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    Entretien avec Amélie NothombAuthor(s): Mark D. Lee and Amélie Nothomb

    Source: The French Review , Vol. 77, No. 3 (Feb., 2004), pp. 562-575

    Published by: American Association of Teachers of French

    Stable URL: http://www.jstor.org/stable/25479394Accessed: 27-04-2016 09:52 UTC

     

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     The French Review, Vol. 11, No. 3, February 2004 Printed in U.SA.

     Entretien avec Amelie Nothomb

     par Mark D. Lee

     Am?lie Nothomb est l'auteur de onze romans, d'un livre de contes

     pour enfants (Brillant comme une casserole, 1999), d'une longue nouvelle

     (Sans nom, publiee sous reliure separee avec le magazine Elle, 2001) mais

     aussi de nombreux inedits. Nee au Japon en 1967, dans une famille diplo

     matique beige, Nothomb a passe son enfance et son adolescence dans

     divers pays avant de gagner l'Europe pour faire des etudes universi

     taires. Apres l'echec de sa carriere d'interprete dans une grande societe

     japonaise?relatee dans Stupeur et tremblements (1999)?Nothomb revient

     en Belgique pour ecrire et publier son premier roman Hygiene de Vassassin

     (1992) dont le succes, l'originalite et la maturite lui ont valu le sobriquet

     d' "enfant terrible" des lettres franchises. Traduits en trente langues, ses

     livres ont connu un succes commercial et critique, et ont ete adaptes

     diversement au theatre, a l'opera et au cinema. Les Catilinaires (1995) et

     Stupeur et tremblements seront prochainement portes a l'ecran.

     Si aujourd'hui elle partage sa vie entre Paris et Bruxelles, Nothomb

     reste toujours marquee par l'enorme isolement et l'anorexie affligeante

     qu'elle a partages avec sa soeur, Juliette, dans les pays lointains de leur

     adolescence. Dans cette interview, faite chez son editeur en fevrier 2002,

     je voulais attirer l'attention sur les origines, revolution et la reception de

     son ceuvre, et explorer avec Nothomb les liens eventuels avec sa vie.

     Ecrire: Manger

     Q: De quand date, selon vous, votre desir d'ecrire?

     R: Je crois en fait que ce desir d'ecrire est beaucoup plus ancien que mon

     ecriture meme, mais qu'il m'a fallu des annees pour vraiment oser ecrire.

     [...] Ce sont les circonstances paroxystiques de mon adolescence?les

     enormes problemes que j'ai eus avec la nourriture et avec moi-meme?

     qui ont fait qu'a dix-sept ans j'ai commence a ecrire. Je dois aussi preciser

     que la derniere lecture que j'ai faite avant de commencer a ecrire et qui

     m'y a probablement poussee est Lettres d'un jeune poete de Rilke, qui m'a

     montre que pour une fois je me posais la question de la mauvaise fagon.

     La question n'etait pas "est-ce que je peux me mesurer a Stendhal?"

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     ENTRETIEN AVEC AMELIE NOTHOMB 563

     parce que bien evidemment la reponse est "non". La question etait "est

     ce que je peux vivre sans?"

     Q: Est-ce que vous saviez pour quoi vous refusiez de manger? Aviez

     vous une idee claire des raisons?

     R: Partiellement. Je ne sais certainement pas toutes les raisons. Mais je

     sais en tout cas que ma soeur et moi ensemble, nous faisions cela con

     sciemment parce que nous ne voulions pas devenir adultes, nous ne

     voulions pas d'un corps adulte. Parce que, entre d'autres choses, le corps

     adulte signifiait la separation l'une de l'autre. Nous avions une passion

     l'une pour l'autre et nous pensions?d'ailleurs nous n'avions pas tout a

     fait tort?que si un jour nous devenions adultes, nous serions separees.

     Q: Ou est-ce que vous habitiez quand vous avez decide cela?

     R: J'ai commence l'anorexie en Birmanie ou j'etais depuis environ six

     mois. Auparavant j'etais au Bangladesh et la on voyait les gens vraiment

     mourir de faim. J'ai du mal a en parler mais j'ai vu tellement de corps

     mutiles par la faim ou la maladie. C'est certain que cela a eu une influ

     ence sur moi.

     Q: Vous dites que depuis l'age de dix-sept ans vous n'avez cesse d'ecrire,

     que vous etes graphomane. Qu'est-ce que cela signifie pour vous? Est-ce

     que vous pouvez arreter d'ecrire si vous voulez?

     R: Absolument pas. Cela ne veut pas dire que j'ecris absolument tout le

     temps, un grand nombre d'heures par jour, mais pas absolument tout le

     temps. Cela veut dire en tout cas que je ne peux vraiment pas arreter. Si je

     dois m'en passer, qa va horriblement mal. Alors, comme je ne suis pas du

     tout masochiste, je ne m'en prive pas

    Q: Est-ce que vous croyez qu'il y a une relation entre cette abondance

     d'ecriture qui commence au moment de l'arret de l'anorexie?

     R: Le lien est trouble, mais en tout cas, il est certain qu'il y a un lien. Tres

     souvent je me dis que si je n'avais pas eu ce probleme d'anorexie je n'au

     rais jamais commence a ecrire, sans pouvoir dire exactement ou est

     l'equi valence.

     Q: Est-ce que votre soeur vous a suivie en Europe a ce moment-la?

     R: Oui, mais ma sceur, elle n'a jamais recommence a manger. Avant on

     avait une anorexie commune. Ma soeur a deux ans et demie de plus que

     moi. Done j'avais treize ans et demi quand j'ai cesse de manger et seize

     ans quand j'ai vaguement recommence a manger. Ma soeur avait seize

     ans quand elle a commence l'anorexie?on a commence ensemble?et

     elle n'a jamais recommence a manger. Or, avant cette anorexie commune,

     c'est ma soeur qui ecrivait. Et, elle a totalement cesse avec l'anorexie; ce

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     que je comprends car quand j'etais au fond de l'anorexie je n'aurais pu

     ecrire. J'etais trop faible pour faire cela. II a fallu que je recommence a

     manger, ce qui etait d'ailleurs une torture. Recommencer a manger est

     bien pire que ne pas manger.

     Q: Vous avez remarque vous-meme la presence de beaucoup d'obeses

     dans vos premiers livres. Quel est le rapport pour vous? Est-ce une

     attraction? Une repulsion? Est-ce simplement un fait?

     R: D'abord, ils m'apparaissent comme qa dans ma tete. Mais s'ils m'ap

     paraissent comme qa, ce n'est certainement pas gratuit. J'ai terriblement

     mal vecu mon retour a la nourriture. Tout a fini par parfaitement s'a

     paiser mais au moment meme je l'ai vecu comme un cauchemar et la

     nourriture etait completement diabolisee. Manger, c'etait le diable, c'etait

     le mal. Et forcement une personne grosse etait une personne qui etait tres

     entouree par le mal parce qu'elle avait beaucoup mange. Done l'obese

     etait pour moi une personne diabolique, malefique.

     Ecrire: lefrigo, les poubelles

     Q: Voici une question un peu sartrienne: pour qui ecrivez-vous?

     R: Au moment ou j'ecris je ne sais pas du tout pour qui j'ecris. C'est

     peut-etre pour moi. (^a a l'air atrocement egoiste de le dire, mais a ce

     moment-la je suis quand meme mon premier public. Je me donne des

     sensations. Je veux atteindre certaines sensations et je me les donne.

     Done a la base, pour moi mais aussi pour quelqu'un de mysterieux, et

     peut-etre pour personne aussi. Le grand public, je n'y pense absolument

     pas. Je me pose la question deux mois apres avoir termine le livre. II y a

     une periode ou le livre sent trop mauvais. J'appelle qa "mettre le livre au

     frigo". Apres deux mois de frigo, le livre ne sent plus trop mauvais et

     puis, je peux le lire. La je me dis, "Bon, qa, ce n'est pour personne": ce qui

     est le cas le plus frequent puisque je ne publie que le quart de ce que

     j'ecris. Ou alors, "

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     Q: Est-ce que vous faites cela pour tous les manuscrits?

     R: Non, seulement pour ceux pour qui deux mois apres je me dis,

     "Tiens, ce serait bien de le partager". Alors je le dactylographie.

     Q: Comment est-ce que vous ecrivez? Dans quelles conditions?

     R: J'ecris tous les jours, tot le matin. Plus c'est tot le matin, mieux c'est.

     Plus les sensations sont fortes et plus l'impression de divinite, d'etre

     Dieu, est forte.

     Q: D'etre Dieu?

     R: Oui, parce que a ce moment-la on se sent Dieu. On a cette sensation

     purement divine de l'equivalence absolue entre le mot et la chose. C'est

     formidable. Le mot met totalement en presence de la chose, (^a prouve

     bien qu'on y est.

     Q: Et, est-ce que c'est toujours dans la solitude, dans le silence?

     R: De preference oui. Ceci dit, il m'est deja arrive suite a toute sorte de

     circonstances d'ecrire dans des gares, dans des trains, dans des endroits

     ou il y a du bruit, du monde. Et, somme toute, qa allait tres bien.

     Q: Sinon, est-ce que vous avez un endroit a vous? Un bureau? Est-ce que

     vous vous asseyez n'importe ou?

     R: Non, je n'ai pas vraiment un bureau. Quand je suis a Bruxelles, c'est

     dans mon canape, sur mes genoux. Mais, quand je suis a Paris, ou mon

     logement est plus petit, c'est sur une chaise. Et, vous etes le premier a qui

     je dis cette chose dont je ne suis pas fiere. La pure verite est que c'est une

     chaise que j'ai trouvee dans la poubelle.

     Q: Ah bon Dans la rue?

     R: Oui, dans la rue. J'ai vu une chaise a cote de la poubelle. Je ne sais

     pas, elle m'a plu, cela me l'a rendue terriblement attirante. J'ai toujours

     une grande attirance pour les poubelles. J'ai toujours senti que e'etait

     pour moi, quoi Alors je me suis dis, "Tant pis si on me regarde, c'est le

     deshonneur, mais tant pis". J'ai pris la chaise, je l'ai montee chez moi, et

     depuis j'ecris sur la chaise de la poubelle. [...]

     Q: Cela fait penser au recyclage, sauf que vous en faites a un niveau

     superieur aux autres personnes

    R: II y eut un temps ou je me nourrissais exclusivement de ce que je trou

     vais a Bruxelles dans les marches. Vous savez qu'apres les marches

     quand les gens sont partis, il reste plein de choses par terre. II y eut un

     temps ou cela fut la base de mon alimentation.

     Q: Mais, ce n'etait pas par necessite...

     R: Non, encore que... II y eut quand meme un moment ou?entre la fin

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     du travail japonais et le commencement de la publication frangaise?je ne

     peux pas dire que j'etais pauvre, mais disons que j'avais une certaine

     incertitude quant a mon avenir. J'etais non seulement ravie de manger

     dans les poubelles parce que je trouvais qa bon, mais en plus parce que

     c'est vrai que e'etait avantageux. A Bruxelles je continue a oser qa, parce

     que a Paris je n'oserais jamais faire une chose pareille.

     Q: Pourquoi pas a Paris mais a Bruxelles?

     R: C'est une vieille idee que j'ai assimilee comme quoi a Paris il faut

     quand meme se tenir un peu mieux qu'a Bruxelles. [...] C'est vrai qu'un

     aliment ne me parait jamais aussi attirant que quand personne n'en a

     voulu et qu'il a ete jete. En plus, j'ai toujours eu un probleme de culpabi

     lite vis-a-vis de la nourriture, meme maintenant quand tout va bien. Mais

     j'ai quand meme garde une attitude de culpabilite, sauf quand je ramasse

     l'aliment dans la poubelle. Je me dis que je ne l'ai vole a personne. "La

     vraiment tu peux le manger sans aucune honte. C'est vraiment pour toi".

     Ecrire: le sous-marin, les inedits

     Q: Est-ce qu'il vous faut un certain niveau de concentration quand vous

     ecrivez? Vous parlez parfois d'etre dans "le sous-marin" quand vous

     ecrivez. J'aimerais bien que vous expliquiez ce que cela veut dire pour

     vous

    R: C'est clair que mon but, quand j'ecris, c'est d'atteindre le sous-marin.

     Je l'atteins souvent, mais peut-etre quand meme pas a toutes les fois.

     Disons qu'a certains moments paroxystiques?et a mon avis on les sent

     dans mes livres?j'atteins le sous-marin, des moments ou, comme je l'ai

     dit tout a l'heure, il n'y a plus aucune frontiere entre le mot et la chose.

     En ecrivant, j'ai totalement affaire a la realite.

     Q: Et, vous avez une sensation particuliere?

     R: Une sensation hallucinante.

     Q: Et, "sous-marin" parce qu'il y a une pression totale?

     R: Je ne suis jamais allee dans un vrai sous-marin, mais on a l'impression

     en effet d'une tres grande pression. Or, quand je suis dans cet etat de

     sous-marin, j'entends des pulsations qui sont enfin les battements de

     mon cceur, mais tres fort, dans toute ma tete. La sensation physique est

     extraordinaire. Les sensations physiologiques de ce que j'ecris sont to

     tales. Si je decris une scene violente, je vais eprouver cette violence, mais

     je vais l'eprouver avec une jouissance inimaginable.

     Q: Alors vous etes a la frontiere entre la jouissance et la douleur?

     R: Oui, c'est l'extase. Surtout, quand on ecrit un certain temps, quand on

     sort de qa on est sonne.

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     Q: L'image de sous-marin suggere certaines scenes de vos romans qui se

     passent sous l'eau, par exemple les noyades dans Metaphysique des tubes

     (2000).

     R: Oui, et dans mes livres et dans les inedits, parmi les choses que je n'ai

     pas publies aussi il y a des scenes tres importantes qui ont lieu sous l'eau.

     Q: Est-ce que vous avez trouve cette intensite dans votre ecriture des le

     depart?

     R: Non, cela est venu petit a petit. Si je vois mes 10 premiers romans, il

     n'y a pas tout de suite eu cette intensite.

     Q: Et Hygiene del''assassin?

     R: Hygiene de Vassassin est mon onzieme roman. Disons que c'est a partir

     de mes vingt-et-un ans que qa a commence a devenir quelque chose. A

     vingt-et-un ans, j'en etais ou? au quatrieme, au cinquieme roman?

     Q: Done, au moment de Taction de Stupeur et tremblements lorsque vous

     travailliez dans cette entreprise japonaise vous ecriviez aussi?

     R: Oui, j'ecrivais une histoire d'amour qui se terminait par de l'anthro

     pophagie. Le heros devenait anthropophage a la fin.

     Q: Avez-vous publie les livres que vous avez ecrits dans l'ordre de leur

     redaction?

     R: Jusqu'a present, oui. Hygiene est le onzieme, Le Sabotage amoureux

     (1993) est le dix-septieme, Les Combustibles (1994), le vingtieme. C'est vrai

     que jusqu'ici cela a suivi un ordre chronologique.

     Q: Vous en etes a quel numero maintenant?

     R: Au numero quarante-deux.

     Q: Et, qu'est-ce que vous allez faire de tous ces manuscrits?

     R: Rien. J'ai deja pris des mesures testamentaires pour qu'ils soient au

     tant que possible caches.

     Q: Mais pas brules j'espere.

     R: Ah non, surtout pas detruits. C'est des enfants [...].

     Q: Et les titres de vos ouvrages, quand est-ce que vous les trouvez?

     R: Sauf dans le cas d'Hygiene de VAssassin ou qa est venu avant meme

     que je sache de quoi j'allais parler, generalement cela vient vers la fin,

     voire a la fin.

     Q: Et avec Hygiene de Yassassin, vous avez eu le titre au depart?

     R: Oui, c'etait tres special. Je suis tombee enceinte par le titre. Je tombe

     toujours enceinte du livre mais la j'etais enceinte d'un titre. Et je me suis

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     dit, "Ma vieille, debrouille-toi, il faut que tu prouves que ce titre existe".

     Et voila ce qui spontanement m'est venu.

     Q: A plusieurs reprises dans vos romans, mais non exclusivement bien

     stir, on trouve des relations passionnelles entre les personnes de dif

     ferentes generations. Par exemple dans Hygiene il y a Tach, tres age, qui

     s'eprend de Nina, beaucoup plus jeune. Dans Mercure (1998), on retrouve

     la meme situation. Quelle est l'attraction de ces jeunes femmes pour ces

     hommes plus ages? Et vice-versa?

     R: Du cote des hommes, c'est facile a expliquer Mais, sans rentrer dans

     trop de details, c'est une chose qui m'est arrivee. C'etait tres trouble. Ce

     que j'ai vecu, j'ai du mal a en parler.

     Ecrire: la memoire, les dates

     Q: Dans Metaphysique des tubes vous parlez de ce don de memoire que

     vous avez. Est-ce que vous avez vecu cela parfois comme un fardeau?

     R: Cela m'est arrive, mais par ma faute, pendant mon adolescence. En

     meme temps que de cesser de manger, j'avais decide de me souvenir de

     tout.

     Q: Vous dites cela aussi a 1'age de trois ans dans Metaphysique des tubes.

     R: Oui, c'est vrai, mais quand j'avais treize ans et demi, j'ai vraiment

     decide de renforcer le processus. Je me suis dit, "Maintenant, toutes les

     nuits dans ton lit, tu te raconteras tous les jours a partir du 5 Janvier

     1981". Et, chaque nuit je recommengais a partir du 5 Janvier 1981. Peu a

     peu qa est devenu comme une sorte de maladie. J'ai du lutter contre qa.

     Mais c'est vrai que cela a developpe ma memoire.

     Q: Est-ce qu'il y avait un evenement qui a declenche cela?

     R: Non, e'etait le jour de la grande decision, "je cesse de manger", et en

     meme temps "je me souviendrai". Ma sceur et moi, e'etait conscient,

     murement reflechi, premedite.

     Q: Parce que vous voyiez le temps passer?

     R: On voyait l'adolescence arriver. II me semblait qu'il etait temps, on

     etait en train de trop grandir la.

     Q: On sent que les dates jouent un role tres important pour vous.

     Pourquoi cette precision? Est-ce un souci de logique? De realisme?

     R: Parfois oui. C'est surtout symptomatique de ce qui a longtemps ete

     ma fac,on de vivre, qui l'est encore par bien des points, suite a cette

     espece d'habitude contractee le 5 Janvier 1981. Je vivais tellement dans les

     dates que dans toute conversation je disais, "Oui, tu sais le 17 fevrier,

     machin-chouette...". C'etait pour moi lourd de signification, parce que

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     ENTRETIEN AVEC AMELIE NOTHOMB 569

     chaque jour etait tellement leste d'evenements. II y a meme un de mes

     "dits" premiers romans?un de ceux que je n'ai jamais montres?qui

     s'appelle Le Stupre des anniversaires, parce que je constatais que chaque

     fois qu'une date revenait, et il y en avait beaucoup qui revenaient, j'en

     eprouvais une emotion Mais, presque de l'ordre de l'erotisme. Alors que

     la date commemoree n'etait pas forcement erotique. Les dates etaient

     importantes dans mes premiers livres, dans Hygiene de Vassassin et encore

     dans Stupeur et tremblements. Mais, peu a peu je m'applique a ce qu'elles

     ne le deviennent plus parce que sinon, je vais tomber dans une espece de

     narcissisme. Done, je m'efforce au contraire a ce que ces dates ne soient

     plus significatives. Ou alors, ce sont des clins d'yeux. Par exemple ce sont

     des anniversaires des gens que j'aime, des choses comme qa.

     Q: Vous avez donne le jour de votre anniversaire au personnage de Leo

     poldine dans Hygiene de Vassassin, qui est aussi le jour de sa mort, n'est-ce

     pas?

     R: Oui, ^a c'est tres important. C'est tellement mon double, Leopoldine.

     En fait c'est plutot ma soeur que moi, mais en meme temps il n'y a plus

     de difference entre ma soeur et moi.

     Q: Vous la voyez comme votre sosie, votre jumelle?

     R: Oui. On ne se ressemble pas du tout, mais c'est vraiment mon double.

     La Belgique, Veducation, Vexil

     Q: Quand avez-vous visite la Belgique pour la premiere fois?

     R: A dix-sept ans.

     Q: Vraiment? Qa c'est extraordinaire quand meme.

     R: Oui, c'etait un parti pris de mes parents?que j'approuve totale

     ment?quand on vit au Japon, en Chine, au Bangladesh, en Birmanie ou

     en Laos ou meme a New York, on ne va pas visiter la Belgique. C'etaient

     des pays tellement beaux, tellement fascinants, tellement interessants. [...]

     On m'a toujours dit que j'arriverais en Belgique pour faire mes etudes

     universitaires. On m'avait toujours dit que c'etait mon pays, que je fini

     rais par le connaitre un jour.

     Q: Vous avez eu une scolarite un peu particuliere n'est-ce pas?

     R: Oui, jusqu'a dix ans inclus, c'etaient les lycees frangais. Et apres, c'e

     tait le Bangladesh. Alors la, Bangladesh, Birmanie, Laos: il n'y avait pas

     de lycee. C'etait le systeme beige, mais par correspondance. Et, quand on

     fait des choses par correspondance, on fait vraiment ce qu'on veut. Les

     interrogations de mathematiques, j'avais le livre ouvert a cote de moi.

     Sinon je n'aurais jamais reussi, c'est evident.

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     Q: Quelles etudes avez-vous faites quand vous etes arrivee en Belgique?

     R: Des etudes de philologie romane a l'Universite libre de Bruxelles.

     Q: Vous avez fait beaucoup d'etudes en latin et grec avant de venir en

     Europe?

     R: Oui, beaucoup. A seize ans je parlais latin. Je n'ai plus cette capacite.

     Q: Pourquoi avez-vous choisi cette voie universitaire? Une fascination

     pour les lettres?

     R: A cette epoque c'etait la fascination pour le latin et le grec. Je ne voulais

     pas devenir ecrivain. Cette fascination pour le latin et le grec n'est pas telle

     ment evidente quand on vit en Birmanie. C'etait peut-etre pour explorer

     mes racines, je ne sais pas... Maintenant je suis folle de joie d'avoir fait cela,

     parce que si je possede ma syntaxe, et m'y sens a l'aise, je sais d'ou qa vient.

     Q: Pendant votre adolescence quand vous viviez a l'etranger?qui n'e

     tait pas, veritablement, l'etranger pour vous, puisque vous n'aviez pas

     encore connu la Belgique?vous vous voyiez en exil?

     R: Oui, je me voyais comme en exil.

     Q: Exil de quoi alors? Du Japon ou vous etiez nee? De votre enfance

     heureuse?

     R: De beaucoup de choses. De l'enfance, du Japon, des pays ou il y avait

     une ecole et il y avait des amis. Parce que je n'avais pas d'amis dans ces

     pays-la. Exil d'une vie "normale", d'une vie agreable parce que la vie

     etait dure pour toute sorte de raisons. On etait tres isoles.

     Q: Alors, quand vous etes arrivee en Belgique?

     R: C'etait encore pire.

     Q: Vous decririez la chose comme une forme d'exil encore une fois?

     R: Un exil d'autant plus fort que j'avais toujours cru qu'a ce moment la

     ce serait la fin de l'exil. Je pensais que j'aurais des amis tout de suite, que

     je me sentirais comme un poisson dans l'eau, et que je serais d'autant

     plus interessante que je venais des pays lointains. Mais, j'ai decouvert

     que j'etais justement moins interessante que les autres du fait que je

     venais des pays lointains. J'etais simplement ridicule.

     Q: Vous vous voyiez comme ridicule? Avec leurs yeux?

     R: Je me voyais dans leurs yeux ridicule et je me sentais tres gauche. Ou,

     ce qui etait pire encore, je voyais que je n'existais pas du tout.

     Q: Vous mettiez la culpabilite sur vous et pas les autres?

     R: Je melangeais. Je leur en voulais mais je me disais "Tout ceci est ma

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     ENTRETIEN AVEC AMELIE NOTHOMB 571

     faute", d'autant plus que j'avais toujours ce probleme alimentaire et je

     me disais, "?a doit venir de la aussi". J'etais tres mal dans ma peau et

     sans doute qa devait se sentir. Et les jeunes n'aiment pas les gens mal

     dans leur peau.

     Q: Vous habitez maintenant une partie de l'annee a Bruxelles et l'autre

     partie a Paris. Est-ce que maintenant vous sentez que vous avez un "chez

     vous ?

     R: Je n'ai pas vraiment un chez moi. Mais je n'en demande pas tant, vous

     savez. J'ai un endroit pour dormir et pour ecrire, c'est deja formidable. Si

     c'etait en plus un chez moi, ce serait trop demander.

     Q: Je me rappelle avoir lu que vous avez eu des ennuis avec la famille de

     votre fiance japonais. Cela repetait ce qui s'etait passe en Belgique.

     R: Oui, absolument. La, j'etais vraiment l'etrangere. J'en ai beaucoup souf

     fert quand je suis arrivee en Belgique ou je n'avais pas le statut d'etrangere

     mais ou j'avais tout d'une etrangere. Si j'avais eu le statut d'etrangere peut

     etre que cela m'aurait sauvee. Parce que, alors, les Beiges se seraient dit

     "Ah oui, elle est bizarre, mais c'est parce qu'elle est etrangere".

     La Reception des livres: le Japon, les pays francophones

     Q: Retournez-vous encore au Japon ou vous etes nee?

     R: Plus maintenant. En plus, depuis la parution de Stupeur et tremble

     ments, chaque fois que j'ai affaire a des Japonais je sens qu'on me de

     mande de m'expliquer. Je n'ai pas envie de m'expliquer.

     Q: Etes-vous allee au Japon au moment de la parution de Stupeur et trem

     blements en traduction japonaise?

     R: Non, mais j'ai eu affaire a ce moment-la a quelques journalistes japo

     nais, et qa s'est tres mal passe. C'etaient des interviews qui ressemblaient

     a des interrogatoires de police. Alors qa m'a vraiment degoutee. En plus

     ils sont tres forts et vis-a-vis d'eux, je suis tres faible. Je sais tres bien

     qu'ils veulent reussir a me faire dire la fameuse phrase, a savoir "Ce n'est

     pas vraiment ce que je voulais ecrire" alors que c'etait vraiment ce que je

     voulais ecrire. Ils ont garde une autorite mentale sur moi... j'ai du mal a

     leur resister.

     Q: Est-ce que vous avez pu mesurer l'accueil aupres du public japonais?

     R: Oui, il y a eu des reactions tres negatives des chefs d'entreprises, mais

     aussi des reactions positives de petits employes ou de gens comme

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     572 FRENCH REVIEW 77.3

     Q: Parce que ces personnes avaient un pied dans les deux cultures?

     R: Voila. Ils m'expliquaient qu'ils se sentaient en malaise vis-a-vis de

     mon livre, a la fois qu'ils me donnaient raison, a la fois qu'ils me don

     naient tort.

     Q: Etes-vous encore bilingue?

     R: J'etais certainement bilingue quand j'etais petite, mais a l'age de cinq

     ans, quand j'ai quitte le Japon, j'ai totalement occulte le japonais. Quand

     je suis retournee au Japon, le japonais m'est revenu tout de suite. Et,

     maintenant, qa fait en gros dix ans que j'ai quitte le Japon et je ne le con

     nais plus. Je sais qu'il est la, mais si un Japonais me parle, la je ne pour

     rais pas lui parler parce qu'il me faudra une semaine de readaptation

     pour me remettre.

     Q: Est-ce que vous trouvez que vos livres sont recus differemment dans

     differents pays francophones? La France, la Belgique, le Canada?

     R: Oui, oui. Globalement c'est clair que c'est en France que je dois tout

     dans cette histoire, parce que grace a la France qa a marche. En Belgique,

     c'est tres different en ceci que j'ai un nom qui est lourd a porter dans mon

     pays. C'est encore avec le public beige que c,a se passe le plus mal, meme

     si, bien evidemment, il y a aussi beaucoup de Beiges qui me sont favo

     rables. Mais il a fallu tout ce temps pour que le nom de Nothomb cesse

     d'avoir cette violente odeur desagreable.

     Q: Voulez-vous dire en quelques mots la connotation de ce nom en

     B elgique?

     R: Eh bien, c'est un nom qui pendant la derniere guerre n'etait pas du

     bon cote, et qui est reste connote droite catholique, dix-neuvieme siecle.

     Done, il a fallu depasser c,a. Maintenant qa commence a passer, en tout

     cas pour les jeunes. De toute fac^on c'est la que j'ai mon plus grand en

     thousiasme, c,a c'est bien connu. Nul n'est prophete dans son pays. Au

     Quebec, qa se passe extremement bien, en Suisse aussi. En France qa se

     passe tres bien avec ce seul probleme que je suis plus mediatiquement

     presente en France qu'ailleurs, ce qui est toujours a double tranchant. Qa

     donne une image un peu faussee. Finalement, les interviews les plus

     interessantes sont rarement avec les Franc.ais ou les Beiges: c'est soit avec

     les francophones d'autres pays, soit avec les autres. II n'y a plus ce pro

     bleme mediatique.

     Q: Vous avez vecu aux Etats-Unis dans votre jeunesse. Avez-vous eu

     des reactions des pays anglophones?

     R: Qa est reste tres limite. J'ai eu d'excellentes critiques dans des jour

     naux americains, mais j'ai eu peu de courrier de lecteurs. J'ai eu par con

     tre des reactions hyper-chaleureuses, enthousiastes des traducteurs. Je

     trouve d'ailleurs que la traduction canadienne anglophone du Sabotage

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     ENTRETIEN AVEC AMELIE NOTHOMB 573

     amoureux, incroyable, grandiose... je ne sais pas si vous l'avez lue. Je

     trouve que c'est plus beau en anglais qu'en francais.

     Q: Collaborez-vous a certaines traductions? Relisez-vous les textes?

     R: Je ne peux le faire qu'en tres peu de langues. Je ne suis pas polyglotte.

     Mais je l'ai fait pour l'anglais, et j'ai donne mes petites corrections?

     toutes petites, mais bon.

     Etre ecrivain: les categories, la politique, le dialogue

     Q: Est-ce que vous vous considerez un ecrivain beige? frangais? fran

     cophone? ou simplement un ecrivain?

     R: J'ai deja du mal a me considerer un ecrivain...

     Q: II faut l'assumer, pourtant.

     R: J'assume... Francophone, c'est le maximum qu'on puisse dire. Je ne me

     sens pas beaucoup de nationalite. Je ne suis probablement pas franchise, pas

     beige non plus. Je ne me sens pas de nationalite, et c'est tres bien comme qa.

     Q: Est-ce dire que vous etes une ecrivain-femme, est-ce que cela a un

     sens pour vous?

     R: Non, les gens savent bien que je suis une femme. Est-ce qu'un ecri

     vain homme eprouve le besoin de dire qu'il est un ecrivain-homme?

     Q: Est-ce reducteur pour vous?

     R: Totalement reducteur. Sincerement, quand j'ecris j'ai tous les sexes

     que je veux et j'en ai franchement la sensation physiologique. Etre un

     ecrivain seulement femme? Non. Oui, aussi. Mais pas seulement.

     Q: Est-ce que vous trouvez que les critiques vous lisent differemment

     parce que vous etes femme?

     R: Surement Je ne vais pas me le monter, je ne suis pas du tout mal

     heureuse d'etre une femme. Sans vouloir faire du feminisme geignard, je

     suis tres consciente que certaines critiques particulierement avilissantes

     qu'on m'a faites, on ne me les aurait pas faites si j'avais ete un homme. [...]

     Q: Dans Stupeur et tremblements il y a une critique impitoyable et souvent

     comique des hierarchies sociales. Voyez-vous un sens politique a certains

     de vos livres?

     R: Je pense que oui, mais ce n'est pas voulu directement. De toute iaqon

     un livre, inevitablement, a un sens politique. Dans Stupeur et tremblements

     il y en a, qa c'est evident. Mais meme dans les autres, au sens d'abord in

     finitesimal, dans le rapport a l'autre, le degre atomique de la politique: le

     dominant, le domine, comment on instaure un dialogue, comment ne pas

     s'entretuer.

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     574 FRENCH REVIEW 77.3

     Q: Dans votre ouvrage Cosmetique de Vennemi (2001), le personnage prin

     cipal decouvre qu'il a un ennemi qui lui parle, dans sa tete. Avez-vous

     encore un ennemi interieur?

     R: Oui je l'ai. Je parviens a dialoguer avec lui dans l'ecriture de iaqon a

     ne pas etre la plus faible mais quand je ne suis pas dans l'ecriture...

     Q: Est-ce une voix masculine? feminine? neutre?

     R: C'est quelqu'un qui me dit "tu". II a ma voix interieure, qui n'est ab

     solument pas aigue. Quand je m'entends a la television ou a la radio ou

     ailleurs je suis toujours frappee par le fait que j'aie une voix tres femi

     nine. Mais, la voix interieure dans ma tete n'est pas sexuee.

     Q: Cette voix, ce double, est-il arrive a un moment determine?

     R: Oui, il y avait quelque chose qui l'a declenche, quelque chose dont je

     ne souhaite pas parler. Mais parfois je me dis que qa se serait declenche

     de toute iaqon. C'est tres lie a une impression de culpabilite. Et, tres, tres

     accusateur.

     Q: II vous faut vous defendre?

     R: Oui, il faut que je proteste mon innocence [sic]. Ce n'est pas ma faute.

     Q: Vos romans sont tres, sinon entierement dialogues. Comment ecrivez

     vous les dialogues? Est-ce que le tout vient en meme temps? Faut-il se

     mettre dans une voix et ensuite dans l'autre pour savoir comment qa va se

     passer?

     R: Tout vient en meme temps, mais j'entrevois souvent plusieurs possi

     bility, alors pour choisir la bonne possibility, il faut que j'aille tres vite

     dans la tete, que je fasse quatre repliques par quatre repliques. C'est vrai

     ment un concert. Je les entends tout a la fois, mais je les differencie bien.

     II n'y a aucune confusion possible.

     Amelie: le nom de Vauteur?

     Q: J'ai lu quelque part qu'il y avait une interdiction sur le nom d'Amelie

     dans votre famille.

     R: Oui, c'est idiot. C'est parce qu'il y avait un grand-pere qui avait dit,

     "Non, non, ma jument s'appelle Amelie ". Done, pas d'Amelie dans la

     famille. Mais qa ne m'a pas empeche de m'appeler Amelie. Simplement,

     ce n'est pas sur ma carte d'identite.

     Q: Alors vos parents vous ont appelee Amelie malgre cela?

     R: Oui, malgre cela. Ils aimaient beaucoup le prenom mais en meme

     temps ils ne voulaient pas vexer le vieux mourant. C'etait un dernier

     hommage.

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     ENTRETIEN AVEC AMELIE NOTHOMB 575

     Q: Est-ce que vous voulez dire votre nom?

     R: Non, parce que cela induirait en erreur. Les fois ou il m'y eut arrive

     lieu de le dire, les gens mettaient un malin plaisir a m'appeler comme c,a.

     Alors pourquoi m'appeler comme c,a quand ce n'est pas mon nom? C'est

     comme le numero de ma carte d'identite: est-ce qu'on va m'appeler par

     le numero de ma carte d'identite?

     Mount Allison University (NB)

     CEuvres d'Amelie Nothomb

     Nothomb, Amelie. Hygiene de Vassassin. Paris: Albin Michel, 1992.

     _ . Le Sabotage amoureux. Paris: Albin Michel, 1993.

     _ . Les Combustibles. Paris: Albin Michel, 1994.

     _ . Les Catilinaires. Paris: Albin Michel, 1995.

     _ . Peplum. Paris: Albin Michel, 1996.

     _ . Attentat. Paris: Albin Michel, 1997.

     _ . Mercure. Paris: Albin Michel, 1998.

     _ , et Kiki Crevecceur. Brillant comme une casserole. Bruxelles: La Pierre d'Alun, 1999.

     _ . Stupeur et tremblements. Paris: Albin Michel, 1999.

     _ . Metaphysique des tubes. Paris: Albin Michel, 2000.

     _ . Cosmetique de I'ennemi. Paris: Albin Michel, 2001.

     _ . Sans nom. Paris: HFA, 2001. Nouvelle publiee avec Elle, ed. France (juillet 2001).

     _ . Robert des noms propres. Paris: Albin Michel, 2002.