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Richard Fouquier Prothésiste Dentaire Appréhender simplen les méthodes, la phyi et ld chimie... qui est ï T â U U r ? Richard FOUQUIER Prothésiste dentaire Richard Fouquier est né le 29 avril 1956 en région parisienne. Après un baccalauréat scientifique il se lance dans un DEUG de physique chimie pour finalement s'intéresser de plus près à la prothèse, en 1978 il passe son CAP. et n'arrêtera plus d'appro- fondir ses connaissances enchaînant les diplômes, BM4 en 1982, Degree in Dental technologies 1997 (Londres), D.U. de Maxillo en 1997... Il multiplie les interventions lors de stages et de conférences, est candidat finaliste au concours du « Meilleur Ouvrier de France 2000, il est également vice-président du Club français de Céra- mique Dentaire. Richard Fouquier a dirigé plusieurs labos en France avant de s'ex- patrier de 2000 à 2003 dans un cabinet de prosthodontics à Port- land (Maine, USA), où il a eu l'occasion d'être en contact direct avec les patients. Depuis, Richard est revenu en France où il a crée en 2004 le laboratoire RVF à Gap, puis à Embrun depuis fin 2007. Parce que finir la journée de travail avec l'esprit sere- in, certain des produits que l'on a livrés est l'essen- tiel, il faut être sûr de sa pratique et des techniques employées. Tout maîtriser par le savoir, le pourquoi et le comment est impossible, mais approcher la connaissance des matières, fiabiliser le résultat, pouvoir expliquer ce que l'on fait, ça, c'est accessible. Avec la rubrique "Homme de l'Art", a commencé un rendez-vous mensuel de pratique et de technologie pour venir au plus près de la conscience de notre art, en abordant des sujets pas si anodins qu'ils ne le paraissent. Un trésor de réussite se dissimule à l'intérieur de cette rubrique.

Prothésiste Dentaire Appréhender simplen les méthodes, la ... · La réfection a été menée avec succès (photo 3), ... (photo 1), mais la teinte des ... DOSSIER TOURS DE MAIN

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R i c h a r d F ouqu i e r

P r o t h é s i s t e D e n t a i r e

Appréhender simplen les méthodes, la phyi et ld chimie... qui e s t ï T â U t ë U r ?

Richard FOUQUIER Prothésiste dentaire

Richard Fouquier est né le 29 avril 1956 en région parisienne. Après un baccalauréat scientifique il se lance dans un DEUG de physique chimie pour finalement s'intéresser de plus près à la prothèse, en 1978 il passe son CAP. et n'arrêtera plus d'appro-fondir ses connaissances enchaînant

les diplômes, BM4 en 1982, Degree in Dental technologies 1997 (Londres), D.U. de Maxillo en 1997...

Il multiplie les interventions lors de stages et de conférences, est candidat finaliste au concours du « Meilleur Ouvrier de France • 2000, il est également vice-président du Club français de Céra-mique Dentaire.

Richard Fouquier a dirigé plusieurs labos en France avant de s'ex-patrier de 2000 à 2003 dans un cabinet de prosthodontics à Port-land (Maine, USA), où il a eu l'occasion d'être en contact direct avec les patients.

Depuis, Richard est revenu en France où il a crée en 2004 le laboratoire RVF à Gap, puis à Embrun depuis fin 2007.

Parce que finir la journée de travail avec l'esprit sere-in, certain des produits que l'on a livrés est l'essen-tiel, il faut être sûr de sa pratique et des techniques employées.

Tout maîtriser par le savoir, le pourquoi et le comment est impossible, mais approcher la connaissance des matières, fiabiliser le résultat, pouvoir expliquer ce que l'on fait, ça, c'est accessible. Avec la rubrique "Homme de l'Art", a commencé un rendez-vous mensuel de pratique et de technologie pour venir au plus près de la conscience de notre art, en abordant des sujets pas si anodins qu'ils ne le paraissent.

Un trésor de réussite se dissimule à l'intérieur de cette rubrique.

J J o m m e d e l ' A r t

lent îique

Ce mois-ci

Réussir

sans miser sur ia chance...

Appréhender simplement les méthodes, la physique et la chimie qui régissent nos démarches et mènent à des résultats durables fera des nous des profes-sionnels plus pertinents. Pouvoir s'expliquer ses erreurs, résoudre nos prob-lèmes avec intelligence, rendra nos journées plus flu-ides et agréables. En fiabilisant les actes de base, alors nous pourrons progresser et nous concentrer sur des niveaux plus exigeants.

Je vous propose de nous retrouver tous les mois pour une petite série de « choses et autres » qui peuplent nos journées et d'en faire un outil de progression de notre pratique pour redevenir ce que nous ne devrions jamais cesser d'être, des hommes de l'Art.

Tech. Dent. N° 254 • 01/08 2 5

Homme de l 'Art

... pour réussir la teinte sans miser sur la chance !

D'une manière générale, la première condition de réussite d'un process de fabrication est de contrôler les matières utilisées ainsi que le résultat obtenu par le mode de transformation qu'on utilise.

Une teinte à faire est un « contrat » à remplir, autant pour le fabricant de poudre que pour le céramiste.

La réfection a été menée avec succès (photo 3), mais cette fois-ci en pre-nant comme référence de teinte non pas l'étiquette du pot de céramique, mais la teinte réellement constatée sur des pastilles « tests » préparées préa-lablement avec ces mêmes poudres selon la mise en œuvre habituelle du laboratoire (photo ci-dessus).

Nous allons vous décrire ici pourquoi et comment il faut procéder pour « étalonner » vos pots de céramiques en vue de résultats prédictibles.

Dans le cas illustré ci-contre, la prise de teinte était effectuée correctement dans de bonnes conditions (photo 1), mais la teinte des poudres ne cor-respondait pas exactement à celles indiquées sur l'étiquette du pot après préparation selon la technique habituelle du labo (photo 2).

2 6 Tech. Dent. N° 254 - 01/08

p { o m m e d e l ' A r t

6; Teintier ViUi il) Mjster excellent mais [>en on nul ntilin-

MATIERES PREMIERES ET INTERVENTION HUMAINE FACTEURS DE DÉRIVES

Vous l'avez certainement constaté dans votre exercice quo-

tidien, même avec le plus grand soin et la plus grande atten-

tion, des variations existent d'un travail à l'autre, que mal-

heureusement on a le plus grand mal à s'expliquer :

« j'ai pourtant fait comme la dernière fois... » ???

C o m m e vous allez le voir, un nombre important de facteurs

interfèrent dans la réaction des produits que nous utilisons,

mais les deux plus importants sont le manque de haute régu-

larité de nos produits mais aussi l'influence des diverses

manipulations auxquelles nous les soumettons et qui sont

propres à chacun d'entre nous.

LES PRODUITS DU FABRICANT

Le fabricant de céramique met tout en œuvre pour fiabili-

ser les produits qu'il met sur le marché, sa réputation et son

avenir en dépendent à chaque lot.

Tout un service de tests de produits est là pour garantir un

résultat en ayant contrôlé en amont toutes les matières de

base puis en interne les processus de mélanges et de trans-

formation (photo 4).

Cependant le fait d'identifier les produits par numéros de

lots indique bien qu'il y a différentes séries de production,

donc des variantes, et immanquablement dans les résultats

des variations résultantes quasi impossibles à maîtriser.

Malheureusement pour des raisons commerciales ce sujet

est rarement abordé, ce ne sont pas les ingénieurs qui vous

rendent visite...

L'aléatoire du quotidien ...température, hygrométrie, usure

des machines, variations des lots de matière première... peut

contrecarrer les plus louables intentions, et de même que

le fabricant doit en tenir compte avant de commencer sa

fabrication, le laboratoire lui aussi devrait faire de même,

vous vérifiez bien vos factures, les cartons de livraison avant

de signer...

Imaginez, il existe même des numéros de « bains » pour les

papiers peints et les peintures...

Prenez par exemple les blocs de céramique à usiner, zircone,

alumina ou autre qui sont des produits de très haute préci-

sion, pourtant chaque lot comporte des indications concer-

nant les données exactes du matériau à travailler, qu'il faut

paramétrer dans le système de CFAO. C'est bien la preuve

irréfutable que des variations existent et que la constance

absolue n'est pas de mise ici-bas.

CONTRAINTES ET HABITUDES DU CÉRAMISTE

Des facteurs externes incertains Ainsi, les poudres céramiques sont fiables, mais dans une

certaine limite et pas autant que souhaité, ni d'un côté ni

de l'autre !

De plus, les fabricants ne donnent pas systématiquement

une référence au teintier souverain « Vita-classic », et pro-

posent même leur propre système de teintes alors qu'ils ne

sont pas utilisés dans les cabinets (photos 5 et 6).

Certains même utilisent la terminologie « A l , A2, A3... »

pour les teintiers qu'ils fournissent alors qu'ils ne sont pas

totalement équivalents au Vita, or par confusion les prati-

ciens croyant bien faire continuent à utiliser leur Vita, voyant

Tech. Dent. N° 254 - 01/08 2 7

H o m m e d e l ' A r t

8: Catibreur avec réglage pour échantillons d'épaisseur constante

1 1 Polir les fauchés, des rondelles de botdonnerie ( moins chic)

J e conseille de toujours travailler avec le liquide préconisé par

le fabricant afin de coller au mieux avec son système couleur,

ensuite on réhydratera, soit au liquide, soit à l'eau distillée.

J'invite ceux qui ne sont pas sûrs de leur technique de mélan-ge - condensation à relire l'article que j'avais publié dans le Numéro « tours de main » Prothèse Dentaire n 93 p. 31 en juillet 1994 et qui est reproduit ci contre.

ces mêmes appellations et laissent ainsi dans leur tiroir le

beau teintier de votre nouvelle céramique (photo 7).

De même les différentes approches de prise de teinte par

teintiers ou à l'aide d'appareils numériques et d'imagerie

tendent, par leur côté rassurant, à nous conforter dans une

démarche « en aveugle » ce qui rend finalement l'exercice

encore plus complexe.

Alors simplifions notre démarche par une méthode sans ces-

se vérifiée par nous-même.

Chassez le naturel... il revient au galop ! Il ne sert à rien d'essayer de changer nos habitudes, elles revien-

dront toujours involontairement par dérives progressives.

Si l'on a une technique éprouvée, mieux vaut mélanger com-

me d'habitude nos poudres, d'autant plus qu'il faudra déjà

s'attendre à une dérive du résultat. En effet, l'hygrométrie,

de la température, de la pression atmosphérique et des cuis-

sons qui vont suivre influent déjà, alors n'en rajoutons pas...

ÉCHANTILLONNEZ VOS POUDRES CÉRAMIQUES : LE « PASTILLAGE MAISON »

Celui-ci consiste à évaluer nous-même la teinte de nos pots de

céramique, celle que l'on obtient en leur appliquant notre propre

méthode de travail.

On procédera par des tests de pastillage systématique, pot

par pot, marque par marque.

Une pastille c'est bien... Première étape :

• Avec un calibreur (Smile-Line), on fait des échantillons de

taille identique et selon nos habitudes (photo 8).

• Ceux-ci sont traités et cuits selon notre pratique quoti-

dienne (photo 9).

• Puis collés c o m m e référence sur le pot correspondant

(photo 10).

• Sans pastillcur, j'ai utilisé au point de départ des rondelles

de boulonnerie, évidemment moins pratiques (photo 11).

2 8 Tech. Dent. N° 254 - 01/08

DOSSIER TOURS DE MAIN

C O N D E N S E R L A C É R A M I Q U E

Le principal écueil du modelage des poudres de céramique est sa tenue dans l'espace au montage et la rétraction après cuisson. Si la céramique est covenablement condensée avant la cuisson, la rétraction sera très con-trôlable. mais le modelage restera une opéra-tion délicate, car condenser juste après le modelage, permet de sortir l'humidité résidu-elle de la poudre, ayant pour inconvénient de faire migrer les grains de finesse différente et d'affaisser la sculpture en bouchant les fonds de sillon. Pour éviter cela, on a ten-dance à monter les poudres trop sèches, donc cassantes et limitant l'effet de conden-sation avant cuisson.

Mais si on pouvait condenser cette poudre et l'homogénéiser avant le modelage, en s'é-pargnant toute vibration avant cuisson ? Cette idée impose un temps de préparation de la pâte un peu plus long et qui fait ensuite gagner du temps. Comment condenser cette poudre avant modelage. Sur une plaque ou dans un godet à l'aide d'un condenseur sonique ou manuellement par brassage compression, et fouettage comme pour des terres de poterie.

Pou cela on aura monté une lame découpée de rasoir très flexible sur un manche léger. La poudre est ensuite placée dans un godet et généreusement humidifiée (photo 1). Elle est ensuite brassée jusqu'au fond du godet (photo 2) avec cette lame jusqu'à éliminer toute bulle

visible (photo 3). Avec une compresse (éviter les mouchoirs en papier qui évacuent de la cellulose), on comprime fortement cette masse avec le doigt (photos 4 et 5).

Avec la lame, on redresse la poudre semblant durcie et on malaxe de nouveau (photo 6), on aperçoit encore de l'humidité sortir. Il est alors possible de la dresser et de lui donner une forme stable (photo 7) et cependant, la lame tordue au bort du godet (photo 8) et venant fouetter la poudre va la faire soudain apparaître comme liquide (photo 9). Elle est parfaitement modelable, dure et pourtant humide.

Si la poudre se tient de cette façon, c'est qu'après ce fouettage, les grains se sont bien répartis, ne laissant que peu de place au liq-uide. Lors de la moindre sollicitation, l'humid-ité va sortir car les grains accaparent la place. On peut alors appliquer au pinceau ou à la lame la poudre sur le support (photo 10). L'effet de fouet peut être répété sur la céramique en place sans qu'elle ne se déforme (photo 11). L'humidité va ressortir. Le contrôle dimen-sionnel après cuisson est garanti (photo 12) même si l'on veut réaliser une seconde cuis-son pour nuancer ou parfaire un montage. La base sera translucide parce que très dense, il ne faut pas confondre une poudre tassée avec une poudre sèche, et toujours modeler des pâtes humides.

Prothèse Dentaire n° 93 - Juillet 1994 31

H o m m e d e l ' A r t

• Bien sûr il existe des pastilles déjà réalisées par les fabri-

cants, mais les nôtres présentent une différence évidente.

D'une part, ces pastilles sont faites en même temps que le

teintier, dans des conditions industrielles, à un moment

déterminé et non pas à chaque lot. De plus vous remar-

querez qu'elles sont souvent collées sur des supports pas

vraiment adaptés, trop foncés en général ce qui perturbe la

lecture (photo 12, 13 et 14).

Grâce à mon système de pastilles, pour réaliser une teinte

déterminée je peux choisir avec exactitude le pot de poudre

dont j'ai besoin, en me fiant justement à ces pastilles que

j'ai pris le soin de coller sur les pots entamés déjà testés.

Même si c'est bien, en fait ce n'est pas encore suffisant, en

effet, à la longue, j'ai observé des décalages.

En cherchant le facteur qui avait pu interférer et après

réflexion, seul le temps semblait être le critère variable, celui

de mise en œuvre bien entendu, se traduisant au laboratoi-

re en déshydratation et réhydratation du mélange.

...Deux, puis trois pastilles... c'est mieux ! J'ai donc réalisé une deuxième pastille à partir d'une poudre

déshydratée puis réhydratée avec de l'eau dis t i l lée-

La couleur perdait de l'intensité, dans toutes les marques

que j'utilisais (photo 15).

De même, je me suis aperçu que recuire provoquait un chan-

gement de résultat à partir d'une m ê m e poudre de même

lot (photo 16).

1 4 Support }>ris .i lu "n selon OslicM. c'est tléjêl mieux... un Bon point

3 0 Tech. Dent. N° 254 - 01/08

1 8 3éme pastille (dentine) moins de différence sur ce pot •me pastille Identine opaque) perle de teinte et de translucidité

1 9 Pastilles îles combinaisons sensées .1mener .1 h teinte selon le fabricant

Sun Bright

ne Iminant pas correspondre exactement à chaque pot

Alors pour être sûr j'ai réalisé une troisième pastille... et

obtenu un troisième résultat différent ! (photos 17 et 18)

Ainsi je réalise désormais trois pastilles :

• une « mélange courant » qui se révèle la plus intense

• une « mélange réhumidifié » qui perd en intensité pour les

tons clairs et en luminosité pour les foncés.

• une « mélange recuit » dont le résultat s'avère moins tein-

té et moins translucide

Maitrisant ainsi les recuissons, je contourne "l'exploit" du

« One bake » (montage en une seule cuisson), et éviter le

"calvaire" des retouches de teinte en fin de parcours.

C o m m e nous venons de le démontrer, les échantillons four-

nis par le fabricant ne suffisent pas pour prévoir notre com-

binaison de poudres (photos 19 à 21), seules les pastilles

« maison », sans cesse renouvelées permettent d'étalonner

les produits présents dans notre tiroir (photos 22).

Tech. Dent. N° 254 - 01/08 3 1

•lie : m 1)4 fN'tHtake) >M.

H o m m e d e l ' A r t

2 3 Tout les fols sont testés et pastillés sur le couvercle toujours selon le même ordre, ici de d. à g. I cuisson simple, 2 rehydraté. .1 recuisson.

2 5 Dérive abituelle des opalescents.

2 4 Dérive abituelle des dentines opaques.

Des résultats enfin prédictibles... Ainsi, selon vos propres tests, vous choisissez la poudre qui

convient le mieux à la teinte à réaliser sans pour forcément

prendre du A3 pour obtenir du A3 ou être obligé d'avoir

tout un système « teintier, poudre, modelage » imposé par

une marque.

Cette liberté de choix rend votre résultat plus sûr par la

parfaite connaissance et la maîtrise de vos produits. Un

supplément de créativité dans les couleurs s'ouvre ainsi à

vous, puisqu'avant restreint considérablement les causes

d'échec vous pouvez maintenant vous permettre de tenter

les colorants additionnels des teintiers complémentaires

voire en créer vous-mcme.

Laissez tout le temps le calibreur à portée des palettes pour

tester les excédents de mélange et les cuire avec les élé-

ments en cours afin de vérifier si par hasard d'autres <• fac-

teurs modifiants » seraient survenus ou si la poudre ne se

serait pas altérée, surtout pour les masses peu utilisées ( C l ,

B2, Dl . . . ) .

Pour ma part tous les pots présents dans mes tiroirs com-

portent leurs 3 pastilles sur leurs couvercles (photo 23).

...Pour compenser des penchants surprenants J'ai noté que de grosses dérives existent sur les dentines

opaques , qui perdent plus d'intensité au fil des « remé-

langes » ou des recuissons (photo 24).

3 2 Tech. Dent. N° 254 - 01/08

J J o m m e d e l ' A r t

M É T H O D E E X P É R I M E N T A L E A P P L I Q U É E À LA

C É R A M I Q U E

Pour pouvoir exploiter et analyser une série de tests et de matières, il faut, au préalable identifier et restreindre les champs d'investi-gation et les actes expérimen-taux.

Dans le cas de la céramique, l'im-portant est d'abord de savoir si l'intention du fabricant est bien, quand il s'y réfère commerciale-ment, de s'approcher de la réfé-rence chromatique usuelle (le « Vita » par exemple) ou seule-ment d'utiliser une terminologie similaire (Al à D4).

Ensuite tester la fiabilité de la poudre cuite plusieurs fois, cette

stabilité étant souvent en rela-tion avec les caractéristiques des matières de base entrant dans la composition de la céramique.

Alors, une série de comparaisons peut permettre une analyse, mais sans pouvoir pour autant déduire ou supputer le pourquoi et le comment, on ne peut à ce stade que décrire les constats, qui eux-mêmes nécessiteront alors des expérimentations plus poussées amenant enfin à la vali-dation ou l'infirmation d'une hypothèse de recherche poursui-vie dès le départ.

Une hypothèse s'imagine Un résultat se constate

L'hypothèse requiert l'expérien-ce, l'expérience requiert un rap-port des résultats et leurs rôles respectifs s'arrêteront là (avant confirmation des résultats) c'est pourquoi, arriver à des déduc-tions multicritères complexes et certaines est un long chemin « chronophage ».

C'est la raison pour laquelle, il faut se limiter dans le choix de ces critères.

La teinte d'un pot dérive donc à chaque manipulation - mais

avec constance - pour toutes les poudres de tous types, alu-

mine, zircone, céramo-métal, HF-BF hydrothermale, et de

toutes marques.

Les poudres opalescentes, j'ai fait le test, sont moins sen-

sibles, et les translucides assez stables bien que développant

des leucites à la recuisson qui altèrent le passage de la lumiè-

re. Des programmes de cuisson judicieux arrangent gran-

dement le problème, mais c'est un autre sujet, beaucoup

plus délicat (photo 25)....

C'est tout de même paradoxal de constater que plus le

mélange est voué, de par sa nature, à être réhumidifié ou

recuit, moins il est stable (dentine), et inversement moins

il est destiné à subir des cuissons multiples moins celles-ci

le dénaturent.

Ne pas se perdre dans de multiples détails Les incertitudes liées à nos erreurs de manipulation sont

déjà suffisamment nombreuses pour ne pas y ajouter des

aléas supplémentaires.

Ainsi on évitera par conséquent de suivre les multiples détails

des instructions fournies par les marques, même si leur carac-

tère bienveillant est indéniable, car d'une part, malheureu-

sement ils ne tiennent compte en aucun cas de notre indi-

vidualité, et d'autre part les appliquer ne ferait que brouiller

l'interprétation de nos résultats.

Moins il y a de facteurs en présence, moins il y a de com-

binaisons possibles, donc moins il y aura de paramètres à

gérer et donc à analyser et à régler pour améliorer notre

résultat.

Avec deux paramètres A et B on a trois combinaisons à

vérifier :

A, B, A+B.

Avec trois paramètres A, B et C , on en a sept :

A, B, C , A+B, A+C, B+C, A+B+C.

Et ainsi de suite...

Ainsi pour une teinte, moins on utilise de matière et d'élé-

ments, mieux on se porte, alors autant choisir les bons, et

parmi tous les composants possibles, privilégier les quelques

majeurs dont le dosage dans les plus fortes proportions amè-

ne au plus près de l'objectif.

Se mettre d'accord sur la couleur du crottin... Q u a n t aux composants et combinaisons chimiques, ils sont

les mêmes depuis des milliards d'années, les véritables inven-

tions humaines dans ce domaine sont excessivement rares.

C'est pourquoi dans un mélange, je choisis c o m m e liquide

un apport de catalyseur classique, neutre (qui favorise une

réaction sans y participer, c'est-à-dire que ses molécules ne

se retrouvent pas dans le résultat final), plutôt que d'ad-

joindre des éléments actifs « d'invention » (liquides spé-

ciaux) qui se combineront et réagiront avec la céramique

Tech. Dent. N° 254 - 01/08 3 3

f { o m m e d e l ' A r t

APPLICATION DE LA MÉTHODE EXPÉRIMENTALE AU PASTILLAGE

ETAPES DE LA MÉTHODE EXPÉRIMENTALE APPLIQUÉES AU PASTILLAGE DU LABORATOIRE

Constater un phénomène Décalage de teinte inexpliqué malgré environnement vérifié (four calibré et

décontaminé etc...)

Émettre une hypothèse Les poudres céramiques seraient irrégulières

Définir un cadre de recherche Tester les poudres de céramique avec le process habituel du céramiste.

Définir les éléments de l'expérience Tous les pots de céramique du labo

Rédiger un rapport des résultats objectifs Pour chaque échantillon noter les procédures et résultats puis le coller sur

le pot.

Sur le rapport ne noter que les paramètres qui diffèrent Marque, type de poudre, pot. heure, température, hygrométrie...

Mais pas ceux qui sont communs Opérateur, marque de la spatule, temps de cuisson, type du four...qui font partie du cadre déjà défini

Formuler le lien commun des résultats La teinte varie légèrement par rapport à celle annoncée, quel que soit le pot

Confirmer ou infirmer l'hypothèse de départ l'Inconstance des poudres testées est confirmée.

En déduire une théorie Les matières premières et process du fabricant ne seraient jamais totale-

ment identiques

Expérimentation réduite pour contrôier la validité des résultats Refaire le test sur 3 ou 4 pots en ne changeant aucun paramètre

Faire un nouveau test en ajoutant un nouveau paramètre substantiel ajouter significativement un colorant

Vérifier l'influence du nouveau paramètre s'il n'y a aucun changement ce n'est pas normal et votre expérience ne vaut rien, dans le cas contraire vous pouvez la valider.

Vérifier la théorie en la confrontant à des spécialistes Discuter avec des Ingénieurs céramistes ou des docteurs en matériaux, mais surtout pas avec les commerciaux du produit !!!

En faire une « loi • et l'adopter je ne me fie plus qu'à mes pastilles et je pastille tous les pots que j'entame

Observer et vérifier l'effet de la loi c'est bien mieux mais... d'autres variations apparaissent parfois à l'usage

Émettre une nouvelle hypothèse Seule la durée de manipulation a différé dans certains cas par rapport au pas-tillage. donc déshydratation et réhydratation modifieraient ia teinte

Définir un nouveau cadre de recherche Tester une pastille en montage long

et ainsi de suite constat-hypothèse par constat-hypothèse et un seul à la fois.

TEINTIER N U M É R I Q U E : PAS SI PARFAIT !!

Bien que leurs qualités soient indéniables, précision, simplicité d'emploi, apport d'un langage commun entre cabinet et laboratoi-re, attention cependant, les teintiers numé-riques ont eux aussi une limite car leur conception ne prend pas en compte la théo-rie de Foucault.

En effet, la lumière est un phénomène à la fois vibratoire mais également particulaire. La vitesse de propagation de la vibration est constante, seule la longueur d'onde est variable.

En revanche pour les particules transportées par la lumière, leur vitesse peut diminuer selon la nature et l'épaisseur des matières traversées. Comme la couleur est la résul-

tante de l'onde et des particules transpor-tées, si ces dernières ralentissent en raison de l'épaisseur la couleur changera. C'est exactement le phénomène que l'on observe dans la différence de couleur entre zénith et crépuscule.

De même la teinte lumineuse reçue par le spectromètre va varier selon l'épaisseur et la nature de la céramique ou de la dent natu-relle, la composante • particules • étant plus ou moins freinée.

L'appareil, lui, étant calibré sur un standard, une différence infime de couleur sera donc parfois enregistrée, d'un ordre de grandeur certes négligeable sur le plan mathématique mais pourtant perceptible par l'œil.

finie de manière incertaine en raison d e l ' imperfect ion d e

notre dosage , pouvant ainsi faire dériver le résultat.

Q u a n t aux tests, on pourrait les diversifier à l'infini, mais il

ne faut cependant pas se perdre dans leur multitude et ris-

quer d e ne plus pouvoir s'y retrouver...

C o m m e on dit souvent :

« On pourrait discuter sans fin avec un exper t pour se mettre

d 'accord sur la couleur du crottin.. . »

Pour être en mesure d e c o m p r e n d r e , il faut rester s imple et

avoir établi u n e m é t h o d e d 'analyse , c o m m e le p r o p o s e Clau-

d e Bernard ( introduct ion à la m é t h o d e expér imenta le ) .

CE QUE L'ON RETIENDRA... ET PAS PLUS !

D e cette expér ience , on ne peut seu lement conclure que

d a n s notre exerc ice quot id ien , par le penchant d e nos habi-

tudes personnel le s et la relative incert i tude d e n o s mat ières

premières , le résultat o b t e n u en teinte avec les p o u d r e s céra-

mique n'est a s surément p a s ce qu 'on attend et e s p è r e en

t e rmes d e couleur , intensité et d e valeur, m ê m e en stabili-

té, c e p e n d a n t q u e les d i f f é rences observées , elles, semblent

cons tante s se lon les famil les d e p o u d r e s .

Lit confect ion d e pastil les t émoins doi t a ider à identifier un

résultat p ropre se lon n o s usages per sonnel s , puis à parfai-

tement le connaî tre p o u r travailler avec plus d e consc ience

en a m o n t d e s réalisations, et c 'es t tout !

C ' e s t dé jà te l lement p lus que d e m e u r e r d a n s une crédulité

ingénue et une inconsc ience innocente qui n o u s condui sent

à tant d 'échecs . . . • Richard Fouquier

Prothésiste Dentaire

Embrun (05)

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