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LETTRES ENVOIEES DE LA NOVVELLE FRANCE Au R. P. IACQVES RENAVLT Prouincial de la Compagnie de Ie[vs en la Prouince de la France, Par Ie E.. P. HIER. Superieur d('J MiJJiom de fa dile Compagnie en ce nouueau Monde. A. PARIS, Chez SEBASTIEN CRAMOISY, lmprimeur ordinaire du E.oy. M. DC. LX. Auec Priuil'ege du l?oy.

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LETTRES ENVOIEES

DE LA

NOVVELLE FRANCE

Au R. P. IACQVES RENAVLT

Prouincial de la Compagnie de Ie[vs en la Prouince de la France,

Par Ie E.. P. HIER. LALLE~fANT Superieur d('J MiJJiom de fa dile Compagnie en ce nouueau Monde.

A. PARIS,

Chez SEBASTIEN CRAMOISY,

lmprimeur ordinaire du E.oy. M. DC. LX.

Auec Priuil'ege du l?oy.

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PREMIERE LETTRE.

De l' arriuee de Monfeigneur l'Eueftue de Petree

en Canada.

~", ...... _ON R. PERE,

3

Les deux vaiffea ux venus cette annee de France, ont change Ia fa­ce de nos creUIS, & de tout Ie pals. lIs ont fait naiftre la ioie par tout, I'vn par Ies heureufes nouuelles de Ia paix entre les deux Couronnes, I'autre par Ia venue de Monfeigneur I'IlluftrifGme et ReuerendifGme Euefque de Petree. N oftre ioie fe­roit entiere, G Ies Iroquois ne Ia troubIoient point, par Ia guerre

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4. Premiere Leltre. qu'ils ont renouuellee apres vne fufpention d'armes de fort peu de temps, pendant laquelle on a fait I 'im poftible pour gagner Ie creur de ces Barbares. Nos Peres ont fait trois voiages a Onnontague pour ce fuiet: ils en ont fait quatre a A­gnie: ils ont parcouru toutes leurs bourgades, leurs portant par tout des paroles de paix & de falut, ta­chans de leur ouurir les ieux, par les lumieres de la Foy, qu'ils ont publiee dans tout leur pals.

D'vn autre cofte, pour ne point aigrir ces efprits aufti fuperbes que mutins, non feulement on s'eft contente d'vne legere fatiffaC1ion pour les meurtres qu'ils ont fait a Mon treal; mais encore on leur a relafche ceux de leurs gens, qu'on tenoit en prifon, les vns apres les autres, pour traifner touflOurs, &

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Premiere Le lire. 5.

pour differer Ie malheur dont nous fommes menacez: Et apres diuer­fes ambaffades faites de part & d'au­tre, dans lefquelles ils nous ont touflOurs entretenus de mille pro­meiTes de paix, auec des ferments aufii folemnellement iurez, qu'on Ie pouuoit efperer d'vne nation barbare; ils ont enfin repris les ar­mes, auec plus de cruaute qu'aupa­ravant: lIs ont decharge leur pre­miere fureur fur les Trois Riuieres, ou ils ont pris huit Fran<;ois, auf­quels ils ont deiia fait reffentir ]es effets de leur barbarie; car ils leur ont fait tomber les ongles par Ie feu, il leur ont coupe les doigts & les mains, les preparans par ce commencement, qui ne paffe chez eux que pour des petits ieux, au feu, & aux Hammes, aufquels ils les defti­nent, en recompenfe du bon trai-

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6. Premiere Lettre.

tement fait a leurs gens, que nous auons touhours careffez dans nos prifons, & que nous auons enfin elargis, fans leur avoir fait tort d'vn feul cheueu de la tefte.

N ous auons apris ces circon­ftances par vn Huron Chreftien fugitif, qui s'eftant troum~ dans vn party qui venoit icy en guerre, les rencontra dans les IDes de Riche­lieu, conduits par les Agnieron­nons qui les auoient pris aux Trois Riuieres. Ie fus, difoit-il, touche de compaffton, voiant Ie malheu­reux eftat de ces pauvres prifon­niers, & en mefme temps ie fus rauy de leurs deuotions parmy leurs fouffrances. Le foir ie les enten­dois chanter les Litanies de la Vier­ge, & Ie matin Ie Veni Creator, auec les autres prieres; Ie leur voiois le­uer au ciel leurs mains troncon-

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Premiere Le ttre. 7. nees & toutes degouttantes de fang. Spectacle qui a fait ft grande im­preHion fur l'efprit de ce bon hom­me, qu'il a pris enfuite la derniere refolution de quitter les Iroquois, & de fe ietter entre nos mains, pour y conferver la Foy, & pour nous decouurir vne partie des deffeins de l'ennemy.

Les Onnontagueronnons n'ont pas efte plus reconnuiffans que les Agnieronnons: car aiant pris aufft aux Trois Riuieres trois de nos Franc;ois, & deux s'eftant heureu­fement echappez de leurs mains, Ie troifteme a efte affez cruellement brule des fon arriuee au bourg d'Onnontague, ou peu auparauant nos Peres auoient exerce des chari­tes imaginables enuers leurs mala­des, & fouffert toutes fortes de tra­uaux, pour les inftruire, & pour

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8. Preml'ere Lettre. leur ouurir Ie chemin du Ciel. Depuis peu les Iroquois ont pris encore vn autre Fran<;ois proche de Kebec, apres l'auoir bleffe d'vn coup de fufil: Et nous apprenons qu'ils fe preparent a inn onder fur nous auec vne armee au plus tard Ie Printem ps prochain, pour enle­uer quelqu'vne de nos Bourgades, & mettre la defolation dans tout Ie palS.

Mais quoy que toutes ces chofes ne nous prefagent rien que de fu­nefte, nous ne pouuons pas dou­ter que Dieu n'ait de hauts deffeins fur ces terres, pour en tirer de la gloire, puifqu'il a releue nos efpe­ranees par Ie don qu'il nous a fait d'vn Prelat, apres lequel cette Egli­fe naiffante foupiroit depuis vn fi longtemps; c'eft de Monfeigneur l'Euefque de Petree, qui arriua icy

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Premiere Lettre. 9. heureufement Ie I 6. iour de I uin I6 59. & fut receu avec les ceremonies ordinaires, comme vn ange con­folateur enuoye du Ciel, & comme vn bon Pafreur, qui vient ramaffer Ie refte du Sang de Iefvs-Chrift, avec vn genereux deffein de n'e­pargner pas Ie ften, et de tenter toutes les voies poHibles pour la conuerfton des pauures Sauvages, pour lefquels il a des tendreffes di­gnes d'vn creur qui les vient cher­cher de ft loin.

Dieu luy a bien-toft fait naiftre les occaftons de leur faire parroi­tre fon amour: car Ie propre iour de fon arriuee, un enfant Huron eftant venu au monde, il eut la bonte de Ie tenir fur les fonds de Baptefme, Et en mefme temps vn ieune hom me aufft huron, mala­de a l'extremite, deuant re<;euoir

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10. Premiere Lellre. Ies derniers Sacremens, il voulut s'y trouuer, & Iuy confacrer fes premiers foins, & fes premiers tra­uaux, donnant vn bel exemple a nos Sauuages, qui Ie virent auec admiration profterne contre terre, proche d'vne pauure carcaffe qui fentait ddia la pourriture, & a qui il difpofoit de fes propres mains Ies endroits pour les onetions fa­crees. Ce fut dans ce mefme fenti­ment d'affeetion, que peu apres fon debarquement, en donn ant .publiquement la Confirmation aux Fran<;ois dans Ia Paroiffe, il voulut commencer toutes les ceremonies par quelques Sauuages; ce qu'il fit auec une grande ioie, voiant a fes pieds, & impofant les mains a des peuples, qui iamais depuis Ia naif­fance de l'Eglife n'auoient re<;eu ce Sacrement. Mais fa ioie fut bien

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Premiere Lel/re. I I.

plus grande, lorfqu'enfuite il con­firma toute l'elite de nos deux Egli­fes Algonkine & Huronne. Nous en auions difpofez vne cinquantaine d'vne nation, & autant de l'autre, par des confeftions generales. L'idee qU'auoient ces pauures gens tant de ce Sacrement, que de cely de qui ils Ie deuoient receuoir, leur fi t faire des effots extraordinaires de deuotion l'efpace de huit iours pour s'y preparer. Pendant la ce­remonie, qui fe fit dans l'Eglife neuue des Meres Hofpitalieres, on loua Dieu en quatre langues. Les Hurons & les Algonkins chan­toient a leur tour des Can tiques fpirituels, qui tirerent des larmes des ieux de quelques vns des afti­ftans. Monfeigneur l'Euefque re­ueftu pontificalement, paroiiToit aces Canadois qui n'auoient iamais

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12. Premiere Lettre. rien veu de femblable comme vn Ange de Paradis, & auec tant de maieste, que nos Sauuages ne pou­uoient detacher leurs ieux de fa perfonne.

Ce fut pour lors qu'il confera auai Ie Baptefme avec toutes les folemnitez de l'Eglife, a vn Huron age de 50. ans, qui ne fe compre­noit pas de ioie, & qui pic quoit d'vne fainte enuie fes compatrio­tes, qui eufrent volontiers fouhaite d'eftre en fa place, pour participer a vn femblable bonheur. Ce pau­ure homme s'eftoit efchappe des mains des Iroquois par vne bien­aimable prouidence, pour tomber en celles de ce grand Prelat, dont l'attouchement fit couler vne ver­tu fecrete fur ce bon neophyte; car en luy verfant fur Ie corps les eaux facrees, il luy toucha telle-

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Premiere Le lire. 13.

ment Ie creur, qu'il n'eft plus re­connoiffable depuis ce temps-la: il s'eft comme depoliille tous d'vn coup des mauuaifes maximes, & des mechantes habitudes qu'il auoit contractees par la frequentation des Iroquois. Monfeigneur l'Eues­que accompagna ces ceremomes d'vn fermon fait a la portee de ces pauures gens, pour les animer a re­G.fter courageufement aux tenta­tions, & a fupporter avec patience toutes les miferes de cette vie dans la velie & fur l'efperance d'vne vie eternellement bien-heureufe: apres quoy eftans tous introduits dans la grande falle de l'Hofpital, ou les Religieufes auoient prepare deux longues tables bien couuertes, ils y furent bien fervis par les mains de ce mefme Prelat, pour donner aux Sauuages cette exemple d'hu-

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14. Premiere Lel/re. milite et de Charite Chreftiennes: comme MonGeur Ie Vicomte d' Ar­genc;on noftre Gouuerneur Ie fait affez fouvent, feruant aux malades de ce mefme Hofpital; fpectacle bien agreable aux Anges tutelaires de ce pai·s.

Mais comme c'eft la Couftume parmy ces nations, de reconnoiftre la qualite des etrangers venus de nouueau, par la magnificence des feftins qu'on fait a leur occaGon; nos Sauuages ne fe feroient pas for­me vne idee digne de Monfeigneur l'Euefque, s'il ne fe fuft accommo­de a leur fac;on de faire, et s'il ne les euft regalez par vn feftin fo­lemnel, Iequel les aiant mis en bonne humeur, ils luy firent leurs harangues entre-melees de leurs chanfons ordinaires. lIs Ie compli­mentoient chacun en leur langue,

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Premi'ere Lel/re. 15. auec vne eloquence autant aima­ble que naturelle. Le premier qui harangua, fut vn des plus anciens Hurons, qui s'etendit bien ample­ment fur les louanges de la Foy, laquelle fait paiTer les mers aux plus grands hommes du monde, & leur fait encourir mille dangers, & ef­fuier mille fatigues, pour venir cher­cher des miferables. Nous ne fom­mes plus rien, dit-il, 0 Hariouaoua­gui: c'eft Ie nom qu'ils donnent a Monfeigneur, & qui iignifie en leur langue, l'homme du grand af­faire. Nous ne fommes plus que Ie debris d'vne nation floriiTante, qui eftoit autrefois la terreur des Iroquois, & qui poiTedoit toute forte de richeiTes: ce que tu vois n'eft que la carcaffe d'vn grand peuple, dont l'Iroquois a ronge toute la chair, & qui s'efforce d'en

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16. Premiere Lettre.

fucer iufques a Ia mouelle. Quels attraits peux-tu trouuer dans nos miferes ? Comment te Iaiffes-tu charmer par ce refte de charogne viuante, pour venir de fi loin pren­dre part a vn fi pitoiable eftat au­quel tu nous vois? 11 faut bien que Ia Foy, qui op(he ces merueilles, foit telle qu'on nous I'a publiee, il y a plus de trente ans. Ta pre­fence feule, quant tu nous dirois mot, nous parle afTez haut pour elIe, & pour nous conhrmer dans Ies fentimens que nous en auons.

Mais fi tu veux auoir un peuple chreftien, il faut detruire l'inh­dele: & fcache que fi tu peux ob­tenir de Ia France main-forte pour humilier I'lroquois, qui vient a nous Ia gueule beante pour englou­tir Ie refte de ton peuple comme dans un pro fond abime; fcache,

dis-je,

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Premiere Le tire. I 7 .

dis-ie, que par la perte de deux ou trois bourgades de ces ennemis, tu te fais un grand chemin a des ter­res immenfes et a des nations nom­breufes, qui te tendent les bras, & qui ne foupirent qu'apres les lu­mieres de la Foy. Courage donc, o Rarionaouagni, fais viure tes pau­ures enfans, qui font aux abois. De noftre vie depend celle d'vne infinite de peuples : mais notre vie depend de la mort des Iroquois.

Ce difcours di t avec chaleur eftoit d'autant plus touchant, qu'il reprefentoit naiuement les derniers foupirs d'une nation mourante. La harangue que fit enfuite vn Capi­taine Algonkin, ne fut pas moins pathetique.

Ie m'en fouviens, dit-il en comp­tant par fes doights, il y a vingt­trois ans que Ie Pere Ie Ieune en

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I 8 . Premiere Le tire. nous iettant les premieres femences de la Foy, nous afTeura que nous ver­rions un iour un grand Homme, qui deuoit auoir toufiours les i'eux ou­uerts (c'eft ainfi qu'il nous Ie nom­moit) & dont les mains feroient fi puifTantes, que du feul attouche­ment elles infpireroient vne force indomptable a nos creurs, contre les efforts de tous les Demons. Ie ne fcay s'il y comprenoit les iro­quois: fi cela eft, c'eft a prefent que la Foy va triompher par tout: elle ne trouuera plus d'obftacle, qui l'empefche de percer Ie plus pro­fond de nos forefts, & d'aller cher­cher a trois & quatre cents lieues d'cy les nations qui nous font con­federees, au pai's defquelles cet en­nemy commun nous bouche Ie pafTage, II adiouta tout plein d'au­tres chofes, qui temoignoient l'e-

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Premi'ere Let Ire. 19.

{time que luy et tous ceux de ces terres faifoient du grand pouuoir qu'a l'impreHion des mains: ce qu'ils fe font fi. bien perfuadez, que les foldats allant en guerre con­tre l'Iroquois, auparauant que de partir vont prendre la benediction de Monfeigneur l'Euefque, et la rec;oiuent com me vn bon prefage, auec grande con fiance d'en eftre puirramment fortifiez dans la guer­re qu'ils entreprennent contre l'en­nemy de la Foy et du pais.

Les Franc;ois ne prennent pas moins de part que les Sauuages dans ce bonheur public: ils Ie pu­blient arrez eux-memes, fans qu'il foit befoin que ie vous en ecriue; & ie ne doute point que toutes les lettres qui feront enuoiees en Fran­ce, n'en fa rren t l'eloge. Ie diray feulement ce mot, que iamais Ie Ca-

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20. Premi'ere Let/re. nada ne pourra reconoiftre les immenfes obligations qu'il a a no­tre incomparable Reine, non feu­lement de l'amour touGours hono­re de fon affection, comme fa Ma­iefte l'a bien fait paroiftre en mille rencontres; mais furtout d'auoir comble tous fes bien-faits par Ie plus precieux de tous ceux qU'elle put faire, en luy procurant vn tel Pafteur. Cette grace, cette faueur & ce riche prefent a tant d'appro­bation, que tous Ie monde, Fran­<;ois & Sauages, EccleGaftiques & Lai'ques, ont tout fuiet de s'en louer, & d'efperer que Dieu conferuera vn pai's, qui eft pourueu d'vne G fainte & G forte protection. C'eft ce que nous nous promettons fur tout, eftant afGftez des prieres des gens de biens, & des faints Sacrifi­ces de voftre Reuerence, aufquels

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Seconde Le tire. 2 I.

Ie me recommande de tout mon cceur.

A Kebec ce 12 de Septemb. 1659.

SECONDE LETTRE.

Dei EglifeI Algonkine rS Hu­ronne.

MON R. PERE,

I'ai mande a V. R. Ia lOie vni­uerfelle qu'a re<;eu ce pals, par Ia venue de Monfeigneur I'Euefque de Petree; mais ie vous auoue que Ia guerre des Iroquois nous en de­trempe bien Ia douceur, & ne nous permet pas de goufter a noftre aife, Ie bien que nous poffedons: ce qui nous confoIe, c'eft que Ie zele de ce genereux Prel(lt, n'a point de

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22. Seconde Lettre.

bornes; il penfe que ce feroit peu, d'auoir paiTe Ies mers, s'il ne tra­uerfoit auffi nos gran des forefts, par Ie moyen des Ouuriers Euan­geliques, qu'il a deiTein d'enuoier iufques aux nations, dont a. peine fcauons-nous Ies noms, pour y chercher tant de pauures brebis e­garees, & pour Ies ranger au nom­bre de fon cher troupeau; c'eft a quoy il fe prepare, nonobftant Ia guerre des Iroquois: il pretend bien faire en ce nouueau monde, ce qui fe pratique en I'ancien; ie veux di­re, que comme I'on fait couler a Ia derobee des Predicateurs dans Ies autres Eglifes perfecutees, ainfi defire-t-il ietter de nos Peres, par­my Ies premieres ban des des Sau­uages qui viendront icy bas, pour remonter auec eux en leur pais, afin que malgre l'Enfer & Ies De-

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Seconde Le lire. 23 .

mons, ils conuient ces pauures peu­pIes d'entrer dans Ie Roi'aume de Dieu, & de prendre part a la Beati­tude, a Iaquelle ils font predeftinez. Ce font des defTeins dignes d'vn courage plein de zele pour la gloire de Dieu, et apres lefquels nos Pe­res foupirent iour & nuit, brulant d'vn defir d'e~tre de ces heureux ex­pofez, non pas a l'auanture, mais a la Prouidence di uine, qui tirera toufiours fa gloire, ou de leurs tra­uaux, s'ils arriuent jamais aces ter­res de promiffion; ou de leur mort, comme elle a fait de celle des au­tres Peres, qui ont e[te tuez par les Iroquois en vne femblable entre­prife. En attendant cet heureux mo­ment, qui ne viendra que trop tard, felon leurs fouhaits, les vns fe pre­parent a cette glorieufe expedition par l'etude des langues, fans le[-

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24. Seconde Lettre.

queUes on ne peut rien faire pour Ie falut des Sauuages; les autres s'oc­cupent a cultiuer les deux Eglifes Algonkine & I-Iuronne, que la crainte des ennemis referre aupnfs de nOllS, leur donnant la commo­dite de s'aequitter de tous les de­uoirs des meilleurs Chreftiens.

Ceux qui font obligez de s'ecar­ter dans les terres pour la chaffe, fe {ouuiennent bien des inftru-8:ions qU'on leur donne icy: ils font fouuent vne Eglife du coin d'vn bois, d'ou leurs deuotions pe­netrent aufG. bien Ie Ciel, que de ees grands Temples, ou les prieres fe font avee tant d'appareil; s'ils pouuoient mener auee eux, a qui fe reconcilier dans les dangers, ils s'y tiendroient auee bien plus d'affeu­ranee.

C'eft ce qui mit bien en peine

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Seconde LeI Ire. 2 5 . vne bonne Chreftienne Algonki­ne, nommee Cecile Kouekoueate, laquelle eftant tombe malade dans Ie milieu des bois, & fe voian t a l'extremite, fans fe pouuoir confef­fer, creut qU'elIe y fupplieroit en quelque fac;on, par vn pefent de Caftor, qU'elIe legua a l'Eglife des Trois-Rivithes, donnant ordre a fes parents d'y aller en diligence apres fa mort, & d'y faire fon prefent, au lieu de fa confef{ion. Auf{i-toft qU'elIe eut expire, ils fe haterent de fe rendre aux Trois Rivieres dans l'apprehen{ion que leur parente ne fuft en peine en l'autre monde. Eftant arriuez, ils s'addrefferent au Pere qui a foin des Sauuages, & luy dirent: Robe Noire, ecoute la voix des morts, & non pas celIe des viuans; ce n'eft pas nous qui te parlons, c'eft vne defunte, qui a

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26. Seconde Lettre.

enferme fa voix dans ce paquet, auant que de mourir: elle Iuy a donne charge de te declarer tous fes pechez, puifqu'elle ne I'a pl1 faire de bouche; voftre ecriture vous fait parler aux abfens; elle pretend faire par ces Caftors, ce que vous faites par vos papiers. 11 y a quinze jours qU'elle eft morte; c'eft Cecile Kouekoueate; helas, qU'elle aura fouffert fur Ie chemin de Paradis! Faites donc au pluftoft que fon arne foit bien traitee dans toutes Ies cabanes, por OU elle paf­fera, & qu'arriuant au Ciel, on ne la faffe pas attendre a Ia porte; mais qu'on la re<;oiue comme vne per­fonne qui a vefcu dans Ia Foy, & qui eft morte dans Ie defir du Pa­radis. Ces bonnes gens n'eftant pas encore inftruits, ni baptifez, me­loient leurs fables avec nos veritez.

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Seconde Let/re. 27.

Vne autre fois, vn de nos plus conGderables Algonkins, eftant furpris d'vne efpece de paralyGe auec des conuulGons extraordi­naires, & des contorGons de nerfs, qui Ie mettoient hors d'efperance de pouuoir gagner Kebec, d'ou il eftoit eloigne de quinze a vingt lidies, depefche, dans cette extremite vn des Gens, pour nous en porter la nouuelle, & pour nous folliciter de prier Dieu pour luy. Ie ne fcay pas G fes prieres ou les noftres, ou bien G les vnes & les autres iointes enfemble, luy rendirent la fante, mais il a depuis affeure, apres auoir receu Ie S. Sacrement, qu'il fe trou­ua guery tout d'vn coup, & que fes forces furent G foudainement retablies, qu'il ne peut, qu'il ne l'at­tribue a vn dIet tout miraculeux. Les derniers Sacrement operent G

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28 . Seconde Le ttre.

fouuent en eux de femblables mer­ueilles, qu'vne des chofes qu'ils de­mandent auec plus diftance, eft la fainte communion, fur tout quand ils font faifls de quelque violente nlaladie; car ils trouuent d'ordi­naire la fante dans ce Pain celefte, qui eft fouuent pour leur corps & pour leur arne vn vray Pain de vie.

N ous auons perdu deux de nos bonnes Chreftiennes, dit Ie Pere qui a Ie foin de I'Eglife Huronne, l'vne defquelle, nommee Cecile Garenhadi, auoit demeure deux ans chez les Meres V rfulines, ou elle auoit pris l'efprit d'vne devotion tres-rare, qU'elle a conferuee i~f­ques a la mort; chofe affez ordi­naire a celles qui ont Ie bonheur d'eftre eleuees dans ce Seminaire de piete. N oftre Cecile done eftant aux abois, fon ConfeITeur luy

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Seconde Le tlre. 29.

demanda fi elle n'auoit pas de re­gret de mourir; helas! mon Pere, Iuy dit-elle, i'aurois grand tort de craindre Ia mort, & de ne Ia pas ddirer, puifqu'en me tirant de ce monde, elle me retirera des occa­fions d'offenfer Dieu. II eft vray que i'efpere bien, que toutes mes confeffions on t efface mes pechez, mais elles ne m'ont pas rendue im­peccable: mais confolation eft, que ie Ia feray apres cette miferable vie; & puifque I'amour n'eft pas aiTez grand en moy, pour faire ce que Ia mort y fera, a Ia bonne heure, que la mort vienne pour me deli­urer en mefme temps de la feruitude de ce corps, & de celle du peche.

Le mary de cette bonne femme eftoit pour Iors a Ia chaffe, bien auant dans les bois, au moment qU'elle expira: elle Iuy apparut, &

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30. Seconde Le ttre. Iuy dit Ie dernier Adieu, luy re­commandant fur tout, de ne iamais quitter Ia priere qU'avec Ia vie. Cet homme, a ce fpeCtacle, fe tourna vers fon compagnon de cha{fe, Iuy raconta fa vifion, & la mort de fa femme; & auffi toft il fe met en chemin pour retourner a Kebec. A fon arriuee il apprend que fa fem­me auoit expire iuftement dans les mefmes circonftances du temps, auquel elle s'eftoit fait voir a luy. Le changement de cet homme, & la ferueur iointe a la conftance qu'il garde depuis cet accident, aux prie­res publiques & particulieres, nous fait croire qu'il s'eft pa{fe en ce ren­,contre quelque chofe de bien ex­traordinaire.

La feconde femme, que Ia mort nous a enleue cet hyver, auoit penfe mourir quelques annees au-

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Seconde Le lire. 3 I •

parauant de la main des Iroquois: ces barbares l'aiant rencontree, luy arracherent la peau de la tefte, la laiffant pour morte fur la place; de­puis ce temps-Ia elle n'a fait que me­ner vne vie langui1Tante, mais toC­iours G. feruente a la priere, qU'elle n'a iamais manque de fe trouuer tous les matins, & tous les foirs ala Chapelle, nonobftant fa grande foi­bleffe; ce qU'elle a garde exaCl:ement, iufqu'a ce qu'vn iour, au retour de l'Eglife ou elle s'eftoit tranfportee auec vne maladie mortelle, elle fut obligee de s'aliter, & peu apres elle mourut faintement, fe trou­uant au bout de fa vie auant la fin de fes prieres. La conftance de cette pauure femme fera un grand repro­che a la delicateffe de ces dames, qui pour de lege res incommoditez [e difpen[ent aifement de leurs de-

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32 • Seconde Le !lre.

uotions. Et la patience d'vn ieu­ne Sauuage, condamnera ceux, qui s'emportent a tant de murmures, & a tant de plaintes pour vne gout­te, pour vn mal de dents, ou pour quelques autres incommoditez. Cet homme deuenu impotent depuis cinq ans, eftoit gifant non pas fur la plume ny fur Ie duuet, mais fur vne ecorce, qui luy feruoit de pail­laffe & de matelas; il fouffroit auec vne patience de lob, dans toutes les parties de fon corps. Croiriez­vous bien, que la grace a tellement opere dans ce coeur Sauuage, que non feulement on ne l'a pas en­tendu fe plaindre; mais mefme il a declare, que iamais il ne luy eft venu en penfee de fouhaiter l'ufa­ge de fes membres, puifque fon arne fe trouuoit mieux du mifera­ble eftat de fon corps, & que fon

falut

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Seconde Le lire. 33 .

falut fe faifoit auec bien plus d'af­feurance, difant que c'eftoit bien aiTez qu'il euft l'vfage de fes doigts & de fa langue, pour dire fon Cha­pelet, qui faifoit vne grande occu­pation de fa iou~nee. Dieu l'a bien recornpenfe; car il a heureu­fernent finy fes iours, & rendu fon arne entre les bras de Monfeigneur l'Euefque de Petree. Voila quel­ques-vnes des particularites, que i'ai apprifes fur ces deux Eglifes affiigees, qui ne font plus que Ie debris de deux Eglifes fouffrantes, et qui feroient la fernence d'vn grand peuple Chreftien, fi l'Iro­quois ne continuoit point de les exterrniner. Ie les recornmande, & moy auHi, aux Saints Sacrifices de voftre Reverence.

A Kebec ce 10 d'oCfobre 1659.

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34·

"-TROISIEME LETTRE.

De fa Miffion de I'Acadie.

MON R. PERE,

V oicy vne troiiieme Lettre que i'ecris a V. R. pour l'informer de ce qui s'eft paffe dans 1a Mifiion de l' Acadie, ou trois de nos Peres tra­uaillent a 1a converiion des Sau­uages de cette cofte, & au fa1ut des Fran<;ois qui y font habituez.

L' Acadie eft cette partie de 1a N ouuelle France, qui regarde 1a' mer, & qui s'etend depuis 1a Nou­uelle Angleterre iufqu'a Gafpe, ou proprement fe rencontre l'entree du grand'Reuve de S. Laurens. Cette etendlie de pals, qui eft bien de

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Troifi'eme Le /Ire. 35.

trois cens lieues, porte un mefme nom, n'aiant qu'vne mefme langue.

Les Anglois ont vfurpe toutes les coftes de l'Orient, depuis Can­ceau iufqu'a la N ouuelle Angleter­re: ils ont laiffe aux Fran<;ois celles qui tirent au N ort, dont les noms principaux font Mifcou, Rigibou­Ct:ou, & Ie Cap Breton. Le diftriCt: de Mifcou eft Ie plus peuple, Ie mieux difpofe, & OU il Y a plus de Chreftiens: 11 comprend Ies Sauua­ges de Gafpe, ceux de Miramichy, et ceux de N epigigouit. Rigibou­Ct:ou eft vne belle riuiere, conGde­rable pour Ie commerce qU'elle a auec les Sauuages de Ia Riuiere de S. lean.

Le Cap Breton eft vne des pre­mieres liles qu'on rencontre en ve­nant de France; elle eft aifez peu­plee de Sauuages pour fa grandeur.

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36. Troifi'eme Le tire. Monfieur Denis commande la principale habitation que les Fran­<;ois ont en ces quartiers-Ia. Voila Ie pai's, que nos Peres ont cultiue depuis l'an 1629, & ou prefente­ment trauaillent Ie Pere Andre Ri­chard, Ie Pere Martin Lionne & Ie Pere Iacques Fremin.

Celuy-cy a eu pour partage Ia cofte de Rigibou8:ou, ou 'il a hy­uerne parmy les Sauuages, auec lef­quels il a fouffert, outre Ie mal de terre, la famine, caufee par Ie de­faut des neiges, qui font les richef­fes des Sauuages, puifque les Ori­ginaux, les Caribous, & les autres beftes s'y prennent comme au la­cet, quand elles font afIez hautes. Mais Ie Pere ne s'eft trouue que trop bien paye des trauaux, qu'il a foufferts dans ces grandes forefts, par Ie Baptefme qu'il a confere a

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Troi/lf.me Le tire. 3 7 . vne petite fille malade a l'extremi­te, qui a receu la fante dans ces eaux falutaires. Ce ne luy fut pas auffi vne petite confolation, de fe voir preffe auec inftance par vn­paure Sauuage, nomme Redou­manat, de Ie baptifer, en fuite d'vne grace bien fenfible qu'il auoit ob­tenlie de Dieu depuis peu de temps. Cet hom me auoit languy deux ans entiers, accable de grandes incom­moditez, qui luy caufoient des douleurs tres-cuifantes par tout Ie corps, mais particulierement aux iambes. II s'eftoit fait foumer & re­foumer par les iongleurs du pals; & apres avoir laiffe tous les forciers, & vfe tous leurs medicamens, ne fachant plus a qui auoir recours, il s'adre{fa aDieu, dont il auoit en­tendu lolier les bontez & les puif­fances, & luy dit: Toy qui as tout

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38. Troifieme Le tire. fait, on dit que tout t'obe1t: Ie Ie croiray, pourueu que mon mal, qui n'a pas voulu ecouter Ia voix de nos Demons, ecoute Ia tienne : s'il t'obe1t quand tu Ie chafferas de mon corps, ie te promets de t' obe1r moy-mefme, & d'aimer Ia priere. Dieu fe plut a cette forte de pri~re, & luy rendit vne parfaite fante, dont il eft fi reconnoiiTant, qu'il publie partout cette faueur, faifant voir par vn grand changement de fa vie, que fon arne a la meilleure part a ce bien-fait. 11 s'eft entierement deporte de l'iurognerie, qui eft Ie grand Demon de ces pauures Sau­uages, auffi bien que Ia vengeance, qu'il a domptee par vn acte auffi herolque qu'il s'en trouue parmy les meilleurs Chreftiens. Car vn iour vne de' fes fiIles, qu'il aimoit vniquement, aiant efte maffacree

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Troifl'eme Le tire. 39. deuant fes ieux par vn infolent, Ie meurtrier eftant arrefte, tant s'en faut qu'il voulut s'en venger, qu'au contraire il arrefta Ie bras de ceux qui l'alloient maffacrer, difant qu'il s'en rapportoit au Maiftre de Ia vie, puifqu'il apprenoit que c'eftoit a luy a prendre vengeance des torts qu'on nous faits. Et de vray, la Iu­ftice diuine ne manqua pas de tirer raifon de cet affaHinat, aiant 'per­mis que ce malheureux fuft peu de temps apres, affafhne luy-mefme par vn rival, qui afpiroit au mefme mariage que luy. Ce bon homme n'eft pas l'vnique, qui a receu du Ciel des faueurs extraordinaires, mais tous ne s'en font pas montrez :li reconnoiffans.

Vn nomme Caplfto, ancien Ca­pitaine du Cap Breton, fort atta­che a fes Superftitions, tomb a va

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40. Troifieme Lettre. iour en de tres-violentes conuul­fions, pendant lefquelles les Sau­uages s'aviferent de mettre fur luy des Images, des Chapelets, & des Croix, dont ils font grande eftime s'en feruant contre les infeftations des Demons. Cet homme, au plus fort de fon mal, s'imagine que quantite de Diables fe iettent fur luy, qu'ils Ie traifnent d'vn cofte & d~autre, s'efforcans de l'enleuer. Dans cette angoife il fe faifit d'vne grande Croix plantee a l'entree de la riuiere, a laquelle il s'attacha fi fort, qu'il fut impoffible aux De­mons de l'en deprendre. Cette vi­fion l'a touche; & quoyqu'il de­meure encore dans l'infidelite, il ne laiffe pas de prifer la F 0y, & de donner efperance, qU'enfin apres tant de faueurs que Dieu luy fait, incite d'ailleurs par l'exemple, &

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Troifleme Lettre. 41.

par Ies inftances de fon frere, qui fut baptife ce printemps, il rom­pra Ies liens, qui Ie tiennent attache a fon malheur.

Ce frere du Capitaine Capifto, eft vn bon viellard, fort aime des Fran<;ois, aux interefts defquels il eft fort attache, & aufquel il a ren­du de Ggnalez fervices en des faf­cheux rencontres: il a fait tant d'in­ftances pour eftre baptife, qU'eftant remis d' annee en annee pour e­prouver fa conftance; enfin Ie Pere Richard Ie baptifa, auec fa femme & fa foeur, dans de grands fenti­mens d'eftime, du bonheur apres Iequel il auoit tant foupire. II pref­foit que fes enfans eufTent part a Ia mefme faueur; mais ils furent differez iufqu'a l' Automne, pour tirer de plus gran des marques de leurs bonnes refolutions.

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42. Troifi'eme Letlre. II y a deux ans que les Sauuages

de ces coftes furent en guerre con­tre les Efquimaux; c'eft vne nation la plus Orientale, & la plus Septen­trionale de la N ouuelle France par les 52. degrez de latitude, & les 330. de longitude. C'eft merueille com­me ces mariniers Sauuages naui­gent fi loin auec de petites chalou­pes, trauerfant de gran des etendlies de mers, fans bou(fole, & fouent fans la velie du Soleil, [e hant de leur conduite a leur imagination. Mais la merueille eft encore plus grande du cofte des Efquimaux, qui font quelquefois Ie mefme tra­iet, non pas en chaloupes, mais dans de petits canots, qui font fur­prenans pour leur ftructure, & pour leur vifte(fe: ils ne font pas faits d'e­coree, comme ceux des Algonkins, mais de peau de loups marins, dont

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Trorfi'eme Le tire. 43 .

l'abondance eft tres-grande chez eux. Ces canots font couuerts de ces mefmes peaux: ils laiffent au deffus vne ouuerture, qui donne entree a celuy qui doit nauiger; le­quel eft touiiours feul en cette gon­dole: eftan t afiis et place dans Ie fond de ce petit batteau de cuir, il ramaffe a l'entour de foy la peau qui Ie couure, & la ferre & la lie ii bien, que l'eau n'y peut entrer: loge dans cette bour[e, il rame de bord & d'autre d'vn feul auiron, qui a vne paffe a chaque bout; mais il rame ii adroitement, & fait marcher ii le­gerement fon batteau, qu'il paffe les chaloupes qui voguent a la voile: que ii ce canot vient a tourner, il n'y a rien a craindre; car comme il eft leger, & rempli d'air enferme dedans auec la moitie du corps du nautonnier, il fe redreffe aifement,

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44. Troifieme Let/re. & rend fon pilote fain & fauue fur l'eau, pourueu qu'il foit bien lie a fon petit nauire. La nature iointe a la neceHite a de gran des indu­ftries. Ces bonnes gens fe feruent encore de peaux de loups marins pour baftir leurs maifons, & pour fe faire des habits; car ils [e cou­urent tous de ces peaux tres-bien paiTees, dont: ils fe font des robes faites d'vne mefme fa~on pour les hommes & pour les femmes. IIs vi­uent principalement de cariboux, c'eft vne efpece de ferfs; de loutres, de loups marins et de molues. II y a peu de caftors, et peu d'orignaux chez eux. Pendant I'Hyuer ils de­meurent fous terre, dans de gran­des grottes, ou ils font fi. chaude­ment, que nonobftant la rigueur du climat ils n'ont befoin de feu que pour la cuifine. Les neiges y font

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Toifieme Le tire. 45. fort hautes, & tellement endurcies par Ie froid, qU'elles portent com­me la glace, fans qu'on ait befoin de raquettes pour marcher deffus. Le fer qu'ils trouuent aupres des echaffaux des pefcheurs de molue, leur fert a faire des fers de Reches, & des coufteaux, & des tranches, & pour d'autres ouurages qu'ils aiuftent bien eux-mefmes fans for­ge ny fans marteaux. Ils font de petite taille, de couleur oliuaftre; du refte ils font affez bien faits, ramafTez, & grandements forts.

Nos Sauuages furent en guerre versces peuples, il y a quelque temps: en aiant furpris & maffacre quelques-vns, ils donnerent la vie aux autres, les. amenant prifon­niers en leur pals, non pour les bruler, ce n'eft pas leur coutume; mais pour les tenir en feruitude,

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46. TroiJieme Lettre. ou pour leur caffer la tefte a l'en­tree de leurs bourgades, en figne de triomphe. Entre ces prifonniers vne femme, dont Ie mary auoit efte tue dans Ie combat, trouua fon bonheur dans fa captiuite; car aiant efte mene au Cap Breton, elle fut rachetee des mains des Sauuages, & enfuite elle fut inftruite & bap­tifee, & maintenant elle vit a la Fran~oife, en bonne Chreftienne. II faut confeffer que les refforts de la diuine Prouidence font ado­rabIes, d'aller chercher dans Ie mi­lieu de cette barbarie, vne arne pre­deftinee, & de la choifir parmy tant d'autres, pour la mettre dans Ie chemin du ciel: & ce qui eft encore bien merveilleux, d'auoir tire cette pauure femme de fon in­fidelite, pour s'en fervir a tirer vn heretique de fon erreur. Voicy com­me la chofe fe paffa.

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Troifdme Lel/re. 47. N oftre Marguerite (c'eft Ie nom

qU'elle eut au Baptefme) eftant en­core infidelle, fe trouuoit par fois infeftee des Demons. Vn iour entre autres, elie parut comme forcenee, elie couroit partout auec vne voix horribe, & auec des geftes etran­ges a Ia fa<;on des poffedez. Les Fdn<;ois y accourent, tachant de Ia foulager, mais en vain; fes tour­mens croiffent en forte, qU'elle fe trouua en danger d'eftre etoutlee. IIs s'auiferent enfin de recourir aux remedes diuins: iis prierent l' Aumof­nier, qui feruoit lors I'habitation, de Ia fecourir. II n'eut pas pluftot iette de l'eau benifte fur elIe, qU'elle s'arrefta tout court, & deuint auHi paifibIe, que fi elie fe fuft eueillee d'vm doux fommeiI; elle ne fit que leuer les ieux en haut, puis Ies tour­nant vers les affiftans: Belas, dit

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48. Troifieme Let/re. elle, ou fuis-ie? d'ou viens-ie? vn phantofme de feu me pourfuiuoit cruellement; il eftoit tout pret de me devorer, quand a voftre pre­fence ie ne fcay quelle fraieur l'a faift, & l'a mis en fuite: c'eft pour la feconde fois que ie vous fuis o­bligee de la vie: vous me deliurates dernierement de la rage des Sauua­ges, & maintenant vous me fauuez de la furie des Demons. A cet ac­cident l'interprete qui eftoit here­tique, faift d'etonnement, & admi­rant la force de l'eau benifte, re­non~a a l'herefte, & publia par fon abiuration la merueille, dont il a­uoit efte fpectateur.

Si les Demons feruent a conuer­tir les Sauuages, & les Sauuages a reduire les heretiques; que ne de­uons-nous pas efperer du fecours des Anges tutelaires de ces contrees

notam-

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Troifieme Let/re. 49. notamment depuis que ces efprits bienheureux y ont amene vn Hom­me Angelique, ie veux dire Mon­feigneur l'Euefque de Petree, qui en pafTant dans les limites de noftre A­eadie, du cofte de Gafpe, a donne Ie Sacrement de Confirmation a 140.

perfonnes, qui iamais peut-eftre n'auroient receu cette benediCtion, :G. ce braue prelat ne les fuft venu chercher en ce bout du monde, qui commence d'eftre inquiete par la terreur des Iroquois, qui ferment la porte au Salut d'vne infinite de na­tions, qui tendent les bras a l'Evan­gile, & qu'on ne peut leur porter, :G. ces mutins ne font domptez. Ie me recommande, & tous ces peuples, aux Saints Sacrifices de V. R. & aux prieres de tous ceux qui aiment la conuer:G.on des pauures Sauuages.

A. Kebec ce 16. d'Oa. 1659. FIN.

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Ex trait du Priutlege du R.oy.

PAr grace et priuilege du Roy il eft permis a S E BAS TIE NCR A MOl S Y

Marchand Libraire lure en l'V niuerfiM de Paris, lmprimeur ordinaire du Roy & de la Reine, Directeur de l'lmpri­merie Royale du Louure, & ancien Ef­chevin de Paris, d'imprimer ou faire imprimer, vendre & debiter un liure intituIe, Lrtt)'rs en'Uoyees de la lVo'U'Uelle Fra7lceauR.P.IacquesRenaultProuincial de /a Compa,r;nie de lESUS, en laPl'ov'ince de France, [) ('. & ce pendant Ie temps & efpace de dix alll1eeS confecutives auee defenfc a tons Libraires, lmprimeurs, & antres, d'imprimer ou faire imprimer Ie dit Liure, ions pretexte de deguife~ ment ou changement, qu'ils y pour­roient faire, aux peines portees par Ie dit Prinilege. Donne a Paris Ie 26. Decem­hre 1660. Signe, Par Ie Roy en fon Confeil.

MABOVL.

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Permiffion du R.. P. Prouincial.

N 0uS IACQUES RENAULT,

Provincial de la Compagnie de IE S V S en la Prouince de France, auons accord6 pour l' auenir au Sieur SEBASTIEN CRAMOISY ,MarchandLibraire, Imprimeur ordinaire du Roy&de laReine, Directeur de I'Imprimerie Royale du Louure, & ancien Efcheuin de· cette ville de Paris, I'impreffion des Relations de la N ouuelle France. Donne a Paris au mois de Decembre 1658. Signe

IACQvEs RENAVLT.

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Imprime felon un MS copie de la Relation jadis appar­tenante a la Bibliotheque Parlementaire de Canada et detruite par I'incendie de 1854, et de laquelle iI ne refte d'autre copie que I'on connai/fe.