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Jany JOUÉ-DEGORGUE QUAND L’URSSAF VOUS CONTRÔLE © Éditions d’Organisation, 2004 ISBN: 2-7081-3018-8

QUAND L’URSSAF VOUS CONTRÔLE - Librairie Eyrolles · R 243-59 al. 2 du Code de la Sécurité sociale Les employeurs, personnes privées ou publiques, et les travailleurs indépendants

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Jany J

OUÉ

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EGORGUE

QUAND L’URSSAFVOUS CONTRÔLE

© Éditions d’Organisation, 2004

ISBN: 2-7081-3018-8

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LES POUVOIRS DES INSPECTEURS PENDANT LE CONTRÔLE

Pouvoirs habituels – Ils sont importants : interrogations,demande de documents, examen de la comptabilité. Le Code etla jurisprudence ont cependant fixé des limites qui s’inscriventdans le cadre du respect du droit de propriété et du contradic-toire

Pouvoirs élargis – Les inspecteurs ont une compétence large :ils peuvent ainsi vérifier bon nombre des obligations de droit dutravail

Choix des points à examiner – Ces points relèvent de leurseule compétence

Choix des méthodes utilisées – Ces méthodes restent trèsempreintes de prérogatives de puissance publique mais la Courde cassation ouvre désormais des possibilités de discussion

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Les pouvoirs des inspecteurs pendant le contrôle

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Les inspecteurs du recouvrement disposent de pouvoirs étendus (interroga-tion des personnes rémunérées, communication de pièces, choix desméthodes d’investigation) qui sont garantis par un délit d’obstacle à con-trôle.

La limitation de leurs pouvoirs résulte d’une construction purement juris-prudentielle. Elle tient à trois principes :

– le droit de propriété du cotisant;– l’utilité des demandes au regard du champ de compétences des

inspecteurs;– le respect d’une procédure contradictoire que la lettre d’observations

révélera comme ayant été correctement opérée ou non.

En réalité, si l’inspecteur est libre de conduire le contrôle comme ill’entend, il doit néanmoins veiller à garantir les droits futurs du cotisant àprésenter une défense pertinente.

À s a v o i r :

Sans nul doute, les pouvoirs des inspecteurs de l’Urssaf sont étendus parfoismême à la frontière des compétences des autres corps de contrôle. Toutefois,leur compétence qui allait croissant jusqu’à peu encore sous le feu croisé de laloi et de la jurisprudence semblent aujourd’hui avoir atteint ses limites.

Pouvoirs habituels

Les pouvoirs des inspecteurs sont importants mais contrôlés et limités parla jurisprudence1. Aucun texte ne venant limiter le pouvoir des inspecteurs,la Cour de cassation s’en est chargée au cas par cas.

Ces pouvoirs sont par ailleurs encadrés par des instructions diverses don-nées par les autorités de tutelle ou par les Urssaf.

1. Pour en savoir plus… H.-G. BASCOU, Les pouvoirs et obligations des inspecteursdu recouvrement lors de la phase de contrôle et des cotisations Urssaf, éd. J. Cl., Dr.du travail, novembre 1996; H.-G. BASCOU et Ph. COURSIER, Les principes directeursde la procédure du recouvrement des cotisations Urssaf, étude BS 7/95, Paris, éd.F. Lefèbvre, p. 361; F. TAQUET, «Pouvoir des agents de l’Urssaf et garanties descotisants», JCP 92, Ed. E, I, 140 p. 186 G.; GIRODROUX, «Du pouvoir du contrôleurUrssaf», Lamy soc., 1996, n˚ 91, p. 1 et s.

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Quand l’URSSAF vous contrôle

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Interrogation des personnes rémunérées

Quelles personnes peuvent être interrogées?

Art. R 243-59 al. 3 du Code de la Sécurité sociale

Ces agents peuvent interroger les personnes rémunérées notammentpour connaître leurs nom et adresse ainsi que la nature des activitésexercées et le montant des rémunérations y afférentes, y compris lesavantages en nature.

Il apparaît, à la lecture de ce texte, que les inspecteurs peuvent interrogerdes personnes qui ne sont pas salariées de l’entreprise. Il suffit qu’ellessoient rémunérées par elle.

Il peut s’agir de salariés ou d’anciens salariés (exemple : des salariés licen-ciés), de travailleurs indépendants (prestataires de services, agents commer-ciaux), d’apporteurs et indicateurs d’affaires, de bénéficiaires de pourboires…

R é f l e x i o n d ’ a u t e u r :Il serait logique de supposer que cette notion de rémunération s’applique à lapériode contrôlée : un ancien salarié qui n’aurait pas été rémunéré pendant lapériode de contrôle ne devrait ainsi pas pouvoir être entendu. Cette observationest, par ailleurs, confortée par les modalités d’interrogation limitées aux lieuxde travail (voir p. 44). Il est donc en pratique difficile pour un inspecteurd’entendre valablement un ancien salarié, sauf cas de travail dissimulé. Si cetteaudition intervient malgré tout, le juge l’écartera. Il ne restera plus alors que lespropres constatations personnelles de l’inspecteur : il faudra qu’elles soient suf-fisantes. Une irrégularité peut entraîner la nullité du contrôle (voir p. 45).

Que peut demander un inspecteur aux personnes rémunérées qu’il souhaiteinterroger? Leurs nom et adresse, la nature de leurs activités, le montant deleurs rémunérations, leurs avantages en nature…, leurs numéros d’immatri-culation pour les collaborateurs indépendants. […] En réalité, tout ce qui atrait à l’exécution de leur travail, tout ce qui est nécessaire au contrôle peutleur être demandé : horaires, heures supplémentaires, lieux de chantier,régime des frais professionnels, grands déplacements, utilisation des véhi-cules personnels, frais de transport domicile-lieu de travail ou de chantier,utilisation des véhicules de société, etc.L’interrogation de ces personnes et les précisions qui en découlent sontconsignées dans des procès-verbaux qui font foi jusqu’à preuve contraire(C. Séc. soc. art. L 243-7; voir p. 70).

Il arrive cependant qu’une audition ait lieu sans qu’aucun procès-verbal nesoit dressé. L’entreprise peut d’ailleurs découvrir fort tard l’existence de

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cette audition. L’examen, par un professionnel avisé, de la régularité d’unetelle audition devra alors être conduit soigneusement.

Seules les personnes rémunérées par l’entreprise peuvent être entendues

Ainsi, l’inspecteur ne peut interroger les épouses ou faire des enquêtes devoisinage. Il ne peut pas auditionner les salariés d’une autre entreprisemême si celle-ci a un chef d’entreprise commun avec celle qui est contrôlée.

Les dispositions de l’article R 243-59 du Code de la Sécurité socialeprévoyant l’audition des salariés dans les locaux de l’entreprise étantd’interprétation stricte, des opérations de contrôle ne peuvent êtrebasées sur les seules déclarations de personnes étrangères à l’entre-prise (cass. soc. 26 octobre 2000, n˚ 4043 FS-D, N. c/ Urssaf de Besançon).Les agents de contrôle de l’Urssaf ne peuvent entendre dans l’entrepriseou sur les lieux de travail que les salariés eux-mêmes (et désormais lespersonnes rémunérées par l’entreprise). Les dispositions qui confèrentaux agents de contrôle des pouvoirs d’investigation sont d’applicationstricte. Il en résulte que les opérations de contrôle basées sur les seulesdéclarations de personnes étrangères à l’entreprise sont irrégulières.

Les auditions doivent avoir lieu exclusivement dans l’entreprise ou sur les lieux de travail

Lieux d’interrogation

Sont systématiquement censurées les auditions pratiquées tantôt dans les locauxde l’Urssaf, après dénonciation d’un salarié qui s’y est déplacé (cass. soc.25 mars 1999, n˚ 1460 PB, RJS 5/99 n˚ 736), tantôt au domicile même des salariés(cass. soc. 6 juin 1996, n˚ 2656 P, Bresciani c/ Urssaf du Doubs, BC V n˚ 234, RJS

7/96 n˚ 841), sans compter l’interrogation des conjoints de salariés entendus àdomicile (cass. soc. 28 novembre 1991, BC V n˚ 548, RJS 1/92 n˚ 76). Les inspec-teurs ne peuvent adresser un questionnaire au domicile des salariés (cass. soc.27 février 2003, Theetten ès qualité c/Urssaf de Lyon, RJS 5/2003 n° 664).

En matière de travail dissimulé, l’inspecteur peut au contraire interroger lespersonnes rémunérées en tout lieu accepté par ces dernières (C. trav. art.L 324-12 dern. al., voir p. 289).

Les modalités de l’interrogation

L’interrogation des personnes rémunérées doit s’exercer dans des condi-tions qui ne perturbent ni leur activité ni celle de l’entreprise.

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L’employeur peut exiger que ces interrogations aient lieu pendant les pau-ses. En tout état de cause, les salariés doivent être interrogés dans l’entre-prise ou sur leur lieu de travail, ce qui nécessite que l’employeur soitinformé en préalable : il lui incombe, en effet, de prendre les mesures tem-poraires de sécurité et de remplacement de poste. Ce n’est que dans lecadre du travail dissimulé qu’il pourrait en être autrement (voir p. 289).En cas d’interrogation directe par l’inspecteur du recouvrement, les répon-ses des salariés n’engagent pas l’entreprise, même si elles lui portent préju-dice. Ils peuvent d’ailleurs refuser de répondre. Mais ce refus doit releverde leur seule initiative et ne pas être influencé par l’employeur, sauf à cons-tituer un obstacle à contrôle (voir p. 71).Normalement, le procès-verbal de leurs déclarations doit être communiquéavec les observations. Force est cependant de constater que cette communi-cation n’est jamais spontanée et qu’il faut souvent l’intervention du Tribunaldes affaires de Sécurité sociale : en effet, en phase judiciaire, la communica-tion des pièces est obligatoire et peut être prononcée par le juge.

Conséquences d’une irrégularitéLes auditions irrégulières ne prennent une existence concrète qu’avecl’envoi de la lettre d’observations, laquelle cristallise le caractère contra-dictoire des opérations de contrôle.Si l’audition des salariés est irrégulière, il n’y a de nullité des opérations decontrôle qu’à la condition que cette interrogation ait été déterminante etnon corroborée par des constatations régulièrement pratiquées dans leslocaux (cass. soc. 14 juin 2001, n˚ 2689 FS-D, SA Cifobex c/ Urssaf de Mont-pellier, RJS 8-9/01 n˚ 1067). Cette exigence semble moins impérative depuisun arrêt récent du 27 février 2003 qui retient pour seule cause de nullité lecaractère irrégulier des auditions ayant fondé le contrôle : en l’espèce, iln’apparaît pas que la Cour ait cherché à vérifier si les informations obte-nues en violation de l’article R. 243-59 du Code de la Sécurité socialeavaient ou non été corroborées par des constatations directes des inspec-teurs (cass. soc. 27 février 2003 n° 561 FS-FB, Theetten ès qual. GMEP c/ Urssafde Lyon, BC V n° 76, RJS 5/2003 n° 664). Tout au contraire, nulle limitation ne s’impose plus au pouvoir d’interroga-tion si l’audition s’effectue hors contrôle, par exemple dans le cadre d’uneenquête administrative ordonnée par le Tribunal des affaires de Sécuritésociale : en effet, l’article R. 243-59 ne saurait être opposée à ces enquêtes(cass. soc. 12 octobre 1988, SA Pernet c/ Urssaf de la Moselle, BC V n° 490).Enfin, l’inspecteur n’est tenu de respecter la procédure d’audition que s’ilagit dans le cadre d’un contrôle placé sous le visa de l’article R 243-59 du

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Code de la Sécurité sociale. Tel n’est pas le cas en cas de travail dissimuléou lorsque l’inspecteur agit dans le cadre d’une enquête administrative dili-gentée par le Tribunal des affaires de Sécurité sociale (cass. soc. 12 octobre1988, SA Pernet c/ Urssaf de la Moselle, BC V n˚ 490).

Consultation des documents

Quelles pièces et quels documents peuvent être demandés?

Art. L 243-12 du Code de la Sécurité sociale

Les agents des organismes de Sécurité sociale mentionnés aux articlesL 216-6 et L 243-7 peuvent, à tout moment, exiger des employeurssoumis à leur contrôle la communication des doubles des bulletins depaie mentionnés au dernier alinéa de l’article L 143-3 du Code du tra-vail. Ces doubles sont conservés par l’employeur pendant cinq ans.

Art. R 243-59 al. 2 du Code de la Sécurité sociale

Les employeurs, personnes privées ou publiques, et les travailleursindépendants sont tenus de présenter aux agents chargés du contrôlementionnés à l’article L 243-7, dénommés «inspecteurs durecouvrement», tout document et de permettre l’accès à tout supportd’information qui leur sont demandés par ces agents comme néces-saires à l’exercice du contrôle

L’inspecteur du recouvrement peut demander tout document ou supportd’information (papier, disquette, fichiers, logiciels, process paie, etc.),comptable ou non, utile à l’exercice du contrôle.

E x e m p l e

Accords d’entreprise avec leurs avenants, contrats de travail et leurs ave-nants, registre du commerce et des sociétés, registre des assemblées,ponctuellement et sur des avantages précis octroyés par la société, déci-sions prises par l’exécutif de la société, réunions du comité d’entreprise etbien entendu fiches de paie, comptabilité (classe 6 pour l’essentiel), etc.

Dans l’avis de passage (voir pp. 21 et s.), une liste des documents à mettreà la disposition de l’inspecteur est dressée. Elle est donnée à titre indicatif.Tout registre ou document particulier complémentaire sera communiqué àla demande de l’inspecteur.

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Qu’est-ce qu’une pièce nécessaire au contrôle?

Tout document ou support d’information nécessaire au contrôle est commu-nicable dès lors qu’il contient des informations relatives à l’emploi des sala-riés ou des dirigeants, à leur identité, leur nationalité, leur résidence ou leurrémunération, leurs lieux de travail, leurs frais de déplacements, leurs plan-nings, leurs feuilles de route ou disques s’il s’agit de chauffeurs routiers.

En revanche, un simple agenda privé, des pièces confidentielles, un rapportd’audit, un courrier des commissaires aux comptes, les travaux du conseilde surveillance, une consultation d’avocats n’ont pas à être mis à la dispo-sition de l’inspecteur.

Les documents commerciaux ne sont, en principe, pas communicables…sauf si l’inspecteur s’intéresse à la qualité de salariés des sous-traitants, àdes pourboires versés aux salariés d’autres entreprises, à des avantagesdivers alloués via la maison mère aux salariés des filiales ou aux salariésvia un GIE constitué avec l’employeur (cass. soc. 27 mai 1993, n° 1610 D, StéMarseillaise de crédit (SMC) c/ Urssaf de la Haute-Garonne, RJS 7/93 n° 784).

En cas de doute, il est préférable de se faire préciser, par écrit, en quoi teldocument sollicité est nécessaire au contrôle. Si l’inspecteur confirme sademande par écrit, il faut fournir le document pour ne pas encourir le ris-que d’obstacle à contrôle (voir p. 71).

L’employeur ne peut, en effet, se faire juge des pouvoirs des inspecteursqui, rappelons-le, s’exercent dans le cadre de la mission de service publicdes Urssaf.

Régime de la consultation des documents demandés : respect du droit de propriété

Les entreprises et les dirigeants ont le droit de faire valoir devant la Coureuropéenne des droits de l’homme la protection de certains locaux profes-sionnels que la Cour assimile à un domicile au sens de l’article 8 (CEDH,arrêt Nimietz c/ Allemagne du 16 décembre 1992).

En l’occurrence, les documents sollicités par les Urssaf appartiennent auxentreprises : les inspecteurs doivent, par conséquent, agir dans le respect dudroit inaliénable au respect du domicile.

Toute consultation de pièces doit ainsi être autorisée par l’entreprise, demême que toute copie : pour l’entreprise, il importe, en outre, de savoir ceque les inspecteurs garderont comme documents après le contrôle.

Tous les documents consultés doivent rester dans l’entreprise. Si un prêtcontre décharge peut être consenti par l’entreprise, aucun inspecteur du

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recouvrement ne peut seul se saisir des documents dont il a besoin. Il nepeut forcer les portes des placards ou des tiroirs. Il n’a pas le droitd’emporter des pièces sans y être autorisé (cass. soc. 5 décembre 1991,n˚ 4288 PF, Urssaf de la Gironde c/ SARL Club 33, RJS 1/92 n˚ 76).

À s a v o i r :

Mieux vaut, en tout état de cause, si l’entreprise accepte de confier ses pièces,procéder selon une liste exhaustive contre décharge signée de l’inspecteur etpour un temps limité.

La consultation des éléments informatisés de la paie sera définie parl’entreprise selon des modalités arrêtées par ses soins (papier, disquette,CD-Rom, ou autre). Des copies sauvages ne sauraient être acceptées.

Choix des points d’investigation et des méthodes d’investigation

L’inspecteur est seul compétent pour déterminer ce qu’il entend contrôler etcomment il entend procéder.Conséquence logique : l’employeur doit s’exécuter. En cas de désaccord ou depratiques non conformes, la question sera examinée plus tard, dans le cadre d’uncontentieux.

Choix des points d’investigation

Liberté et responsabilité de l’inspecteur

Le cotisant n’a, en droit, aucun moyen de négocier les points que l’inspec-teur entend vérifier.

Seule contrainte à la charge des Urssaf : leurs investigations doivent être étayées

Il ne saurait donc y avoir de redressement sans notification d’un ensemblede constatations susceptibles de constituer au moins un commencement depreuve. De simples suppositions sont insuffisantes (cass. soc. 3 avril 1997,n˚ 1626 D, Urssaf des Bouches-du-Rhône c/ Sté Palmieri-Robin).

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En un clin d'œil

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En revanche, dès lors que ce commencement de preuve est avéré, tout procès-verbal de l’inspecteur fait foi jusqu’à preuve contraire, ce qui opère un renver-sement de la charge de la preuve au détriment du cotisant et l’obligation pourlui d’apporter au moins les éléments permettant d’infirmer les constatationsde l’inspecteur (cass. soc. 31 octobre 2002, pourvoi n˚ 01-20328 Légifrance).

Choix des méthodes d’investigation

Aucune négociation de ces méthodes d’investigation n’est actuellement prévue

L’inspecteur procède comme il l’entend et il n’est pas possible de l’empê-cher de faire son travail, même si le chef d’entreprise pense que la méthodeemployée est irrégulière. Un refus serait assimilé à un obstacle à contrôle(voir p. 71).

Traditionnellement, le contrôle s’effectue en trois temps : prise de connais-sance de l’entreprise, prise de connaissance des risques, chiffrage de cesrisques. Les trois phases peuvent intervenir en une même opération (petitscontrôles) ou s’échelonner distinctement sur plusieurs mois (entreprises dedimension nationale voire internationale).

La négociation pour la mise en œuvre d’un mode opératoire peut être sollicitée par l’inspecteur

En pareil cas, un dialogue s’instaure sur un vade-mecum qui gêne le moinsl’entreprise et permette à l’inspecteur de travailler.

Cette façon de faire est courante. Elle ne donne lieu, le plus souvent, àaucune contractualisation et n’entraîne pas la fixation «forfaitaire» desredressements car le contrôle reste effectué sur des bases exhaustives.

E x e m p l e

Le contrôle des frais professionnels sera effectué en fin de vérificationpour laisser le temps à l’entreprise de faire remonter tous les justificatifsdes divers établissements.

Le principe d’une taxation forfaitaire peut être retenu

Plus délicate est la question du chiffrage des bases redressées sur des basesnon exhaustives. Cette procédure a été conçue par les textes comme excep-tionnelle, elle doit le rester. Elle vise à suppléer la carence de l’employeur.

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En effet, la taxation forfaitaire est une évaluation des bases forfaitaires deredressement réservée aux cas où la comptabilité ne permet pas d’établir lechiffre exact des rémunérations. Elle peut être mise en œuvre par les ins-pecteurs du recouvrement dans le cadre des contrôles d’assiettes habituels,ce qui se matérialise par un visa croisé des articles R 242-5 et R 243-59 :ceux-ci doivent alors respecter l’ensemble de la procédure de contrôle eten particulier la notification des observations avec 30 jours pour répondre(cass civ. 2e 27 janvier 2004, Urssaf des Alpes-Maritimes c/ Sté Cannes Auto arrêtn° 49 F-PB). Mais le recours à la technique du forfait peut intervenir dans lecadre du travail dissimulé (voir p. 291).

Art. R 242-5 du Code de la Sécurité sociale

Lorsque la comptabilité d’un employeur ne permet pas d’établir le chif-fre exact des rémunérations servant de base au calcul des cotisationsdues, le montant des cotisations est fixé forfaitairement par l’orga-nisme chargé du recouvrement. Ce forfait est établi compte tenu desconventions collectives en vigueur ou, à défaut, des salaires pratiquésdans la profession ou la région considérée. La durée de l’emploi estdéterminée d’après les déclarations des intéressés ou par tout autremoyen de preuve.En cas de carence de l’organisme créancier, le forfait est établi par lecommissaire de la République de région.

Qu’est-ce qu’une taxation forfaitaire?

La Cour de cassation ne censure, sous le visa de l’article R 242-5 du Codede la Sécurité sociale, que les taxations forfaitaires. Les autres taxations ontun régime différent.Or, qu’est-ce qu’une taxation forfaitaire au sens de cet article? La taxationforfaitaire peut émaner d’un inspecteur du recouvrement, mais rien ne lacirconscrit au cadre du contrôle. Toutefois, le chiffrage ou la rectificationd’une assiette relève, dans les faits, exclusivement des agents de contrôlecar ils sont les seuls à être investis des moyens d’investigations suffisants.Ils peuvent procéder par taxation soit dans le cadre des contrôles dits«triennaux» soit des contrôles pour «travail dissimulé» (voir partie 4). La taxation sert à chiffrer la base d’un redressement lorsque les rémunéra-tions sont inexactement reportées ou non comptabilisées ou insuffisam-ment différenciées. Cette taxation porte donc sur la base de cotisations etnon sur sa répartition individuelle.Ne constitue dès lors pas une taxation forfaitaire susceptible d’être annuléepour défaut de caractère régulier ou complet de la comptabilité, le redresse-

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ment dont le montant global est réel et dont seule la répartition salarié parsalarié est forfaitisée à défaut d’éléments fournis par l’employeur (enl’occurrence au prorata des rémunérations versées) (cass. civ. 2e 9 décembre2003, pourvoi n° 02-30743, Légifrance). Dans cet arrêt, la Cour relève, en outre,qu’il n’était pas démontré que l’erreur fut préjudiciable à l’employeur, sug-gérant que le grief doive être démontré pour contester une répartition indi-viduelle «forfaitaire» de redressement. Ne relève pas plus de l’article R 242-5 la taxation qui ne porte pas surl’assiette redressée mais sur son traitement social. Il semble bien que ce soitdans cette dernière catégorie qu’il convienne de ranger l’application desratios de population à une base déterminée de manière exhaustive (cass.soc. 11 mai 2001, n° 2042 FS-D, Opéra de Lyon c/ Urssaf de Lyon).La taxation émane de l’Urssaf. Il n’existe dès lors pas d’impossibilité à pro-céder globalement si la méthode est mise en œuvre par la commission derecours amiable aux fins d’annulation d’une partie du redressement et nonpar l’Urssaf (cass. civ. 2e 16 septembre 2003 pourvoi n° 01-21196, Légifrance).

Ne relève pas plus de l’article R 242-5 la «taxation» qui est le fait d’un expertnommé par le Tribunal des affaires de Sécurité sociale, fût-il lui-même agentde contrôle d’une Urssaf (dans ce cas, l’agent de contrôle se trouve man-daté par le juge et, selon la Cour de cassation, les dispositions de l’articleR 243-59 du Code de la Sécurité sociale sont inapplicables à l’enquêteadministrative ordonnée par les juridictions de Sécurité sociale en applica-tion de l’article R 142-22 dudit Code, cf. cass. soc. 12 octobre 1988, SA Pernet c/Urssaf de la Moselle, BC V n° 490).La taxation est une méthode d’évaluation à défaut de tout autre élément decalcul. Ainsi, l’évaluation d’un redressement sur des bases forfaitaires pré-vues par un arrêté ne constitue pas une taxation forfaitaire.

Méthode de taxation : par tous moyens

Les rémunérations servant de base aux cotisations sont taxées selon les règlessuivantes : une assiette de cotisations est reconstituée par l’inspecteur comptetenu des conventions collectives en vigueur, ou, à défaut, des salaires de laprofession ou de la région1. Cette assiette est ensuite rapportée à un nombred’heures établi par tous moyens (déclarations des assurés ou autres).

Le résultat obtenu par l’application des conventions collectives constitueun minimum (cass. soc. 4 juin 1971, BC V n˚ 417). Ainsi, s’il y a des présomp-tions sérieuses que, dans la région considérée, la profession ou l’entreprise,

1. Certains auteurs réservent la possibilité de procéder par tous moyens au seul casd’inexistence de conventions collectives («La taxation forfaitaire en matière Urssaf»,H.-G. BASCOU, J.-C. RANC et F. TAQUET, GP 23 et 25 juillet 2000 p. 13).

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il soit versé habituellement des rémunérations plus élevées, la taxation serasupérieure (6 décembre 1973, BC V n˚ 637). En réalité, cette taxation s’opèrepar tous moyens (cass. soc. 15 novembre 1979, BC V n˚ 861; 5 mars 1986, BC V

n˚ 69) (…) compatibles avec les exigences de fond posées par la jurispru-dence, ce qui laisse une très large initiative à l’inspecteur et peu de placepour la réaction de l’entreprise (celle-ci se trouve ainsi pénalisée de ne pou-voir présenter une comptabilité totalement exhaustive).

Par ailleurs, en cas de comptabilité irrégulière, l’inspecteur peut appliqueraux exercices antérieurs le coefficient de dissimulation ou d’erreur obtenusur une année.

À s a v o i r :

La taxation forfaitaire n’a rien à voir avec la taxation d’office émise en cas denon-envoi, à bonne date, des bordereaux de cotisation. Une entreprise peutfort bien avoir fourni toutes ses déclarations mensuelles ou trimestrielles etfaire, malgré tout, l’objet d’une taxation forfaitaire lors d’un contrôle.

Le formalisme de la taxation est des plus simples

L’inspecteur place toute sa vérification (ou un seul des chefs de rajuste-ment) sous le visa de l’article R 242-5, indique comment il a reconstituél’assiette et situe en général son action dans un contexte qui laisse à penserque la comptabilité est défaillante.

Son contrôle sera, en sus, indifféremment placé, selon qu’il existe ou nonune constatation de travail dissimulé, sous le visa de l’article L 324-9 et 10du Code du travail ou sous celui de R 243-59 du Code de la Sécurité sociale.

Cas de taxation ou d’évaluation forfaitaire

La taxation forfaitaire implique toujours une défaillance plus ou moinsimportante de l’entreprise contrôlée1. Il manque des justificatifs, des élé-ments de comptabilité, des fichiers séparés, etc. et l’Urssaf ne peut faireson travail de vérification correctement. Elle est donc autorisée à procéderde manière dérogatoire.

S’agissant d’une méthode dérogatoire de contrôle, l’Urssaf doit pouvoirjustifier des conditions ayant nécessité sa mise en œuvre.

1. Certains auteurs réservent le cas des taxations forfaitaires aux erreurs dirimantesde comptabilité («La taxation forfaitaire en matière Urssaf» H. G. BASCOU, J.-C.RANC et F. TAQUET, GP 23 et 25 juillet 2000, p. 13).

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Compte tenu de ce caractère dérogatoire, la taxation forfaitaire suite àcontrôle est réservée aux seuls cas de comptabilité inexistante, irrégulière,incomplète ou insuffisante (exemples : absence de comptabilité, compta-bilité inexacte, incomplète, insuffisante ou mal tenue, dans laquellenotamment le nom des salariés n’est pas indiqué, le nombre d’heures, lelieu des chantiers ou le montant des salaires ne sont pas reportés, le livrede paie ne correspond pas aux bulletins de salaire…).

L’article R 242-5 qui prévoit la fixation forfaitaire des cotisations par lesUrssaf est applicable non seulement en l’absence de comptabilité maiségalement lorsque la comptabilité est incomplète, insuffisante, maltenue ou inexacte (cass. civ. 2e du 31 octobre 1963, Gabriac Marcel c/ CPAM

du Vaucluse et autres, BC II n˚ 706).

Un refus de fournir certaines pièces pourrait aboutir à une taxation si cerefus décelait une irrégularité comptable : ainsi, l’Urssaf est fondée à fixerforfaitairement le montant des cotisations dues par un employeur, dès lorsque celui-ci a refusé la communication intégrale de sa comptabilité et qu’ilne produit, par la suite, que des factures et devis anonymes (cass. soc.9 novembre 1978, Bocquet c/ Urssaf de Rouen, BC V n˚ 760).

À s a v o i r :

Le refus de recevoir un inspecteur du recouvrement ne constitue pas un cas detaxation forfaitaire mais un cas d’obstacle à contrôle (voir p. 71) alors que lerefus de donner tout ou partie de sa comptabilité peut relever de la taxationforfaitaire.

Taxation partielle ou totale

La comptabilité doit être inexistante ou incomplète (cas de fraude, de travaildissimulé, notamment) ou simplement insuffisante (exemples : il manque lesplannings de tournées ayant permis l’octroi des frais professionnels; lescomptes «challenges et concours» ne permettent pas d’isoler les sommes ver-sées aux salariés et aux clients; la rémunération des gérants ne peut être chif-frée (cass. soc. 5 mars 1986, SA Total c/ Urssaf Meurthe-et-Moselle, BC V n˚ 69).

Il faut en conclure qu’une taxation forfaitaire partielle est possible. La Courde cassation admet, d’ailleurs, l’idée qu’une taxation ne puisse concernerqu’un point de redressement (cass. soc. 1er juin 1995, Urssaf de la Côte-d’Or c/Société Entreprise industrielle, BC V n˚ 173; cass. soc. 5 mars 1986 précitée).

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Critères objectifs de la taxation déconnectés de tout élément fautif

Des méthodes de taxation forfaitaire peuvent valablement être mises enœuvre, même sans faute de l’employeur (cass. soc. 5 mars 1986, BC V n˚ 69,deux arrêts).Dès lors qu’une société admet que sa comptabilité ne permet pas d’établirle chiffre exact des rémunérations servant de base au calcul des cotisationsdues pour ses gérants, le recours à la taxation forfaitaire est justifié, carl’application de cette méthode n’est pas subordonnée à la preuve parl’Urssaf d’une faute de l’employeur (cass. soc. 5 mars 1986, SA Total c/ Urssafde Meurthe-et-Moselle précitée). Bien entendu, les fraudes ou fautes diverses constituent des facteurs aggra-vants. Ainsi, toute condamnation pénale au titre du travail dissimulé oud’une fraude de gestion entache automatiquement la régularité de la totalitéde la comptabilité de l’entreprise.

L’Urssaf doit justifier le recours à la taxation forfaitaire

L’Urssaf doit démontrer ou constater que la comptabilité est irrégulière etpréciser en quoi elle est irrégulière, incomplète ou insuffisante. La chargede la preuve lui en incombe, et les juridictions ne sont nullement tenues dediligenter des mesures d’instruction pour suppléer sa carence sur ce point(cass. soc. 21 janvier 1993, n˚ 179 D, RJS 3/93 n˚ 320).À défaut, le contrôle par taxation ou évaluation forfaitaire est annulé (voirjurisprudence ci-après sur les sondages). En effet, la Cour de cassation cen-sure systématiquement toute évaluation forfaitaire non conforme aux textesen vigueur.La raison en est simple : une fois établie, la taxation forfaitaire est très dif-ficile à remettre en cause. En effet, s’il suffit d’expédier à l’Urssaf la décla-ration manquante pour qu’une simple taxation d’office soit réduite, il estplus difficile de faire échec à une taxation forfaitaire car cette dernièreopère un renversement aggravé de la charge de la preuve au détriment del’employeur et nonobstant l’existence de ses déclarations précédentes (cass.soc. 12 juin 1981, BC V n˚ 550; cass. soc. 14 mai 1992, RJS 6/92 n˚ 792). L’ins-pecteur devient maître de sa méthode de reconstitution même s’il doit mal-gré tout la discuter contradictoirement avec l’employeur (cass. civ. 2e

27 janvier 2004 Urssaf des Alpes-Maritimes c/ Sté Cannes Auto arrêt n° 49 F-PB).Il en résulte pour le cotisant la nécessité, soit de prouver la véracité de sesdéclarations courantes (de salaires par exemple) sans pouvoir reprocherune quelconque imprécision de chiffrage à l’Urssaf (cass. soc. 12 juin 1981,BC V n° 550), soit de démontrer en quoi la taxation est excessive (cass. soc. 14mai 1992, RJS 6/92 n° 792).

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A défaut de cette preuve «qualifiée» incombant totalement à l’employeur,la taxation est maintenue. Ainsi en est-il, à défaut de livre de paie régulière-ment tenu et de toute preuve de nature à faire échec à la taxation (cass. soc.1er avril 1981, n° 793, Lobstein c/ Urssaf de Seine-et-Marne).

En revanche, aucune taxation ne saurait priver un employeur de ses moyensde défense : il peut donc apporter des éléments nouveaux pour établirl’inexactitude ou le caractère excessif de l’évaluation initiale. Viole dès lorsles articles L 242-1 et R 242-5 du Code de la Sécurité sociale le Tribunalqui maintient le redressement effectué par l’Urssaf sans examiner les piè-ces produites devant lui par l’employeur (cass. soc. 19 juin 1997, n˚ 2568 D,GIE CDF Energie c/ Urssaf du Loiret, RJS 11/97 n˚ 1290).

À s a v o i r :

Pour contester efficacement une taxation, il faut soit contester les raisons desa mise en œuvre (production d’une comptabilité probante, certifiée, com-plète, d’un contrôle fiscal portant sur les mêmes périodes, etc.), soit apporterla preuve d’éléments comptables reconstitués (récupération ou reconstitutiondes pièces après un cambriolage, preuve par tous moyens émanant des parte-naires de l’entreprise).

Interdiction des méthodes d’extrapolation scientifiques mises en œuvre par les Urssaf dans un souci de rationnalité

Délimitation des pratiques interdites – essai de définition

Le redressement par voie d’extrapolation est une méthode d’évaluationconsistant à généraliser sur une grande échelle une situation constatée àpetite échelle. On parle alors de sondage, d’extrapolation, de calcul parapproximation ou d’application de ratios.

Ces différents termes ne semblent toutefois pas totalement synonymes etn’emportent pas les mêmes implications jurisprudentielles. Il convient donc,en préalable, d’appréhender les cas visés par les présents développements.

I l est d’abord possible de différencier ces techniques selon leur objet :

• Le redressement par voie de sondage, l’extrapolation sur une année Nsur une population P des constatations faites sur N + 1 ou sur l’échan-tillon P’, ainsi que tout calcul par approximation servent à déterminerl’assiette du redressement : la base de cotisations ne revêt plus alorsaucun caractère exhaustif.

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• Au contraire, la technique du ratio consiste à appliquer à une base chif-frée sans extrapolation (donc exhaustive) un ratio destiné à isoler deuxpopulations de l’entreprise emportant des conséquences sociales diffé-rentes.

E x e m p l e

Exemple de ratio sur des frais professionnels chiffrés de manièreexhaustive : on considère que tel pourcentage se rapporte à des tra-vailleurs français et tel pourcentage se rapporte à des travailleurs étran-gers – cass. soc. 11 mai 2001, n˚ 2042 FS-D, Opéra de Lyon c/ Urssaf de Lyon. Autreexemple de ratio se rapportant à des taux différenciés de cotisations : onapplique, sur X millions d’euros redressés exhaustivement, un pourcen-tage le plus souvent négocié avec l’employeur pour déterminer la popu-lation sous statut normal et la population sous statut spécifique.

I l est également possible de les distinguer en fonction de la méthode uti l isée :

• On réserve généralement le terme de sondage avec extrapolation à uneméthode de chiffrage «dite scientifique» élaborée par les Urssaf pourcontrôler certains grands ensembles de rémunération (exemple : lesfrais professionnels des intérimaires).

• Les termes d’extrapolation ou de calcul par approximation sont plusvagues et n’impliquent pas forcément la mise en œuvre d’une méthodescientifique.

Toute extrapolation constitue une taxation forfaitaire

La Cour de cassation n’opère, quant à elle, aucune distinction entre cesméthodes. Elle ne connaît, pour sa part, que deux situations : les casd’application d’une taxation forfaitaire (voir p. 49) et les autres cas ne jus-tifiant pas le recours à la taxation forfaitaire.

Appliquant strictement l’article R 242-5 du Code de la Sécurité sociale, laCour suprême fixe les règles suivantes :

– Si la comptabilité est probante, complète et suffisante, aucune taxa-tion des bases de redressement ne peut avoir lieu : tout sondage (ouautre évaluation non exhaustive des bases de cotisation) constitutifd’une taxation irrégulière sera donc annulé. La jurisprudence estconstante.

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Cass soc. 21 janvier 1993 n˚ 179 D, RJS 03/93 n˚ 320

Mais attendu qu’après avoir relevé que, pour chiffrer le redressementsusceptible d’être dû par la RNUR au titre de la prise en charge intégraledes frais de repas exposés par certains salariés, l’Urssaf s’était bornéeà un calcul par approximation à partir de sondages et sur la base d’unmontant unitaire égal à une fois et demie la valeur du minimumgaranti, sans opérer de distinction entre les bénéficiaires suivantl’importance de leur rémunération, les juges du fond ont retenu qu’iln’était pas allégué que la comptabilité de la RNUR était insuffisante ouincomplète, condition nécessaire pour que l’Urssaf puisse pratiquerune taxation forfaitaire; […] [non] tenus de recourir à une mesured’instruction pour suppléer la carence de l’organisme de recouvrementdans l’administration de la preuve, [les juges du fond] ont estimé que[l’Urssaf] ne justifiait pas de sa créance.

Cass soc. 1er juin 1995 n˚ 2405 P

Mais attendu qu’ayant exactement énoncé que c’est seulement lorsquela comptabilité de l’employeur ne permet pas d’établir le chiffre exactdes rémunérations servant de base au calcul des cotisations quel’organisme de recouvrement est fondé à recourir à la taxation forfai-taire, la Cour d’appel déduit des circonstances qu’elle relève que lacomptabilité de la société n’était pas insuffisante sur le point en litige;qu’elle a, dès lors, à bon droit, décidé que le recours à la taxation for-faitaire n’était pas, en pareil cas, autorisé.

Cass soc. 20 janvier 2000 n˚ 427 D

(navis social EFL, autres décisions, janvier 2000 n˚ 73, Urssaf de Meur-the-et-Moselle c/ Entreprise Industrielle)Mais attendu qu’après avoir exactement rappelé les dispositions del’article R 242-5 du Code de la Sécurité sociale selon lesquelles, lors-que la comptabilité d’un employeur ne permet pas d’établir le chiffreexact des rémunérations servant de base au calcul des cotisationsdues, le montant de ces cotisations est fixé forfaitairement par l’orga-nisme chargé du recouvrement, l’arrêt attaqué retient que les docu-ments comptables et justificatifs produits par l’employeur permettaientd’évaluer le montant des indemnités litigieuses; qu’ayant en outre faitressortir que la poursuite des opérations de contrôle aurait conduit àun redressement établi entièrement sur des bases réelles, la Courd’appel a exactement décidé que le recours à la taxation forfaitairen’était pas justifié et que les mises en demeure notifiées sur ce fonde-ment devaient être annulées.

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Cass soc. 23 novembre 2000 n˚ 4679 FS-P

Il résultait de ses constatations que la comptabilité de l’employeur per-mettait à l’agent de contrôle d’établir le chiffre exact des indemnités degrand déplacement servant de base au calcul des cotisations dues, detelle sorte que la poursuite des opérations de contrôle devait conduireà un redressement établi entièrement sur des bases réelles et que leredressement litigieux sur une base forfaitaire devait être annulé.

• Si la comptabilité est incomplète sur un point, ce point peut donner lieuà une évaluation forfaitaire.

Ainsi, en l’absence de production par l’employeur des bulletins de salairedes agents rémunérés pendant la période litigieuse «sous le régime duSMIC-22 AN», le redressement opéré sur la base d’un horaire de travail éta-bli par sondage doit être maintenu (cass. soc. 13 janvier 2000, n˚ 261 P, SA

Thalamer c/ Urssaf de Calais et autres, 2e et 3e moyen).

• L’adhésion du cotisant : une démarche de dialogue

Si l’Urssaf est en mesure de justifier en quoi un contrôle exhaustif étaitréglementairement impossible, la méthode de chiffrage retenue est unilaté-rale ce qui ne dispense nullement qu’elle soit ensuite débattue dans le cadrede la lettre d’observations (cass. civ. 2e 27 janvier 2004, Urssaf des Alpes-Mari-times c/ Sté Cannes Auto arrêt n° 49 F-PB), l’employeur conservant, en toutehypothèse, la possibilité d’apporter la preuve contraire (voir p. 55).

Il arrive cependant que le contexte de la taxation soit avéré et que, malgrétout, l’Urssaf cherche à obtenir l’accord du cotisant. Cette pratique desUrssaf ressort de plusieurs arrêts de la Cour de cassation. Ainsi, certains«sondages» ou «extrapolations» conduits dans les conditions de l’articleR. 242-5 reçoivent l’accord du cotisant dans le cadre de la vérification(cass. soc. 17 mai 2001, n° 2210 FS-D, Transports Gautier c/Urssaf de Loire-Atlan-tique). Cette adhésion se veut alors purement éducative et participative.

Les redressements par voie de sondage scientifique1

La Cour de cassation condamne aujourd’hui2, explicitement la position desUrssaf en matière de redressement évalué sur la base de sondages établisselon des méthodes que les Urssaf qualifient volontiers de scientifiques.

1. H. G. BASCOU, J.-C. RANC, «Une pratique illicite : un redressement Urssaf parvoie de sondage ou méthode dite “scientifique”» (GP, doctrine, 21 au 23 novembre1999).

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Loin de s’en tenir à la jurisprudence de la Cour de cassation, les Urssafsoutenaient que le sondage constituait une extrapolation faite à partird’observations réelles et que son régime ne pouvait donc être celui de lataxation forfaitaire.

Il est vrai que le contrôle des très grandes entreprises pose des questions par-ticulières. Aucune règle ne les visant spécifiquement, ces entreprises se sonttrouvées confrontées à des contrôles rapides et expéditifs au cours desquelselles avaient l’impression de n’avoir pu faire valoir correctement leurs argu-ments au contraire des autres employeurs. Un arrêt de principe de la Cour decassation (voir ci-après) est venu mettre un coup d’arrêt à ces pratiques.

Pour mémoire, un très faible échantillonnage était contrôlé exhaustive-ment, le reste était évalué par extrapolation. Évidemment, expliquer à cesentreprises que la méthode d’extrapolation était homogène se révélait inu-tile dès lors qu’aucune règle précise ne présidait à la constitution deséchantillonnages. Or, de grandes différences existaient pour ces échan-tillonnages (quant au nombre de salariés ou d’établissements).

Ces sondages posaient ainsi de nombreux problèmes : celui de l’égalité descotisants (méthode non homogène, notamment quant à la fabrication deséchantillons), celui de leur fonctionnement (l’expérience montrait qu’unemême méthode donnait des résultats radicalement différents si elle n’étaitpas utilisée dans des conditions strictement identiques car elle démultipliaitl’effet humain – degré de sévérité ou d’approfondissement dans les recher-ches), celui de leur transparence (la méthode était incompréhensible pourles entreprises et le procédé mathématique, tellement complexe qu’il étaitdifficile d’avoir un avis éclairé donné en pleine connaissance de cause),celui du droit des salariés au report sur leur compte individuel vieillesse dessommes redressées les concernant dans la limite du plafond (voir p. 117).

Les inégalités devant l’extrapolation étaient donc patentes en fonction desinspecteurs (l’extrapolation d’un facteur humain était difficilement prévisi-ble), des Urssaf (de grandes inégalités géographiques étaient ainsi appa-rues) et des entreprises (les secteurs à forte main-d’œuvre étaient plusvulnérables que les autres).

En réalité, toute extrapolation, même faite sur des bases scientifiques,accentuait impitoyablement chaque distorsion observée, creusant parfoisdes surcoûts jusqu’à 60 % entre le réel et l’extrapolé. Ces écarts devenaient

2. Certains flottements ont existé par le passé et notamment un curieux arrêt heureu-sement resté isolé qui prévoyait une possibilité d’autojustification a posteriori parl’Urssaf des sommes réclamées d’abord chiffrées par sondage (cass. soc. 24 juin 1993,n˚ 2427 P, SA Technip Géoproduction c/ Urssaf de Paris et a.).

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inacceptables et ingérables en termes de concurrence, dès lors qu’ilsn’avaient d’autre fondement que des critères de rentabilité dont les Urssafétaient les seules bénéficiaires.

En outre, ils étaient générateurs de beaucoup de travail dans l’entrepriseavec peu de prise en compte par l’Urssaf. En effet, les entreprises avaientl’obligation de tenir à disposition tous les documents comptables de toutesles années à contrôler et l’Urssaf n’en sélectionnait qu’un petit nombrepour les examiner plus vite. Au bout du compte, ils laissaient les entrepri-ses assez démunies pour faire valoir leurs arguments quant aux montantsredressés puisque le chiffrage n’était pas exhaustif. C’est pourquoi, laméthode scientifique était depuis longtemps critiquée.

Par un arrêt de principe très attendu, la Cour de cassation a récemment cen-suré sans réserve cette façon de faire au nom du respect intangible du prin-cipe du contradictoire. Elle met ainsi fin à des méthodes qui, mises enœuvre par souci de rentabilité des Urssaf, ne permettaient pas aux entrepri-ses de faire valoir correctement leurs droits.

Cass soc. 24 octobre 2002 n˚ 3042 FS-P,

Urssaf du Loiret c/ Adecco et autres (RJS 1/03 n° 61).À la suite d’un contrôle portant sur la période du 1er décembre 1995au 30 novembre 1997, l’Urssaf a réintégré dans l’assiette des cotisa-tions sociales les sommes versées par la société de travail temporaireAdecco aux salariés intérimaires à titre de remboursement de fraisprofessionnels en ayant recours, compte tenu de la taille de l’entrepriseet du nombre de salariés, à une méthode de vérification par échan-tillonnage. Les échantillons étaient de 1 200 salariés en 1996 et 1201en 1997 provenant de 200 agences, puis par extrapolation aux quel-que 800 000 salariés des 640 agences. La Cour d’appel, par arrêt con-firmatif, a annulé le redressement relatif aux frais professionnels dessalariés intérimaires.«Mais attendu qu’après avoir relevé que la société n’avait jamaisaccepté préalablement les modalités de contrôle et qu’elle avait for-mulé des réserves quant à la validité du mécanisme de l’extrapolation,la Cour d’appel […], ayant constaté que l’Urssaf avait à sa dispositionles éléments de comptabilité permettant d’établir le redressement surdes bases réelles, de sorte que la méthode de contrôle effectué paréchantillonnage de 1200 salariés provenant de 200 agences et extra-polation à l’ensemble des salariés des 640 agences ne permettait pasde débattre contradictoirement du bien-fondé du redressement.»

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La Cour de cassation confirme donc l’annulation du redressement déjà pro-noncé par les juges du fond.

Cette jurisprudence très nette est rendue au nom du respect du contradic-toire. Elle condamne ainsi tous les contrôles par extrapolation hors le casd’un accord du cotisant, lequel accord laisse alors supposer que l’informa-tion donnée à l’employeur a été suffisante à l’échange des consentements.

Il en résulte que, chaque fois que l’entreprise n’a pas accepté l’extrapola-tion, l’Urssaf doit procéder de manière exhaustive.

Ainsi le redressement par voie de sondage est-il nul lorsque :

– l’entreprise émet des réserves préalables à la mise en œuvre del’extrapolation, réserves qu’elle peut, en outre, réitérer en cours deprocédure, chaque fois que son accord sera sollicité ou excipé;

– tous les documents demandés ont été mis à la disposition des inspec-teurs, qui ont donc la possibilité de procéder à un contrôle exhaustif;

– l’Urssaf ne démontre ni ne soutient d’ailleurs que la comptabilité estabsente, incomplète ou insuffisante.

La contractualisation est-elle une solution?

En termes de qualité des relations Urssaf-cotisants, de respect du contra-dictoire, la solution de la contractualisation est certainement excellente.

Elle est, en outre, conforme à une nouvelle conception des droits sociauxqui place «l’usager au centre» du service public et tend à substituer deslogiques bilatérales plus égalitaires là où n’existaient par le passé que deslogiques unilatérales très hiérarchisantes1.

La Cour de cassation propulse aujourd’hui cette mutation au cœur dudomaine «régalien» de la Sécurité sociale, celui de son financement,expression même de sa mission de service public. En droit, la contractuali-sation est cependant complexe.

Première remarque. La Cour de cassation n’a jamais eu l’occasion d’appré-cier la validité de tels accords dans le cas des sondages scientifiques. Lesseuls accords qu’elle a eu à connaître n’avaient aucune valeur de fond : ilsétaient oraux et intervenaient dans des cas où l’Urssaf pouvait s’en passerpuisque les conditions de la taxation forfaitaire étaient réunies, leur mise enœuvre relevait donc plus de la courtoisie que de la règle de droit (cass. soc.17 mai 2001, n˚ 2210 FS-D, Transports Gautier c/ Urssaf de Loire-Atlantique). Ilne s’agissait donc nullement de modifier les règles générales du contrôle

1. «Le contrat dans la protection sociale», Robert Lafore, D. Soc. janv. 2003, p. 105.

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telles que le Code de la Sécurité sociale les prévoit. En réalité, l’exigencede validité de la contractualisation ne se pose que si les conditions de lataxation forfaitaire ne sont pas remplies.

Deuxième remarque. Il est vrai que la contractualisation est suggérée dansl’arrêt de principe du 24 octobre 2002 comme étant la solution à retenirpour le contrôle par sondage des grandes entreprises. La Cour de cassationouvre ainsi une porte permettant de sortir de l’impasse.

Troisième remarque. Aucun texte n’autorise actuellement cette contractua-lisation.

Quatrième remarque. Toute contractualisation déplacerait le problème surun autre terrain : celui de la légalité et de la nature de telles conventions quiinterviendraient sur le terrain du service public et dont les engagements oucontreparties réciproques seraient bien difficiles à cerner. En effet, on voitparfaitement à quoi l’employeur pourrait s’engager (ne pas faire de conten-tieux sur la méthode) mais à quoi l’Urssaf pourrait-elle s’engager pour cequi la concerne?

En clair, quel intérêt aura un cotisant à accepter une méthode qu’il ne maîtrisepas et qui le privera demain de toute force de contestation «exhaustive»?

Les ouvertures faites par la Cour de cassation risquent ainsi de rester lettremorte sauf si… les Urssaf sont enfin autorisées à transiger, ce qui n’est pasle cas aujourd’hui ou si elles font preuve d’une certaine audace juridique.

Cinquième remarque. La solution un peu expéditive qui pousse les Urssaf às’autofabriquer les preuves d’un accord de l’entreprise en y faisant référencedans la lettre d’observations… alors même que leurs inspecteurs n’ont purecueillir cet accord formel indispensable lors de la vérification pose le déli-cat problème de la preuve de ces accords. Peut-on imaginer des accords vir-tuels, oraux ou implicites sur des points aussi importants et qui touchent tantau respect du contradictoire qu’à l’organisation du service public?

La pratique aujourd’hui

La branche du recouvrement cherche actuellement à garantir la sécuritéjuridique des Urssaf sans violation des droits du cotisant, pour tout ce quiconcerne les techniques d’échantillonnage et d’extrapolation des redresse-ments (convention d’objectifs et de gestion 2002-2005). Des discussionssont en cours avec le ministère. A défaut de leur aboutissement, on cons-tate une baisse sensible des contrôles par échantillonnage.Il se peut néanmoins que les inspecteurs, tentés par des contrôles plus rapi-des et dotés de puissants outils mathématiques d’extrapolation, cherchent à

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les utiliser en obtenant l’accord écrit des cotisants pour recourir au forfait eten proposant parfois des contreparties… négociées ou non. En tout état de cause, toute pratique des inspecteurs qui consiste à écriredans la lettre d’observations avoir recueilli l’accord du cotisant alors que lefait est erroné nécessite de la part de l’entreprise une réaction immédiate,bien en amont de la phase de contentieux, pour s’en démarquer et émettretoute réserve sur la méthode employée.

Sixième remarque. Dans ces conditions et à défaut de bien mesurer lesenjeux des contrôles par extrapolation, bon nombre d’entreprises continue-ront de prendre, et prendront dans le futur, la décision d’émettre, par écrit,des réserves sur la méthode d’extrapolation qu’on leur propose. Ils les for-malise(ro)nt dès qu’ils (aur)ont connaissance du procédé (exemple : encours de contrôle ou au reçu de la lettre d’observations).

À s a v o i r :

Une extrême vigilance des entreprises confrontées aux méthodes scientifiquesest donc de rigueur. Avant d’accepter quoi que ce soit, il est indispensable decomprendre la méthode, et cela ne peut se faire que sur la base de simulations.

En quoi le contrôle doit-il être contradictoire?

Pendant les opérations matérielles de vérification, un échange peut s’ins-taurer entre l’entreprise et l’inspecteur mais son absence n’est pas, en tantque telle, censurée par la Cour de cassation. Il suffit de ne pas priverl’entreprise de ses moyens de défense futurs.

Seule l’obligation de communiquer à l’employeur les observations faites aucours du contrôle constitue le moyen de donner un caractère contradictoireà l’enquête et de sauvegarder les droits de la défense (cass. soc. 21 juin 1973,Bull. civ. V, p. 370, n˚ 411; 27 mai 1993, RJS 7/93 n˚ 789).

Il fut même un temps où la Cour de cassation déniait tout caractère contra-dictoire à la phase active de contrôle (cass. soc. 24 juin 1993, n˚ 2427 P, RJS 8-9/93 n˚ 909) et aux notifications intermédiaires (cass. soc. 27 février 1997,n˚ 1045 P, CPAM de Lille et autres c/ Sté La Mondiale et autres, RJS 5/97 n˚ 605).Leur caractère non contradictoire n’invalidait pas le contrôle. Ce tempssemble bien révolu lorsqu’on l’examine à l’aune de la jurisprudence Adecco(voir ci-dessus). Désormais, la phase de vérification devient contradictoire,

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et le premier acte contradictoire qui s’y rapporte est l’avis de passage (voirpp. 21 et s.).

Il n’en demeure pas moins que la lettre d’observations ouvre un processusde discussion contradictoire pendant trente jours au terme duquel le coti-sant aura fait valoir ses arguments et l’inspecteur les aura étudiés. Il pourraalors arrêter sa position de redressement.

Dans cet esprit, la Cour de cassation s’attache à vérifier qu’au terme ducontrôle la lettre d’observations adressée par l’Urssaf a correctement per-mis au cotisant de présenter des moyens de défense éclairés (voir pp. 86et s.).

Désormais, ce contrôle juridictionnel permet de sanctionner des manque-ments graves intervenus tant au cours de la vérification qu’au cours de lapériode de notification des observations car la conduite des opérationsinternes et postérieures au contrôle ne doit pas entraver l’exercice desdroits de défense que le cotisant tirera ultérieurement de la mise endemeure (voir pp. 124 et s.).

Si la formalité de la communication a été accomplie, l’employeur estinformé des omissions et erreurs qui lui sont reprochées, et il est en mesurede répondre aux observations de l’agent de contrôle.

Quelles évolutions du pouvoir des inspecteurs?

Au gré des changements de majorité, le rôle des Urssaf a été soit développé, soitplus contenu.Il n’en demeure pas moins que les extensions acquises restent extrêmementimportantes.Les inspecteurs du recouvrement de l’Urssaf sont aujourd’hui des «supercontrôleurs». Ils peuvent connaître la totalité des situations individuelles de tra-vail, tous les contrats de prestations de services et, depuis quelque temps, bonnombre de droits collectifs des salariés (accords et conventions collectives). Il n’ya plus guère, à ce jour, que l’hygiène et la sécurité qui leur échappent encoretotalement. Fort heureusement une tendance moins ambitieuse se dessine aujourd’hui quireplace l’inspecteur d’Urssaf au cœur de la réglementation de Sécurité sociale etnon au cœur du droit du travail. Le mécanisme des nouvelles exonérations portela marque de cette nouvelle tendance.

En un clin d'œil

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On constate une extension naturelle des missions des inspecteurs : contrôledes droits à exonération de plus en plus complexe (entraînant contrôle de larédaction et du dépôt des contrats particuliers), contrôle de l’assiette mini-male, requalification des honoraires en salaires, accords d’intéressement etde participation, accords de réduction du temps de travail, contrôle dudomicile fiscal (grands déplacements et assujettissement à la CSG-CRDS).

À s a v o i r :

Les paragraphes qui suivent n’ont pas pour finalité de traiter de l’assiettedes cotisations mais d’illustrer, au travers de quelques exemples, l’extensioncontinuelle du pouvoir des inspecteurs.

Cette extension est mal acceptée chaque fois qu’elle permet à des inspec-teurs d’Urssaf peu familiarisés au droit du travail de contrôler toujours plusl’application du Code du travail et des conventions et accords collectifs1.

Toutefois, ce processus semble aujourd’hui avoir atteint ses limites : ils’infléchirait plutôt dans le sens d’une meilleure cohérence juridique.

Les extensions

L’assiette minimale

Le texte de référence est l’article R 242-1 alinéa 6 du Code de la Sécuritésociale.

Le montant des rémunérations à prendre pour base de calcul des coti-sations en application des alinéas précédents ne peut être inférieur, enaucun cas, au montant cumulé, d’une part, du salaire minimum decroissance applicable aux travailleurs intéressés fixé en exécution de laloi n˚ 70-7 du 2 janvier 1970 et des textes pris pour son application et,d’autre part, des indemnités, primes ou majorations s’ajoutant auditsalaire minimum en vertu d’une disposition législative ou d’une dispo-sition réglementaire.

1. Concernant le travail dissimulé, les pouvoirs des inspecteurs sont traités aux pages282 et suivantes.

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Rappelons en préalable que le principe est de conditionner le recouvrementdes cotisations au versement des salaires (C. Séc. soc. art. R 243-6). L’Urssafa donc le pouvoir de réclamer des cotisations sur des sommes versées. Teln’est plus le cas lorsqu’un redressement est opéré sur la base de l’assietteminimale : par ce biais, des sommes non versées vont être appréhendéesdans l’assiette des cotisations. Il s’agit donc d’un pouvoir dérogatoire quidoit être interprété strictement.

Avantages légaux non versés

Le SMIC fait l’objet de toutes les attentions des inspecteurs. Il en est demême des garanties minimales de salaires découlant des accords de réduc-tion du temps de travail.

S’agissant des majorations légales, les principales s’ajoutant au SMIC sontactuellement les majorations pour heures supplémentaires prévues à l’arti-cle L 212-5 du Code du travail. Les inspecteurs peuvent les redresser. Tou-tefois, leur décompte et la verbalisation relative à la durée du travailrépondant à un formalisme strict devraient rester dans le champ exclusif decompétence des inspecteurs du travail (C. trav. art. L 611-10 al. 3).

D’autres avantages légaux (indemnités ou primes) non versés parl’employeur peuvent également donner lieu à redressement. Ainsi,l’employeur, tenu de verser un accessoire de salaire prévu par la loi, nepeut se prévaloir de sa carence pour acquitter les cotisations de Sécuritésociale sur une base n’incluant pas cet accessoire – peu importe que lesrémunérations versées aux salariés concernés aient été supérieures au SMIC.En conséquence, une Urssaf est fondée à opérer un redressement à raisond’indemnités de fin de mission non versées à des travailleurs intérimaires(cass. soc. 1er février 1996, n˚ 412 P, BC V n˚ 40, RJS 5/96 n˚ 593).

Ce même raisonnement est applicable pour une indemnité de fin de contratà durée déterminée non versée (cass. soc. 16 mars 1995, n˚ 1236 D), uneindemnité compensatrice de congés payés non allouée (cass. soc. 8 novembre1990, n˚ 4120 D).

Notons enfin un arrêt d’espèce (cass. civ. 18 novembre 2003, pourvoi n° 02-30250, Légifrance) qui valide le redressement opéré sur des contributionsd’assurance exigibles en fin d’année N mais versées au cours de l’annéeN+1 et incluses dans un contrôle ne comprenant pas N+ 1. La cour constateau vu des règles d’exigibilité des primes d’assurance que la présentation derattachement à l’année N avait été faite par l’entreprise en cours de contrôle.

Quand l’URSSAF vous contrôle

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Avantages réglementaires non versés

Aucune jurisprudence n’a, à notre connaissance, traité d’avantages unique-ment réglementaires, mais il ne fait aucun doute que l’Urssaf serait compé-tente pour les redresser.

Avantages conventionnels mal pris en compte

Les avantages conventionnels ne sont pas de ceux que les Urssaf ont com-pétence à vérifier et à redresser… sauf s’ils ont été étendus par le ministredu Travail à tous les employeurs compris dans leur champ d’application,car ils deviennent alors «réglementaires».

Rappelons, par comparaison, que le Code du travail prévoit expressémentdepuis la loi du 13 novembre 1982 (article L 611-1) que l’Inspection du tra-vail est chargée de veiller à l’application de l’ensemble des conventions etaccords collectifs de travail. Avant l’adoption de ces dispositions légales,leur compétence était limitée aux seules conventions ayant fait l’objet d’unarrêté d’extension. En l’absence de dispositions similaires concernant lesagents des Urssaf, le contrôle des inspecteurs de ces organismes est donclimité aux conventions et accords étendus. Par ailleurs, le contrôle del’Urssaf ne peut porter que sur le respect des obligations conventionnellespostérieures à l’arrêté d’extension.

Sur cette base, l’Urssaf peut redresser des minima conventionnels et desprimes d’ancienneté dès lors que ces avantages relèvent de conventionscollectives étendues (cass. soc. 21 juillet 1986, BC V n˚ 428). Il imported’ailleurs peu que le salarié ait accepté sa rémunération (cass. soc. 8 juin1988, BC V n˚ 344, JCP 1988 II 21227, note G. Vachet) ou que le SMIC soit res-pecté (cass. soc. 1er février 1996, BC V n˚ 40 précité au titre des avantages légaux)dès lors que la comparaison s’effectue sur l’ensemble des éléments versés(cass. soc. 28 juin 1989, BC V n˚ 476).

En revanche, un simple usage est insuffisant à justifier tout redressementsur le fondement de l’assiette minimale (cass. soc. 8 juin 1988, n˚ 2111 P,Carrasco c/ Urssaf du Calvados).

Modalités de contrôle de l’assiette minimale

L’assiette minimale doit être respectée mois par mois. Cela résulte tant dela jurisprudence que de la doctrine administrative (cass. soc. 3 juillet 1985,BC V n˚ 397; 7 mai 1991 n˚ 1803 D; instr. Acoss 75-3 du 13 février 1975 et circ.min. du 29 juillet 1981).

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Les pouvoirs des inspecteurs pendant le contrôle

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Les primes d’intéressement et de participation, les abondements divers

Les contrôles de ces avantages ont nécessairement conduit les inspecteurs às’immiscer dans le Code du travail, comme les litiges nombreux et trèsdivers l’ont montré.

La loi des accords, leur dépôt, les calculs et modalités de répartition de laparticipation ou de l’intéressement, le nombre et la qualité des bénéficiai-res, les critères de non-substitution au salaire ont ainsi été examinés etredressés par les inspecteurs.

Il a d’ailleurs fallu une loi, celle sur l’épargne salariale (loi n˚ 2001-152 du19 février 2001, art. 11-II-2˚), pour mettre un coup d’arrêt à des contrôlestatillons et coûteux et valider les exonérations attachées aux accords d’inté-ressement régulièrement déposés sans réaction de la DDTE, au terme dequatre mois.

Les contrôles Aubry

Les lois Aubry I mais surtout Aubry II ont encore élargi le pouvoir desinspecteurs : outre le contrôle de l’existence et de la régularité des Cerfad’entrée, les inspecteurs d’Urssaf ont, un temps, eu compétence pour parti-ciper à la vérification de la conformité des accords de RTT (réduction dutemps de travail) et de leurs modalités de conclusion, pour examiner lasituation des cadres, s’interroger sur le quantum des heures supplémentai-res, des contreparties d’embauche et, bien entendu, contrôler le mécanismede la garantie minimale de maintien du SMIC. Certes, un va-et-vient pouvaits’instaurer avec l’Inspection du travail et la Direction départementale dutravail mais il s’agissait néanmoins d’une profonde mutation des domainesde compétences naturelles des inspecteurs d’Urssaf.

Un coup d’arrêt aux extensions en cours?

Fort heureusement, la nouvelle exonération Fillon remet les inspecteursUrssaf dans un rôle plus conforme à leur mission : fi de la vérification desaccords, de la qualité de cadre autonome, du contrôle de la durée du travailcar la nouvelle exonération a vocation à être déconnectée de toute réduc-tion du temps de travail.

Quant au dispositif de soutien à l’emploi des jeunes en entreprise (loin˚ 2002-1095 du 29 août 2002, décret n˚ 2002-1163 du 13 septembre 2002), ils’agit d’un remboursement par l’État via les Assedic, ce qui devrait laisserun champ d’investigation moindre aux Urssaf.