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SYNTHESE Depuis 2015, le phénomène de radicalisation a engendré une abondante littérature. Cette synthèse s’en veut le reflet. La radicalisation gagne du terrain : l’Ile de France, les Alpes Maritimes et le Nord, les agglomérations lyonnaise et toulousaine font parties des plus touchées. Depuis mi 2014, les signalements font l’objet d’une comptabilité publique par département. En Seine Saint Denis, la radicalisation des jeunes est un sujet sensible. Sur les 156 jeunes français morts dans les rangs des djihadistes, une trentaine viendrait du 93 et près d’un quart des signalements en Ile de France émane de ce département (420 sur 1700) selon des chiffres de l’automne 2015… Les appels au numéro vert, mis en place en novembre 2014 par le Ministère de l’intérieur, proviennent le plus souvent des parents inquiets d’un changement brutal de comportement de leur enfant, converti dans la moitié des cas. Les jeunes signalés sont majoritairement âgés de 15 à 21 ans ; on note aussi une hausse significative des jeunes filles. Ces signalements arrivent à la préfecture. La moitié environ est à la main des services de renseignements. Selon la gravité de la situation, un suivi peut être proposé : notamment, la mise en relation avec la Sauvegarde de L’Enfance (ADSEA 93) qui expérimente un travail de prévention et d’assistance aux familles. Aucune commune ou presque n’est épargnée (36 sur 40 pour les alertes) ; « aucune alerte » n’est pas synonyme « d’absence de danger » (source le Parisien 15 février 2016). Cette problématique majeure interroge avec force toute la société. Des psychologues, psychanalystes, sociologues et anthropologues tentent d’expliquer le phénomène, des modules de formations se mettent également en place pour aider à Comprendre (I). Divers acteurs réfléchissent et s’impliquent pour Agir (II). Le gouvernement prend des mesures, impulse des actions en coordination avec de nombreux acteurs, dont les collectivités, elles‐mêmes porteuses d’initiatives. La société civile et les familles se mobilisent. L’école est interpellée aussi. Des structures médico‐sociales proposent des méthodes de prévention et d’aide à la déradicalisation. Des recommandations européennes émergent et des expériences d’autres pays seront examinées avec intérêt.
I ‐ Comprendre
A ‐ Décryptage sociologique et psychologique
Il y aurait des sympathisants de Daesh dans une centaine de pays, hommes et femmes, de tous âges, avec des positions sociales diverses.
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L’anthropologue Scott Atran et le sociologue Raphael Lioger partagent cette conviction : si l’organisation de l’état islamique recrute aussi facilement, c’est qu’elle propose un récit auquel on peut croire. Il faudrait donc proposer des mythes concurrents. La focale de prévention consiste, ici, à « donner un sens à la vie ». Agir au niveau du groupe est important pour qu’il soit porteur d’une contre‐narration radicale (type discours du Dalaï‐lama). Les recruteurs provoquent l’adhésion, en allant chercher des ressorts intimes et ne ménagent d’ailleurs pas leur temps pour y parvenir. Pour Fethi Benslama, psychanalyste, le concept de « surmusulman » désigne une instance psychique qui pousse le sujet à désirer sortir d’un sentiment de honte par un excès de ferveur. Il analyse, chez des jeunes, un « furieux désir de sacrifice » qui les conduit à se donner la mort au nom de l’Islam. Les prédicateurs s’adressent à des adolescents qui sont attirés par la négativité à une période où ils vivent une phase complexe de transition. On leur laisse entrevoir l’accès à une jouissance absolue, héroïque, à un monde meilleur dans l’au‐delà. On donne du sens à la mort. Ces jeunes qui se laissent prendre sont d’abord à la recherche de racines, ils ont vécu des ruptures dans leur histoire familiale, ils manquent d’assurance en eux‐mêmes et perçoivent un avenir sans horizon… Il conseille d’entreprendre un travail de reconstruction du sujet en tant qu’individu responsable de lui‐même et de ses choix. Pour F. Benslama, qui a donné des consultations en Seine‐Saint‐Denis, c’est parce que la société change que la religion changera et il fait le pari du triomphe de la raison humaine (exemple : l’amorce de résistance chez les femmes tunisiennes lorsqu’on voulait faire apprendre par cœur le Coran aux enfants). Le psychologue et anthropologue Richard Rechtman dénonce l’attitude des politiques et des médias qui nourrissent, selon lui, la stratégie de Daech : « il faut décréter, et le dire haut et fort, que ces soldats mourront ici dans l’oubli le plus total, pour créer le doute dans la tête des candidats au martyre, et leur faire entrevoir le néant d’une mort anonyme ». Boris Cyrulnik, psychologue, reprend la phrase de Michelet : « Quand l’état est défaillant, les sorcières apparaissent », sous entendu les mouvements sectaires. Quand on est en détresse, on est vulnérable. Des enfants, aux carences éducatives et culturelles graves, glorifient un héros négatif pour passer du statut de méprisé à celui d’être craint, ce qui est un processus archaïque de socialisation. A contrario, la surprotection des enfants peut induire l’euphorisation et l’érotisation de la peur et pousser à des mises à l’épreuve pour se stimuler, se prouver qu’ils valent quelque chose. Il parle de la vitesse de la radicalisation comme d’une « épidémie de croyance » qui peut se déclencher en quelques jours. Pour David Le Breton, anthropologue et sociologue, le djihadisme est l’une des formes contemporaines de la disparition de soi, une quête d’identité nouvelle qui sublime la personne et efface tout attachement aux proches. « La force de la propagande radicale à travers internet est de toucher les jeunes qui au départ ne fréquentent pas toujours les mosquées, sont souvent même étrangers à l’Islam, et de radicaliser de jeunes musulmans d’abord éloignés de tout engagement personnel ». Il y a un rejet de l’Occident et pas de nuance entre le Bien (eux) et le Mal (les autres). C’est un prêt à penser. Farhad Khodsrovarkhavar sociologue, dresse une typologie des jeunes djihadistes français : le djihadisme des jeunes désaffiliés animés par la « sacralisation de la haine » ; les nouveaux djihadistes de classe moyenne ; le martyre féminin animé par un « post‐féminisme régressif ». On observe un phénomène prégnant de fratries radicalisées.
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Mathieu Guidère, islamologue, souligne le rôle grandissant des femmes au sein de l’Etat islamique. Jusqu’à qu’à présent, elles grossissaient surtout les rangs des « migrantes » pour la Syrie (cloitrées dans des maisons de femmes, occupées à élever les « lionceaux du califat »). Les premières étaient parties avec des visées humanitaires : soigner des blessés, s’occuper des enfants… Désormais, elles rencontrent plus d’obstacles pour partir ; mais il y a aujourd’hui des femmes idéologisées qui peuvent agir en France, le cas échéant sans mentor masculin. Il est à noter que les femmes n’ont pas accès au statut de « martyr » exclusivement réservé aux hommes. L’anthropologue Alain Bertho, de même que Gilles Kepel ‐ politologue spécialiste de l'islam et du monde arabe contemporain ‐, fait le lien entre les non‐dits sur les émeutes de 2005 et le désespoir qui frappe une partie de la jeunesse, rendue plus vulnérable aux séductions du discours djihadiste. Le psychanalyste Jean‐Claude Liaudet s’interroge sur les transmissions intergénérationnelles et la construction du moi. Une génération se construit sur la base de la transmission de la génération précédente, celle des parents. Qu’est‐ce que la génération de 1989 a transmis à celle de 2008 ? C’est du côté de la recherche des idéaux que les adolescents sont le plus démunis. Se trouvant dans l’impossibilité d’intégrer les « non‐idéaux » défaillants de la génération précédente, les moins structurés d’entre eux adoptent des croyances « prêt‐à‐porter » disponibles sur le marché des idées, dont l’islam intégriste. Enfin, l’attrait qu’exerce cette idéologie doit aussi être mis en perspective avec le contexte international et en réaction à l’implication de la France dans les conflits en Syrie (cf Partie 3 « Approches politiques et géopolitiques du djihadisme » de la bibliographie réalisée par la Mission métropolitaine de prévention des conduites à risques). B ‐ Comprendre par la formation
Des formations se développent pour répondre à la demande des associations, organismes publics. En Ile de France, il sera bientôt possible de s’inscrire à une formation délivrant un diplôme de prévention de la radicalisation (Institut de droit et d’économie de l’Université Paris II Melun). Au CNFPT, l’offre de services sur la prévention de la radicalisation est en construction. L’association Via Voltaire coordonne un réseau interprofessionnel sur les questions de radicalisation et assure des formations depuis septembre 2015 avec le département de l’Hérault. La mairie de Villefontaine, dans l’Isère, a fait appel à un cabinet spécialisé afin que les responsables de services décryptent les processus de radicalisation. La préfecture de l’Isère a permis aux agents de terrain de bénéficier de cette formation par la suite. La coordination « Ensemble on fait quoi ? » a organisé pour les travailleurs sociaux du département du Nord une conférence ave le sociologue Farhad Khosrokhavar pour comprendre, puis rechercher des outils de prévention mobilisables sur le terrain. Enfin, un programme de modules en ligne est mis à la disposition des services de l’état, élus et agents des collectivités territoriales sur le site internet du Centre des hautes études du ministère de l’intérieur.
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II. Agir
A ‐ La politique gouvernementale
La lutte contre la radicalisation est encore en construction. Annoncé au printemps dans le cadre du Plan de lutte contre la radicalisation et le terrorisme, le Conseil scientifique de lutte contre la radicalisation, rattaché au ministère de la Justice, est installé depuis le 31 août 2016 pour renforcer l’arsenal mis en place depuis 2014. Il dressera des ponts entre la justice et l’université pour « construire de puissants contre‐discours » afin de mieux prendre en charge des personnes radicalisées. Il aura pour mission d’évaluer, coordonner et harmoniser les dispositifs et sera composé d’une douzaine d’universitaires venus de divers horizons. Par ailleurs, Muriel Domenach, auparavant consul général de France à Istanbul, vient d’être nommée secrétaire générale du Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR), structure pivot sur la question. Pour rappel, en mai 2016 : publication d’un nouveau plan de 80 mesures touchant entre autres l’éducation, la politique de la ville…. Une partie traite de la densification des dispositifs de prévention afin d’améliorer leur efficacité et d’assurer une prise en charge individualisée des personnes repérées, ou en voie de radicalisation, comme de leurs familles. Les collectivités sont appelées à être des acteurs à part entière (maires, conseils départementaux et leur service public). La prévention de la radicalisation est inscrite aux contrats de ville et dans les conseils locaux de prévention de la délinquance (CLSPD). Un protocole opérationnel pour protéger les mineurs et l’ensemble des jeunes pris en charge par l’Aide sociale à l’enfance est proposé ainsi qu’une montée en charge du service civique, entre autres dans les communes sensibles. Après la mise en place d’une grille d’indicateurs de basculement, une grille d’indicateurs de sortie est mise à l’étude par le CIPDR. Chaque région sera dotée d’ici fin 2017 d’un centre de citoyenneté et de réinsertion. Une circulaire, visant à mobiliser les services déconcentrés de l’Etat (désignation de référent, incitation à la création de réseaux…), les Conseils départementaux, les CAF, les missions locales, les communes, a été publiée. Un guide de 36 fiches pratiques est mis à disposition des acteurs locaux sur internet (une fiche porte sur la contribution des services sociaux). Renommé Fonds interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation, le « FIPD » a été abondé : une centaine de millions supplémentaires vise à subventionner certaines initiatives locales prises par des collectivités. En juin 2016, lancement de la campagne de communication « On te manipule » afin de prémunir les jeunes contre les théories du complot sur le web. Dernièrement, le Ministère de la ville, de la jeunesse et des sports a édité un guide à l’intention des acteurs du sport et de l’animation, disponible sur internet. Enfin, la loi « égalité et citoyenneté » attendue à l’automne se veut une réponse législative à l’apartheid territorial, social et ethnique existant en France. B ‐ Les initiatives au niveau des collectivités
Les Conseils régionaux peuvent aider à structurer des réseaux d’alerte. La région Ile‐de‐France souhaite briser l’isolement des parents, des associations ou des clubs sportifs en formant des référents et des accompagnants. Elle appelle à adhérer à une charte de la laïcité. Le Conseil national des villes recommande de sous traiter la politique de prévention au niveau local. Les acteurs publics et associatifs sont invités à investir massivement dans l’éducation des
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plus jeunes, la formation des travailleurs éducatifs et sociaux, le soutien à la parentalité, ainsi qu’à renforcer leur présence sociale hors des murs des institutions, le soir, le week‐end ainsi que durant les vacances scolaires. Donner un espace de parole aux jeunes, c’est aussi éveiller à l’esprit critique face aux discours radicaux. 400 dispositifs accueillant des publics, de l’enfance aux jeunes actifs, sont déjà déclarés par les collectivités auprès de l’Association nationale des conseils d’enfants et de jeunes (ANACEJ). Des initiatives diverses des collectivités territoriales se développent à travers la France. L’éducation aux médias au sein des établissements scolaires est une priorité de longue date pour l’intercommunalité Val d’Amboise en Indre et Loire ; des partenariats avec l’association e‐enfance sont mis en place avec des collectivités d’Ile‐de‐France. La ville de Sarcelles a lancé un appel d’offres pour animer un programme de prévention de la radicalisation, élargi à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme. Les Alpes‐Maritimes insistent sur la coordination des services avec un protocole de partage d’information entre les différents intervenants de terrain : l’Education nationale, les animateurs sportifs, les éducateurs spécialisés et les familles. Le Val d’Oise a formé sur la question un groupe ressources d’une quinzaine de personnes, une centaine d’agents référents afin qu’ils répondent aux questions des travailleurs sociaux, puis a organisé une journée de sensibilisation pour tous les agents et partenaires. Le Loiret, département semi‐rural, a pris des initiatives face à l’augmentation constante des signalements … C ‐ La Société civile
Des mères se mobilisent pour sauver la jeunesse (Marseille, Montpellier…). Elles ont adressé une pétition au gouvernement pour demander de l’aide face à la radicalisation. Nadia Remadna a créé en 2014 la Brigade des mères à Sevran pour venir en aide aux familles en difficulté dans les quartiers populaires. De nombreuses initiatives d’accompagnement par les pairs, notamment de familles dont les enfants sont radicalisés, ont vu le jour (association Malgré eux). La ministre Laurence Rossignol souhaite leur développement et plaide pour l’émergence d’une association nationale des familles accompagnantes. Médecins, avocats, patrons… une nouvelle génération de français musulmans, pratiquants ou pas, a décidé de s’impliquer dans la gestion de l’Islam en France, 2ème religion du pays. Visites sur mesures, ateliers, débats : les musées cherchent à toucher davantage les jeunes issus de l’immigration avec l’idée que l’art favorise le dialogue (Louvre, musée national de l’Immigration à Paris, musée des Confluences à Lyon…) Le député de l’Hérault Patrick Vignal a lancé en 2015 un appel à projets citoyens sur les thèmes « République, laïcité, famille, jeunesse » par le biais de sa réserve parlementaire. Son idée est d’impliquer toute la société, des collectivités jusqu’aux commerçants D ‐ L’école
L’école est mise en tension par des revendications à caractère religieux. De plus en plus fréquemment des élèves opposent leurs convictions religieuses aux enseignements universels (enquête CNRS‐Sciences PO de 2015). Le principal enseignement ? La religion est devenue un « marqueur social » en France. Le Ministère de l’Education nationale a décrété début 2015 une grande mobilisation de l’école pour les valeurs de la République avec un programme de formations de 300 000 enseignants à la laïcité ; mais beaucoup jugent la réponse mal adaptée. L’édition d’un livret sur la question a suivi.
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En juillet 2015, une circulaire a rappelé les conditions requises par la loi et les règlements pour l’ouverture et le fonctionnement d’un établissement d’enseignement scolaire privé hors contrat. Des inspections « surprise » après les attentats de 2015 dans des établissements soupçonnés de radicalisation ont eu lieu. Il en est surtout ressorti une interrogation sur la volonté de développer l’esprit critique de l’élève lors des cours dispensés en français. Pour certains cours en langue arabe, la difficulté d’évaluation est une réalité. Pour Edgar Morin, sociologue et philosophe, il est vital d’intégrer dans notre enseignement, dès le primaire et jusqu’à l’université, la « connaissance de la connaissance » pour aider les jeunes à détecter aux âges adolescents, quand l’esprit se forme, les perversions de la pensée et les risques d’illusion… car nul ne nait fanatique. E ‐ Déradicalisation et prévention de la radicalisation
« Déradicaliser », est‐ce possible ? Pas au sens où l’on pourrait extraire une idée d’un esprit pour le reformater. Mais il est possible de favoriser une prise de conscience individuelle, qui peut provoquer un « court‐circuit intérieur » qui doit donc être accompagné (G. Bronner ‐ Dounia Bouzar). La métaphore de l’électrochoc est récurrente. L’électrochoc « médiatique » avec le site du gouvernement « Stop‐Djihadiste » qui diffuse des vidéos chocs... L’électrochoc « affectif » au CPDSI (Centre de prévention contre les dérives sectaires liées à l’Islam) qui aide les parents à relier leur enfant en dérive en mobilisant les souvenirs heureux ; la confrontation avec des « repentis » qui ont effectué un travail sur eux‐mêmes et qui peuvent témoigner face aux candidats au djhihad vient ensuite. L’électrochoc « cognitif », utilisé par G. Bronner, fait appel au sens critique des jeunes, force au doute et interroge sur les convictions illusoires. La maison des adolescents de Strasbourg, lieu soutenu par la ville, l’Eurométropole de Strasbourg et le conseil départemental du Bas‐Rhin, est hissée au rang d’initiative exemplaire pour son investissement dans la prévention secondaire de la radicalisation. Ce groupe d’intérêt public réalise une évaluation psychiatrique de jeunes de 12 à 21 ans en voie de radicalisation et propose à certains d’entre eux un accompagnement médicosocial individualisé. De même à Nice, Patrick Amoyel psychanalyste à l’Association Entr’Autres et officiellement chargé de déradicaliser les jeunes français placés sous main de justice, vient en aide aux parents et aux jeunes. Le social contre le djihad : l’ARSEJ, association de réinsertion sociale pour l’enfance et la jeunesse à Saint‐Denis, propose un travail de réinsertion professionnelle aux jeunes du 93 tentés par le départ en Syrie. F ‐ Les recommandations de l’Union Européenne et expériences internationales
En juin 2016, la Commission européenne a proposé une série de mesures destinées à soutenir les états membres dans leurs efforts pour lutter contre le phénomène. La stratégie appelle à une meilleure collaboration au niveau de l’UE en agissant notamment en milieu carcéral, sur Internet ou à l’école ou bien encore au niveau de la recherche et de la collecte des données, de la coopération internationale, de l’inclusion sociale ou de la dimension sécuritaire. Des fonds du programme Erasmus pourront aider au financement de projets. Le Conseil de l’UE souligne l’importance du rôle de l’animation socio‐éducative. En mai 2016, élus et représentants locaux en provenance d’une dizaine de pays se sont rassemblés pour échanger sur la prévention à l’initiative de Marik Fetouh, adjoint au maire de Bordeaux.
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Depuis 2005, les Anglais travaillent sur le contre‐discours à opposer aux terroristes sur la toile. Ils se sont rendu compte que lorsque celui‐ci est porté par les institutions, il ne donne pas de résultats. Ils sont donc passés par d’autres organismes, notamment des associations, pour démonter les mécanismes d’embrigadement. Ainsi le programme « Prevent » cible les actions de prévention sur des secteurs clés ‐ prison, école ‐ et associe le secteur public avec des acteurs de la société civile. Le programme allemand Hayat « porte sur des aspects émotionnels, idéologiques et pragmatiques de la radicalisation », explique Asem El Difraoui, politologue et spécialiste de la mouvance djihadiste internationale. Il consiste en interventions auprès des familles, déconstruction des notions, interprétations et récits « fondateurs » des extrémistes, en des modifications apportées à l’environnement de l’individu par des démarches d’insertion professionnelle et d’accompagnement psychologique. Au Danemark, fort des expériences des villes d’Aarhus et de Copenhague, le gouvernement danois a lancé en 2014, un plan de déradicalisation au niveau national. A côté de mesures répressives, il a annoncé la mise en place de mesures préventives comme la création d’un corps de « mentors », chargés d’accompagner « globalement » le jeune dans sa réinsertion, prêts à intervenir dans tout le pays. A Montréal, l’approche est centrée sur la communauté. La police de proximité est au cœur de la prévention. Pour conclure
Farhad Khosrokhavar affirme qu’il ne faut pas avoir une peur systématique des jeunes radicalisés revenus en France. Pour certains, cet engagement est l’équivalent d’un « voyage initiatique » qui ne fait pas obstacle à un travail d’élaboration et de réflexion sur leur parcours. On peut être sceptique mais l’expérience menée dans d’autres pays atteste de réussites. Ces parcours répondent aussi à une recherche d’idéaux. Qu’elles soient politiques, écologiques ou humanitaires, il y a un besoin collectif et insatisfait de nouvelles utopies notamment pour la jeunesse. Suite aux attentats de Nice, le mot « folie » a été cité maintes fois. Philippa Motte, consultante en entreprise sur le handicap psychique et la santé mentale au travail, constate que « ceux qui commettent des actes de barbarie sont qualifiés de fous, mais en les appelant ainsi, on oublie tous les autres fous inoffensifs ». Elle affirme aussi : « Ces événements nous montrent toute l'urgence d'arrêter d'avoir peur de la folie, de la dénigrer. Pour parvenir à faire reculer la folie meurtrière au profit de la folie créatrice. Car si c'est la folie qui détruit le monde, c'est aussi elle qui peut le sauver. Il faut être un peu fou pour avoir la conviction que nous allons venir à bout de la violence à laquelle il faut à présent faire face. Mais nous avons raison de l'être ».
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Pour aller plus loin…
Guide interministériel de prévention de la radicalisation Comité interministériel de prévention de la délinquance, mars 2016
http://www.interieur.gouv.fr/SG‐CIPDR/CIPDR/Actualites/Guide‐interministeriel‐de‐prevention‐de‐la‐radicalisation
Prévention de la radicalisation : kit de formation 2ème édition Comité interministériel de prévention de la délinquance, septembre 2015
http://ile‐de‐france.drjscs.gouv.fr/sites/ile‐de‐france.drjscs.gouv.fr/IMG/pdf/kitformv2preventionradicalisationoct151.pdf
Synthèse des indicateurs de basculements Comité interministériel de prévention de la délinquance, novembre 2015 http://www.interieur.gouv.fr/SG‐CIPDR/Prevenir‐la‐radicalisation/Prevenir‐la‐radicalisation/Indicateurs‐de‐basculement
Prévention de la radicalisation : cadre de référence du plan d’actions à annexer au contrat de ville Premier Ministre, avril 2016
http://i.ville.gouv.fr/index.php/reference/12166
Manipulation mentale et dérives sectaires : 9 critères pour caractériser l’emprise Philippe‐Jean Parquet, février 2014
http://secticide.pagesperso‐orange.fr/emprise‐mentale.html
Qui sont les jeunes jihadistes français ? Farhad Khosrokhavar, avril 2016
http://www.ch‐le‐vinatier.fr/orspere‐samdarra/rhizome/anciens‐numeros/rhizome‐n59‐les‐adolescents‐et‐ce‐qu‐ils‐ont‐de‐difficiles/qui‐sont‐les‐jeunes‐jihadistes‐francais‐1323.html
* Ces documents sont disponibles à la bibliothèque de Picasso (1er étage)
Ne m’abandonne pas Xavier Durringer, 2016 https://www.youtube.com/watch?v=ff51JJn77Z8
Jeunesse et djihadisme David Le Breton, 2016
En complément de cette synthèse, un dossier axé sur le travail social et la prévention de la radicalisation sera mis à votre disposition sur le Portail documentaire courant octobre.
Synthèse réalisée par Corinne Obritin ‐ DSOE ‐ CORPUS avec la collaboration de la MMPCR
◘ 01 43 93 84 39 ◘ dsoe‐[email protected]
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