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B. Millet, N. Baup L’Encéphale, 2005 ; 31 : 55-7, cahier 3 S 56 Recommandations Des recommandations thérapeutiques peuvent distin- guer deux types de troubles dépressifs : les dépressions endogènes et les dépressions névrotico-réactionnelles. Pour les dépressions endogènes, la psycho-éducation, les thérapies de groupe et la prise en compte des familles sont essentielles. Les dépressions névrotico-réactionnelles peuvent bénéficier d’une thérapie cognitivo-comportementale, en particulier lorsqu’il existe une comorbidité anxieuse. Lorsqu’un trouble de personnalité est présent, les théra- pies d’inspiration psychanalytique ont une place impor- tante. LES MOYENS BIOLOGIQUES NON MÉDICAMENTEUX En alternative aux traitements médicamenteux, divers traitements biologiques ont été proposés pour les troubles de l’humeur récidivants : les ECT de maintenance ont fait la preuve de leur efficacité ; la stimulation magnétique transcrânienne nécessite d’être évaluée sur le long terme, de même que la stimulation cérébrale profonde, ou la sti- mulation du nerf vague. CONCLUSION D’une manière générale, quelle que soit la modalité psychothérapique, il faut constater le manque de psycho- thérapeutes formés ou disponibles en France, ce qui est probablement la principale limite aux prises en charge. Il est également important de souligner que tout type de psy- chothérapie peut conduire à des résultats comparables, dès lors que le thérapeute est compétent dans la modalité thérapeutique qu’il exerce, et qu’il est impliqué, engagé dans la prise en charge. Cet engagement du thérapeute apparaît en effet un facteur pronostique important pour les prises en charges psychothérapiques. Les thérapies interpersonnelles D. PAPETA et les membres du groupe CREATIP Peu connues et pratiquées en France les thérapies interpersonnelles (TIP) ont pourtant fait l’objet de nom- breux travaux dans d’autres pays depuis leur mise au point au début des années 70. Dans les méta-analyses consa- crées à l’évaluation des thérapeutiques antidépressives, leur efficacité est égale à celle des thérapies cognitivo- comportementales dans les dépressions légères à modé- rées et se révèle supérieure à toutes les autres formes de psychothérapies testées dans les dépressions sévères (3). Elles se sont inspirées d’un certain nombre de sources à la fois théoriques et empiriques (4) : les travaux d’Adolf Meyer qui considère les troubles psychiatriques comme des tentatives d’adaptation de l’individu avec son environnement (5) ; la théorie de Harry Sullivan qui les envisage comme résultant de dysfonctionnements interpersonnels (9) ; la théorie de l’attachement du psychanalyste John Bowlby (1) ; les travaux de Brown et Harris démontrant le rôle pro- tecteur de l’environnement personnel et social contre la dépression (2) ; les données épidémiologiques montrant le lien entre dépression majeure et conflits conjugaux (10). Il s’agit donc de psychothérapies brèves, structurées basées sur l’existence d’un lien indéfectible entre les trou- bles de l’humeur et l’environnement relationnel et social du sujet. Le postulat est que la dépression serait précipitée ou perpétuée par cet environnement dans une des 4 situa- tions de vulnérabilité suivantes : un deuil, un conflit rela- tionnel, une période de transition de vie mal gérée (par exemple passage de l’adolescence à l’âge adulte, un mariage ou un divorce, une promotion professionnelle, ou la naissance d’un enfant), ou un déficit interpersonnel (iso- lement social par exemple). Elles se déroulent sur 12 à 20 séances d’une heure réparties en 3 phases : – La phase de début (séances 1 à 3-4) s’oriente d’abord vers la gestion de la dépression (établir le dia- gnostic, rappeler que la dépression est une maladie, éva- luer le besoin d’un traitement médicamenteux), puis recherche des problèmes interpersonnels concomitants qui peuvent être mis en relation avec la dépression. Le thérapeute essaie ensuite de repérer lequel des 4 domai- nes déjà évoqués pose problème au sujet et identifie ce que le sujet aimerait changer. Enfin, il explique au sujet les principes de la thérapie et se met d’accord avec le patient pour choisir un objectif. La phase centrale (séances 4 à 9 ou 5 à 16) au cours de laquelle les entretiens débutent toujours par une éva- luation de la symptomatologie avant de se focaliser sur le problème choisi par le patient. Le thérapeute aide le

Quelle prise en charge non médicamenteuse au long cours dans la dépression ?

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B. Millet, N. Baup L’Encéphale, 2005 ; 31 : 55-7, cahier 3

S 56

Recommandations

Des recommandations thérapeutiques peuvent distin-guer deux types de troubles dépressifs : les dépressionsendogènes et les dépressions névrotico-réactionnelles.

Pour les dépressions endogènes, la psycho-éducation,les thérapies de groupe et la prise en compte des famillessont essentielles.

Les dépressions névrotico-réactionnelles peuventbénéficier d’une thérapie cognitivo-comportementale, enparticulier lorsqu’il existe une comorbidité anxieuse.Lorsqu’un trouble de personnalité est présent, les théra-pies d’inspiration psychanalytique ont une place impor-tante.

LES MOYENS BIOLOGIQUES NON MÉDICAMENTEUX

En alternative aux traitements médicamenteux, diverstraitements biologiques ont été proposés pour les troubles

de l’humeur récidivants : les ECT de maintenance ont faitla preuve de leur efficacité ; la stimulation magnétiquetranscrânienne nécessite d’être évaluée sur le long terme,de même que la stimulation cérébrale profonde, ou la sti-mulation du nerf vague.

CONCLUSION

D’une manière générale, quelle que soit la modalitépsychothérapique, il faut constater le manque de psycho-thérapeutes formés ou disponibles en France, ce qui estprobablement la principale limite aux prises en charge. Ilest également important de souligner que tout type de psy-chothérapie peut conduire à des résultats comparables,dès lors que le thérapeute est compétent dans la modalitéthérapeutique qu’il exerce, et qu’il est impliqué, engagédans la prise en charge. Cet engagement du thérapeuteapparaît en effet un facteur pronostique important pour lesprises en charges psychothérapiques.

Les thérapies interpersonnelles

D. PAPETA et les membres du groupe CREATIP

Peu connues et pratiquées en France les thérapiesinterpersonnelles (TIP) ont pourtant fait l’objet de nom-breux travaux dans d’autres pays depuis leur mise au pointau début des années 70. Dans les méta-analyses consa-crées à l’évaluation des thérapeutiques antidépressives,leur efficacité est égale à celle des thérapies cognitivo-comportementales dans les dépressions légères à modé-rées et se révèle supérieure à toutes les autres formes depsychothérapies testées dans les dépressions sévères(3).

Elles se sont inspirées d’un certain nombre de sourcesà la fois théoriques et empiriques (4) :

– les travaux d’Adolf Meyer qui considère les troublespsychiatriques comme des tentatives d’adaptation del’individu avec son environnement (5) ;

– la théorie de Harry Sullivan qui les envisage commerésultant de dysfonctionnements interpersonnels (9) ;

– la théorie de l’attachement du psychanalyste JohnBowlby (1) ;

– les travaux de Brown et Harris démontrant le rôle pro-tecteur de l’environnement personnel et social contre ladépression (2) ;

– les données épidémiologiques montrant le lien entredépression majeure et conflits conjugaux (10).

Il s’agit donc de psychothérapies brèves, structuréesbasées sur l’existence d’un lien indéfectible entre les trou-

bles de l’humeur et l’environnement relationnel et socialdu sujet. Le postulat est que la dépression serait précipitéeou perpétuée par cet environnement dans une des 4 situa-tions de vulnérabilité suivantes : un deuil, un conflit rela-tionnel, une période de transition de vie mal gérée (parexemple passage de l’adolescence à l’âge adulte, unmariage ou un divorce, une promotion professionnelle, oula naissance d’un enfant), ou un déficit interpersonnel (iso-lement social par exemple).

Elles se déroulent sur 12 à 20 séances d’une heureréparties en 3 phases :

– La phase de début (séances 1 à 3-4) s’oriented’abord vers la gestion de la dépression (établir le dia-gnostic, rappeler que la dépression est une maladie, éva-luer le besoin d’un traitement médicamenteux), puisrecherche des problèmes interpersonnels concomitantsqui peuvent être mis en relation avec la dépression. Lethérapeute essaie ensuite de repérer lequel des 4 domai-nes déjà évoqués pose problème au sujet et identifie ceque le sujet aimerait changer. Enfin, il explique au sujetles principes de la thérapie et se met d’accord avec lepatient pour choisir un objectif.

– La phase centrale (séances 4 à 9 ou 5 à 16) au coursde laquelle les entretiens débutent toujours par une éva-luation de la symptomatologie avant de se focaliser sur leproblème choisi par le patient. Le thérapeute aide le

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patient à reconnaître ses émotions et à les gérer, en repé-rant les dysfonctionnements qui y sont liés afin d’envisa-ger avec lui les stratégies qu’il a déjà déployées et la pos-sibilité d’en utiliser d’autres qu’il peut éventuellementtester avec un « jeu de rôle » qui a pour but d’en préciserles enjeux. Puis le thérapeute propose au sujet de les pra-tiquer dans son environnement et d’en reparler lors de laséance suivante. C’est pendant cette phase que le sujetdéprimé prend la mesure de l’impact de ses difficultésinterpersonnelles et de sa capacité à les faire évoluer.

– La phase finale (séances 10 à 12 ou 16 à 20) : lesévolutions clinique et relationnelle sont passées en revue,commentées et valorisées et les émotions suscitées parla fin de la thérapie sont évoquées et analysées.

Dans le cas d’une dépression chronique ou récidivante,la poursuite de séances (thérapie interpersonnelle demaintenance) au rythme d’une séance par mois est sou-vent utile, en association avec une pharmacothérapie anti-dépressive adaptée.

L’intérêt des TIP a été démontré dans tous les troublesde l’humeur qu’il s’agisse des dépressions de l’adulte (7),de l’adolescent (6)ou chez le sujet âgé (8).

Cependant les indications des TIP se sont étenduesdepuis leur création à d’autres domaines comme la phobiesociale, la boulimie et les états de stress post-traumatique.

Références

1. BOWLBY J. Attachment and loss, Vol 1. London : Hogarth Press,1969.

2. BROWN GW, HARRIS T. Social origins of depression : a study ofpsychiatric disorder in women. New York : Free Press, 1978.

3. KLEIN DF, ROSS DC. Reanalysis of the National Institute of MentalHealth treatment of depressive collaborative research programgeneral effectiveness report. Neuropsychopharmacology 1993 ; 8 :241-51.

4. KLERMAN GL, WEISSMAN MM. New applications of interpersonalpsychotherapy, Washington DC. Am Psychiatric Press Inc, 1993.

5. MEYER A. Psychobiology : a science of man, Springfield IL, CharlesC Thomas, 1957.

6. MUFSON l, DORTA KP et al. A randomized effectiveness trial ofinterpersonal psychotherapy for depressed adolescents. Arch GenPsychiatry 2004 ; 61 (6) : 577-84.

7. PAMPALONNA S, BOLLINI P, TIBALDI G et al. Combined pharma-cotherapy and psychological treatment for depression : a systematicreview. Arch Gen Psychiatry 2004 ; 61 (7) : 714-19.

8. REYNOLDS CF 3rd, FRANK E, PEREL JM et al. Nortryptiline andinterpersonal psychotherapy as maintenance therapies for recurrentmajor depression : a randomized controlled trial in patients olderthan 59 years. JAMA 1999 ; 281 (1) : 39-45.

9. SULLIVAN HS. The interpersonal theory of psychiatry. New York :WW Norton, 1953.

10. WEISSMAN MM. Advances in psychiatric epidemiology : rates andrisks for major depression. Am J Public Health, 1987 ; 77 : 445-51.