24
www.educationsante.be 243 La prévention, du modèle magico-religieux au modèle contractuel Un mensuel au service des intervenants francophones en promotion de la santé Mars 2009 Ne paraît pas en août | Bureau de dépôt: Bruxelles X - ISSN 0776-2623 | Numéro d’agréation: P401139 Editeur responsable : Jean Hermesse, chaussée de Haecht 579 - boîte postale 40 - 1031 Bruxelles. Crédit photo : Isopix.

Mars 2009 243 - Education Santé

  • Upload
    others

  • View
    1

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

www.educationsante.be

243

La prévention,du modèle magico-religieux au modèle contractuel

Un mensuel au service des intervenants francophones en

promotion de la santé

Mars 2009

Ne paraît pas en août | Bureau de dépôt: Bruxelles X - ISSN 0776-2623 | Numéro d’agréation: P401139

Editeur responsable : Jean Hermesse, chaussée de Haecht 579 - boîte postale 40 - 1031 Bruxelles. Crédit photo : Isopix.

IntroductionAu cours des dernières années, plusieurs voixse sont élevées pour nous annoncer lasurvenue probable d’une pandémied’influenza. De fait, des signes avant-coureursconfirment cette crainte. En effet, depuis 1996,plusieurs cas d’infection par le virushautement pathogène de l’influenza aviaire(H5N1) se sont déclarés à travers le monde. Cescas se sont produits surtout en Chine et enAsie, mais ailleurs aussi, notamment enEurope, au Moyen Orient et en Afrique.Même si des souches du virus ont d’abord ététrouvées chez des animaux, des oiseaux etde la volaille principalement, depuis 1997, denombreux cas de contamination mortelleont été recensés chez l’humain, confirmantainsi le taux élevé de létalité du virus 1. À cescas résultant d’une contamination par leH5N1 se sont ajoutés d’autres cas mettant encause d’autres formes du virus de l’influenzaaviaire, notamment le H9N2, le H7N7 et leH7N3. Étant donné l’étendue géographiquede la transmission du virus de l’influenzaaviaire, son pouvoir pathogène et les cas detransmission chez l’humain, la menace d’unepandémie est jugée réelle et potentiellementtrès néfaste par l’OMS 2.Selon les experts internationaux, ces donnéesinquiétantes sont en outre renforcées par l’ap-parition récurrente de pandémies grippalesau siècle dernier (grippe espagnole en 1918,grippe asiatique en 1957 et grippe de Hong-Kong en 1968). Pour eux, cette situation laissecroire que cette menace est maintenant à nosportes et que ses conséquences sur la santé,l’économie et la stabilité des populationsseront extrêmement significatives.

En réponse au défi que représente, sous ses dif-férentes formes, le virus de l’influenza pour lesautorités responsables de la santé publiquepartout dans le monde, beaucoup d’Étatsmembres de l’OMS ont décidé de mettre enplace un certain nombre de mesures visant àprévenir et à combattre une éventuelle pan-démie. L’ensemble de ces mesures est circons-crit à l’intérieur des différents plans nationauxproduits, dans chacun des pays, par lesagences ou les ministères chargés de la pro-tection du public en cas d’alerte pandémique 3.Dans leur élaboration, ces mesures, qui agi-ront à différents niveaux (planification, coor-dination, surveillance, évaluation, prévention,endiguement, soins et communication), lais-sent pourtant peu de place aux citoyens dits« ordinaires » ou « profanes ». Ceux-ci en sontle plus souvent réduits à n’être que les exécu-tants d’une stratégie d’intervention du « hautvers le bas », c’est-à-dire pensée et mise enœuvre uniquement par les décideurs et lesexperts en santé publique 4.L’organisation, du 11 au 13 avril 2008, d’un ate-lier de dialogue citoyen sur la pandémie d’in-fluenza par les membres du Groupe derecherche en bioéthique (GREB) de l’Universitéde Montréal a permis d’inverser la perspec-tive. L’équipe du GREB a voulu savoir quellepourrait être la contribution d’un groupe decitoyens venant d’horizons divers s’ils étaientinvités à participer à l’élaboration des plansde lutte contre la pandémie d’influenza. Dansun premier temps, cet article explique briève-ment l’organisation et le déroulement de l’ate-

INITIATIVES

Contribution des citoyens à l’élaboration des plans de luttecontre la pandémie d’influenzaÉchos d’une expérience québécoise sur la participation citoyenne

2 | ÉDUCATION SANTÉ 243 | MARS 2009

lier, puis résume, dans le tableau 1 (pointssaillants, voir page 4), le résultat des discus-sions entre les citoyens. La conclusion fait res-sortir quelques leçons que les auteurs de cetarticle croient devoir tirer d’un tel exercice.

Organisation et déroulement de l’atelier de dialogue citoyenLe processus de consultation des citoyens –appelé « atelier de dialogue citoyen » –, s’estdéroulé sur deux jours et demi consécutifs.Une quinzaine de citoyens venant d’horizonsdivers y ont participé. Ils ont été recrutés àl’aide de journaux montréalais, d’affiches pla-cées dans des endroits publics et de réseauxde courriels. Ces citoyens ne devaient pasnécessairement posséder de connaissancesspécifiques sur le sujet et ne devaient préfé-rablement pas être membres d’un grouped’intérêt directement lié au sujet.Avant le début de l’atelier, les participants ontreçu par la poste un document d’introductioncontenant des informations de base sur lanature d’une pandémie d’influenza. L’atelier s’estamorcé par l’accueil des participants, par la pré-sentation du projet et par un exposé général surdes concepts clés liés à la pandémie. Par la suite,les citoyens ont pu discuter et dialoguer surquatre thèmes en lien avec le sujet.Chaque session de l’atelier, d’une demi-jour-née par thème, a débuté par une présentation,faite par un expert, et visant à transmettre auxparticipants des informations à la fois justeset accessibles sur chacun des thèmes. Les pré-sentations, d’une durée de trente à quarante-cinq minutes chacune, ont été suivies d’unecourte période de questions et ensuite d’unediscussion entre les citoyens 5. Afin d’encadreret de stimuler les échanges, une profession-nelle de la communication a agi à titre demodératrice tout au long de l’atelier. Elle devaitfaire preuve de neutralité et favoriser l’impli-cation active de tous les participants.

1 WHO. H5N1 avian influenza : Timeline of major events (30July 2007). Geneva : World Health Organization; 2007.

2 WHO/Department of Communicable Disease, Surveillanceand Response. WHO consultation on priority public healthinterventions before and during an influenza pandemic.Geneva : World Health Organization; 2004. Disponible àhttp://www.who.int/csr/disease/avian_influenza/final.pdf.Accès le 22 décembre 2008.

3 Notre équipe a étudié 24 plans de lutte contre la pandémied’influenza produits à l’échelle internationale. Il s’agit desplans de l’OMS, de l’Australie, de la Belgique, du Brésil, duBurkina Faso, du Canada, du Chili, de la Chine (Hong Kong),de la République tchèque, de la France, de l’Allemagne, del’Italie, du Japon, de la Corée du Sud, de la Nouvelle-Zélande,des Pays-Bas, de la Norvège, des Philippines, de la Suède, dela Suisse, de la Thaïlande, du Royaume-Uni, des États-Unis etdu Vietnam.

4 Y. Farmer, M-E. Bouthillier, M. Dion-Labrie, C. Durand, H.Doucet, « Public Participation in National Preparedness andResponse Plans for Pandemic Influenza : Toward an EthicalValorization of Public Health Policies », 2008, article soumis. 5 L’équipe du GREB a enregistré puis retranscrit ces discussions.

Les thèmes sélectionnés pour l’atelier étaientles suivants : processus de décision et commu-nication, pouvoirs de l’État et liberté descitoyens, organisation des soins et des serviceset enfin rôle de la génomique.Ces thèmes ont été choisis suite à l’analyse dedivers plans nationaux de lutte contre unepandémie 6. De plus, il est à noter que lesmembres de l’équipe du GREB ont défini cesthèmes en collaboration avec un « comité avi-seur » qui a chapeauté et veillé au bon dérou-lement du projet en s’assurant que l’ensembledu processus était objectif, impartial, trans-parent, et que l’information fournie était véri-dique.Les trois premiers thèmes ont en commun deconcerner de près les citoyens et de susciterde nombreux questionnements sur le planéthique. Quant à l’étude du rôle de la géno-mique en temps de pandémie, elle a égale-ment permis une approche prospective desquestions éthiques, car selon certains experts,dans les prochaines années, la santé publiquepourrait faire davantage appel à la géno-mique pour mieux cibler ses interventions 7.Par ailleurs, l’équipe du GREB a choisi pourcette activité de ne pas mettre l’emphase surcertains enjeux d’importance, comme l’éta-blissement de priorités pour l’allocation desvaccins ou des lits, puisque que ceux-ci ontdéjà été l’objet de recherches ailleurs dans lemonde 8.

Synthèse des discussionsLa synthèse qui suit rapporte, sous la formede points saillants, les principaux élémentsqui ont émergé des discussions entre les par-ticipants à l’atelier. L’ensemble de ces infor-

mations sont regroupées par thème dans letableau de la page 3.

Commentaires des résultatsAu départ, il est ressorti clairement des discus-sions que les citoyens possédaient peu deconnaissances au sujet de la pandémie d’in-fluenza et des plans pour y faire face. D’ailleurs,plusieurs citoyens ont affirmé qu’ils étaientvenus pour s’informer plutôt que pour contri-buer à l’élaboration d’un plan de lutte contrela pandémie.

Par contre, au terme de cet atelier, il étaitimpressionnant de constater à quel point lescitoyens peuvent assimiler rapidement lesdifférents aspects (scientifiques, éthiques,sociaux et légaux) d’un enjeu aussi complexe.Ainsi les autorités doivent savoir qu’elles peu-vent compter sur l’intelligence collective descitoyens, même lorsque ceux-ci font face àdes problèmes pour lesquels ils ne sont pasdes spécialistes.Cependant, les citoyens ne veulent pas nonplus remplacer les experts. Ils espèrent simple-ment pouvoir agir localement et devenir lespartenaires à part entière d’un processus dedécision plus collégial. Les citoyens saventqu’ils n’ont pas toutes les connaissances néces-saires. Ils font confiance aux experts. Unemajorité de citoyens se sont d’ailleurs déclarésprêts à accepter que des priorités soient déter-minées d’« en haut » par les autorités.Mais certaines propositions concrètes faitespar les participants lors de l’atelier montrent

MARS 2009 | ÉDUCATION SANTÉ 243 | 3

clairement que les citoyens possèdent unsavoir complémentaire qu’ils souhaitentmettre à contribution. Par conséquent, ils neveulent pas être réduits au rôle de simplesexécutants.En situation d’urgence, les autorités jugent qu’ilest parfois nécessaire d’imposer des règles à lapopulation. C’est l’approche du haut vers le bas(top down en anglais). Pourtant, étant donnéleur insertion dans des milieux socioprofession-nels divers, les citoyens ont affirmé à maintesreprises, et de différentes façons, que la sommede leurs connaissances et de leurs expériencespouvait être utilisée pour renforcer l’efficacitédes mesures de santé publique.Les plans ont une portée et une visée très géné-rales, mais leur mise en application exige laprise en compte des contextes et des situa-tions particulières au sein des populations. Ence sens, les citoyens ont souligné qu’ils avaient,par leur place au sein de la société, la capacitéd’être des « relayeurs d’information » et qu’ilspouvaient, à leur échelle, initier certaines déci-sions. Cette volonté d’une prise de conscienceplus aiguë des particularités locales des popu-lations s’est aussi manifestée chez certains àtravers leur souci pour les communautés plusvulnérables, celles qu’il est parfois plus difficilede joindre par des moyens ordinaires de com-munication : les immigrants, les démunis, lesjeunes ou les personnes âgées. Il importe donc,ont-ils dit, de « démocratiser » l’information,c’est-à-dire de la rendre accessible par diffé-rents moyens, traditionnels (télé, radio, jour-naux) ou non (blogues, documents visuels oumultilingues, etc.).Le consensus qui s’est développé au sein dugroupe de participants tourne autour d’uneresponsabilisation accrue des citoyens par lamise en place d’une culture de sécurité civile.Il s’agit ici de rapprocher le pouvoir décision-nel du lieu d’émergence des problèmes.L’établissement d’une culture de sécurité civileexige d’abord que chaque citoyen prenneconscience :ı des risques présents dans son milieu;ı de la nécessité de se prémunir et de se pré-

parer face à ces risques;ı de l’importance d’investir des ressources

humaines et financières à cette fin;ı de la nécessité de prendre ses responsabi-

lités à l’égard de ces risques;

Dans les plans nationaux que nous avons étudiés, on reconnaît

généralement que le respect de l’autonomie et de la dignité despersonnes doivent être des valeursprééminentes en santé publique.

Cela étant, il faut alors se demandersi ces valeurs n’impliquent pas la

mise en place de mécanismes, dansles stratégies de communication

par exemple, par lesquels la paroleet l’action citoyennes peuvent être

intégrées aux processus décisionnels.ı

6 Supra, note 4.7 A. Brand et al. 2006. « Getting ready for the future : intergra-

tion of genomics into public health research, policy andpractice in Europe and globally », Community genetics : 9 :67-71.;M.J. Khoury et al. (eds). 2000. Genetics and PublicHealth in the 21st Century : Using genetic information toimprove health and prevent disease. New York : OxfordUniversity Press.

8 The Keystone Center. 2007. The Public Engagement Project onCommunity Control Measures for Pandemic Influenza.Keystone : The Keystone Center; Ekos. 2006. The Use ofAntivirals for Prophylaxis : Deliberative Dialogue Process.Ottawa : Ekos Rsearch Associates; Pandemic InfluenzaWorking Group. 2005. Stand on Guard for Thee : EthicalConsiderations in Preparedness Planning for PandemicInfluenza. Toronto : University of Toronto Joint Center forBioethics; The Public Engagement Pilot Project on PandemicInfluenza. 2005. Citizen Voices on Pandemic Flu Choices.Lincoln (USA): Public Policy Center, University of Nebraska.

4 | ÉDUCATION SANTÉ 243 | MARS 2009

Tableau 1 - Points saillants relatifs aux thèmes de l’atelier

Ouverture de l’atelier

ı Globalement, lescitoyens font ressortir lemanque d’informationet de transparence desautorités au sujet de lapandémie d’influenza.ı Ils croient que lemanque d’informationne permet pas d’évaluerles risques réels et faitcourir le risque d’unepanique généralisée etd’une possible désolida-risation.ı Ils affirment que la res-ponsabilité individuelleet la solidarité dans l’ap-plication des mesuresd’urgence sont néces-saires à la mise enœuvre efficace desplans.ı Ils estiment que lesobjectifs de responsabi-lité et de solidarité énon-cés précédemmentexigent un travail sur lesmentalités, et donc lamise en place d’une cul-ture collective de sécu-rité civile.ı Certains citoyens souli-gnent la nécessité d’unregard critique afin demettre au jour les tenta-tives de manipulationde l’opinion publique.ı Les citoyens question-nent la place et l’in-fluence réelles qu’ilspeuvent avoir dans desplans dont la structureest du haut vers le bas(top down).

Processus de décision et communication

ı Les citoyens ne veulent pasjouer le rôle des experts. Ils veu-lent cependant être informés etoutillés pour agir à leur niveau.ı Ils disent vouloir des planslocaux qui sont le prolonge-ment des plans nationaux.ı Ils affirment qu’il faut amé-liorer et démocratiser le pro-cessus de communicationavant et pendant la pandémie.ı Pour une communicationplus efficace qui rejoint toutesles couches de la population,ils recommandent l’utilisationsystématique, dans plusieurslangues, de différents médias,notamment la télévision et laradio.ı Ils recommandent égale-ment l’utilisation de médiasalternatifs comme les bloguesou les CDs interactifs qui sontplus susceptibles d’atteindrecertaines clientèles.ı Ils indiquent qu’il faut desmessagers crédibles auprès dela population, et parmi euxdes leaders bien connus dansleurs communautés.ı Ils pensent que les processusde communication trop « for-matés » peuvent avoir un effetpervers sur la confiance de lapopulation envers les autorités.ı D’une manière générale, ilsse perçoivent comme desagents et des relayeurs d’infor-mations dans le processus decommunication.ı Ils souhaitent que les autori-tés créent des partenariatsavec des membres de lasociété civile (aînés, syndicats,etc.) pour que ceux-ci ajoutentà la force d’intervention pré-vue dans les plans.

Pouvoirs de l’État et liberté des citoyens

ı D’une manièregénérale, lescitoyens acceptentle cadre législatif del’État, mais à diffé-rents degrés.ı Un certainnombre approuvetotalement l’enca-drement législatifde l’État. Ils ontconfiance en lacompétence et laneutralité des déci-deurs.ı D’autres expri-ment quelques réti-cences face auxmesures choisiespar l’État, particu-lièrement au niveaudes soins. Ils souhai-tent plus d’informa-tion afin de choisireux-mêmes les pra-tiques qui leurconviennent.ı Tous les citoyensestiment essentielque de l’informa-tion leur soit four-nie. L’État doitgarantir une trans-parence et une neu-tralité dans seschoix et ses déci-sions.ı Ils soulignent tou-tefois le risqued’abus de pouvoirde l’État.

Organisation des soins et des services

ı Les citoyens jugent essentiell’établissement de critères depriorité pour l’administrationdes soins.ı Certains citoyens reconnais-sent aux experts la responsa-bilité de déterminer lespriorités des soins et services.Ils éprouvent des réticencesface à une consultation descitoyens sur ces questions,mais veulent être informéspour prendre des responsabili-tés à leur niveau.ı Quelques citoyens sont plussceptiques face aux choix desexperts, qui peuvent faire deserreurs. Ils aimeraient que lescitoyens aient une place dansces processus de décision.ı Tous les citoyens souhaitentle développement d’une cul-ture de sécurité civile au seinde la population.Ils souhaitent que l’Étatprenne le leadership de cetteculture et utilise les outilsnécessaires pour informer etformer les citoyens.ı Ils proposent de profiter descampagnes d’informationannuelles sur la grippe saison-nière pour préparer et sensibi-liser la population à uneéventuelle pandémie.ı Ils conseillent aussi que l’Étatadapte l’information et utilisedes outils très variés pourrejoindre les différentsgroupes de la société.ı Ils proposent de miser dèsmaintenant sur la formationde bénévoles et autres profes-sionnels, ainsi que de créer desforums de discussion pourl’information et l’implicationdes citoyens.

Rôle de la génomique

ı D’emblée, les citoyenssoulignent le caractèrehypothétique du rôle de lagénomique dans la luttecontre les pandémies.ı Ils trouvent que beau-coup de questions liéesaux possibilités et auxlimites de l’utilisation dela génomique restentsans réponse.ı Ils croient que la géno-mique représente unrisque calculé qu’il vautpeut-être la peine deprendre collectivementpour protéger la santéde la population.ı Certains citoyensjugent qu’en l’absencede données claires surles avantages de lagénomique, il vaut peut-être mieux ne pas enfaire une priorité.ı Ils insistent sur lanécessité d’une protec-tion légale prenant laforme d’un consente-ment limité.ı Ils souhaitent aussi lamise en place de« balises » servant à défi-nir les critères et lesconditions pour desinterventions plusciblées réalisées à l’aidede la génomique.ı Pour rendre les banquesde données génétiquessocialement plus accep-tables, les citoyens propo-sent d’être associés à leurmise en place. Cette ini-tiative pourrait favoriserla crédibilité, l’intégrité etla transparence.

ı de la solidarité entre les personnes.Cette prise de conscience collective devraitpar la suite favoriser davantage des compor-tements responsables en sécurité civile 9. Parexemple, la distribution d’un Guide d’auto-soins 10 au sein de la population a été perçuepar les participants à l’atelier comme unecontribution significative à la création d’uneculture de sécurité civile.

ConclusionL’objectif du GREB était d’examiner la contri-bution possible des citoyens à l’élaborationdes plans de lutte contre la pandémie d’in-fluenza. Dans l’ensemble, notre équipe estimeavoir atteint plusieurs de ses buts. En effet, lescitoyens ont réussi à rapidement saisir lesenjeux, malgré la complexité de ceux-ci, et àproposer des voies nouvelles pour la gestiondes plans de lutte contre la pandémie d’in-fluenza.Cependant, il faut admettre que d’autresobjectifs n’ont pas été atteints. Ainsi, peut-être à cause de problèmes de communica-tion, certains experts comprenaient mal lesobjectifs que nous visions lors de l’atelier; ilsauraient voulu que les participants à l’atelierévaluent le contenu des plans qu’ils ont éla-borés en tant qu’experts. Ils ont mal saisinotre motivation principale qui était de voircomment les citoyens voyaient leur proprecontribution à l’élaboration des plans.Il aurait également été souhaitable que legroupe des 15 citoyens qui ont participé àl’atelier soit plus représentatif de la diversitéde la société québécoise actuelle. À cetégard, nous constatons qu’il est difficile derejoindre certaines parties de la populationpour ce genre d’activité. Le format de l’ate-lier, qui se déroulait sur un seul week-end,n’a pas permis aux citoyens de laisser mûrirleurs réflexions, comme cela peut se fairelors d’une conférence de consensus qui

s’étend sur plusieurs week-ends. Mais enmême temps, les connaissances qu’ils ontacquises en un si court laps de temps indi-quent qu’il est possible de faire beaucoup,en peu de temps et avec peu de moyens.Enfin, nous avons constaté aussi que lescitoyens avaient parfois de la difficulté à semettre dans la peau de ceux qui conçoiventles plans. Étant donné les aptitudes qu’ils ontmanifestées par ailleurs, cela démontre qu’ilfaut peut-être simplement poursuivre le dia-logue entre les experts et la population.En fin de compte, il est clair pour les membresde notre équipe que l’analyse de plans delutte contre la pandémie d’influenza et l’ate-lier citoyen soulèvent des enjeux éthiquesd’importance, mais trop souvent ignorés ensanté publique. Dans les plans nationaux quenous avons étudiés, on reconnaît générale-ment que le respect de l’autonomie et de ladignité des personnes doivent être desvaleurs prééminentes en santé publique. Celaétant, il faut alors se demander si ces valeursn’impliquent pas la mise en place de méca-nismes, dans les stratégies de communica-tion par exemple, par lesquels la parole etl’action citoyennes peuvent être intégréesaux processus décisionnels.La vision de l’autonomie qui point ici n’estdonc pas limitée à la réduction des mesurescoercitives, ce qui correspond à une défini-tion négative de l’autonomie. Elle vise au fondà l’action responsable et solidaire de tous lescitoyens, qu’ils soient experts ou profanes. Ils’agit donc pour nous de mettre en avant unevision positive de l’autonomie.

MARS 2009 | ÉDUCATION SANTÉ 243 | 5

En outre, il apparaît raisonnable de présu-mer que la participation active des citoyensviendra renforcer les valeurs de confianceet de transparence qui sont désignéescomme fondamentales dans les stratégiesde communication conçues par les autori-tés internationales dans leur lutte contre lapandémie d’influenza. À l’inverse, une com-munication trop « formatée » et trop exclu-sivement télégraphiée d’« en haut » par lesdécideurs et les experts risque de susciterla méfiance et de laisser aux citoyens uneimpression de bureaucratisation d’un pro-blème qui, en fait, les touche et les concernetous, sans égard pour leur origine ni pourleur statut socioéconomique.La participation citoyenne, par les solidaritéset le dialogue qu’elle contribue à installerentre les décideurs, les experts et la popula-tion en général, ajoute à la valeur éthique desinterventions en santé publique. À travers lerespect de l’autonomie et de la dignité despersonnes qu’elle véhicule, la participationcitoyenne répond également à des intérêtspratiques qui ont trait autant à des questionsde santé et d’éducation, qu’à des impératifsde bonne gouvernance et d’émancipationdes communautés.

Yanick Farmer, Cécile Durand, Marianne Dion-Labrie, Marie-Eve Bouthillieret Hubert DoucetAdresse des auteurs : Groupe de recherche enbioéthique, Université de Montréal, CP 6128,succ. Centre-Ville, Montréal (Québec), H3C 3J7,Canada. Courriel : [email protected].

9 Cette définition et ses principaux éléments sont fournis parle Ministère de la sécurité publique du Québec. Disponibleen ligne à l’adresse suivante :http://www.msp.gouv.qc.ca/secivile/secivile.asp ?txtSection=apercu&txtCategorie=pnsc. Accès le 18 janvier 2009.

10 Dans le contexte d’une lutte éventuelle contre la pandé-mie d’influenza, le domicile familial est conçu comme lepremier lieu d’intervention. C’est pourquoi le gouvernementdu Québec a produit un Guide d’autosoins qui est actuelle-ment disponible en ligne à l’adresse suivante :http://www.opiq.qc.ca/pdf/divers/Guide_auto-soins_Prélim_juin2007.pdf. Accès le 22 décembre 2008.

© Fo

tolia

L’entrée des fumeurs dans un monde sanstabac passe par un chemin difficile. Desentretiens avec des soignants et des patientsen montrent les chausse-trappes.Dans le cadre du Plan wallon sans tabac, laFédération des maisons médicales a lancé en2007 un appel invitant les maisons médicalesà travailler autour du tabagisme. L’objectifétait de stimuler et soutenir le développe-ment d’activités relatives à cette probléma-tique selon deux volets : d’une part, enorganisant une action montrant qu’il existediverses démarches d’accompagnement despersonnes qui souhaitent arrêter de fumer,dans la maison médicale et à l’extérieur;d’autre part, en recueillant des témoignagesde patients et de soignants pour mieux com-prendre la problématique du tabagisme etdu sevrage, et pour engager les profession-nels dans une réflexion sur leurs pratiques.Quinze maisons médicales de la Région wal-lonne ont monté des projets, avec un soutienfinancier de la Région wallonne : six dans larégion de Liège, quatre dans la région deNamur-Brabant wallon, et cinq dans la régionde Charleroi. Chaque équipe a réalisé uneaction concrète et recueilli les témoignagesde cinq patients et de deux soignants.Ce projet a permis de créer diverses synergies àtravers des réunions et des temps de réflexion.En mai 2008, une après-midi d’échanges anotamment été organisée en collaboration avecl’Intergroupe liégeois des maisons médicales(IGL). Lors de cette rencontre, le Programmed’Expérimentation en Promotion de la Santé(PEPS) de l’IGL a proposé aux équipes un dispo-sitif interactif visant à susciter réflexions etéchanges dans la salle d’attente lors de la jour-née mondiale sans tabac qui avait lieu quelquesjours plus tard, le 31 mai; le groupe préventionde l’IGL a évoqué la question, plus technique, del’encodage du tabagisme dans le Dossier santéinformatisé; les équipes ont parlé des projetsqu’elles avaient réalisés, et l’Espace PromotionSanté de la Fédération des maisons médicalesa présenté l’analyse des entretiens recueillis.

Dans cet article, nous présentons les lignesdirectrices de cette analyse.

Méthodologie du recueil de témoignagesLes travailleurs des maisons médicales ontréalisé des entretiens qualitatifs en face à faceauprès de soignants et patients recrutés surbase volontaire. Cette implication des tra-vailleurs dans l’enquête, propre à la recherche-action, peut bien sûr engendrer des biais; maiselle a aussi renforcé l’intérêt des soignantspour la problématique, et leur a donné l’occa-sion de dialoguer d’une manière inhabituelleavec les patients, leur permettant ainsi demieux percevoir ce que ceux-ci ressentent, etde jeter un regard critique sur leurs pratiques.Nous leur avions bien sûr proposé une aide :mise au point d’un guide d’entretien semi-dirigé pour chaque groupe, et organisationd’une formation à la conduite de ce type d’en-tretien.Le guide d’entretien destiné aux patients visaità cerner différents éléments : le rapport despersonnes au tabagisme, leur situation parrapport à l’arrêt (réalisé, en projet, déjà tenté,pas envisagé...); la manière dont s’étaient pas-sées les éventuelles expériences d’arrêt (moti-vations, difficultés, réussites), leur perceptiondu soutien reçu (de la part de l’entourage, desprofessionnels...) ainsi que leurs souhaits enla matière.Les soignants, eux, étaient invités à expliquerde quelle manière ils accompagnent leurspatients en matière de tabagisme, et à iden-tifier les difficultés, les ressources, les leviersqu’ils avaient pu expérimenter dans ce typede prise en charge.Nous avons reçu 63 témoignages de patientset 16 de soignants (écrits ou enregistrés).Environ 50 % des entretiens ont dû être écar-tés, soit à cause d’une mauvaise qualitésonore, soit parce qu’il s’agissait d’écrits peucomplets ne reprenant que brièvement lesréponses aux questions posées. Tous lestémoignages utilisables ont été analysés sur

Signaux de fuméeLe difficile cheminement du sevrage tabagique

6 | ÉDUCATION SANTÉ 243 | MARS 2009

base d’une écoute ou d’une lecture approfon-die. Dix témoignages (7 patients et 3 soi-gnants) ont ensuite été sélectionnés pour untravail d’analyse plus spécifique (à l’aide dulogiciel d’analyse qualitative QSR - NVIVO): ilsapportaient une réflexion particulièrementriche sur des éléments abordés par l’en-semble des répondants, et certains d’entreeux développaient en outre des aspects nou-veaux. Chaque analyse a été discutée entreles chercheurs signataires de cet article.

Le parcours du combattant

Le sevrage... exigeantComparant le tabagisme aux problèmes liésà l’alcool et aux drogues, plusieurs patientsinsistent sur le fait que le sevrage tabagiqueest une démarche exigeante et complexe, quidoit être suivie au même titre que les autressevrages : « Il ne faut pas banaliser la ciga-rette : c’est le même souci que l’alcool, ladrogue, une dépendance ». « Par rapport à l’ac-coutumance, le fumeur est comme le grandbuveur (...); on croit toujours qu’une cigarettece n’est rien, mais c’est comme celui qui a bu :on dit toujours « un verre et ça ira » puis onconstate qu’en général ça ne marche pas pourles gens qui ont été loin dans l’alcoolisme; ilsfont des rechutes ».Les patients souhaitent que les soignantsprennent la mesure de leurs difficultés etcertains insistent sur la nécessité d’un suivirapproché : « Au niveau des médecins... il nefaut pas banaliser, ne pas dire « c’est facile, ilsuffit de mettre des patchs et ça passe »...Non, c’est plus complexe que ça. Au niveaupsychologique, il faut gérer. Quand j’ai arrêtéj’ai vraiment été bien suivi par mon médecintraitant qui me voyait régulièrement toutesles semaines pour voir comment j’allais... Jefaisais des réactions aux patchs, des cauche-mars la nuit... J’ai vraiment été suivi commequelqu’un sous méthadone par exemple etça, ça m’a beaucoup aidé. Il ne faut pas bana-liser ça, surtout pas ».

Le sevrage... contraignantLes soignants interrogés reconnaissent lesdifficultés du sevrage, et les identifient d’unemanière qui concorde avec ce qu’exprimentles patients : nervosité, stress, prise de poids,difficulté de combler le vide, de modifier seshabitudes, effets secondaires des médica-ments.Il faut parfois aller un peu au-devant d’unedemande, parce que certains patients ne per-çoivent pas que le médecin peut les aider : « Jedonne des conseils. On a aussi notre brochurede soutien. C’est vrai qu’avec cette patiente-là,comme je sentais qu’elle était motivée, j’ai déjàdonné cette brochure, comme elle ne voyait pastrès bien ce qu’on pouvait lui proposer, pour luimontrer un peu ce qui existait déjà, tout en luiexpliquant que j’aurais bien voulu la revoir dansun premier temps moi-même. Même si elleenvisage d’aller voir un tabacologue ou ungroupe de soutien ».

Un travail de longue haleineSi le sevrage est difficile avant tout pour lepatient, l’accompagnement n’est pas non plusde tout repos pour les soignants ! Certainsexpriment leur frustration lorsqu’ils sententque cela n’avance pas beaucoup et qu’il faut« tirer » constamment le patient : «(...) desconsultations qui ne sont pas évidentes et quisont souvent frustrantes parce qu’on à l’impres-sion qu’on n’avance pas beaucoup justement.Ce n’est pas évident parfois d’avoir l’impressionde tirer le patient et qu’il ne suit pas desmasses ». C’est un travail de longue haleine,pour lesquels les soignants manquent detemps : certains pensent qu’il serait néces-saire de proposer des consultations spéci-fiques – et il faut aussi choisir le bon moment :« Je vois un peu comment ça accroche, s’ils sontvraiment prêts à faire quelque chose, à com-mencer à arrêter de fumer, à faire un travail etlà je leur propose alors une consultation, on enparle alors une fois...».Mais la frustration guette : «... et puis la conclu-sion c’est : et bien docteur quand je serai prêt jereviendrai. Ça arrive très souvent ».

Les médicamentsAux yeux de certains soignants, les attentesdes patients vis-à-vis des médicaments sonttrop élevées, et ils négligent le travail person-

nel sur la motivation : « Je pense qu’ils atten-dent souvent beaucoup des médicaments : ilspensent qu’avec ça ils arriveront à arrêter defumer sans vraiment se gonfler, se motiver...« Je vais essayer avec les médicaments »,disent-ils... « Docteur, donnez-moi le nouveaumédicament qui est sorti sur le marché »... ça,c’est parfois dur...».Le médicament n’est pas la solution-miracle,les soignants le savent bien. Mais l’un d’euxestime que, « quand on n’a pas instauré uneprescription, (...) c’est difficile de les suivre parceque soit ils oublient, soit ils ont changé d’avis,soit ils n’ont pas tenu le coup ». La prescription– de substituts nicotiniques ou de médica-ments – doit, rappelons-le, répondre à desindications précises (souvent méconnues), etest inutile pour beaucoup de patients 1; et, sielle vient parfois, comme semble l’évoquerce soignant, rythmer, concrétiser la prise encharge – ou donner au patient le sentimentd’être « vraiment » aidé –, elle ne peut biensûr en aucun cas faire oublier la nécessitéd’un accompagnement psychologique,lequel est d’ailleurs largement souhaité parla plupart des patients interrogés.

Ambivalence et confiance en soiMême lorsqu’ils souhaitent arrêter de fumer,la plupart des patients évoquent le rôle posi-tif que joue la cigarette dans leur vie : c’est unmoyen de se relaxer, de surmonter le stress,elle permet de s’octroyer un moment privilé-gié. Pour certains, la cigarette facilite le contactsocial, elle permet d’avoir confiance en soi etd’engager les conversations... Les soignantssont constamment confrontés à cette ambi-valence.Selon l’état d’esprit du patient face au sevragetabagique, les difficultés rencontrées sont

MARS 2009 | ÉDUCATION SANTÉ 243 | 7

plus ou moins grandes; certaines personnesse font plus confiance que d’autres, elles met-tent en place des stratégies pour surmonterles obstacles et/ou font appel à des profes-sionnels. Par contre, d’autres personnes nevoient pas comment supporter l’arrêt à longterme, elles craignent la récidive qui les met-trait face à un sentiment d’échec, elles se sen-tent vulnérables et démunies face à cettedifficulté et ne se sentent pas le courage, laforce d’affronter ce parcours... « Non ce n’estmême pas une question de motivation, c’estle courage de se dire voilà je suis prête à affron-ter cela ».« On se rend quand même compte que l’onpeut arrêter mais qu’on est sur le fil, c’est vrai-ment à bout de bras et ça peut craquer à toutmoment. On sent cela, on sent la faiblesse, onsent qu’il ne faut pas grand chose ».Des encouragements sont dès lors indispen-sables, et les patients soulignent leur utilité :« Mon médecin m’encourage dans le sens oùelle me dit : il faut du temps à chaque per-sonne, vous il vous faudra peut-être un peuplus longtemps... Mais elle m’encourage parceque j’ai déjà fait énormément d’efforts. C’estvrai qu’à la maison médicale, je me sens quandmême soutenue ».

La motivationLe fait d’avoir des projets personnels est, chezcertaines personnes, une source de motiva-tion importante pour arrêter de fumer : « J’aibesoin de me trouver dans des situationsexceptionnelles comme devenir grand-pèreune deuxième fois, pour de nouveau me direque cela vaut encore la peine de s’occuper plusde soi-même.»Il y a là une piste à saisir pour les soignants :amener le patient à envisager l’avenir, l’aider àpercevoir l’impact du tabagisme sur cet ave-nir. Non pas de manière générale, rationnelle,ou en agitant des menaces de maladie, maisde manière très concrète, à partir de projets,de désirs, auxquels le patient est attaché, quilui donnent envie de vivre en bonne santé, deprendre soin de lui. Une telle démarcheimplique que le soignant s’ouvre à la vie dupatient, et développe une réelle écoute, parceque ce qui motive l’un n’est pas ce qui motivel’autre, les projets sur lesquels il y a moyen des’appuyer peuvent apparaître minimes, peu

Les patients souhaitent que les soignants prennent

la mesure de leurs difficultés et certains insistent sur la nécessité

d’un suivi rapproché.ı

1 Jean Laperche, Axel Roucloux, Jeanine Gailly, LaurenceGalanti, Jacques Dumont et Michel Pettiaux, Mon patientfume, Attitudes du généraliste, 2003.

visibles ou quasi inexistants, particulièrementchez des personnes en grande difficulté – ils’agit de cheminer avec elles, sans faire pres-sion, en étant attentif au petit déclic qui peutfaire bouger les choses à un moment donné.

Un accompagnement différenciéSelon le vécu du patient, son contexte de vie,sa personnalité et la façon dont il affronte lesdifficultés du sevrage, son comportementface au tabac et sa manière de réagir à l’ac-compagnement sont différents. Les soi-gnants insistent sur cette diversité : il n’y a –hélas!? – pas de recette : « Les patients voientleur consommation de tabac et les problèmesqui peuvent y être liés d’une façon très diffé-rente. Les interventions que nous pouvonsapporter vont déclencher des réactions assezdifférentes d’un patient à l’autre ».

Il faut donc adapter le soutien au patientselon son profil. Certains ont besoin d’uneprésence considérable, d’autres souhaitentun soutien plus discret : ils veulent être infor-més et conseillés, mais tiennent à garder unecertaine indépendance... Quelques patients,peu confiants par rapport au monde médi-cal, comptent avant tout sur leurs compé-tences personnelles pour arrêter de fumer.« Plutôt que d’attendre d’aller chez un théra-peute qui m’aide à réfléchir, je pense que je suisaussi capable de filmer ce que j’ai vécu et derepérer par moi-même sans l’aide d’un théra-peute, ni l’aide d’une pilule ce qui a été facileet difficile ».« Qu’ils me laissent prendre ma décision seule,qu’ils n’interviennent pas là-dedans. Cela neles concerne pas, c’est ma vie, c’est ma santé.Cela m’énerve plus qu’autre chose et non ça jene pouvais pas, même de mon médecin trai-tant ».

Ceci rappelle l’importance de reconnaître laliberté de choix des patients, et de soutenirleurs ressources personnelles – tout en res-tant présent : il faut aussi que la personnesente qu’elle peut, si elle rencontre des diffi-cultés imprévues, venir demander un soutienplus important qu’elle ne le voulait au départ,sans démériter...

Le travail sur les représentations,porte d’entrée de l’accompagnementPlusieurs patients parlent de la nécessité d’ef-fectuer un travail sur la représentation qu’ilsse font de la cigarette : ils ont d’abord dûsituer son rôle dans leur vie, pour pouvoirensuite le relativiser. A leurs yeux, une telledémarche est un préalable indispensablepour entamer une démarche de sevrage.Certaines personnes font ce trajet seules,d’autres se font aider, par un livre ou par unprofessionnel; rappelons que les groupes depatients fumeurs, mis en place par certaineséquipes à l’incitation d’Espace PromotionSanté, sont une autre manière de faire ce che-minement.Du côté des soignants, certains accordent beau-coup d’importance aux représentations dupatient, estimant qu’ils doivent les connaîtreafin de soutenir sa démarche : « Il faut voir lesmotivations, pourquoi il fume; cela permetaussi de le lui rappeler par la suite, s’il a un peudifficile à arrêter. Je crois que c’est quelquechose à bien percevoir. Essayer aussi de com-prendre peut-être avant qu’il arrête, essayerde l’aider à voir pourquoi il fume, qu’est-ce quecela lui apporte ? C’est vraiment comme celaque l’on peut les aider à éclaircir un petit peuleur vision par rapport à la cigarette.»D’autres soignants parlent plus globalementde la nécessité de préparer le terrain avant d’ac-compagner le patient par des traitements :connaître les représentations que le patient sefait de lui-même en tant que fumeur permetau soignant d’orienter son discours et d’adap-ter les pistes d’accompagnement. Soulignonsque le médecin traitant est particulièrementbien placé pour accompagner son patient entenant compte de sa personnalité, parce qu’ille connaît bien, et parce qu’il a une vision glo-bale (enrichie par le regard de ses collègueslorsqu’il travaille en équipe).

8 | ÉDUCATION SANTÉ 243 | MARS 2009

Les qualités humaines, pilier de l’accompagnementCertains patient décrivent bien ce que leurapporte le médecin traitant : « Le suivi dumédecin peut vraiment aider parce que toutce que l’on remarque au niveau physique, ilpeut un peu l’expliquer et chez le médecin toutce qui est dit reste au cabinet donc tout ce quiest psychologique est plus facile aussi. On a desréponses au niveau des problèmes physiqueset en même temps au niveau psychologique :on ne peut pas traverser cela tout seul. Lemédecin traitant qui est une référence peuttraverser tout cela avec.»Signalons que le rôle du médecin est rarementdécrit de manière aussi explicite : en fait, peude patients l’évoquent, si ce n’est dans le cadredes informations reçues sur le sevrage ou desprescriptions médicamenteuses. Ils ne sem-blent pas vraiment percevoir le médecin trai-tant comme une personne qui puisse lesaccompagner de manière professionnelledans leur voyage vers une vie sans tabac...Ceci est interpellant : on peut se demander siles médecins eux-mêmes ont conscience durôle qu’ils pourraient jouer, s’ils sont suffisam-ment attentifs aux difficultés rencontrées parleurs patients, s’ils n’ont pas tendance à fairede tout cela une affaire de spécialistes, commepourrait les y inciter l’existence de tabaco-logues...Certains patients décrivent de manière finece qu’ils attendent du soignant qui les accom-pagne dans leur trajet. Ces attentes sontd’ordre relationnel et humain : empathie,absence de jugement, écoute, compréhen-sion, prise en compte de la réalité personnelle,disponibilité – toutes qualités qui font intrin-sèquement partie, d’autres enquêtes le mon-trent, de ce que les patients attendent engénéral de leur médecin (voir les enquêtesmenées à la maison médicale de Barvaux 2 età celle de Forest 3).La disponibilité souhaitée est parfois trèsgrande, comme le montre l’extrait suivant :« Je suis suivie par une tabacologue. Je lui télé-phone deux fois par semaine et donc je lui

2 Delphine Lancel et Jean Laperche, « Enquête sur la participa-tion des patients », Santé conjuguée n°30 p 46-48, 2004.

3 Daniel Burdet, « Enquête de satisfaction des patients au sor-tir des consultations de médecine générale », Santéconjuguée n°39 p 7-15, 2007

« On se rend quand même compte que l’on peut arrêter

mais qu’on est sur le fil, c’est vraimentà bout de bras et ça peut craquer

à tout moment. On sent cela, on sentla faiblesse, on sent qu’il ne faut pas

grand chose ».ı

explique ce qui se passe dans ma tête. Etantdonné qu’elle est tabacologue et psychologueen même temps, elle me donne énormémentde conseils et une fois par mois, je vais la voir.Si un jour je craque ou j’ai envie de craquer, jelui téléphone, j’ai son numéro personnel, je luitéléphone et elle m’aide ».Plusieurs patients trouvent important d’êtresuivis par un soignant lui-même fumeur ouex-fumeur : « ce qui est rassurant, c’est quecette personne fumait, et donc c’est le plusimportant. Si elle n’avait jamais fumé, elle nepourrait pas comprendre. C’est très important.On peut vraiment lui raconter tout ce qu’on res-sent, elle ne va pas faire de jugement ni quoique ce soit, elle va dire c’est normal, je suis aussipassée par là et tout le monde passe par là, c’esttout à fait normal. Elle nous rassure. Je n’ai pasl’air stupide en lui racontant que je pleure sou-vent ces temps-ci à cause du fait que j’arrête lacigarette. J’avais peur de ce qu’elle pourrait diremais elle me dit que c’est tout à fait normal.»

« Pour analyser un fumeur, il faut être soi-même fumeur pour comprendre ce que c’est.Je pense qu’un médecin qui n’a jamais fuméne peut pas dire à son patient du jour au len-demain : il faut arrêter parce que ci ou cela...dans la pratique c’est totalement autre chose.Ce qui est difficile pour les soignants, c’est dene pas comprendre ce que l’on ressent... Onpeut imaginer ce que l’on ressent mais on nepeut pas se mettre à notre place ».Difficile de demander aux soignants de fumerpour mieux comprendre leurs patients!Mais, si l’expérience partagée confère effecti-vement une proximité particulière (c’estd’ailleurs la base de travail des Alcooliques

Anonymes par exemple), ces extraits permet-tent d’insister sur d’autres pistes, plus réalistes :l’organisation de groupes de parole, d’anima-tions permettant aux patients d’exprimer,d’échanger leurs expériences peut répondre àce besoin d’être entendus. De telles activités,menées avec les soignants permettent aussià ces derniers d’entrer en contact avec l’expé-rience subjective de leurs patients, de dévelop-per une écoute subtile dont la qualitérépondrait, tout autant ou même mieux quel’expérience personnelle du tabagisme, à ceque les patients expriment ici.

Climat social et accompagnementUn élément très présent dans les extraits pré-cédents, c’est le besoin de ne pas être jugé.Et, justement, plusieurs soignants signalent

MARS 2009 | ÉDUCATION SANTÉ 243 | 9

que leurs patients subissent parfois une fortepression de la part de médecins spécialistesconsultés pour des problèmes de santé spé-cifiques : « J’ai une patiente qui a peur de revoirle chirurgien vasculaire : il va lui crier dessus,parce qu’elle n’a pas arrêté de fumer; or elle faittout ce qu’elle peut pour arrêter ».Ce sentiment d’être mis sous pression, d’êtrejugé est très fréquemment exprimé par lespatients : certains disent à quel point ils sesentent montrés du doigt, et ils exprimentleur difficulté, voire leur révolte face au rejetsocial dont ils font l’objet et au changementqui s’est opéré dans la société vis-à-vis desfumeurs : « Avant, on fumait dans un restau-rant; maintenant, on sort du restaurant et onrejoint d’autres personnes et la réflexion esttoujours la même : vous êtes venus rejoindre

Les attentes vis-à-vis du médecin sont d’ordre relationnel et humain :empathie, absence de jugement,

écoute, compréhension, prise en compte de la réalité personnelle,

disponibilité, toutes qualités qui font intrinsèquement partie, d’autres enquêtes le montrent, de ce que les patients attendent

en général de leur médecin.ı

Phot

o ©

Isop

ix

les pestiférés! Et on parle de la cigarette, de laloi contre la cigarette »; « Je comprends que lesnon fumeurs soient incommodés; par contreil faut être tolérant vis-à-vis des vices desautres; autrement, on vit dans une société quidevient invivable... Je trouve qu’il y a un peu unexcès pour le moment... On culpabilise un peutrop ».Une personne met en évidence cette qualitéchez sa tabacologue « on peut vraiment luiraconter tout ce qu’on ressent, elle ne va pasfaire de jugement ». La politique de dénorma-lisation du tabac, aussi intéressante soit-ellesi elle est bien conçue, entraîne en effet unrisque de stigmatisation dont les effetsnéfastes ont déjà été soulignés par de nom-breux auteurs.Nous avons évoqué ce risque dans un articlerécent 4, et il en a été largement question lorsdu colloque organisé par l’asbl QuestionsSanté en 2008 sur Normes et Santé. RaymondMassé, expert canadien en santé publique,évoque lui aussi, de manière éclairante, leseffets pervers d’une stigmatisation desfumeurs : « On peut évoquer la perte d’estimede soi, le sentiment de culpabilité... Mais aussil’adoption revendicatrice du comportementproscrit : par exemple, le comportement desfumeurs qui s’accrochent au tabagisme enguise de protestation contre l’ostracisme dontils se disent victimes illustre les effets pervers del’étiquetage en termes de légitimation symbo-lique de la déviance 5».Signalons que cette question était à l’ordredu jour de la rencontre à Liège évoquée audébut de cet article. Plusieurs maisons médi-cales ayant mis sur pied des projets avaientd’ailleurs été très attentives à éviter la stig-matisation, et telle était aussi, très claire-ment, l’option du dispositif proposé par legroupe Promotion santé de l’Intergroupe lié-geois dans le cadre de la journée mondiale.On ne peut qu’applaudir de telles attitudes,particulièrement à un moment où elles ne fontpas l’unanimité dans le monde médical : eneffet une enquête publiée l’an dernier par le

Journal du Médecin (30 mai 2008) révèle ainsique « un tiers des médecins excluerait le fumeurinvétéré du remboursement des soins ».C’est letitre de l’article, qui précise que « 32 % desmédecins estiment qu’un fumeur invétéré qui,malgré les conseils de son médecin, attrape uncancer du poumon, n’a pas droit au rembour-sement de ses soins ». Signalons que d’autresproblématiques entraînent une réaction simi-laire : « Pour un quart des répondants à notregrande enquête, un motard qui ne portait pasde casque et qui perd la vue après un accidentde la route ne devrait pas avoir droit à une allo-cation d’invalidité »... et « plus d’un quart desrépondants retireraient le remboursement dessoins pour des maladies hépatiques dues à unexcès d’alcool ».On peut craindre que, dans un tel climat, lespatients éprouvent des difficultés à faire partd’un problème dont ils se sentent coupables,hésitent à demander de l’aide, n’osent pasexprimer ce qu’ils ressentent comme unéchec lors d’une tentative d’arrêt... Faudra-t-il un jour, comme on l’a fait il y a quelquesannées pour le sida, ouvrir des centres ano-nymes pour que les personnes atteintesd’une « maladie honteuse » osent faire unedemande de soins ?

ConclusionCette enquête souligne, si besoin est, l’inté-rêt de recueillir la parole des personnesconcernées par une problématique, de créerun dispositif spécifique pour recueillir cetteparole. Les personnes qui ont été interrogéesici parlent avec finesse et profondeur de leurtrajet, et ce qu’elles disent rencontre etnuance les recommandations en matièred’accompagnement des patients fumeurs :nécessité d’une approche globale, d’une qua-lité d’écoute fondée sur l’empathie et le res-pect; rencontre avec les représentations dupatient; valorisation de ses ressources plutôtque jugement... Elles redisent, dans leursmots, les conseils que d’autres, experts en lamatière, donnent aux médecins généralistes– par exemple dans la brochure Mon patientfume, Attitudes du généraliste, publiée il y aquelques années, et qui reste entièrementd’actualité – ou encore dans les approchesbasées sur l’entretien motivationnel 6, 7.Les patients nous rappellent que le sevrage

10 | ÉDUCATION SANTÉ 243 | MARS 2009

tabagique est une expérience difficile, exi-geante, pour laquelle ils ont réellementbesoin d’une aide attentive, d’un engage-ment sur la durée : il y a là, à nos yeux, un réelappel vers les soignants. L’organisation deconsultations spécifiques, l’intérêt d’aller par-fois au-devant d’une demande, d’indiquerdifférentes voies complémentaires, de sou-tenir le patient dans le cheminement qu’il faitavant de prendre la décision d’arrêter : autantde pistes dont cette enquête réaffirme l’im-portance.Les patients rappellent aussi que les qualitéshumaines constituent la base d’un accompa-gnement réussi; ils attendent que les soi-gnants reconnaissent le rôle positif que letabac peut jouer dans leur vie, les efforts qu’ilsfont pour s’en débarrasser, et les soutiennentdans les moments difficiles, sans les disqua-lifier lorsqu’ils « craquent ». Soulignons l’in-sistance mise sur tout ce qui tourne autourdu jugement de valeur : les fumeurs ont unintense besoin d’être compris, acceptés, et ilest très préoccupant de voir pointer chez cer-tains un sentiment de honte, une crainted’être mal considérés par les soignants. Lespersonnes qui ont accepté d’être interrogéesici avaient un rapport plutôt positif avec leursoignant; il est très probable que, pourd’autres, moins confiantes vis-à-vis du mondemédical, la crainte d’être mal jugées puissefaire entrave à une demande d’aide. Et cettecrainte est malheureusement fondée, commele montre l’enquête faite par le Journal duMédecin, citée ci-dessus!Ceci ramène à des questions éthiques aux-quelles les soignants sont confrontés, bien au-delà du tabagisme, dans toutes les situationsoù des personnes mettent leur santé en dan-ger par un comportement, un mode de vie àrisque, ou par une adhésion insuffisante autraitement prescrit, aux conseils donnés.Ces situations, extrêmement fréquentes,exposent les soignants à un sentimentd’échec, d’impuissance, difficile à supporter.Comment, dès lors ne pas être frôlé par l’aga-

4 Marianne Prévost, « Quand les anormaux se rebiffent »,Santé conjuguée n°41 p 34-43, 2007.

5 Massé 2003 : 257 cité par Lynda Bouthillier et FranceFiliatrault dans « Exploration du phénomène de stigmatisa-tion au regard des activités de surveillance de l’état de santéde la population », Document d’information, août 2003.

6 William R. Miller et Stephen Rollnick, L’entretien motivation-nel - aider la personne à engager le changement,Intereditions-Dunod, Paris, 2006.

7 B. Janssen et V. Hubens, Parentalité et tabac, Guide métho-dologique pour les professionnels de santé, FARES, 2003.

cement, voire l’agressivité contre la personnequi est à l’origine de ce sentiment d’échec ?Comment naviguer entre le désir de soute-nir la responsabilité des patients, leurs capa-cités de choix, tout en acceptant, le plussereinement possible, qu’il y a des limites àleur liberté – que, finalement, personne n’esttout puissant ? Pas facile... Il y a là, dit J.FMalherbe, le « travail interminable » d’unerecherche éthique, « le travail que je consens à

faire avec d’autres, sur le terrain, pour réduire,autant que faire se peut l’inévitable écart entrenos affiches et nos pratiques effectives » (c’est-à-dire entre l’idéal et la réalité, ndlr) 8.

RÉFLEXIONS

Que signifie et implique la ‘prévention’?

Le mot de prévention, que tout un chacuncomprend aisément et est amené à employerdans les conversations courantes, est aussi unmot qui est de plus en plus employé dans lasphère publique et par nos gouvernants.Particulièrement, bien sûr, en ce qui concernele domaine de la santé, mais aussi dans desdomaines comme celui de l’environnement,celui des catastrophes ou encore celui descrimes, de la délinquance, des conflits ou dela guerre. Ce qui requiert, comme vous lesavez – et compte tenu que la prévention s’estélargie et compliquée avec le principe deprécaution –, la compétence d’un nombregrandissant de spécialistes et d’experts quisont de plus en plus impliqués dans ce qu’onappelle aujourd’hui, dans le jargoninternational, la bonne gouvernance.Il y aurait beaucoup de choses à dire sur cetteévolution de plus en plus extensive du motet de l’idée de prévention mais, pour meconcentrer sur le domaine où ils sontemployés le plus intensément, à savoir lasanté publique, une première remarque meparaît d’entrée de jeu devoir s’imposer. Touten relevant apparemment du bon sens – dubon sens universellement partagé que for-mule fort bien l’adage « mieux vaut prévenirque guérir » –, la prévention semble de plusen plus ressortir à des politiques publiquesvisant tout à la fois à produire et à faire inté-rioriser des normes, c’est-à-dire, en quelquesorte, à acculturer les populations, les gou-

vernés, pour qu’ils veillent en permanencesur leur santé.On aurait donc, dans la prévention, à la fois unexercice élémentaire pour chacun de sa raison(de son « bon sens ») et un vaste processus derationalisation à l’attention de l’ensemble ducorps social; et une rationalisation d’autant plusforte et nécessaire que la prévention est répu-tée permettre non seulement d’éviter des mala-dies ou des accidents, mais aussi de diminuerle coût de plus en plus massif que représententles dépenses de santé dans les budgets aussibien nationaux que domestiques.

Telle que je viens de la formuler, cette pre-mière remarque donne certainement uneassez bonne vue de l’importance de la pré-vention dans nos sociétés, sur ce que MichelFoucault a appelé leurs techniques de gou-vernementalité, et dans lesquelles justementles normes et les coûts de la santé sont au

cœur de leurs entreprises de rationalisation.Cependant, elle ne nous dit pas grand chosesur les contenus et les ressorts de ladite pré-vention, sur ce qui en fait un univers beaucoupplus problématique qu’il n’en a l’air. C’est pour-quoi je propose de les examiner d’un peu plusprès en considérant que, même s’ils peuventse ranger sous le même terme générique deprévention, ces contenus et ces ressorts nesont pas réductibles les uns aux autres, que siune certaine prévention, sans doute la plusrépandue aujourd’hui, est directementconnectée aux avancées de la biomédecine etde l’épidémiologie, une autre relève de diffé-rentes sphères assez éloignées de celles-ci. Cen’est pas la même chose de surveiller son poidset son cholestérol que de se voir interdire defumer dans les lieux publics. De même que cen’est pas tout à fait pareil de recevoir des vac-cins contre des maladies transmissibles quede suivre les préceptes de telle ou telle Eglise,même s’ils peuvent empêcher de contractercertaines de ces maladies transmissibles (jeme réfère, par exemple, à l’insistant rappel parl’Eglise catholique des préceptes de la virginitéavant le mariage, et de la fidélité pendant, pourse prémunir des risques du sida et rejeterl’usage du préservatif).Pour y voir plus clair dans cet univers assezdébordant et touffu de la prévention, je pro-pose de dégager ce que j’appelle quatremodèles de prévention, avec cette idée quesi l’un d’eux, le dernier en date, tend à deve-

MARS 2009 | ÉDUCATION SANTÉ 243 | 11

Rajae Serrokh, Marianne Prévost, ValérieHubens, membres du Service Espace PromotionSanté de la Fédération des maisons médicalesAdresse des auteurs : FMMCSF, Bd du Midi 25 bte 5, 1000 Bruxelles. Tél.: 02 514 40 14. Courriel : [email protected]. Internet : www.maisonmedicale.org.Cet article est paru précédemment dansSanté conjuguée n° 45 (juillet 2008) et estreproduit à l’aimable suggestion des auteurs.

8 J.F. Malherbe, Il n’y a pas de vie sans risque, remarque surl’incertitude et la liberté dans la question du sens, confé-rence prononcée à Montréal le 8 octobre 2004 dans le cadredes « Entretiens Jacques Cartier » à l’occasion d’un sympo-sium organisé par le RISQ (Recherche et intervention sur lessubstances psychoactives - Québec)

La prévention semble de plus en plusressortir à des politiques publiques

visant tout à la fois à produire et à faire intérioriser des normes,

c’est-à-dire, en quelque sorte, à acculturer les populations,

les gouvernés, pour qu’ils veillent en permanence sur leur santé.

ı

nir hégémonique, les trois autres n’en ont pasdisparu pour autant; et avec cette précisionque deux de ces modèles sont anciens, tradi-tionnels en quelque sorte, et présents à dif-férents degrés dans toutes les sociétéshumaines, tandis que les deux autres sontrécents, contemporains du développementde la modernité, et étroitement liés à celuides disciplines biomédicales.Ces quatre modèles, qui n’épuisent sans doutepas les multiples voies prises par la préventionmais qui, je crois, la balisent assez bien, je les aiappelés modèle magico-religieux, modèle dela contrainte profane, modèle pastorien et enfinmodèle contractuel, les deux premiers étantceux que j’ai qualifiés d’anciens et de tradition-nels, les deux autres de récents ou de contem-porains du développement de la modernitéscientifique. Je vais donc les présenter dansleurs grandes lignes, mais je m’attarderai unpeu plus sur le dernier en date, le modèlecontractuel, puisque c’est celui qui tend à deve-nir hégémonique, procédant de ces processusde rationalisation des politiques et des compor-tements que j’évoquais précédemment.

Le modèle magico-religieuxCommençons par le modèle de préventionque j’ai appelé « magico-religieux ». En réa-lité, mieux que le premier des quatre modèles,je dirai plutôt qu’il s’agit du modèle de réfé-rence ou encore du modèle matriciel de la pré-vention, de ce qui fait que la prévention estprécisément au cœur de la Culture (avec ungrand C) ou que la santé, dans son sens le pluslarge, est au cœur des préoccupations dessociétés humaines.Car si, de prime abord, il paraît être aux anti-podes de tout ce qui associe la prévention d’au-jourd’hui à la science, puisqu’il paraît mobiliseressentiellement un univers de croyances et despratiques rituelles, le modèle magico-religieux,comme l’ont montré les plus grands noms del’anthropologie, de Durkheim à Lévi-Strauss,fait découvrir avant tout un très solide noyaude rationalité qui consiste à expliquer, à pré-dire et à contrôler les événements, qu’ils soientindividuels ou collectifs : spécialement les évé-nements qui se manifestent par des infor-tunes, des désordres, des maladies, des morts,et que l’on cherche précisément à éviter ou àréguler. Ce noyau rationnel, ce sont des ressorts

cognitifs universels, telle que la causalité, l’ana-logie, l’induction ou la déduction, et ce sontégalement des répertoires d’application oud’action qui sont réputés avoir des effets sur laréalité ou sur les événements futurs.

On reconnaîtra donc dans le modèle magico-religieux l’ensemble des proscriptions et desprescriptions, des pratiques divinatoires et desrites propitiatoires, accompagnés bien souventde gestes sacrificiels et de confections d’objetsde protection (fétiches, talismans, amulettes,etc.), que les sociétés humaines, depuis destemps immémoriaux, n’ont cessé d’inventer etde mettre en œuvre; tout cela dans le cadre devisions du monde où la scène des institutionset des relations sociales ne cesse d’interféreravec celle, beaucoup moins accessible, des puis-sances extrahumaines comme les ancêtres, lesesprits, les génies ou les divinités.Ce faisant, on reconnaîtra sans doute égale-ment une étroite correspondance entre cemodèle magico-religieux et les visions dumonde précisément des sociétés tradition-nelles, celles qui sont plus ou moins encoreen vigueur dans ce que représentent pournous, pour nos sociétés dites développées,des peuples lointains et exotiques évoluantdans les pays du Sud et qui ont été tout par-ticulièrement étudiés par les ethnologues.Toutefois, outre que ce modèle n’épuise pas,comme je vais l’indiquer plus au long, lesconceptions de la prévention au sein dessociétés traditionnelles, et qu’en tout état decause ces sociétés, aujourd’hui, sont prisesdans le mouvement général de la modernitéet de la mondialisation, on ne saurait dire quenos propres sociétés ne sont plus concernéespar un tel modèle, pétries qu’elles semble-raient être par des modèles de préventioncommandés exclusivement par les sciencesbiomédicales. Car, si ceux-ci y sont à l’évi-dence de plus en plus prégnants, on peut

12 | ÉDUCATION SANTÉ 243 | MARS 2009

aisément observer que quantité de gensdans les pays développés recourent à certainsprocédés du modèle magico-religieux.Le marché de l’astrologie et de la voyance n’est-il pas toujours voire de plus en plus florissant –augmenté, du reste, grâce à la mondialisationprécisément, par des techniques divinatoireset conjuratoires venant de sociétés lontaines ?Et n’assiste-t-on pas au développement de ceque certains de mes collègues ont appelé une« gestion religieuse de la santé »? C’est-à-direau développement d’une offre de santé éma-nant de divers mouvements religieux (certainsdiraient des sectes) qui proposent non seule-ment d’apporter à des personnes en perte derepères ou « fatiguées d’être soi », comme ditAlain Ehrenberg, de leur apporter un mieux-être, mais également toute une gamme de pro-tections susceptibles de leur faire déjouermalheurs et infortunes.

Le modèle de la contrainte profaneVoici donc un bref tour d’horizon du premiermodèle, sur lequel je reviendrai en fin d’exposé.Examinons maintenant le second, celui quej’ai appelé le modèle de la contrainte profane.Ici encore, il s’agit d’un modèle ancien qui estattesté universellement, c’est-à-dire qui a étémis en œuvre par toutes les sociétés. Toutefoisce modèle, bien qu’il repose comme le premiersur certaines visions du monde faisant notam-ment le partage entre le pur et l’impur, entrele salubre et l’insalubre avec ses effets possi-blement contagieux, n’a pas ou peu de carac-tère sacré dans la mesure où il se traduit pardes pratiques très prosaïques de mise à l’écart,de ségrégation ou d’enfermement. Partout, eneffet, y compris dans des sociétés que l’on aqualifiées de primitives, on a pu observer quedes individus atteints de certaines affections,qui peuvent être effectivement des maladiescontagieuses mais qui peuvent être considé-rées aussi comme des manifestations d’aso-cialité, de déviance, sont isolés ou rejetés pourqu’ils ne souillent pas ou ne dérèglent pas l’en-semble du corps social.Mais c’est certainement les sociétés pourvuesd’appareil étatique qui ont donné une plusgrande ampleur à ce modèle éminemmentcontraignant, et cela grâce notamment audéveloppement de corps de spécialistes etd’une police en quelque sorte sanitaire dépen-

On peut aisément observer que quantité de gens dans les paysdéveloppés recourent à certainsprocédés du modèle magico-

religieux.ı

dant directement du pouvoir politique. Pourne me référer qu’à notre propre histoire euro-péenne (mais d’autres exemples pourraientêtre pris dans d’autres aires culturelles), je rap-pellerai qu’il y avait, au début du second mil-lénaire, dans toute la chrétienté, près de vingtmille léproseries et que l’on assisté, après lasurvenue de la grande peste au XIVe siècle, à lamultiplication des lazarets, des dispositifsquarantenaires et des cordons sanitaires.Un peu plus tard, alors même que s’affermis-

saient les Etats modernes, au tournant des XVIIIe

et XIXe siècles, le modèle de la contrainte pro-fane s’est tout à la fois adouci et démultiplié,tendant à substituer aux ségrégations et auxenfermements tout un ensemble de contrôles,d’obligations, d’interdits et de sanctions pourmotif de prévention sanitaire destinés à l’en-semble de la population. C’est ce qu’on pour-rait appeler, encore une fois avec MichelFoucault, la naissance d’une biopolitique, c’est-à-dire d’un ensemble de dispositifs appuyéssur de nouveaux savoirs scientifiques et denouvelles techniques administratives commel’hygiénisme, la démographie et les statis-tiques, avec leurs registres d’état civil, visant àsurveiller les corps (les corps humains) et àréguler les diverses composantes de la popu-lation : spécialement le monde des travailleurs,qu’on appelait au XIXe siècle les classes dange-reuses aussi bien pour leurs capacités de lutteque pour les menaces de contagiosité sanitairequ’elles représentaient.Parmi ces dispositifs, je mentionnerai parexemple la vaccination antivariolique de typejennerien qui a commencé à la fin du XVIIIe

siècle, ou encore les politiques de santé des-tinées particulièrement à la mère et à l’enfantà partir de la deuxième moitié du XIXe siècle.Sous cette forme quelque peu adoucie, lemodèle de la contrainte profane est bien évi-

demment toujours de mise aujourd’hui. C’estlui que l’on découvre avec, par exemple, l’in-terdiction de fumer dans les lieux publics ouencore l’obligation de porter en voiture uneceinture de sécurité.Mais, sous sa forme plus ancienne voire plusarchaïque de ségrégation ou d’enfermement,ce modèle se maintient également quelquepeu, même s’il se heurte à des systèmes poli-tiques fortement marqués par la défense etle développement des Droits de l’Homme. Parexemple, au moment de la grande expansiondu sida dans les années 1980-90, on a songéen France à rendre le dépistage du VIH obli-gatoire pour toute la population, certains ontconçu qu’il fallait mettre à l’écart les per-sonnes séropositives et d’autres, dans cer-tains pays comme à Cuba, ont effectivementmis en œuvre cette idée (sidatorium).

MARS 2009 | ÉDUCATION SANTÉ 243 | 13

Et puis – en cette époque où l’on parle de mala-dies émergentes, de maladies contagieusesémergentes comme Ebola ou la grippe aviaire,qui, parce qu’elles pourraient s’étendre trèsrapidement sans que la recherche biomédi-cale ne puisse aussi vite leur trouver desparades, conduisant inévitablement à descatastrophes humanitaires –, le scénario demises en quarantaine, d’interdictions de circu-ler, constitue une hypothèse qui ne relève pasuniquement de l’imagination d’auteurs descience-fiction, même si celle-ci est particuliè-rement prolixe en la matière.

Le modèle pastorienJ’en viens maintenant au troisième modèleet, par là, je franchis une ligne que j’avais indi-quée en introduction, à savoir celle qui nousfait entrer dans un monde de la prévention

Aujourd’hui, le scénario de mises en quarantaine, d’interdictions

de circuler, constitue une hypothèsequi ne relève pas uniquement

de l’imagination d’auteurs de science-fiction.

ı

Phot

o ©

Isop

ix

Le modèle magico-religieux, le plus ancien, n’a pas disparu aujourd’hui

résolument moderne, c’est-à-dire un mondelargement façonné par les progrès des disci-plines biomédicales. Je dois préciser ici que lemodèle de la contrainte profane, celui en par-ticulier qui a évolué en interdictions et en obli-gations sanitaires à l’endroit de l’ensemble ducorps social, n’a pas été sans rapport avec ledéveloppement de nouveaux savoirs scienti-fiques comme ceux qu’ont mobilisés au XIXe

siècle les doctrines hygiénistes. Mais ce troi-sième modèle, en l’occurrence le modèle pas-torien, tout en n’étant pas lui-même étrangerau précédent modèle, est essentiellementcontenu, comme son nom l’indique, dans cequ’on a appelé une révolution scientifique.

Révolution théorique puisque le pastorisme abouleversé les savoirs sur l’infection et la conta-gion qui avaient auparavant animé l’hygiénisme– mais qui étaient restés très approximatifs surl’origine des épidémies, comme on pouvait leconstater avec la célèbre doctrine des miasmes–, et il les a bouleversés par l’identification degermes pathogènes (microbes, parasites etautres virus) propres à générer chez l’homme etau sein du vivant une maladie spécifique avecses prolongements épidémiques. La microbio-logie était ainsi née, mettant au jour un mondeoù la nature, l’homme et la société sont indisso-ciablement liés à la présence de micro-orga-nismes.Mais ce fut également une révolution très pra-tique qui eut pour nom la vaccinologie et quis’est traduite par la possibilité de créer, chezl’homme ou chez l’animal, une immunité arti-ficielle au moyen de techniques d’atténuationde la virulence des germes pathogènes iden-tifiés.Se fondant sur des socles scientifiques bienplus solides que la vieille technique de la

variolisation, un nouveau mode de préven-tion naquit ainsi à la fin du XIXe siècle, qui nonseulement représenta une grande clarifica-tion intellectuelle de l’étiologie de nom-breuses pathologies – suivant le schémasomme toute assez simple un germe, unemaladie – mais qui porta également l’im-mense projet, la formidable espérance d’enfinir avec les fléaux qui avaient hanté lesépoques antérieures, grâce à la mise au pointde vaccins. Donc un schéma finalement àtrois termes : un germe, une maladie, un vac-cin. Ce qui devait permettre non seulementde prévenir quantité de maladies conta-gieuses et infectieuses, mais aussi, pourquoipas, de les effacer complètement de la pla-nète, à l’exemple de la variole qui, après delongues campagnes de variolisation et devaccination, a été enfin éradiquée à la fin desannées 1970.Certes, les programmes de vaccination, dèslors qu’ils sont devenus obligatoires et qu’ilsont donc relevé également du modèle de lacontrainte profane, spécialement en ce quiconcerne les maladies infantiles, ont donnélieu à des résistances, suite notamment à desaccidents ou à des malfaçons des produitsvaccinaux. Certes aussi, nombre de maladiesinfectieuses, transmissibles ou contagieuses,et non des moindres, n’ont toujours pastrouvé leur vaccin, notamment le paludismequi est l’endémie qui fait le plus de victimesau monde, spécialement en Afrique. Ouencore le sida, au sujet duquel on a annoncétrop vite que la recherche biomédicale allaitmettre au point une parade vaccinale ? Cettemaladie est manifestement encore très loinde pouvoir en bénéficier.Mais, quels qu’aient été ou soient toujours sespiétinements et ses échecs, ou encore les résis-tances auxquelles il a pu et peut toujours don-ner lieu, le modèle pastorien n’en demeure pasmoins un modèle spécifique car remarquable-ment performant. Il est tout particulièrementperformant sur le plan cognitif puisqu’il pro-cède, comme je l’ai indiqué, d’un schéma aisé-ment compréhensible par tous – un germe,une maladie, un vaccin – et qu’à ce titre il peutsusciter, au-delà des obligations et des résis-tances, une large adhésion. Mais il l’est aussisur le plan de politiques sanitaires qui, à partirde la vaccinologie, peuvent organiser de vastes

14 | ÉDUCATION SANTÉ 243 | MARS 2009

programmes de prévention qui valent pour lapopulation en général mais aussi pour chaqueindividu comme une protection à peu prèssûre.De ce point de vue, il est remarquable que cemodèle soit apparu en Europe, spécialementen France, au même moment où l’école étaitrendue obligatoire et qu’il ait fonctionné avecelle pour façonner des citoyens sur un modeégalitaire, ce qu’exemplifie l’école comme lieu– avec le dispensaire et l’armée – où la santédes enfants et des jeunes a été tout spéciale-ment surveillée, notamment au travers deprogrammes de vaccination.Mais, de ce point de vue également, le modèlepastorien a représenté et continue à représen-ter un idéal de protection individuelle et col-lective tout à fait unique. J’ai mentionnéprécédemment l’éradication de la variole àl’échelle mondiale, mais je voudrais aussi sou-ligner la très grande réussite de vaccins contreles maladies infantiles ou contre la poliomyé-lite, qui a fait de celle-ci une maladie de plusen plus rare, du moins sous nos latitudes. Aquoi je pourrais ajouter la réussite d’un vac-cin comme le vaccin antiamarile, qui consti-tue une protection tout à fait sûre contre lafièvre jaune pendant plus de dix ans et donton pourrait penser, si les campagnes étaientmenées diligemment et régulièrement,notamment en Afrique, qu’il devrait entraî-ner sa disparition.Par ailleurs, n’est-ce pas un vaccin anti-VIH qui,s’il était mis au point, susciterait, loin de toutecontrainte ou de toute résistance à l’encontreou venant des pouvoirs publics, l’enthousiasmedes populations partout dans le monde; les-quelles, abandonnant un moyen de préven-tion somme toute assez archaïque comme lepréservatif, se précipiteraient à coup sûr mas-sivement pour bénéficier de ce mode de pro-tection, le vaccin, qu’avait su si bien inventeret populariser la révolution pastorienne.

Le modèle contractuelJ’arrive maintenant au dernier de mes quatremodèles, celui que j’ai appelé « contractuel ».Il s’agit en effet de celui dont il est de plus enplus question aujourd’hui et qui consiste àproduire une culture de santé publique, c’est-à-dire un ensemble de normes et de stan-dards de comportements, de manière à ce

Le modèle pastorien imposa unschéma à trois termes : un germe,une maladie, un vaccin, qui devait

permettre non seulement deprévenir quantité de maladies

contagieuses et infectieuses, maisaussi, pourquoi pas, de les effacer

complètement de la planète.ı

que ces normes et ces standards soient par-tagés, appliqués et intériorisés par l’ensemblede la population ou par des groupes plus spé-cifiques. Encore faut-il tout de suite préciserqu’il s’agit là d’un modèle ou d’une culture,génératrice donc d’une intense éducationpour la santé, qui s’appuie, comme le précé-dent s’était appuyé sur la microbiologie, surles fortes avancées des sciences biomédicalesdurant la deuxième moitié du XXe siècle, c’est-à-dire au premier chef l’épidémiologie maisaussi, et de plus en plus, la génétique.Différemment du modèle pastorien qui nes’appliquait, oserais-je dire, qu’aux maladiesinfectieuses ou contagieuses (les maladies àgermes), le modèle contractuel concerne unbeaucoup plus large spectre de pathologies– comme les cancers et les maladies cardio-vasculaires, ô combien répandues et sourcesde forte mortalité – et il mobilise beaucoupmoins des étiologies, des causes aux effetsdirects ou immanquables, que des facteursde risque. Des facteurs qui peuvent provenirsoit de l’environnement soit des comporte-ments ou encore de l’hérédité.On voit dans ce modèle toute l’importancede l’épidémiologie comme science beaucoupmoins des épidémies que des facteurs derisque : des facteurs de risque à contractertelle maladie auxquels s’exposent ou sontexposés des individus ou des groupes parti-culiers d’individus. On perçoit égalementdans ce modèle toute l’importance de lagénétique comme science des prédisposi-tions ou des susceptibilités qui font, de per-sonnes ou de groupes de personnes, des gensplus exposés que d’autres à certaines affec-tions. Par exemple, si fumer des cigarettes oumanger trop et trop gras constitue pour toutle monde un important facteur de risque àfaire un cancer du poumon ou à faire un acci-dent cardiaque, de tels comportements sontencore plus problématiques pour des per-sonnes dont les ascendants ont contracté cemême genre de grave maladie.A certains égards, le modèle contractuel faitréférence à cette vaste palette de facteurs derisque au travers desquels la population, dansson ensemble ou plus spécifiquement, estcensée contracter toutes sortes d’affectionset, par là même, est amenée à s’en prémunir.Mais à certains égards seulement. Car, en réa-

lité, il fait bien plutôt référence à une sorte decontrat pas encore véritablement explicite,mais de plus en plus à l’œuvre au sein de nossociétés.Contrat entre, d’un côté, des pratiques de gou-vernement qui, grâce aux avancées dessciences biomédicales, notamment en matièred’identification des facteurs de risque, tra-vaillent à transmettre le mieux possible lesmessages de prévention et les normes com-portementales provenant précisément de cesavancées; de l’autre, une masse plus ou moinsdifférenciée en groupes-cibles de citoyens oud’usagers, qui reçoit ces messages et ces

MARS 2009 | ÉDUCATION SANTÉ 243 | 15

normes et qui, de ce fait, est tenue de faire demieux en mieux attention à sa santé.On pourrait d’ailleurs schématiser ce contraten posant, d’un côté, un droit à la santé qu’in-carnent assez bien des pouvoirs publics sou-cieux de soutenir la recherche bio-médicale,de soutenir des systèmes de sécurité socialeou des caisses d’assurance et d’améliorerainsi de mieux en mieux la santé des gouver-nés qu’ils ont à leur charge (des multinatio-nales ou de grandes entreprises peuventavoir ce même objectif pour leurs employés);et, de l’autre, un devoir de santé qui concerne,cette fois-ci, les gouvernés eux-mêmes.

Phot

o ©

Isop

ixEdward Jenner (1749-1823), en campagne de vaccination contre la variole

Un devoir qui est réputé les façonner en autantde sujets rationnels et responsables, c’est-à-dire en autant de sujets intériorisant dans leurpropre intérêt, comme des techniques de soiaurait dit Michel Foucault, les messages de pré-vention et les normes comportementales quileur sont transmis.Mon collègue Patrice Pinela fort bien défini cessujets rationnels, ces sujets que nous sommesen train de tous devenir plus ou moins, par laformule de « patients-sentinelles ». Cette for-mule souligne parfaitement le processus denormalisation, d’intériorisation ou de subjecti-vation auquel on a affaire, en l’occurrence à unetransformation de chacun en un agent conti-nûment soucieux de sa santé : contrôlant sesécarts, surveillant son poids, son alimentation,ses taux sanguins et tant d’autres choses.

Finalement, le modèle contractuel met enforme la nécessaire complémentarité entredroit et devoir de santé, entre ce qui ressortitaux gouvernants et ce qui appartient aux gou-vernés. A travers lui, et à travers cette complé-mentarité qu’il compose pour former ce qued’aucuns appellent justement la culture desanté publique, tout le monde est censé œuvrerau bien commun, spécialement les gouvernés,qui ne deviennent pas des patients-sentinellesuniquement dans leur propre intérêt, pour évi-ter chacun pour soi la maladie et pour vivre lemieux et le plus longtemps possible, mais quile deviennent également dans la perspectived’une économie rationalisée où les conduitesde prévention que les individus doivent adop-ter sont réputées promouvoir de bien meilleursrapports coût/efficacité dans l’intérêt généralde la collectivité.A ce compte, je serais assez tenté de dire quece modèle présenté sous cette forme, qui estdevenu dans nos sociétés démocratiques lemodèle dominant, est très difficilement cri-tiquable.

Comment ne pas être d’accord avec une édu-cation ou une culture de la santé et, par là,avec une biomédecine et une épidémiologiequi nous éclairent sur les facteurs de risquenous exposant à de graves maladies et quinous amènent à surveiller nos états corporels(voire psychiques) et à modifier en connais-sance de cause nos comportements ?Comment ne pas souscrire à l’idée qu’en fai-sant cela nous nous comportons, non seule-ment en patients-sentinelles, mais aussi encitoyens responsables participant à la bonnemarche du vivre ensemble ? Suscitant doncun large consensus, une large adhésion, etfait largement pour cela, ce modèle est mal-gré tout, sinon critiquable, du moins pouvantou devant même être relativisé, et cela pourla raison essentielle suivante.

Coexistence des modèlesIl y a dans ce modèle un idéal de rationalisa-tion des comportements qui paraît faire l’im-passe sur tout ce dont l’être humain est faitpar ailleurs, c’est-à-dire un être doté d’affects,de désirs, d’angoisses, de sentiments contra-dictoires ou ambivalents, ce dont en sommeles moralistes et surtout la psychanalyse ontabondamment traité, y compris pour parlerde nos pulsions de mort.Autrement dit, il y a des limites à la rationa-lisation des comportements dans le domainede la santé – ou dans d’autres – qui font quel’on peut avoir une bonne appréciation desfacteurs de risque et rechigner à adopter lescomportements idoines (c’est ce que d’au-cuns appellent les dissonances cognitives),ou qui font que l’on peut être « rationnel »pour tel type de risque et beaucoup moinspour tel autre, comme si, plus ou moinsinconsciemment, tel un acte manqué, unepart de soi devait résister malgré tout à ce quiest, en principe, fait pour nous maintenir enbonne santé et qu’on est censé intérioriser.D’une certaine façon, les pouvoirs publicssavent très bien cela, puisqu’ils recourentencore et toujours, pour lutter contre cer-taines grandes causes de mortalité, aumodèle de la contrainte profane, c’est-à-direà des interdictions, à des obligations et à dessanctions (interdiction de fumer dans leslieux publics, port obligatoire de la ceinturede sécurité, etc.) et que le modèle contrac-

16 | ÉDUCATION SANTÉ 243 | MARS 2009

tuel, quelles que soient ses aspirations à l’hé-gémonie, n’arrive pas à occuper tout le ter-rain des modèles de prévention.Il me semble par ailleurs que le modèlecontractuel, par le fait de constituer des sujetsconstamment interpellés et habités par lesouci de leur santé, n’est pas loin de ressem-bler, malgré tout ce qui l’en sépare sur le plande la science, au modèle magico-religieux.Comme celui-ci, il procède par une très forteintériorisation des normes, instaurant de pos-sibles sentiments de faute, de culpabilité oud’angoisse si elles ne sont pas respectées ousi elles le sont insuffisamment. Ce qui n’estpas forcément propre à instaurer un bonéquilibre psychique ou peut conduire à desconduites obsessionnelles ou compulsives,comme dans certaines activités rituelles quirequièrent une attention de tous les instantset qui sont donc toujours menacées de ne pasaboutir à leurs fins et de devoir être refaites.

Mais surtout, comme dans le modèle magico-religieux, le modèle contractuel de la préven-tion semble vouloir, au moins tendancielle-ment, laisser croire que, si les sujets ont bienintériorisé ses normes constamment infor-mées par la science (biomédecine, génétique,épidémiologie), ils pourront éviter la surve-nue de la maladie et, pourquoi pas de la mort :ce qui n’est manifestement pas le cas, quelsque soient les allongements spectaculairesdes espérances de vie dans nos pays dévelop-pés ou quels que soient les scénarios de quasi-immortalité que nous esquissent la médecineprédictive, la génétique et la thérapigénie.

Il y a dans le modèle contractuel un idéal de rationalisation descomportements qui paraît fairel’impasse sur tout ce dont l’être

humain est fait par ailleurs, c’est-à-dire un être doté d’affects,

de désirs, d’angoisses, de sentimentscontradictoires ou ambivalents,

ce dont en somme les moralistes et surtout la psychanalyse ont

abondamment traité, y compris pourparler de nos pulsions de mort.

ı

Le modèle contractuel d’aujourd’huitémoigne de toute l’importance

de l’épidémiologie comme science beaucoup moins des épidémies

que des facteurs de risque.ı

IntroductionLa dernière visite médicale systématique a lieuen quatrième secondaire. Les services demédecine scolaire peuvent donc faire, unedernière fois, le point avec les adolescents et,le cas échéant, les mettre en ordre de vaccina-tion. A cet âge, le calendrier vaccinal recom-mande d’une part, l’administration du rappelde vaccin diphtérie - tétanos (dT) auquels’ajoutera en 2009, un rappel de vaccin coque-luche (dTpa), et d’autre part le contrôle et lerattrapage éventuel de la deuxième dose devaccination rougeole-rubéole-oreillons.Jusqu’il y a peu, le programme de vaccinationne disposait d’aucun support de communi-cation que les équipes de promotion de lasanté à l’école (SPSE et CPMS) puissent utili-ser pour l’information des adolescents. Surbase de ce constat, Provac a décidé d’élabo-rer un outil directement à destination desjeunes de 14 à 16 ans.Tout au long des différentes étapes de laconception, Provac s’est attaché à ce que lesupport soit attractif, lisible et accessible àtous les types d’enseignement. Les objectifsprévoyaient d’informer sur l’utilité des vac-cins durant toute la vie, et plus précisément

sur les vaccins à recevoir entre 14 et 16 ans etles maladies contre lesquelles ils protègent,d’inciter le jeune à devenir acteur de sa vac-cination et par extension de sa santé en pos-sédant une carte de vaccination en ordre, etenfin d’informer le jeune sur les différentespersonnes qui peuvent le vacciner ainsi que

MATÉRIEL

A deux, on est plus fort !De l’idée à la réalisation d’un outil d’information sur la vaccination pour les jeunes de 14-16 ans

MARS 2009 | ÉDUCATION SANTÉ 243 | 17

sur la gratuité des vaccins disponibles dansle circuit de distribution de la Communautéfrançaise. Il s’agissait également d’indiquerdes pistes complémentaires d’informations.Les occasions d’animation en classe étantrares ou ponctuelles, le support devait pou-voir se suffire à lui-même.Provac s’est entouré d’un groupe de travailconstitué de représentants des SPSE et CPMSet du Service communautaire de communi-cation pour valider les objectifs, le contenu,réaliser le recueil d’informations auprès desjeunes en cours de production de l’outil etchoisir le support final. Une collaborationavec des étudiants en graphisme et/oupublicité a été organisée avec le souhait detravailler avec des futurs professionnelsayant une certaine proximité d’âge avec lepublic cible.

Une construction riche decollaborations et de partenariats

Avec PIPSA, pour la recherche des outils existantsProvac s’est adressé à la documentaliste dePIPSA pour une recherche des outils existant

Autrement dit, c’est un modèle qui prometbeaucoup, mais qui peut aussi beaucoupdécevoir et dérouter, à l’image de cette per-sonne qui n’a jamais fumé et qui fait malgrétout un cancer du poumon. Ce n’est, mesemble-t-il, pas un hasard si, au mêmemoment où s’affirme ce modèle contractuelde la prévention, où s’affirme donc cette cul-ture de la santé publique, on assiste à ce qued’aucuns appellent un « retour du religieux »et si ce retour se manifeste tout particulière-ment par une « gestion religieuse de lasanté », comme s’il y avait finalement unesorte d’émulation entre les deux modèles

autour d’une quête de ce que Lucien Sfezappelle une « santé parfaite ».Pour autant, loin de moi l’idée qu’il faut mettreen cause ou délaisser ce modèle éminem-ment actuel de la prévention. Simplement, ilconvient sans doute, chacun comme il le peut,de se comporter en patient-sentinelle, mais ilfaut certainement aussi être capable, commechez les meilleurs stoïciens, de se distancierdes normes prescrites, c’est-à-dire ne pas s’illu-sionner sur leur capacité, quoiqu’elle soit deplus en plus scientifiquement établie, à nousfaire éviter au bout du compte la maladie et,évidemment, la mort.

Jean-Pierre Dozon, anthropologue, directeurde recherche à l’Institut de recherche pour ledéveloppement et directeur d’études à l’Ecoledes Hautes Etudes en Sciences SocialesCe texte a été publié dans les Actes du colloqueorganisé le 6 mai 2008 par l’asbl QuestionSanté sur le thème des ‘Normes de santé’.Nous le reproduisons avec l’aimableautorisation de l’auteur et de Question Santé.Question Santé, rue du viaduc 72, 1050Bruxelles. Tél.: 02 512 41 74. Fax : 02 512 54 36.Internet : www.questionsante.org.

En couverture, Louis Pasteur (1822-1895), pionnier de la microbiologie

Le support 5, celui qui a été retenu

à l’étranger, dont il s’est avéré qu’aucund’entre eux ne correspondait à nos besoinset nos objectifs. Ils étaient principalementdestinés aux parents et revêtaient souventun caractère purement informatif. Cette pre-mière analyse a mis en évidence l’importanced’un recueil des représentations des jeunessur la vaccination.

Avec quatre classes de l’enseignementsecondaire, pour recueillir les représentations, craintes et questions du public cibleQuatre classes de quatrième secondaire,sous tutelle du centre de santé de l’UCL, ontparticipé à cette étape du processus. Deuxrelèvent de l’enseignement professionnel(Institut Don Bosco et Institut Saint-Joseph),une de l’enseignement technique (Institutde l’enfant Jésus) et une de l’enseignementgénéral (Institut Jean XXIII). Au total, 68élèves, âgés de 14 à 21 ans, ont participé auxanimations réalisées par Provac. Les élèvesont reçu une explication orale sur le projetde création d’un outil d’information destinéà leur tranche d’âge; individuellement, cha-cun a rempli un questionnaire lui permet-tant d’exprimer ses craintes, représentationsou questions sur la vaccination. Ensuite, lesélèves ont eu l’opportunité d’échanger leursavis par rapport aux questions posées.Il en ressort une variété de représentationsexprimées dans un portrait chinois (« si lavaccination était un animal, ce serait...»),une conception de la vaccination autantprotectrice que douloureuse, un question-nement sur les maladies contre lesquellesles vaccins protègent, sur la dangerositépotentielle des vaccins et sur les recomman-dations vaccinales à l’âge adulte. L’intérêtdes jeunes pour le thème était réel. Leursquestions illustrent le peu d’informationsdont ils disposent, ce qui confirme l’utilitéd’un outil informatif et attractif qui leur soitdestiné. Les contenus dégagés de ces ani-mations ont été reformulés et complétéspar des informations sur la vaccination pourconstituer le texte du support.Sur base de l’analyse des supports répertoriéspar PIPSA, des objectifs visés et du contenudes représentations et des demandes d’infor-mation formulées par les jeunes lors des ani-

mations, Provac a choisi de donner la struc-ture suivante au document :ı si la vaccination était un animal, ce serait...ı un vaccin, c’est quoi et ça sert à quoi ?ı dangereux les vaccins ?ı qui peut te vacciner ?ı quels vaccins recevoir à 14-16 ans ?ı à quand tes prochains vaccins ?ı être bien vacciné c’est...ı une proposition de jeu et des informations

complémentaires.

Avec deux Hautes Ecoles, Sectionartistique pour la création graphiqueAfin d’être au plus près de l’univers visuel desjeunes de 14 à 16 ans, Provac a sollicité la colla-boration de deux professeurs enseignant àl’Ecole Supérieure des Arts Saint-Luc de Liège etla Haute Ecole Francisco Ferrer de Bruxelles pourla création graphique de supports de commu-nication sur base du contenu défini par Provac.Dans le cadre d’un projet de stage, les étu-diants ont imaginé le type de support, créé lamise en page et choisi les illustrations. A Liège,les étudiants ont, dans un premier temps, faitdes propositions individuelles. Les travaux pré-sélectionnés ont ensuite fait l’objet d’un tra-vail de groupe. A Bruxelles, les élèves ont, dèsle début, travaillé par équipe de deux ou trois.Ensuite, Provac a rencontré les deux ensei-gnants responsables et sélectionné, en concer-tation avec eux, 13 supports.L’originalité, la créativité et le professionna-lisme dont ont fait preuve les étudiants ontnotamment été pris en compte. Les 13 sup-ports choisis ont été proposés au groupe detravail SPSE/CPMS.

18 | ÉDUCATION SANTÉ 243 | MARS 2009

Avec un groupe de travail issu du publicrelais pour analyser les créations desétudiants et en sélectionner cinqUn groupe de travail réunissant des représen-tants médecins et infirmières des SPSE et CPMSainsi que le Service communautaire deCommunication a validé les objectifs et les conte-nus définis par Provac. Il a également analysé les13 projets à l’aide d’une grille mise au point parProvac et reprenant quelques critères nous sem-blant essentiels. Cette grille d’analyse est issuede l’expérience de certains chercheurs de l’équipeProvac dans la construction de ce type d’outil etd’une analyse de diverses grilles utilisées pourl’exploration de ce type de document.Le groupe de travail s’est attaché à étudier l’ori-ginalité de l’outil proposé par rapport auxoutils existant pour les jeunes toutes théma-tiques confondues; la structuration du support(dosage adéquat d’informations textuelles etvisuelles; l’utilisation pertinente des images,des dessins, des photos; la clarté de l’organisa-tion du document; la présence d’un fil conduc-teur); la lisibilité (lisibilité du texte, adéquationdu choix des couleurs); l’attractivité du gra-phisme et de l’esthétique générale; la facilitéde reproduction et de distribution du support.Les premières pages des cinq supports choi-sis par ce groupe de travail sont reprises danscet article.

Support 1

Support 2

Vers la sélection du support finalLes cinq supports ont ensuite été proposés etprétestés auprès de jeunes de 4e secondairedes différents types d’enseignement, grâce àla collaboration de quelques SPSE et CPMS. Lerecueil d’informations s’est effectué via unquestionnaire rempli par les élèves. Il avaitpour finalité de tester l’attractivité de chaquesupport approchée par l’envie de le lire, l’ori-ginalité, la structuration, la facilité de compré-hension, la qualité des illustrations. Quelquesquestions (type vrai-faux) portaient sur la pré-sence de différents types d’informations. Lesjeunes donnaient aussi leur avis sur les élé-ments appréciés et les éléments à changer.Enfin, il leur était demandé de classer les cinqpropositions de support par ordre décrois-sant de préférence.Certains SPSE ou CPMS ont utilisé les cinqsupports lors d’une animation en classe. Unegrille de rapport a alors été remplie par l’ani-mateur.Après traitement statistique, les résultats dupré-test ont été présentés et analysés par legroupe de travail « public relais » en vue duchoix final.Trois cent quatre-vingt-trois élèves issus de20 écoles et de 30 classes différentes ont par-ticipé à cette enquête par questionnaire. Lessupports ont été testés dans divers servicesSPSE et CPMS de la région de Bruxelles-Capitale et des provinces de Hainaut, de Liège

et de Namur. La répartition entre ces 4 terri-toires est assez équitable : 31 % des question-naires pour Bruxelles Capitale, 23 % pour leHainaut, 24 % pour Liège et 22 % pour Namur.76 % des répondants font partie de la popu-lation sous tutelle d’un service SPSE et 24 %d’un CPMS.La répartition par type d’enseignement est lasuivante : 43.1 % sont issus de l’enseignementgénéral, 34.5 % de l’enseignement techniqueet 22.4 % de l’enseignement professionnel.Une question portait sur l’envie de lirechaque support. 61.6 % des élèves ont euenvie de lire le dépliant 5 en voyant la pre-mière page, 49.9 % le dépliant 2, 33.2 % ledépliant 1, 27.1 % le dépliant 4 et finalement22.2 % le dépliant 3.Sur base d’un classement effectué par lesélèves et reflétant la synthèse de leur avis, lessupports 5 et 2 sont également plébiscités etles supports 1 et 4 rejetés :ı le support 5 est en première ou seconde posi-

tion en tant que support préféré pour 60.5 %des élèves;

ı le support 2 est en première ou secondeposition en tant que support préféré pour46 % des élèves;

ı le support 1 est en avant-dernière ou der-nière position en tant que support préférépour 21 % des élèves;

ı le support 4 est en avant-dernière ou der-

MARS 2009 | ÉDUCATION SANTÉ 243 | 19

nière position en tant que support préférépour 18 % des élèves.

Au-delà des résultats de ce classement, onpeut observer que pour le support 5 :ı 61.6 % des élèves ont répondu avoir envie

de le lire. La répartition est assez équitableselon les différents types d’enseignement :64.2 % pour le général, 65.5 % pour le tech-nique et 52 % pour le professionnel;

ı plus de la moitié des élèves ont trouvé lesupport 5 original, joli, bien structuré, facileà comprendre;

ı le titre, les illustrations, les couleurs, le looket la manière dont la vaccination était abor-dée ont été appréciés par plus de 55 %;

ı 56 à 75 % de réponses sont correctes à lapartie quiz du questionnaire.

Le support 5 est celui qui a obtenu les scoresles plus élevés dans l’enseignement tech-nique et professionnel. Les résultats statis-tiques détaillés du support 2 ont égalementété présentés au groupe de travail. Un débatautour de ces deux supports s’en est suivi. Ilen ressort qu’in fine, les professionnels choi-sissent le support 5. Il est intéressant deconstater que ce choix est concordant aveccelui des jeunes de 14 à 16 ans.

La finalisation du supportUne fois le support 5 choisi, l’étudiante créa-trice du projet, Nathalie Cruchet, et son ensei-gnant, Joseph Daulne, de l’Ecole supérieuredes Arts de Saint-Luc à Liège ont travaillé avecProvac pour aboutir au résultat final. Ledépliant a été imprimé à 70.000 exemplaireset distribué en juin 2008 à toutes les équipesSPSE et CPMS pour qu’elles le diffusent dansle courant de l’année scolaire 2008-2009. Lesmodalités d’utilisation et de distribution ontété discutées lors des journées décentraliséesd’informations organisées par Provac pourles SPSE/CPMS en juin 2008.

ConclusionIl ressort de cette expérience que les évolu-tions dans la mise à disposition des vaccinset des remboursements peuvent rendre dif-ficile de construire un message actualisé. Eneffet, au moment de la mise sous presse dudépliant, la décision de rembourser le secondvaccin HPV n’avait pas encore été prise etcette information ne figure donc pas dans le

Support 4

Support 3

Tous les 4 ans, une vaste enquête sur la santédes jeunes est menée en Communauté fran-çaise de Belgique : il s’agit de l’enquête HBSC,patronnée par le Bureau européen de l’Orga-nisation mondiale de la santé. Les résultatsde la huitième enquête, réalisée en 2006,viennent d’être publiés en deux brochures :la première traite de la santé et du bien-êtreen général (santé, bien-être, alimentation,sport et surcharge pondérale); la deuxièmeconcerne les « assuétudes » (consommationsde tabac, alcool, drogues, usage de jeux élec-troniques et de télévision).L’objectif de cette enquête portant sur lescomportements de santé et les modes de viedes adolescents est de produire des donnéesutiles pour les acteurs de promotion de lasanté visant un public de jeunes.

Des jeunes heureux et en bonnesanté, avec des nuancesLes résultats de 2006 montrent que près de lamoitié des jeunes s’estiment en très bonnesanté et se considèrent comme heureux,même si certains aspects de leur santé doiventêtre améliorés : plus d’un jeune sur cinq rap-porte des plaintes fréquentes comme la ner-vosité, la mauvaise humeur, ou encore desdifficultés à trouver le sommeil. La fatiguematinale est également très courante et

touche près d’un jeune sur deux. Globalement,ces résultats restent stables dans le temps.Les deux tiers des jeunes consomment réguliè-rement un petit déjeuner avant l’école et unquart des jeunes adoptent des comportementssains en matière d’alimentation. La surchargepondérale n’a pas significativement augmentédepuis 1994. Elle est davantage présente lorsquele niveau d’activité physique est faible ou lorsquel’usage de télévision est important. Un quartdes jeunes pratiquent une activité physique

dépliant, au risque de décrédibiliser le mes-sage.Chaque étape vers le choix du support finala permis d’impliquer les diverses parties pre-nantes. A des niveaux divers, les jeunes ontparticipé activement à la création et à lasélection du support final. En effet, le recueildes représentations sur la vaccination etensuite des avis de quelques jeunes de 14 à16 ans sur les propositions de support a per-mis d’être au plus proche de leurs sensibili-tés et cultures visuelles.

Cette même volonté de proximité a conduitProvac à impliquer des pairs dans la créationgraphique du support. L’implication d’étu-diants dans un processus de construction d’unoutil a permis d’introduire un soupçon de pro-motion de la santé dans leur formation initialeou encore de les sensibiliser aux collaborationsintersectorielles dans le secteur non-mar-chand, à leur plus grande satisfaction.Par leurs compétences particulières et leurconnaissance plus fine du terrain, les publicsrelais, à savoir les équipes SPSE et CPMS, ont

soutenu Provac lors du choix du contenu, duprétest ou encore lors de la diffusion. Lors desateliers d’échange organisés par Provac enjuin 2008, les équipes ont débattu de diffé-rentes possibilités d’utilisation du dépliant.

Catherine Giot, Marie-Christine Miermans,Béatrice Swennen et Karin LevieAdresse des auteures : Provac, Ministère de laCommunauté française, Boulevard Léopold II,44, 1080 Bruxelles. Courriel : [email protected]

DONNÉES

La santé des jeunes en Communauté française de BelgiqueRésultats de l’enquête HBSC (Health Behavior in School-aged Children)

20 | ÉDUCATION SANTÉ 243 | MARS 2009

quotidiennement, les garçons plus que les filles.A l’inverse, les adolescentes sont plus attentivesà leur alimentation, plus enclines à développerdes comportements de réduction du poids maisaussi à avoir une moins bonne image de leurcorps.Depuis 1994, les comportements relatifs à lavie affective et sexuelledes jeunes connaissentpeu de changements majeurs. Néanmoins,entre 2002 et 2006, les jeunes sont un peu plusnombreux à avoir eu une relation sexuelle et àavoir eu plus d’un partenaire sexuel. Les ado-lescent(e)s connaissent relativement bien lesmodes de transmission du VIH. Certainesfausses croyances persistent, plaidant en faveurdu maintien des efforts investis dans la préven-tion du sida. Parmi les jeunes sexuellementactifs, plus de trois quarts d’entre eux ont uti-lisé une contraception lors du dernier rapportsexuel, les moyens les plus cités restent la piluleet/ou le préservatif. Environ un quart des ado-lescentes déclarent avoir déjà utilisé la pilule dulendemain.En un peu plus de 10 ans, la consommation depsychotropes licites et illicites des jeunes a dimi-nué. Cette évolution vaut particulièrementpour les jeunes en fin de scolarité primaire oùles usages de tabac et d’alcool régressent. Dansle secondaire, les usages marginaux d’ecstasyet la quantité de cigarettes consommées sont

Envoi des ‘brèves’Nous consacrerons la totalité du numéro 245 demai 2009 aux inégalités sociales de santé, dans lafoulée de la Rencontre francophone internationalequi a eu lieu à Québec en novembre 2008. Larubrique des ‘brèves’ ne paraîtra pas ce mois-là.Si vous avez un événement à annoncer pour lemois de mai, merci de nous communiquerl’information d’ici le 13 mars, de façon à nouspermettre de la publier en avril !Bien entendu, toutes les actualités resterontaccessibles sur notre site www.educationsante.be.

FemmesBruxelles

A partir du 10 mars 2009Promouvoir l’échange intergénérationnel centré sur

le corps, la santé, la vie amoureuse et la sexualité,

telle est l’ambition d’une série de 4 rencontres

destinées à stimuler la communication et l’échange

entre jeunes femmes (16 à 35 ans ) et femmes après la

cinquantaine. Cette initiative a comme objectif

primordial de réinventer une culture de transmission

entre femmes de différentes générations.

Déroulement des rencontres

Le groupe se composera de 8 à 12 femmes, qui

travailleront ensemble sur divers thèmes. Le cadre

et la didactique de l’animation se construisent

autour de méthodes ludiques spécifiquement

élaborées pour favoriser le processus de réflexion, la

prise de conscience, l’échange et les discussions. Le

travail se fait tour à tour individuellement, en petits

ou grands groupes. Des informations concrètes sur

les différents sujets seront exposées.

Thèmes des rencontres

Les changements du corps, connaître son corps,

alimentation et exercice physique, aller vers sa

santé, le mythe de la beauté, les normes

esthétiques, la vie amoureuse, la vie sexuelle, les

interrogations identitaires et philosophiques...

Le groupe sera animé par Catherine Markstein,

médecin et fondatrice de l’asbl Femmes et Santé, et

Sophie de Cordes, conseillère conjugale. Gina

Scarito, professeur de yoga, et Amandine Orban de

Xivry, conteuse, interviendront ponctuellement.

Dates : mardi 10/3, mardi 17/3, lundi 23/3 et mardi

31/3. Horaire : 18h à 21h. Lieu : rue de la Tulipe 34,

1050 Bruxelles.

Renseignements : asbl Femmes et santé, 02 734 45 17.

Courriel : [email protected].

Internet : www.femmesetsante.be.

BRÈVES

MARS 2009 | ÉDUCATION SANTÉ 243 | 21

Informatique et santéBruxelles

25 mars 2009On observe aujourd’hui une tendance croissante à

la numérisation des informations en matière de

santé. Cette évolution soulève logiquement la

question de l’utilisation de ces données. Va-t-elle

modifier radicalement la relation de confiance

entre le médecin et son patient ? Comment les

données sont-elles sécurisées ? Qui y a accès ?

D’autres développements soulèvent également de

nombreuses questions. Quel est par exemple le rôle

de l’Internet dans la diffusion de l’information

médicale ? Existe-t-il des mécanismes de validation

de cette information ? Y a-t-il un quelconque moyen

d’assurer un contrôle rationnel de l’utilisation de ces

données sur le plan médical ?

La septième conférence bisannuelle du Comité

consultatif de bioéthique, ‘Ma santé dans un monde

informatisé’, tentera de formuler une réponse à ces

questions et d’autres autour de la même problématique.

Une large place sera réservée à l’interaction avec le

public afin que chaque participant puisse profiter

de l’expertise des orateurs. Deux modérateurs,

philosophes et membres du Comité, ne

manqueront pas l’occasion de mettre en exergue

aussi en diminution. Les consommations d’al-cool et de cannabis connaissent des évolutionsplus variables. La consommation hebdoma-daire d’alcool a diminué alors que les conduitesabusives de type « binge drinking » sont enlégère hausse. Concernant le cannabis, lenombre de petits consommateurs s’est accrualors que les usages particulièrement fréquentssont restés stables et peu répandus.L’arrivée de nouvelles technologies modifieaussi les comportements juvéniles. L’abus detélévision diminue alors que l’abus de jeuxélectroniques s’accroît.Habituellement, les jeunes qui s’adonnentplus fréquemment à ces usages sont lesgarçons, les élèves des filières de formationprofessionnelle et technique, les jeunesconnaissant des problèmes d’adaptationscolaire mais également ceux qui se sententsouvent déprimés ou se plaignent réguliè-rement de nervosité. Ces jeunes usagers

sont par contre semblables aux autresjeunes concernant leur bien-être en géné-

ral et s’investissent particulièrement dansleur vie amicale.Globalement, les disparités de santé et decomportements de santé entre garçons etfilles persistent et d’importantes inégalitéssocio-économiques de santé en défaveur desgroupes les moins favorisés apparaissent clai-rement.Ces brochures sont disponibles gratuitement :ı en les téléchargeant au format pdf :

www.ulb.ac.be/esp/sipes - ongletPublications;

ı en les commandant à l’adresse suivante(dans les limites du stock disponible):Service d’Information PromotionEducation Santé - SIPES, Ecole de SantéPublique de l’ULB, CP 596, Route de Lennik808, 1070 Bruxelles. Tél.: 02 555 40 81.Courriel : [email protected].

D’après un communiqué de presse de l’Ecolede santé publique de l’ULB

les enjeux éthiques importants du sujet du jour.La conférence se déroulera de 9 à 14 heures àl’Auditorium du Passage 44, 1000 Bruxelles.Traduction simultanée FR/NL, accréditationdemandée pour les médecins. P.A.F. de 10 euros àverser avant le 21 mars au compte 001-3003382-47avec la mention ‘conférence’ et le nom du participant.Renseignements complémentaires et inscription :Comité consultatif de bioéthique de Belgique, rue de l’Autonomie 4, 1070 Bruxelles. Tél.: 02 525 09 11. Fax : 02 525 09 12. Courriel : [email protected]. Internet : www.health.fgov.be/bioeth

Santé publiqueBesançon

Du 28 juin au 3 juillet 2009Une semaine de formation et d’échangePour la sixième année consécutive, la Faculté demédecine et de pharmacie de Besançon et l’Unionrégionale des caisses d’assurance maladie (Urcam) deFranche-Comté organisent, avec leurs partenaires,une Université d’été francophone en santé publique.Cette formation vise à faire le lien entre action etrecherche et à répondre à des problématiquesconcrètes, en favorisant une réflexion et deséchanges autour d’expériences originales. Lapromotion de la santé en constitue le fil conducteur.17 modules seront proposés autour de 3 grands axes :organisation de la santé, méthodes pour l’interventionet l’évaluation, approches par population, lieu de vie outhématique. Ils sont destinés prioritairement à desprofessionnels en activité ainsi qu’à des élus ou usagersœuvrant au sein d’institutions ou d’associations deschamps sanitaires, sociaux ou éducatifs.Sept nouveaux modules sont proposés cette année :« Stratégies intersectorielles et partenariales enpromotion de la santé », « Territoires et santé »,« Introduire la santé dans toutes les politiquespubliques : études d’impact », « Rédaction d’articlesscientifiques en santé publique et lecture critique desressources documentaires d’Internet », « Migration etsanté publique », « Maladies infectieuses : nouveauxdéfis », et « Prévention des addictions ».Par ailleurs, plusieurs autres modules ont étécomplètement renouvelés.Les intervenants sont des universitaires, chercheursou professionnels, impliqués à différents niveauxdans une démarche de réflexion et d’action au sein dusystème de santé, dans différents pays francophones.La formation se déroule en 8 demi-journées dulundi au vendredi matin, avec une conférenced’ouverture le dimanche en fin d’après-midi.Inscription et tarifs20 à 25 participants par module, date limite le 15mai (en fonction des places disponibles).

500 euros à titre individuel et 650 à titreinstitutionnel jusqu’au 31 mars (600 et 800 eurosaprès). Possibilité de bourses pour les participantshors Union européenne et Amérique du Nord.Pour en savoir plus : www.urcam.org/univete/index.htm.Contact : Solène Boichat, Université d’été francophoneen santé publique, Faculté de médecine et depharmacie, place Saint-Jacques, 25030 Besançon cedex.Tél.: 00 33 03 81 66 55 75. Fax : 00 33 03 81 66 58 69.Courriel : [email protected].

PollutionCet hiver, il y a eu plusieurs alertes aux concentrationsde particules fines, avec comme conséquencependant quelques jours des mesures visant à réduireles émissions polluantes issues du transport routier.Pour la Fédération Inter-Environnement Wallonie, laproblématique des particules fines est un problème desanté publique permanent que ces pics liés à desconditions météorologiques exceptionnelles onttendance à occulter. Les mesures ponctuelles imposéeslors de ces situations d’urgence importent moins quedes mesures structurelles que l’on attend vainement.Il serait mal venu de critiquer ces mesures mais force estde constater qu’elle ne servent qu’à gérer un problèmeet non à le résoudre; la pollution est là et on va faire ensorte qu’elle ne s’aggrave pas. Soit. Mais une fois leniveau retombé sous le seuil d’alerte, tout recommencecomme avant et une part non négligeable de lapopulation urbaine continue à baigner dans unenvironnement dangereux pour sa santé.L’analyse scientifique atteste clairement qu’uneexposition de longue durée à des seuils moyens departicules fines est nettement plus préjudiciable qu’uneexposition passagère à un niveau élevé. L’expositionprolongée raccourcirait ainsi l’espérance de vie de plusd’un an. Une réduction drastique et permanente desparticules fines dans l’atmosphère s’impose donc.L’industrie, responsable de 64,4 % des émissions estsoumise à des mesures structurelles fortesrégulièrement renforcées. Le transport routier, quiintervient à hauteur de 20,8 % dans le problème,échappe par contre à cette gestion en profondeur.On ne viendra pas à bout du problème de santépublique posé par les particules fines sans des actionsde fond : fin de la « prime » au diesel, transfert desmodes de déplacement en milieu urbain, etc. Demême, lever le pied en cas de smog, c’est civique. Maisce qui est vraiment utile, c’est de ne pas écraser ànouveau le champignon et abuser de la voiture sitôtl’alerte levée... Car on ne peut prétendre combattrel’alcoolisme d’un individu en veillant simplement à cequ’il ne tombe pas dans le coma éthylique!D’après un communiqué de la Fédération Inter-Environnement WallonieSur ce même sujet, signalons aussi le dépliant ‘Pics de

22 | ÉDUCATION SANTÉ 243 | MARS 2009

pollution’, édité par la Région wallonne en collaborationavec la Communauté française, qui donne quelquesinformations sur les risques pour la santé, précise lesgroupes particulièrement fragiles, et indique commentse protéger selon la gravité de l’alerte.

MédicamentsLes pharmaciens ne délivrent généralement pas le médicament le moins cherLorsqu’un médecin prescrit en DCI (on parle deprescription en DCI ou Dénomination CommuneInternationale quand le médecin ne mentionne pas,sur sa prescription, le nom de marque du médicament,mais bien le nom scientifique de la molécule active), lepharmacien doit choisir le médicament le plusapproprié sur base de ce principe actif, et ceci enconcertation avec le patient. A la demande de Test-Achats, des enquêteurs anonymes se sont rendusdans 148 pharmacies et y ont présenté deuxprescriptions sous nom de substance : une pour lecaptopril, une substance contre l’hypertensionchronique, et une autre pour le fluconazol, contre lesinfections mycosiques vaginales aiguës.Dans les deux cas, seuls 12 % des pharmaciens ont déli-vré le médicament le moins cher tandis que 4 % ontdélivré le médicament le plus cher. Même lorsque lemédicament n’était pas en stock, la plupart des phar-maciens ont commandé un produit un peu plus cher.En outre, concernant la prescription pour lecaptopril, deux pharmaciens sur trois n’ont pasinterrogé le patient pour savoir quel médicament ilprenait habituellement. Les médicaments contrel’hypertension sont pourtant des médicaments quisont pris à long terme et il serait donc essentiel des’enquérir de l’expérience du patient.Toutefois, presque tous les pharmaciens agissentconformément à la loi en délivrant un médicamentpour lequel le patient ne paie pas de supplément.Lors d’une enquête précédente réalisée en juin 2006,Test-Achats était arrivé à des résultats comparables. LaMutualité chrétienne confirme également ceschiffres. Entre juillet 2007 et juillet 2008, une minoritéde pharmaciens a délivré le médicament le moinscher pour le captopril comme pour le fluconazol.La Mutualité chrétienne et Test-Achats insistenttoutefois sur les avantages de la prescription enDCI. D’abord, parce qu’elle crée plus de clarté pourles prestataires de soins et les patients. Ensuite,parce qu’elle permet une répartition claire destâches : le médecin est responsable du diagnostic etdu traitement, le pharmacien doit quant à lui veillerà la continuité des soins et au bon choix desmédicaments. Enfin, le choix de médicamentsmoins chers permet une économie tant pour lepatient que pour l’assurance maladie.Selon l’INAMI, 2,4 % seulement de tous les

médicaments vendus pour lesquels il existe ungénérique sont prescrits en DCI. Il est évident que lemédecin doit avoir la liberté de prescrire une certainemarque lorsque le patient utilise ce produit depuis uncertain temps ou s’il estime que c’est le médicamentle plus approprié. Néanmoins, la Mutualité chrétienneet Test-Achats lancent un appel aux médecins pourqu’ils prescrivent plus souvent en DCI.D’après un communiqué de la Mutualité chrétienne(26 janvier 2009)

Prévention IST - sidaLa Plate-forme prévention sida nous a rappelé àl’occasion de la Saint Valentin que ‘proposer etmettre un préservatif peut être un petit gested’amour, un geste de respect’.

Education relative à l’Environnement

Serez-vous Porteurs d’ErE ?Avec sa centaine d’associations-membres enCommunauté française, le Réseau IDée lancejusqu’en juin 2009 la campagne « Porteurs d’ErE -l’Education relative à l’Environnement à notreportée ». Au menu : un site web et une afficheillustrée reprenant 10 idées phares, ainsi que desdizaines d’événements à Bruxelles et en Wallonie(animations, conférences, balades...). Objectif :mieux faire (re)connaître l’Education relative àl’Environnement (ErE) et mettre en évidence lesnombreuses personnes et organisations qui ycontribuent ou souhaitent s’y impliquer davantage.Vous trouvez que l’éducation à l’environnement estprimordiale ? Dites-le en vous rendant sur le sitehttp://www.porteursdere.be ou en contactant leRéseau IDée (02 286 95 70 - [email protected]).Car être nombreux à porter ces idées, et le savoir,

c’est motivant et porteur auprès d’autres citoyens,entreprises, institutions, élus!Le monde ne changera pas en un jour... mais, tousles jours, nous pouvons porter en nous ce projet.Contact : Réseau IDée, 02 286 95 70. Courriel :[email protected].

Changement d’adresseModus Vivendi et Eurotox ont déménagé. Nouvelleadresse : rue Jourdan 151, 1060 Saint-Gilles.Téléphone et fax restent inchangés.

CLPS NamurIl y a de nouveau un Centre local de promotion de lasanté pour la province de Namur. L’asbl a été agrééedans un premier temps pour une période de deuxans, du 1er novembre 2008 au 31 octobre 2010.Son responsable est Benoît Dadoumont (ex-CLPS deHuy-Waremme).Adresse : rue Saint-Nicolas 8, 5000 Namur. Tél.: 081 75 00 46. Fax : 081 23 19 60. Courriel :[email protected] et [email protected]

InternetL’asbl Eurotox, observatoire socio-épidémiologiquealcool-drogues en Communauté française, vient demettre en ligne son nouveau site à l’adressewww.eurotox.org.Vous y trouverez notamment le rapport sur lecadastre des actions de prévention et de réductiondes risques en Communauté française, ainsi quedes actualités et des informations sur les tendancesémergentes en matière de consommation dedrogues. Le site informe aussi des alertes précocesqu’Eurotox décide de relayer (il arrive que desmessages alarmistes sur la circulation de produitsdangereux soient dénués de tout fondement).

EmploiOffres

Le Centre local de promotion de la santé de Namurrecherche deux collaborateurs (m/f).Un(e) chargé(e) de projets à temps plein(38h/semaine), contrat à durée indéterminée.Profil :ı expérience de minimum 5 ans dans le champ du

développement ou de l’accompagnement deprojets en promotion de la santé;

ı bonne connaissance du terrain (géographique,associatif, institutionnel...) de la Province de Namur;

ı diplôme universitaire ou supérieur nonuniversitaire.

La connaissance du secteur de la promotion de lasanté organisé par la Communauté française deBelgique sera un atout.Disponible rapidement, à partir d’avril 2009.

MARS 2009 | ÉDUCATION SANTÉ 243 | 23

Un(e) animateur/trice gestionnaire de centre deressources documentaires à temps plein (38 h/semaine), contrat à durée indéterminéeProfil :ı bonnes capacités d’animation de groupe (adultes

- secteur médico-social et associatif);ı expérience dans le champ de la promotion de la

santé, de l’éducation pour la santé ou del’éducation à l’environnement;

ı compétences informatiques (encodage et gestionde base de données documentaire, mise à jour dusite internet, administration et diffusion de« lettres d’information »...);

ı diplôme de l’enseignement supérieur nonuniversitaire ou de l’enseignement secondairesupérieur.

Disponible rapidement, à partir d’avril 2009.Les candidatures (CV + lettre de motivation) sont àenvoyer pour le 10 mars 2009, au CLPS de Namur, B.Dadoumont, rue Saint Nicolas 8, 5000 Namur.Courriel : [email protected]

RechercheVoici un message pour nos lecteurs québécois (ouautres ayant des contacts au Québec) d’unepersonne qui cherche un travail et des contacts dansle monde de la promotion de la santé / éducationpour la santé au Québec, à partir de septembre 2009.Expérience professionnelle de 4 ans dans le servicede promotion de la santé (Infor Santé) de laMutualité chrétienne (région Bruxelles).Diplômes de 2e cycle en santé publique (éducationpour la santé) et communication.Dispose d’un visa de résidente permanente.Coordonnées : Pascale Dupuis, [email protected].

Vous pouvez prendre connaissanced’Education Santé une quinzaine de joursavant sa parution. Pour cela, il vous suffitd’envoyer votre adresse électronique à[email protected] recevrez alors la revue avant le 25 du mois précédant la date de parution. Elle vous sera envoyée au format PDF.Pour rappel, ce même PDF et les articlessont mis en ligne sur www.educationsante.be vers le 20 du mois indiqué sur la couverture.Merci de nous prévenir si vous souhaitezsupprimer votre abonnement postal par la même occasion.

Avis aux impatients

SOMMAIRE

La revue Education Santé est réalisée avec l’aide du Ministère de la Communauté française

de Belgique Département de la Santé.

Mensuel (11 numéros par an, ne paraît pas en août).Abonnement : gratuit pour la Belgique, Pour l’étranger, nous contacter.Réalisation et diffusion : Infor Santé, Alliance nationale desmutualités chrétiennes, dans le cadre de la Cellule deCoordination intermutualiste ANMC-UNMS.Rédacteur en chef, secrétaire de rédaction : Christian De Bock(02 246 48 50, [email protected]).Secrétaire de rédaction adjoint : Catherine Spièce (02 515 05 85, [email protected]).Collaboratrice : Anne Trappeniers.Journalistes : Colette Barbier, Carole Feulien, Gilles C Jourdan.Documentation : Maryse Van Audenhaege (02 246 48 51, [email protected]).Site internet : Jacques Henkinbrant (design), Maryse Van Audenhaege (animation).Contact abonnés : Maryse Van Audenhaege (02 246 48 51, [email protected])Comité stratégique : Gaëtan Absil, Martine Bantuelle, Luc Berghmans, Colette Barbier, Jean-Luc Collignon, Benoît Dadoumont, Christian De Bock, Alain Deccache,Cristine Deliens, Carole Feulien, Sophie Fiévet, Fabienne

Henry, Pascale Jonckheer, Roger Lonfils, Karin Rondia, Catherine Spièce, Bernadette Taeymans, Patrick Trefois,Maryse Van Audenhaege.Comité opérationnel : Alain Cherbonnier, Christian De Bock,Jacques Henkinbrant, Thierry Poucet.Editeur responsable : Jean Hermesse, chaussée de Haecht 579/40, 1031 Bruxelles.Maquette et mise en page : Muriel Logist.Impression : Impaprint.Tirage : 2.800 exemplaires.Diffusion : 2.600 exemplaires.ISSN : 0776 - 2623.Les articles publiés par Education Santé n’engagent que leursauteurs. Les articles non signés sont de la rédaction.La revue n’accepte pas de publicité.Les textes parus dans Education Santé peuvent êtrereproduits après accord préalable de la revue et moyennantmention de la source.Pour tous renseignements complémentaires :Education Santé, chée de Haecht 579/40, 1031 Bruxelles. Tél.: 02 246 48 51. Fax : 02 246 49 88 (indiquer ANMC-Education Santé comme destinataire).

Internet : www.educationsante.beCourriel : [email protected] découvrir les outils francophones en promotion de lasanté, une seule adresse : www.pipsa.orgRevue membre de l’A.R.S.C., Association des revuesscientifiques et culturelles – www.arsc.beLes textes de ce numéro seront prochainement disponiblessur notre site www.educationsante.be (sous réserved’acceptation des auteurs). Notre site adhère à la Plate-forme www.promosante.net.

Imprimé sur papier blanchi sans chlore – Emballage recyclable.

InitiativesContribution des citoyens à l’élaboration des

plans de lutte contre la pandémie

d’influenza, par Yanick Farmer, Cécile Durand,

Marianne Dion-Labrie, Marie-Eve Bouthillier

et Hubert Doucet 2

Signaux de fumée, le difficile cheminement

du sevrage tabagique, par Rajae Serrokh,

Marianne Prévost et Valérie Hubens 6

RéflexionsLa prévention, du modèle magico-religieux

au modèle contractuel,

par Jean-Pierre Dozon 11

MatérielVaccination : à deux, on est plus fort !, par

Catherine Giot, Marie-Christine Miermans,

Béatrice Swennen et Karin Levie 17

DonnéesLa santé des jeunes en Communauté

française, résultats de l’enquête Health

Behaviour of School-aged Children 20

Brèves 21

Visitez notre site internet! Nous y avonsstocké en texte intégral plus de 1.000articles parus dans la revue depuis le n° 155 en janvier 2001.Vous pourrez y trouver un texte encherchant par nom d’auteur, par numérode parution, par rubrique, et par motsprésents dans le texte (un ou deux mots,ensemble ou s’excluant l’un l’autre).Simple et efficace...Vous y trouverez aussi le dernier numéroparu au format PDF (vers le 20 du mois en cours) et un agenda mis à jour toutesles semaines.

www.educationsante.be

Priorité aux dépistages ?Depuis quelques années, un programmeorganisé de dépistage du cancer du sein a étémis en place dans notre pays, avec un succèscontrasté au nord et au sud du pays. Nous yreviendrons très prochainement.De son côté, la Communauté française démarreces jours-ci un nouveau programme organisé,relatif au cancer colorectal, qui s’adresse auxhommes et aux femmes âgés de 50 à 74 ans.Nous le présenterons en détail dans notre pro-chaine livraison.En outre, le Gouvernement de la Communautéfrançaise vient d’adapter la législation enmatière de dépistage des anomalies congéni-tales, qui était toujours réglée par un arrêtéroyal de 1974 alors que cela fait bon nombred’années que le financement des centres dedépistage est assuré par la Communauté.Cela en fait des dépistages, diront certains, s’in-quiétant de voir les entités fédérées consacrerde plus en plus de moyens à des programmesde médecine préventive, au détriment des pro-grammes de promotion de la santé, pourtantdéjà chichement dotés. Sans remettre en ques-tion le bien-fondé de certains dépistages, quis’appuient sur de solides bases scientifiques,je ne peux leur donner tort...

Dans ce contexte, il nous a semblé utile deproposer à nos lecteurs les réflexions duConseil supérieur de promotion santé encette matière. Le Conseil s’est longuementpenché sur la question ces derniers temps, etil nous a paru que ses travaux méritaientqu’on leur fasse écho.Aujourd’hui, grâce à l’aide du Service commu-nautaire de promotion de la santé QuestionSanté, de l’Institut de médecine préventive dela Société scientifique de médecine générale,et d’un coup de pouce de la Ministre de la SantéCatherine Fonck, nous sommes en mesure devous proposer, en complément à notre livrai-son mensuelle, la plaquette ‘Examens de dépis-tage - pour de bonnes pratiques’.Je vous en souhaite bonne lecture.

Christian De Bock, rédacteur en chef

EDITO