8
Qualité de vie des femmes médecins généralistes en Auvergne Marie Dolorès Mathonnat 1 , Isabelle Filloux 1 , Gilles Tanguy 1 , Bénédicte Eschalier 1 , Bruno Pereira 2 , Philippe Vorilhon 1,3 1. Université d’Auvergne, UFR médecine, département de médecine générale, 28, place Henri-Dunant, 63000 Clermont-Ferrand, France 2. CHU, direction recherche clinique et de l’innovation, 7, place Henri-Dunant, 63000 Clermont-Ferrand, France 3. Clermont université, université d’Auvergne, EA 4681, PEPRADE (périnatalité, grossesse, environnement, pratiques médicales et développement), Clermont-Ferrand, France Correspondance : Philippe Vorilhon, Université d’Auvergne, UFR médecine, département de médecine générale, 28, place Henri-Dunant, 63000 Clermont-Ferrand, France. [email protected] Disponible sur internet le : 25 juin 2013 Reçu le 22 janvier 2013 Accepté le 30 avril 2013 Presse Med. 2013; 42: e377e384 ß 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. en ligne sur / on line on www.em-consulte.com/revue/lpm www.sciencedirect.com e377 Article original Summary Quality of life of women GPs in Auvergne Background > The medical profession is feminising. In parallel, the importance of quality of life (QOL) must be addressed. Family practice needs personal investment and availability. This profession can have repercussions on womens’ QOL. The objective of the study was to compare female GPs QOL to other women with the comparable socioprofessional status. The secondary objective was to study the influence of factors, such as workplace and work methods. Method > Comparative cross-sectional study. A self-assessed questionnaire, sent by post to 394 female general practitioners in Auvergne, each was asked to recruit one woman (non-GP), with similar age and socioprofessional status. Results > A total of 148 female GPs (37.6%) and 122 non-GPs responded. The global score of QOL was lower in the GP group, noticeably showing a poorer QOL in the relational and material areas. The professional QOL was similar between the 2 groups. The study did not find a significant difference concerning the QOL in its physical and psychological dimensions. The main Résumé Contexte > La profession médicale se féminise. Parallèlement émerge le concept de qualité de vie (QV). La médecine générale (MG) demande investissement et disponibilité. L’exercice de la profession peut avoir un retentissement sur la QV des femmes. L’objectif de l’étude était de comparer la QV des femmes MG à celle de femmes de catégories socio- professionnelles proches. L’objectif secondaire était d’étudier l’influence de facteurs comme le lieu et le mode d’exercice. Méthode > Étude transversale comparative. Un questionnaire auto-administré, envoyé par courrier aux 394 femmes généra- listes d’Auvergne, chargées de recruter une femme non MG, appariées selon l’âge et la catégorie socioprofessionnelle. Résultats > Cent quarante-huit femmes MG (37,6 %) et 122 témoins ont répondu. Le score global de QV était inférieur dans le groupe MG. Cela était surtout en rapport avec une moins bonne QV dans les domaines relationnel et matériel. La QV professionnelle était comparable dans les 2 groupes. L’étude n’a pas retrouvé de différence significative concernant les dimensions physiques et psychologiques. Les principaux fac- teurs négatifs jouant sur la QV étaient l’âge, l’exercice en tome 42 > n810 > octobre 2013 http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2013.04.009

Qualité de vie des femmes médecins généralistes en Auvergne

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Qualité de vie des femmes médecins généralistes en Auvergne

Presse Med. 2013; 42: e377–e384� 2013 Elsevier Masson SAS.Tous droits réservés.

en ligne sur / on line onwww.em-consulte.com/revue/lpmwww.sciencedirect.com

al

Disponible sur internet le :

Art

icle

ori

gin

Summary

Quality of life of women GPs i

Background > The medical profesthe importance of quality of lifFamily practice needs personalThis profession can have repercuobjective of the study was to comwomen with the comparable

secondary objective was to studyas workplace and work methodMethod > Comparative cross-secquestionnaire, sent by post to 39in Auvergne, each was asked towith similar age and socioprofeResults > A total of 148 female Gresponded. The global score of Qnoticeably showing a poorer QOLareas. The professional QOL was

The study did not find a significQOL in its physical and psychol

tome 42 > n810 > octobre 2013http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2013.04.009

Qualité de vie des femmes médecinsgénéralistes en Auvergne

Marie Dolorès Mathonnat1, Isabelle Filloux1, Gilles Tanguy1, Bénédicte Eschalier1,Bruno Pereira2, Philippe Vorilhon1,3

1. Université d’Auvergne, UFR médecine, département de médecine générale, 28,place Henri-Dunant, 63000 Clermont-Ferrand, France

2. CHU, direction recherche clinique et de l’innovation, 7, place Henri-Dunant,63000 Clermont-Ferrand, France

3. Clermont université, université d’Auvergne, EA 4681, PEPRADE (périnatalité,grossesse, environnement, pratiques médicales et développement),Clermont-Ferrand, France

Correspondance :Philippe Vorilhon, Université d’Auvergne, UFR médecine, département de médecinegénérale, 28, place Henri-Dunant, 63000 Clermont-Ferrand, [email protected]

Reçu le 22 janvier 2013Accepté le 30 avril 2013

25 juin 2013

n Auvergne

sion is feminising. In parallel,e (QOL) must be addressed.

investment and availability.ssions on womens’ QOL. Thepare female GPs QOL to other

socioprofessional status. The the influence of factors, such

s.tional study. A self-assessed4 female general practitioners

recruit one woman (non-GP),ssional status.Ps (37.6%) and 122 non-GPs

OL was lower in the GP group, in the relational and materialsimilar between the 2 groups.ant difference concerning theogical dimensions. The main

e377

Résumé

Contexte > La profession médicale se féminise. Parallèlementémerge le concept de qualité de vie (QV). La médecinegénérale (MG) demande investissement et disponibilité.L’exercice de la profession peut avoir un retentissement surla QV des femmes. L’objectif de l’étude était de comparer la QVdes femmes MG à celle de femmes de catégories socio-professionnelles proches. L’objectif secondaire était d’étudierl’influence de facteurs comme le lieu et le mode d’exercice.Méthode > Étude transversale comparative. Un questionnaireauto-administré, envoyé par courrier aux 394 femmes généra-listes d’Auvergne, chargées de recruter une femme non MG,appariées selon l’âge et la catégorie socioprofessionnelle.Résultats > Cent quarante-huit femmes MG (37,6 %) et122 témoins ont répondu. Le score global de QV était inférieurdans le groupe MG. Cela était surtout en rapport avec une moinsbonne QV dans les domaines relationnel et matériel. La QVprofessionnelle était comparable dans les 2 groupes. L’étuden’a pas retrouvé de différence significative concernant lesdimensions physiques et psychologiques. Les principaux fac-teurs négatifs jouant sur la QV étaient l’âge, l’exercice en

Page 2: Qualité de vie des femmes médecins généralistes en Auvergne

e378

Ce

� La

� La

Ce

� Le

de

qu

� Un

gr

pr

negative factors influencing the QOL were: age; isolation of theoccupation; living alone; and liberal occupation. Working in arural area did not influence the QOL.Conclusion > The profession of GPs remains demanding, andthe female GP feels a poorer QOL. Nevertheless, they seem tolike their job and they feel fulfilled. The uneasiness comesessentially from the lack of free time, and from low financialincome. Working in association seems to be a first step toimprove the QOL of female GPs.

solitaire, le fait de vivre seule, et l’activité libérale. Travailler enmilieu rural n’influençait pas la QV.Discussion > La profession de généraliste reste exigeante et lesfemmes MG en ressentent une moins bonne QV. Pourtant, ellesdéclarent aimer leur métier et s’y sentir épanouies. Le mal-êtreviendrait essentiellement du manque de temps libre et d’unereconnaissance financière jugée insuffisante. Le travail encabinet de groupe paraît être une première piste pour amélio-rer la QV des femmes généralistes.

MD Mathonnat, I Filloux, G Tanguy, B Eschalier, B Pereira, P Vorilhon

La profession médicale s’est féminisée en France : 24,5 % defemmes médecins en 1984 vs 42 % en 2012 [1]. En 2011, 52 %des nouveaux inscrits au tableau de l’Ordre des médecinsétaient des femmes [2] et au 1er janvier 2012, 41 % desmédecins généralistes (MG) en exercice étaient des femmes[2]. En Auvergne, le taux de féminisation en médecine généraleest légèrement inférieur au taux national puisqu’il est de 34 %et parmi les MG âgés de moins de 40 ans, 53 % sont desfemmes [3].Le concept de qualité de vie (QV) est émergent dans notresociété. Il existe de nombreux outils de mesure de la QV. Lesquestionnaires génériques sont construits pour évaluer unepopulation générale. Ils permettent de comparer des groupesde patients aux pathologies différentes [4]. Les question-naires spécifiques sont relatifs à une pathologie (polyarthriterhumatoïde, insuffisance cardiaque, diabète, etc.) pourapprécier le retentissement du traitement ou par souci derationalisation des dépenses de santé [5]. Ils sont peuadaptés à l’étude d’une population « saine ». Depuis quelquesannées, les MG désirent séparer leur vie personnelle du

qui etait connu

profession médicale se féminise.

qualité de vie des femmes médecins généralistes a été peu étudiée.

qu’apporte cet article

s femmes médecins généralistes déclarent une moins bonne qualité

vie que les femmes de même condition sociale, surtout pour la

alité de vie relationnelle.

e meilleure organisation professionnelle, notamment le travail en

oupe, leur apparaît une bonne solution pour préserver leur vie

ivée.

contexte professionnel. L’exercice de la médecine généraledemande temps et disponibilité, et l’activité libérale estréputée difficilement compatible avec les responsabilitésfamiliales [6]. En 2010, 9,4 % des nouveaux inscrits au Conseilde l’Ordre toutes spécialités confondues avaient choisi unmode d’exercice libéral [2].La QV des MG a été peu étudiée. Il a été établi que plus lenombre d’heures hebdomadaire travaillées augmentait, plusla QV perçue par les MG se détériorait [7]. Il existe un impactnégatif du nombre d’années d’exercice sur la QV, ainsi qu’unerelation entre charge de travail et QV. Il n’a pas été montréd’impact du lieu d’installation sur la QV [8]. Peu de travaux sesont intéressés à la QV des MG femmes, si ce n’est au coursde leur maternité [7]. De par les difficultés d’exercice pro-fessionnel, il est possible que la QV des femmes MG (FMG)soit moins bonne que celle des autres professions fémininesde même catégorie socioprofessionnelle (CSP).Les objectifs de cette étude étaient de comparer la QV des FMGinstallées en Auvergne à celle d’autres femmes, de CSP procheset d’étudier l’influence du lieu et du mode d’exercice.

MéthodesCette étude transversale descriptive comparative a été faite parquestionnaire auto-administré envoyé par courrier postal àl’ensemble des 394 FMG exerçant en Auvergne. Elles étaientchargées de recruter une ou deux femmes non MG (FNMG)appariées selon l’âge, le niveau d’études, le lieu d’habitation etla CSP.Les critères d’inclusion étaient : être une femme et MG,installée en Auvergne. La limite supérieure d’âge était fixéeà 65 ans. Les FMG devaient être appariées avec une ou deuxFNMG d’âge (� 5 ans), niveau d’étude et CSP proche (médecinspécialiste d’organe, autre profession libérale, ou cadresupérieure). Les critères de non-inclusion étaient : être atteinted’une maladie chronique (insuffisance cardiaque ou rénale,diabète, maladies rhumatismales inflammatoires, etc.), d’uncancer et d’un handicap physique et d’un état dépressif traité,et les MG ayant expérimenté le questionnaire.Aucune échelle de QV spécifique aux femmes et aux méde-cins n’ayant été trouvée dans la littérature, un questionnaire

tome 42 > n810 > octobre 2013

Page 3: Qualité de vie des femmes médecins généralistes en Auvergne

Art

icle

ori

gin

al

Qualité de vie des femmes médecins généralistes en Auvergne

a été créé (voir complément électronique). Il comportait33 questions. Dans une première partie les données sociodé-mographiques et modalités d’exercice étaient recueillies. Laseconde partie permettait d’explorer les champs des QVrelationnelle, professionnelle, matérielle, physique et psy-chique. Un score de QV total et un score par domaine ont étécalculés. Une enquête préliminaire (évaluation de processuset de questionnaire) a été réalisée auprès de 20 femmes(10 MG et 10 non MG).Le questionnaire a été envoyé par courrier aux 394 FMGinscrites à l’Union Régionale des Médecins Libéraux d’Auver-gne, soit 213 dans le Puy-de-Dôme (54,1 %), 99 dans l’Allier(25,1 %), 54 dans la Haute-Loire (13,7 %) et 28 dans le Cantal(7,1 %). Deux cent trente-deux exerçaient en groupe (58,9 %)et 162 en solitaire (41,1 %). Deux cent quarante-deux femmestravaillaient en milieu urbain (61,4 %), 48 en semi-rural(12,2 %) et 104 en rural (26,4 %). Un courrier d’accompagne-ment garantissait l’anonymat et expliquait les modalités durecrutement des témoins. Une relance par mail a été envoyéetrois semaines plus tard à l’ensemble des FMG d’Auvergne.Il était nécessaire de recruter 100 FMG pour établir une dif-férence de QV globale statistiquement significative, et300 FNMG en tablant sur un taux de participation de 30 %.La population a été décrite pour toutes ses caractéristiquespar des effectifs/pourcentages pour les variables qualitativeset catégorielles, et par des moyennes (� écart-type) pour lesvariables quantitatives. Les données quantitatives ont étécomparées entre groupes par le test de Student ou celui deKruskal–Wallis et les données qualitatives par le test duChi2 ou Fisher exact. Des régressions linéaires ont été réali-sées afin de compléter l’analyse précédente et permettrel’ajustement sur certains paramètres pouvant être des biaisde confusion (âge et lieu de travail). Si p < 0,05, la dif-férence testée était considérée comme significative.L’ensemble des analyses a été réalisé sous le logicielSTATA (StataCorp, College Station, Texas).Dans les résultats, la population a été décrite pour toutes sescaractéristiques par des effectifs/pourcentages pour les varia-bles qualitatives et catégorielles, et par des moyennes(� écart-type) pour les variables quantitatives.

RésultatsL’étude s’est déroulée entre le 15 mai et le 15 juin 2011. Le tauxde réponses pour les FMG a été de 37,6 % (148/394). Quatresujets atteints de maladies chroniques, correspondant auxcritères de non-inclusion, ont été retirés de l’analyse statis-tique. L’étude a porté sur 270 sujets : 148 FMG (54,8 %) et122 témoins FNMG (45,2 %) (tableau I). Les professions desFNMG les plus représentées étaient les cadres supérieures (36),les médecins spécialistes d’organes (28), les pharmaciennes(22), les chirurgiens-dentistes (10).

tome 42 > n810 > octobre 2013

Population de l’étude

Les FMG avaient en moyenne 4 ans de plus que les témoins(p = 0,001). La proportion de femmes vivant en couple étaitsignificativement inférieure chez les FMG. Il n’y avait pas dedifférence significative entre les 2 groupes (p = 0,43) concer-nant le nombre d’enfants.La répartition du lieu d’exercice des femmes était comparablepour le milieu semi-rural. Les FMG exerçaient plus en milieurural qu’en milieu urbain, contrairement aux FNMG (tableau I).Le temps moyen de trajet quotidien domicile/lieu de travailétait significativement plus important dans le groupe FNMG(tableau I).La charge de travail déclarée était plus importante dans legroupe des FMG (p < 0,05), quelles que soient les modalités detravail étudiées : nombre d’heures hebdomadaire, travail lesamedi, le dimanche et la nuit (tableaux I et II). Il n’y avait pasde différence significative entre les 2 groupes concernant lenombre de demi-journées libres par semaine et le nombreannuel de semaines de congés (tableau I).

Score global de qualité de vie

Le score total de QV était inférieur dans le groupe FMG : 32,3 vs

34,2 pour les FNMG (p = 0,02).En analyse par régression logistique, des facteurs influençaientle score total de QV :� l’exercice en solitaire (p = 0,05) : le score de QV des femmes

travaillant seules (31,8 � 6,3) était inférieur à celui desfemmes travaillant en groupe (33,7 � 6,1) ;

� la situation familiale (p = 0,02) : les femmes en coupleavaient un score plus élevé (33,5 � 6,1) que celles vivantseules (30,7 � 5,8) ;

� l’âge (p = 0,034) : plus les femmes avançaient en âge, moinsleur score de qualité de vie était bon.

En ajustant sur le mode d’exercice (p = 0,01), la situationfamiliale (p = 0,02) et l’âge (p = 0,04), les FMG avaient unscore global de QV .inférieure. Il n’y avait pas de différenceconcernant le lieu d’exercice (p = 0,86), le type d’activité(p = 0,56) et le nombre d’enfants (p = 0,82).

Qualité de vie relationnelle

Les FNMG déclaraient une QV relationnelle supérieure à celledes FMG : 8,13 (� 2,96) vs 6,99 (� 2,92) (p = 0,003) avec unedifférence significative pour chacun des items enfants, famille,amis et loisirs (figure 1). En analyse multivariable par régres-sion logistique, les femmes jeunes, vivant en couple, exerçanten groupe comme salariées déclaraient une QV relationnellesupérieure.

Qualité de vie professionnelle

La seule différence entre les 2 groupes concernait l’insécuritéphysique au travail. Les FMG ressentaient plus fréquemment unsentiment d’insécurité physique au travail (p < 0,002). Il n’a

e379

Page 4: Qualité de vie des femmes médecins généralistes en Auvergne

e380

Tableau I

Caractéristiques de la population à l’inclusion

Caractéristiques FNMG (n = 122)(m W et)

FMG (n = 148)(m W et)

Valeur de p

Âge 44,43(W 9,8)

48,24(W 8,6)

0,001

Trajet quotidien domicile/travail (min) 28,45(� 28,1)

18,23(� 20,3)

< 0,001

Demi-journées libres/semaine 1,49(� 1,4)

1,51(� 1,1)

0,55

Samedis travaillés/an 20,33(� 14,7)

27,42(� 13,3)

<0,001

Dimanches travaillés/an 7,36(� 8,7)

7,33(� 4,9)

0,06

Nuits travaillées/an 29,34(� 38,1)

31(� 21,4)

0,03

Semaines de vacances/an 6,67(� 2,3)

6,11(� 2,1)

0,07

Modalités N % N % Valeur de p

Activité < 0,001

Libérale + salariée 12 9,7 25 16,8

Libérale exclusive 43 35,5 121 81,7

Salariée exclusive 67 54,8 2 1,5

Situation familiale 0,004

Seule 12 9,9 35 23,7

En couple 109 90,1 113 76,3

Nombre d’enfants 0,43

0 13 10,8 17 11,5

1–2 84 69,4 92 62,2

3 et plus 24 19,8 39 23,3

Type d’exercice 94 0,05

En groupe 94 77,7 98 66,7

Seule 27 22,3 49 33,3

Lieu d’exercice < 0,001

Rural 8 6,6 39 26,3

Semi-rural 31 25,4 43 29,1

Urbain 81 68,0 66 44,6

Temps de travail hebdomadaire (hors garde) 0,001

Moins de 35 h 20 16,6 8 5,4

Entre 35 et 44 h 54 45,0 48 32,7

Entre 45 et 54 h 33 27,5 58 39,5

Entre 55 et 64 h 11 9,2 29 19,7

65 h et plus 2 1,7 4 2,7

Travail le samedi < 0,001

Non 53 43,4 22 14,9

Oui 69 56,6 126 85,1

Travail le dimanche < 0,001

Non 78 64,5 53 35,8

Oui 43 35,5 95 64,2

Travail la nuit < 0,001

Non 93 76,9 53 36,1

Oui 28 23,1 94 63,9

MD Mathonnat, I Filloux, G Tanguy, B Eschalier, B Pereira, P Vorilhon

tome 42 > n810 > octobre 2013

Page 5: Qualité de vie des femmes médecins généralistes en Auvergne

Art

icle

ori

gin

al

Tableau II

Temps moyen de travail hebdomadaire

FNMG FMG Total Valeur de p

Moins de 35 h, n (%) 20 (16,7) 8 (5,4) 28 (10,5) 0,001

Entre 35 et 44 h, n (%) 54 (45,0) 48 (32,7) 102 (38,2)

Entre 45 et 54 h, n (%) 33 (27,5) 58 (39,5) 91 (34,1)

Entre 55 et 64 h, n (%) 11 (9,2) 29 (19,7) 40 (15,0)

65 h et plus, n (%) 2 (1,7) 4 (2,7) 6 (2,3)

FNMG : femmes non médecins généralistes ; FMG : femmes médecins généralistes.

Qualité de vie des femmes médecins généralistes en Auvergne

pas été mis en évidence, en analyse multivariée, de facteursmodifiant la QV professionnelle.

Qualité de vie matérielle

Il n’y avait pas de différences concernant le rapportrevenus – investissement professionnel et les perspectivesde carrière. En analyse multivariée, l’âge influençait de façoninversement proportionnelle la QV matérielle de la population(p = 0,04).

Figure 1

Qualité de vie relationnelleLes données sont exprimées en %.

tome 42 > n810 > octobre 2013

Qualité de vie physique et psychologique

Il n’y avait pas de différence entre FMG et FNMG. En analysemultivariée, les femmes plus âgées avaient un score plus bas(p = 0,04) et les femmes en couple un score plus élevé (10,47)que celles vivant seules (9,51) (p = 0,005).

DiscussionLes résultats ont confirmé l’hypothèse de départ : les FMG del’étude déclaraient une QV moins bonne que leurs pairs. Leur QV

e381

Page 6: Qualité de vie des femmes médecins généralistes en Auvergne

e382

MD Mathonnat, I Filloux, G Tanguy, B Eschalier, B Pereira, P Vorilhon

était surtout affectée dans le domaine relationnel par unmanque de temps libre, une charge de travail importante etune reconnaissance financière jugée insuffisante par rapport àl’investissement personnel. Ce travail est novateur dans le faitqu’aucune étude n’avait exploré la QV des FMG en France.La QV au travail était similaire dans les 2 groupes, et cela malgréle problème de l’insécurité retrouvé de façon significative chezles FMG. Celles-ci font état d’une bonne intégration parmi leursconfrères, et d’un sentiment de forte reconnaissance profes-sionnelle, témoins de l’évolution de la profession, et desmentalités. Les FMG interrogées ne montraient pas de signesparticuliers de détresse psychologique ni de fatigue physiquepar rapport aux FNMG.

Les limites de l’étude

Le taux de réponse (37,6 %) des FMG correspond aux taux deréponses habituels pour ce type d’étude. Celles-ci ont été peumotivées pour répondre à un questionnaire qui touche à leurvie personnelle et professionnelle. De même elles n’ont pas étémobilisées pour recruter des FNMG en nombre suffisant prévupour l’étude. Ces difficultés ont pu être majorées par les critèresd’appariement. Il existe un probable biais de sélection lié aucaractère volontaire de la participation. Les femmes les plusmotivées pour leur défense professionnelle ont certainementrépondu de façon plus importante. Il faut également envisagerle biais de déclaration, inhérent à tous les questionnaires auto-administrés. Un biais temporel lié à la saison est possible avecun recueil des questionnaires de mi-mai à mi-juillet.Les résultats ont montré des différences significatives de carac-téristiques entre les 2 populations. Certaines attendues commela différence de charge de travail par exemple, certaines moinsprévisibles comme la différence d’âge. Les FMG étaient enmoyenne âgées d’un peu plus de 4 ans que les témoins. Desajustements sur l’âge ont été faits dans les analyses statistiquesmais la différence d’âge a pu induire des variations sur le scorede QV. Par rapport à la population médicale d’Auvergne, ilexiste une surexpression des femmes du milieu semi-rural etdes femmes exerçant en groupe dans la population de l’étude.Ces éléments rendent les résultats de l’étude difficilementextrapolables à l’ensemble des femmes françaises généralis-tes.Il n’existait pas de questionnaire spécifique de QV adapté àl’étude. Le questionnaire utilisé a été conçu pour l’étude. Il n’apas été validé mais a été testé au préalable sur la populationcible.

Comparaison avec les données de la littérature

Les MG ont une charge de travail plus importante que les nonMG. Le nombre moyen d’heures de travail hebdomadaire horsgardes était significativement plus élevé chez les MG, et celles-ci travaillaient davantage les nuits et les week-ends. Cela a étéobservé : entre 53 et 60 heures par semaine dans l’étude de Le

Fur [9], environ 60 heures dans celle de Gallais et al. [10]portant sur 519 MG. Dans une enquête auprès de médecins dela Loire, Martin et Trombert-Paviot ont observé des amplitudeshoraires de travail, gardes comprises très importantes [11].Les FMG de l’étude vivaient plus souvent seules que les FNMG.Dans une enquête du Conseil National de l’Ordre des Médecinsde 2004 [12] auprès de 2224 médecins français de toutesspécialités interrogés, 33 % des femmes vivaient seules (céli-bataires, divorcées ou veuves) vs 13 % des hommes. Pourl’Institut national de la statistique et des études économiques(Insee) en 2009 [13], 19,6 % des femmes vivaient seules (enménage d’une personne). L’enquête de Martin et Trombert-Paviot [11] a confirmé une vie en solitaire plus marquée chezles FMG que chez les hommes, même en tenant compte del’âge. Cela pose la question de la relation entre l’investissementprofessionnel et la vie affective des FMG.Dans notre étude, les FMG déclaraient une QV relationnellealtérée dans les quatre domaines (enfants, famille, amis,loisirs). Elles trouvaient que leur travail ne leur laissait pasassez de temps pour leur vie privée, particulièrement pour leursloisirs. Une FMG sur deux trouvait que son métier ne lui laissaitpas assez de temps pour s’occuper de ses enfants.Dans 2 enquêtes dans la Loire, l’Indre-et-Loire [11,14], les FMGexprimaient également cette difficulté à concilier vie profes-sionnelle et vie personnelle, particulièrement pour la gestionde la vie de famille, l’éducation des enfants et la carrière duconjoint.La QV professionnelle n’a pas été jugée inférieure par les FMG.La seule différence concernait le problème de l’insécurité. Dansune étude française, cette perception d’une agressivité de lapart des patients ne représentait qu’un faible pourcentage decause de l’épuisement professionnel des MG [15].Les FMG de notre étude ont répondu, de façon unanime, sesentir épanouies au travail, avec un taux de satisfactionsupérieur (sans différence significative) à celui des FNMG.Cela contraste avec le fait qu’elles déclarent être soumises àplus de stress professionnel que les FNMG. Ces résultats sontconcordants avec les données de la littérature : les femmesmédecins rapportent un haut degré d’épanouissement profes-sionnel [16,17].Les FMG ne sont pas satisfaites de leurs revenus. Dans uneétude de la Direction de la recherche, des études, de l’évalua-tion et des statistiques (DREES) de 2004 [18] les revenus desMG libéraux étaient inférieurs de 10 % en moyenne à ceux despharmaciens et dentistes libéraux et inférieurs à la quasi-totalité des autres spécialités médicales. Dans l’étude deSchmitt Leroy et Le Goaziou [8], près de 70 % des MG jugeaientleur rémunération insuffisante contre 20 % des femmes den-tistes, 40 % des experts-comptables et plus de 60 % desavocates trouvaient leur rémunération correcte.Dans notre étude, il n’y avait pas de différence pour la QVphysique et psychologique. Dans une enquête réalisée auprès

tome 42 > n810 > octobre 2013

Page 7: Qualité de vie des femmes médecins généralistes en Auvergne

Art

icle

ori

gin

al

Qualité de vie des femmes médecins généralistes en Auvergne

de 1900 MG en 2008 [19], plus d’un MG sur dix se déclarait enétat de détresse psychologique, les femmes deux fois plus queles hommes. Vingt pour cent des MG, plus particulièrement lesfemmes, prenaient de façon régulière des anxiolytiques oudes hypnotiques et 5 % des antidépresseurs. Dans uneétude canadienne de 2008, un quart des médecins rapportaitune période de deux semaines de symptômes dépressifs, avecune maladie dépressive plus marquée chez les FMG [20]. Uneétude rétrospective a constaté un taux de suicide plus élevéchez les femmes MG que chez les hommes MG anglais [21].Le manque de puissance de notre étude et les questionsutilisées pour explorer la QV physique et psychologique n’ontprobablement pas permis d’être congruentes avec les donnéesde la littérature.Le milieu d’exercice n’intervennait pas sur le score global de QVet pour aucun des domaines de qualité de vie. Cette donnée aété observée dans une étude sur la QV de MG d’Auvergne [22].Le mode d’exercice (seule ou en groupe) est un facteur impor-tant de QV, surtout en raison de son rôle sur la QV relationnelle.

Complement electronique disponible sur le site

consulte.com/revue/lpm).Questionnaire de l’étude

Références[1] Institut de Recherche et Documentation en

Economie de la Santé. Données decadrage : démographie et activité desprofessions de santé. Mai 2009. http://www. irdes.fr/EspaceEnseignement/Chif-fresGraphiques/Cadrage/Demographie-ProfSante/DemoMedecins.htm. Consultéle 04.11.2012.

[2] Conseil national de l’Ordre des médecins.Atlas de la démographie médicale françaiseau 1er janvier 2012. http://www.conseil-national.medecin.fr/demographie/atlas-national-873. Consulté le 04. 11. 2012.

[3] Conseil national de l’ordre des médecins. Ladémographie médicale à l’échelle desbassins de vie en région Auvergne. Situ-ation au 1er juin 2011. http://www.conseil-national.medecin.fr/demographie/atlas-regionaux-2011-1128. Consulté le 04. 11.2012.

[4] Brousse C, Boisaubert B. Quality of life andscales measuring. Rev Med Interne2007;28:458-62.

[5] Grenier B. Mesurer lmesure de la qualité1995;16:11-3.

[6] Romestaing P. Démolueur d’espoir. Bulll’Ordre National de4-5.

[7] Geffroy M, Baron C, MFanello S. Les femmetes et leur grossessetive en Pays-de-la-Lo

[8] Schmitt Leroy M, Lemédecins, pharmaQuelle qualité de vie2007;21:681-3.

[9] Gallais JL, Dumont F,

durée de travail desest genre-dépendantemédecin. Exercer 201

[10] Le Fur P. Le temps dgénéralistes. Une sdisponibles. Questiosanté 2009;144:1-8.

tome 42 > n810 > octobre 2013

Dans l’enquête de la DRESS [18], le fait de travailler enassociation était également un facteur important de satisfac-tion, et cela était d’autant plus vrai pour les femmes. Une étudequalitative serait intéressante pour analyser de façon plus fineleurs attentes dans le domaine de leur organisation profes-sionnelle.Dans le contexte d’une profession qui se féminise, cette étudeindique que la QV des femmes médecins généralistes passepar une meilleure organisation professionnelle. L’exercice engroupe apparaît être une solution pour libérer du temps pour lavie privée et préserver une bonne QV.

Int

’inco de

grapetin

s M

oulés m

Uneire.

Goacienn

? R

Urbe méd. Effe1;95e traynthèns d

Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de conflitsd’intérêts en relation avec cet article.

Remerciements : les auteurs remercient toutes les femmes d’Auvergne,médecins généralistes et non médecins généralistes, ayant participé à cetteétude ainsi que l’Union Régionale des Professions de Santé d’Auvergne poursa collaboration.

e383

ernet de La Presse Médicale (http://www.em-

mmensurable ? Lavie. Rev Med Int

hie médicale, uned’information deédecins 2011;18:

vrier P, Bouquet E,édecins généralis-

enquête qualita-

ziou MF. Femmeses, dentistes. . .

ev Prat Med Gen

jtel G, Leicher C. Laecins généralistests liés au genre du

(supp. 1):26S-7S.vail des médecinsse des données’économie de la

[11] Martin A, Trombert-Paviot B. Comment lesgénéralistes jugent-ils leur vie quotidienne,privée et professionnelle ? Une enquêteauprès des médecins femmes et hommesde la Loire. Medecine 2008;4:89-93.

[12] Kahn-Bensaude I. La féminisation : unechance à saisir. Rapport adopté lors de lasession du CNOM de décembre 2005.http://www.conseil-national.medecin.fr/article/la-feminisation-une-chance-saisir-729. Consulté le 05.12.2012.

[13] Insee. Résultats du recensement de lapopulation - 2009 http://www.recense-ment-2009.insee.fr/chiffresCles.

[14] Yvon B, Lehr-Drylewicz AM, Bertrand P.Féminisation de la médecine générale :faits et implications. Une enquête qualitativeen Indre-et-Loire. Medecine 2007;3:83-8.

[15] Cathebras P, Begon A, Laporte S, Bois C,Truchot D. Burn out among French generalpractitioners. Presse Med 2004;33:1569-74.

[16] Frank E, McMurray JE, Linzer M, Elon L, forthe Society of General Internal Medicine

Page 8: Qualité de vie des femmes médecins généralistes en Auvergne

e384

Career Satisfaction Study Group.. Careersatisfaction of US women physicians: resultsfrom the Women Physicians’ Health Study.Arch Intern Med 1999;159:1417-26.

[17] Robinson G. Stresses on women physicians:consequences and coping techniques.Depress Anxiety 2003;17:180-9.

[18] Attal-toubert K, Legendre N. DREES.Comparaison des revenus des médecinslibéraux à ceux des autres professionslibérales et des cadres. Juin 2007. Consultéle 05.12.2012.

[19] Desprès P, Grimbert I, Lemery B, Bonnet C,Aubry C, Colin C. Santé physique et psy-chique des médecins généralistes. Drees2010;731:1-8.

[20] Compton MT, Frank E. Mental health concernsamong Canadian physicians: results from the2007–2008 Canadian Physician Health Study.Compr Psychiatry 2011;52:542-7.

[21] Hawton K, Clements A, Sakarovitch C, SimkinS, Deeks JJ. Suicide in doctors: a study of riskaccording to gender, seniority and specialtyin medical practitioners in England and

Wales, 1979-1995. J Epidemiol CommunityHealth 2001;55:296-300.

[22] Besset M, Darbelet D. Qualité de vie desmédecins généralistes : influence du lieu etdes modalités d’exercice. Enquête transver-sale auprès de 1240 médecins généralistesen Auvergne. Thèse d’exercice : Clermont-Ferrand, 2010.

MD Mathonnat, I Filloux, G Tanguy, B Eschalier, B Pereira, P Vorilhon

tome 42 > n810 > octobre 2013