Quelques considerations sur l'identite et l'histoire des Aroumains-N.S.Tanasoca

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    QUELQUES CONSIDRATIONS SUR LIDENTIT ET LHISTOIRE DES

    AROUMAINS

    Nicolae-erban TANAOCA

    Institut dtudes Sud-Est Europennesde Acadmie Roumaine

    Mots-cls: Aroumains, Vlaques, Roumains balkaniques, nation, minorits

    ethniques, Macedoroumains, Koutzovlaques

    Summary: Aromanians (also named Vlachs, Macedoromanians, Koutzovlachs,

    Tsintsars) are the most important survivers of the ancient Balkan Romanians. Their

    language is a dialect of the ancient commun Romanian. Integrated into the cultural and

    political lives of the peoples among whom they were living (Greeks, Bulgarians,

    Serbians, Albanians), Aromanians were gradually assimilated by them. The efforts made

    by modern Romania in XIXth XXth centuries to integrate Aromanians into the

    Romanian nation were not completely successful. Its quite improbable, despite the

    attempt of some politicians and intellectuals, to be founded in the future a new latin

    Aromanian nationality.

    *

    De beaucoup plus nombreux que les Meglnoroumains et les Istroroumains, les

    Aroumains sont aujourdhui, aprs la disparition des Roumains du Mont Haemus et des

    contres nord-occidentales de la Pninsule Balkanique (la Serbie, la Croatie, le

    Montnegro, la Bosnie), les survivants les plus importants des anciens Roumains

    balkaniques1. Le nom ethnique Aromunen, employ pour la premire fois dans la

    1 Ouvrages gnraux sur les Aroumains et les autres Roumains balkaniques : Institutul romn de cercetridin Freiburg, Bibliografie macedo-romn, Freiburg i.Br., 1984; Th. CAPIDAN, Meglenoromnii, I-III,Bucarest, 1925-1928, Aromnii. Dialectul aromn, Bucarest, 1932, Macedoromnii. Etnografie, istorie,limb, Bucarest, 1942; Matilda CARAGIU-MARIOEANU, Compendiu de dialectologie romn,Bucarest, 1975; Neagu DJUVARA (coordinateur) et collaborateurs, Aromnii: istorie, limb, destin,Bucarest, 1996; Silviu DRAGOMIR, Vlahii din nordul Peninsulei Balcanice n Evul Mediu, Bucarest,1959; Thede KAHL, Ethnizitt und rumliche Verteilung der Aromunen in Sdosteuropa, Mnster, 1999;Valeriu RUSU (coordinateur) et collaborateurs, Tratat de dialectologie romneasc, Craiova, 1984; Max

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    littrature scientifique par le balkanologue allemand Gustav Weigand2 et adopt ensuite

    par les autres rudits europens qui lont adapt leurs langues (roum. Aromni, fr.

    Aroumains, it. Aromeni, gr. Armanoi, blg. Aromunite) nest quun dcalque, savant et

    moderne, du nom ar(u)mni/rumni, rmni quils se sont toujours donn eux-mmes

    dans leurs patois. Avatar du lat. Romani, ce nom ethnique, auquel les Aroumains sont

    rests jalousement attachs, tmoigne, linstar de son correspondant dacoroumain

    rumni/ romni, de leur identit romane, voire roumaine, ainsi que de leur dtermination

    la prserver. Par ailleurs, les trangers, balkaniques et autres, avaient pris depuis belle

    lurette lhabitude dappeler courrament les Aroumains, ainsi que tous les autres

    Roumains de lancienne Dacie et des Balkans, dun nom driv de lancien nom ethnique

    germanique Wlachen/Walachen (blg. Vlasi, gr. Vlachoi, lat. Blachi, Blaci, Valachi, rus.

    Volochi, hong. Olahok, arab. Ulakut, turc. Eflaq, fr. Vlaques, it. Valacchi, angl. Vlachs,roum. vlahi). Ce nom, attribu initialement tous les citoyens de langue latine de

    lEmpire romain, mais rserv finalement aux seuls Roumains, tmoigne, lui aussi, de

    leur unit ethnique3. Il y a, en outre, maints sobriquets plus ou moins pjoratifs dont les

    Balkaniques sen sont servis pour dsigner les Aroumains, tels les composs grecs

    Koutzovlachoi (Vlaques boiteux) et Mproutzovlachoi (Vlaques grossiers) ou le serbe

    Tsintsars, cr, probablement, sous limpression de la frquence frappante de laffrique

    tsen aroumain. Consacr en quelque sorte par la littrature scientifique et par les

    documents officiels de ltat roumain qui en font souvent usage lpoque moderne pour

    dsigner les Aroumains, le nom de Macdoroumains, ( roum. macedoromni)Roumains

    de Macdoine (ainsi que le vulgarisme de frache date machidoni, gens originaires de

    Macdoine) nest pourtant pas appropri: la patrie primitive des Aroumains nest pas la

    Macdoine, quoiquils constituent une composante de poids de cette mosaque ethnique

    Demeter PEYFUSS, Die aromunische Frage, Vienne, 1974; Tache PAPAHAGI, Aromnii. Grai, folklor,etnografie, Bucureti, 1932, Dicionarul dialectului aromn, general i etimologic, Bucarest, 1963; Sextil

    PUCARIU, Studii istroromne, I-III, Bucarest, 1906-1929. Voir aussi: St.BREZEANU, Romanitateaoriental n evul mediu, Bucureti, 1999; N.SARAMANDU, Studii aromne i meglenoromne, Constana,2003; Gh. ZBUCHEA, O istorie a romnilor din Peninsula Blacanic (sec. XVIII-XX), Bucarest, 1999;N..TANAOCA, Apercus of the History of Balkan Romanity, dans Politics and Culture in SoutheasternEurope, UNESCO-CEPES, Bucarest, 2001; Anca TANAOCA et N..TANAOCA, Unitate romanic idiversitate balcanic. Contribuii la istoria romanitii balcanice, Bucarest, 2004.2 Gustav WEIGAND, Die Aromunen. Ethnographisch-philologisch-historische Untersuchungen ber dasVolk der sogennanten Makedo-Romanen oder Zinzaren, I-II, Leipzig, 1894-18953 Cf. Haralambie MIHESCU, La romanit dans le Sud-Est de lEurope, Bucarest, 1993, p. 153-155; A.ARMBRUSTER, La romanit des Roumains. Hisatoire dune ide, Bucarest, 1977, p. 17-22.

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    et devinrent, dans les confrontations entre les tats nationaux balkaniques dont elle fut

    lobjet, un important enjeu politique4.

    Les Aroumains sont concentrs en groupements homognes, compacts et trs

    anciens en Grce (Pinde, Thessalie, pire, Acarnanie, tolie, Macdoine), Albanie (pire

    du nord et plaine de Mouzakia), Bulgarie (Macdoine, Thrace, Rhodopes) et dans

    lancienne Rpublique jugoslave de Macdoine. Dans la montagne du Pinde et en

    Thessalie ils taient ce point nombreux au Moyen ge, que les Byzantins donnrent

    cette rgion le nom de Grande Vlachie (Megali Vlachia) et lui concdrent une certaine

    autonomie administrative. Dans les temps modernes, on rencontre des Aroumains dans

    toutes les grandes villes de la Pninsule Balkanique, o ils jouent un rle de premier plan

    dans le commerce, les finances et lindustrie. Des colonies aroumaines, grco-

    aroumaines plutt, se sont formes, vers la fin du XVIII-e sicle, en Europe centrale, dansles grandes villes de LEmpire des Habsbourg (en Autriche, Hongrie, Transylvanie,

    Banat), o staient refugis des Aroumains et des Grecs appartenant au richissime

    patriciat urbain des Balkans, directement affects par lanarchie et les revers que les

    guerres russo-turques et la rbellion dAli Pacha de Ioannina contre le Sultan avaient

    provoqus dans la Pninsule. cette diaspora aroumaine appartiennent les Mocsony,

    Gojdu, Sina, Dumba, aguna, ennoblis par les Habsbourg en recompense de leur

    exceptionnel esprit dentreprise en matire conomique et honnors de lpithtedvergtes (en grec, bienfaiteurs) par les nations du Sud-Est de lEurope (Grecs,

    Roumains, Slaves, Hongrois) en reconnaissance de leurs largesses au bnfice du

    dveloppement culturel de celles-ci. Des colonies aroumaines ont t fondes partir de

    la fin du XIX-e sicle en Asie Mineure, Europe occidentale, Australie, ainsi quaux tats

    Unis dAmrique du Nord et au Canada. linstar dautres immigrants balkaniques,

    beaucoup dAroumains se sont tablis au cours des sicles, dans les Pays Roumains.

    Entre 1925 et 1935, la Roumanie a colonis de quelques 12.000 Aroumains la Dobroudja

    mridionale (le Quadrilatre), par elle annexe en 19135. Aprs la perte de ce territoire,

    repris par la Bulgarie en 1940, ltat roumain a transfr ses colons Aroumains dans les

    4 Cf. Matilda CARAGIU-MARIOEANU, Compendiu, p.217-218, Definition einer Volksgruppe, Glottaund Ethnos der Aromunen, sterreichische Osthefte, 13, 1971, 2.5 Vasile Th.MUI, Un deceniu de colonizare n Dobrogea-Nou, 1925-1935, Bucarest, 1935; NicolaeCUA-Otilia PACEA, Macedo-aromnii dobrogeni, Constana, 2004.

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    dpartements de Constana, Tulcea, Ialomia6. Ayant beaucoup souffert cause de ces

    dpaysements succssifs, ils allaient subir ensuite les perscutions du rgime

    communiste, mais leur dynamisme les a fait recouvrer, aprs 1989, des positions cls

    dans la vie conomique du pays.

    On ne saura jamais dterminer exactement le nombre rel des Aroumains. Dans le

    pass plus ou moins lointain, pour des raisons de nature politique, les officiels et les

    historiens des tats balkaniques, quelques exceptions prs, ont dlibrment dissimul

    ou minimis ce nombre, tandis qu leur tour certains chercheurs, hommes politiques et

    journalistes roumains lont dmesurment exagr. Conformment aux statistiques

    officielles des pays balkaniques, il y aurait eu 11.000 Aroumains en Albanie, en 1930,

    19.700 en Grce, en 1928, 9.085 en Jugoslavie, en 1921, 1.551 en Bulgarie, en 1926,

    savoir moins de 50.000 Aroumains dans toute la Pninsule Balkanique des annes 1920-1930! En revanche, du ct roumain, le journaliste Romulus Seianu valuait, en 1939,

    80.000 100.000 le nombre des Aroumains dAlbanie et le gographe Marin Popescu-

    Spineni estimait, en 1941, quil y avait au moins 1.000.000 dAroumains dans les

    Balkans. Plus prudents, en 1941, le diplomate Vasile Stoica, qui avait entrepris des

    enqutes sur le terrain, valuait 276.000 le nombre total des Aroumains (40.000 en

    Albanie, 70.000 en Jugoslavie, 160.000 en Grce, 6.000 en Bulgarie), tandis que le

    diplomate Nicolae imira, qui avait visit et tudi sur place, lui aussi, toutes lescommunauts aroumaines dAlbanie, faisait monter le nombre des Aroumains de ce pays

    31.3947. Voil, enfin, quelques autres estimations du nombre total des Aroumains

    faites, au cours des XIX-e XX-e sicles, par certains savants, hommes politiques,

    voyageurs, agents diplomatiques ou agents secrets dans les Balkans dont lobjectivit ne

    saurait tre mise en doute: 300.000-600.000 (Ami Bou, crivain et voyageur franais,

    1840), 600.000 (Ubicini, 1856), 500.000 (L.Hahn, savant allemand, 1854), 500.000

    (Kanitz, crivain et voyageur hongrois, 1868), 600.000 (Rizos Rangab, crivain et

    homme dtat grec, 1856), 800.000 (E.Poujade, crivain et diplomate franais, 1859;

    E.Picot, romaniste franais, 1875), 1.000.000 (Gaston Paris, savant franais, 1878),

    500.000 (L.Lamouche, militaire franais, spcialiste des questions balkaniques, 1895),6 N. CUA, Aromnii (macedonenii) n Romnia, Constana, 19967 N..TANAOCA, Rapoartele diplomatului Nicolae imira despre aromnii din Albania, dans AncaTANAOCA et N..TANAOCA, Unitate romanic i diversitate balcanic. Contribuii la istoriaromanitii balcanice, Bucarest, 2004, p. 255-275

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    164.000 (G.Weigand, 1895), 140.000 (P.Aravantinos, historien grec, 1905), 520.165

    (Leon Boga, intellectuel roumain dorigine aroumaine, 1913), 800.000 (von den Goltz

    Pacha, officier suprieur allemand charg de la rorganisation de larme ottomane, la

    veille de la premire guerre mondiale), 631.632 (C.Noe, professeur roumain dorigine

    aroumaine, 1913), 350.000 (Th. Capidan, savant roumain dorigine aroumaine, 1932). En

    1948, lhomme dtat grec Evanglos Averoff, Aroumain de naissance, valuait

    150.000-200.000 le nombre des Aroumains de Grce, sempressant toutefois dajouter

    quil devrait tre doubl, si lon prenait en considration aussi les Aroumains

    compltement hellniss. Selon le Brockhaus Lexikon, en 1966, le nombre total des

    Aroumains et Meglnoroumains aurait t de 400.000. De nos jours, les progrs que le

    processus dassimilation des Aroumains par les ethnies dominantes des Balkans a

    enregistrs au fur et mesure du dveloppement de la civilisation industrielle,homognisatrice de toute socit, linexistence dune vritable culture dexpression

    aroumaine crite, de toute organisation ecclsiale ou politique autonome des Aroumains,

    ainsi que lchec prouv finalement par la Roumanie dans sa tentative de faire les tats

    balkaniques reconnatre une fois pour toutes leur caractre ethnique roumain ne font

    quaggraver la crise didentit des Aroumains et rendent de beaucoup plus difficile, sinon

    tout fait improbable, lvaluation exacte de leur nombre8.

    laube du Moyen ge, la population romane des provinces danubiennes delEmpire romain dont sont issus galement les Roumains balkaniques et ceux de

    lancienne Dacie formait un bloc compact, install cheval sur le Danube. Elle

    comprenait les descendants des anciens autochtones thraco-illyriens romaniss de ces

    contres et des colons romains arrivs ex toto orbe Romano (Eutrope) pour sy installer.

    Son latin, le latin quon appelle danubien ou oriental, dun aspect unitaire dans sa

    diversit, des traits et tendances spcifiques, portait lempreinte de lorigine de ses

    locuteurs. La fragmentation de cette Romania danubienne ou orientale et la dispersion de

    ses composantes par leffet des invasions barbares et surtout de ltablissement des

    8 Jai puis toutes ces donnes statistiques dans le dossier Romnii de peste hotare de la Commission pourltude des problmes de la Paix du Ministre des Affaires trangres de Roumanie, 1945 (des extraits desrapports concernant les Aroumains de ce dossier, rdigs en 1941 par V.PAPACOSTEA et V.STOICA, ontt publis par Stelian BREZEANU et Gheorghe ZBUCHEA dans la collection de documents Romnii dela sud de Dunre, Bucarest, 1997, nos. 146 et 147) ainsi que dans les livres de M.D.PEYFUSS, Diearomunische Frage et Matilda CARAGIU-MARIOEANU, Compendiu, cits plus haut.

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    Slaves et des Bulgares dans lEurope sud-orientale, neurent lieu quaprs

    laboutissement du processus de formation du peuple roumain et de la langue roumaine

    commune, dans une priode situe par les savants entre le VII-e et le X-e sicle. La

    principale preuve en est que tous les dialectes du roumain le dacoroumain, laroumain,

    le meglnoroumain et listroroumain ont en commun le fonds lexical principal latin, les

    lments lexicaux hrits du substrat thrace, les mots emprunts au grec ancien et les plus

    anciens slavismes ds aux contacts avec les mmes tribus sud-slaves.

    Pour ce qui est des Aroumains, ils furent probablement dtachs de lunit du

    peuple roumain aprs linvasion et ltablissement des Slaves dans le Sud-Est de

    lEurope, mais avant larrive des Hongrois dans cette zone, car, la diffrence du

    dacoroumain, laroumain ne prsente nulle trace dune ventuelle influence hongroise.

    Des traditions historiques mdivales, soigneusement consignes par des auteursbyzantins Kkaumnos au XII-e sicle et occidentaux lAnonyme de Grka au

    XIV-e sicle parlent dune migration des Vlaques de la zone du Danube vers lpire, la

    Thessalie et la Macdoine; les historiens en ont conclu que les Aroumains seraient

    originaires de lancienne Dacie ou mme de la Pannonie 9. Sans pour autant contester un

    ventuel afflux plus rcent de pasteurs roumains originaires des rgions septentrionales

    de la Pninsule Balkanique, Thodore Capidan et Tache Papahagi ont dmontr, force

    arguments linguistiques et ethnographiques lappui, que les Aroumains descendent dunancien groupe roman local, des traits particuliers, install dans la rgion montagneuse

    traverse par la Via Egnatia, la principale voie de communication continentale romaine

    entre Dyrrachium et Constantinople. Au temps de la domination romaine, leurs anctres

    avaient eu probablement mission dassurer la scurit de cette artre, une fonction quils

    remplissaient toujours eux-mmes aux poques byzantine et ottomane et qui leur a valu

    certains privilges, consigns dans les sources diplomatiques. Quoi quil en soit, il est sr

    et certain que le noyau ethnique des Aroumains est reprsent par les Vlaques attests

    depuis le X-e sicle dans la rgion du Pinde et de la Thessalie, nomme dj, au

    commencent du XIII-e sicle, Grande Vlachie. Les assertions de certains chercheurs

    grecs arguant de lorigine hellnique des Aroumains ils seraient des Grecs romaniss

    9 KEKAUMNOS, Conseils et rcits, d. G.G.Litavrin, Moscou, 1972, p. 268-270. Cf. Fontes HistoriaeDaco-Romanae, d. Al.ELIAN et N..TANAOCA, Bucarest, 1975, p. 39-43. ANONYMI DescriptioEuropae Orientalis, ed. Olgierd Grka, Cracovie, 1916, p.12-14.

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    la suite de leur encadrement dans larme impriale sont dpourvues de fondement

    scientifique. En effet, on ne trouve en aroumain aucun lment provenant dun ventuel

    substrat hellnique ancien, comme il tait normal si cette population aurait eu une telle

    origine. En revanche, on y rencontre des lments lexicaux appartenant au substrat thrace,

    ainsi que des slavismes quon retrouve aussi en dacoroumain. Les nombreux lments

    dorigine grecque qui donnent au parler des Aroumains un certain cachet sont des

    emprunts datant des poques plus rcentes, ils sont le rsultat de la symbiose de ces

    Roumains enclavs en milieu grec avec les Byzantins tout dabord, avec les Grecs

    modernes ensuite, auxquels la plupart dentre eux se sont culturellement et politiquement

    identifis, tout en gardant pourtant le sentiment plus ou moins vif de leur spcificit

    romane10.

    Lorigine commune, lidentit structurale de leurs parlers, lidentit des nomsethniques quils se donnent eux-mmes et dont les autres les dsignent, les tmoignages

    et traditions historiques attestant leur unit ethnique avec les autres Roumains prouvent

    que les Aroumains sont une enclave roumaine dans la Pninsule Balkanique. Sur ce point,

    laccord des rudits roumains, balkaniques et occidentaux avaient t depuis toujours

    unanime. Ce nest qu partir du XIX-e sicle, le sicle des nationalits, que les

    historiens balkaniques, se faisant un devoir de lgitimer dans lesprit de lidologie

    nationale romantique lexistence et lextension territoriale de leurs tats et sattachant, par consquent, en dmontrer la parfaite homognit ethnique, commencent

    dissimuler la prsence des Aroumains sur le territoire de ces tats et minimiser le rle

    quils avaient jou dans leur histoire. cette fin, les historiens balkaniques nhsiteront

    pas manipuler arbitrairement les sources pour les faire confirmer leurs prjugs,

    contester la romanit des Aroumains et le sens ethnique du nom de Vlaques, prsenter

    ceux-ci comme des immigrants de date rcente dans les contres quils habitent, dnier

    lappartenance des Aroumains au peuple roumain et le caractre de dialecte de la langue

    roumaine de laroumain. De leur ct, certains historiens roumains, domins eux-aussi

    par lesprit du nationalisme romantique, ont eu tendance perdre de vue les particularits

    distinctives des Aroumains par rapport aux autres Roumains, supposant quils aient

    10 Sur la parent de laroumain avec le roumain et sa place parmi les langues romanes, v. MatildaCARAGIU-MARIOEANU, propos de la latinit de laroumain, Revue Roumaine de Linguistique,XXXIII, 1988, 4, p. 237-250.

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    toujours eu le sentiment dappartenir la nation roumaine dont ils auraient toujours

    partag les aspirations politiques, ce qui nest pas exact. En ralit, tout en gardant le

    sentiment de leurs particularits ethniques et linguistiques, les Aroumains staient

    identifis politiquement et culturellement, des sicles durant, avec les nations balkaniques

    au milieu desquels ils vivaient aux Grecs surtout et ce nest quau XIXe sicle que

    nombre dentre eux ont pous la cause de leur intgration dans la nation roumaine,

    intgration prne par les rvolutionnaires roumains de 1848, prche par les Aroumains

    tablis en Roumanie et pose par le gouvernement de Bucarest en objectif de sa politique

    balkanique.

    Llevage du petit btail (moutons, chvres) a t depuis toujours la principale

    occupation des Aroumains. De cette occupation en dcoulent lindustrie laitire, le tissage

    et autres industries domestiques, le transport caravanier, le commerce. Selon le stratge byzantin Kkaumnos, au XI-e sicle, les Aroumains, installs dj en riches

    propritaires immobiliers dans la ville de Larissa, jouaient un rle important dans la vie

    conomique et politique de la Thessalie et, au dire du pote byzantin Thodore

    Ptochoprodrome, au XIIe sicle, le fromage et les tissus vlaques taient hautement

    apprcis sur le march constantinopolitain11. Aux XVIIe XVIIIe sicles, une poque

    o lEmpire ottoman tait devenu un partenaire daffaires permanent des tats chrtiens

    et un facteur de lquilibre politique europen, les Aroumains devinrent leur tour les principaux agents balkaniques du commerce entre lOccident et lOrient. Cest ce

    temps-l que maints anciens villages des pasteurs aroumains Moschopolis, Aminciu-

    Metsovon, Vlacho-Kleisoura, Clarli-Kallarites, Sirako etc. se muent en vritables

    bourgs balkaniques. Quelques-uns de ces centres conomiques taient galement des

    centres culturels rputs dans tout le monde chrtien orthodoxe: des personnalits

    remarquables de lglise orientale devaient leur formation intellectuelle la Nouvelle

    Acadmie de Moschopolis, Grande cole de langue grecque, comme ltaient dailleurs

    les Acadmies Princires de Bucarest et de Iassy et des livres large diffusion ont t

    imprims dans la typographie de cette ville12. Montagnards formant des communauts

    11 KKAUMNOS, Conseils et rcits, d. Litavrin, p. 256 (Fontes Historiae Daco-Romanae, III, p. 30-31);THODORE PTOCHOPRODROME, dans Fontes Historiae Daco-Romanae, III, p. 186-189.12 Valeriu PAPAHAGI, Aromnii moscopoleni i comerul veneian n secolele al XVII-lea i al XVIII-lea,Bucarest, 1935;Victor PAPACOSTEA, Theodor Anastasie Cavalioti: Trei manuscrise inedite, Bucarest.1932; M.D.PEYFUSS, Die Druckerei von Moschopolis:1731-1769, Vienne, 1989.

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    patriarchales dune structure originale, fermes aux trangers, les Aroumains

    bnficiaient de privilges fiscaux et administratifs concds, tour de rle, par lEmpire

    byzantin, par les tats slaves des Balkans, ainsi que par lEmpire ottoman: en change de

    leurs services militaires, ils taient exempts de certains impts et jouissaient du droit

    dautoadministration, ayant leurs propres chefs. Ils taient unanimement apprcis en tant

    que vaillants soldats. Les villages aroumains du Pinde ta Vlachochoria sont devenus

    autant de centres dinitiative combattante et de rsistence pendant la rvolution anti-

    ottomane des Grecs, en 1821, ainsi quau temps de la lutte pour la libration de la

    Macdoine et son union avec le Royaume hellnique. Lhistoriographie grecque ne tarit

    pas dloges sur la bravure et le dvouement la cause hellnique et chrtienne des chefs

    militaires vlaques (armatoles, klephtes et capitains), des lettrs et des hommes dtat

    grecs dorigine aroumaine, tel le fameux Ioannis Collettis, premier ministre du roi Ottonet pre de la Grande Ide (Megali Idea), savoir du projet visant la reconqute de

    Constantinople par les Grecs et la restauration de lEmpire byzantin dans une variante

    passablement modernise13. Les Aroumains ont, par ailleurs, largement contribu

    moderniser la socit et lconomie dans tous les pays des Balkans au XIX e sicle: ct

    des Grecs, ils ont t, par exemple, selon Duan Popovi, le facteur dcisif du

    dveloppement du capitalisme et de la bourgeoisie en Serbie14.

    Leur mode de vie pastoral traditionnel, daspect patriarcal, supposant un certainisolationnisme ethnique et, jusquaux XIXe XXe sicles, la plus stricte endogamie, aida,

    certes, les Aroumains prserver leur identit romane, mais lexpression culturelle de

    cette identit resta rudimentaire, ne dpassant gure le niveau du langage familier, de

    lethnographie et du folklore. Pour sexprimer au niveau de la culture crite, pour mieux

    sintegrer dans les communauts urbaines et participer la vie dtat et dglise, pour

    remplir les fonctions quils avaient assumes dans le commerce balkanique, les

    Aroumains devaient forcment adopter comme instrument de communication les langues

    officielles de culture et de civilisation utilises dans les Balkans: le grec byzantin ou le

    slavon, au Moyen ge, les langues nationales dtat le nogrec, le serbo-croate, le

    bulgare, lalbanais, le turc lpoque moderne, le bilinguisme voire le plurilinguisme

    13 N.MERTZOS, Armanoi oi Blachoi, Thessalonique, s.a., voque toutes les personnalits doriginearoumaine qui se sont illustres dans la vie intelectuelle et politique de la Grce.14Duan POPOVI,O Cincarima, Belgrade, 1937.

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    tant de rigueur pour quiconque aspirait slever une situation sociale minente.

    Cst par cel mme que commence leur dromanisation, fatalement lie leur ascension

    sociale et leur progrs culturel. Il nous faut dire que, sans jamais renoncer utiliser leur

    dialecte dans la vie quotidienne et de famille, la plupart des Aroumains, attachs aux

    Grecs par des affinits spirituelles profondes et par des relations historiques

    ininterrompues, ont montr une prfrence marque pour la langue et la culture grecque,

    savrant mme les meilleurs propagateurs de lhellnisme dans le Sud-Est de lEurope.

    Aux temps modernes, leur hellnisation fut rapide et massive, leur nationalisme

    hellnique, parfois, farouche. En mme temps, leur ubiquit dans la Pninsule

    Balkanique, les contacts avec tous les peuples et toutes les cultures des Balkans, le

    bilinguisme et le plurilinguisme ont fait des Aroumains les promoteurs de choix dune

    identit transnationale balkanique. De par la nature mme de leurs occupations principales, llevage et le commerce, qui comportaient ncessairement la libre

    circulation et la libert dentreprise, les Aroumains furent, enfin, dans les Balkans, les

    promoteurs par excellence du libralisme. On ne connait gure des Aroumains convertis

    lislamisme15.

    Dans les dernires dcennies du XVIIIe sicle, deux clercs aroumains, Thodore

    Anastase Cavalioti et Daniel le Moschopolitain, se mettent coucher par crit

    laroumain, ainsi que dautres langues balkaniques, au moyen de lalphabet grec, afin defaciliter leurs congnres et disciples non-grecs, ltude de la langue grcque, la langue

    de culture de tout lOrient chrtien. Cependant, si Daniel exhortait les lecteurs de son

    Eisagogike Didaskalia (Enseignement introductif), comprenant un Lexikon tetraglosson

    (Vocabulaire grec-aroumain-albanais-bulgare), dabandonner leurs langues barbares,

    dapprendre la langue grecque, mre de la sagesse et de devenir eux-mmes des

    Rhomes (Byzantins), Thodore Anastase Cavalioti, auteur, lui-aussi, dune Protopeiria,

    manuel de grec destin aux enfants aroumains et albanais, comprenant un vocabulaire

    trilingue grec-aroumain-albanais, avait, parat-il, tendance encourager le dveloppement

    dune culture aroumaine crite. Cest pourquoi Thodore Anastase Cavalioti est considr

    comme le pionnier de la renaissance nationale des Aroumains16. Fortement influencs15 Cf. N..TANAOCA, Les Aroumains et la conscience identitaire balkanique, Bulletin de lAssociationInternationale dtudes du Sud-Est Europen, 32-34, 2002-2004, Bucarest, 2004, p. 117-12416 Pericle PAPAHAGI, Scriitori aromni n secolul al XVIII, Bucarest, 1909; Victor PAPACOSTEA,Povestea unei cri: Protopiria lui Cavalioti, Omagiu lui C. Kiriescu, Bucarest, 1937, p.665-674.

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    par la philosophie des Lumires et par lidologie des intellectuels roumains grco-

    catholiques appartenant lcole transylvaine, quelques clercs aroumains membres des

    colonies aroumaines de lEmpire des Habsbourg Constantin Ucuta, Gheorghe Roja,

    Michael Boiagi vont laborer plus tard des abcdaires, des manuels de grammaire, des

    dictionnaires, des esquisses dhistoire nationale, destins inculquer aux Aroumains le

    sentiment de leur identit ethnique roumaine. Ils sont les premiers coucher par crit

    laroumain au moyen de lalphabet latin et plaider pour la cration dune seule langue

    littraire, commune tous les Roumains. Craignant labandon par les Aroumains de la

    cause nationale hellnique ainsi que leur ventuelle union avec lglise de Rome, la

    Patriarchie de Constantinople et la fine fleur des intellectuels grecs ont svrement

    condamne ces actions. Le mouvement national des Aroumains prendra un nouvel essor

    dans la seconde moiti du XIXe sicle, par linitiative, cette fois-ci, des rvolutionnairesroumains de 1848 Nicolae Blcescu, Ion Cmpineanu, Ion Ghica, Ion Ionescu de la

    Brad, Christian Tell, C.A.Rosetti, Ion C. Brtianu, Anastase Panu, Dimitrie Bolintineanu

    (les deux derniers taient eux-mmes dorigine aroumaine) devenus tous, aprs lUnion

    des Principauts roumaines, des personnalits politiques de premire importance dans le

    nouvel tat roumain. Le Comit Macdoroumain de Bucarest (1860), devenu quelques

    annes plus tard la Socit de Culture Macdoroumaine (1879), en tant quorganisation

    reprsentative des Aroumains, ltat roumain, comme puissance protectrice de ceux-ci,quelques intellectuels roumains dorigine aroumaine le professeur Ioan Caragiani de

    lUniversit de Iai, membre fondateur de lAcadmie Roumaine, le Pre Averkie

    (Anastase Iaciu Buda), moine athonite, Apostol Margarit, instituteur aroumain et futur

    Inspecteur gnral des coles roumaines des Balkans ont contribu mettre en fonction

    un ample rseau dcoles et dglises roumaines dans la Pninsule. Finances et

    administres par ltat roumain, avec le consentement de lEmpire ottoman, ces coles et

    glises taient destines empcher la dromanisation des Aroumains, affermir et

    developper leur identit ethnique, les rendre conscients de leur appartenance au peuple

    roumain, en les faisant apprendre la langue littraire et la culture roumaine, bref, les

    rintegrer dans la nation roumaine. Les efforts faits par la Roumanie pour obtenir le droit

    de crer un vch des Aroumains dans les Balkans nont jamais abouti, cause de

    lopposition tenace de la Patriarchie oecumnique; cdant devant les insistances de ltat

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    roumain, en 1905, lEmpire ottoman octroya toutefois, par une loi spciale ( irad), aux

    Aroumains le droit de constituer leur propres communauts, en tant que groupe national

    (millet) distinct, reconaissant leur caractre ethnique roumain et les autorisant utiliser le

    roumain dans leurs coles et dans leurs glises17.

    Contrairement aux promesses formelles, consignes dans les annexes du Trait

    de paix de Bucarest (1913), par lesquelles ils sengagaient garantir le libre

    dveloppement de lidentit ethnique roumaine des Aroumains sous la protection de la

    Roumanie, les tats nationaux des Balkans succsseurs de lEmpire ottoman ont repris, le

    lendemain des guerres balkaniques, leur politique dassimilation des Aroumains, tchant

    dempcher par tous les moyens le bon fonctionnement des coles et des glises

    roumaines de la Pninsule. La Grce fut le seul pays balkanique qui tolra lexistence

    ininterrompue sur son territoire, dans lpoque dentre les deux guerres mondiales, descoles et des glises roumaines pour les Aroumains, administres par ltat roumain. Les

    diplmes de ces coles ntaient pourtant reconnus ni par la Grce, ni par les autres tats

    balkaniques. Par consquent, les tablissements scolaires roumains devinrent, en fait,

    autant doffices dmigration des Aroumains vers la Roumanie. La tentative

    irresponsable dun petit groupe extrmiste aroumain, partisan de lAxe, de crer, dans le

    Pinde, au temps de loccupation de la Grce et sous lgide des occupants italiens et

    allemands, une principaut vlaque autonome aggrava radicalement les tensions entreAroumains aux sentiments nationaux roumains, dun ct, Grecs et Aroumains

    sentiments nationaux hellniques, de lautre. La cause du libre dveloppement de

    lidentit aroumaine sen trouva compromise. Aprs la seconde guerre mondiale, le

    gouvernement communiste de Roumanie dclina tout intrt pour les Aroumains, fit

    fermer les coles et les glises que ltat roumain avait entretenues dans les Balkans et

    liquida, par des accords diplomatiques en bonne et due forme, leur patrimoine

    immobilier.

    On constate de nos jours, un peut partout dans le monde, un regain dintrt pour

    les Aroumains de la part des milieux scientifiques et de lopinion publique. Sans pour

    autant renoncer certains prjugs traditionnels contre eux, les savants et les politiques

    des Balkans savrent enclins reconnatre non seulement la prsence des Aroumains,

    17 M.D.PEYFUSS, Die aromunische Frage, Vienne, 1974.

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    mais aussi limportance de leur rle dans la vie contemporaine et dans lhistoire de tous

    les pays de la Pninsule et les tudes dont ils font lobjet tmoignent dun incontestable

    souci dobjectivit18. Par sa recommmandation 1333 de 1997, qui reprend un ancien

    document de lO.N.U, lAssemble Parlementaire du Conseil de lEurope a officiellement

    invit les pays dans lesquels vivent actuellement des Aroumains faire des efforts pour

    prserver leur identit culturelle et leur parler. Cette recommandation europenne,

    rdige de manire quelque peu ambige, semble suggrer, sans le dire expressment,

    que les Aroumains ne seraient pas des Roumains balkaniques, mais une ethnie romane

    distincte, que leur parler ne serait pas un dialecte archaique, peu volu, du roumain

    primitif, mais une nouvelle langue no-latine. Il ne sagit nullement dune nouvelle

    hypothse scientifique, mais tout simplement dune trouvaille politique: se faisant un

    devoir de sauvegarder, au nom de la doctrine des droits de lhomme, lidentitvidemment romane des Aroumains, les hautes instances europennes sefforcent

    dviter, par ce biais, lventuelle reprise des anciens conflits entre la Roumanie et les

    autres pays balkaniques que la reconnaissance internationale de leur caractre ethnique

    roumain pourrait provoquer.

    Une nation ne simprovise pas. Dpourvus de la chance davoir eu une

    organisation politique et ecclsiastique autonome durable, nayant en perspective,

    dfaut des circonstances go-politiques requises, aucune possibilit de crer uneformation tatique viable, dpourvus dune culture nationale crite, disperss en

    groupements minoritaires parmi les autres nations balkaniques, ne disposant pas du

    soutien que seule une puissance politique rellement intresse au dveloppement de leur

    individualit ethnique pouvait leur apportait, il est difficile de croire que les Aroumains

    arriveront jamais constituer une nouvelle nation romane. Pleines de bonnes intentions,

    les instances europennes ne russiront, au mieux, quajourner la complte

    dromanisation des Aroumains, tout en stimulant, au moins, le dveloppement des tudes

    scientifiques les concernant. Issus de tout autres aspirations, les agissements de ceux qui

    svertuent, lencontre de la tradition nationale et de loption de leurs prdcesseurs,

    dinstituer une minorit ethnique aroumaine en Roumanie, invoquant de manire abusive18 Voir par exemple: Asterios I. KOUKOUDIS, Meletes gia tous Vlachous, Thessalonique, I-IV, 2000-2001; Ivanika Georgieva (coordinateur) et collaborateurs, Armnite v Blgarija, Sofia, 1998; KopiKYCYKU, Arumunt e Shqipris n kontekst ballkanik, Bucarest, 1999; T.J.WINNIFRITH, The Vlachs:The History of a Balkan People, Londres, 1987.

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    lappui de leur particularisme obtus lautorit des institutions europennes, tournent en

    ridicule le tragique de la destine historique de ces Roumains en voie de disparition19.

    19 Voir, en revanche, les observations justes et senss sur lidentit et le sort des Aroumains, dues MatildaCARAGIU-MARIOEANU, Un dodecalog al aromnilor. 12 adevruri incontestabile, istorice i actuale,asupra aromnilor i asupra limbii lor, Constana, 1996.