Qu'est ce que la Filmologie by Henri Wallon.pdf

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  • La Pense (Paris)

    Source gallica.bnf.fr / La Pense

  • Centre d'tudes et de recherches marxistes (France). La Pense (Paris). 1939.

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  • QU'EST-CE QUE LA FILMOLOGIE?par HENRI WALLON

    Le mot est nouveau. Il vaut ce qu'il vaut. Mais il en fallait un pour un ensemblenouveau d'tudes. Le cinma, existe, avec les techniques qu'il utilise, avec lescrateurs qui l'animent, avec son ou ses publics.; Il ne s'agit pas de venir le rgenter,de jouer avec lui les mouches du coche. Mais, comme tout ce qui existe, il mrited'tre tudi.-C'est le propre de l'homme de projeter ses curiosits sur tout ce quil'entoure, sans mme savoir s'il tirera quelque profit de sesnouvelles connaissances.Mais, par quelque voie que ce soit, il n'y a pas d'exemples qu'elles n'aient trouvensuite leur application.

    Le cinma est devenu une ralit parmi les autres. C'est une loi dialectique quece qui tait effet soit cause son tour, que l'action devienne objet, que les crationsde l'homme se superposent celles de la nature comme quelque chose d'efficace.Le cinma est une ralit formidable. Il rassemble quotidiennement dans le mondedesmasses innombrables de spectateurs. Il peut prsenter simultanment dans tousles cantons de l'univers les mmes images, les mmes vnements, les mmes per-sonnalits. Il peut tre la fois exotique et universel, en rvlant au monde entierun coin de la jungle, les danses rituelles de peuplades primitives, un campementd'Esquimaux ou d'explorateurs. Agissant sur les masses, ce produit de l'industriehumaine n'est-il pas susceptible, si son action est profonde, de modifier la naturehumaine?

    Sans doute, certains penseront-ils qu'il ne faut rien exagrer, que le cinmapeut servir la conscration de certaines vedettes, qu'il peut tre un instrument

    ^de propagande pour des hommes politiques, pour des partis, pour des nations, pourCdesintrts divers, qu'il peut mme chercher instruire "autant qu' divertir.: Mais que, somme toute, il ne fait alors que meubler diffremment l'esprit, que; donner des aptitudes ou ds apptits constants une nourriture variable. Tout-au plus, lui appartiendrait-il d'imprimer ufie orientation plus ou moins temporaire-ou occasionnelle aux tendances innes de l'homme.

    Mais limiter ainsi ses effets, ce n'est qu'une hypothse, peut-tre.d'apparencea priori plus raisonnable que l'hypothse oppose, mais dont il convient de vrifierl'exactitude. C'est le but que se propose la filmologie. Comme elle n'a pas encored'histoire, il faut bien parler de sa naissance. Elle vient de tenir son premier congrs,congrs international dj, mais congrs de simple dfinition. Un an tout justeauparavant, quelques Franais, de spcialisation intellectuelle assez diverse,s'taient concerts sur ce nouvel objet d'tudes, le cinma ; et; pour bien distinguerleurs travaux de ceux auxquels le' cinma doit son existence, ils avaient adopt leterme de filmologie, dcid la publication d'une revue dont deux numros dj ontparu et finalement invit ds trangers, non pas des cinastes, mais des philo-

    vsophes, des esthticiens, des psychologues, des sociologues et mme des linguistes,des mathmaticiens, des physiciens, des techniciens divers, venir discuter aveceux de la filmologies'ils lui reconnaissaient quelque raison d'exister. Plusieurs

    |pays se sont fait reprsenter effectivement, entre autres l'Angleterre, la Pologne,'la Tchco-Slovaquie, la Roumanie, la Hongrie, le Portugal. Le dlgu del'U. R. s. S., l'illustre Poudovkine, empch d'arriver temps, a envoy despropositions dont se sont inspires certaines rsolutions-du congrs.

  • 30 HENRI WALLON

    Congrs de dfinition. La diversit mme de ses participants montre toutel'tendue que doit couvrir la filmologie. Un mathmaticien, M. Gonseth, pensequ'elle devra constater l'enrichissement de l'esprit en catgories nouvelles, que lecinma est en train d'y ouvrir. Naturellement certaines de ces catgories sont descatgories esthtiques, qui bouleverseront peut-tre celles dj formules en fonc-tion des arts plastiques, musicaux, dramatiques, le cinma participant chacund'eux par quelque ct, mais les dpassant tous ensemble par la synthse qu'il enfait pour les rapprocher de la vie.

    Des linguistes insistent sur le rle expressif du cinma. Il est incontestablementun moyen d'expression, diffrent du langage parl, auquel d'ailleurs il peut treassoci, mais dont il utilise le concours sans s'assujettir aux lois du dveloppementoral. Il a sa logique, sa syntaxe, son vocabulaire, qui ne sont pas identiques auxexigences du discours fait de mots, de phrases et de raisonnements. Il ne se confondpas non plus, bien qu'il s'en serve, avec la mimique et le langage gestuel. Il traduitles sentiments, l'action, les pripties de la vie autrement que ne le font le roman oule thtre. Les moyens expressifs doivent tre tudis sur le plan de la grammaireet sur celui du genre littraire. D'autres encore se demandent si ls applications du cinma ne pourraient

    tre tendues bien au del de ce qui est actuellement ralis. A ct du film qu'onpourrait appeler de divertissement et qui pose tant de problmes philosophiques,esthtiques et linguistiques au sens le plus tendu du terme, il y a dj le filmd'information avec les actualits, de documentation ou de dmonstration scien-tifique, d'enseignement pour les enfants de diffrents ges. Ne pourrait-il y avoiraussi le film thrapeutique, qui mettrait l'homme que menacent ou qu'accablent destroubles nerveux et mentaux dans des dispositions salutaires, grce son rythme,sa tonalit affective, ou mme l'aide d'un certain contenu qui pourrait rpondreaux rveries morbides, aux complexes refouls dont il s'agit de dlivrer le maladepar une sorte de catharsis ? 11 est vident que cette utilisation psychothrapiquedu cinma exigerait une beaucoup plus grande rigueur que l'actuelle dans la dter-mination et la connaissance des actions ou influences psychiques qui sont censesse traduire par la nvrose ou l'alination. Autrement, le film ne ferait qu'ajouterle poids effrayant de ses impressions concrtes, et si proches en apparence de la vie,aux erreurs possibles de la psychanalyse.

    Mais tous les problmes que soulve le cinma dans le domaine de ses appli-cations, dans celui de l'art ou dans celui de la philosophie, il y a un soubassementpsychique et technique qu'il est indispensable d'explorer pour les poser correctement.C'est la tche qui tait dvolue la section exprimentale et la section techniquedu congrs.

    '-

    Parmi les questions de dpart suggres par les psychologues, il y avait cellerelative l'cran, qui est un plan fixe sur lequel se dploient non seulement desperspectives en profondeur, mais aussi des mouvements d'loignement oud'approche parfois foudroyants et qui susciteraient dans la ralit des rflexesd'accommodation perceptive ou des ractions d'attitude plus ou moins brusques.L'immobilit de l'cran suffit-elle les supprimer ou bien doivent-ils tre rprimset, dans le cas d'un conflit entre les ncessits de la vision sur un plan et les habi-tudes perceptives, quel en est l'effet immdiat ou diffr sur le spectateur ?

    Une communication du professeur Maddison a montr que le problme de l'crann'tait pas un problme arbitraire. L'image qui s'y projette n'est pas vue en pro-

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    * fondeur par des peuplades primitives de l'Afrique du Sud. Elle est plate et sans paisseur.De plus, elle leur semble reprsenter les choses comme .travers un tuyau

    de pipe ; l'angle de vision de la camra n'est, en effet, que de 30 contre 180 pour| notre champ visuel. Enfin, si un objet est vu en mouvement sur l'cran, il abolit4 la vision du reste.5 Rien ne saurait mieux que ces observations dmontrer l'change indispensable| desproblmes et des connaissances entre les diffrentes disciplines. Le psychologue"

    suppose,de faon purement thorique, qu'il peut exister une difficult perceptivelie au principe mme de la projection cinmatographique. L'ethnologue rencontredespopulations o cette difficult existe si bien qu'elle n'est pas encore rsolue.Mais il ajoute un trait dont le psychologue ne se serait sans doute jamais avis

    ; spontanment, parce qu'ici aussi la difficult est surmonte par l'homme civilis :| c'est la diffrence d'angle de vision entre l'oeil de l'homme et celui de la camra.I An psychologue de chercher quoi tient la diffrence de perception qui en rsulte*; chezle primitif et chez le civilis. Est-elle le rsultat de dispositions innes ? C'ests peu vraisemblable. A-t-elle pour cause un comportement perceptif diversementf orient chez l'un et chez l'autre, le civilis se livrant trs tt des activits qui exigent, comme la lecture, une vision troitement polarise avec insensibilisationKhabituelle des impressions priphriques, le primitif tant au contraire oblig par|. sesactivits de plein air une vigilance qui tienne en alerte toute l'tendue de sonf champ visuel ? Mais quel ge commencent ces dressages opposs ? N'est-ce pas';' dj avant l'ge de la lecture, en raison de la minutie variable qu'exigent les objets

    manier et connatre dans" les diffrentes civilisations et en raison aussi desespacesconfins ou illimits qui sollicitent l'activit ? Simples hypothses, mais enrapport avec les perspectives de recherche qui s'ouvrent la filmologie. Enfin, cette constatation que pour le primitif l'objet en mouvement escamote le fond

    % immobile, le psychologue rpond que le mouvement a dans la perception commei.une ralit intrinsque, que jamais il n'est tenu pour une simple apparence. Et le| technicien confirme que pour s'imposer au spectateur, ce qui est sans mouvement,

    .par exemple le dcor, exige une plus-longue succession d'images que les partiesf animesde la scne.

    ' Sansle dialogue du psychologue et du technicien, s'aviserait-on que l'espacet objectifet l'espace film n'ont pas la mme structure, que la transposition de l'un dans

    } l'autre a des exigences trs dtermines S Car il n'y a pas seulement de problme* pour les rapports des mobiles et du fond. La simple situation locale d'un objet

    V|'ou d'un personnage doit pouvoir tre identifie dans la suite de leurs prsentations,I sous peine d'incohrence spatiale. Les dplacements de la camra n'ont pas lat mme libert qu'aurait un spectateur qui suivrait la scne en train d'tr*vfilme.i Elle doit combiner champ et contre-champ en s'interdisant des vises quelconques%dans un ordre quelconque. En ralit, notre espace et ce qui le meuble ne sont pas

    ; des donnes en soi : ils sont une construction combine de notre perception et deJHOSdplacements qui oprent simultanment par corrections mutuelles parmi lesobjets immobiles ou en mouvement. Oprant pour nous, la camra est soumise

    Juesconditions beaucoup plus restrictives. Pour ne pas devenir kalidoscopique,son espace doit tre un espace coordonnes en nombre limit. L'analyse desprcautions auxquelles elle est soumise pourrait beaucoup nous apprendre surcette fabrication par nous-mme de l'espace o notre activit doit s'insrer.* C'est un fait dont l'importance n'a peut-tre pas t suffisamment souligne :

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    que le cinma peroit pour nous. C'est lui qui fait alterner son gr l'ensemble etles dtails, comme fait tout observateur devant l'objet connatre ; mais il imposeau spectateur son-rythme et la succession des points de vue, usant d'ailleurs demoyens beaucoup plus puissants que la' simple perception, puisque avec les grosplans, il fait comme brusquement passer une loupe devant l'oeil. Il ne s'agit quede suivre le dveloppement de l'image, hais il faut le suivre sa vitesse. C'est uneffort tout diffrent de l'investigation libre. Il ne requiert videmment pas lesmmes aptitudes. Et c'est un problme de pdagogie qui n'a pas t suffisammenttudi de savoir l'effet produit sur les enfants : si c'est un entranement la docilit,ou au contraire une leon d'observation. Peut-tre l'unou l'autre,suivant les enfantsou suivant le dmonstrateur, ou suivant la structure et la composition du filmlui-mme.

    La succession pose des problmes de temps qui sont loin d'tre moins complexesque les problmes d'espace. La mesure de temps ncessaire pour intgrer "lesimpressions lmentaires dans des units perceptives de base est sans doute ana-logue la mesure en musique. Elle est la limite dans laquelle doit se mouvoir unacte simple d'apprhension. Elle peut avoir varier suivant l'effet obtenir etaussi, sans doute, suivant les ges, les dispositions individuelles, les activits coutu-mires, les niveaux culturels. Le temps d'une prsentation est, on l'a vu, fonctiondes rapports qui existent entre l'objet et le fond, le mobile et Je dcor, le motif etl'accompagnement. Selon le rsultat cherch, il .y a des degrs possibles de dureentre les deux. Mais c'est surtout entre les pisodes, comme entre des mlodies, quel'importance relative de leur dveloppement doit tre combine, en vue d'uneimpression totale qui s'harmonise avec l'action se droulant sur l'cran.

    A tous ses niveaux de structure, le film prsente une superposition de duresdont les unes sont plutt techniques et les autres plutt esthtiques, mais sansdistinction immuable entre elles. Pour les couronner, il y a, en regard de la dureglobale que paraissent donner au film son rythm et son contenu d'images ou depripties, la dure subjective du temps vcu durant Je spectacle. On a pu noterun dsaccord entre les deux et une sorte de malaise ou de mcontentement cons-cutifs. Il faut au film une densit temporelle, qui peut varier selon ce qu'il met enscne, mais qui'ne doit pas dconcerter par excs ni par dfaut le laps d'existencepropre que le sujet a le sentiment de lui avoir consacr.

    * *

    Jamais, sans doute, oeuvre humaine n'a eu manipuler l'espace et le tempscomme le cinma. Le roman, certes, avait toute libert d promener ses lecteurs travers le monde et les poques. Mais trop facile, c'tait sans consquence. Pure-ment narratif, c'tait sans prise sur la sensibilit, lmentaire et immdiate. Lecinma, au contraire, a d compter avec des ellipses ncessaires d'espace* et detemps, qui peuvent bien, travers les pages d'un livre, ne pas faire trbucher lelecteur, mais qu'entran par une vision comme directe des vnements, un specytateur de cinma peut ne pas tre en mesure d'accepter. D l'obstacle le cinma s'estfait un moyen, suivant une raction courante de la technique humaine ; et le moyena largement dbord ses origines. Couper dans l'espace et dans le temps, c'tait ;concevoir la possibilit d'en distribuer les morceaux sa guise. L'ordre irrvo-cable des lieux extrieurs entre eux et des moments irrversibles pouvait donctre boulevers. Il l'a t. La consquence est d'importance.

    On se souvient que Lvy-Bruhl, rencontrant dans des populations primitives

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    des croyances qui impliquaient la prsence simultane de plusieurs tres en un

    mme lieu ou au contraire celle du mme tre en plusieurs lieux distincts, pensaitie trouver devant du prlogique, c'est--dire devant quelque chose d'tranger

    ; toute logique. La simultanit d'existence entre les anctres et leur postrit,, entre les vnements totmiques et les vnements actuels, entranait des compli-fcations ou des confusions-d'aspect tout aussi inintelligible. Opposer comme irr-

    P dctibles entre elles deux priodes de l'esprit humain, c'tait une attitude encore|; ngative. Le cinma a reproduit ce que nous estimions ne pouvoir comprendre.

    >|. Par la surimpression, il a donn deux objets ou deux personnages la mme'"&: identit locale, il a mtamorphos entre elles des formes distinctes et, dans les

    :-dessins anims en particulier, il a rinstall au sein des choses cette fluidit

    S qui, pour le primitif, ne rendait pas inconcevable la transmutation de l'une dansl'autre. En mme temps, il a largement us de retours rtrospectifs dans le temps,:^de dures superposes entre elles. Il n'est que de' voir les films d'Orson Welles ou|des films comme Le Diable au corps.

    Les effets cherchs par ce moyen nous montrent quelles ralits psychiquestj)s rpondent. Au temps chronologique que nous avions pris l'habitude d'envisager

    comme exclusif de tout autre, il ajoute un temps o les valeurs affectives sontrestaures; en regard de l'espace gomtrique dfini par Descartes et devenu

    ,; l'espace du sens commun, il a restitu l'espace dynamique o les choses deviennent.; Retour un syncrtisme depuis longtemps dpass sans doute, mais qui reste''

    toujours possible comme dans nos rves ou dans les feries dont peuvent treavides non seulement l'imagination des enfants, mais ventuellement aussi celle

    ?. des adultes. En ramenant le merveilleux ses sources psychologiques, en dtruisant- l'autonomie des mythes, en dmontant leur mcanisme, lecinma tend le domaine\~ du rationalisme.

    | Bien d'autres problmes peuvent tre poss et rsolus grce lui, les uns quif le concernent spcialement et d'autres d'une porte beaucoup plus gnrale : celui,| par exemple, du film sonore ou du film en couleurs, et celui du public. Le film muet"n'a jamais pu rester muet : dans sa prsentation, une ritournelle l'accompagnait,lie plus souvent sans rapport avec les scnes de l'cran. Un jour Vaillant-Couturier

    a propos, titre d'essai, d'assister un film dans le silence. L'exprience a tj: concluante pour ceux qui y ont particip. L'attirance unisensorielle par des images: animes entranait une tension rapidement insupportable, -et le cliquetis de la

    projection auquel il arrivait de se raccrocher devenait vite obsdant. La ritour-nelle ridicule tait donc une ncessit. Assister par la vue seulement des scnes

    de vie est quelque chose d'inhumain pour l'homme dou d'audition. Il faut luimeubler l'oue, mme d'une faon quelconque.

    Qui s'aperoit, au contraire, qu'un film est sans couleurs, alors pourtant quej/ nous savons que les objets sont colors ? Mais qui, de ses perceptions usuelles, garde: le souvenir des couleurs vues ? Dans la pratique coutumire, la couleur est choseJ plus traditionnelle ou conventionnelle qu'prouve. La couleur intervient trs] peu, des expriences le montrent, dans notre reconnaissance des choses, dans leur

    dfinition spcifique. Elle est, une acquisition relativement rcente de la vue, elles'en limine aisment, mme dans des conditions physiologiques. Ce n'est donc pas

    ; dans le sens du ralisme que doit aller le film en couleur. Presque trangre [l'objet comme tel, la couleur n'en existe que davantage pour elle-mme. Moins

  • 34 HENRI WALLON

    essentielle, elle est plus esthtique. Si elle a son rle jouer dans le film, c'est moinspar des effets de ressemblance que par des effets d'expression symphonique. C'esten elle qu'il faut trou ver les accords qui doivent contribuera l'impression d'ensemble,

    En face du film il y a le public. Dans la salle obscure o il est fascin par l'cranlumineux, ce public n'est pas le public des thtres, ni des champs de course, nides grandes rjouissances populaires ou sportives. Quelle sorte de communions'tablit entre les spectateurs du cinma ? quelle espce de rceptivit collective,quelles tendances solidaires ? Ou bien le cinma est-il un plaisir purement indivi-dualiste ? Mais, s'il tait dmontr que le spectateur ignore ses cospectateurs, nechercherait-il pas ses besoins incoercibles de sympathie un objet sur l'cran lui-mme ? D'o le pouvoir prestigieux des vedettes. Simple hypothse d'ailleurs. Maisce sont l problmes essentiels pour la connaissance de cette force nouvelledchane sur l monde : le cinma.

    La filmologie ses dbuts voit une vaste carrire s'ouvrir devant elle.

  • CRISEEN GRANDE-BRETAGNE

    par JEANNE GAILLARD

    Il est assez piquant de voir, dans un article de la Revue socialisteintitul Un an de politique travailliste , qui parut en dcembre 1946,6ous la signature de Greystoke, les nationalisations anglaises prsentescomme des mesures de socialisation prises en application des dcisions duCongrs du Labour Party de 1945. En effet, le ministre travailliste insisteau contraire sur leur caractre apolitique. Nationaliser, dit-il, ce n'est paslutter contre l'entreprise prive, c'est lutter contre la non-entrepriseprive. Voil qui est net ; il ne s'agit pas de dtruire les trusts, mais destimuler leur paresse.

    Cependant, on comprend la-hte avec laquelle certains thoriciens sesont empars des nationalisations anglaises. Si l'on pouvait arriver prouver que le socialisme peut se faire sans douleur, par le moyen decompromis habiles, s'il pouvait surgir d'Angleterre un socialisme occidentalsusceptible de redorer le blason quelque peu terni du rformisme, alors les-thories marxistes seraient en dfaut : on pourrait luder la lutte dsclasses, l'exemple de l'Union sovitique serait inoprant 1, etc. Tel est leproblme de principe que posent les nationalisations britann ques.

    Les donnes de la crise anglaise.

    On affecte souvent de considrer la crise britannique actuelle commeun rsultat de la, guerre. En ralit, la guerre a seulement prcipit lesconsquences d'un dlabrement industriel dont tait responsable un demi-sicle d'imprialisme ; elle a agi la manire de ces mutations qui rendentbrusquement sensibles, dans le rgne animal ou vgtal, des modificationslentement accumules. Et, de mme qu'un organisme vivant peut avoir se transformer compltement parce qu'un dtail de sa structure a tchang, de mme tout le systme conomique de la Grande-Bretagne est reviser parce qu'elle a perdu des marchs essentiels.

    Dj, autour de 1930, un, observateur aussi peu suspect de marxismequ'Andr Siegfried constatait dans l'conomie britannique une anarchie,une dcomposition qui confirmaient pleinement les clbres lois de l'imp-

    1. C'est la conclusion que tire ingnument Barbara Ward dans un article du Foreign Affairade New-York, complaisamment reproduit par cho (mai J947). On y lit notamment que, si laGrande-Bretagne russit greffer de nouvelles formes conomiques sur une communaut libreet constitutionnelle, on verra peut-tre se dgager un nouveau type de socit... .