habitants,géographiquement coincéentre l’Est et l’Ouest, n’aréellement qu’une seule solutiongagnante: un jeu de bascule destinéà faire monter les enchères.L’UE ne s’y trompe pas. Lundi, ellea encore rappelé que l’accord était«toujours sur la table». Mais necompte plus renverser la vapeuravant le sommet sur le Partenariatoriental, qui s’ouvre demain à Vil-nius, capitale de la Lituanie. Cesommet, auquel assistera le prési-dent ukrainien, n’aura donc pasl’importance historique que les di-

plomates européens auraient voulului donner. Alors que l’Arménie adéjà cédé aux pressions russes,

que la Moldavie est à sontour sous le feu de Mos-cou, les Européens savent

que, sans l’Ukraine, ce Partenariatoriental réduit à la seule Géorgie,qui paraphera à Vilnius son propreaccord d’association, paraît aussipeu crédible que ne le serait uneUnion douanière eurasienne dirigéepar Moscou avec la seule participa-tion du Kazakhstan et de la Biélo-russie. Reste à voir si le présidentViktor Ianoukovitch, qui a fait ca-poter l’accord parce qu’il n’entendpas libérer sa rivale à la présiden-tielle de 2010, l’ancienne Première

ministre Ioulia Timochenko –ni luipermettre de se faire soigner àl’étranger –, réussira à obtenir del’UE qu’elle cesse d’exiger cetransfert à l’étranger commecondition préalable à la signaturede l’accord.

RÉTIVE. La partie russe avait, dès ledépart, mis la barre assez haut. Lechoix de l’UE est un «acte suici-daire» pour l’Ukraine, n’avait pashésité à dire Sergueï Glaziev, leconseiller économique de VladimirPoutine, un président suffisammentinquiet pour rencontrer plusieursfois, en quelques mois, son homo-logue ukrainien. Et d’enchaîner lesmesures: interdiction des chocolats

Roshen, considérés comme undanger sanitaire, puis contrôle ac-cru des marchandises classées «àrisque» et des camions ukrainiensà la frontière russe. Puis sont ve-nues les mises en garde: si la Russieprenait des mesures pour protégerson marché d’une inondation deproduits bon marché arrivés d’Eu-rope, l’Ukraine, en difficulté detrésorerie et sans perspective d’ac-cord rapide avec le FMI, serait ac-culée à la faillite. Le déficit com-mercial de Kiev, avertissait-on àMoscou, s’accroîtrait d’au moins1 milliard d’euros si l’Ukraine rejoi-gnait l’accord de libre-échangeavec l’UE. Finalement, après l’avoirmenacée, la Russie a commencé àcaresser sa rétive voisine: pourquoine pas reparler des prix du gaz, à labaisse bien sûr, faisait-on savoirà Moscou.Le prix du gaz russe pèse lourde-ment sur l’Ukraine, qui le paye430 dollars les 1000 mètres cubes,soit plus cher que ce que versentl’Allemagne ou la Pologne (autourde 390), et bien plus que le prixd’ami consenti à la Biélorussie, alliéloyal et membre sûr de l’Uniondouanière (160). Ce prix pourraitpasser à 260 pour l’Ukraine, avaientestimé le mois dernier les responsa-bles du géant gazier russe Gazprom.Est-ce l’argument qui a détournél’Ukraine de l’Europe? Il n’y a «pasd’accord précis» sur la révision des

ANALYSE

Lundi, à Kiev. Le mouvement de contestation contre le président Viktor Ianoukovitch s’étend à d’autres régions du pays, notamment à Lviv, dans l’ouest. PHOTO GENIA SAVILOV. AFP

LIBÉRATION MERCREDI 27 NOVEMBRE 20136 • MONDE

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prix du gaz russe, a affirmé hier lePremier ministre ukrainien, MykolaAzarov, confirmant que la Russieavait «proposé de reporter la signa-ture et d’entamer des négociations».

ÉNERGIVORE. De ce prix du gaz dé-pend la métallurgie ukrainienne, ladeuxième d’Europe et la dixième dumonde, un secteur énergivore, quifabrique un acier de qualité trèsmoyenne qu’elle ne peut vendrequ’à l’Est. Un tiers du commerceextérieur se fait avec la Russie, leKazakhstan et la Biélorussie, soitautant qu’avec l’UE. Les secteursconcernés sont, de plus, situés dansles régions de l’est du pays, fronta-lier de la Russie, qui est aussi là oùvivent les russophones, qui sontsouvent les électeurs de Ianouko-vitch. Le Président doit compter surces 40% d’Ukrainiens qui veulentdes liens étroits avec la Russie.Les pro-européens sont plus sou-vent des électeurs de l’opposition,vivant plutôt à l’ouest qu’à l’est dupays, et travaillant dans les secteursles plus modernes. C’est sciemmentque la Russie s’en est d’abord prisaux chocolats Roshen, propriété del’oligarque Petro Porochenko, quifut ministre des Affaires étrangèresd’un gouvernement issu de la révo-lution orange (2009-2010), puisministre de l’Economie du gouver-nement Azarov (2012), et infatiga-ble partisan de l’UE. Tiraillée entreses deux voisins, l’Ukraine, qui a àpeine commencé à diversifier sessources d’énergie, s’est pour le mo-ment donnée au plus offrant: «Dèsqu’on atteindra [dans les négociationsavec l’UE] un niveau qui correspon-dra à nos intérêts, nous pourrons par-ler de la signature» de l’accord, aproposé, hier soir, le présidentukrainien. •

Les étudiants pro-européens qui manifestent s’inspirent de la révolution de 2004.

Des cortèges bleus au parfum orange«O n va rester jusqu’au bout.

Il ne s’agit pas de quel-ques nuits dans le froid,

mais bien de ce qu’on va faire de no-tre vie !» Le sourire béat, Taras,jeune étudiant à l’université Che-vtchenko de Kiev, agite avec fer-veur un drapeau géant bleu étoilé,exhibant le trident, symbole na-tional ukrainien, en son centre. Lascène a un air de déjà-vu sur Mai-dan Nezalezhnosti, la place del’indépendance, lieu emblémati-que de la révolution orangede 2004. Au sixième jour de«l’Euromaidan», cette mobilisa-tion citoyenne en faveur d’une in-tégration à l’Europe, les étudiantsde plusieurs universités se sont misen grève. Et ils appellent, via lesréseaux sociaux, à un mouvementnational dès aujourd’hui. Nombred’entre eux ont déjà passé les der-nières nuits sur la place. «La policenous bouscule de temps en temps,soi-disant pour installer un marchéde Noël, mais on s’accroche.» Dansla foule, un slogan se répète enboucle, «Ukraine unie, Ukraineavec l’Europe». Non loin de là,d’autres agitent une pancarte :«Ukrainiens, unissez-vous, maispas avec les Russes !»Des participants affluent d’autresrégions d’Ukraine, tandis que lesoccupations citoyennes se multi-plient à travers le pays. A Lviv,dans l’ouest, malgré une neigeprécoce, la mobilisation réunitquotidiennement des milliers depersonnes, avec la bénédiction du

maire, Andriy Sadovy (indépen-dant des partis politiques).«On s’organise. On a de la nourri-ture, on a des couvertures, de la mu-sique. J’étais trop petite pendant larévolution orange de 2004, mais çacorrespond bien à ce qu’on m’en araconté», décrit, enthousiaste, Ha-lyna, qui dit passer «de plus en plusde temps» sur la place de l’indé-pendance. Et le tout dans le calmeet la bonne humeur, malgré quel-ques échauffourées épisodiques.

Lundi, des centaines de manifes-tants ont ainsi affronté 500 offi-ciers des forces spéciales «Berkut»pour s’emparer d’un camion con-tenant une grande quantité de ma-tériel d’écoute téléphonique.L’échec des autorités à reprendrele véhicule et à évacuer les en-droits occupés illustreraient unefaiblesse et des dissensions inter-nes assez profondes.Boxeur. La mobilisation se veutnon partisane. «Le mouvement ci-vique de l’Euromaidan a aboli le mo-nopole des partis d’opposition à pro-tester», écrit le blogueur populaireViktor Litovchenko, pour qui c’estjustement cela qui lui donne unechance de succès. A quelques cen-taines de mètres de Maidan, la

place de l’Europe, un autre foyerde la contestation, est officielle-ment occupée par les trois princi-paux partis de l’opposition unie.Les militants y ont réussi à instal-ler des tentes, des stands de nour-riture ou encore des podiums.«Nous ne sommes pas divisés parrapport à Maidan», assure Lev, unjeune militant du parti Oudar duboxeur Vitali Klitschko, l’étoilemontante de l’opposition ukrai-nienne. «Mais sans soutien politi-

que, on n’arrivera pas àfaire suffisamment pres-sion sur le gouverne-ment pour qu’il signel’accord d’association.»Pourtant le tempspresse. Le troisièmesommet du Partenariat

oriental s’ouvre demain. Le prési-dent, Viktor Ianoukovitch, devraits’y rendre, pour «y mener des con-sultations trilatérales avec l’UE et laRussie», selon le Premier ministre,Mykola Azarov. Lors d’une confé-rence de presse, ce dernier a con-fessé, hier, qu’il avait gelé la si-gnature de l’accord d’associationà la «demande de la Russie», affir-mant qu’il ne s’agissait pas d’un«ultimatum». Une manière de sedédouaner, alors que le gouverne-ment a louvoyé pendant des se-maines avant de rejeter les condi-tions de Bruxelles, notamment letransfert médical de Ioulia Timo-chenko vers l’Allemagne.L’ex-Première ministre, pro-euro-péenne convaincue, a commencé

sa troisième grève de la faim de-puis son incarcération en 2011. Etappelé à un mouvement de plusgrande ampleur : «Je vous de-mande, mes chers concitoyens,d’augmenter chaque jour nos forcessur les places du pays. Je vous de-mande de lever une vague sans pré-cédent de mobilisation, pour que lamafia autoritaire de Ianoukovitch nepuisse empêcher notre retour histori-que dans notre vraie famille» euro-péenne.«Sacrifices». «Bien sûr, les Euro-péens ont mal joué. Bien sûr, lesRusses ont fait pression. Mais la dé-cision de ne pas signer l’accordmontre surtout que Viktor Ianouko-vitch ne pense à rien d’autre qu’à semaintenir au pouvoir», expliqueDmytro Galkin, rédacteur en chefdes Chroniques des affaires étrangè-res. La solution est donc dans lesseules mains du gouvernement.«Evidemment, la signature de l’ac-cord va se décider au plus haut ni-veau, ce n’est pas de notre ressort,admet Vitali, jeune étudiant surMaidan Nezalezhnosti. Mais nousdevons rester ici. L’Ukraine est unpays européen, c’est incontestable.Mais il faut faire des sacrifices pourse rapprocher des normes et des con-ditions de vie de l’UE. Il faut le méri-ter.» Encouragé par l’approbationde ses camarades, le sourire auxlèvres, il se prépare à rester surplace avec des milliers d’autrespour la troisième nuit consécutive.

De notre correspondant à KievSÉBASTIEN GOBERT

«Je vous demande de leverune vague sans précédentde mobilisation.»Ioulia Timochenko opposante incarcéréedans une lettre aux manifestants

7ans de prison, c’est la peineque purge Ioulia Timochenko,l’ex­égérie de la révolutionorange, dont le Parlement arefusé le transfert à l’étranger.

MerNoire

MOLD

BIÉLORUSSIE

POL

ROUMANIE

RUSSIE

300 km

LvivUKRAINE

Kiev

Le volume des échanges commer­ciaux entre la Russie et l’Ukraine achuté de 25% depuis janvier. Le gou­vernement ukrainien accumule les dif­ficultés: suite à son refus de mettre enœuvre les réformes réclamées par leFMI, le versement de la dernière tran­che d’un prêt a été suspendu en 2011.En mars, le Fonds a envoyé une nou­velle mission dans le pays.

REPÈRES «L’Ukraine ne veutpas être un champde bataille entrela Russie et l’Unioneuropéenne.»Le Premier ministre ukrainienMykola Azarov, proche duPrésident Ianoukovitch, hier à Kiev

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LIBÉRATION MERCREDI 27 NOVEMBRE 2013 MONDE • 7

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L’Ecossesouveraine,

l’idéefaitkiltEn publiant un livre blanc et en

fixant la date de l’indépendance dupays, le Premier ministre écossais,

Alex Salmond, a lancé la campagnepour le référendum de septembre.

A lex Salmond a toujourseu un sens de l’humourparticulier. Au Parle-ment écossais,

sous les yeux de ses collè-gues députés résignés, lechef du gouvernement semi-auto-nome adore entamer les débats parla déclamation, en dialecte scot,d’une ode de Robert Burns (1759-1796), poète national écossais.Et le voilà qui, ceint de l’impor-tance historique du référendum surl’indépendance de l’Ecosse qu’ils’apprête à offrir à ses concitoyensle 18 septembre 2014, met la char-rue avant les bœufs. Le leader duparti indépendantiste écossais SNP(Scottish National Party) a en effetd’ores et déjà fixé la date de l’indé-pendance du pays. Et ce, même siles résultats de la consultation res-tent plus qu’indécis. Le 24 mars2016 sera donc consacré «jour de

l’indépendance», a annoncé AlexSalmond, alors qu’il présentait hierson «livre blanc», un plaidoyer de670 pages en faveur d’une scissiondu Royaume-Uni. Petit clin d’œilironique, la date du 24 mars corres-pond à l’Union des couronnes(Union of the Crowns), l’accessionde Jacques VI, roi d’Ecosse, au trôned’Angleterre, après la mort sanshéritier de la reine Elisabeth Ire. Cejour consacrait l’union des deuxroyaumes sous une même bannièreet préfigurait la création par deuxlois, en 1706 et 1707, de la Grande-Bretagne!Ce livre blanc en cinq parties et dixchapitres se veut donc le portraitexhaustif ou presque d’une Ecosseindépendante. «L’avenir de l’Ecosseest désormais entre les mains desEcossais», a expliqué avec emphaseAlex Salmond, lors d’une confé-rence de presse à Glasgow. LesEcossais sont en effet les seuls à êtreappelés à voter lors de ce référen-dum. Les plaisantins disent souventque si les Anglais avaient participéau scrutin, ils auraient à coup sûrvoté en faveur d’un départ desEcossais du Royaume-Uni.

En attendant, selon le dernier son-dage –et la plupart de ceux réalisésau cours des cinq dernièresannées – le «non» à l’indépen-dance reste toujours largement entête. Le sondage réalisé pour leSunday Times et publié dimanchedonnait ainsi 47% en faveur du nonet 38% en faveur du oui. Maisce sont les 15% d’indécis qu’AlexSalmond espère convaincre avecce livre blanc qui marque, de fait,le début de la campagne pour leréférendum.

HYDROCARBURES. L’Ecosse indé-pendante, déjà dotée d’universitésprestigieuses, se construirait sur lemodèle des pays scandinaves,dépendante de ses importantesressources naturelles d’hydrocar-bures mais aussi à la pointe desnouvelles technologies en matièreénergétique. Elle deviendraitun pays libre de tout arsenalnucléaire. Le programme Trident

d’armement nucléaire bri-tannique, exclusivementstationné en Ecosse, serait

démantelé immédiatement aprèsl’indépendance, promet Alex Sal-mond. Parallèlement, le nouvelEtat rejoindrait ou resterait au seinde l’Union européenne – l’inter-prétation des lois européennes res-tant encore un peu floue –, voireadhérerait à l’Otan. En revanche,pas question, au moins dans unpremier temps, d’abandonner la li-vre sterling pour rejoindre l’euro.Même la reine resterait chef del’Etat écossais, ce qui doit l’arran-ger, dans la mesure où son épouxest tout de même duc d’Edimbourget que sa résidence de vacancespréférée, le château de Balmoral, sedresse au milieu des landes écos-

saises, sur les rives de la rivièreDee. Pour Alex Salmond, 58 ans, ceréférendum sera l’aboutissementdu combat d’une vie. Il avait déjàparticipé aux négociations qui,en 1997, sous l’impulsion de TonyBlair, avaient conduit à la «dévolu-tion», un statut semi-autonomepour l’Ecosse, le pays de Galles etl’Irlande du Nord, dotés de Parle-ments élus. L’Ecosse dispose déjàde larges prérogatives en termesd’éducation (universités gratuites,contrairement au reste duroyaume), d’environnement, desanté et de justice. Mais, pour AlexSalmond, ce n’est pas suffisant.«Un oui au référendum signifiera quela plupart des décisions importantesconcernant notre économie et notresociété seront prises par les gens àqui l’Ecosse tient le plus à cœur», a-t-il martelé.

TOURNOI. Pour les partisans du«non», qui ne sont véritablemententrés en campagne qu’il y a quel-ques semaines, une partition duRoyaume-Uni serait une «folie».Du coup, les trois partis principauxdu pays, conservateur, libéral-dé-

mocrate et tra-vailliste, font frontcommun sur le su-jet. Il n’est pas excluqu’au cours desprochains moisle Premier ministre,

David Cameron, promette l’octroide quelques nouvelles prérogativesau Parlement écossais. Histoire decouper l’herbe sous le pied despartisans du «oui» et d’attirer lesindécis, inquiets de la perspectived’un grand saut dans l’inconnu.Le livre blanc sur l’indépendancen’a pourtant pas répondu à unequestion de taille. Que va-t-il arri-ver à la victoire en juin d’un joueurde tennis britannique au tournoi deWimbledon, pour la première foisen 77 ans? Andy Murray est écos-sais. Lorsqu’il perdait, il restait dé-finitivement écossais. Depuis savictoire à Wimbledon, il est résolu-ment britannique. Mais, en casd’indépendance, sa victoire de-viendra-t-elle alors uniquementécossaise ? •ParSONIADELESALLE­STOLPER

CorrespondanteàLondres

Les plaisantins disent que si lesAnglais avaient participé au scrutin,ils auraient voté pour le départ desEcossais du Royaume-Uni.

RÉCIT

Rassemblement d’Ecossais indépendantistes, à Edimbourg, le 21 septembre. PHOTO ANDY BUCHANAN. AFP

REPÈRES

Sources : Eurostat - ONS - chiffres 2012 / *2010

ÉCOSSEPopulationSuperficiePIB par habitantTaux de chômageTaux de féconditéPopulation de - de 16 ans

5,268 millions77 933 km2

26 500 euros*

7,9 %1,75*

17,2 %

Héb

rides

OcéanAtlantique Mer

duNord

Edimbourg

Glasgow

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Nes

s

50 km

LIBÉRATION MERCREDI 27 NOVEMBRE 20138 • MONDE

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Michel Djotodia, le président centrafricain, à Bangui, hier. PHOTO JOE PENNEY.REUTERS

C ette fois, ça y est, lecompte à rebours estenclenché : après une

montée crescendo depuisseptembre ponctuée de crisd’alarme sur la détériorationde la situation en Centrafri-que, la France est désormaisclairement sur le pied deguerre. Près d’un millierd’hommes devraient êtreenvoyés d’ici à la mi-décem-bre dans ce pays enclavé aucœur de l’Afrique avec pourmission d’aider à enrayer lechaos en cours. «Nous le fe-rons en appui [de la force afri-caine de 3 600 hommes, envoie de constitution, ndlr] etnon pas en entrée en premiercomme nous avons pu le faireau Mali», a précisé hier leministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, qui évoque«une période brève, de l’ordrede six mois» pour cette nou-velle opération en terre afri-caine, en moins d’un an.Contingent. La Centrafri-que est certes un terrainconnu : la France y a fait etdéfait les régimes en placependant des décennies et ilsubsiste encore sur place uncontingent d’un peu plusde 400 soldats français. Lesrenforts, qui seront envoyésd’ici à la mi-décembre, se-ront sans doute chargés desécuriser la capitale, puis lesdeux principaux axes rou-tiers au sud, qui mènent versles pays voisins et qui ont étél’objet de nombreuses atta-ques ces derniers mois.Après? Les troupes françai-ses s’aventureront-elles dans

les profondeurs incontrôléesde ce vaste pays, grandcomme deux fois la France?En dehors de Bangui, se dé-ploie un gigantesqueFar West, depuis plusieursannées abandonné par l’Etatet soumis à divers groupesarmés. L’agenda sera plusprécis la semaine prochaine,après l’adoption de la résolu-tion déposée lundi soir par laFrance devant le Conseil desécurité de l’ONU.

Mais d’ores et déjà une ques-tion s’impose : qui est l’en-nemi? Les forces rebelles del’ex-Seleka qui ont pris lepouvoir en mars à Banguidans un joyeux désordre ?Officiellement dissous de-puis septembre, ces groupesarmés hétéroclites sont diffi-ciles à cerner. Les troupesont grossi au fur et à mesurede la conquête du pays dedécembre à mars et les re-belles de la dernière heuren’ont pas été les derniers àpiller la population. «L’an-cien président Bozizé [renversépar la Seleka] a distribué desarmes avant de fuir Bangui.La ville est surarmée et lesbandits en profitent», seplaint un proche conseillerde Michel Djotodia, l’actuelprésident de transition, quirappelle que le magistrat as-sassiné le 17 novembre «ne

l’a pas été pour des raisonspolitiques mais parce que sesagresseurs voulaient voler savoiture». Et d’ajouter : «Ci-tez-moi un nom d’opposantattaqué, intimidé, ou empri-sonné !» En réalité, les auto-rités actuelles ne voient pasforcément d’un mauvais œilune intervention africaine etfrançaise mais elles se mé-fient, redoutant de se retrou-ver écartelées à la faveur decette opération militaro-hu-

manitaire. Certai-nes déclarationspeuvent le laisserpenser: «les auto-rités de transitionseront rempla-cées», a ainsi tenu

à souligner hier le ministrede la Défense.Caisses vides. Le présidentMichel Djotodia n’estd’ailleurs pas invité au som-met sur la paix et la sécuritéorganisé à Paris le 6 et 7 dé-cembre où seul est convié lePremier ministre, déjà enplace sous Bozizé. «Alorsqu’on y invite de grands démo-crates comme le TchadienIdriss Déby ou le CongolaisSassou-Nguesso», souffle leconseiller de Djotodia, unpeu amer. Certes, le nouveaupouvoir n’a pas fait la preuveen neuf mois de sa capacité àmaîtriser la situation. Maisdans un pays exsangue, auxcaisses vides, la hiérarchiedes priorités fixées par les fu-turs sauveurs de la Centrafri-que sera déterminante pourla suite des événements.

MARIA MALAGARDIS

«Bangui, la capitale, estsurarmée et les banditsen profitent.»Un conseiller du président Djotodia

LaCentrafriqueattendlestroupesfrançaisesINTERVENTION Paris va envoyer 1000 soldats d’ici àla mi-décembre dans un pays en proie aux milices.

Juan Orlando Hernandez, le candidat de droite à la prési­dentielle du Honduras, a été déclaré vainqueur d’un scru­tin contesté. Depuis dimanche, Hernandez et sa rivale degauche, Xiomara Castro –femme de l’ancien présidentManuel Zelaya, renversé par un coup d’Etat militaireen 2009–, proclament tous les deux leur victoire. Lundisoir, le Tribunal électoral suprême a déclaré «irréversible»la victoire du candidat de droite (au pouvoir), obtenant34,08% des suffrages contre 28,92% pour Xiomara Castroaprès le dépouillement de 67% des bulletins. L’oppositionrefuse de reconnaître ces résultats et invoque une «séried’irrégularités». Petit pays pauvre aux institutions fragiles,le Honduras concentre le plus fort taux d’homicides aumonde (85,5 pour 100000 habitants en 2012). PHOTO AP

HONDURAS: LE CANDIDAT HERNANDEZVAINQUEUR D’UN SCRUTIN CONTESTÉ

LES GENS

Thaïlande Bangkok étranglé par ses contradictions.Analyse.

• SUR LIBERATION.FR

Un monastère du Ve siècleen ruines à Istanbul varedevenir une mosquéeaprès des travaux de réno­vation, selon des informa­tions publiées hier dansla presse turque. Fondéen 462, le monastère duStoudion était dédié àSaint Jean­Baptiste. L’édi­fice, converti en mosquéeen 1453 après la conquêteottomane, est ensuitetombé à l’abandon à lasuite de tremblements deterre. L’annonce de cetterénovation intervient alorsqu’un projet de conversionde la célèbre basiliqueSainte­Sophie en lieu deculte musulman fait actuel­lement polémique. Il y adix jours, le porte­paroledu gouvernement islamo­conservateur Bülent Arinçavait dit espérer que cetteconversion se réalise.Ces déclarations intervien­nent dans un contextetendu où l’AKP, le partiau pouvoir, est accusé devouloir islamiser le pays.

UN MONASTÈRETURC CONVERTIEN MOSQUÉE

L’HISTOIRE

LIBÉRATION MERCREDI 27 NOVEMBRE 2013 MONDEXPRESSO • 9

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Des modules de lancement terrestre Aster 30 de l’escadron de défense sol­air Tursan, basé à Mont­de­Marsan, lors de la préparation du défilé militaire du 14 juillet, à Paris. PHOTO MARC CHAUMEIL

Loideprogrammationmilitaire: l’arméeverslarationcongrue

Le texte spécifiantles moyens alloués àla grande muettepour la période2014-2019 estexaminé àl’Assemblée. Ilprévoit la suppressionde 24000 postes.

Par ALAIN AUFFRAYet THOMAS HOFNUNG

L es députés ont entamé, hier, l’exa-men du projet de loi relatif à la loi deprogrammation militaire (LPM) pourla période 2014-2019. Suscitant l’in-

quiétude dans les milieux militaires et sé-vèrement critiqué par la droite, ce texte tra-duit sur le plan budgétaire les orientationsstratégiques du livre blanc de 2012.

QUEL MODÈLE POUR L’ARMÉEÀ L’HORIZON 2020 ?Autonomies stratégique et financière sont lesdeux faces d’une même médaille, celle de lasouveraineté nationale: tel est le credo dé-fendu par l’exécutif. Après la définition desmenaces et des priorités stratégiques de laFrance dans un nouveau livre blanc, concoctél’an dernier, Paris le met en musique à traversune nouvelle loi de programmation militaire(LPM) placée sous forte contrainte financière.Par souci d’économies, la prochaine LPMpoursuit la réduction des effectifs. La précé-dente avait acté la disparition de 54000 pos-tes (10000 restent encore à supprimer), cel-le-ci en prévoit encore 24000. Malgré cettedéflation continue, la France disposeraen 2020 de 242 000 personnels, dont187 000 militaires. Soit la «première arméed’Europe», assurait hier au Figaro le ministrede la Défense, Jean-Yves Le Drian.Ce nouveau «plan social», selon les termesd’un bon connaisseur des milieux militaires,n’en suscite pas moins de fortes inquiétudes,principalement au sein de l’armée de terre,qui va devoir encaisser après les municipalesla dissolution de nouveaux régiments, aprèscelle, déjà annoncée, du 4e régiment de dra-gons de Carpiagne, près de Marseille. Tout enmaintenant les missions principales de l’ar-mée (protection du territoire, capacité deprojection et dissuasion), la LPM revoit à labaisse le «contrat opérationnel» : au lieu de30000 hommes jusqu’ici, l’armée devra pou-voir projeter 15000 soldats en opérations ex-térieures. Mais, insiste le ministère, lesgrands programmes d’équipement (avionsravitailleurs, avions de transport et frégatesmultimission) sont maintenus. Et l’accent estmis sur le renseignement, la cyberdéfense etl’augmentation des effectifs des forces spé-ciales pour faire face aux nouvelles menaces.Au finale: une armée moins nombreuse, maisdotée de moyens technologiques plus moder-nes. Mais pour quelles missions? «On pourrarefaire le Mali, mais de moins en moins peser loinde chez nous, comme en Afghanistan», résumeune source proche du dossier.

QUELLES GARANTIES FINANCIÈRES POURL’APPLICATION DE LA FUTURE LPM ?Jean-Yves Le Drian assure qu’elle préserverala «cohérence» de l’outil militaire en étantintégralement appliquée. Ce qui n’a pas étéle cas sous les mandatures pré-cédentes, provoquant des re-tards à répétition dans la livrai-son des matériels attendus impatiemmentpar les forces armées. Arrachée de haute lutteface à Bercy, la sanctuarisation du budget dé-fense pour les deux ans à venir –à 31,4 mil-liards d’euros, soit 1,5% du PIB –, suiviethéoriquement par une légère hausse à partir

de 2016, permettrait de tenir cet objectif.Mais la prudence reste de mise. La futureLPM prévoit un «effort de défense» chiffréà 190 milliards d’euros sur cinq ans, dont6 milliards de recettes dites «exceptionnel-

les», liées à la vente de biens im-mobiliers, de fréquences hert-ziennes aux opérateurs de

téléphonie mobile et, vraisemblablement, àla cession de capitaux d’entreprises publi-ques. Par ailleurs, l’application dans son in-tégralité de la LPM reposera sur l’exportationde matériels permettant de prendre le relaisde la commande publique. C’est le cas du Ra-

fale qui, jusqu’ici, n’a jamais trouvé preneurà l’étranger. Jean-Yves Le Drian se dit per-suadé que les contrats en cours de finalisa-tion, notamment avec l’Inde, permettront derelever ce défi à partir de 2016. Tout en re-connaissant, dans la Tribune, que «si une bri-que est absente, c’est l’ensemble de l’édifice quitombe». La bagarre avec Bercy ne fait quecommencer.

SUR QUELS POINTS PORTENTLES CRITIQUES DE LA DROITE ?Pour l’opposition, l’heure est si grave quec’est l’ex-Premier ministre François Fillon

DÉCRYPTAGE

LIBÉRATION MERCREDI 27 NOVEMBRE 201310 • FRANCE

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Des modules de lancement terrestre Aster 30 de l’escadron de défense sol­air Tursan, basé à Mont­de­Marsan, lors de la préparation du défilé militaire du 14 juillet, à Paris. PHOTO MARC CHAUMEIL

qui devait défendre hier la motion de rejetpréalable contre ce texte. Selon lui, il plonge-rait la France dans le «déclassement» straté-gique. En sacrifiant la défense, le gouverne-ment aurait cédé à la facilité : «La rigueurbudgétaire ne porte en définitive que sur ceuxdont on est assuré qu’ils ne s’en plaindrontpas», assure Fillon, soulignant que le gouver-nement débauche 34000 soldats alors qu’ilrecrute 60000 enseignants. Non content des’en prendre à ceux qui «ne démolissent aucunportique et ne discutent aucun ordre», le Pre-mier ministre socialiste est accusé de n’avoirpas le courage d’assumer ses décisions en ca-chant sa copie avant les municipales.A l’inverse, Fillon estime qu’il avait, lui, jouécarte sur table en précisant quelles unités de-vaient disparaître dans le cadre de la révisiongénérale des politiques publiques. En sabrantdans l’équipement conventionnel, le gouver-nement socialiste porterait atteinte à la cré-dibilité de l’outil militaire, notamment con-cernant la capacité à conduire des«opérations extérieures». Et Fillon de cons-tater qu’en 2014, les dépenses militairesfrançaises seront inférieures à celles d’outre-Rhin. Il y aurait «danger», selon lui, de voirse défaire «tout l’équilibre de l’après-guerre,où le rôle politique et militaire de la France con-trebalançait la puissance économique de l’Alle-magne». Etrange argument à l’heure où cer-tains dirigeants de l’UMP plaident, aprèscinquante ans d’amitié franco-allemande,pour une fédération entre les deux pays. •Lire aussi en page 21 (rubrique Rebonds).

Le système Louvois, truffé de bugs, a nourri la grognedes militaires ces dernières années. Il sera remplacé.

Le logiciel de paierenvoyé dans ses foyers«U n désastre», «une

catastrophe» : celafait des mois que le

ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, dénonce lafaillite du système informa-tisé de versement des soldesmilitaires baptisé Louvois(Logiciel unique à vocationinterarmées de la solde). De-puis sa mise en place en 2011,ce logiciel fou provoque desbugs en cascade. «Un vérita-ble scandale, confient enprivé des officiers. Dansn’importe quelle autre admi-nistration, cela aurait été la ré-volution !» Mais pas dans la«grande muette», statutoblige. Durant la campagneprésidentielle de 2012, lesépouses de militaires dé-ployés sur le front en Afgha-nistan avaient toutefois ma-nifesté publiquement leurcolère. Un geste inédit.Sisyphe. Après avoir de-mandé un audit interne, leministre a tranché, annon-çant hier sur Europe 1l’abandon de ce système.Une décision de principe, carLouvois va continuer de sévirpendant des mois, le tempsqu’un dispositif alternatifpuisse être mis en service.Dans l’intervalle, les centai-nes de «soldiers» embau-chés par le ministère de laDéfense pour corriger aujour le jour les dysfonction-

nements générés par Lou-vois, vont devoir continuerleur labeur de Sisyphe. Leministère de la Défense nefournit pas d’estimation pré-cise, mais la facture de cefiasco se montera à plusieursmillions d’euros.A qui la faute? Dans un soucide loyauté républicaine,Jean-Yves Le Drian se refuseà désigner les responsables.Peut-être, aussi, parce quece «désastre» résulte d’unesérie d’erreurs à différentséchelons. Certains observa-teurs ont pointé la sociétéde services informatiquesSteria, par ailleurs membre

du groupement Ecomouv,chargé de collecter l’écotaxe.Interrogée par l’AFP, celle-cirétorque qu’elle n’a pas «dé-veloppé le calculateur de soldesqui fait problème».«La responsabilité appartientau ministère de la Défense»,reconnaît-on dans l’entou-rage de Jean-Yves Le Drian.Le système Louvois a étéd’abord conçu en interne.«Cet échec illustre la mauvaisegouvernance, en l’espèce auniveau du département des

ressources humaines, qui étaitcelle du ministère avant l’al-ternance», assure ce respon-sable. Jadis répartie entre leministère et l’état-major, lagestion des «RH» a depuisété regroupée sous l’égide dupremier.Moratoire. Aux erreurs deconception informatiques’est ajoutée une prise de dé-cision politique hâtive sous leprécédent quinquennat.Louvois a été étendu pro-gressivement de la marine àl’armée de terre, alors qu’iln’avait pas fait ses preuves.Arrivé aux affaires, Le Drianavait décrété un moratoire

sur son exten-sion à l’arméede l’air.L’annonce hierde son aban-don n’est sansdoute pas for-

tuite. Elle coïncide avec ledébut à l’Assemblée de l’exa-men de la loi de programma-tion militaire pour la période2014-2019 (lire ci-contre).Or les problèmes liés au paie-ment des soldes ont aiguisé lemalaise du monde militaire,confronté à des baisses decrédits et des suppressions depostes à répétition. Le minis-tre détaillera début décembreson plan de rechange devantles militaires.

T.H.

«Dans n’importe quelle autreadministration, cela aurait étéla révolution!»Un officier

L’augmentation des effectifs desforces spéciales d’un millierd’hommes et des moyens accruspour la cyberdéfense et le rensei­gnement sont notamment prévusdans la loi de programmation mili­taire (LPM) pour 2014­2019.Un programme d’acquisitionde 12 drones de fabrication améri­caine, dont manque cruellementl’armée française, est notammentinclus.

REPÈRES

«La France a et garderaen 2020 la premièrearmée d’Europe, ycompris en effectifs. […]La programmationmilitaire est équilibrée,ambitieuse et rigoureuse.La France doit être aurendez-vous des menacesde demain et disposerde l’armée capable d’yfaire face.»Jean­Yves Le Drian ministre de laDéfense, hier dans le Figaro

187000c’est, selon le ministère de laDéfense, le nombre de militairesque comptera l’armée en 2019,alors que 34000 postes doiventêtre supprimés d’ici là. Le nombrede personnels de défense sera autotal de 242000 personnes aumême horizon.

«La loi qui nous estsoumise dégrade,de manière inconnuejusqu’alors, la situation dela défense. […] Ce projetde loi […] accompagne ledéclin militaire de laFrance d’une séried’arbitrages mal pensés.»

François Fillonhier à l’Assemblée nationale

31,4milliards d’euros, c’est le mon­tant du budget de la défense quele gouvernement s’est engagé à«sanctuariser» pour les deuxannées qui viennent.

EXEMPLE / Format: 122x111 - quadri

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Projet15:Mise en page 1 26/11/13 15:50 Page1

LIBÉRATION MERCREDI 27 NOVEMBRE 2013 FRANCE • 11

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«Si on me confie cette tâche, je mèneraicette campagne et le but est de passerévidemment en tête de la gauche. […]Mme Le Pen peut passer en tête de la droite.Vous allez laisser la droite se faire dominerpar l’extrême droite, […] et nous pendantce temps-là, à gauche, on irait suivre lecortège plan-plan de Ayrault et Hollande[…] qui nous entraînent eux aussivers la droite?»Jean­Luc Mélenchon coprésident du Parti de gaucheet eurodéputé, évoquant hier dans #DirectPolitiqueles européennes de mai 2014

29%d’opinions favorables, c’est la cote de popularité deFrançois Hollande en novembre, selon un sondage BVApublié hier, soit trois points de hausse en un mois (son­dage BVA pour Orange, l’Express, la presse régionale etFrance Inter, réalisé par Internet les 21 et 22 novembreauprès d’un échantillon de 1113 personnes représentatifde la population française âgée de 18 ans au moins selonla méthode des quotas).

L’ annonce de Domini-que Voynet, la maireécologiste de Mon-

treuil, qu’elle ne brigueraitpas un second mandat –ré-vélée hier dans Libération– adonné lieu à de vifs échangeshier à gauche. «On est en po-litique pour servir, pas pouravoir des états d’âme», aépinglé Ségolène Royal. Unedéclaration jugée «indé-cente» par l’encore secrétairenational d’Europe Ecologie-les Verts, Pascal Durand :«Dominique Voynet a toujoursdémontré son courage.»Localement, cette décisionrebat les cartes. En 2008,Mouna Viprey avait été ex-clue du PS pour avoir co-animé avec Dominique Voy-net la liste regroupant desécologistes, des associatifs etdes socialistes dissidents,victorieuse contre le mairesortant, Jean-Pierre Brard(apparenté PCF ). Avant dequitter la majorité munici-pale avec fracas deux ansplus tard. Elle est cette fois àla tête de la liste divers gau-che «Elire Montreuil».Avez-vous été surprise queVoynet jette l’éponge?C’est une hypothèse qu’onavait évoquée. On savaitqu’il y avait plusieurs sonda-ges qui la donnaient archi-battue. En même temps,c’est une femme politiqued’envergure qui a été minis-tre, une battante. Elle nepeut pas nous dire qu’elledécouvre la dureté de la viepolitique. Elle a juste fui ladéfaite annoncée.

Pourquoi la greffe n’a-t-ellepas pris?Son bilan est en cause. Plussur la forme que sur cequ’elle a fait. Elle a massacrésa majorité. On aurait pudéfendre des projets ensem-ble. Lorsque nous avions desdivergences, elle pensaitque c’était pour lui nuire.Elle nous a donc dégagés.Plus grave que nos bisbilles,elle n’a pas su gagner laconfiance des Montreuillois.Elle s’est montrée autoritaire,dogmatique, cassante. Dansles conseils de quartiers,toute personne qui ne faisaitpas allégeance était systéma-tiquement taxée de brardiste.Elle avait pourtant de l’or en-tre les mains. Mais elle a finipar dégrader son pactole enfédérant contre elle et se re-trouve toute nue. Quel gâ-chis ! Je prends acte de sonretrait, mais je conteste lesraisons qu’elle invoque.Il y a eu l’affaire du Mélièsavec la plainte de la mairiecontre le directeur de ce ci-néma pour «détournementde fonds publics»…Sur le Méliès, Voynet s’esttiré dix balles dans le pied.Au lieu de mettre en valeurce bijou, elle a tout cassé,porté l’affaire en justice etlicencié. Et s’est mis toutle monde culturel à dos.500 personnes ont manifestésous la neige devant la mairieen décembre, elle n’est pasdescendue.Paradoxalement, son retraitne va-t-il pas remettre enselle Jean-Pierre Brard,

qu’elle désigne comme lecandidat le plus redoutable?J’ai du mal à penser qu’elles’est retirée pour laisser lavoie libre à Brard. Ce qui estsûr, c’est qu’elle a redonnédu souffle à Brard en s’enfer-mant dans un match contrelui. Mais elle l’avait battu. Etses propres troupes ne veu-lent plus de lui.Comment comptez-vous tirervotre épingle du jeu?A Montreuil, la bataille ne sefait qu’à gauche. C’était uneconcurrente dotée de laprime au sortant. Mais celane change rien à nos engage-ments. Ma candidature re-groupe des gens venus dedifférents partis: moi du PS,d’autres du Front de gauche,des syndicalistes et des res-ponsables associatifs recon-nus à Montreuil. «Elire Mon-treuil», ce n’est pas juste55 noms, chaque personne aun bagage crédible.A Montreuil, la gauche est di-visée. Le député Razzy Ham-madi, soutenu par ClaudeBartolone, a-t-il une chance?Pour l’instant, il n’est quecandidat à la candidature. Macandidature est celle qui a lemoins d’adversaires. Depuishier, je n’ai que des amis.

Recueilli parMATTHIEU ÉCOIFFIER

«Voynetajustefuiladéfaiteannoncée»

MUNICIPALES Déçue par la maire de Montreuil,Mouna Viprey prend la tête de la liste divers gauche.

«Cette fille aurait dû voler des mobylettes dans la ban­lieue de Chalon.» Visant Rachida Dati, ces propos deGeoffroy Didier, chef de file de la Droite forte, rapportésdans Rachida ne meurt jamais (Ed. du Moment), ontulcéré l’eurodéputée. Jugeant hier sur LCP que «cettephrase n’est pas un dérapage» et s’apparente à «duracisme», «une infraction pénale», elle a ajouté: «Dès lorsqu’on laisse faire, ça veut dire qu’on banalise. La banalisa­tion ne vient pas des Français, elle vient de cette élitepolitique qui ne supporte pas que certains ou certainespuissent accéder à des responsabilités.» Et de souligner:«Moi, je cumule beaucoup de handicaps de ce point devue­là.» Sur Twitter, l’accusé Didier a gazouillé: «Stop àl’intox: je n’ai jamais tenu ces propos rapportés surRachida#Dati. Ni d’ailleurs sur personne d’autre.»

RACHIDA DATI ACCUSE GEOFFROYDIDIER (UMP) DE «RACISME»

L’HISTOIRE

En 2008, Mouna Viprey (à droite) avait co­animé la liste de Voynet (à gauche). PHOTO L. TROUDE

Invité de l’émission Mardi Politique sur Radio France Inter­nationale (RFI) –en partenariat avec Libération et l’AFP–,le président de l’UMP, Jean­François Copé, a maintenuque son parti n’apporterait pas son soutien à FrançoisBayrou, candidat aux élections municipales à Pau. C’estselon lui une affaire de «cohérence» vis­à­vis du présidentdu Modem, qui «a contribué à l’élection de François Hol­lande». Le député­maire de Meaux a par ailleurs estiméqu’une vague bleue est possible aux municipales en dépitde sondages peu encourageants pour sa formation. Alorsque le chantier de la réforme fiscale est lancé, Jean­Fran­çois Copé a déclaré que «le seul sujet est la baisse de ladépense publique». Pour faire des économies, il a notam­ment préconisé d’en finir avec les 35 heures ou de fusion­ner les régions et les départements. PHOTO REUTERSRetrouvez les principaux extraits de l’émission «Mardi politique»sur notre site www.liberation.fr

COPÉ NE SOUTIENDRAPAS BAYROU POURLA MAIRIE DE PAU

L’INVITÉ DE «MARDI POLITIQUE»CHAQUE SEMAINE À 19H10 SUR RFI, AVEC L’AFP ET «LIBÉRATION»

Reportage vidéo DesMontreuillois réagissentà l’annonce de Voynet.

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Le CarnetEmilie Rigaudias

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CARNET

DécèS

Martine, son épouse,les familles

Creignou et Azoulaiainsi que ses amis

ont l'immense tristesse devous faire part du décès de

Michel Creignou,Journaliste

le 23 novembre à l'âgede 65 ans.

Les obsèques seront célébréesvendredi 29 novembre à

14h30 à la chapelle de l'Est,au cimetière duPère Lachaise.

SouvenirS

ListonBorquezVega5 ans déjà

et ton absence est toujoursaussi insupportable

Gilles Loup Labrosse70 ans like a Rolling Stone

in Paradise.Louna & Anne

J­3

LIBÉRATION MERCREDI 27 NOVEMBRE 201312 • FRANCEXPRESSO

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Tribunal d’Evry, hier. Trois des accusés arrivent à l’audience. En tout, huit personnes sont jugées pour viols en réunion.

TournantesdeFontenay: lesaccusésvoulaientuneaudiencepubliqueHuit hommes comparaissent au procès en appel, accusés de viols collectifs commisentre 1999 et 2001. Nina, une des parties civiles, a demandé et obtenu le huis clos.

U ne année a passé, et touts’est inversé. Des accu-sés qui autrefois se ca-chaient, dissimulés sous

des écharpes ou des blousons, onvoit aujourd’hui pour certains levisage, on entend la parole. Desparties civiles qui disaient haut etclair leur souffrance, refusant la«honte» des victimes, on ne voit nin’entend plus rien. L’une est ab-sente. L’autre entre et sort par uneissue dérobée, encadrée par deuxpsys et réclame le huis clos. Ellel’obtiendra –il est «de droit» pourles victimes d’affaires de mœurs–et le procès en appel des viols col-lectifs de Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne), qui s’est ouvert hierdevant la cour d’assises d’Evry, sedéroulera donc, comme le premier,sans public ni presse.Huit hommes comparaissent jus-qu’au 13 décembre pour des «viols

en réunion» en-tre 1999 et 2001. Enpremière instance,

quatorze étaient jugés, et la couravait prononcé dix acquittementset quatre condamnations à des pei-nes allant de trois ans de sursis à unan ferme. Ce verdict, très en des-sous des réquisitions, et décon-necté des récits que les deux jeunesfemmes parties civiles avaient faitde leurs calvaires, avait provoquéune somme de réactions choquées.La ministre des Droits des femmes,Najat Vallaud-Belkacem, disait son«émotion», celle de la Santé, Mari-sol Touraine, son «malaise», tandisque des associations dénonçaientun «permis de violer». Et le parquetavait fini par faire appel.

«COURAGE». Que s’est-il passé,depuis, dans la vie de Nina etd’Aurélie, 30 ans? «Effondrée» par

le verdict qui acquittait les quatrehommes qu’elle dénonçait, Aurélieavait décidé qu’elle n’assisteraitpas à l’appel. «Puis, voyantl’audience approcher, elle avait ras-semblé son courage, s’était dit qu’elleviendrait au moins les premiers jours,raconter ce qu’elle a subi», expli-quent ses avocates, Clotilde Lepetitet Laure Heinich. Pour finalement,

hier matin, renoncer. «La peur.L’angoisse de revivre la violence desdébats de l’an dernier. Le besoin dese protéger.»Nina, elle, a toujours voulu cedeuxième procès. Mais elle a dé-cidé de demander le huis clos,«pour pouvoir s’exprimer librement,sans pression», dit son avocate,Isabelle Duruflé. Une positioncompréhensible pour une jeunefemme âgée de 16 ans à l’époquedes faits, et en état de grande fragi-lité depuis (elle a pris 70 kilos,

souffre de troubles dé-pressifs et du som-meil, et a été déclaréeen invalidité à 80%).Mais une position quidonne lieu à une scènecompliquée, au toutdébut, encore public,

du procès. A la barre, les avocats dela défense déclarent que leursclients, pourtant mineurs pour septd’entre eux au moment des faits,n’ont «rien à cacher», et «souhai-tent la présence de la presse pours’expliquer». L’un des accusés de-mande la parole: «Nous nous vou-lons que tout le monde sache ce quinous est reproché, et pourquoi ça ne

tient pas. La partie civile ne peut pass’exprimer dans tous les médiascomme elle l’a fait il y a un an et refu-ser qu’ils soient là aujourd’hui pournous écouter aussi.»Il y a un an, Nina avait confié à Li-bération ses souvenirs cauchemar-desques des viols et tortures subis.«Il y en avait qui me tenaient, il y en

avait qui rigolaient, il y en avait quiétaient là et ne faisaient rien.» Dix,quinze, parfois jusqu’à vingt gar-çons «faisant la queue» dans descaves, des cages d’escalier, pourfaire subir à Nina pénétrations ana-les, vaginales et fellations à lachaîne. Six mois durant, quasimenttous les jours.

Devant les policiers chargés del’enquête, les accusés s’étaient dé-noncés les uns les autres, donnantdes détails incriminants. Au pre-mier procès, ils se sont tous rétrac-tés. Niant avoir violé. Mais admet-tant, pour certains, des relations«consenties». Nina et Aurélie, a ex-pliqué l’un d’eux, étaient «les plusgrosses putes de Fontenay». C’est«volontairement» qu’elles «propo-saient» à des garçons inconnus unesodomie ou une fellation, et celajuste après avoir subi les pénétra-tions de dizaines d’autres.

PÈRES. Auditionnée 41 fois par lesenquêteurs, Nina, qui a dénoncé lesfaits en 2005, a donné toutes lesprécisions qu’elle a pu. Malgré cela,l’instruction, marquée par les erre-ments, a duré cinq longues années,et le parquet a pris encore deux anspour audiencer l’affaire. Entre-temps, la plupart des accusés ontbâti des vies de bons pères de fa-mille. Face à la souffrance des victi-mes si longtemps négligée, face à lavie reconstruite des accusés, leprocès d’Evry interroge sur le sensd’une réponse pénale treize ansaprès les faits. •

Par ONDINE MILLOTPhoto MARC CHAUMEIL.DIVERGENCES

«L’angoisse de revivre la violencedes débats de l’an dernier.Le besoin de se protéger.»Les avocates d’Aurélie une des victimes, surles raisons de son absence au procès en appel

RÉCIT

REPÈRES

w 1999 C’est l’année des pre­miers viols collectifssubis par Nina et Aurélie,selon l’accusation.w 2005 Nina porte plainte, sui­vie par Aurélie.

w 2012 Premier procès:14 hommes sont jugésà Créteil.w 2013 Procès en appel: huithommes sont jugés devantla cour d’assises d’Evry.

«C’est impossible dedonner une bonneréponse judiciaire silongtemps après. Cetteaffaire, il fallait s’enpréoccuper à temps.»Clotilde Lepetit et LaureHeinich avocates d’Aurélie

18C’était le nombre d’accusésinitialement retenu par l’ins­truction. Un s’est suicidé, un afui, trois ont été jugés devantd’autres tribunaux.

LIBÉRATION MERCREDI 27 NOVEMBRE 2013 FRANCE • 13

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Entrée du campus de l’école de commerce à Croix, dans la banlieue de Lille. Depuis 1998, le bizutage est considéré comme un délit.

Unbizutagequinefaitpaslesaffairesdel’Edhec

Elève de l’école decommerce lilloise,Stéphane a étégrièvement blessédurant le ritueld’intégrationd’une associationd’étudiants.Une informationjudiciaire a étéouverte.

L a soirée d’intégration s’estsoldée par trois vertèbrescassées, un traumatismecrânien, une hémorragie

interne et un pied multifracturé quile handicapera à vie: Stéphane(1),déjà opéré trois fois pour des greffesosseuses, n’est pas prêt de repren-dre ses cours de première année àl’Edhec, la très cotée école de com-merce lilloise. Une information ju-diciaire vient d’être ouverte pour«bizutage», un délit depuis 1998.Des élèves de deuxième année l’ontforcé à boire un mélange de pastis,whisky et vodka, avant de le laissercuver dans une chambre quand lesautres sont partis en boîte de nuit.Il a été retrouvé dans la cour de lamaison où s’est passée la fête, vers5 heures du matin, «debout, se te-nant appuyé», insiste Jules Bloch,président de l’association étudianteorganisatrice de la fiesta, la Course-croisière de l’Edhec. «On ne s’estpas rendu compte de la gravité desblessures.» Il n’était pas présent aumoment des faits : «C’est un déra-page des deuxièmes années du pôlelogistique.» Un cas isolé, sur fondde grosse bringue : l’Edhec faitcorps avec cette interprétation desfaits. Bizutage ? Jamaisentendu parler. Le pro-cureur adjoint de la Ré-publique de Lille, Bruno Dieu-donné, n’est guère convaincu: «Apriori, c’est une habitude. L’école aessayé de cadrer [les rituels d’ac-cueil des nouveaux étudiants, ndlr]avec une charte interdisant ces pra-tiques, que les associations étudiantesont signée.»

VITRINE. Devant le campus, un parcde 8,5 hectares à Croix, les élèvesretiennent surtout les conséquencesde cette affaire: la direction a an-nulé toutes les manifestations orga-nisées par les associations étudian-tes, jusqu’à nouvel ordre. Peu decompassion pour Stéphane: «Il étaitmajeur, il pouvait poser ses limites»,déclare Louis, un des étudiants ducampus. «La grosse erreur est del’avoir laissé tout seul.» Pas del’avoir enivré et humilié, des faitsreconnus par les participants.Le scénario de la soirée montre uneorganisation rodée. Elle devait êtrele clou de la sélection des 25 nou-veaux entrants, sur 100 candidats.

«C’était capital pour Stéphane»,confie sa mère, Isabelle. «L’associa-tion la Course-croisière de l’Edhec estextrêmement prestigieuse, la plus an-cienne avec quarante-cinq ansd’existence. Elle est la vitrine de

l’école.» Et sur le CV,l’expérience se remar-que. Il s’agit d’organiser

le premier événement étudianteuropéen, 3 000 participants surune semaine, avec un budget de1,9 million d’euros, et une foule de

sponsors. Alors, n’y entre pas quiveut: les rounds d’entretiens durentun mois, toujours la nuit, toujoursdans un bar. Stéphane en passeratreize. Jeudi 17 octobre, le mailtombe enfin dans la boîte aux let-tres des heureux élus: rendez-vousest donné dans un parc, à 19 heures.Ils y poireautent deux heures avantd’être pris en charge par les an-ciens. On les entraîne dans la caved’une maison, où à la lumière d’unebougie ils découvrent leur affecta-tion. Stéphane ne travaillera pas aupôle sportif, ni à la communication,

il est recruté à la logistique. Lesneuf bleusailles de son pôle sontchargées d’aller acheter de l’alcool.Dans la liste des courses se trouventaussi du ruban adhésif et des bou-teilles d’eau minérale de 50cl. Ellessont vidées, remplies d’un tiers dewhisky, un tiers de pastis, un tiersde vodka, et scotchées au poignetdes nouveaux. Ils sont priés deboire, avec petites tapes derrière latête s’ils ne s’exécutent pas, tout encuisinant pour les deuxièmes an-

nées. «On leur a balancéquelques-uns des croque-monsieur à la figure, sousprétexte qu’ils étaient im-mangeables», note BrunoDieudonné. Ils ont dûmanger les restes, puisbaisser leur pantalon, se

mettre en cercle, et finir le reste dumix d’alcool pur. Après? Stéphaneperd conscience.Ce sont des cris dans la nuit qui ontalerté les voisins. Ils ont entrevuune ombre dans la cour d’en face,ont appelé les locataires de la mai-son. Deux étudiants à jeun étaientchargés de surveiller Stéphane.«Mais ils se sont endormis entre3 heures et 4 heures du matin», indi-que Jules Bloch. Ce qui s’est passé?On l’ignore encore. Les lésions in-diquent une chute d’une hauteurd’au moins cinq mètres. Stéphane

ne se souvient de rien, il n’a émergéqu’à l’hôpital. Ce qui a le plus cho-qué la famille, c’est la volontéd’étouffer l’affaire: mails envoyésaux participants, minimisation desfaits. La première version évoqueune soirée privée trop alcoolisée,car il ne faut pas mouiller l’associa-tion, qui vit de ses sponsors.

CLUB FERMÉ. Sur le Web, la com-munauté étudiante n’est pas tendreavec les «blousons rouges» de l’Ed-hec : c’est la parka emblématiquequ’on ne reçoit qu’après un an dansl’association, un rituel, encore un.Les courseux ne la quittent jamais.Une jeune fille, à la sortie de l’Ed-hec, glisse qu’ils «sont méprisants»,fiers d’appartenir à ce club fermé,«une élite». Le reproche tourne enboucle. Un ancien patron d’un barqu’ils fréquentaient les décritcomme les pires, «avec un manquede respect total». «Ils claquent desdoigts pour commander, t’appellentmon brave.» L’alcool coule à flots,le but du jeu étant d’être soûl leplus tôt possible. Il hausse les sour-cils : «On leur a demandé pendantdes années de réussir, réussir, réus-sir. Et là, ils se retrouvent seuls, avecleur appart, et ils se lâchent.» Sanstoujours se rendre compte de laportée de leurs actes. •(1) Le prénom a été modifié.

Par STÉPHANIE MAURICECorrespondante à LillePhoto AIMÉE THIRION

«Il était majeur, il pouvaitposer ses limites.»Louis étudiant de l’Edhec, au sujet de lavictime, dont les lésions indiquent une chuted’une hauteur d’au moins cinq mètres

REPORTAGE

Ce n’est pas la premièreaffaire de bizutage à Lille:l’an dernier, lors de la jour­née d’intégration à la fac demédecine, un jeu par équi­pes a dérapé: celle quil’emportait pouvait sedéfouler sur le chef del’équipe adverse. Un étu­diant a été agressé sexuel­lement devant 80 témoins.

REPÈRES

«Je tiens àcondamner […]ces comportementsindignes […] etadresse mon soutienau jeune étudiant.»Geneviève Fioraso ministrede l’Enseignement supérieur

6000étudiants fréquententl’Edhec business school.Le coût total de la scolarités’élève à 38000 euros.

LIBÉRATION MERCREDI 27 NOVEMBRE 201314 • FRANCE

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ÉDUCATION Le ministre a lancé, hier, un plan d’actioncontre le harcèlement dont certains élèves sont victimes.

VincentPeillonciblelacyberviolenceàl’école

D u vol de goûter au rac-ket et aux violencessexuelles, en passant

par les moqueries, les mena-ces et les insultes parce quel’on est trop gros, trop petit,qu’on a l’air intello avec seslunettes… Entre 6 et 7% des

élèves français sont victimesde harcèlement. Pour luttercontre ce phénomène encoresouvent tabou, le ministre del’Education Vincent Peillona lancé hier un «plan d’ac-tion», ciblant notamment lacyberviolence en plein essor.«Il faut briser la loi du silence,faire en sorte que ceux qui sontvictimes mais aussi ceux quisont témoins aient la possibilitéde parler», a déclaré le mi-nistre. Il a présenté une sériede mesures, dont une cam-pagne télé, des dessins ani-més pour sensibiliser lesécoliers, un plan de forma-tion des personnels et des

ressources en ligne donnantdes conseils aux élèves victi-mes, aux familles et aux té-moins (www.agircontrelehar-celementalecole.gouv.fr).Au passage, Peillon a rendu«hommage» à son prédéces-seur Luc Chatel, qui avaitlancé en 2012 une premièrecampagne. «Mais il manquaitla deuxième partie, c’est-à-dire les outils, les moyens deprise en charge, en particulierla formation» des personnels,a-t-il souligné.«Renfermé». Deux person-nalités ayant été, enfants,victimes de harcèlement té-moignent dans la campagne.«J’étais costaud, a expliquéla chanteuse Chimène Badiprésente à la conférence depresse, il y a plein d’enfantsqui ont un physique atypiquemais je faisais l’objet de jalou-sie en raison de ma forte per-sonnalité. Je suis là aujour-

d’hui pour dire que j’ai vécuces souffrances mais que ça nem’a pas empêchée de réalisermes rêves». «Je suis devenuplus renfermé, a expliqué deson côté le champion d’Eu-rope d’athlétisme Christo-phe Lemaitre, je n’en ai pasparlé par peur de renvoyerune image de quelqu’un defaible.»Texto. Le ministère publieaussi un guide de préventionsur la cyberviolence entreélèves, un phénomène quiconnaît «un essor considéra-ble», selon Eric Debarbieuxqui dirige, au ministère del’Education, la délégation

chargée de laprévention etde la lutte con-tre les violen-ces scolaires.En France,40% des élèvesdisent avoir été

victimes d’une agression oud’une méchanceté en ligne.Même si cela n’a pas lieu àl’école, «ce sont des élèves, çarelève de notre responsabilité»,a insisté Vincent Peillon.Les nouvelles technologiesamplifient le phénomène :propagation de rumeurs, pi-ratage de comptes, publica-tion de photos ou de vidéos…Le moyen le plus cité reste letexto pour un élève sur cinq,suivi d’appels téléphoniquesméchants, humiliants et dé-sagréables, de l’exclusiond’un groupe social en ligne etde problèmes sur un tchat.Ces violences peuvent avoirde sérieuses conséquenceschez les élèves – perte deconfiance, troubles psycho-logiques, dépression, voiresuicide – et pousser au dé-crochage scolaire.

VERONIQUE SOULÉ(avec AFP)

La femme recherchée après le décès d’une fillette àBerck­sur­Mer (Pas­de­Calais) est bien, d’après les exper­tises génétiques, la mère de cette enfant retrouvéemorte le 20 novembre sur la plage, a affirmé hier un chefd’enquête. Le parquet de Boulogne­sur­Mer a déjà révélé,lundi, que l’ADN prélevé dans la chambre d’hôtel deBerck, où la femme et le bébé ont séjourné une nuit, éta­blit qu’elles sont «de la même famille». La police judiciaire,qui a lancé un appel à témoins, n’a toujours pas identifiécette «femme de type africain âgée d’une trentained’années», filmée le 19 novembre par la vidéosurveillancegare du Nord à Paris, avec le bébé «au teint clair et auxyeux bleus» dans la poussette. «Une aberration géné­tique» pour un policier, à moins que le géniteur de cetenfant ne soit «blanc ou kabyle». La dame noire a été vuedans la même gare mercredi vers 13 heures «en directiondu RER B», seule, après la mort de son bébé «d’un anenviron», et habite sûrement «en Ile­de­France». Accidentou crime? Dans la seconde hypothèse, la PJ s’interrogesur ce voyage à Berck pour noyer sa petite. P.T.

L’ÉNIGME DE LA DAME NOIRE ET DUBÉBÉ BLOND DE BERCK, SA FILLE

L’HISTOIRE

«Il faut briser la loi du silence,faire en sorte que ceux quisont victimes aient lapossibilité de parler.»Vincent Peillon

122x163 Libe coin coin_Layout 6 25/11/13 12:33 Page1

La justice française ademandé l’extraditiond’Arcadi Gaydamak, arrêtéà Zurich la semaine der­nière et visé par un mandatd’arrêt européen dansl’affaire de l’Angolagate, aannoncé, hier, le parquetgénéral de Paris. L’hommed’affaires franco­israélien,en fuite lors de son procès,avait été condamné par lacour d’appel de Paris enavril 2011 à trois ans de pri­son et 375000 eurosd’amende pour fraude fis­cale et blanchiment dansl’affaire de vente d’armesvers l’Angola. Selon la télé­vision publique suisse RTS,l’arrestation de l’hommed’affaires en Suisse a étédemandée par le procu­reur genevois Dario Zani,dans le cadre d’une ins­truction pénale pour abusde confiance, et ArcadiGaydamak est désormaisdétenu à Genève. Hier soir,il a demandé sa libérationsous caution. La justicesuisse va statuer «dans lesprochains jours» sur cetterequête.PHOTO AFP

ANGOLAGATE :LA FRANCE VEUTL’EXTRADITIONDE GAYDAMAK

LES GENS

César, 23 ans, photographe assistantde Libération qui a été gravementblessé au thorax le 18 novembrepar les tirs imputés à AbdelhakimDekhar, s’est constitué partie civilehier auprès du juge Quentin Dandois,via les deux avocats du journal, Jean-Paul Lévy et Emmanuel Soussen.L’état de santé du jeune homme ayantreçu dans le dos une «balle à sanglier»

de type Brenneke, qui est ressortiesous son cœur, est jugé «satisfaisant»par les médecins de la Pitié-Salpê-trière. Arrêté mercredi dans un par-king des Hauts-de-Seine sur dénon-ciation de son ex-hébergeur, le tireurprésumé a invoqué «le droit au si-lence» durant sa garde à vue médica-lisée à l’Hôtel-Dieu à cause de sa ten-tative de suicide médicamenteuse.

Abdelhakim Dekhar a été mis en exa-men vendredi soir pour «triple tenta-tive d’assassinat» à Libération, BFMTVet la Défense, «enlèvement et sé-questration» d’un automobiliste à Pu-teaux. Il refuse, depuis, de s’alimen-ter, selon son avocat Rémi Lorrain, eta été transféré lundi à la maison d’ar-rêt de Fleury-Mérogis (Essonne).

PATRICIA TOURANCHEAU

A RETOUR SUR LE TIREUR DE «LIBÉRATION» DÉTENU À FLEURY­MÉROGIS

César, le photographe, partie civile

Diplômés étrangers«Il y a de nouveau unehausse des refusinjustifiés», interviewde la porte­parole du«collectif du 31 mai»,qui s’inquiète des dif­ficultés rencontréespar les diplômésétrangers souhaitanttravailler en France.

• SUR LIBÉ.FR

24 moisd’emprisonnement ont été requis, hier, par le procureurde Bobigny à l’encontre d’un Egyptien accusé d’avoiraccidentellement mis le feu à un immeuble à Pantin(Seine­Saint­Denis) causant la mort de six personnes. Aumatin du 28 septembre 2011, un violent incendie s’étaitpropagé dans un bâtiment appartenant à la municipalité,partiellement muré et promis à la démolition.

LIBÉRATION MERCREDI 27 NOVEMBRE 201316 • FRANCEXPRESSO

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Il fitpasserlapilule...Lucien Neuwirth est mortdans la nuit de lundi à mardi.En 1967, ce gaulliste féministeréussit à faire voter une loiautorisant la contraception orale.

«J’ ai tout entendu», avait-ilpudiquement résumé,quelques années aprèsavoir porté le combat

pour la légalisation de la pilule. Lesquolibets comme «fossoyeur de laFrance» ou «assassin d’enfants» neretentiront plus dans la mémoire deLucien Neuwirth. Dans la nuit delundi à mardi, ce gaulliste histo-rique, qui répondait au doux so-briquet de «Lulu la pilule», s’estéteint à 89 ans.Bien sûr, les hommages ont plu(le président de la République, lePlanning familial, la ministre de laSanté, celle des Droits des fem-mes…). Comment ne pas saluer un

homme qui libéra la sexualité desfemmes, jusque-là suspendues aurisque de grossesses non désirées?Comment ne pas faire chapeau basdevant les combats d’un humanistequi se bagarra encore à 71 ans pourfaire passer une loi ouvrant le droità des soins palliatifs? Comment nepas s’incliner devant un éternelboxeur, qui ressortit encore lesgants en 2000, à 76 ans, pour dé-fendre comme rapporteur la piluledu lendemain ? Ce qui lui valut denouvelles salves d’insultes qu’ilpréféra vivre comme un «coup dejeune».

MÉDAILLE DES ÉVADÉS. LucienNeuwirth, c’est l’histoire d’unpionnier. A 16 ans, ce fils d’artisansfourreurs stéphanois entre dans laRésistance. Le 18 juin 1940, il en-tend de Gaulle à la TSF. Sa mèrecommente: «C’est lui qui a raison.»Il fonce. Prison en Espagne, séjourà Londres dans les Forces françaiseslibres, blessure grave. Sa guerre seconclut par une pluie de médailles(croix de guerre, Légion d’hon-neur, médaille des évadés, rosettede la Résistance, etc.). Fidèle auGénéral et à ses idées, il adhère à laLibération au RPF (Rassemblementdu peuple français créé par deGaulle). Et enchaîne les responsa-bilités politiques (adjoint au maire,député puis sénateur, toujours sousdes étiquettes de droite, UNR,UDR, RPR). Mais il saura aussi con-vaincre de Gaulle le moment venu.En 1966, le Général invite le députéde la Loire à déjeuner à l’Elysée. Illance: «Dites-moi Neuwirth, parlez-moi de votre affaire…» Neuwirth estlancé. Les femmes ont obtenu ledroit de vote en 1945, «maintenantles temps sont venus de leur donner ledroit de maîtriser leur fécondité,parce que c’est leur fécondité».Féministe de la première heure, ilexpose: «Pour moi, hommes et fem-mes c’est pareil.» Il raconte sescompagnes de la Résistance, agentsde liaison ou parachutistes, dontcertaines sont tombées sous lescoups de l’ennemi. Il se souvient deses «premiers émois» à 17 ans à Lon-dres, lorsqu’une jeune Irlandaise luitendit du gynomine, le premierspermicide. Il relate la détresse en-tendue au sein du Mouvement Ma-ternité heureuse (ancêtre du Plan-ning familial). Il cite cette femme

qui un jour lui a confié : «Moi, j’enai assez, chaque fois que mon marirentre saoul, il me fait un gosse.» Ilévoque enfin le suicide d’une de sesamies, mise à la porte de sa familleparce qu’elle était enceinte. Le Gé-néral, pourtant partisan d’une poli-tique nataliste, est à l’écoute. «Vousavez raison, transmettre la vie, c’estimportant, il faut que ce soit un actelucide. Continuez.» Lucien Neuwirthvient d’obtenir le feu vert pour dé-poser un projet de loi autorisant lacontraception orale. Mai 68 n’a pasencore eu lieu. Le combat, dans uneFrance très conservatrice, va durerdes mois.L’Hémicycle prend feu. «Une flam-bée inouïe d’érotisme menace lepays» ; «Avez-vous songé que, dé-sormais, c’est la femme qui détiendrale pouvoir absolu d’avoir ou pas d’en-fants, en absorbant la pilule, même àvotre insu?»; «Allons-nous conférerà la femme mariée le droit de mentirà son mari, de le duper dans son désirnaturel d’avoir des enfants?» LucienNeuwirth, 42 ans, tient bon. Sa

proposition de légaliser la contra-ception est la onzième du genre,mais la première issue des rangs dela droite. Il a contre lui les catholi-ques, une bonne partie de la droite.Mais, derrière lui, la Grande Loge(Neuwirth est franc-maçon) et for-

cément une partie de la gauche :en 1965, le candidat à la présiden-tielle Mitterrand a fait campagnepour la contraception.

ATTENTE. Noël 1967 arrive enfin. Le28 décembre, à Colombey-les-Deux-Eglises, le Général promul-gue la version définitive de la loiNeuwirth sur «la régulation desnaissances». Mais la victoire n’estpas encore totale. Il faudra atten-dre 1972 pour que tous les décrets

d’application entrent en vigueur.Qu’importe, Neuwirth a vaincu.Cinq ans plus tard, dans une Francequi a maintenant manifesté pour lalibération des mœurs, Lucien le fé-ministe rempile: il devient, en co-hérence avec ses convictions, le

rapporteur de la loiVeil sur l’interrup-tion volontaire degrossesse (IVG) àl’Assemblée natio-nale. A nouveau lesinjures fusent. Ils’accroche. La loi est

votée le 19 décembre 1974. En cemois de décembre, une autre loigarantit le remboursement par laSécurité sociale de la contraceptionorale et supprime l’autorisation pa-rentale pour les mineures. Dès lors,les noms de Neuwirth et de Veilsont pour toujours associés. Ancrésdans l’histoire des grands débatsde société du XXe siècle. Loués partoutes les femmes qui revendiquentsimplement de pouvoir «disposerde leur corps». •

Par MARIE­JOËLLE GROSet CATHERINE MALLAVAL

En 1967, la loi Neuwirthautorise la pilule, et de cefait abroge une loi de 1920qui allait jusqu’à interdirede faire la publicité de lacontraception. Les Etats­Unisont été le premier pays àcommercialiser la piluleen 1960. Suivront (avant laFrance) l’Australie, l’Allema­gne fédérale et la Grande­Bretagne.

REPÈRES

«Sa vie est le symboledu combat pour laliberté […] Il a su, avecaudace, s’affranchir detous les conservatismeset ouvrir un tempsnouveau dansl’émancipationdes femmes.»François Hollande hier

50%C’est la part des Françaisesen âge de procréer qui pren­nent la pilule. Soit près de4 millions de femmes. Le sté­rilet est quant à lui utilisépar 21% d’entre elles.

Lucien Neuwirth, à l’Assemblée nationale, le 11 mai 1973. PHOTO AFP

SEXE & GENRE

«Vous avez raison, transmettrela vie, c’est important, il faut quece soit un acte lucide. Continuez.»De Gaulle à Lucien Neuwirth, qui obtient ainsiun feu vert pour déposer son projet de loi

LIBÉRATION MERCREDI 27 NOVEMBRE 2013

VOUS • 17

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CINEMA •

LA COULEURGRAY

NOUVEAU MONDE Le réalisateur de«Two Lovers» magnifie Marion

Cotillard dans une reconstitutionfellinienne des bas­fonds

new­yorkais des années 20.

LIBÉRATIONMERCREDI 27 NOVEMBRE 2013

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THE IMMIGRANTde JAMES GRAYavec Marion Cotillard, Joaquin Phoenix,Jeremy Renner… 1h57.

Une vue de la statue de la Liberté dedos : ainsi s’ouvre The Immigrant,cinquième long métrage de l’Améri-cain James Gray, très attendu depuisla sortie, voilà cinq ans, d’un de seschefs-d'œuvre Two Lovers. Si l’angleest déroutant, le film ne l’est pasmoins, et il faudra en atteindre leterme, signifié par une autre et ma-gistrale vue de la baie de New York,pour comprendre à quel point cepremier plan annonce son pro-gramme, et ses ambitions.Nous sommes en 1921. Une foule enhaillons se presse aux portes desEtats-Unis, arrivant par bateau àEllis Island. Dans le lot, deux or-phelines, Ewa Cybulska (MarionCotillard) et sa sœur Magda, qui ontfui la Pologne, où leurs parents ontété décapités sous leurs yeux, etsont venues retrouver un oncle etune tante installés à Brooklyn. Maisdès l’arrivée sur l’île, Magda, tuber-culeuse, est envoyée en quaran-taine, et la très catholique Ewa,soupçonnée à tort d’être unefemme de mauvaise vie, menacéed’expulsion.Dostoïevskien. C’est rapide, im-placable (et non sans rappeler l’ab-surdité de nos administrations con-temporaines). Un recours seprésente, sous les traits d’unhomme qui se dit membre d’une as-

sociation caritative, Bruno Weiss(Joaquin Phoenix, onctueux de can-deur fabriquée). Mais l’on découvrevite que cet homme bien mis, quipropose d’héberger Ewa chez lui,anime en vérité une revue burlesquedans un théâtre miteux du LowerEast Side (superbe et fellinienne re-constitution), et prostitue ses comé-diennes. Il ne faudra pas longtempsavant qu’il ne force Ewa à vendreson corps, lui faisant miroiter l’es-poir de faire sortir sa sœur d’El-lis Island.Naît une relation de dépendancetorturée, où le maître n’est évidem-ment pas celui que l’on croit, et où,par un mouvement dostoïevskien

(l’auteur russe est cher à JamesGray), celle qui s’abîme en reçoit unsurcroît de grâce. L’arrivée du cou-sin de Bruno, Emil, dit «Orlando lemagicien» (Jeremy Renner, lumi-neux), offre à Ewa un fugace espoirde fuite et à nous, spectateurs, desomptueuses scènes d’illusion-nisme, avant que le film ne s’en-fonce dans la tragédie.En lieu et place de la fresque natio-nale attendue, nous est donc montrél’envers du rêve américain, sous lestraits d’un mélodrame à focale res-serrée au naturalisme léché, quifonctionne d’autant mieux qu’onl’appréhende comme un opéra,dans son lyrisme comme dans sesexcès, voire ses scènes de confes-

sion, qui marchent par paire, à lamanière d’arias.Si le film ne «prend» pas entière-ment, ou en tout cas pas toujours,c’est que le personnage d’Ewasemble parfois étrangement distan-cié de son propre destin – fauten’en est pas à Marion Cotillard, quel’on n’a jamais vue aussi bien diri-gée, mais à un scénario parfois unpeu bancal, et à certains plans quijouent la sursignification plus quel’immédiateté.Suinte. Mais qu’importe: en plus dela beauté formelle de l’objet, et de laperformance de Joaquin Phoenix,jamais aussi bon que lorsqu’il suintede noirceur, il est passionnant de

voir les thèmes chers àGray (le triangle amou-reux, le sacrifice desidéaux, la fidélité au clan)ici retournés commeautant de gants. Parce quele point de vue qu’iladopte est pour la pre-mière fois celui d’une

femme, mais aussi parce que le clanà trahir ne se résume plus ici à la fa-mille, celle d’Ewa ayant vite fait dela désavouer, mais à ce groupe in-terlope (les «colombes» de Bruno),où elle atterrit par un coup du destinet dont le père putatif, objet de sahaine, deviendra peu à peu celui desa compassion.L’on voit défiler les clins d’œil et lesréférences (lire ci-contre), mais le ré-sultat n’en est pas moins singulière-ment grayien, jusqu’à ce superbeplan final, qu’il imagina dès les pre-miers temps du scénario, réunissantses deux personnages qui s’éloi-gnent l’un de l’autre – Ewa filantvers la lumière, Bruno vers l’ombre.

ÉLISABETH FRANCK-DUMAS

S i The Immigrant, cinquième longmétrage de l’Américain JamesGray, nous arrive aujourd’hui

auréolé d’un accueil mitigé reçu en maiau Festival de Cannes, il y a au moinsune vertu sur laquelle tout le mondes’accorde : sa magnifique photogra-phie. Des plans poudrés, des couleurs

saturées, des ta-bleaux léchés quidonnent au projet

une ampleur grandiose, signés duFranco-Iranien Darius Khondji (Amour,Minuit à Paris), qui travaillait là pour lapremière fois avec James Gray sur unfilm. Des mois plus tard, dans ce halld’hôtel parisien, leur complicité estmanifeste, nourrie de références àl’opéra, à l’histoire de l’art. Les faire seréunir était tenter de répondre à laquestion suivante : comment, malgrédes contraintes budgétaires redouta-bles (1), ont-ils conservé une ambitionpicturale débordante ?Pourquoi avoir demandé à DariusKhondji de travailler sur ce film?James Gray : Cela tient en deux mots :Darius Khondji. (Rires) J’aimais son tra-vail depuis longtemps, depuis Delicates-sen et Seven. Je pensais qu’on aurait uneconnivence artistique. Ce que je recher-che pour un film, ce n’est pas quelqu’unqui fasse exactement ce que je lui de-mande, ce n’est pas intéressant, maisquelqu’un qui a du goût, qui apporteraquelque chose en plus. Ce que je ne sa-vais pas, et qui m’a intimidé, c’estcombien il est sympathique.Parce que vous aviez des scrupules à letyranniser?J.G. : Moi ? Mais je ne tyrannise per-sonne ! (Rires)Darius Khondji: Je n’ai pas le souvenird’avoir été tyrannisé. Mais je me rap-pelle un réalisateur qui savait très bience qu’il voulait, et heureusement.J.G.: Il y a bien eu cette fois, lorsque tuas voulu rajouter une ampoule sur unmur, dans la scène où Jeremy Rennerentre par la fenêtre, et où je n’étais pasdu tout d’accord…D.K. : Sur huit semaines de tournage,c’est peu.J.G.: Huit semaines? Trente-trois joursplutôt !Comment s’est déroulé le tournage dansces conditions?J.G.: Cela a été difficile, la rapidité étaittrès pénible. Et puis on a eu des con-traintes énormes, comme celle de tour-ner à Ellis Island la nuit, car nousn’avons pas eu l’autorisation d’y être lajournée. Ce grand hall que l’on voit audébut, dont les murs sont percés de dix-huit immenses fenêtres, il a fallu l’éclai-rer de l’extérieur. Mais seulement surla moitié, parce que nous n’avions passuffisamment d’argent pour le faire en-tièrement. Nous avons ensuite dédoublél’image, car le hall est parfaitement sy-métrique. Mais il y a donc un plan ennumérique au beau milieu de la scène.Mais vous avez tourné en argentique?D.K.: Oui, au maximum. Avec de vieux

Rencontre avecJames Gray etson chef opérateur,Darius Khondji,deux esthètescomplices.

INTERVIEWEn lieu et place de la fresquenationale attendue, nousest montré l’envers du rêveaméricain, sous les traits d’unmélodrame à focale resserrée.

LA COULEURGRAY

James Grayde face(Little Odessa,the Yards…) etDarius Khondji(Delicatessen,Seven…). PHOTOBRUNO CHAROY

La Polonaise Marion Cotillard avec son souteneur Joaquin Phoenix. PHOTO ANNE JOYCE

LIBÉRATION MERCREDI 27 NOVEMBRE 2013II • CINÉMA À L'AFFICHE

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objectifs anamorphiques, sur une pelli-cule très douce, que j’ai flashée en cou-leur, ce qui donne ce rendu particulier,à l’ancienne. Je n’aime pas avoir re-cours aux effets spéciaux, même si,parfois, c’est obligatoire.Comment vous êtes-vous mis d’accordsur le rendu que vous recherchiez?D.K.: Nous avons énormément travailléen amont, car pendant le tournage nousn’avions plus le temps d’expérimenter.Au tout début, James a commencé parm’envoyer beaucoup de photos. Despolaroïds de femmes quasi nues, prispar l’architecte italien Carlo Mollino. Cesont presque des clichés de mode, maisinnervés d’un tel pathos, avec une telleépaisseur dans la lumière, qu’elles

m’ont empêché de me concentrer surle projet auquel je travaillais alors. Il lesaccompagnait de mots comme «reli-gion» ou «ferveur», elles se sont misesà me hanter. J’ai besoin de ce genred’émotions pour élaborer une lumière.J.G. : On est aussi allés au musée.D.K.: James m’a emmené au Metropoli-tan Museum, à la Frick Collection. Ilm’a montré des peintures d’EverettShinn, de George Bellows, ces peintresde l’école réaliste américaine de la Ash-can School. Des photos de Lewis Hineprises à Ellis Island aussi. Et puis on aparlé d’autres réalisateurs, de Dreyer,beaucoup de Bresson.J.G. : La scène où Marion Cotillard seconfesse, le visage éclairé par un halo

de lumière, est un hommage au Journald’un curé de campagne.D.K. : Pour moi, c’est La Strada, qui aété déterminant. Je ne l’avais pas vu de-puis longtemps, et lorsque tu m’as pro-jeté le film, tout s’est mis en place. Nousavons aussi fait quelque chose d’inéditpour moi, que j’adorerais réutiliser: unstory-board qui était un mood board.J.G. : Oui, une liste de plans pour les-quels j’avais à chaque fois mis en regarddes images prises ici ou là. Comme cela,dès que j’avais besoin de détailler unconcept pour Darius, je pouvais faireréférence à cette liste, à ces scènes pi-quées ailleurs. Même si j’ai essayé depiquer le moins possible. Mais de toutefaçon, je ne vois pas cela comme du vol,

plutôt comme de l’inspiration.D.K.: Tu as aussi évoqué cela, quand jesuis arrivé à New York : l’inspiration,l’emprunt.J.G.: Je t’ai raconté un mail que j’avaisenvoyé à Coppola, une vraie lettre defan, où je lui disais combien je lui avais«volé» d’éléments du Parrain II, pourThe Yards je crois. Il m’a répondu: «Trèsbien, c’est fait pour ça.» Coppola a lui-même fait beaucoup d’emprunts à Vis-conti. Les réalisateurs s’inspirent mu-tuellement, et l’on pourrait dire lamême chose d’acteurs. Giulietta Masinaprend des pans entiers à Chaplin pourjouer les Nuits de Cabiria de Fellini.Que pensez-vous que votre film dise durêve américain?J.G. : J’avais envie de partager l’expé-rience de mes grands-parents juifs, quiavaient fui un lieu [la Pologne, ndlr] oùles parents de ma grand-mère s’étaientfait couper la tête. Mon grand-père ra-contait sans cesse des histoires où ilidéalisait son pays natal, ce que je n’aijamais compris, vues les persécutionsque sa famille y avait subies. Mais lesmigrations humaines, qui font le récitde l’humanité, ne sont jamais entière-ment roses. Nos vies sont emplies dejoies et de morts, il faut raconter lesdeux. Chose pour laquelle je pensed’ailleurs avoir largement échoué: mesfilms sont plus sombres que joyeux.J’aimerais qu’ils soient plus équilibrés.Mais je n’ai aucun talent comique: dansce film, je suis le seul à penser que cer-taines scènes sont hilarantes…On a beaucoup parlé du plan final,était-il dans le scénario dès le départ?J.G.: Oui. Même si, en fait, ce n’est pasun plan, mais un composite, réaliségrâce à des effets spéciaux. Il aurait étéimpossible à réaliser sinon.D.K. : C’est un plan de réalisateur, ilfaut être scénariste pour imaginer ça.Pour moi, le plan est resté obscur jus-qu’à ce qu’il soit terminé, j’ai dû avoirune confiance aveugle en James. Quandj’ai lu le scénario, j’ai immédiatementvu tellement de difficultés techniquesà résoudre, tellement d’angles compli-qués, que je me suis dit : «Mais com-ment ça peut marcher, ça ?» (Rires)Quelles ont été les autres grandes diffi-cultés du tournage?D.K. : J’ai essayé de ne pas penser aubudget, sinon j’aurais eu le vertige.J’essaie de ne jamais y penser d’ailleurs,je me dis qu’il y a toujours une solu-tion… Mais rendre, dans le New Yorkd’aujourd’hui, l’essence poétique d’untemps révolu, avec toute la poésie trèsproustienne que James y mettait, c’étaitun vrai défi pour moi. Pour le reste,nous avions un producteur incroyable,qui est allé jusqu’à embaucher un chefélectricien à la retraite, John De Blaw,parce que James et moi l’adorions. Il yavait une équipe très soudée, ce qui estcrucial pour ce genre de projet.J.G.: Une équipe tellement motivée quej’ai passé les mois qui ont suivi le tour-nage en dépression! C’est difficile de seséparer de gens qui se préoccupent dece que vous tentez d’accomplir, quivous aident à le réaliser. On pensequ’en tant que réalisateur vous avez une«vision». Mais pour ce film, hormis cedernier plan, j’avais surtout envie quel’équipe aille au-delà de ce que j’avaisen tête. Qu’elle me dépasse.

Recueilli par É. F.-D.(1) 16,5 millions de dollars, soit 12,2 millionsd’euros.

«JAMESM’A AMENÉAU MUSÉE»

LIBÉRATION MERCREDI 27 NOVEMBRE 2013 À L'AFFICHE CINÉMA • III

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LA MARCHE de NABIL BEN YADIRavec Olivier Gourmet, Tewfik Jallab… 2 heures.

Tout le monde connaît le début de l’his-toire. Le 10 mai 1981, sur le coup de20 heures, François Mitterrand est élu pré-sident de la République française. La gau-che revient au pouvoir vingt-trois ansaprès. Un souffle nouveau envahit le pays.L’état de grâce dure un petit semestre. Unpeu moins dans la banlieue lyonnaise (Vé-nissieux, Rillieux-la-Pape, Bron) où desgamins, lassés d’un racisme honteux,d’être exclus de tout ce qui compte, met-tent le feu aux bagnoles et se fritent avecle pouvoir. Une époque où un jeune peutperdre la vie; coupable d’arborer les mau-vaises couleurs. Les enquêtes ne vont ja-mais bien loin, et ça finit par se voir. Latension monte. Eté 83, des affrontementséclatent (encore) aux Minguettes, à Vénis-sieux, entre jeunes des barres et policiers.Toumi Djaïdja tombe sous les balles. Il serelèvera. Sous l’impulsion du curé Chris-tian Delorme, ils décident de marquer lecoup. Ils traversent la France pour deman-der l’égalité. Trente ans plus tard, on ne lé-sine pas pour ressusciter l’histoire. Docu-mentaires, bouquins, débats…Le Belge Nabil ben Yadir a décidé d’en faireun film, la Marche. Le casting a de lagueule. Après Né quelque part, Tewfik Jallabconfirme. Oliver Gourmet assure, et JamelDebbouze laisse de la lumière à ses cama-rades. Le film raconte toute l’épopée, lon-gue de 1 500 bornes. Des débuts compli-qués, ponctués de toutes sortes depéripéties, une quinzaine de personnes àMarseille le 15 octobre. A l’arrivée triom-phale, plus de 100000 manifestants à Parisle 3 décembre. Les images de l’INA don-nent de l’ampleur. Comme cette jeune filleà la tête d’ange qui balance : «On ne de-mande pas la Lune, on veut seulement vivre.»La réalité est tellement consistante que lesajouts fictionnels surchargent un peu lepropos. La croix gammée tatouée par desfachos sur le dos de Monia (Hafsia Herzi)intrigue et n’apporte rien. Idem lorsqueClaire (Charlotte Le Bon) est victime d’unetentative de viol. Par contre, la musique,les fringues colorées ajoutent du charmeà cette France des années 80.A l’écran, la Marche dure deux heures. Leformat idoine. Mais on aurait aimé que Na-bil ben Yadir nous montre aussi l’after. Larécup politicarde de la gauche réformiste,qui a permis l’accouchement de SOS Ra-cisme, cette usine à futurs bureaucrates.La Marche pour l’égalité a été pillée, vic-time de sa réussite, de sa force vitale et desa fraîcheur. Depuis, les politiques se suc-cèdent, et les promesses s’empilent. Envain. Elle a tout de même changé des cho-ses. Montré au pays le visage d’une jeu-nesse qu’elle refusait de voir. Aujourd’hui,ce pays, notre pays, sait que cette jeunes-ses existe. Mais de là à la comprendre…

RACHID LAÏRECHE

LA MONTÉEDE LA«MARCHE»BORNES Retour en 1983quand la Franceantiraciste défilait.

COMMENT J’AI DÉTESTÉ LES MATHSdocumentaire d’OLIVIER PEYON 1h43.

Comment réussir un film populaire sur lesmaths ? En évitant tout cours de maths.Démonstration par Comment j’ai détesté lesmaths, d’Olivier Peyon. On y voit certes unprof avec ses élèves de maths sup, sur uneplage, marchant à côté d’une théorie dechars à voile. Ou Cédric Villani, MédailleFields 2010, répétant la cérémoniedans son hôtel d’Hyderabad (Inde),dressant la double liste des motsdoux et des mots durs sur les maths.Mais aussi des manifestations vio-lentes en Grèce contre l’austérité.Des gens qui prennent le thé en find’après-midi. La psychologue AnneSiety listant des «mots» de mathsqui disent quelque chose de nous. Unedame qui installe des serviettes de table no-minatives. Un passage du premier discoursd’investiture de Barack Obama. Ou un ex-trait d’un épisode dramatique et mondiale-ment connu de la guerre du Vietnam, cettepetite fille victime d’un bombardement aunapalm, courant, nue, sur une route.Sélection. Etrange pour un film sur lesmaths ? Non, puisque tout cela entretientdes rapports directs, serrés même, avec les

mathématiques. Peyon aborde dans le filmdeux sujets brûlants : l’enseignement desmaths et son usage massif dans nos sociétéstechniciennes.Le premier thème évoque le fameux échecdes maths modernes avec ses bijections dé-butées dès la rentrée de septembre 1968dans certains lycées. La critique des ma-thématiques comme outil de sélection sco-laire. La recherche en didactique, avec desmaths ludiques et joyeuses. Simples mises

en bouche pour le plat principal : dans unmonde où les maths sont un moyen puis-sant de le gouverner, de le transformer, d’yagir, l’inculture en maths peut devenir unfrein, voire un verrou à la démocratie.Peyon filme ainsi Georges Papanicolaou,professeur de mathématiques financièresà Stanford, producteur de ces traders quiont fait fortune en manipulant les Bourseset les prêts bancaires à coups de modèlessophistiqués et joué un rôle décisif dans les

crises financières récentes. Papanicolaoureste calme tant qu’il en raconte la mécani-que. Et perd son sang-froid lorsqu’il évoquesa famille grecque confrontée aux dégâts dela crise.Appétit. Si Peyon ne traite pas les causesprofondes de ces crises, il démontre com-ment, même si vous ne voulez pas vous oc-cuper des mathématiques, ces dernièress’occupent de vous. Car la guerre, la fi-nance, la technologie, les communica-tions… tout cela fonctionne aujourd’huiavec beaucoup de maths.Le cinéaste a planté sa caméra dans ceslieux où se retrouvent les plus performantsdes matheux: Princeton, Berkeley, Stan-ford, le centre d’Oberwolfach en Allema-gne ou l’Institut des hautes études scienti-fiques (IHES). Il nous montre commentl’appétit de liberté, la volonté de découvrirpar soi-même le vrai du faux, la beauté deschiffres et des formules… bref, les motiva-tions individuelles éminemment sympathi-ques des matheux se transforment en outilsqui peuvent nous broyer ou nous aider à vi-vre. S’il n’en donne pas la solution, Peyonillustre puissamment la nécessité d’inven-ter des formes nouvelles de vie politique,adaptées à la puissance des technologies is-sues de la mathématisation du monde.

SYLVESTRE HUET

LES BOSS DES MATHSBIJECTIONS Un documentaire illustre comment les mathématiquesont conquis le monde. Pas de bol pour les cancres.

EKA ET NATIA,CHRONIQUE D’UNEJEUNESSE GÉORGIENNEde NANA EKVTIMISHVILIet SIMON GROß avec LikaBabluani, Mariam Bokeria… 1h42.

A Tbilissi, dans la Géorgie indé-pendante née après l’effondre-ment de l’URSS, Eka et Natiasont deux adolescentes (plus oumoins 14 ans) qui se faufilentdans les ruines de leur pays :ruines morales autant que so-ciales et politiques, le repère du«civisme» soviétique s’étanttotalement évaporé sans que les«valeurs» du capitalisme occi-dental aient encore pris lerelais.Potacheries. Cette débâcle estfilmée de front, aussi bien dansl’intimité des familles (où laviolence domestique naît de laviolence sociale) que dans lazone publique. A l’école quefréquentent les deux gamines,l’autorité des profs s’effrite sousles coups de potacheries de plusen plus contestatrices. Dans larue, une seule scène de queuedevant une boulangerie dittout : la disette de l’époque, ladocilité terrorisée des pauvresgens mais aussi le système desprivilèges sociaux et de la cor-ruption institutionnalisée (cesont deux soldats en armes qui

grillent la file d’attente et n’ontmême pas besoin de menacerpour être servi les premiers).La grande et belle affaire dufilm, c’est l’amitié romanesquequi lie Eta et Natia. Leur al-liance, faite pour beaucoup defous rires et de tocades de leurâge, est surtout un front du re-fus. Si la liberté retrouvée fut lagrande avancée de la Géorgie audébut des années 90, l’émanci-pation des femmes, a fortiorides filles, n’était apparemmentpas à l’ordre du jour. Père bes-tialement autoritaire, gamins

de rues prompts à insulter lesfilles, voire à les caillasser, jeu-nes adultes viriloïdes qui consi-dèrent la femme comme uneentité strictement animale (àprendre ou à laisser). De fait,une des gamines est une sorted’esclave domestique à peinevolontaire. Et l’autre finira enpoupée de salon dès lors qu’unvoyou, guère plus âgé qu’elle,aura décrété comme on violequ’elle sera son épouse.Parabole. La poisse. N’étaitune affaire de revolver mysté-rieux qui circule entre les deux

filles. La révolte arrivera, pasmoins violente que la violencequ’elles subissent. Mais pas for-cément dans les paroles et lesactes de celle qu’on imaginait laplus affranchie. Au service decette parabole pour une Géorgietoujours en chantier, une imagesomptueuse, signée Oleg Mutu,et surtout deux merveilles ded’actrices débutantes recrutéesà Tbilissi: Lika Babluani (Eta) etMariam Bokeria (Natia). Leurgrâce est d’être belles et rebel-les, comme si de rien n’était.

GÉRARD LEFORT

LES DEUX FONT LA PEURTRANSITION Amitié adolescente dans le Tbilissi viriloïde post­URSS.

Des amies câlines. PHOTO ARIZONA DISTRIBUTION

Dans un monde où les mathssont un moyen puissant de legouverner, l’inculture en mathspeut devenir un frein, voireun verrou à la démocratie.

LIBÉRATION MERCREDI 27 NOVEMBRE 2013IV • CINÉMA À L'AFFICHE

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L’ESCALE documentairede KAVEH BAKHTIARI 1h40.

L’escale pourrait être le nom d’unrade sympathique où brasser entreamis l’avenir du futur. Mais ici,l’Escale est le titre d’un documen-taire implacable et glaçant de Ka-veh Bakhtiari qui a planté sa ca-méra dans le cœur d’une histoirede famille mutant sous nous yeuxen naufrage collectif.Invité à Athènes pour y présenterun de ses courts métrages, le réali-sateur, d’origine iranienne maisgrandi en Suisse, apprend qu’un deses cousins, Mohsen, parvenu clan-destinement en Grèce via la Tur-quie, est incarcéré dans une prisonde la ville. Bakhtiari lâche tout,mais pas sa caméra pour filmer lasortie de taule de Mohsen, un grand

gars dont le sourire est augmentépar une balafre ancienne. «Te voilà,dit Mohsen à son cousin Kaveh, etdéjà tu filmes !»En effet, Kaveh Bakhtiari filme«déjà» et ne va jamais cesser,Mohsen lui servant de passeur versle monde qu’il habite, un universlittéralement sous-terrain. En l’es-pèce, la «pension» d’Amir, un en-tresol exigu où se serrent sept clan-destins iraniens et une réfugiéearménienne, qui tous cherchent à«aller plus loin en Europe». C’est-à-dire, totalement à la merci de pas-seurs arnaqueurs qui, à coup defaux passeports lourdement factu-rés, leur promettent l’eldorado d’undépart vers l’Allemagne, les Pays-Bas, la Norvège, l’Amérique.Chance. Pendant plus d’un an, Ka-veh Bakhtiari, équipé d’une petitecaméra numérique, est devenu à

son tour le locataire de ce havred’intranquilité. Sans pour autantbasculer dans l’hystérie, sans ja-mais jouer le précaire. Le documen-taire rappelle à plusieurs reprises

que son auteur a la chance, exorbi-tante dans ce contexte, d’être uncitoyen suisse. Et il a gardé les scè-nes où, exaspérés par sa présenceregardante, certains habitants de lapension l’envoient chier.Le compagnonnage domine, quipermet que la crudité de l’intimitédévoilée ne soit pas pour autantimpudique: les engueulades autour

de la pitance, les chicanes quipourraient dégénérer en bastons,mais les déconnades aussi. Onéprouve que rien ne fut organisé ouprogrammé, et que les sorties en

ville, souvent pours i m p l e m e n t«prendre l’air»,furent improviséesau gré des hasardsétranges, des ren-contres bizarres etsurtout du risque

permanent de se faire contrôler parles flics.Kaveh Bakhtiari explique (in dos-sier de presse) que, vivant avec desclandestins, il est devenu lui-mêmeun cinéaste clandestin. Cela se vé-rifie dans la physique du filmagequi tremble quand il faut s’enfuir,ou qui, au contraire, se fige en pas-se-muraille lorsqu’il faut devenir

imperceptible. C’est cette chroni-que ordinaire de l’invisibilité forcéequi fait mouche et mal.Mailles. A Athènes, où pour causede crise économique, la situationdes clandestins a empiré, maisaussi bien dans n’importe quellerue de nos cités, c’est la même ar-mée des ombres qui se faufile entreles mailles de nos vies. JamaisKaveh Bakhtiari ne tente de culpa-biliser, ni d’accuser qui que ce soit.La comédie de la compassion n’estpas son style. Mais au gré des dis-cussions avec les clandestinsd’Athènes, tombe de ses lèvrescette vision: «Le jour où plus aucunmigrant ne viendra frapper à la portedes pays riches, ce sera le signal pournous autres nantis qu’est venu letemps de prendre à notre tour le che-min de l’exil.»

G.L.

COUSIN Un documentaire rugueux suit à la trace des clandestins bloqués à Athènes.

«L’ESCALE», PENSION AMÈRE

25 NOVEMBRE 1970 : LE JOUROÙ MISHIMA CHOISIT SON DESTINde KOJI WAKAMATSU (1h59).Disparu fin 2012 à 76 ans, Koji Wakamatsufut, dans les années 60 et 70, l’un de cescinéastes voyous qui travaillèrent à sublimerles série B érotiques alors réalisées à lachaîne pour renflouer les studios nippons.Des films parfois somptueux, aux élansmodernistes infusés de tout ce que l’époquecomptait d’idéologies radicales. Redécou­vert voilà une dizaine d’années, il avait pro­fité de ce regain de considération pourréaliser une série de docudramas qui sol­dent un à un le bilan des années révolution­naires au Japon. Après notamment l’Arméerouge, Wakamatsu s’est attaqué au coupd’état droitier et raté, intenté par YukioMishima voilà trente­trois ans et soldé parson suicide. Sorte de négatif du Mishima dePaul Schrader, cet ultime volet déçoit, tant lamanière n’oscille ici, malgré quelques beauxéclats, qu’entre l’outrance et la platitude. J.G.

LES INTERDITS de ANNE WEILet PHILIPPE KOTLARSKI (1h40).C’est une reconstitution sidérante de réa­lisme pour qui a fréquenté l’URSS desannées 70. Images de plomb et grisaillesdes vies, particulièrement surveillées quandles citoyens soviétiques cumulaient la dou­ble peine d’être Russes et Juifs. Carole et

Jérôme sont deux jeunes faux touristesfrançais qui profitent de leur séjour àOdessa pour contacter et aider quelquesrefuzniks locaux. Cette belle partition quasidocumentaire est peu à peu envahie, puisfinalement parasitée par le boucan d’uneromance entre les deux jeunes gens. G.L.

DRACULAde DARIO ARGENTO (1h46).On a beau admirer Dario Argento etl’immense majorité de ses films, il faut bienreconnaître que, sur ce coup­là, le maestroitalien de l’horreur s’est fourvoyé dans cetteénième évocation du comte assoiffé deTransylvanie. Il est même quasiment incom­préhensible qu’un réalisateur de sa trempen’ait pas pu adapter son propos à la fai­blesse flagrante des moyens. Les scènesnocturnes sont plus mal éclairées et moinspoétiques qu’un Jean Rollin, et les effetsspéciaux, puérils et bricolés, tombent systé­matiquement à plat. B.I.

Mishima au doigt et à l’œil. DISSIDENZ FILM

VITEVU

À VOUSDE VOIR

HUNGER GAMES :L’EMBRASEMENTde FRANCIS LAWRENCELe film devrait faire 75 millionsd’entrées en cinq minutes puisquesuite du précédent qui connut unénorme succès (691 millions de dollarsde recettes). Encore une foisça chauffe, et pas que de la robe,pour Katniss Everdeen, qui remetla main à l’arc pour des nouveaux jeuxdu cirque, propices à déclencherun rien de révolution mondiale contreles oppresseurs. Avec la toujoursaussi attractive et oscarisée JenniferLawrence.

AVANT L’HIVERde PHILIPPE CLAUDELAutrement dit l’automne, saison desfeuilles mortes et des coups de piedau cul qui se perdent. Avec DanielAuteuil et Kristin Scott Thomas. Pitié !

EPIC

ENTR

EFI

LMS

Pendant plus d’un an, KavehBakhtiari, équipé d’une petitecaméra numérique, est devenuà son tour le locataire de ce havred’intranquilité.

LIBÉRATION MERCREDI 27 NOVEMBRE 2013 À L'AFFICHE CINÉMA • V

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Le réalisateur secoué de «New York 1997» et «The Thing»commente les doubles programmes du festival EntrevuesBelfort qui associent ses films aux œuvres qui les ont influencés.

ON REFLETLE MATCH AVECCARPENTER

«A llez, posez vo-tre dernièrequestion, jedois vous lais-ser, j’ai ren-

dez-vous avec mon dealer.»La dernière fois que l’onavait eu John Carpenter aubout du fil, voilà sept ou huitans, l’entretien s’étaitachevé ainsi. Bêtement, l’onn’avait alors pas eu la pré-sence d’esprit de s’enquérirde sa liste de courses. De-puis, il n’a réalisé qu’un film,The Ward en 2010, qui n’estmême pas sorti en France. Abientôt 66 ans, ilne s’éloigne plusguère de sa maisonde West Hollywood, où iljoue compulsivement auxjeux vidéo (dernièrement,les plus fraîches moutures deBatman, Call of Duty et As-sassin’s Creed). Au cinéma, ilaffirme avoir pris un plaisirtrès vif à regarder WorldWar Z (un film «kick ass»,dit-il). Il se déclare «semi-retraité», mais évoque tou-jours des désirs de réalisa-tion, à défaut de projets, etn’aurait rien contre l’idée devenir tourner en Europe.Alors que les BO de ses films,qu’il a presque toutes com-posées lui-même, sonnentaujourd’hui plus actuellesque jamais et jouissent d’unereconnaissance sans précé-dent (somptueuses rééditionsvinyles sur le très chic labelDeath Waltz, bel albumhommage du groupe gauloisZombie Zombie il y a troisans), il délaisse désormais sessynthétiseurs analogiquesd’antan pour composer de lamusique avec son fils, à l’aided’instruments logiciels, sur

RÉTROSPECTIVE

ordinateur, à de seules finsrécréatives. Il aime rappelercombien sa principale for-mation en tant que cinéastea consisté à accompagner sonpère au cinéma enfant et às’ébaudir, alors âgé de 8 ans,de doubles programmes aussi«parfaits» que la paire Fran-kenstein s’est échappé et X theUnknown, deux productionsHammer de 1956.Et fort opportunément, lefestival Entrevues Belfort (du30 novembre au 8 décembre)lui consacre un beau cycle,medley de rétrospective et de

carte blanche sousla forme de doublefeatures composés

par ses soins, où ses films setrouvent associés à ceux quiles ont nourris. L’occasion deprendre de ses nouvelles(malgré une petite toux sè-che, il a une bonne voix,merci pour lui), de lui fairecommenter ses choix, et delui rappeler comment s’étaitconclu notre précédentéchange. «Parfois, je dis celapour écourter, parfois parceque j’ai rendez-vous. Ne medemandez pas de me rappelersi c’était le cas ce jour-là.»Mais plus avant dans la con-versation, lui dont l’impa-tience et le laconisme ne sesont guère amoindris avecl’âge ne manquera pas denous invectiver: «Arrêtez depinailler, poursuivons. Mais oùest mon dealer, bon sang ?»

«Dark Star» (1974)«Docteur Folamour» (1964)«L’humour noir de DocteurFolamour a été une influencedirecte pour mon premierlong métrage. J’aime beau-coup certains films de Stan-

ley Kubrick : celui-ci, maisaussi l’Ultime Razzia ou FullMetal Jacket. Il y a une vraieefficacité dans ceux-là, queje ne retrouve pas dans sesœuvres plus tardives.»

«Assaut» (1976)«Rio Bravo» (1959)

«Cela paraît évident, non ?J’ai toujours été très fan deHoward Hawks, dont lesfilms me parlent plus queceux de John Ford, s’il fautles comparer. Je pense aussique c’est un cinéaste plusmoderne, et beaucoup plusaméricain. Ford restait che-villé à ses racines irlandaises,il filmait du point de vue del’immigré. Non pas qu’il y aitquoi que ce soit de mal àcela, nous sommes tous desimmigrés dans ce pays, maisc’est une figure à laquelle jem’identifie moins.»

«Halloween» (1978)«Psychose» (1960)

«Bon, c’est évident aussi.Psychose, d’Alfred Hitch-cock, a été le premier filmd’horreur moderne, une ré-volution, la matrice absoluedu slasher. La bande originalen’est pas ma partition favo-rite de Bernard Herrmann,même si c’est sa plus connue,mais il a été extrêmementimportant pour moi. Son in-fluence m’a été aussi essen-tielle que celle de Hitchcock.Sa musique était singulière,décisive, définitive.»

«Fog» (1980)«Les Oiseaux» (1963)

«[D’Alfred Hitchcock] Ce rap-prochement est une sugges-tion qui m’a été faite, parceque ces deux films ont été

tournés dans la même villede Caroline du Nord, j’ima-gine. Vous voyez d’autresraisons ? Tant mieux, vousdevez être beaucoup plusmalin que moi. Mon premierchoix était un film dont lacopie est introuvable, intituléThe Crawling Eye [une histoirede décapitations en Suisse etde nuage radioactif, réaliséepar Quentin Lawrenceen 1958, ndlr]. Si vous levoyez, vous comprendrezd’où vient Fog.»

«New York 1997» (1981)«Un justicier

dans la ville» (1974)«C’était un film [de MichaelWinner] très inspirant àl’époque, en ce qu’il mon-trait New York comme uneville extrêmement dange-reuse. Il reste très sous-es-timé, alors qu’il a beaucoupde qualités. C’est superbe-ment monté, par exemple.»

«The Thing» (1982)«La Chose d’un autre

monde» (1951)«Ce film de science-fictionfondateur [de Christian Nybyet Howard Hawks] était à lafois très précurseur, et trèsde son temps, en ce qu’ilétait profondément ancrédans la guerre froide. Forcé-ment, ma version est le pro-duit d’une autre époque. Ony voit beaucoup plus fronta-lement la créature que dansl’original, et s’ajoute l’idéedu mimétisme biologique.»

«Christine» (1983)«Seuls les anges

ont des ailes» (1939)«Je n’ai aucune idée depourquoi ces deux films vont

Les Aventures d’un homme invisible et la Mort aux trousses, «l’un des

The Thing et la Chose d’un autre monde, «très précurseur, et très de

Les Aventures de Jack Burton dans les griffes du Mandarin versus Zu,

Halloween et Psychose, «le premier film d’horreur moderne, une

New York 1997 et Un justicier dans la ville, de Michael Winner, «très

ENTRETIEN

LIBÉRATION MERCREDI 27 NOVEMBRE 2013VI • CINÉMA ZOOM

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bien ensemble, sinon qu’ilest question de machinesdans l’un et l’autre, et quec’était un bon prétexte pourmontrer ce chef-d’œuvre,qui est l’un de mes films pré-férés. C’est le prototype ab-solu du film d’aventurehawksien.»

«Starman» (1984)«New York­Miami» (1934)«[De Frank Capra] Deuxroad-movies romantiques,deux films légers. Starman aété l’opportunité uniquedans ma carrière de m’es-sayer à ce registre.»

«Jack Burton…» (1986)«Zu, les guerriers de la

montagne magique» (1983)«Un film [de Tsui Hark] trèsplaisant, qui m’a servi demodèle notamment pour sesformidables voltiges. J’ai unlien très fort au cinéma asia-tique, ne serait-ce que parceque Godzilla a eu une pro-fonde influence sur moi.Mon fils a été biberonné auxfilms de monstres japonais.Et je suis aussi un fanatiquede Kurosawa.»

«Prince des ténèbres»(1987)

«Les Monstresde l’espace» (1967)

«Ce film Hammer [de RoyWard Baker] découle d’unesérie anglaise qui a beaucoupirrigué Prince des ténèbres parson climat de science-fictionlovecraftienne, typique dutravail de son fameux scéna-riste Nigel Kneale.»

«Invasion Los Angeles»(1988)

«Les Raisins de la colère»(1939)

«Invasion Los Angeles estmon Raisins de la colère, mafiction sociale du point devue de la classe pauvre et la-borieuse. C’est le meilleurfilm de John Ford, à monsens.»

«Les Aventures d’unhomme invisible» (1992)«La Mort aux trousses»

(1959)«L’un des plus grands filmsd’aventure jamais faits. Y a-t-il besoin d’en dire plus ?»

«L’Antre de la folie» (1994)«Videodrome» (1983)

«Je ne suis pas fou de cetteassociation, mais j’ai été pa-resseux, ou je ne suis pasparvenu à trouver mieux. Jen’ai pas une passion pour lefilm de David Cronenberg, àvrai dire. Je crois que l’Antrede la folie est simplement tropdifférent de tout autre film

pour lui dénicher un pendantsatisfaisant. C’est celui demes films que vous préférez?Vous ne pourriez pas me faireplus plaisir.»

«Le Villagedes damnés» (1995)

Le Village des damnés(1960)

«[De Wolf Rilla] Là, si vous nevoyez pas le rapport, je nepeux rien faire pour vous.»

«Los Angeles 2013»(1996)

«El Dorado» (1966)«J’adore ce film, qui était

une inspiration évidente: dela même façon que HowardHawks réalisait un remakede Rio Bravo, je refaisaisNew York 1997. Peu de genspensent cela aux Etats-Unis,mais Hawks a vraiment signéquelques-uns de ses plusbeaux films à la toute fin desa carrière.»

«Vampires» (1998)«La Horde sauvage» (1969)«Une association parfaite :deux westerns, deux filmsextrêmement sauvages etcruels dans leurs genres res-pectifs. Et celui de Sam Pec-

kinpah l’est d’autant plusque son sujet, au fond, c’estla guerre du Vietnam.»

«Ghosts of Mars»(2001)

«Frontière chinoise»(1966)

«[De John Ford] Deux filmsportés par de forts personna-ges féminins [Anne Bancroftou Sue Lyon dans Frontièrechinoise, Natasha Henstridgeou Pam Grier, dans Ghosts ofMars], des héroïnes libres,assez similaires au fond.»

Recueilli parJULIEN GESTER

son temps, en ce qu’il était ancré dans la guerre froide». PHOTOS DR

inspirant, car il montrait New York comme une ville dangereuse».

révolution, la matrice absolue du slasher».

les guerriers de la montagne magique et «ses formidables voltiges».

plus grands films d’aventure jamais faits».

Restauration et numérisationavec le soutien du

À partir du 4 décembre en versions restaurées aux cinémas

ÉTOILE ST-GERMAIN-DES-PRÉSet LE CHAMPO

SÉANCES SUIVIES DE RENCONTRES ET DÉBATS

les films du losangeDes

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LIBÉRATION MERCREDI 27 NOVEMBRE 2013 ZOOM CINÉMA • VII

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Film Semaine Ecrans Entrées Moyenne/écran CumulLES GARCONS ET GUILLAUME… 1 406 572 872 1 411 572 872ÉVASION 2 196 118 868 606 315 539CAPITAINE PHILLIPS 1 500 193 982 388 193 982L’APPRENTI PÈRE NOËL… 1 364 123 540 339 123 540CARTEL 2 409 137 941 337 481 563

Peu de films ont bénéficié cetteannée d’une promo presse de l’am­pleur de celle des Garçons etGuillaume, à table ! Certes,Guillaume Gallienne excelle aussidans cet exercice, mais cela n’expli­que pas totalement le départ ca­non de sa comédie tirée du specta­

cle dans lequel il a triomphé authéâtre. Meilleure moyenne de lasemaine, le film enfonce aussi entermes d’entrées toutes les grossesmachines américaines, même Gra­vity, qui a attiré 200000 specta­teurs en cinquième semaine, et lefilm d’animation de la saison l’Ap­

prenti Père Noël et le flocon magi­que. Pour le reste, la semaine estun peu terne, probablement un si­gne avant coureur du débarque­ment imminent du rouleau com­presseur hivernal, Hunger Games,dont l’exploitation est annoncéesur plus de 1000 écrans en France.

TICKET D’ENTRÉES (SOURCE «ÉCRAN TOTAL»)

BORGMANd’Alex Van Warmerdam (1h53).Borgman est une créature de la fo­rêt. Clochard surgi d’un terrier, ilinvestit une maison bourgeoisepour procéder à sa vengeance gla­ciale. Le cinéaste dramaturge hol­landais, perdu de vue depuis unequinzaine d’années, fait son retouravec ce personnage, instrumentd’une mise au jour de pulsions se­crètes, d’inavouables névroses etde travers tenus cachés.

IN THE LANDOF THE HEAD HUNTERSde Edward S. Curtis (1h05).Réalisé par le célébrissime photo­graphe Edward Sheriff Curtis, lamémoire des derniers indiensd’Amérique, un documentaire­fic­tion de 1914 qui fait danser avec lesesprits de la tribu des Kwakiutl, surl’île canadienne de Vancouver.Quand la magie du cinéma nais­sant se métisse avec des sorcelle­ries ancestrales.

LES GARÇONSET GUILLAUME, À TABLE!de Guillaume Gallienne (1h25).Cette vraie fausse autobiographiede coming out hétéro était hila­rante au théâtre. Au cinéma, c’estencore bien pire, le sociétaire dela Comédie­Française GuillaumeGallienne parvenant à trouver desidées de plans qui renouvellent saperformance de one­man­show. Ilest en effet ici tous les hommes desa vie, y compris sa mère.

LES CHOIX DE «LIBÉ»

CINEMA

Réalisé en 1966 par Vera Chytilova, les PetitesMarguerites, merveilleux emblème de la Nou­velle Vague tchèque, reparaît aujourd’hui en(superbes) copies restaurées. Il faut redécouvrirce crachat poétique, coloré, résolumment punkavant la lettre, lancé à la face de l’ennui. L’ennui etle conformisme plombés d’une société socialisted’alors que les deux jeunes et jolies protagonistesévaporées du film, Marie 1 et Marie 2, s’escrimentà ébranler par l’outrance d’une série d’exactions

tapageuses (et plus ou moins improvisées).L’ennui du cinéma poussiéreux de papa, rapiécéici par les élans pop d’une forme qui s’éclate.L’ennui enfin de rapports archaïques entreles sexes, figurés par les corps lourds, empesés,bourgeois, de ces notables que laminent les deuxMarie dans une délectable réappropriation desrênes du jeu amoureux. J.G. PHOTO MALAVIDACe soir, au Grand Action (5, rue des Ecoles, 75005),séance spéciale en présence de l’actrice Jitka Cerhova.

REPRISE PRAGUE AVANT LE PRINTEMPS

w La première image?Le lion de la MGM. Puissant, ef-frayant, rigolo. Quality control im-médiat pour l’enfant que j’étais.w Dernier film vu?Je ne vais plus en salles, au granddésespoir de mes proches, car jene supporte plus le comportementantisocial qu’il y règne. L’un desderniers trucs que j’ai dû aller voir,c’est Inception. Dieu sait que je n’aipas l’habitude de dire quand c’estbien, mais là c’était mauvais.w Le film que vos parents vous ontempêché de voir?Octobre 85. Rambo 2. Un peu tropcommuniste si je me souviensbien. Ils avaient parfaitement rai-son. Je m’étais replié surMad Max 3 qui m’avait bouleversé.w Le monstre de cinéma dont vousvous sentez le plus proche?Le «Caresseur» de Et la tendresse?Bordel !w Le film ou la scène qui a inter-rompu un flirt avec votre voisin(e)?Le Septième Sceau, de Bergman. Jene les ai jamais revus.w Que faites-vous pendant les ban-des annonces?Je localise les extincteurs en casd’incendie. Je compte les gensdans la salle.w Avec quel personnage aimeriez-vous coucher (ou pire)?J’aimerais bien parler de cosmolo-gie quantique à Monica Vitti dansLa Notte ou de l’idée de progrès àFaye Dunaway dans Network.w Pour ou contre la 3D?Ni pour ni contre. Mais pas loin.wLe hors-champ, ça vous travaille?Non. Le «hors chiant», oui.

w La séquence qui vous a empêchéde dormir (ou de manger)?Le mec déguisé en ours dans Shi-ning, évidemment. Il est con, ceKubrick.w Ce film que personne n’a vu etque vous tenez pour unchef-d’œuvre?Le Maître-Nageur, de Jean-LouisTrintignant.wLe cinéaste dont vous n’oserez ja-mais dire du mal?Joseph Losey. Même l’Assassinatde Trotsky. Même en accéléré et àl’envers. J’ai une indulgence à sonégard qui trahit une assez basseadmiration de ma part. Accidentest le film que j’ai dû le plus voir.Quand il manque un peu d’intelli-gence autour de moi, je fous unLosey. Quand je change une am-poule, je pense à Losey. J’ai ouvertune page de fan de Losey sur Fa-cebook. On est trois, dont deuxJordaniens.wLe cinéaste dont vous osez dire dubien?Gilles Grangier. Un vrai cinéastequi savait filmer le populo, francode port, sans apprêt et sans mor-gue de classe, avec une idiosyn-crasie française aussi passionnanteque la Nouvelle Vague. Ken Loachà côté, c’est Jean Girault.wLe cinéma disparaît à tout jamais.Une épitaphe?«Clap, clap».w La dernière image?La fin suspendue de Butch Cassidyet le Kid. J’en parle dans Schnock,dans un interminable papier surPaul Newman.

Recueilli par JULIEN GESTER

Quel spectateur êtes­vous? Un invité nous répond du tac au tac.

«QUAND JE CHANGEUNE AMPOULEJE PENSE À LOSEY»

SÉANCE TENANTECHRISTOPHE ERNAULT

La nuit, il est le chanteurde charme Alister. Le jour, il dirigeSchnock, l’excellente revue«des vieux de 27 à 77 ans»,dont le prochain numéro paraîtle 4 décembre, avec Colucheen couverture. PHOTO DOM GARCIA

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LesAbenomics,potionmagiquedevenueamèrepourlesJaponaisLa politique de relance du Premier ministre, Shinzo Abe, fondée en partie surune baisse du yen, ampute le pouvoir d’achat, alors que la TVA va augmenter.

U n net ralentissement etdes doutes persistants.Après un printempseuphorique, la

troisième économie mon-diale se prépare-t-elle àun hiver anémique? Presqu’un anaprès la mise en place de la potionmagique des «Abenomics», le gou-vernement japonais se trouve con-fronté à des résultats en demi-teinte, alors que se profile un chocfiscal en avril avec la hausse de laTVA. La croissance s’est repliée demoitié au troisième trimestre,à 1,9%en rythme annualisé, con-tre 3,8% entre avril et juin et 4,3%en début d’année quand le Premierministre, Shinzo Abe, entrait enfonction, inaugurant une auda-cieuse politique de relance.

«La perte de vitesse est réelle, jugeMasamichi Adachi, économisteauprès de JP Morgan à Tokyo. Maismême à 1,9%, la croissance n’est passi mauvaise. Cette baisse est d’aborddue à des exportations moins impor-

tantes, surtout à destinationdes Etats-Unis et des paysémergents en Asie.» C’est

en substance le message délivré parle gouvernement, qui s’efforce detordre le cou à quinze années dedéflation. Depuis qu’il est revenuau pouvoir en décembre, Abe amouillé sa chemise pour inverser latendance. A grands renforts d’ac-tions volontaristes, il a décochétrois flèches visant à un assouplis-sement fiscal et monétaire, une re-lance massive via des chantiers pu-blics et une stratégie de croissancepour doper les investissements etstimuler la compétitivité. «La de-mande intérieure est stable et l’éco-

nomie poursuit son redressement»,s’est félicité récemment le ministrede l’Economie, Akira Amari.

IMPORTATIONS. Mais ce succès ap-parent des Abenomics reste trèsfragile. L’arme monétaire n’a pas eutous les effets bénéfiques escomp-

tés comme le montre le déficitcommercial qui a doublé en un an,selon des chiffres communiqués lasemaine dernière. Pour le sei-zième mois d’affilée, le commerceextérieur a affiché en octobre unsolde négatif de 1090,7 milliards deyens (8,25 milliards d’euros), con-tre 556 milliards un an plus tôt. Si

cela s’explique par des importa-tions gigantesques d’hydrocarburespour pallier l’arrêt des 50 réacteursnucléaires, ce résultat est égale-ment dû à une dépréciation du yen.La monnaie nippone, qui a perduprès de 25% en un an, a fait flamberle coût des importations de matiè-

res premières et ali-mentaires, de produitsélectroniques et d’ha-billement, pénalisantd’abord les ménages.«Avec ces prix d’éner-gie élevés, une inflation

à 0,9%, il y a évidemment une pertede pouvoir d’achat», analyse Ray-mond Van Der Putten, spécialistede l’Archipel chez BNP Paribas.Dans son rapport mensuel, l’Insti-tut de recherche du Japon a claire-ment établi que les dépenses desménages avaient ralenti au troi-sième trimestre, pointant une

«pause dans l’amélioration de laconfiance des consommateurs».Cette consommation ne s’appuiepas sur une augmentation des sa-laires, le talon d’Achille des Abeno-mics. Malgré les appels répétésd’Abe à un coup de pouce salarial,les entreprises rechignent à mieuxrétribuer leurs employés, à embau-cher et à investir malgré des profitsen hausse cette année.L’indice Tankan, qui décortique lemoral des chefs d’entreprise, estdevenu positif ces derniers mois,mais il est loin de traduire unepleine adhésion au projet d’Abe.«Nous nous attendions à ce qu’ilssoient plus confiants, mais ce n’estpas le cas», constate Adachi Masa-michi de JP Morgan, qui entrevoitune possible hausse salarialede 1,5% mais pas avant le prin-temps. «L’impact des Abenomics n’apas vraiment gagné le secteur privé.»

RÉFORMES. Les ménages, qui pui-sent dans leur épargne, et l’Etat,qui a débloqué plusieurs dizainesde milliards d’euros, demeurent lesvrais moteurs d’une croissance trèsencadrée. «Les entreprises restentprudentes et s’interrogent surtout surl’après-mars 2014 quand la taxe surla consommation passera de 5 à 8%.Elles attendent de voir si les Japonaisvont continuer à avancer leurs achatsavant cette date et redoutent les con-séquences de cette hausse sur l’éco-nomie», explique Raymond Van DerPutten. Il prévoit une croissancenégative à 0,2% au second trimes-tre. «La consommation va chuter,ajoute Adachi Masamichi. C’est à cemoment-là que les Abenomics vontêtre réellement testées et affronter desvents contraires.» Cette hausse de laTVA, présentée comme inévitablepour assainir la dette publique quiavoisine les 245% du PIB, devraitpermettre de renflouer les comptesde la Sécurité sociale.Mais elle ne sera pas payante sansles réformes structurelles queShinzo Abe appelle de ses vœux. Cecœur de sa stratégie de croissance,la troisième flèche, laisse les ex-perts dubitatifs. «Il s’agit de faire duneuf avec du vieux, regrette TobiasHarris, un consultant spécialiste duJapon chez Teneo Intelligence. C’esttellement décevant, il manque une vi-sion de ce que sera l’économie japo-naise. La formation, le marché del’emploi, le financement des entrepri-ses, la main-d’œuvre étrangère sontautant de questions fondamentalesauxquelles la troisième flèche ne ré-pond quasiment pas.» L’heure devérité approche. •

Par ARNAUD VAULERINCorrespondant à Kyoto

«La consommation va chuter.C’est à ce moment-là que lesAbenomics vont être testées.»Adachi Masamichi expert chez JP Morgan

ANALYSESo

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PRIXÀLACONSOMMATION(variation annuelle en %)REPÈRES

A Tokyo, hier. Ces derniers mois,les Abenomics ont porté les valeursboursières. PHOTO Y. SHINO. REUTERS

LIBÉRATION MERCREDI 27 NOVEMBRE 201318 • ECONOMIE

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-0,57 % / 4 277,57 PTS2 883 758 990€ +10,52%

SAFRANEDFSOLVAY

Les 3 plus fortesTECHNIPPERNOD RICARDDANONE

Les 3 plus basses

+0,14 %16 094,63+0,35 %4 008,40-0,87 %6 636,22-0,67 %15 515,24

C asquettes CGT, cali-cots CFDT, braseroset casques de chan-tier… Une centaine

de chauffeurs de Mory-Du-cros étaient rassemblés hieraprès-midi devant le tribunalde commerce de Pontoise(Val-d’Oise). Ils ont apprissans surprise le placement enredressement judiciaire dunuméro deux français de lamessagerie (transport routierde colis), dont la directionavait annoncé le dépôt de bi-lan vendredi (Libération du23 novembre). L’annonce de lanomination de deux admi-nistrateurs judiciaires etd’une mise sous observationde l’entreprise pour une pé-riode de six mois, a été ac-cueillie dans le calme. Laprocédure, qui gèle les200 millions de dettes del’entreprise, va lui permettrede poursuivre temporaire-ment son activité.Résistance. Mais l’inquié-tude est grande chez les sala-riés. Si aucune solution ne seprésente, 5000 emplois sontmenacés suite à ce dépôt debilan, le plus important enFrance depuis Moulinex en2001. Une course contre lamontre est engagée pouréviter la faillite. «L’objectifest maintenant de sauver l’en-treprise et un maximum d’em-plois. Tout le monde va se re-trousser les manches, et dèsdemain tout le monde repartau boulot pour rassurer lesclients», a déclaré le secré-taire CFDT du comité d’en-treprise, Denis Jean-Bap-

tiste. La CFDT a mis en avantun plan de sauvetage «alter-natif» qui passerait parun redimensionnement duréseau national de Mory-Du-cros de 85 à environ 50 sites.L’objectif du syndicat estde sauver 3 000 emploisdans le cadre d’une «solutionglobale».L’actionnaire actuel de Mory-Ducros, Arcole Industries (fi-liale du fonds Caravelle) a jetél’éponge mais se dit prêt à y

participer : «Cette périoded’observation est l’occasiond’élaborer, avec le soutien despouvoirs publics, une solutionpour l’avenir», a dit hier An-dré Lebrun, le présidentd’Arcole Industries. Et sonentourage laissait entendreque le fonds était prêt à «ac-compagner un ou des repre-neurs en restant au capital deMory-Ducros». De son côté,le gouvernement veut à toutprix éviter un nouveau dramesocial. Le ministre du Re-dressement productif, Ar-naud Montebourg, sembleprêt à débloquer des aidespubliques via le nouveauFonds de résistance écono-mique, doté de 380 millionsd’euros. Mais il conditionnele soutien financier de l’Etatà l’existence d’«un projet dereprise solide». «Des investis-

seurs de premier plan, indus-triels et financiers, ont d’oreset déjà marqué leur intérêt»,affirmait hier la direction deMory-Ducros dans un com-muniqué. Mais les syndicatssont sceptiques.Sommet. Aucun repreneurne s’est manifesté jusqu’audépôt de bilan. La messagerieest déjà très concentrée enFrance: «En dehors du numéroun Geodis [filiale de la SNCF],qui serait bloqué par les autori-

tés de la concur-rence, personnen’a les reins assezsolides pour re-prendre Mory-Ducros dans satotalité», estimeun professionnel

du secteur. Les 765 millionsd’euros de chiffre d’affaireset les 4 500 véhicules dutransporteur pourraient tou-tefois susciter des convoitisesà la barre du tribunal. Aussi,les syndicats mobilisent déjàcontre une vente à la dé-coupe. «Le bal des vautours vacommencer. Mais nous refu-sons toute logique de démantè-lement site par site», martèleDenis Jean-Baptiste. Les sa-lariés de Mory-Ducros sem-blent en tout cas déterminésà faire parler d’eux jusqu’ausommet de l’Etat: au tribunalde commerce, ils étaient re-présentés par le propre fils duprésident de la République,un avocat nommé ThomasHollande. Prochaineaudience le 20 décembre.

JEAN-CHRISTOPHEFÉRAUD

«Le bal des vautours vacommencer. Mais nousrefusons toute logique dedémantèlement site par site.»Denis Jean­Baptiste secrétaire CFDT

CoursecontrelamontrepourMory-DucrosSOCIAL Des repreneurs auraient fait part de leurintérêt. Et l’Etat semble prêt à débloquer des aides. La ministre des Affaires sociales, Marisol Touraine, a réussi

hier à faire adopter sa réforme des retraites, en secondelecture à l’Assemblée nationale. Le projet a recueilli291 voix pour, 243 voix contre, grâce à des mesures dedernière minute destinées à satisfaire de nombreux dépu­tés de gauche, hostiles au report de la revalorisation despensions. Parmi les amendements qui ont pesé dans labalance: l’acquisition d’une complémentaire santé revalo­risée d’une cinquantaine d’euros pour les plus de 60 ans(disposant d’une retraite inférieure à 967 euros) et la pro­messe de deux hausses du minimum vieillesse en 2014.PHOTO LAURENT TROUDE

RETRAITES : MARISOL TOURAINE FAITPASSER SA RÉFORME À L’ASSEMBLÉE

LES GENS

Impôts. Les termesfiscaux les plus courantsdans «l’indispensablelexique».

• SUR LIBÉ.FR

15,4%C’est la baisse inquiétante du nombre de permis deconstruire pour des logements neufs en France, entrenovembre 2012 et octobre 2013. Cette déprime du BTPfrançais, malgré le déficit persistant de logements,contraste avec le climat américain: les permis de cons­truire, en hausse de 14% en octobre, y retrouvent leurniveau de juin 2008, avant la faillite de Lehman Brothers.

«Une nouvelletyrannie invisibleimpose ses loisd’une manièreunilatéraleet implacable.Le marchéest divinisé.»Le pape Françoishier au Vatican

La malle de 9 mètres dehaut et 30 de long trôneprès du mausolée deLénine, bouchant la vue surla cathédrale Basile le Bien­heureux et ses dômes colo­rés. Louis Vuitton n’a pasfait dans la discrétion ens’installant sur la placeRouge pour une expositionde bagages ayant appar­tenu à des célébrités à tra­vers l’histoire.Le gigantisme du pavillonjaune et marron, siglé LV, asuscité moult réactionsindignées à Moscou. «Laplace Rouge est un endroitsacré de l’Etat russe», aprotesté le député commu­niste Sergueï Oboukhov.Un autre, membre du partiau pouvoir Russie unie, asaisi le service fédéral anti­monopole (FAS) pour véri­fier si cette malle géantene viole pas la législationsur la publicité. Vuittoncompte reverser tous lesbénéfices de l’expo à unefondation caritative pourenfants handicapés.

MOSCOU INDIGNÉPAR UNE EXPOLOUIS VUITTON

L’HISTOIRE

Des employés de Mory­Ducros, hier, à Pontoise. PHOTO JEAN­MICHEL SICOT.

LIBÉRATION MERCREDI 27 NOVEMBRE 2013 ECONOMIEXPRESSO • 19

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20 • REBONDS

Brûler des centaines de millions de tonnesd’aliments de première nécessité pourla production d’agrocarburants estun crime contre l’humanité. Depuis2007, les gouvernements européens etaméricain ont apporté un soutien sansfaille à l’industrie agroalimentaire afin

de lui permettre de remplir les réservoirs des voituresavec de la nourriture, notamment grâce à la miseen place d’objectifs contraignants, d’allégements fis-caux et de subventions de plusieurs milliards d’euroschaque année. Pour quel résultat ? Progression dela faim dans le monde, accaparement massif des ter-res, dégradation de l’environnement, et au finale,des centaines de milliers de vies perdues.Le gouvernement français et les autres dirigeantseuropéens disposent dans le mois qui vient d’une op-portunité unique de mettre un terme à ce désastreuxdéveloppement des agrocarburants. A une époqueoù toutes les cinq secondes un enfant de moinsde 10 ans meurt de n’avoir pu suffisamment s’ali-menter –selon l’Organisation des Nations unies pourl’alimentation et l’agriculture (FAO)– il est urgent quenos décideurs politiques agissent.Quelle ironie d’entendre certaines multinationalescontinuer à promouvoir les agrocarburants commeune alternative durable aux combustibles fossiles,«bonne pour l’environnement». En effet, hormis

ceux qui béné-ficient directementdes politiqueseuropéennes surles agrocarburants(telles que l’objec-tif de 10% d’éner-gie renouvelable

dans les transports), peu sont désormais ceux quicontinuent de croire aux avantages environnemen-taux et sociaux de cette énergie. La réalité estqu’il s’agit simplement d’une autre forme d’exploita-tion inconsidérée des ressources naturelles: produireun seul litre d’agrocarburants nécessite ainsi pasmoins de 2 500 litres d’eau.Les politiques française et européenne de promotiondes agrocarburants ont, depuis 2008, détournéles cultures vivrières des marchés alimentaires, sousla pression des puissantes entreprises agroalimentairesqui poursuivent leur course au profit. Cette utilisationde grandes quantités de cultures et de denrées alimen-taires pour des quantités relativement faibles de car-burant a eu trois conséquences désastreuses.La première est l’aggravation du problème de la faimdans le monde. Presque tous les agrocarburants uti-lisés en Europe sont issus de cultures vivrières tellesque le blé, le soja, l’huile de palme, le colza et le maïs,qui sont des sources de nourriture essentielles pourune population mondiale en expansion rapide.L’Union européenne brûle pourtant dans les réservoirsde ses voitures une quantité de calories alimentairessuffisante chaque année pour nourrir 100 millions depersonnes. Par ailleurs, le prix des denrées alimen-taires vitales, telles que les oléagineux, devrait aug-menter de près de 20%, l’huile végétale jusqu’à 36%,le blé jusqu’à 13%, et le maïs de près de 22% d’icià 2020 en raison des objectifs actuels de l’UE en ma-tière d’agrocarburants. Si cela vous semble peu, pen-sez que pour les habitants des taudis du monde qui onttrès peu d’argent pour acheter leur nourriture quoti-dienne, cela constitue une véritable catastrophe.Deuxième conséquence: une nouvelle demande mas-

sive de terres par les grandes multinationales détrui-sant les petites exploitations agricoles ainsi queles habitations environnantes. Les spéculateurs fon-ciers, les fonds spéculatifs et les entreprises agro-énergétiques ont été en première ligne d’une nouvelleruée mondiale vers la terre forçant des centaines demilliers de petits agriculteurs à abandonner leurschamps et les privant de leurs moyens de subsistanceet d’approvisionnement en eau. Partout à traversle monde, mais particulièrement en Amérique latine,en Afrique et en Asie, la monopolisation des terres pardes entreprises multinationales d’agrocarburantss’accompagne de violences dont les paysans indigèneset leurs familles sont les principales victimes.La troisième conséquence enfin est la destruction del’environnement. La demande en terres supplémen-taires pour répondre aux objectifs de l’UE en matièred’agrocarburants implique une expansion des terrescultivées équivalente à la taille de l’Irlande, des forêtsabattues, des tourbières pillées et des prairies labou-rées. Il ne fait plus aucun doute que les avantages entermes de changement climatique de la plupart desagrocarburants sont négligeables voire nuls. En tenantcompte de l’utilisation d’engrais, du défrichement,de la déforestation et du déplacement d’autres cultu-res, la plupart des agrocarburants produits par l’UEne réduisent pas les émissions de carbone, bien que

subventionnés pour le faire, mais émettent des mil-lions de tonnes supplémentaires de dioxyde de car-bone dans l’atmosphère. La consommation de com-bustibles fossiles doit être réduite rapidement, cela nefait aucun doute, d’autant que les solutions alternati-ves existent. Elles incluent la réduction de la consom-mation d’énergie, l’usage plus généralisé des trans-ports publics ainsi que d’autres sources d’énergiepropre, et non les agrocarburants issus de culturesagricoles, et aux conséquences particulièrement né-fastes.Cette absurdité ne peut plus durer. Il est temps d’ar-rêter cette folie des agrocarburants, qui ne procurentde larges profits qu’à une poignée de multinationalesalors que les conséquences sur l’environnement etsur des millions de victimes sans défense se révèlentdésastreuses. Le 12 décembre, lorsque les dirigeantseuropéens décideront à Bruxelles du sort de cette poli-tique d’agrocarburants meurtrière, il est impératifqu’ils annulent immédiatement les objectifs fixés etabandonnent leur soutien aux agrocarburants qui nefont qu’entrer en compétition avec l’accès à la nour-riture. Ignorer cette recommandation les rendracomplices d’un crime contre l’humanité.

Auteur de: «Destruction massive: géopolitique de la faim»,éditions du Seuil­Points, 2012.

L’Union européenne brûle dansles réservoirs de ses voituresune quantité de calories alimentairessuffisante chaque année pour nourrir100 millions de personnes.

Par JEANZIEGLERRapporteurspécial desNations uniespour le droità l’alimentationde 2000 à 2008,membredu Comitéconsultatif duConseil des droitsde l’homme

Arrêtons les agrocarburants,ils polluent et en plus ils affament

L'ŒIL DE WILLEM

LIBÉRATION MERCREDI 27 NOVEMBRE 2013

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REBONDS • 21

Les Occidentauxet le pari iranien

Mettons les chosesau mieux. A l’issuedes six mois prévuset de quelques pro-longations, l’ac-cord intérimaireque les grandespuissances ont si-gné dimanche avecl’Iran devient unaccord tout court.L’Iran renoncedéfinitivement à sedoter de la bombe.

Les sanctions étranglant son économiesont levées. Une guerre a été évitée et ledanger de prolifération régionale en-rayé.Tout est bien, sauf que cette dictaturequ’est l’Iran des ayatollahs, aussi bru-tale à l’intérieur qu’inquiétante à l’ex-térieur, n’en resterait pas moinsun «Etat du seuil», unpays maîtrisant la tech-nologie nucléaire etdonc à même, dès qu’il le déciderait, dedisposer de l’arme atomique à très courtterme.C’est pour cette raison qu’Israël,les monarchies pétrolières et la quasi-totalité des pays sunnites du mondearabe déplorent cet accord. A gauchecomme à droite, Israël s’inquiète de cequ’un pays qui arme et finance le Hez-bollah, qui entretient ainsi une redou-table armée à la frontière sud du Libanet dont le Guide suprême, l’ayatollahKhamenei, le voue à la destruction,puisse toujours devenir une puissancenucléaire. Les pays sunnites sont encoreplus inquiets parce qu’ils sont en com-pétition avec l’Iran chiite dans toutle Proche-Orient, que les passions reli-gieuses et les rivalités d’Etat se mêlentdans cette bataille toujours plus achar-née et qu’à la différence d’Israël,ils n’ont pas la bombe pour leur garan-tir un équilibre de la terreur.L’accord de dimanche ne résout pastout, et loin de là. On peut y voirune victoire d’étape pour les ayatollahs.C’est pour cela qu’Israéliens et Saou-diens en veulent aujourd’hui tant à leurallié américain et auraient cent fois pré-féré qu’il n’y ait pas de négociations,que les sanctions économiques aient étémaintenues et renforcées et qu’ellesaient progressivement conduit àla chute du régime iranien en attisant,contre lui, les tensions sociales etle rejet politique auquel il fait facedepuis près de vingt ans.C’est une position d’autant plus défen-dable qu’on peut aussi craindre quecet accord n’incite l’Arabie Saoudite etd’autres pays de la région à vouloirdevenir, à leur tour, des «Etats duseuil». Il y a, oui, de bonnes raisons decrier gare devant cette avancée maisc’est pourtant faire là bon marché detrois réalités.

La première est qu’un régime autantaux abois que celui de l’Iran mais dis-posant de milices surarmées, choyéeset richissimes n’est jamais aussi fort quelorsqu’il se sent menacé de toutes parts.L’heure n’est alors plus aux divisions.Elle est, au contraire, au front communde tous les courants conservateurs quiassurent leur survie collective en met-tant leurs différences de côté. La Coréedu Nord est là pour dire ce que la Répu-blique islamique pourrait devenir sielle n’avait plus d’autre perspective quesa fin et la deuxième réalité à prendrecompte est l’échiquier politiqueiranien.L’Iran est une théocratie dans laquelleune superstructure cléricale dispose detous les vrais pouvoirs, qui plus estconcentrés entre les mains d’un seulhomme, le Guide suprême. L’Iran esttout sauf une démocratie mais il n’y

existe pas moins une ré-publique, un exécutifprocédant d’élections

dont les résultats ne sont pas toujourstruqués. C’est ainsi qu’un réformateur,Mohammad Khatami, s’y était fait élireet réélire à la présidence à la fin des an-nées 90 et qu’un modéré, HassanRohani, a réussi le même exploit, enjuin, après avoir réuni sur son nom tousles partisans d’un changement.Intensément souhaité par la populationiranienne, l’accord de dimanche donneà ce nouveau président et à ses hommesune telle popularité qu’ils sont mainte-nant devenus incontournables. Lesconservateurs doivent désormais com-poser avec eux et, si l’équipe présiden-tielle parvient, demain, à un accord dé-finitif sur le nucléaire et, donc, àla levée de toutes les sanctions, elle seraalors tellement intouchable qu’ellepourra imposer une libéralisation poli-tique à laquelle elle-même aspire et queles Iraniens exigent.Face à des conservateurs en plein désar-roi, modérés et réformateurs ont le venten poupe à Téhéran. C’est sur leur ren-forcement qu’il faut tabler car c’est pareux que peut passer une évolution maî-trisée mais toujours plus profonde de cerégime mis dos au mur par les sanc-tions. Européens et Américains ont, ence sens, d’autant plus raison de jouer lecompromis avec Hassan Rohani qu’unIran tournant le dos à la bombe et réin-tégré dans le concert internationalpourrait parfaitement devenir –c’est latroisième réalité à prendre en compte–un facteur de stabilisation régionale.C’est un pari mais il est infinimentmoins risqué que celui de l’épreuve deforce car, fatigué de la révolution et dela théocratie, bénéficiant à la fois deses richesses naturelles et d’un niveauculturel extrêmement élevé, l’Iran estmûr pour un développement fou-droyant et une démocratie, une pleineet entière démocratie.

DIPLOMATIQUES

Par BERNARDGUETTA

La dissuasionnucléaire mériteun débat

Hier, l’Assemblée nationale a entamél’examen de la Loi de programma-tion militaire (LPM) qui fixe lesorientations de la France en matière

de défense pour la période 2014-2019. Cetexte, qui s’inscrit dans la continuité del’exercice précédent, confirme notammentle maintien d’une force de dissuasion nu-cléaire qui coûtera à l’Etat 23,3 milliardsd’euros d’ici à 2019. Or, cette décision ma-jeure n’a fait l’objet d’aucun véritable débatdémocratique.Les dispositions contenues dans la LPMsont-elles le fruit d’un consensus ? Résul-tent-elles d’une consultation équilibrée,menée dans le cadre du nouveau Livre blancsur la Défense et la Sécurité nationale ?A l’évidence, non. La composition du collèged’experts désignés sur décret présidentielpour repenser notre stratégie de défense–dans l’immense majorité, des partisans dustatu quo – n’a en effet pas permis que soitmenée une véritable discussion sur la ques-tion de la bombe atomique. Les participantsont disposé d’autant moins de latitude quele chef de l’Etat avait, avant même l’ouver-ture des travaux, «confirmé le maintien dela stratégie de dissuasion nucléaire». Les jeuxétaient déjà faits.Cette confiscation démocratique repose surtrois arguments. Le cercle des décideurs veutnous faire croire que, dans son interprétationlittérale, l’article 15 de la Constitution –quidispose que «le Président est le chef desarmées» – rendrait impossible toute miseen cause de la gestion personnaliséede la politique de défense. Il branditpar ailleurs le dogme de «l’assuran-ce-vie» : le maintien en l’état del’arme atomique dans ses deux com-posantes serait indispensable, et doncnon négociable, pour assurer la sécu-rité du territoire. Enfin, il fait état dela grande technicité de ce dossier qui inter-dirait aux personnes ne disposant pas des«compétences technologiques nécessaires»de l’aborder.Cette rhétorique alarmiste et excluante n’estpas acceptable. La pensée nucléaire ne peutplus être «le parent pauvre de la réflexionstratégique», selon l’expression du généralDesportes, ancien directeur de l’Ecolede guerre. Le niveau des dépenses mobiliséespar la France dans le secteur de la défense–32 milliards d’euros par an, soit le troisièmebudget de l’Etat – commande que tousles acteurs politiques, quels que soient leurbord et leurs convictions, soient associésau débat de fond. Il en va de la démocratie etde la légitimité de notre action.Plusieurs questions méritent d’être posées.En premier lieu, celle de la pertinence denotre stratégie atomique. Depuis quecette dernière a été mise en place à la fin desannées 50 par le général De Gaulle, le monde

a bien changé. L’affrontement des blocs n’estplus et les menaces ont profondément évolué.Nos ogives ne nous sont aujourd’huid’aucune utilité face à ce qui constituele cœur de notre action stratégique: la luttecontre le terrorisme, les conflits asymé-triques, les opérations extérieures et demaintien de la paix.Il est aussi indispensable d’ouvrir un débatsur la dérive des coûts de nos programmesde dissuasion, pointée en 2010 par la Courdes comptes. Est-il absolument nécessaire,dans le contexte de restrictions budgétairesactuelles, de maintenir en mer quatre sous-marins lanceurs d’engins et de conserveren parallèle une coûteuse composanteaéroportée ? A lui seul, l’entretien de nosforces aériennes stratégiques et de leurenvironnement mobilise entre 200 et400 millions d’euros par an. Le Royaume-Uni, qui fait face aux mêmes impératifs quela France, a décidé voilà plus de quinze ansde supprimer sa composante aérienne, etcela n’a nullement affecté sa position sur lascène internationale.Enfin, se pose la question de la compatibilitéentre le maintien d’un puissant arsenal dedissuasion dans l’Hexagone, et nos enga-gements internationaux en matière de dé-sarmement. Comment contribuer à fairesortir de l’impasse le traité sur la non-proli-fération des armes nucléaires ? Si elle veutconserver sa place dans le concert desgrandes nations, la France a le devoir derelancer ce processus avec des initiativesplus ambitieuses.Cette exigence démocratique s’exprimeaujourd’hui au-delà des frontières parti-

sanes. En 2011, un groupe de travail réuniautour de l’avionneur Serge Dassault avaitconclu que le contexte économique pouvaitappeler une rationalisation de notre force dedissuasion. Plus récemment, le député UMPet ancien ministre Pierre Lellouche a déploréque la France se retrouve contrainte de«choisir entre forces de dissuasion et forces deprojection».A l’Assemblée nationale, lors des échangesen commission sur la Loi de programmationmilitaire qui ont eu lieu la semaine dernière,les amendements sur la dissuasion nucléaireont tous été repoussés sans la moindrediscussion. S’il ne se saisit pas de ce débatlors de la séance de mardi, le Parlementmanquera un rendez-vous crucial. Ce n’estpas un service rendu au président dela République, ni à la Défense nationale.Notre majorité, élue sur le thème du chan-gement, ne saurait se résoudre à êtrecelle du statu quo sur les questionsmilitaires.

Par FRANÇOIS DE RUGY Député EE­LV etMICHEL ROCARD Ancien Premier ministre

A lui seul l’entretien de nos forcesaériennes stratégiques et de leurenvironnement mobilise entre 200et 400 millions d’euros par an.

LIBÉRATION MERCREDI 27 NOVEMBRE 2013

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LIBÉRATION MERCREDI 27 NOVEMBRE 201322 • ANNONCES

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LIBÉRATIONwww.liberation.fr11, rue Béranger 75154 Pariscedex 03 Tél. : 01 42 76 17 89 Edité par la SARLLibération SARL au capital de 8726182 €.11, rue Béranger, 75003 ParisRCS Paris : 382.028.199Durée : 50 ans à compter du 3 juin 1991. CogérantsNicolas DemorandPhilippe Nicolas Associée unique SA Investissements Presseau capital de 18 098 355 €.

Directoire Nicolas DemorandPhilippe Nicolas Directeur de la publication Nicolas Demorand Directeur de la rédactionFabrice Rousselot

Directeurs adjoints de la rédactionStéphanie AubertSylvain BourmeauEric DecoutyFrançois SergentAlexandra SchwartzbrodDirectrice adjointede la rédaction,chargée des N° spéciauxBéatrice VallaeysRédacteurs en chefChristophe Boulard (tech) Olivier Costemalle(éditions électroniques)Gérard LefortF. Marie Santucci (Next)Directeurs artistiques Alain BlaiseMartin Le ChevallierRédacteurs en chefadjoints Bayon (culture)Michel Becquembois(édition)Jacky Durand (société)Mathieu Ecoiffier(politique)Jean-Christophe Féraud (éco-futur)Elisabeth Franck-Dumas(culture)

Florent Latrive (éditionsélectroniques)Luc Peillon (économie)Mina Rouabah (photo)Marc Semo (monde)Richard Poirot(éditions électroniques)Sibylle Vincendon etFabrice Drouzy (spéciaux)Fabrice Tassel (société)Gérard Thomas (monde)Directeur administratif et financierChloé NicolasDirectrice de lacommunication Elisabeth LabordeDirecteur commercial Philippe [email protected] dudéveloppement Pierre HivernatABONNEMENTSMarie-Pierre Lamotte03 44 62 52 [email protected] abonnement 1 anFrance métropolitaine : 371€.

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Contrôle. CPPP: 1115C80064. ISSN 0335-1793.Nous informons noslecteurs que la

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LL’’AAPPRRÈÈSS--MMIIDDII Le temps restera faible-ment perturbé dans le sud-est où deschutes de neige à basses altitudes pour-ront se produire.

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http://abo.liberation.fr

LIBÉRATION MERCREDI 27 NOVEMBRE 2013 JEUX­METEO • 23

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CARAÏBESLe festivalde La Havanea révélé une scèneen plein renouveau,irrévérencieuseet inventive.

Le théâtre cubainlève le rideau de ferP our Ana Karenina, présenté par le

théâtre Vakhtangov de Moscou, leTeatro Nacional de La Havane estplein à craquer. Et l’annonce deman-

dant d’éteindre les portables est faite d’aborden russe. La machine à remonterle temps est en marche. Avec songrand rideau plissé marron et sesmurs jaunâtres, la salle monumentale a desallures 100% soviétiques. Drôles de retrou-vailles: la majorité des jeunes comédiens dela troupe du Vakhtangov n’ont pas connu lecommunisme et le voyage à Cuba constituepour eux une excursion à l’époque de leursparents. Les spectateurs cubains de plus de40 ans ont pour leur part presque tous apprisle russe au lycée.

Magnifique, le spectacle est d’une implacabletristesse. Le roman de Tolstoï a été transposéen pantomime par la chorégraphe et metteuseen scène Angelica Kholina. La sobriété du dé-cor –trois lustres et quelques chaises– ren-force l’élégance d’un procédé qui restituel’essence du roman, sans que jamais un motne soit prononcé. Le suicide d’Anna – un

grincement de roues et un coup devent qui fait voler des feuillesmortes– vient clore une deuxième

partie où, vêtus de noir, tous les interprètesportent d’avance le deuil de l’amour manqué.Et le frisson glacé qui étreint à cet instant lasalle ne doit rien à l’air conditionné soufflantau maximum.Rien ne change à Cuba, surtout pas l’impres-sion du temps suspendu, comme si le deuilde la révolution n’en finissait pas. Et pour-tant… Le festival de théâtre de La Havane qui

s’est tenu du 25 octobre au 5 novembre (lireci-contre) a multiplié les signes d’une évolu-tion encore impensable il y a peu.L’héroïne de Tolstoï est aussi l’affiche duTrianón, l’un des nombreux théâtres qui bor-dent Línea, l’une des principales avenues duVedado, le quartier qui concentre une bonnepart de la vie culturelle de La Havane.

LIBERTÉ. Pièce de Nilo Cruz, auteur améri-cain d’origine cubaine écrivant en anglais,Anna in the Tropics a obtenu en 2003 un prixPulitzer pour le théâtre. L’œuvre a pour cadreune manufacture de tabac en Floride dans lesannées 30 et raconte l’arrivée d’un hommeembauché par des travailleurs pour leur fairela lecture à haute voix pendant les heures detravail. Les ouvriers écoutent donc des pagesd’Anna Karénine, tandis que la famille pro-priétaire de l’usine se déchire. L’intérêt du

spectacle réside d’abord dans ses conditionsde production: après sa création à La Havane,fin octobre, cette version d’Ana en el Trópicovient d’être présentée, du 22 au 24 novembre,au Colony Theater de Miami, et la distribu-tion rassemble des acteurs vivant à Cuba etd’autres installés aux Etats-Unis. Un cas defigure qui illustre le comblement progressifdu fossé entre Cubains «du dehors» et du«dedans». Ce soir-là, les actrices MabelRoch et Lilian Rentería, qui ont quitté l’îledepuis vingt ans, sont ovationnées au mo-ment du salut et nul n’aurait l’idée de lestraiter de gusanas («vers de terre» –enten-dre «vermine»–, le mot qui désigne les Cu-bains ayant quitté l’île).A l’affiche avec elles, Osvaldo Doimeadiós vittoujours à La Havane. Célèbre pour ses rôlesdans des telenovelas et ses émissions humo-ristiques, Doime, comme tout le monde l’ap-

Par RENÉ SOLIS Envoyé spécial à La HavanePhotos MICHEL POU

Ana en el Trópico, de Nilo Cruz, mise en scène par Carlos Diaz, réunit pour la première fois des comédiens vivant à Cuba et d’autres exilés aux Etats­Unis.

REPORTAGE

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CULTURE

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Dédié au 150e anniversaire de la naissance de Constantin Stanislavski, le 15e festivalinternational de théâtre de La Havane, qui s’est tenu du 25 octobre au 5 novembre,a proposé une soixantaine de spectacles dont un gros tiers de productions cubaines–de loin la part la plus intéressante de la programmation. Le festival, qui se tient tous lesdeux ans, alterne avec une autre manifestation, organisée dans la ville de Camagüey, etexclusivement consacré au théâtre cubain. Plusieurs des spectacles présentés pendant lefestival restent à l’affiche de théâtres locaux. Parmi eux, Fichenla si Pueden, l’adaptationde la Putain respectueuse de Jean­Paul Sartre (Argos Teatro); Antigonón (au Trianón)et Rapsodia Para el Mulo (El ciervo encantando).

UN FESTIVAL, SOIXANTE SPECTACLES

pelle, a été invité en 2010 à animer une émis-sion sur Mega TV, une chaîne américaine enespagnol basée à Key West, en Floride : «ACuba, tout le monde était persuadé que j’allaisrester là-bas. Mais je ne voyais pas pourquoi ilfallait que je choisisse entre un pays ou l’autre.La guerre froide est finie! Il y a quelques années,combiner les deux aurait été impensable.Aujourd’hui, les artistes peuvent faire des cho-ses sans attendre les décisions politiques. Lestemps changent.»Un «changement» qu’illustre aussi l’éton-nante liberté de ton, tant sur le fond que surla forme, de plusieurs spectacles. Dans Fi-chenla, si Pueden («Chopez là si vous pou-vez»), adaptation de la Putain respectueuse de

Sartre, le metteur en scène Carlos Celdrán,fondateur de l’Argos Teatro, transpose lapièce dans le Cuba d’aujourd’hui et met lesdeux pieds dans plusieurs sujets brûlants: ra-cisme, arbitraire policier et corruption politi-que, le spectacle tourne au brûlot d’actualité.Par sa rigueur, son intensité et la qualité desinterprètes, la pièce est cousine des produc-tions argentines de Daniel Veronese etClaudio Tolcachir, qu’on a pu voir ces derniè-res années en France, notamment au Festivald’automne. Metteur en scène expérimenté,Carlos Celdrán sait très exactement jusqu’oùpousser le bouchon: «Je monte des textes quipermettent de dialoguer avec la réalité urbained’aujourd’hui. Que ce soit Ibsen, Strindberg,Beckett, Sartre, ou Virgilo Piñera [poète «fon-dateur» du théâtre contemporain cubain misà l’index dans les années 70 et mort en1979, ndlr]. Il s’agit toujours pour les acteursde parler d’eux-mêmes et du présent. Quand onsort les textes de leur contexte original –lieu ouépoque–, on peut donner la sensation qu’ils se

passent ici et maintenant sans même avoir be-soin de dire: “Ça, c’est Cuba.” C’est une straté-gie relativement subtile. Le théâtre dispose d’unespace de dialogue que n’ont pas le cinéma oula télévision. Nous profitons de cette brèche.»La metteuse en scène Nelda Castillo, fonda-trice en 1996 de la compagnie El Ciervo En-cantado («Le cerf enchanté»), n’y va pas nonplus avec le dos de la cuillère. Dans la chapelledésaffectée qui abrite son théâtre, elle est dugenre à veiller sur les spectateurs comme surdes enfants potentiellement turbulents(«toute sortie est définitive»). Solo interprétépar Mariela Brito, Rapsodia Para el Mulo(«Rhapsodie pour la mule», titre inspiré d’unpoème de Lezama Lima) est un spectacle au

premier degré d’une rare vio-lence. Nue, harnachée et entra-vée comme un véritable ani-mal, l’actrice tourne en rondpendant une heure en traînantune carriole, Mère Couragemuette et harassée fouillant

dans les poubelles de la révolution, au piedd’une silhouette du Che en ombre chinoiseet d’un slogan, «Del combate diario a la victo-ria segura» («Du combat quotidien à la vic-toire assurée»). Combat et victoire résuméspar ce personnage à l’état de bête, qui accu-mule ses «richesses», tomes dépareillés desœuvres de Marx, Engels et Lénine, plateaux-repas en étain cabossé, cartes de rationne-ment déchirées, panneaux de «tâches révolu-tionnaires» maculés de rouille et de boue. Letout au rythme d’une bande-son pimpante:des extraits d’émissions de Radio Enciclope-dia, station culturelle grand public, égrenant,au gré d’un jingle stressant, des «infos» façonSélection du Reader’s Digest: «Les fourmis nedorment jamais»; «Les éléphants sont les seulsmammifères incapables de sauter». Et poursolde final des lendemains qui chantent, l’ac-trice s’arrête pour uriner sous elle. Impossibled’être plus explicite.La nouvelle génération a l’irrévérence plus lé-gère. Dans La Mujer de Carne y Leche («La

femme de chair et de lait»), les jeunes artistesdu collectif MCL, réunis autour de Leire Fer-nandez, partent à l’assaut de quelques incon-tournables de la culture nationale –notam-ment le machisme–, via des micros-trottoirsaussi édifiants qu’hilarants, la gaîté n’occul-tant pas une forme de colère sourde.

FIL. Dans la même veine, en plus déjanté etplus écrit, Perros que Jamás Ladraron («Chiensqui n’ont jamais aboyé»), du jeune drama-turge Rogelio Orizondo, s’inspire de témoi-gnages –souvenirs d’enfance, expériencesamoureuses– souvent glaçants de ses acteurs.Et les insère dans un show interactif avec lepublic (invité à envoyer des SMS à l’un desacteurs, qui les lit en direct). Le tout dans unbordel qui revendique sa filiation avec le«théâtre allemand contemporain».L’autre fil suivi par les jeunes dramaturgescubains passe par un retour aux héros duthéâtre grec. Ils s’inscrivent en cela dans lalignée de Virgilio Piñera, dont Electra Gar-rigó (1948) constitue l’une des œuvres majeu-res du théâtre cubain du XXe siècle. Un retouraux classiques qui est aussi un raccourci versl’actualité que certains ont payé cher. TelsAntón Arrufat, auteur en 1968 d’une réécri-ture jugée «contre-révolutionnaire» des Septcontre Thèbes d’Eschyle, qui lui valut mise enaccusation et interdiction professionnelle, ouJosé Triana, auteur de Médée dans le miroir,

qui vit à Paris depuis plus de trente ans.L’époque n’est plus aux procès staliniens etles deux Antigone présentées au festival nefont l’objet d’aucune censure. Antigona deYerendy Fleites transforme Créon en bureau-crate borné et fait d’Antigone une jeune filled’aujourd’hui : les enjeux du texte original–l’enterrement du corps de Polynice, le défid’Antigone à Créon, la punition – sontcomme dilués dans une société où règnel’ennui, encore plus que l’arbitraire.Plus ambitieux et maîtrisé, Antigonón de Ro-gelio Orizondo (l’auteur de Perros que JamásLadraron) part d’Antigone pour passer en re-vue certains héros de l’histoire cubaine,comme José Marti, le père de l’indépen-dance, dont les bustes et les représentationssont encore plus nombreux à Cuba que ceuxde Che Guevara. Le metteur en scène CarlosDíaz (celui d’Ana en el Trópico) déploie toutson savoir faire et son sens de l’humour, dansun spectacle aussi réjouissant visuellement–avec des clins d’œil appuyés au cabaret detravestis– que pertinent théâtralement, surle fil entre dérision et poésie, dans un enchaî-nement de questions qui en appellent tou-jours d’autres. Une façon, comme dit CarlosDíaz, de «repousser les limites». «La nouvellegénération, ajoute-t-il, se fiche de la vieille rhé-torique. Elle se situe déjà demain.» Un demainqui ne chante pas, mais auquel le théâtre cu-bain commence à donner une voix. •

«Le théâtre dispose d’un espacede dialogue que n’ont pas le cinéma ou latélévision. Nous profitons de cette brèche.»Carlos Celdrán metteur en scène

Le Teatro Raquel­Revuelta, l’une des nombreuses salles qui bordent Línea, le «Broadway» de La Havane, et le Teatro Nacional.

JEUDI 28 NOVEMBRE À 18H30

Un film de la sélection cinéma France Culture — Libération Inscription et réservation* par mail à[email protected]

*dans la limite des places disponibles

Un événement France Culture et Libération,en partenariat avec La Fémis

INVITATION à la projection du film suivie d’une masterclass avec Yann Dédet, monteur, à la Fémis, 6 rue Francoeur 75018 Paris

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HISTOIRE Une exposition au musée de l’Armée, à Paris, retrace, en mêlant costumes, estampes, documentsécrits et audiovisuels, la colonisation française en Extrême-Orient et la guerre qui y mit un terme.

Les Invalides refont l’Indochine

Parachutage sur Diên Biên Phu, 1954. Image attribuée au photographe militaire DanielCamus. PHOTO RMN­GRAND PALAIS. IMAGE MUSÉE DE L’ARMÉE

A près l’Algérie l’andernier, au tour del’Indochine. Désireux

de sortir de la naphtaline, lemusée de l’Armée, installéaux Invalides, continue derevisiter les pages doulou-reuses de la colonisation etde la décolonisation à lafrançaise. Près de soixante

ans après la défaite de DiênBiên Phu (en mai 1954), quiaccéléra la fin de cette aven-ture extrême-orientale, uneexposition retrace la con-quête de la «Cochinchine»,son éphémère colonisation(1856-1954), puis le repli desFrançais dans le fracas desarmes.

Après la tragédie algérienne,le second volet de ce dypti-que prêtait a priori moins àpolémique. C’était comptersans Laurent Fabius.Colère. En apprenant, dé-but octobre, la mort à 102 ansdu général Giap, le célèbrevainqueur de Diên Biên Phu,le ministre des Affaires

étrangères a rendu un hom-mage appuyé à un «un grandpatriote vietnamien». Cettedéclaration a suscité la colèredes anciens combattants,mais aussi d’une partie del’armée qui n’a pas oublié lesort réservé aux prisonniersde guerre, soumis à des mau-vais traitements entre lesmains du Vietminh. Preuveque le sujet demeure encoresensible : des responsablesvietnamiens sont venus dis-crètement en reconnaissanceaux Invalides, histoire de vé-rifier que l’ambassadeurd’Hanoi à Paris pourrait visi-ter l’exposition sans se four-voyer.Celle-ci raconte comment laFrance de Napoléon III, puisde la Troisième République,a jeté son dévolu, durant laseconde moitié du XIXe siè-cle, sur ce bout d’Asie coincéentre les Indes britanniqueset la Chine.Devoir. Mêlant costumes,estampes et documentsécrits, la première partie del’expo retrace la conquête auson du canon, puis la coloni-sation de territoires situés àquelque 15000 kilomètres dela France. Une entreprisequi, à la fin du XIXe, suscitades débats passionnés à l’As-semblée nationale, JulesFerry invoquant le «devoirdes races supérieures» d’édi-fier les «races inférieures»,pendant que Georges Clé-menceau dénonçait des«crimes atroces» commis aunom de l’héritage des Lu-mières. Un échange qui atrouvé un lointain écho,en 2005, avec la controversesuscitée par un projet de loi(finalement enterré) vantantles «bienfaits» de la coloni-sation !L’exposition retient davan-tage l’attention lorsqu’elleaborde, avec des documentsaudiovisuels saisissants, la

montée de la revendicationd’indépendance en Indo-chine, la période trouble del’Occupation, puis la guerrecontre le Vietminh. On(re)découvre ainsi que le ré-gime de Vichy du maréchalPétain pactisa avec le Japonpour garder le contrôle de lapéninsule. Après la Libéra-tion, on entend la voix –à lafois timide et déterminée –d’Hô Chi Minh rendre hom-mage au «grand peuple» deFrance qui «a levé l’étendard

des valeurs de liberté, d’égalitéet de fraternité». Un éloge enforme de baiser qui tue pourmieux justifier le combat àvenir.Après une vaine tentative denégociation entre la Francegaullienne et le dirigeantcommuniste vietnamien,en 1946, la péninsule basculedans la guerre. Contraire-ment au conflit algérien, dé-noncé par les Etats-Uniscomme un prurit colonial,l’Oncle Sam soutient à boutde bras son allié français enIndochine, vue comme undomino qu’il faut maintenirà tout prix dans le giron du

«monde libre». Sur un filmd’époque, un vice-présidentaméricain au visage poupinvisite la cuvette de Diên BiênPhu : un dénommé RichardNixon – l’homme qui, deuxdécennies plus tard, signerales accords mettant fin à laseconde guerre du Vietnam.Cadavres. Tournées en 1953par un jeune militaire promisà bel avenir de cinéaste,Pierre Schœndœrffer, d’au-tres images montrent laguerre telle qu’on ne la voit

plus aujourd’hui:les tirs d’artillerie,le vacarme as-sourdissant descanons, les cada-vres défigurés del’ennemi. Le tout

sur fond de musique drama-tique et accompagné d’unevoix off martiale.En toute fin d’expo, deux pé-pites: une conversation sur-réaliste entre deux hautsgradés enregistrée justeavant la chute de Diên BiênPhu, et un film amateurtourné après les accords deGenève (1954) par un sous-officier montrant des mili-taires français embarquant àbord du bateau qui va les ra-mener dans l’Hexagone.Sous l’œil impassible desvainqueurs, les jeunes sol-dats du Vietminh.

THOMAS HOFNUNG

Le Louvre, le musée d’Orsay, Beaubourg et… le musée del’Armée. Créé en 1905, cet établissement mal connu estpourtant l’un des musées les plus fréquentés de Franceavec 1,4 million de visiteurs annuels. Situé dans la courd’honneur des Invalides, à Paris, il est vrai qu’il bénéficied’un emplacement exceptionnel. Les touristes, attirés parle tombeau de Napoléon, en profitent pour aller admirerles collections permanentes du musée, et notamment levaste département des armes et armures.Conscients que la chose militaire occupe une place demoins en moins importante dans la société française, ledirecteur du musée, le général Christian Baptiste, et sonadjoint David Guillet (un ex du ministère de la Culture)s’emploient à dépoussiérer l’image du lieu.En 2012, ils ont ainsi organisé la seule expositionconsacrée dans un musée national à l’Algérie, cinquanteans après les accords d’Evian. Le projet a suscité lesinquiétudes du Quai d’Orsay, soucieux de ménager lessusceptibilités d’Alger. Mais au finale, les réactions lesplus virulentes ont émané de vétérans, outrés qu’onévoque dans un tel lieu la question de la torture. Legénéral Baptiste assume, expliquant que son musée a unrôle citoyen: celui d’embrasser toute l’histoire de France,y compris ses pages les plus sombres, pour mieuxréconcilier le pays avec son passé. Après l’Indochine, unpeu de légèreté avec au printemps prochain une expo surles mousquetaires du roi. Avant celle consacrée, cent ansaprès son déclenchement, aux représentations de laguerre de 14­18. T. H.

OPÉRATION DÉPOUSSIÉRAGE

Après la Libération, onentend la voix d’Hô ChiMinh rendre hommage au«grand peuple» de France.

THÉâTRE / MUSIQUE / DANSE

du 12 NovEMbRE au 7 DÉcEMbRE 2013

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P lacardée en plusieursendroits, dans la petitepièce qui sert de sas

avant qu’on entre dans le vifdu sujet, la précision ne peutéchapper à personne: «Ex-hibit B est une exposition, pasun spectacle théâtral. Prenezvotre temps devant chaqueinstallation. Ne vous sentezpas pressé par les personnesderrière vous.»Alors on prend son temps,même si la visite tient plus del’immersion que de la flâ-nerie. Les organisateurs duCentQuatre, qui accueillejusqu’à demain soir à ParisExhibit B, de Brett Bailey,avaient imaginé un temps deparcours moyen d’environvingt à trente minutes.«Altérité». Lundi, au termede la première soirée, ils ontrevu leurs estimations à lahausse : les gens– qui ren-trent un à un– y restent plu-tôt dans les trois quartsd’heure ; plus longtempsmême pour ceux, assez nom-breux, qui répondent favora-blement à la proposition delaisser un témoignage écrit àla sortie. Lequel, chez cer-tains, ne tient pas tant du li-vre d’or usuel, où l’on com-plimente l’artiste en quelqueslignes, que de la litanie, tra-duisant là un besoin mani-

feste de formuler, sinon éva-cuer, l’émotion ressentie.Exhibit B a été l’un des tempsforts du dernier Festivald’Avignon (Libération du17 juillet). Pourtant, le projetne circule pas si facilement,à croire que sa teneur malai-sante crée certains blocages:le Festival d’automne, à Pa-ris, n’en a pas voulu, alorsqu’il vient de programmer le

cabaret House of the HolyAfro, du même auteur. AAvignon, il était présentédans l’église des Célestins.Autre cadre idoine, les an-ciennes écuries du Cent-Quatre, dans les tréfonds dugigantesque bâtiment, hé-bergent désormais l’«expo-sition» du Sud-Africain,«deuxième partie d’une sériede présentations centrées surl’histoire occultée du racismeet les jeux de pouvoir com-plexes entre l’Europe et l’Afri-que de la fin du XVIIIe siècle àaujourd’hui».Le propos est aussi simple àrésumer qu’éprouvant – ce

qui correspond du reste aubut expl icite de lamanœuvre. En une succes-sion de tableaux vivants,Brett Bailey recrée l’indicibleabomination que suggèrentles zoos humains tels qu’ilsexistaient encore il n’y a passi longtemps, insistant de lasorte sur «les chambres som-bres de notre imaginaire col-lectif hantées par de faussesreprésentations silencieuses etdes configurations tordues del’altérité». Allemand, Fran-çais, Belge ou Hollandais, lecolonisateur blanc a commissur le continent africain lespires atrocités, tantôt au nomde l’impérialisme économi-que, tantôt sur la base dethéories racistes poussantl’infamie dans ses ultimesretranchements.Décapités. Des «comé-diens» se tiennent donc là,mutiques, statiques, sur despodiums aux allures de cata-falques renforcées parl’atmosphère de pénombreet les accents élégiaques del’accompagnement musical.Autour d’eux, d’autres«trophées» : têtes d’anti-lopes empaillées, crânes,photographies d’indigènesdécapités. Et puis des textes,qui égrènent le nom de cha-que installation (Age d’ornéerlandais, 1730…) et com-pilent des témoignagesd’époque.Comme cette description,formulée sur un ton neutre,de «nègres rôtis vivants sur unfeu doux et torturés avec despinces brûlantes». Et ainsi de

suite, jusqu’à cethomme entravé,bloqué sur un fau-teuil d’avion, oc-casion de redireque, ces dernièresannées, 28 per-sonnes (dont sont

mentionnés les noms, le paysd’origine et celui où ils ontsuccombé) ont péri en ten-tant de résister à leur expul-sion. Tout au long du par-cours, le visiteur contempleainsi ces hommes et femmesexhibés. Soutenir durable-ment leur regard fixe relèvede la mission quasi impossi-ble. A la réflexion, cela auraitmême quelque chose d’in-convenant.

GILLES RENAULT«Exhibit B», de Brett Bailey,CentQuatre, 5, rue Curial,75019. Ce soir, 19h ­22h30,demain, 17h­22h.A Strasbourg (le Maillon),du 3 au 7 décembre.

ARTS VISUELS Avec «Exhibit B», au CentQuatre,le Sud-Africain s’attaque au racisme blanc en Afrique.

La colon scopiede Brett Bailey

En une successionde tableaux vivants, BrettBailey recrée l’indicibleabomination que suggèrentles zoos humains.

In extremis, une copiemanuscrite des Mémoiresd’outre­tombe de Cha­teaubriand, qui devait êtremise aux enchères hier àParis, a été directementacquise par la Bibliothèquenationale de France aprèsune négociation de gréà gré avec le propriétaire.Le manuscrit, composéde 3514 pages reliéesen dix volumes, avait étéestimé entre 400000 et500000 euros. Le montantde l’acquisition n’a pas étérévélé. Il n’existe pas demanuscrit autographe desMémoires, Chateaubriand,qui avait l’habitude dedicter son texte à un secré­taire, ayant brûlé la plupartde ses brouillons. Lemanuscrit, réalisé par desassistants et signé en 1847de la main de l’écrivain, estla seule copie intégrale con­nue du texte et, souligne leministère de la Culture, «laseule qui permette de com­prendre l’architecture del’œuvre telle que l’a vouluel’auteur, la BNF en possé­dant une autre copie maistrès partielle». Ces élé­ments ont justifié la recon­naissance du manuscritcomme «trésor national» etson achat. Ce manuscritvenait du descendantd’un notaire parisien,Me Cahouët, qui l’avait reçuen dépôt, en 1847, commeune sorte de copie témoin.«Il ne s’agissait pas d’uneminute notariale, qui auraitdû dans ce cas reveniraux Archives nationales»,avait précisé la maisonde ventes.

CHATEAUBRIANDRATTRAPÉPAR LA MANCHE

L’HISTOIRE

Melanie de Biasio Indie jazzen apesanteur de la Belge entrio avec son 2e album, No DealInstitut culturel italien, 73, ruede Grenelle, 75007. Ce soir, 20h.

Jacky Terrasson Pianiste en trioavec invités le jour de sonanniversaire New Morning, 7/9,rue des Petites­Ecuries, 75010.Ce soir, 21h.

Médéric Collignon et YvanRobilliard Battle de deux feuxfollets (cornet de poche­piano)du jazz Triton, 11, rue du Coq­Français, Les Lilas (93). Jusqu’au30 novembre, 19h30.

Roberto Fonseca Pianiste cubainen solo au festival World StocksBouffes du Nord, 37 bis, rue dela Chapelle, 75018. Ce soir, 20h.

MÉMENTO

Le rappeur tunisien Men-Ay condamnéLe rappeur tunisien Men-Ay (Aymen Fekhi) a été condamnélundi à quatre mois de prison avec sursis pour outrage àfonctionnaires. Un autre artiste hip-hop, Mustapha Fakh-fakh, alias Mister Mustapha, a été relaxé. «C’est unevictoire», selon l’avocat, arguant qu’ils risquaient un an etsix mois de prison.

Ryan O’Neal devant la justiceL’acteur américain Ryan O’Neal est en procès cette semaineà Los Angeles. Il est accusé du vol d’un portrait de son ex-compagne Farrah Fawcett, signé Andy Warhol, après uneplainte, datant d’août 2011, de l’université du Texas, où aétudié feue la star.

« On oublie souvent qu’il a écrit beaucoupde films, et que c’est important pour lui.»Jason Statham superstar britannique, à proposde Homefront, narco thriller sorti aux Etats­Uniset scénarisé par Sylvester Stallone

Des «comédiens» mutiques et statiques. ANKE SCHUETTLER

THÉÂTRE 10-20 DÉCEMBRE

PAUL GROOTBOOMTOWNSHIP STORIES 10-14 déc.

RHETORICAL 17-20 déc. villette.com

2 spectacles choc ! Par le «Tarantino» du théâtre sud-africain…

La chorégraphe Mathilde Monnier, directrice du Centrechorégraphique national de Montpellier depuis 1994,est nommée à la direction du Centre national de la danse(CND) de Pantin, établissement public. Elle succèdeà Monique Barbaroux, qui a assuré deux mandatsde trois ans assez mouvementés, notamment lors dela récente fusion de la Cinémathèque de la danse avecle CND. Centre de ressources ouvert à toutes les dansesdepuis sa création, en 1998, le CND a de nombreusesmissions qui vont de la formation à l’édition, du patri­moine à l’accompagnement des danseurs professionnels.Mathilde Monnier, dont on ne doute pas qu’elle saurainsuffler un esprit nouveau, a tout à la fois la dimensionpolitique et artistique nécessaire au développement decet outil unique. PHOTO SÉBASTIEN CALVET

MATHILDE MONNIERMÈNE LA DANSEÀ PANTIN

LES GENS

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SMARTPHONE Une application permet aux internautes désœuvrées et peu soucieusesdu respect de la vie privée de noter les hommes selon des critères arbitraires.

Avec Lulu, les fillesse tapent la fiche

I l faut imaginer une internautedésœuvrée dans la jungle duWeb 2.0 : après avoir mis

5 étoiles à un salon de coiffure surYelp, jugé «médiocre» le gîte deses vacances sur TripAdvisor etoffert un généreux 9/10 à unebande dessinée sur Senscritique,elle n’a toujours pas assouvi sa soifde notes. Elle s’ennuie. Elle a be-

soin d’un nouveau réseau social,de nouveaux contacts avec quipartager son passionnant avis surson fascinant quotidien. Elle a be-soin de Lulu.Neuneus. C’est sans doute ainsiqu’ont raisonné les pros du mar-keting à l’origine de cette affli-geante application gratuite où lesfilles notent les mecs comme on

note un fast-food. En leur appli-quant à peu près les mêmes critè-res (Est-il propre? Bien construit?Accueillant ? Bien fréquenté ?Servi chaud?), on fait ainsi béné-ficier de notre avis éclairé toutesles autres utilisatrices intéresséespar ce bon plan – qu’il s’agissed’un ami d’enfance, d’un ex-boy-friend ou de papi Albert, puisquetout ce qui porte un prénom peutfaire l’objet d’une fiche sur Lulu.Chargée, la fiche.Non contente de réclamer unenote sur 10 pour chaque trait de

caractère (humour, manières,ambitions, engagement, appa-rence…), l’appli anglophonepousse ses agents de renseigne-ments bénévoles à lister tous lesvilains petits défauts des victimes(«fume comme un pompier», «estobsédé par sa mère»), voire àles faire passer pour de completsmalotrus à coups de questionnai-res stéréotypés, sexistes, vieux jeuet neuneus. Ainsi, un garçon ayant«d’autres priorités» que sa relationamoureuse ne vaut rien surl’échelle de l’engagement, tandisqu’«offrir des fleurs à sa belle-mèrepour son anniversaire» représentele plus haut échelon possiblepour impressionner une fille. Unpoint bonus s’il aime les bébés.Véridique.Les individus ainsi catalogués ontde bonnes chances de n’en jamaisrien savoir: ils ne reçoivent ni mailni notification quand leur fiche estcréée par une admiratrice ou uneprétendante déçue. Ils ne peuventpas non plus s’opposer à la créa-tion de ladite fiche. Tout juste peu-vent-ils craindre le pire s’ils pos-sèdent un compte Facebook,puisque l’appli n’autorise que lanotation d’internautes inscrits surle réseau tout bleu.C’est d’ailleurs là qu’elle allait, àses débuts en 2011, piocher à leurinsu leur photo de profil, prénomet nom de famille ainsi que leurville de résidence. En avait-elleseulement le droit? Comme le re-marquait à l’époque un journaliste

du Guardian, pas tellement : surFacebook, une appli utilisée parun membre a le droit de récupérerles coordonnées de tout son cercled’«amis», mais pas de les diffuserpubliquement.Lulu a depuis corrigé le tir pourrespecter les (très souples) règlesde Facebook en matière de vieprivée. Tout ce cirque illustre entout cas le peu de contrôle qu’ontles utilisateurs de Facebook surleurs propres données. Chez Lulu,les hommes n’ont qu’un droit :réclamer la suppression de leur

fiche a posteriori.Et commentsont-ils censéssavoir si leur bo-bine et leur vieprivée traînentsur une applica-tion dont ils sontbannis ? Facile,

explique la foire aux questions :«Demandez à une amie de vérifierà votre place.»«Changer». Lancé fin 2011 enversion site web sous le nom de«Luluvise», Lulu a changé de nomet investi les plateformes mobilesen février 2013 avec 2,5 millionsde dollars (1,8 million d’euros) etune trentaine d’employés. Quel-ques articles dans la presse améri-caine (jusqu’au New York Times cemois-ci) viennent de lui donnerun nouveau coup de fouet, et Luluse vante aujourd’hui de compterun million d’utilisatrices sur iOSet Android.La fondatrice de l’application,la Britannique Alexandra Chong,semble toujours persuadée quediffamer ses copains sur smart-phone est une idée saine aux re-tombées forcément positives: «Siun mec n’a pas une bonne note dansune certaine catégorie, il peut chan-ger son comportement», expli-quait-elle à Buzzfeed au débutde l’année. On lui souhaite unsuccès tel qu’il faille envisagerd’étendre son public et créerune version masculine, pourque les serial-noteuses se re-trouvent jugées à leur tour… surleurs compétences en cuisine ouleur tolérance aux matchs de foot,par exemple. Dira-t-on encoreque les filles mal notées n’ont qu’àchanger leur comportement pourrehausser leur attrait sur lemarché ?

CAMILLE GÉVAUDAN

WEB Le plus vieuxpure player deFrance a 15 ans.

Balkansavec vuesur l’info

L e premier pure player deFrance, c’est lui, lancé surInternet il y a quinze ans

pile (1): le Courrier des Balkansqui informe, en français et del’Adriatique à la mer Noire, surl’actualité de l’Europe du Sud-Est, compte 300000 pages vuespar mois, un bon score pour unsite spécialisé.En 1997, quand l’idée lui vient,et en 1998, quand il la réalise,Jean-Arnault Dérens, son fon-dateur, vit au Monténégro. Aucœur des événements, puisqu’ilest à quelques heures en voituredu Kosovo où s’annoncent lespremières lueurs de la guerre quidébouchera en 1999 sur l’inter-vention de l’Otan. La carte géo-politique, remodelée par l’ex-plosion de l’ex-Yougoslaviecommuniste en 1991, n’est pasencore achevée. Le Monténégrone se séparera de la Serbiequ’en 2006, et le Kosovo, à l’étatde semi-protectorat pendantdes années, ne proclamera sonindépendance qu’en 2008.Malgré cette actualité, l’idéequ’un média, dont les textessont des traductions d’articlesde la presse locale des Balkans,puisse trouver suffisammentd’abonnés pour subsister, pa-raissait alors tenir du défi. Or, ila subsisté. Les amoureux desBalkans et les isolés de la dias-pora y trouvent, outre l’actua-lité, des livres, de la musique, etmille annonces utiles (cinéma,théâtre, nourriture).Les subventions du ministèrefrançais de la Culture et de l’Or-ganisation internationale de lafrancophonie (OIF), qui lui ontpermis d’éclore, ont peu à peulaissé place à un financementplus classique basé sur les abon-nements payants aux archives(75% des ressources), une bou-tique en ligne et une activité deconsulting (études et interpré-tariat). Les traductions formenttoujours la majorité des textesproposés, mais le site emploiedésormais des correspondantsdont le rôle est de rendre acces-sible des informations illisiblessans leur contexte.

HÉLÈNE DESPIC-POPOVIChttp://balkans.courriers.info(1) Ce sera l’occasion d’une soirée,le 29 novembre, à la Bellevilloiseà Paris.

L’appli pousse ses agentsde renseignements à lister tousles vilains petits défauts desvictimes, voire à les faire passerpour de complets malotrus à coupsde questionnaires stéréotypés.

Trop sale? Trop froid? Trop poilu? Dézinguez­le sur Lulu. PHOTO DR

LIBÉRATION MERCREDI 27 NOVEMBRE 201328 • ECRANS&MEDIAS

Page 37: Prostitution 11. Leplus vieux débat Un hiver dumondelewebpedagogique.com/dutgea1/files/2014/07/liberation_20131127_27... · Coauteur du rapport parlementaire de 2011 sur la prostitution,

A LA TELE CE SOIR20h50. Espritscriminels.Série américaine :Le poids des mots,Numéro 6,Je sais ce que j’ai à faire.Avec Shemar Moore,Thomas Gibson.23h25. Dr House.Série américaine :4 épisodes.Avec Hugh Laurie,Robert Sean Leonard.2h45. 50 mn inside.Magazine.

20h45. La famille Katz.Série française :Joyeux noël,Bonne année.Avec Julie Depardieu,Serge Hazanavicius.22h25. Un jour / un destin.Mireille Darc, blessures intimes.Documentaireprésenté par Laurent Delahousse.23h55. Grand public.Magazine.

20h45. L’ombre d’un doute.Fontainebleau, la demeure des rois.Documentaireprésenté parFranck Ferrand.22h35. Réflections.22h45. Grand Soir 3.23h40. Les chansonsd’abord.Musique.0h30. En quête de preuves.Série.

20h45. Football : PSG / Olympiakos.Champions league.Sport.22h50.Looking for Athènes.Documentaire.23h45. Taken 2.Film.1h15. Tunnel.2 épisodes.Série.2h50. Gebo et l’ombre.Film.

20h50. Bardot, la méprise.Documentaire.22h45. L’Europe des écrivains.L’Espagne de Juan Goytisolo, Manuel Rivas etBernardo Atxaga.Documentaire.23h45. MichelPetrucciani.Documentaire.1h25. Traque en série.Série.

20h50. Ice show.Divertissementprésenté par Stéphane Rotenberg.23h15. Ice after show.Divertissement.0h25. AbsolumentCéline Dion.Documentaire.1h25. M6 Music.Musique2h40. Météo.2h45. European pokertour.Jeu.

20h45. L’aubergeespagnole.Comédie française deCédric Klapisch, 120mn,2002.Avec Romain Duris,Cécile De France.22h40. Les poupéesrusses.Comédie française deCédric Klapisch, 125mn,2004.Avec Romain Duris.0h45. La première fois.Documentaire.

20h40. La maisonFrance 5.Magazine présenté parStéphane Thebaut.21h25. Silence, ça pousse !Magazine.22h10. Écho-logis.Documentaire.22h39. Consomag.22h40. C dans l’air.Magazine présenté par Yves Calvi.23h45. Dr CAC.23h55. Entrée libre.

20h40. Vegas.Série américaine : Hollywood ending,Le dessous des cartes,Vies antérieures,Un ennemi commun,Les fils du Nevada,Mascarade.Avec Dennis Quaid,Michael Chiklis.1h45. Paris dernière.Magazine.2h45. Programmes de nuit.

20h50. Le superbêtisier de l’année.Divertissementprésenté parClara Morgane etStéphane Jobert.0h30. Chauve-souris :la vengeancecarnivore.Téléfilm.2h10. Poker.Jeu.3h25. Programmes de nuit.

20h45. Coucou, c’est toujours nous !Divertissementprésenté parChristopheDechavanne et Patrice Carmouze.0h50. Fan des années 80.Années 1988 & 1985.Divertissement.2h35. TMC Météo.2h40. Trio dangereux.Téléfilm.

20h50. Enquêtescriminelles : Le magazine des faits divers.2 reportages.Magazine présenté par Sidonie Bonnec etPaul Lefèvre.22h55. Enquêtescriminelles : Le magazine des faitsdivers.2 reportages.Magazine.1h15. Météo.

20h45. L’instit.Téléfilm français :Terre battue,Avec Gérard Klein.22h20. L’instit.L’Angelus du corbeau.Téléfilm.23h55. L’instit.Touche pas à monécole.Téléfilm.1h25. G ciné.Magazine.1h30. Fish’n chips : rien ne les arrête.

20h50. En quêted’actualité.Loto casinos, jeux en ligne :à qui profite le jackpot ?Documentaireprésenté par Guy Lagache.22h40. En quêted’actualité.Documentaire.0h50. Football : PSG / Olympiakos.Sport.

20h45. Baby boom -Saison 3.Camelia.Documentaire.22h05. Baby Boom.Liés à jamais - La première fois.Documentaire.0h40. Obèses : pertede poids extrême.Mélissa.Documentaire.2h15. Tous différents.Magazine.

20h50. Piège à haut risque.Téléfilm de DeanSemler.Avec Steven Seagal,Gailard Sartain.22h25. Hard luck -Middleman.Téléfilm de Mario VanPeebles.Avec Wesley Snipes,Cybill Shepherd.0h10. Programmes denuit.

TF1

ARTE M6 FRANCE 4 FRANCE 5

GULLIW9TMCPARIS 1ERE

NRJ12 D8 NT1 D17

FRANCE 2 FRANCE 3 CANAL +

La famille barjotFrance 2, 20h45Oh, une série à base defamille dysfonctionnelle:la Famille Katz (Julie Depar­dieu, Serge Hazanavicius)débarque pour 6 épisodes.

Les stars salchowM6, 20h50Ah, une télé­réalité à basede patin : Ice Show, c’estDanse avec les stars surdes lames. Et les starsc’est, heu, Clara Morgane.

La femme BardotArte, 20h50Drôle d’objet quece Bardot, la méprise :de belles images inéditesde l’actrice, mais un tonnombriliste et chichiteux.

LES CHOIX

Philippe Hersant pourraitse désengager de «Nice-Matin»Le patron de presse Philippe Hersant envisagerait le désenga-gement de son Groupe Hersant Média (GHM) du groupeNice-Matin, s’il ne parvient pas à trouver un co-investisseurpour le recapitaliser, selon Mediapart. Lors d’un comité d’en-treprise fin novembre, il a évoqué la recherche d’un «parte-naire» capable d’apporter «10 à 20 millions d’euros», rapportele site. Hersant préparerait également un plan social dans sonpôle Antilles et Guyane, qui concernerait une cinquantained’emplois.

Lagardère retire sa plaintecontre «la Tribune»D’après la lettre confidentielle Presse News, Arnaud La-gardère va se désister de sa plainte pour diffamation déposéeen août 2011 contre le quotidien économique la Tribune etdeux de ses journalistes. Dans un article titré «Arnaud diri-ge-t-il encore Lagardère ?», la Tribune, qui n’existe plusaujourd’hui que sous la forme d’un site et d’un hebdo, s’in-terrogeait sur la crédibilité d’Arnaud Lagardère à la tête dugrand groupe industriel. L’article évoquait notammentl’idylle entre Arnaud Lagardère et le mannequin belge JadeForet.

1,22million de dollars(900000 euros) de dom­mages et intérêts contrel’AFP et Getty Imagespour avoir violé les droitsd’auteur d’un photogra­phe haïtien. La sanctiona été prononcée parun jury de Manhattan.Lors du séisme de 2010en Haïti qui avait fait250000 morts, un photo­graphe, Daniel Morel, avaitpris plusieurs clichés, ques’est ensuite appropriésun certain Lisandro Suero,les postant sur son compteTwitpic. C’est là que l’AFPet Getty ont récupéré lesphotos avant de les retirerdu circuit sitôt connu leurvéritable auteur. Mais, pourle tribunal américain, il y abel et bien eu violationdes droits d’auteur.

Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) n’a pourle moment qu’une autorité très limitée sur Internet.Mais il aimerait bien y grignoter du terrain, si l’on encroit sa récente tentative de mettre sous son autoritéles sites de radio, de plus en plus amenés à diffuser dela vidéo. Selon l’Expansion, il a demandé cet été auxradios de se déclarer comme des «services multimédiasà la demande», et à ce titre soumis à une partie des obli­gations applicables aux éditeurs de télévision, notam­ment en matière de déontologie, de protection desmineurs et de production et promotion des œuvres,souvent différentes de celles qui incombent aux radios.Pour ces dernières, c’est hors de question. La stationRTL a même déposé un recours contre cette demande,estimant ne diffuser que de la radio filmée, soit l’équiva­lent de ce qui passe sur ses ondes. Le débat naissantpourrait bien s’élargir aux sites d’information en ligne quiproduisent leurs propres vidéos. Pour le moment,les plateformes de partage comme YouTube ouDailymotion ne sont pas concernées par ces obliga­tions. S.Gin.

LE CSA VOUDRAIT PRENDRELES VIDÉOS DANS SA TOILE

L’HISTOIRE

C’est confirmé, la présidence du futur groupe Vivendi,recentré sur les contenus et les médias, sera confiéeà l’homme d’affaires breton Vincent Bolloré, par ailleursactionnaire du groupe. Le conseil de surveillance deVivendi a validé le projet de scission entre ses activitésd’opérateur et ses activités médias qui devrait débou­cher sur l’introduction en Bourse de SFR. Le conseila de plus nommé Arnaud de Puyfontaine, issudu groupe de médias américain Hearst, directeur géné­ral des activités médias et contenus de Vivendi à comp­ter de début 2014. «Ce groupe répondrait pleinementaux nouveaux modes de consommation numérique dansles univers de la musique et des images, et poursuivraitson développement sur des marchés à forte croissance»,indique Vivendi. Le projet de scission doit encoreêtre soumis aux instances représentatives du personnelde la société et aux autorités réglementaires. PHOTOREUTERS

VINCENT BOLLORÉPREND LA TÊTE D’UNVIVENDI RECENTRÉSUR LES MÉDIAS

LES GENS

1115796

Par décision de l’associé unique en date du 22 novembre 2013, il a été constitué une société présentant les caractéristiques suivantes :Dénomination :

FAST FOR WORDForme juridique : EURL Capital social : 3 000 €Siège social : 57, rue Saint-Fargeau, 75020 ParisObjet : Traduction, interprétationDurée : 99 ans à compter de son immatriculation au RCS de ParisGérant : M. Bamiyan SHIFF, demeurant 57, rue Saint-Fargeau, 75020 Paris, nom-mé pour une durée indéterminée.

1115823Par acte SSP en date du 22/11/2013, il a été constitué une société présentant les caractéristiques suivantes : Forme : SASDénomination :

DIX NEUF CENT QUATRE VINGT SIX

Capital : 1 000 EurosSiège social : 67 rue de Tocqueville, 75017 Paris.Objet : Exercice de la profession d’archi-tecteDurée : 99 ans.Président : Gaudemet Mathilde, 67 rue de Tocqueville, 75017, ParisDirecteur général : Ozenne Arthur, 20 rue Truffaut, 75017, ParisConditions d’admission aux assemblées : Tout actionnaire peut participer aux assemblées quel que soit le nombre de ses actions.Exercice du droit de vote : Chaque action donne droit à une voix.Cession des actions : Les actions ne peuvent être cédées qu’avec le consen-tement de la majorité des associés repré-sentant au moins les deux tiers des parts sociales.La société sera immatriculée au R.C.S de Paris.

1115793Par acte SSP en date du 19/11/2013, il a été constitué une société présentant les caractéristiques suivantes : Forme : SASDénomination :

CENTAURéECapital : 2 000 €Siège social : 92 rue de Clignancourt, 75018 PARIS.Objet : conseil en relations publiques et communicationDurée : 99 ans.Président : BON Anaïs, 92 rue de Cli-gnancourt 75018 PARISConditions d’admission aux assemblées : La société est constituée d’une associée unique.Exercice du droit de vote : La location d’actions n’étant pas autorisée, l’associée unique vote seule aux assemblées.Cession des actions : La cession des ac-tions de l’associée unique est libre.La société sera immatriculée au R.C.S de Paris.

Libération est habilité aux annonces légales et judiciaires pour le département 75 en vertu de l’arrêté préfectoral du 27 décembre 2012

LIBÉRATION MERCREDI 27 NOVEMBRE 2013 ECRANS&MEDIAS • 29

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Par HÉLÈNE DESPIC­POPOVICEnvoyée spéciale à Akura, Telaviet Tbilissi (Géorgie)

La statue se dresse, mar-tiale, devant le monu-ment aux morts de laSeconde Guerre mon-diale qui domine la villede Telavi. Soixante ansaprès sa mort, le «gé-néralissime» Staline,

dont l’effigie avait progressivement dis-paru de toutes les bourgades de Géor-gie, y compris, en 2010, de sa ville na-tale de Gori, revient subrepticement. Enpied, comme à Telavi, ou en buste,comme à Akura, place forte de la Géor-gie viticole, à une centaine de kilomè-tres de la capitale, Tbilissi.Cette réapparition est d’abord l’œuvredes vétérans, fort âgés, qui voient enStaline le vainqueur de la SecondeGuerre mondiale. Mais elle est aussi lefruit d’un mouvement de retour à latradition qui a émergé après la victoiredes populistes du Rêve géorgien aux lé-gislatives de 2012 et qui pourrait s’ac-centuer avec l’élection à la présidence,le 27 octobre, du candidat de ce parti,Gueorgui Margvelachvili. La fonctionétait occupée depuis dix ans par le ré-formateur pro-occidental Mikhaïl Saa-kachvili.A Akura, les vignerons, qui viennentd’achever leurs vendanges, se retrou-vent le soir dans le petit parc du centre-ville où Staline a élu domicile avec l’ac-cord tacite de la mairie. «C’est l’hommequi a fait trembler le monde entier, ditKakha, un jeune paysan qui, bonnet surla tête et cigarette au bec, essaie d’ex-pliquer son admiration pour l’anciendictateur soviétique responsable demillions de morts. Et puis, il était reli-gieux. Pas comme Saakachvili qui a voulunous enlever nos traditions.» A Telavicomme à Akura, les statues sont recou-vertes d’une étrange peinture brune quidissimule les taches rouges dont ellesavaient été barbouillées, symboles dusang versé par le dictateur. Mais cetteaction, apprendra-t-on plus tard, est àmettre au crédit d’une escouade de jeu-nes venus de nuit de Tbilissi, et nond’une révolte locale.

Musulmans interditsde prière

L’étranger de passage à Akura s’étonnede cette admiration pour Staline, maisautour de Kakha, les villageois acquies-cent bruyamment. Le jeune homme nefait qu’exprimer une opinion qui a déjàcours au sein de l’Eglise orthodoxegéorgienne et que le patriarche Ilia II alui-même développée dans un entre-tien, cet été, sur la chaîne russe RT, Na-dezhda Kevorkova. «Staline était unepersonnalité éminente, comme il n’en naîtque rarement. Et il était croyant, surtoutà la fin. C’est ce que je pense», a déclaréle hiérarque qui s’est rendu plusieursfois cette année en Russie, rencontrantmême à deux reprises le président Vla-dimir Poutine.Seul trait d’union avec Moscou et vec-teur de son influence comme dans laplupart des ex-républiques soviétiquesde tradition orthodoxe, l’Eglise géor-

Depuis la victoire électorale des populistes,l’Eglise orthodoxe monte en puissance.Trait d’union avec la Russie et pivot du

nationalisme, elle soutient la réhabilitationdu Petit Père des peuples, un enfant du pays.

gienne joue désormais un rôle de pre-mier plan dans la vie du pays, imposantsans ménagement ses thèmes et ses va-leurs, au nom du droit de la majorité re-ligieuse. En août, à Tchela, dans le sud-ouest du pays, des orthodoxes ont exigéet obtenu le retrait du minaret que lesmusulmans du village étaient allésacheter en Turquie. A Nigvziani, unautre bourg de la même région, desgroupes de fidèles, pope en tête, ontempêché pendant des mois des musul-mans de se rendre chaque semaine dansune salle de prière privée. Enfin mi-mai,à Tbilissi, entre 20000 et 30000 per-sonnes emmenées par des popes en co-lère ont agressé une poignée de jeunesurbains qui défilaient lors de la Journéeinternationale contre l’homophobie.Dans chacun de ces cas, l’Etat a laisséfaire, n’osant pas affronter une Eglisequi dit représenter 84% de la populationet un patriarche de 85 ans dont le tauxd’approbation s’élève à 94%. Les mino-rités, qu’elles soient ethniques, religieu-ses ou sexuelles, n’ont aux yeux des tra-ditionalistes le droit de subsister que sielles vivent cachées.Avec ses briques rouges, ses reproduc-tions de fresques dont on est allé cher-cher les motifs jusqu’en Serbie et sonpimpant presbytère, Sainte-Mariné,

Géorgie

Staline,pope star

LIBÉRATION MERCREDI 27 NOVEMBRE 201330 • GRAND ANGLE

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ne compte plus les églises neuves cons-truites sur tout le territoire, y comprisà Tbilissi où le clergé, selon un archi-tecte de la mairie, commence à bâtir desédifices religieux sans aucun permis, ensachant très bien que les autoritésn’oseront pas les détruire. De même, legouvernement géorgien n’a jamais osés’attaquer aux dispositions qui, après la

chute du communisme, ont octroyé aupatriarcat orthodoxe toutes les églisesde Géorgie, fussent-elles catholiques ouarméniennes. Mais malgré ces conces-sions, Saakachvili, le modernisateur,reste aux yeux des plus traditionalistessynonyme d’antéchrist.«L’Eglise est plus forte que l’Etat», cons-tate amèrement Levan Soutidzé, ani-mateur de l’émission «Parler de reli-gion», diffusée sur la télé d’oppositionTabula. «Elu en 2012, le nouveau Premierministre Bidzina Ivanichvili, qui est laïc,a prêché la tolérance et a dit que les homo-

sexuels avaient le droit de manifester,mais cela n’a pas été suivi d’effet, souli-gne l’ancien enfant de chœur du pa-triarche. A chaque conflit, c’est l’Eglisequi a gagné.»L’Eglise est retournée dans les écolespar la bande. Les dernières études so-ciologiques, datant de 2011, montrentqu’en Géorgie, les jeunes sont les reli-gieux les plus fervents. C’est dans lesrégions proches de la Turquie, dans lesud-ouest du pays, où les musulmanssont issus des populations locales isla-misées à l’époque de la domination ot-tomane, que la pression est la plus forte.«A Nigvziani, où les orthodoxes ont em-pêché les musulmans d’utiliser leur sallede prière, les enseignants interrompaientleurs cours et allaient avec leurs élèves as-sister à ces manifs, raconte Beka Min-diachvili, expert en questions religieu-ses. S’il y avait des petits musulmans dansla classe, ils leur disaient qu’ils devaientse convertir à l’orthodoxie car c’était lareligion de leurs ancêtres.»Pour cet ancien séminariste, l’Eglisegéorgienne est une courroie de trans-mission des intérêts politiques de laRussie, avec qui elle a conservé desliens spécifiques datant de l’époque oùelle était noyautée par le KGB, commetoute l’Eglise russe. L’animateur LevanSoutidzé souligne que le patriarcheIlia II «évite autant qu’il peut de parlerd’occupation» quand il évoque les terri-toires géorgiens perdus (Abkhazie, Os-sétie du Sud) lors de la guerre de 2008contre la Russie.

Montrer à l’Europeson «identité propre»

C’est peu après la résurgence de ce con-flit datant du début des années 90 que ladernière statue de Staline encore enplace, à Gori, avait été déboulonnée parles partisans de Saakachvili. Aux yeuxdes pro-Occidentaux, qui ont calquéleur attitude sur celle des Baltes ou desPolonais, Staline n’a plus été considéréque comme le dirigeant d’une Union so-viétique russifiée. Originaire, par ha-sard, de Géorgie. Aujourd’hui plus po-pulaire en Géorgie qu’en Russie, sonmythe a changé de nature. «Les genspensent: certes, nous étions colonisés parles Russes, mais c’était un enfant de cheznous qui dirigeait ce pays», résume l’his-torien Lacha Bakradzé qui se réfère à uneétude sociologique réalisée l’an derniermontrant que ce mythe n’est «pas lié aucommunisme, à la nostalgie de l’URSS ouau souvenir de la Seconde Guerre mon-

diale». Il est en revanche,comme l’Eglise, un «symbolede l’anti-occidentalisme et del’antilibéralisme», deux cartesque joue la Russie.Au soir de la manifestationorthodoxe du 17 mai contrele défilé des antihomopho-bes, un haut responsable de

l’Eglise soulignait que la Géorgie avaitmontré à l’Europe qu’«elle avait sonidentité propre». «Le nationalisme géor-gien avait toujours été orienté vers l’Occi-dent, constate Beka Mindiachvili. Maisle patriarcat a créé un nouveau nationa-lisme, prorusse et anti-occidental.» Lesminorités ethniques, religieuses etsexuelles sont donc priées de quitterl’espace public. Et Staline, l’enfant dupays arrivé à la tête de l’URSS – vueaujourd’hui comme une Russie élar-gie –, peut reprendre sa place au pan-théon des conservateurs. •

«Staline a fait trembler le mondeentier. Et puis il était religieux.Pas comme Saakachvili, qui a voulunous enlever nos traditions.»Kakha paysan d’Akura à propos de l’ex­présidentgéorgien, pro­Occidentaux

dans la banlieue de Tbi-lissi, fait partie de ceséglises rénovées, ouplutôt reconstruites àl’emplacement d’unancien édifice cultueltransformé en silo pen-dant la période soviéti-que. On n’y plaisantepas avec les traditions,comme dans toutes leséglises du pays aujourd’hui. A l’entrée,des femmes portant foulard, drapéesdans de longues jupes noires, tiennentune boutique d’objets religieux où l’onvend des bougies, mais aussi des livreset des CD. Les visiteuses sont priées decacher épaules, cheveux et pantalons.

L’avortement assimiléà un génocide

A la tête de la puissante Union des pa-rents orthodoxes, le père David Issa-kadzé, de l’église de Sainte-Mariné, necomprend pas pourquoi l’attitude dupatriarcat orthodoxe serait répréhensi-ble: «Nous ne voulons pas que l’affirma-tion d’autres religions menace l’identité denotre petit pays. Beaucoup de mosquéesont été construites chez nous ces dernièresannées par la Turquie et l’Iran. La Suissea demandé par référendum à ses citoyens

Baptême devantl’église orthodoxede Mtskheta.PHOTO DAVIDMDZINARISHVILI.REUTERS

Un Géorgiencélèbre le60e anniversairede la mort deStaline dans uneéglise de Gori,ville nataledu dictateur.PHOTO SHAKHAIVAZOV.AP

s’ils étaient d’accordpour laisser construireun minaret, et ils ont ditnon. Nous faisons lamême chose, nous de-mandons aux gens d’ex-primer leur opinion. Demême, si une personneveut devenir homo-sexuelle, c’est son af-faire. Mais si elle s’affi-

che, cela irrite les nerfs des croyants carpour l’Eglise, l’homosexualité est une dé-gradation de l’être humain. L’Eglise neveut pas faire de politique, mais elle auratoujours une position sur les dossiers quitouchent aux valeurs de la société.» Ainsi,le patriarche ne s’est pas privé d’assi-miler l’avortement à un génocide.L’Eglise en veut à Mikhaïl Saakachvili–l’ancien héros de la «révolution desroses» qui a exercé deux mandats deprésident de cinq ans– d’avoir, en 2005,expulsé le catéchisme de l’école et,en 2011, voté une loi donnant aux con-fessions minoritaires le statut de reli-gions constituées. Même si, en contre-partie, l’Etat a continué de financerlargement l’Eglise orthodoxe, lui accor-dant chaque année 25 millions de dol-lars (18,5 millions d’euros) et mainte-nant ses privilèges fiscaux. De fait, on

TbilissiMer

Noire

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LIBÉRATION MERCREDI 27 NOVEMBRE 2013 • 31

Page 40: Prostitution 11. Leplus vieux débat Un hiver dumondelewebpedagogique.com/dutgea1/files/2014/07/liberation_20131127_27... · Coauteur du rapport parlementaire de 2011 sur la prostitution,

PORTRAIT HUZEIFA EDREES

les bombardements se sont encore rapprochés du petit centrede soins, simple appartement au rez-de-chaussée d’une mai-son dont le second étage a déjà été foudroyé par une roquettequi a détruit la citerne d’eau. Et malgré ce désastre général,ce sentiment de naufrage absolu qui pèse sur Bab Amro, alorscœur battant de la révolution syrienne et dont la chute appa-raît imminente, le pharmacien et directeur du dispensaire,avec une voix douce que l’on entend à peine dans l’orage deplomb, tient à parler de son affection pour la famille royalebritannique. Il aime tout: le tralala des cérémonies, les car-rosses, Buckingham, les histoires, Diana… «Mais c’est surtoutla reine que j’aime.» Soudainement, il tend un chewing-gum:«Prenez-le ! C’est le dernier de Bab Amro.»Une dizaine de jours plus tard, le quartier tombe entreles mains des troupes loyalistes. Depuis, le petit pharmacien,âgé de 42 ans, avait disparu. Avait-il été tué, arrêté et tor-turé? Non, il a survécu et a réussi, avec sa famille, à gagnerTripoli, au Liban, où il apprend la chirurgie de guerre dansun hôpital. «Avec cinq infirmières du centre, on est passé entreles lignes des soldats. On était habillé tout en noir. On a marchéde minuit à cinq heures du matin sans faire le moindre bruit. Nousétions épuisés. Peut-être que les soldats nous ont entendus maisils n’ont pas tiré. Quelque 3000 personnes sont sorties ainsi duquartier. Sinon, les shabiha [milices de voyous aux ordres durégime, chargées des basses besognes, ndlr], qui sont arrivées

après les soldats, les auraient égorgées. Maintenant, Bab Amroest totalement détruit. Il n’y a plus que des vieux qui y vivent.»Hormis sa famille proche, le pharmacien a tout perdu.«Mon père a été égorgé, un cheik a vu son cadavre dansune mosquée, à côté de beaucoup d’autres. Mon frère, Oussama,qui s’était fait ambulancier, a été tué par une bombe. Le frère dema mère, mort lui aussi. Les shabiha ont cherché ma pharmacieet ma maison pour les piller et les brûler. Mes chemises,mes souliers, on les trouve dans les souks des quartierspro-régime où l’on vend tout ce qui a été volé.»Après sa fuite de Bab Amro, Edrees se réfugie dans une maisonprès de Damas. «Quand elle m’a revu, ma mère, qui me croyaitmort, s’est évanouie.» Il n’a pas l’intention de quitter son paysmais, un soir, à la télévision, il découvre Ce qu’on ne vous apas dit sur Bab Amro, un programme de délation mis en placepar le régime dans le cadre duquel il est recherché pour avoiraidé des blessés. Sur la photo, ses yeux d’un bleu intense,ne passent pas inaperçus. «Alors, je me suis habillé le plus élé-gamment possible et, avec ma femme et mes enfants, on a filé envoiture vers le Liban. Les sol-dats n’ont pas imaginé qu’unhomme si bien habillé avec safamille pouvait être traqué.»Jusqu’au soulèvement deHoms, Edrees était un phar-macien sans histoire qui ga-gnait bien sa vie. Il étaitmembre du parti Baas, aupouvoir, et de l’Union despharmaciens. Donc, un no-table. C’est la répressionféroce des manifestationspacifiques qui le font rejoin-dre la rébellion et diriger l’undes deux centres de premierssoins de Bab Amro, cœurbattant de la révolution. Il n’a pourtant aucune compétenceparticulière. «Excepté le docteur Mohammed, aucun de ceuxqui travaillaient dans ce dispensaire n’avait jamais fait de méde-cine.» Pour la première fois, il se met à porter des jeans :«C’était plus pratique pour me faufiler entre les tirs des snipers.»Car, si les infirmiers et le médecin dorment sur place pourlimiter les risques, lui, l’homme tranquille, se refuse à cou-cher dans un lit de fortune. Il tient coûte que coûte à rejoindresa famille chaque soir pour s’assurer que tout va bien, la ras-surer aussi, quitte à s’exposer, à courir en rasant les murs.«A la maison, quand les bombes tombaient, il fallait quand mêmeque je rie devant ma fille. Raghad a aujourd’hui 4 ans. Mais,elle sait qui a tué son grand-père. Et ce qu’est une 12,7 ouun RPG-7. Nos enfants sont devenus comme ça.» A présent,il parle des derniers jours de Bab Amro. «On aurait dit quec’était notre dispensaire que le régime haïssait le plus etqu’il cherchait à tout prix à écraser sous les bombes. Si un com-battant rebelle est fait prisonnier, il peut survivre en prison. Sic’est un médecin ou un journaliste, il n’a aucune chance.»Après l’attaque chimique contre les faubourgs de Damas,le pharmacien a espéré que l’Amérique et la France iraientbombarder le régime. Grande déception. «Désormais, le peu-ple syrien croit que vous vous servez de la Syrie comme d’un théâ-tre. Il faut que vous frappiez pour que nous soyons convaincusdu contraire, pour nous montrer que vous êtes bien des pays li-bres. Nous sommes en train de mourir avec ou sans gaz. Vousdites que vous êtes les amis des Syriens mais les amis sont làquand on a besoin d’eux.» Mais il n’a pas cessé pour autantd’admirer la reine Elizabeth. Elle est l’incarnation d’un rêve,celui de la démocratie. «Songez que les Anglais peuvent lui de-mander des comptes sur l’argent qu’elle dépense pour ses tenues.Bachar, lui, peut tuer tous ceux qu’il veut et personne ne peutrien lui demander.» Il insiste: «La liberté, pour nous, c’est depouvoir avoir la même vie que vous, les Occidentaux, celle qu’onvoit à la télé.»Mais la Syrie dont il rêve, coincée entre les forces du régimeet les formations jihadistes qui ne cessent de se renforcer,n’en est pas là. Le pharmacien en convient. «Nous n’accep-tons pas que des étrangers viennent faire de la politique cheznous. Après la révolution, il nous faudra sans doute faire une autrerévolution pour les chasser.» Après avoir appris la chirurgiede guerre, il pense regagner son pays. Il a laissé à Homs sapetite chatte qu’il affectionne. «Si jamais Bachar la trouve,il va la tuer. Il est capable de l’accuser d’être responsable de larévolution.» •

Par JEAN­PIERRE PERRINPhoto PAUL ASSAKER

EN 4 DATES

1971 Naissance à Homs.4 février 2012 Début dupilonnage de Bab Amro.22 février Mort de lajournaliste américaine MaryColvin et du photographefrançais Rémy Ochlik.S’occupe des blessésfrançais et britanniques.1er mars 2012 L’arméeprend le contrôle duquartier, réduit à un champde ruines. Il réussit à fuirau Liban.

C’ est peut-être lui l’incarnation de l’humanitéen Syrie, cette minuscule lueur qui perdure quandtout a sombré dans la nuit, quand tout est perdu,quand les chiens errants rôdent autour du sépulcre

à la mauvaise haleine de ce qui fut une rue, un quartier,une ville.Lui, c’est Huzeifa Edrees, le petit pharmacien du quartier deBab Amro, à Homs, qui, au plus fort de la tempête d’acier defévrier 2012, vous invitait à boire le thé dans son bureau etvous emmenait loin de Bab Amro, de Homs, de la Syrie, deces horreurs qui vous assèchent la gorge en vous racontantson adoration pour… la famille royale britannique.Ce 16 février 2012, dans le petit dispensaire, une infirmière,à bout de nerfs, vient d’éclater en sanglots. Le médecin,Mohammed al-Mohammed, l’un des rares toubibs du quartierassiégé depuis sept mois, craque à son tour. Avec une pincede chirurgie, il arrache avec violence un shrapnel planté dansl’œil d’un blessé, constate qu’il a cessé de respirer et jettel’éclat d’acier et l’instrument au beau milieu de la pièce enhurlant des imprécations, avec une haine sauvage, à l’adressede Bachar al-Assad. A côté des autres blessés, dont on ne saits’ils vivent encore, une mère s’est mise à hurler. Dehors,

Aujourd’huiréfugié

au Liban,ce pharmaciensyrien a dirigé

l’un descentres

de premierssoins à

Bab Amro,l’épicentre dela révolution.

Humain dans l’horreur

LIBÉRATION MERCREDI 27 NOVEMBRE 2013