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S eptentrion Quand le vent faisait tourner les moulins Trois siècles de meunerie banale et marchande au Québec Gilles Deschênes avec la collaboration de Gérald-M. Deschênes

Quand le vent faisait tourner les moulins · tourner les moulins. De fait, depuis le Moyen Âge, les moulins à vent ont exercé un rôle social et économique dans de nombreux pays

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S e p t e n t r i o n

Q ua n d l e v e n t fa i s a i t t o u r n e r l e s m o u l i n s

Trois siècles de meunerie banale et marchande au Québec

G i l l e s D e s c h ê n e savec la collaboration de Gérald-M. Deschênes

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quand le vent faisait tourner les moulins

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Quand le vent faisait tourner les moulins

Trois s ièc les de meunerie banale et marchande au Québec

Gilles Deschênesavec la collaboration de Gérald-M. Deschênes

S e p t e n t r i o n

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Pour effectuer une recherche libre par mot-clé à l’intérieur de cet ouvrage, rendez-vous sur notre site Internet au www.septentrion.qc.ca

Les éditions du Septentrion remercient le Conseil des Arts du Canada et la Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC) pour le soutien accordé à leur programme d’édition, ainsi que le gouvernement du Québec pour son Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres. Nous reconnaissons éga lement l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Pro gramme d’aide au développement de l’industrie de l’édition (PADIÉ) pour nos activités d’édition.

Révision : Solange Deschênes

Correction d’épreuves : Carole Corno, Sophie Imbeault

Mise en pages et maquette de couverture : Pierre-Louis Cauchon

Illustration de la couverture : James Duncan, Vieux moulin à Lachine, vers 1840, Bibliothèque et Archives Canada, C-010647. Illustrations de la quatrième : Carte postale montrant le moulin de Saint-Joseph-de-Sorel avec sa voilure, photographié par S. J. Hayward, vers 1930 ; James Peachey, Vue de Trois-Rivières, prise du chemin conduisant à Pointe-du-lac, 1784, Bibliothèque et Archives Canada, C-2006 ; Moulin de Verchères en pleine action, photographié par Alexander Henderson, 1881, Musée McCord.

Si vous désirez être tenu au courant des publicationsdes ÉDITIONS DU SEPTENTRIONvous pouvez nous écrire par courrier,par courriel à [email protected],par télécopieur au 418 527-4978ou consulter notre catalogue sur Internet :www.septentrion.qc.ca

© Les éditions du Septentrion Diffusion au Canada :1300, av. Maguire Diffusion DimediaQuébec (Québec) 539, boul. LebeauG1T 1Z3 Saint-Laurent (Québec) H4N 1S2Dépôt légal :Bibliothèque et Archives Ventes en Europe :nationales du Québec, 2009 Distribution du Nouveau MondeISBN papier : 978-2-89448-580-4 30, rue Gay-LussacISBN pdf : 978-2-89664-550-3 75005 Paris

Membre de l’Association nationale des éditeurs de livres

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À la mémoire de Léonard Paillé dit Paillard (1647-1729), maître charpentier, pour ses nombreuses réalisations de moulins à vent.

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Remerciements

Pour la réalisation de cet ouvrage nous avons bénéficié de l’appui d’un organisme

du gouvernement fédéral et de la générosité de certaines personnes envers qui nous sommes tout particulièrement redevables. Nous voulons souligner leur contribution en remerciant en premier lieu le Conseil des arts du Canada pour nous avoir accordé une subvention au début de nos recherches.

Nous exprimons également toute notre recon-naissance aux propriétaires de moulins à vent qui nous ont si aimablement ouvert la porte de leur établissement patrimonial. Il en va de même à l’en-droit des personnes rencontrées au hasard de nos recherches sur le terrain, lesquelles nous ont avec diligence fourni de précieux renseignements.

Nos remerciements s’adressent tout autant à ceux et celles qui, de près ou de loin, ont fait avancer nos recherches en nous offrant leur collaboration : Michel Gaumond, Philippe Picard, André Gladu, Jean Bruggeman Christian Porcher, Thierry Croix, Jacqueline Bergeron, Conrad Paré, Serge Ouellet, Brigitte Violette, Louis-Philippe Huot, René Beaudoin, Léopold Guimond, Jean Bourgeois, Michel Garneau, Gabor Mezei, Anne-Sophie Lemieux, Simon Beauregard, Claude Arsenault, Jules Guérard, Marielle Lavertu, Audrey Bouchard et Sylvie Bertrand.

L’ethnologue Paul-Louis Martin, lauréat du prix Gérard-Morisset pour l’année 2006, a gé-néreusement accepté de lire le manuscrit et de le commenter. Nous le remercions sincèrement pour ses judicieux conseils et lui saurons gré de l’intérêt qu’il a manifesté à l’égard de notre travail.

Enfin, je tiens à souligner l’apport important de deux personnes qui me sont chères. Mon frère Gérald, compagnon de route dès les premières heures de cette formidable quête des moulins, a conçu et rédigé une grande partie des chapitres 10, 12 et 13. Il a également exécuté tous les dessins techniques, produit cinq encadrés et contribué grandement à l’illustration de cet ouvrage en effectuant de nombreuses recherches iconographi-ques. Sa collaboration a été des plus précieuses et je l’en remercie. De la même façon, je désire témoigner ma plus vive gratitude à mon épouse, Céline Veillet, pour son soutien indéfectible tout au long de la réalisation de ce projet. Au cours des dernières années surtout, elle m’a aidé sans relâche par ses investigations sur le réseau Internet, et permis ainsi d’enrichir la documentation sur les moulins. De plus, avec patience et compétence, elle a pris en charge tout le traitement informatique entourant la préparation du manuscrit.

Gilles DeschênesSaint-Michel-de-Bellechasse, le 8 janvier 2009

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Préface

Ténacité ou entêtement ? Passion ou obsession ? J’ai toujours admiré les gens qui poursuivent

avec détermination un projet d’envergure et qui le mènent à terme contre toute attente et en dépit d’obstacles paraissant insurmontables à nos yeux. Il y a de cela trente-cinq ans, soit en août 1973, je pilotais une petite équipe de chercheurs appelée en urgence à Rivière-Ouelle par le ministère des Transports afin d’évaluer les vestiges d’un moulin à vent, érigé au milieu de la plaine de Kamouraska, mais disparu depuis longtemps. Nous étions tous à l’emploi du Service d’archéologie et d’ethnologie du ministère des Affaires culturelles et nous étions à dresser, à la grandeur du Québec, un premier inventaire des sites archéologiques de la période historique. Gilles Deschênes faisait partie de notre équipe ; il avait déjà commencé à ouvrir les dossiers de recherche de quelques moulins et il paraissait déjà habité, ou mieux fasciné, devrais-je dire, par un sujet dont lui seul semblait deviner l’importance. Nous avions d’ailleurs prolongé la reconnaissance et l’examen des sites présumés par une visite à Saint-Denis-de-Kamouraska, là où un autre moulin à vent, disparu lui aussi, avait autrefois déployé sa voilure et moulu les grains, près de la rivière du Bras. Nous y avions repéré le site archéologique, rencontré quelques informateurs et enrichi le dossier de l’inventaire. Quelques mois plus tard, le programme de recher-che ayant été interrompu, les membres du groupe

se dispersèrent et je perdis de vue notre collègue Deschênes, parti battre l’air sous d’autres cieux. Et voilà qu’il reparaît l’an dernier dans mon paysage, trente-cinq ans plus tard, avec sous le bras un manuscrit impressionnant, une véritable somme de connaissances aussi neuves que pertinentes, très rigoureusement documentées et dressant un tableau remarquable d’une activité traditionnelle du monde rural.

Gilles Deschênes nous offre ici un chapitre passablement complet d’une plus grande histoire rurale du Québec, histoire qui toutefois reste encore à écrire. Son texte aborde, comme il se doit, les origines des moulins à vent, présente ensuite les principaux types de techniques à l’aide de croquis et de relevés fidèles, minutieusement rendus sous la plume de Gérald Deschênes, son frère ; puis, s’enchaîne en un vaste tableau l’histoire du long chapelet des cylindres de bois et de pierre qui ont surgi pendant presque trois siècles sur les deux rives du Saint-Laurent et du Richelieu et dont les ailes ont battu le vent dans presque tous les terroirs des anciennes seigneuries.

L’auteur évoque également le statut juridique des moulins ainsi que les démêlés et les luttes souvent épiques qu’ont menées les censitaires avec certains seigneurs retors ou trop gourmands. Quant aux usages du métier et à l’immense richesse du folklore lié aux traditions et aux pratiques des meuniers, ils trouvent dans le texte une place de choix qui

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témoigne de la sensibilité de Gilles Deschênes et de sa grande maîtrise du sujet.

L’iconographie n’est pas en reste, loin de là, si bien qu’on ne peut s’empêcher d’imaginer le paysage de nos campagnes, parsemé il y a encore cent cinquante ans de près de deux cents moulins à vent. La vallée de la rivière Richelieu, véritable grenier à blé du Canada entre 1800 et 1840, em-pruntait pratiquement à la Hollande le tableau bucolique de ses dizaines de moulin à vent faisant farine ; les besoins de mouture étaient si grands dans cette plaine céréalière fertile qu’on vit aussi apparaître des moulins actionnés par un cheval, tournant autour d’un manège et même quelques moulins ancrés sur des chalands et tournant au fil de l’eau, sur le fleuve devant Verchères et Contrecœur.

Ces paysages et univers disparus, décrits sans nostalgie par l’auteur, rappellent l’étendue de notre

désaffection et la profondeur des trous de mémoire à l’égard de notre histoire rurale et de notre passé préindustriel. Subsistent à peine aujourd’hui une quinzaine de ces survivants, pour la plupart dépouillés de leurs organes, et qui dressent encore leur tour ici et là comme pour s’entêter à défier le temps : ils ont échappé aux intempéries, au pillage de leurs pierres, pour construire routes et quais, au vandalisme et à toutes les petites déprédations qui s’accumulent pour gommer même leur souvenir.

À l’heure où l’énergie éolienne refait surface et revient à la mode, cette étude impressionnante de Gilles Deschênes sort littéralement de l’oubli tout un pan de l’appropriation des ressources énergétiques de ce pays et tout le génie de ceux qu’on a appelés « les dompteurs de vent ».

Paul-Louis MartinHistorien et ethnologue

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Avant-propos

Depuis la plus haute Antiquité, de nombreuses civilisations ont eu recours au vent pour la

navigation, facilitant ainsi les échanges et le com-merce. Le vent a même tracé la route des grandes expéditions maritimes, à partir du xve siècle. Mais il ne servait pas seulement au déplacement des navires. Tout comme l’eau, il a permis de faire tourner les moulins. De fait, depuis le Moyen Âge, les moulins à vent ont exercé un rôle social et économique dans de nombreux pays du monde occidental et contribué par endroits à donner au paysage tant urbain que rural son originalité.

Du xiie au xve siècle, ce sont d’abord les pays de l’Europe de l’Ouest qui deviennent des terres d’élection du moulin à vent, principalement l’Angleterre, la France, la Flandre, les Pays-Bas, le Danemark, la Suède, l’Allemagne, l’Italie… Par la suite, avec le temps, ces pays finissent par donner naissance à différents modèles de moulin, tous plus singuliers et perfectionnés les uns que les autres. On les retrouve surtout à proximité des côtes, là où le vent se fait sentir avec plus de force et de constance qu’à l’intérieur des terres. Leur rôle ordinaire est de moudre les céréales, mais, selon les ressources et les besoins des diverses régions, on les emploie aussi pour presser les olives ou les noix, décortiquer le riz, écraser la canne à sucre, pomper l’eau, scier le bois, irriguer les terres cultivées, fouler l’étoffe1… Les plus connus, et pour cause, sont sans contredit ceux des Pays-Bas.

Encore aujourd’hui, plusieurs centaines de moulins à vent traditionnels demeurent actifs dans ce pays et servent à maintenir l’eau des polders à un niveau constant.

Aux xvie et xviie siècles, l’expansion des mou-lins à vent se poursuivant sur le vieux continent gagne ensuite les lointaines terres d’Amérique à la faveur de la colonisation européenne. Quelques rares survivants de cette époque, mais également du xviiie et du xixe siècle, s’observent encore, notamment dans les Antilles, le long de la côte est des États-Unis, ainsi qu’au Canada, dans les îles et sur les rives du Saint-Laurent. Comme leurs homologues d’Europe, ils témoignent du perfec-tionnement technique des sociétés traditionnelles, celles d’avant l’ère industrielle, alors que l’homme était parvenu à accroître son potentiel énergétique avec l’utilisation des forces naturelles de l’eau et du vent. Aussi représentent-ils une partie impor-tante du patrimoine industriel et architectural qu’il importe de mieux comprendre et de sauvegarder.

Au Québec, les moulins à vent ne sont plus guère qu’une quinzaine de témoins du passé à tenir encore debout, dispersés sur un vaste territoire et abandonnés à leur sort pour certains. Ils ne font pratiquement plus partie du paysage et sont menacés de s’effacer à jamais de la mémoire collective. Malgré la restauration et l’ouverture au public de quelques-uns d’entre eux ces dernières années au Québec, la majorité des gens ignorent

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encore le rôle modeste mais utile que ce type de bâtiment a joué dans l’histoire, pour la mouture du blé en particulier. En outre, l’image familière qu’ils entretiennent au sujet du moulin à vent provient la plupart du temps de l’Europe.

C’est pour sortir de l’oubli ces petites indus-tries si vitales en leur temps, et apporter notre contribution à la mise en valeur de ce qui en reste aujourd’hui que nous publions ce livre, fruit de nombreuses années de recherches. Sans préten-dre être exhaustif, celui-ci se présente comme un ouvrage de synthèse et propose à l’amateur d’histoire et d’architecture traditionnelle une vue d’ensemble de la meunerie à vent au Québec, depuis le milieu du xviie jusqu’au début du xxe siècle.

Pour réaliser cette étude, nous avons puisé à diverses sources, à commencer par les documents des archives privées et publiques : actes notariés, papiers terriers, aveux et dénombrements, recen-sements, ordonnances et édits royaux, Mémoires et correspondance des intendants, Relations des Jésuites, annales et livres de compte de commu-nautés religieuses, requêtes, cartes anciennes, iconographie…

De plus, nous nous sommes appuyés sur un grand nombre d’écrits portant sur la meunerie traditionnelle d’ici et d’ailleurs : traités de char-penterie, encyclopédies, ouvrages historiques, monographies, rapports de recherche, récits de voyage, articles de journaux et de revues… Ainsi, avons-nous été à même de constater à quel point les recherches sur la meunerie au Québec restaient limitées et dans l’ensemble fragmentaires, la plu-part des chercheurs, dans le passé surtout, n’ayant pas accordé aux moulins toute l’attention qu’ils méritent. Toutefois, d’après l’évolution récente des recherches en histoire, il est permis de croire que ces lacunes seront bientôt comblées. En effet, les thèmes du moulin à farine et du meunier semblent bénéficier, depuis environ une trentaine d’années, d’un regain d’intérêt. Plusieurs publications leur ont été consacrées et certains chercheurs ont

accompli un travail remarquable. Nous pensons en particulier aux articles de Corinne Beutler concernant les moulins des Sulpiciens de Montréal, ainsi qu’au mémoire de maîtrise de Catherine Objois se rapportant aux meuniers chargés de faire valoir les moulins de ces derniers moyennant le paiement d’un fermage. Par ailleurs, deux ouvra-ges traitant des mêmes sujets ont été publiés ces dernières années : Le grain, la meule et les vents de Dominique Laperle, en 2003 ; puis Des moulins et des hommes de Michel Langlois, en 2005.

La visite des moulins à vent encore existants au Québec, de même que les relevés architecturaux et photographiques que nous avons effectués, au début des années 1970, sur une dizaine d’entre eux dont trois avaient conservé la majeure partie de leur mécanisme, nous ont permis de recueillir une foule de données techniques qui ont servi principalement à la rédaction du chapitre sur la description et le fonctionnement de ce type d’entreprise artisanale. Le travail de terrain, parti-culièrement à Verchères, Contrecœur, Repentigny, Saint-Denis-de-Kamouraska et l’île aux Coudres, a été également l’occasion pour nous de rencontrer des personnes âgées qui avaient fréquenté un moulin à vent au cours de leur enfance2. Grâce à leurs témoignages, il a été possible de retracer quelques moulins disparus, de connaître la date approximative de leur démolition, de découvrir le nom et la réputation d’un meunier, d’enregistrer des anecdotes amusantes…

Sur le plan de la forme, nous avons enrichi le texte des chapitres par l’ajout d’un nombre variable d’encadrés se rapportant à des sujets connexes et permettant au lecteur qui le désire de compléter l’information en cours de lecture. Une autre de nos préoccupations a été d’accorder aux illustrations une très large place. Pendant près de 300 ans d’histoire, le moulin à vent a suscité main-tes représentations que nous voulions exploiter non seulement comme ornements pour embellir le texte, mais également comme une véritable source

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de renseignements historiques, au même titre que les pièces manuscrites. Certaines de ces œuvres sont déjà connues, d’autres sont inédites et jettent un regard neuf sur ces bâtiments à l’apparence si insolite, symboles d’un autre âge. Nous espérons que le lecteur les appréciera autant pour leur valeur documentaire que pour leur valeur esthétique.

À lui seul, le moulin à vent fera l’objet de huit chapitres sur les quinze que compte cet ouvrage. En guise d’introduction, les deux premiers retracent son origine et l’importance qu’il a connue dans le monde occidental. Les chapitres 3 et 4 présentent ensuite la vallée du Saint-Laurent avant l’arrivée des Français et les tentatives de ces derniers pour y implanter de nouvelles variétés de céréales, en particulier le blé. La seconde partie, soit les chapitres 5 à 8, porte sur l’histoire proprement dite du moulin à vent, vue sous l’angle de sa pro-gression et de son déclin. Cette histoire, comme on le verra au chapitre qui suit immédiatement, se confond avec celle du régime seigneurial dont la banalité, tant contestée, devait régir l’exploitation du moulin à farine.

Sensibles à la beauté d’une aussi merveilleuse machine, fascinés par sa technologie mise au point

au fil des siècles pour capturer l’énergie du vent, nous ne pouvions pas par ailleurs faire ce livre sans offrir une description détaillée du modèle classique d’inspiration française qui a dominé au cours de notre histoire. C’est donc à présenter son architec-ture et son mécanisme que s’emploie le chapitre 10. Plus loin, nous examinerons brièvement d’autres modèles de moulin du même type ayant vu le jour au Québec, entre autres le modèle anglais, plus perfectionné mais introduit tardivement.

Comme on le devine sans doute, le moulin à vent n’est pas le seul personnage de notre passé auquel nous nous sommes intéressés. Il en existe un autre tout aussi célèbre par sa maîtrise des éléments et ses compétences techniques : le meu-nier que l’on découvrira au chapitre 14. À la fois homme de confiance du seigneur, producteur de farine et maître des vents, celui-ci est devenu au cours des siècles un personnage hors du commun de la société traditionnelle en même temps qu’une figure de légende capable de séduire et d’inquiéter ceux qui l’approchaient3. Enfin, le dernier chapi-tre est entièrement consacré aux représentations réelles et symboliques du moulin à vent et du meunier dans notre culture.

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Si quelque étranger se fut alors penché sur notre vie pour l’ausculter,

malgré lui, ce me semble, il eut évoqué la silhouette des vieux

moulins féodaux dont les rares survivants s’aperçoivent encore dans nos campagnes. Ils restent

debout sur leurs assises de pierre, dans leur maçonnerie apparemment

invulnérable… La vie n’est plus en eux ; elle les a bien désertés. La

dissolution, morsure des gelées et des pluies, se faufile sournoisement entre chacune de leurs pierres. La tempête

fait gémir leur vieille charpente. Mais surtout leurs larges antennes qui, d’un mouvement si triomphal, tournoyaient sous le grand soleil et dans les étoiles, le vent les a broyées

puis emportées, où elles restent là, rigides, comme les ailes d’un grand

oiseau mort.

Lionel Groulx,Dix ans d’Action française, 1926

Moulin de la Baleine, île aux Coudres, au début du xxe siècle.

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Chapitre 1L’origine du moulin à vent

Je ne diray rien des autres Moulins qui ne sont comme de ceux en Tour de pierre, aussi à Vent et à Farine…, n’envisageant que les Bâtiments ordinaires, utiles et nécessaires, dont le Moulin à Vent en est un, puis qu’il peut servir en toutes sortes d’endroits, et particulièrement ès lieux où il n’y a ny ruisseaux ni rivières : Il y a peu de personne qui ne soit redevable à celuy qui en est l’inventeur, puisque la plus grande partie du monde ne vit que par le moyen de cette utile

machine, car il se trouve du vent par tout…

Claude Caron,Traité des bois servant à tous usages…, 1676.

l’origine du moulin à vent, même si elle ne semble pas être aussi ancienne que celle du moulin à eau, remonte à une période assez reculée de l’histoire, le Moyen Âge, où eurent lieu de nombreuses inventions.

Il convient de bien préciser que son invention n’a pas été le produit d’un éclair de génie survenu brusquement et d’une manière imprévisible dans l’histoire générale du progrès technique. Tout comme la plupart des grandes inventions, le moulin à vent est le résultat de progrès empiri-ques ou d’une longue série de perfectionnements technologiques orientés dans le même but : celui d’accroître les sources d’énergie pour les besoins les plus essentiels et celui d’améliorer la qualité des produits obtenus1. À ce sujet, il importe de distin-guer deux étapes successives dans l’introduction du moulin à vent dans le monde : celle, d’abord, du moulin à axe vertical et celle, ensuite, du moulin à axe horizontal.

À l’époque des premiers moulins à vent construits au Canada, plusieurs siècles s’étaient

écoulés depuis l’invention de ce type d’appareil et son utilisation avait réussi à se généraliser un peu partout à travers le monde. De toute évidence,

L’apparition du moulin à eauLe moulin à eau serait apparu au cours du ier siècle avant Jésus-Christ en Asie mineure, aujourd’hui la Turquie. De là, il aurait été introduit en Occident par les Romains. Toutefois, en raison principale-ment de la pratique de l’esclavage, il faudra atten-dre le Moyen Âge avant d’assister à sa diffusion. D’où la célèbre formulation de Marc Bloch : « […] invention antique, le moulin à eau est médiéval par l’époque de sa véritable expansionI. »

i. Marc Bloch, « Avènement et conquête du moulin à eau », Annales d’histoire économique et sociale, no 36, nov. 1935, t. VII, p. 545.

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Le moulin à axe verticalTout laisse croire que le moulin à axe vertical a précédé de plusieurs siècles le moulin à vent d’Europe dont l’image nous est familière. Contrai-rement à ce dernier, il comportait un mécanisme fort simple, puisque les pales (il ne convient pas encore de parler d’ailes) et la meule tournante étaient placées aux deux extrémités d’un même axe vertical et que la commande du premier élément sur le second était directe. Ainsi à chaque tour de roue correspondait un tour de meule.

Pour mettre en action la roue motrice, il s’agissait à la fois de l’enfermer à l’intérieur d’un mur protecteur et de canaliser le vent vers l’intérieur au moyen de petites ouvertures semblables à des meurtrières destinées à faciliter l’entrée du vent. Par ce procédé, on réussissait à capter l’énergie éolienne et à la diriger avec force sur quelques pales seulement.

Les plus anciennes mentions relatives à ce type de moulin remontent au viie siècle de notre ère et placent le berceau de l’invention en Orient, dans les plateaux de l’Iran et de l’Afghanistan. Cette région de la terre, en plus d’être soumise à l’action des vents violents, était pauvre en eau.

Un as t ronome syr i en , Mohammed al-Dimashqi, qui vécut de 1256 à 1326, nous a laissé dans une de ses œuvres un croquis, de même qu’une description assez détaillée de ces premiers moulins à vent2. D’après cette description, le moulin primitif possédait deux niveaux et l’élément récepteur

du vent servant à actionner les meules se trouvait placé paradoxalement au niveau inférieur, imitant en cela le moulin à eau rustique.

Au cours des siècles, toutefois, le mécanisme de ce moulin éponyme devait progressivement se transformer. Le principal changement technologi-que enregistré a consisté à intervertir la position des pales et des meules le long de l’axe vertical, ce qui permit de déployer la roue motrice tant en largeur qu’en hauteur. Il en résulta un changement notable aussi bien dans la structure du moulin que dans le rendement de celui-ci3.

Encore aujourd’hui, de nom-breux moulins à axe vertical, descendants des premiers que le monde ait connus, continuent de tourner en Afghanistan, dans les provinces du Séistan et du Béloutchistan où des vents extrêmement forts soufflent durant une période d’environ cent vingt jours par année. On les voit, solitaires ou en groupes serrés, alignés tel un rempart sur les éminences des plateaux dénudés, de manière à empri-sonner le vent au passage. Vus de près, ils ne ressemblent en rien à nos moulins occidentaux tant par leur mécanisme que par leur silhouette. Ce sont en fait des moulins sans ailes, au sens où nous l’entendons4.

Enfin, il importe de souligner que l’Orient n’a pas connu d’autres types de moulins à vent. Si le moulin à axe vertical y a vu le jour et si celui-ci s’est répandu dans le monde musulman avant de gagner par la suite l’Inde et la Chine, c’est principalement

Schéma de moulin à vent d’Orient attribué à Mohammed al-Dimashqi. À l’origine, les pales du moulin se trouvaient placées en dessous des meules. Toutefois, avec le temps, la position de ces deux éléments sera intervertie afin d’augmenter la force motrice du moulin et d’améliorer ainsi son rendement.

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en raison de la présence de conditions naturelles tout à fait propices à son implantation. Certes, un tel prototype de moulin n’aurait pu exister sans la présence indispensable de vents puissants soufflant dans la même direction durant une assez longue période de l’année. C’est du reste ce qui explique leur faible et tardive diffusion en Occident où les vents sont plutôt irréguliers et soumis aux caprices des saisons.

Néanmoins, des documents attestent la présence de pareils moulins à diverses époques, dans différentes régions de l’Europe, et même de l’Amérique du Nord. Ce sont généralement des appareils rudimentaires destinés à des usages purement domestiques. Phénomène marginal, et difficile à expliquer, ces derniers moulins qui étaient l’œuvre de paysans isolés ne donneront jamais naissance à une tradition comparable à celle des pays de l’Asie.

Fait assez exceptionnel, ce même type de moulin a déjà existé au Québec. Toutefois, nous n’en connaissons actuellement que deux exemples. C’est à un géographe français, E. Aubert de La Rue, auteur d’un ouvrage intitulé L’homme et le vent, que nous devons de signaler l’exemple le plus près de nous5. Ce moulin était situé dans le Bas-Saint-Laurent, non loin de Mont-Joli et avait été construit par un habitant de l’endroit, Georges Rioux6, en 1930. Il possédait douze pales en bois et servait à pomper l’eau du puits de la ferme familiale.

Moulins à vent jumelés d’Afghanistan. Ce sont en fait des moulins à vent sans ailes. L’existence de vents violents soufflant sans cesse dans la même direction expliquerait l’apparition de ce type de moulin presque inconnu en Occident.

Moulin à axe vertical, tel qu’il a été révélé en page couverture du livre d’Aubert de La Rue. Celui-ci servait à pomper l’eau d’une exploitation agricole située près de Mont-Joli, au Québec.

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Le moulin à axe horizontalLe moulin à axe horizontal est le moulin à vent classique, celui qui s’impose à toute l’Europe et dont la silhouette nous est très connue. Comme en témoignent de nombreux documents, son origine remonterait à la fin du xiie siècle, le long des côtes de l’Atlantique de chaque côté de la Manche. Ce type de moulin fit par la suite de rapides progrès sur tout le continent et ne cessa de s’améliorer pour atteindre la perfection des célèbres moulins à vent des Pays-Bas.

Il se présente sous l’aspect d’une tour pourvue d’un certain nombre d’ailes disposées réguliè-rement en forme de croix ou d’étoile autour d’un axe horizontal légèrement incliné afin de donner prise aux vents. À l’intérieur du moulin, un système mécanique permet de décomposer le mouvement de cet axe, de manière à transmettre la rotation des ailes à un deuxième axe, vertical cette fois, auquel sont reliées les meules. La forme et le nombre des ailes, le corps du moulin, de même que les principaux matériaux employés pour sa construction ont varié énormément au cours des époques et suivant les régions où il fut implanté.

Extrait du Vieil Rentier d’Audenarde de Jean Van Pamele, vers 1270. On y découvre l’une des premières représentations du moulin à vent d’Europe dont l’image nous est si familière. À noter que ce dessin remonte à la même époque que celui de Mohammed al-Dimashqi, soit la seconde moitié du xiiie siècle.

Enluminure du Calendrier, Obituaire de Notre-Dame-des-Près, Valenciennes, France, après 1270.

L’imagerie du Moyen Âge nous a habitués au meunier dans son labeur avec une lourde poche

sur le dos. Il était courant pour le meunier à cette époque de « faire la poche », c’est-à-dire d’aller

chercher le grain chez le client. À Québec, au début du xviie siècle, cette pratique existe toujours.

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c h a p i t r e 1 • l ’ o r i g i n e d u m o u l i n à v e n t

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C’est à un historien français, Léopold Delisle, que reviendrait le mérite d’avoir signalé le plus ancien moulin à vent de ce type actuellement connu. Ce premier moulin aurait été érigé dans le nord de la France, en Normandie7. Bien que le document qui mentionne sa présence ne soit pas daté, divers indices permettent de croire avec certitude qu’il serait antérieur à l’an 1180. Il s’agit d’un acte de donation dans lequel le sei-gneur Alexandre de Liesville cède à l’abbaye de Saint-Sauveur-le-Vicomte la terre de son domaine, située « in monte monasterii inter monasterium Sancti Martini et molendino de vento, quam via de villa ad acclesiam sequat8 ». On a retracé de nos jours ce Sancti Martini dont il est question. Il correspondrait au village actuel de Saint-Martin-de-Varreville, situé sur une falaise proche de la côte orientale du Cotentin, à environ une cinquantaine de kilomètres de Cherbourg9.

Fait assez bizarre et sans que la nationalité des chercheurs soit mise en cause, c’est sensiblement à la même époque, soit en 1181, qu’a été rédigé le plus ancien document connu relatif aux moulins à vent de l’Angleterre. Ce moulin originel aurait été élevé dans la région du Lincolnshire, tout près de Bristol. Ici encore, c’est un acte de donation qui atteste cette mention. Elle est faite par un particu-lier à l’abbaye de Saint-Mary of Swineshead (« V seliuncas ubi molendinum ad ventum fuerit »)10. Par la suite, cette donation devait être confirmée par le roi Henri II, puis être reprise dans un acte d’Édouard II, en 1316.

À qui appartient le vent ?Parallèlement, d’autres textes anciens de la même époque, en Angleterre comme en France, font écho aux conflits que ne manque pas d’entraîner l’arri-vée de cette innovation technique. Deux problèmes d’ordre juridique d’une extrême importance se posaient alors, ce qui par ailleurs tend à prouver

une fois de plus que le moulin à vent était bel et bien une invention nouvelle.

Il importait, d’abord, de définir si la jouissance ou le bénéfice du vent constituait un privilège de plus réservé à la classe des seigneurs au même titre que le droit d’exploiter les cours d’eau. En d’autres termes, la question était de savoir si les anciens possesseurs du sol pouvaient juridique-ment, en vertu de la coutume féodale, empêcher des hommes libres de profiter de la force du vent qui appartient à tous. Il fallait, ensuite, déterminer si l’Église pouvait légalement prélever une fois de plus sur ces nouveaux moulins les dîmes qui pesaient ordinairement sur le droit de mouture des moulins à eau11.

La diffusion du moulin à vent en EuropeToutefois, ces difficultés de parcours ne devaient pas ralentir le moulin à vent dans sa course. Dès lors, à partir de ce noyau primitif, nous le voyons se lancer à la conquête de l’Europe. Son ascension est fulgurante comme en témoignent les registres des archives12. Déjà en 1191, il pénètre en Picardie où il sera très répandu après une douzaine d’années seulement. La même année, il atteint également les côtes de la Bretagne.

Au xiiie siècle, nous assistons une fois de plus à son étonnante prolifération : d’abord le long des régions côtières exposées aux vents maritimes ; ensuite vers l’intérieur du continent. C’est à la fin du siècle qu’il arrive à Paris. Il s’est alors implanté dans plusieurs provinces du nord-ouest de la France d’où partiront, quelques siècles plus tard, la grande majorité des premiers habitants du Canada.

Dans le nord de l’Europe, on le voit conquérir tour à tour la plupart des pays : la Flandre (1246), le Danemark (1259), les Pays-Bas (1274). On le signale également dans les pays germaniques en 1271 et en 1277, de même qu’en Suède en 1334.

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q u a n d l e v e n t f a i s a i t t o u r n e r l e s m o u l i n s

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Au sud, sa présence est attestée dès 1237, dans la région de Sienne en Italie.

Aux xive et xve siècles, son expansion allait être encore plus rapide et étendue dans le monde. Afin de mesurer le temps qui s’est écoulé entre l’avènement du moulin à vent en Occident et l’établissement du premier moulin de ce type au Canada, nous ferons remarquer que ce n’est qu’au début du xviie siècle que celui-ci devait être introduit par les Jésuites de Québec dans leur seigneurie de Notre-Dame-des-Anges. C’est dire que le moulin à vent a un passé de près de cinq siècles quand, de l’autre côté de l’Atlantique, on note sa présence.

Le modèle original : le moulin à pivotVoyons à présent, d’après les représentations qu’en donnent les anciens documents, les principales caractéristiques du moulin à vent occidental. Le modèle original semble avoir été construit tout en bois. De forme carrée, il était érigé sur un socle de maçonnerie ou sur quatre jambes de forces posées directement sur le sol. Un pivot central servant de support permettait au meunier de capter le vent en faisant tourner tout le corps du moulin. De là vient son appellation de moulin à pivot en France et de post-mill dans les pays de traditions anglo-saxonnes. C’est du moins cette image que livrent les enluminures des manuscrits de la seconde moitié du xiiie siècle, laquelle sera reprise aux xviie et xviiie siècles dans les traités de charpenterie et les ouvrages encyclopédiques.

Ces moulins tout en bois, orientables sur leur pivot, devaient donc être les premiers en Occident à s’inscrire dans les paysages des plaines côtières de l’Europe septentrionale. Ils furent construits en grand nombre avec plusieurs variations dans la forme suivant les régions. De nombreux repré-sentants de ce type de moulin subsistent encore de nos jours, plus spécialement en France où la tradition fut extrêmement vivace.

Le modèle le plus courant : le moulin-tourToutefois, le modèle qui devait connaître au cours de l’histoire la plus large diffusion à travers le monde occidental demeure sans contredit le moulin doté d’une tour fixe et d’un toit mobile en forme de cône ou de coupole. Merveille d’ingéniosité et d’équilibre, ce moulin-tour allait du même coup définir définitivement dans l’imagerie populaire les contours de cette innovation technique

Moulin à pivot Folken, Cassel, France. Ce modèle de moulin à vent, apparu à la fin du xiie siècle, demeure le plus ancien. Il consiste en une cabine de bois carrée, placée en équilibre autour d’un gros axe vertical fixé à la base. Pour capter le vent, le meunier devait faire tourner, à l’aide d’une longue queue, tout le corps du bâtiment.

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Table des matières

Remerciements 8

Préface 9

Avant-propos 11

Chapitre 1L’origine du moulin à vent 15

Chapitre 2 La portée d’une invention 25

Chapitre 3 La vallée du Saint-Laurent avant l’arrivée des Européens 31

Chapitre 4 Les débuts de la colonisation française 35

Chapitre 5Un départ en coup de ventLes moulins à vent au début du xviie siècle 44

Chapitre 6 Des moulins « comme ceux de France »Les moulins à vent de 1663 à 1760 55

Chapitre 7 Des moulins encore dans la courseLes moulins à vent de 1760 à 1800 83

Chapitre 8 Avant d’être relégués aux oubliettesLes moulins à vent de 1800 jusqu’au début du xxe siècle 101

Chapitre 9 Le régime seigneurial et la banalité du moulin 146

Chapitre 10 « Cette belle et ingénieuse machine » 162

Chapitre 11 Les moulins encore debout 203

Chapitre 12 Les modèles de moulin à vent 209

Chapitre 13 Des contrats et des hommes 222

Chapitre 14 Le meunier 232

Chapitre 15 Le moulin à vent et le meunier comme sources d’inspiration 243

Conclusion 277

Notes 280

Index 293

Bibliographie 301

Sources des illustrations et provenance des photos 311

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cet ouvrage est composé en sabon corps 10.5selon une maquette réalisée par pierre-louis cauchon

et achevé d’imprimer en novembre 2009sur les presses de l’imprimerie marquis

à cap-saint-ignacepour le compte de gilles herman

éditeur à l’enseigne du septentrion