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© 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Annales de Cardiologie et d’Angéiologie 58 (2009) S57–S60
Quel traitement pour quel patient ?
En Pratique
Which therapy for which patient?
In daily practice
B. Brembilla-Perrot
Cardiologie, Pr Aliot E, CHU de Brabois, 54500 Vandœuvre Lès Nancy, France
Résumé
Malgré les importants progrès réalisés dans le traitement curatif de la fibrillation auriculaire, les décisions du traitement concernant la
régularisation du premier accès et surtout du traitement préventif restent difficiles. En l’absence de preuve réelle de l’intérêt du maintien du
rythme sinusal sur le plan du pronostic vital, les décisions se prennent cas par cas, essentiellement basées sur l’âge du patient, sa tolérance
fonctionnelle et le retentissement objectif de la FA sur la fonction ventriculaire gauche.
© 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Abstract
Although the important progress in the curative treatment of atrial fibrillation, the indications of the regularisation of the first episode and
of the preventive treatment remain difficult. Without real proofs on the interest of maintain in sinus rhythm, the indications depend on the
age of the patient, the clinical tolerance and the objective impact on left ventricular ejection fraction.
© 2009 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Mots clés : Fibrillation auriculaire ; Traitement
Keywords: Atrial fibrillation; Treatment
Ces dix dernières années ont été marquées par une
abondance de publications dans la fibrillation auriculaire
(FA), mais les décisions de traitement sont paradoxale-
ment de plus en plus difficiles. Toutes les études rando-
misées ont montré l’absence d’intérêt objectif du main-
tien en rythme sinusal pour le pronostic vital que ce soit
chez des sujets sans cardiopathie [1] ou des sujets en
insuffisance cardiaque [2], mais ont aussi montré que le
maintien en rythme sinusal améliorait les capacités fonc-
tionnelles du sujet [3]. Ces deux éléments restent les élé-
ments de base à prendre en compte pour les indications du
traitement.
Les indications vont dépendre de l’âge, l’état général, la
tolérance clinique de la FA qu’elle soit simplement fonc-
tionnelle ou associée à une atteinte de la fonction ventricu-
laire gauche.
1. Nécessité de tenter une régularisation du premier accès de fibrillation auriculaire
Un consensus est établi sur la nécessité de tenter une
régularisation du premier accès de fibrillation auriculaire
chez tous les sujets indépendamment de leur contexte clini-
que et même chez les sujets très âgés à moins qu’il n’y ait
une autre maladie à pronostic spontané défavorable [4] :
– en urgence la FA est ralentie par injection de digoxine
pendant les 24 premières heures en l’absence d’insuffisance
rénale et l’insuffisance cardiaque, si elle est présente doit
être traitée ;
– l’anticoagulation est impérative : le risque thromboem-
bolique passe de 2 à 5 % chez des patients sans cardiopathie
à 20 % chez ceux qui ont une arythmie associée à une car-
diopathie [5] ;
Correspondance.
Adresse e-mail : [email protected]
S58 B. Brembilla-Perrot / Annales de Cardiologie et d’Angéiologie 58 (2009) S57–S60
– si la FA persiste au bout de 48 heures, des doses de
charge d’amiodarone sont utilisées après vérification de la
TSH ;
– au bout de 3 semaines, en cas de persistance de la FA,
une cardioversion est effectuée sauf pour les sujets très âgés.
2. Après le retour en rythme sinusal
– Si l’épisode initial a été spontanément résolutif et bien
toléré et s’il s’agissait du premier accès, aucun traitement
n’est préconisé à l’exception des conseils hygiénodiététi-
ques (suppression de l’alcool par exemple).
– Dans les autres cas, un traitement par les antiarythmi-
ques de classe I, amiodarone ou bêtabloquant est maintenu,
le traitement étant basé sur les recommandations européen-
nes et américaines de 2006 [4]. Les antiarythmiques de
classe I (flecaïnide, propafénone) ou le sotalol sont indiqués
en l’absence de cardiopathie ou en cas d’hypertension sans
retentissement ventriculaire gauche ; le sotalol est indiqué
en cas de cardiopathie ischémique ; l’amiodarone est indi-
quée en cas d’hypertension avec cardiopathie hypertrophi-
que et chez tous les sujets avec atteinte de la fraction d’éjec-
tion ventriculaire gauche. Les inhibiteurs du système rénine
angiotensine (IEC) ou les antagonistes du système rénine
angiotensine 2 (ARA 2) diminueraient de 44 % le risque de
FA dans l’insuffisance cardiaque (SOLVD) et dans la car-
diopathie hypertensive [6].
Les statines pourraient diminuer le risque de rechute de
FA postopératoire ou en cas de cardiopathie ischémique [7].
De nombreux antiarythmiques qui agiraient plus sélecti-
vement à l’étage auriculaire comme le vernakalant ou
d’autres classes III comme la dronédarone sont toujours en
cours d’étude. La dronédarone serait d’ailleurs dangereuse
en cas d’insuffisance cardiaque évoluée [8].
Si le patient a aussi des troubles de conduction et qu’il
nécessite la mise en place d’un pace maker, il est possible
d’espérer que la stimulation auriculaire limitera les risques
de FA [8] : en cas de bloc sino-auriculaire, la bradycardie est
une cause favorisante de la FA en provoquant une inhomo-
généité des périodes réfractaires auriculaires ; sa prévention
limite le risque de rechute mais ceci est inconstant ; il est dif-
ficile de prévenir la FA par des algorithmes de stimulation
cardiaque que ce soit chez des sujets sans cardiopathie ou
des sujets avec altération de la fonction ventriculaire gauche
(étude MASCOT)
Malheureusement le maintien à long terme du rythme
sinusal est inconstant.
3. En cas de rechute d’un premier accès d’arythmie sous antiarythmiques
Les indications d’un nouveau traitement curatif et pré-
ventif dépendront de l’âge du patient, l’histoire clinique et
des données de l’échocardiographie seront prises en compte
(Tableau 1) :
Il faut rechercher une étiologie, la traiter et évaluer la
tolérance fonctionnelle et objective de la fibrillation
auriculaire.
L’échocardiographie cardiaque est importante car elle
permet de mesurer la taille de l’oreillette gauche qui aide à
prédire les risques de rechute de la FA si l’oreillette gauche
est très dilatée, encore que cette taille est variable avec le
temps et la durée du maintien en rythme sinusal ou en
fibrillation auriculaire. Elle permet d’évaluer la nature de la
cardiopathie et son aggravation éventuelle lors de la FA.
En cas de cardiomyopathie très évoluée, une échocardio-
graphie de stress à la dobutamine pourrait permettre de pré-
dire la réversibilité possible de l’atteinte de la fonction ven-
triculaire gauche :
– chez un sujet peu gêné, quel que soit son âge, sans
retentissement notable de la FA sur la fonction ventriculaire
gauche, il reste raisonnable de respecter la FA, de simple-
ment discuter du traitement anticoagulant en fonction des
critères de CHADS2, ralentir la FA en privilégiant les bêta-
bloquants et poursuivre le traitement de la cardiopathie
éventuellement associée ;
– en revanche, chez un sujet gêné ou ayant un retentisse-
ment hémodynamique objectif lié à l’arythmie, une nouvelle
régularisation doit être tentée et des nouveaux traitements
médicamenteux, voire non médicamenteux doivent être
essayés. Les différents moyens de traitement médicamen-
teux et non médicamenteux peuvent être combinés.
Cette discussion prend en compte la tolérance fonction-
nelle, l’âge (±70 ans), les tares associées et la nature de la
cardiomyopathie (VG déchu ou cardiomyopathie rythmi-
que) avec le retentissement « objectif » sur l’état hémo-
dynamique.
Tableau 1
Conduite à tenir en cas de rechute de la FA après un traitement antiarythmique (AA) (IC: insuffisance cardiaque, CM cardiomyopathie).
> 70 ans, ou tares ou FA bien tolérée
ou IC ancienne
< 70 ans + FA mal tolérée ou aggravation de l’IC
ou CM rythmique
1re intention Antivitamines K (critères CHADS),
béta bloquants
traitement non AAIC (IEC, ARA2)
Ablation de la FA
2e intention Ablation His ± resynchronisation Ablation His ± resynchronisation
B. Brembilla-Perrot / Annales de Cardiologie et d’Angéiologie 58 (2009) S57–S60 S59
3.1. En pratique, chez les sujets de plus de 70 ans ou ayant une insuffisance cardiaque évoluée et ancienne
Chez les sujets de plus de 70 ans ou ayant une insuffi-
sance cardiaque évoluée et ancienne, la FA est respectée et
ralentie par les bêtabloquants (métoprolol à 1/2 vie assez
courte, bisoprolol, nébivolol, carvédilol) et/ou la digoxine.
L’anticoagulation par antivitamines K est indiquée selon les
critères de CHADS2 sauf en cas de contre-indication.
En cas de persistance d’accès de FA paroxystiques mal
tolérés ou d’une FA permanente toujours rapide, l’ablation
du faisceau de His associé à la mise en place d’un pace
maker avec si possible resynchronisation est indiquée. Le
confort de vie est amélioré mais le pronostic reste inchangé
en cas de VG déchu. Ce geste ne doit être effectué qu’en der-
nier lieu chez les sujets âgés, car une surmortalité a été
observée dans les suites et a été rapportée à des torsades de
pointe, des défauts de stimulation du pacemaker ou des acci-
dents thromboemboliques. Il faut surtout rappeler que le
sujet devient dépendant d’un pacemaker. L’ablation du fais-
ceau de His s’impose aussi chez le sujet resynchronisé qui a
une FA permanente rapide pour que ce sujet garde les béné-
fices de sa resynchronisation [9].
3.2. En pratique, chez les sujets de moins de 70 ans
Chez les sujets de moins de 70 ans, cet âge dépendant de
l’état général et des désirs du patient, gênés ou aggravant le
stade de leur cardiopathie lors du passage en FA ou ayant
une cardiopathie rythmique, le traitement curatif de la FA
par ablation doit être discuté. De nombreux travaux mon-
trent que l’isolation des veines pulmonaires et la création de
lignes sur le toit de l’oreillette et au niveau des isthmes gau-
che et droit dans les FA persistantes permettent d’espérer un
retour et un maintien en rythme sinusal avec un succès très
nettement supérieur à celui des antiarythmiques [10]. Les
progrès techniques pour réaliser l’isolation des veines pul-
monaires ont permis de raccourcir notablement la durée de
la procédure avec l’apparition de nouvelles sources d’éner-
gie, ultrasons, laser ou cryo-ablation et de nouveaux cathé-
ters, cathéters irrigués ou ballons introduits dans l’entrée des
veines pulmonaires.
L’équipe bordelaise [11] a montré en 2004, qu’on pou-
vait espérer la guérison ou l’amélioration de l’insuffisance
cardiaque par le traitement curatif de la FA. Il s’agissait tou-
tefois d’une petite série qui n’a jamais été confirmée à large
échelle. Chez les autres patients le bénéfice concernant le
confort de vie a été largement démontré dans de nombreuses
études malgré un risque de récidive de FA non négligeable
mais bien tolérée.
En cas de cardiopathie, le traitement curatif de la FA sem-
ble cependant supérieur en terme de pronostic à l’ablation
du faisceau de His avec resynchronisation (l’étude PABA-
CHF) [2]. Cependant, la technique d’ablation comporte
encore des risques d’accidents dans environ 3.9 % des cas
(lésions du phrénique, tamponnade, sténose des veines pul-
monaires, lésions œsophagiennes, accident embolique et
développement de tachycardies atriales ou flutter auriculaire
gauche à conduction rapides dans 5 à 10 % des cas).
Le traitement curatif de la FA d’indication encore limi-
tée par ces problèmes et sa longueur peut permettre d’espé-
rer dans l’avenir un maintien du rythme sinusal dans 75 à
90 % des cas si la FA est paroxystique, 50 % si la FA est
persistante.
Enfin si le sujet a une chirurgie cardiaque prévue, la seg-
mentation de l’oreillette peut s’envisager lors du geste.
En conclusion, pour la majorité de nos patients, la prise
en charge classique selon les recommandations des sociétés
européennes et américaines de Cardiologie de 2006 reste
indiquée, car il est rare de ne pas trouver un traitement per-
mettant une tolérance fonctionnelle satisfaisante de la FA.
En 2009, il y a toujours un paradoxe dans l’attitude vis-à-vis
de la FA, l’un opposant une attitude conservatrice appuyée
sur des études de pronostic vital qui sont favorables en cas
d’anticoagulation et de ralentissement de la FA à une atti-
tude interventionniste passant par des méthodes ablatives
complexes susceptibles de guérir le patient. Le traitement de
chacun de nos patients se discute cas par cas.
Conflit d’intérêts : aucun.
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