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QUESTIONS À Isabelle Autissier DE LA PLAISANCE A LA COURSE EN SOLITAIRE Questions de Nathalie Giordano plaisancière Isabelle Autissier. vous entretenez avec la mer une véritable histoire d'amour. Com- ment est-elle née ? De la manière la plus classique qui soit. J'ai, dès l'âge de six. sept ans. eu l'occasion de faire du dériveur pendant mes vacances, et ensuite de naviguer, en famille d'abord sur un Corsaire, puis sur un Mousquetaire. Entre huit et douze ans, je rêvais de partir en bateau pour faire plein de choses. Je lisais beaucoup de livres, de revues. Tout ce qui touchait aux bateaux me passionnait. Et comment en êtes-vous venue à la compé- tition ? Je suis agronome de formation ; je m'étais spé- cialisée en halieutique. J'ai travaillé environ douze ans dans le domaine de l'économie des pêches. Puis j'ai fait de l'enseignement sur la transformation et la commercialisation des pro- duits de la mer. Cela me permettait de gagner ma vie tout en naviguant le week-end. Ce qui m'a poussé vers la course, c'est d'abord, je crois, une curiosité intellectuelle. Et en 1987. VOILE : LA COURSE AU LARGE EN SOLITAIRE Isabelle Autissier est une marathonienne de la mer. Cette navigatrice au long cours, âgée de 38 ans, s'est révélée en 1994 au grand public en battant de quatorze jours le record du parcours entre New York et San Francisco par le cap Horn avec équipage. Sur son monocoque de 18 m Ecureuil-Poitou Charentes II, elle domine ensuite la première étape du Boc Challenge, course en solitaire autour du inonde en creusant un énorme écart sur ses adversaires. Dans la deuxième étape, son voilier démâte, puis chavire en plein océan Pacifique. Sauvée, par la marine australienne le Jour de l'An 1995, après quatre jours d'attente solitaire dans un bateau qui prenait l'eau, Isabelle Autissier est devenue une héroïne des mers. Ingénieur agronome, cette native de Saint-Maur dans la région parisienne, s'est installée à La Rochelle au début des années 80 et s'est lancée dans les grandes compétitions de voile à partir de 1987. Isabelle Autissier répond aux questions d'EP.S organisées autour de quatre grands thèmes. Nous remercions vivement Isabelle Autissier d'avoir bien voulu nous accorder cet entretien. L'aimable collabora- tion des différents intervieweurs. que nous avions sollici- tés pour diversifier les champs du questionnement, nous a été une aide précieuse dans l'élaboration de cet article. Coordination pour la Revue EP.S : Claudine Leray, Michel Desfontaines. PHOTO : AGENCE VANDYSTADT EPS 254 - JUILLET-AOÛT 1995 9 Revue EP.S n°254 Juillet-Août 1995 c. Editions EPS. Tous droits de reproduction réservé

QUESTION S À Isabelle Autissier

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Page 1: QUESTION S À Isabelle Autissier

QUESTIONS À

Isabelle Autissier

DE LA PLAISANCE A LA COURSE EN SOLITAIRE Questions de Nathalie Giordano plaisancière

Isabelle Autissier. vous entretenez avec la mer une véritable histoire d'amour. Com­ ment est-elle née ?

De la manière la plus classique qui soit. J'ai, dès l'âge de six. sept ans. eu l'occasion de faire du dériveur pendant mes vacances, et ensuite de naviguer, en famille d'abord sur un Corsaire, puis sur un Mousquetaire. Entre huit et douze ans, je rêvais de partir en bateau pour faire plein de choses. Je lisais beaucoup de livres, de revues. Tout ce qui touchait aux bateaux me passionnait.

Et comment en êtes-vous venue à la compé­ tition ?

Je suis agronome de formation ; je m'étais spé­cialisée en halieutique. J'ai travaillé environ douze ans dans le domaine de l'économie des pêches. Puis j'ai fait de l'enseignement sur la transformation et la commercialisation des pro­duits de la mer. Cela me permettait de gagner ma vie tout en naviguant le week-end. Ce qui m'a poussé vers la course, c'est d'abord, je crois, une curiosité intellectuelle. Et en 1987.

VOILE : LA COURSE AU LARGE EN SOLITAIRE

Isabelle Autissier est une marathonienne de la mer. Cette navigatrice au long cours, âgée de 38 ans, s'est révélée en 1994 au grand public en battant de quatorze jours le record du parcours entre New York et San Francisco par le cap Horn avec équipage. Sur son monocoque de 18 m Ecureuil-Poitou Charentes II, elle domine ensuite la première étape du Boc Challenge, course en solitaire autour du inonde en creusant un énorme écart sur ses adversaires. Dans la deuxième étape, son voilier démâte, puis chavire en plein océan Pacifique. Sauvée, par la marine australienne le Jour de l'An 1995, après quatre jours d'attente solitaire dans un bateau qui prenait l'eau, Isabelle Autissier est devenue une héroïne des mers. Ingénieur agronome, cette native de Saint-Maur dans la région parisienne, s'est installée à La Rochelle au début des années 80 et s'est lancée dans les grandes compétitions de voile à partir de 1987. Isabelle Autissier répond aux questions d'EP.S organisées autour de quatre grands thèmes.

Nous remercions vivement Isabelle Autissier d'avoir bien voulu nous accorder cet entretien. L'aimable collabora­tion des différents intervieweurs. que nous avions sollici­tés pour diversifier les champs du questionnement, nous a été une aide précieuse dans l'élaboration de cet article. Coordination pour la Revue EP.S : Claudine Leray, Michel Desfontaines.

PHOTO : AGENCE VANDYSTADT

EPS N° 254 - JUILLET-AOÛT 1995 9 Revue EP.S n°254 Juillet-Août 1995 c. Editions EPS. Tous droits de reproduction réservé

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je me suis engagée dans la mini-transat. Je n'en serais pas là où je suis si je ne l'avais pas faite. Ça a été pour moi une véritable révélation. Cela faisait longtemps que je tournais « autour de la mer ». Mais là. j'ai ressenti un très, très grand bonheur à naviguer et à courir. Et j'ai compris ma capacité à réussir, parce que j'ai fini 3e. J'étais persuadée d'avoir trouvé « mon truc ».

Existe-t-il. entre le monde des navigateurs plaisanciers et vous, des points communs ?

Il y a sans nul doute un point commun : la mer. La mer est la même pour tous. La différence, c'est que les conditions dans lesquelles je navigue sont en général plus difficiles que pour le plaisancier. Je suis confrontée dans le domaine technique, qu'il s'agisse de la météo, du réglage des voiles, de la préparation du bateau, de l'in­formatique, de l'électronique, à la nécessaire production de réponses plus élaborées. C'est un autre système d'appréhension de la navigation. Mais, en mer. plaisancier ou coureur ont d'autres points communs : ils ne peuvent rester insen­sibles, entre autres, à un magnifique coucher de soleil. Toutefois évidemment, les problèmes techniques sont, en course, d'une toute autre dimension par rapport à ceux que rencontrent, généralement, les plaisanciers. Et puis il y a des problèmes de ges­tion du stress, du sommeil, etc.. auxquels le plai­sancier n'est pas non plus normalement confronté.

La haute technologie vous donne-t-elle le sentiment de conserver un réel pouvoir ?

La haute technologie n'enlève rien à notre pou-soir de décision et à notre responsabilité quand nous sommes à bord. Bien au contraire. Je dirais qu'elle offre un éventail plus grand au niveau des choix que nous sommes conduits à faire, et des possibilités d'adaptation au milieu naturel auquel nous sommes confrontés. La haute tech­nologie qui préside à la fabrication de mon bateau me permet d'aller vite : ce qui m'offre l'occasion de bien me placer dans le système météo. Ça, je ne peux pas le faire si je vais à 5 nœuds. Par contre, si j'avance à 15 nœuds avec un bateau performant, je peux commencer à jouer et ma décision, la mienne, prend alors tout son poids. La technique est ainsi exploitée au mieux au service de l'être humain. Je ne suis à aucun moment dominée par la technique. Et à aucun moment la technique ne m'enferme dans un type de réponse prédéterminé. Par contre, elle m'offre plus de sécurité et m'aide à réaliser ce que j 'ai décidé, ce que j 'ai choisi. Les qualités de marin sont toujours aussi indispensables, mais nous disposons d'outils techniques de plus en plus performants qui nous offrent des possibilités d'action accrues et davantage de liberté au niveau des prises de décision.

Après votre démâtage, vous avez tenté de poursuivre la course malgré des conditions extrêmement difficiles. Vous avez dit : « Plus que la victoire, l'objectif est d'arri­ ver au bout. » Au bout de quoi ?

Au bout d'un programme qu'on s'est fixé. On décide de faire une course autour du monde en solitaire. Le but. c'est bien d'y arriver. On ren­contre des problèmes, on se trouve dans des situations difficiles. Mais tant qu'on entrevoit une chance de réaliser l'objectif qu'on s'est fixé, on continue.

Bien sûr. c'est une question de détermination. Mais vous savez, quand on a mis trois ans à mon­ter un projet, quand cinq millions de francs ont été investis, quand autour de nous se sont impli­qués des équipes, des individus, il ne vient pas à l'esprit d'abandonner avant d'être sûre d'avoir tout l'ait pour résoudre les problèmes auxquels on est confrontée.

Faire une course autour du monde fait rêver le plaisancier. La compétition vécue à votre niveau laisse-t-elle une place au rêve ?

Le jour où j'ai effectué ma première course autour du monde, j 'ai sans nul doute réalisé un rêve. Aujourd'hui, dans mes courses, le rêve existe, mais sa place n'est pas vraiment prioritaire. Les temps de rêverie sont, disons-le, vraiment réduits. Un exemple : si, au moment où j'ai devant les yeux un fabuleux spectacle de cou­leurs, de vols d'oiseaux, de passage de bancs de poissons volants, je dois envoyer le spi. je vais évidemment envoyer immédiatement le spi. J'ai rarement, en course, le temps dont je disposais quand je faisais de la croisière pour « regarder le paysage ». Mais c'est différent. J'ai un but à atteindre, un programme au bout duquel il faut que je par­vienne. Le rêve peut prendre appui alors sur des images d'un autre ordre : la victoire, bien se pla­cer, aller vite, faire de « bons coups météo ».

Qu'appelez-vous un bon coup météo ?

Un exemple : dans la première étape du Boc Challenge, en analysant à ma façon les cartes météo, j'ai décidé de prendre une route sur laquelle je pensais rencontrer un vent me per­mettant de gagner beaucoup de temps. J'avais raison. Et j 'ai tout de suite pris la tête. Les autres avaient suivi une ligne plus directe. J'avais beau­coup réfléchi avant de prendre ma décision, pen­dant des heures et des heures. Mais quand, au bout de trois ou quatre jours, je me suis aperçue qu'effectivement, mon choix était bon et que j'avais plus de 150 miles d'avance, j'avoue que j'étais très, très contente. C'était un « bon coup météo ».

Moitessier parlait à son bateau. Quelle relation entretenez-vous avec le vôtre ?

Moi aussi, je parle beaucoup au bateau. C'est mon bateau. Il a été construit pour moi. en fonc­tion de ma façon de naviguer. J'ai passé avec l'architecte et au chantier pendant trois ans, un nombre d'heures que je ne peux même pas cal­culer. Inévitablement, entre le bateau et la navi-gatrice se crée, je dirais pour simplifier, des liens. Et quand je suis toute seule sur mon bateau en compétition, tout naturellement je lui parle. Mais il n'y a pas qu'à lui que je m'adresse : je parle à une voile, au pilote, mais aussi à une vague, un nuage. D'une façon générale, on a besoin de beaucoup s'exprimer à bord. Car. c'est vrai, on a besoin d'entendre une voix humaine. Et en général plus on rencontre de problèmes, plus il nous est nécessaire de verbaliser ; j'agis, je parle, je me parle, c'est un tout.

Vous avez c e r t a i n e m e n t rencontré de grands bonheurs, mais aussi des moments qui vous ont sans doute paru insurmon­tables. Pouvez-vous en parler ?

Le plus grand bonheur, c'est bien sûr de gagner la course. Et puis en mer. existe, comme je le disais tout à l'heure, le bonheur de pouvoir contempler un ciel qu'on ne voit nulle part ailleurs, une lumière fabuleuse, le passage d'un vol d'albatros... Quant au moment le plus difficile, je ne vous étonnerai pas si je vous dis que c'est celui où on perd son bateau. Et quand je me suis séparée de l'Ecureuil après avoir déclenché une balise, j'ai vécu le moment le plus difficile pour un marin. Une balise de repérage Sarsat a une espérance de vie de trois jours. Le bateau d'assistance a mis cinq jours pour arriver sur zone. Mon bateau fait 18 mètres. Les déferlantes font, elles, deux cents mètres. Tenter de le repérer, c'était comme cher­cher une aiguille dans une meule de foin. Après, j'ai voulu faire un break. Je suis restée à Sydney un mois, loin des média, pour l'aire le point. Bâtir d'autres projets. Et depuis le mois de janvier, je travaille sept jours sur sept pour repartir. D'autant qu'il ressort de tout ça un énorme sen­timent de frustration, car la pièce qui a cédé ne relevait pas de la haute technologie. Il s'agissait d'un défaut dont je ne pouvais pas avoir connais­sance, un mauvais sertissage sur un rod. Avec un rod serti comme ça. il y a des bateaux qui l'ont trois fois le tour du monde. Moi. je démâte et en plus je perds le bateau. Mais sincèrement, je crois qu'à chaque fois qu'on rencontre des échecs, il y a des enseignements à en tirer, et c'est ce que j'ai essayé de faire.

Avez-vous votre propre bateau ?

Oui. Il s'appelle « Parole ». Je l'ai construit à La Rochelle. Mais il y a bien longtemps que je n'ai pas navigué avec lui. Il mesure 10 mètres. Il est à Toulouse en ce moment sur le canal. Il m'attend. Avec lui. j'ai fait en 1987 ma première transat en solo, pour mon plaisir. J'avais conçu ce bateau pour aller me balader, ce que j'ai fait avec des copains. Puis ensuite, j'ai décidé de partir seule aux Antilles et de revenir en France. C'est après que j 'ai vraiment eu envie de faire une course. Pour aller plus loin par rapport à moi-même comme je vous l'ai dit. •

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LA GESTION DU STRESS Questions de Christine Le Scanff Maître de conférences Université de Caen

Y a-t-il des moments où vous ressentez de façon plus douloureuse les effets du stress ?

Tout d'abord, les effets du stress, ils sont perma­nents. Du moment du départ au moment de l'ar­rivée, on est stressé tout le temps, plus ou moins, mais tout le temps. On est tout seul, sur un bateau de 18 mètres, il faut aller vite, mais avec un maximum de sécurité. Un ensemble assez diffi­cile à gérer. On est constamment à l'affût pour répondre à ce qui se passe, se préparer à ce qui risque de se passer dans une heure, six heures, deux jours, six jours. Il y a les autres concurrents dont il faut suivre, comprendre les stratégies : et puis, ce bateau, il s'agit de bien savoir où il en est. Peut-on appeler ça du stress ? On est en per­manence hypertendu, même pendant les moments de sommeil. Le moindre dérapage, compte tenu de la taille du bateau, tant au niveau de la navigation que de la manœuvre, a des conséquences difficiles à gérer au niveau personnel. Ai-je les moyens de faire face aux exigences des situations que je rencontre ? Tout dépend du niveau auquel se situent ces exigences. Si l'exi­gence, c'est d'amener le bateau dans le port d'ar­rivée, oui, j 'ai les moyens d'y faire face, sauf en cas d'avarie grave, s'entend. Je peux m'appuyer sur un bateau techniquement prêt. Je me suis également préparée et ça ne m'angoisse pas de me dire « je pars de Sydney et je vais à Punta del Este ». Si, par contre, le niveau d'exigence, c'est « je vais aller de là à là mais beaucoup plus vite que les autres », ça devient beaucoup plus compliqué car il ne s'agit plus seulement d'y aller ni d'aller vite, mais d'aller plus vite que les autres. Il faut faire du mieux possible.

Pour minimiser les effets du stress qui pourraient être pervers, avez-vous une pré­ paration spécifique avant la course ?

Je pratique un peu la sophrologie. Cela me per­met à la fois de me concentrer mais aussi de me relaxer. La préparation, elle est avant tout liée à la préparation même du bateau. Si on a confiance dans ses capacités de performance à lui. il y a plein de raisons de s'angoisser qui n'ont plus lieu d'être. Même si bien sûr, je sais que je vais rencontrer des situations difficiles : le vent est en train de monter, le spi ne veut pas descendre. Le spi fait 300 m2 : si je n'arrive pas à le faire descendre vite, je vais à l'avarie grave : le démâtage, l'ex­plosion du spi, une blessure handicapante, etc. Le problème d'une manœuvre en solitaire, c'est qu'elle ne supporte pas l'erreur. Personne ne sera là pour m'aider à rattraper le coup si je ne suis pas performante au moment voulu. Ça. c'est angoissant. Je ne peux pas le nier.

Quels sont les éléments qui sont pour vous les plus difficiles à gérer ?

Sans doute, parmi différents éléments, je citerai en premier le sommeil. En solitaire il est impos­sible de suivre un rythme. Nous sommes totale­ment dépendants des conditions de vent, de l'état de la mer. Si je suis sous spi, j'aurai moins ten­dance à aller dormir que si je suis sous vent de travers. Si j'avance à 15 nœuds, j'irai plus facile­ment dormir que si ma vitesse est de 20 à

25 nœuds, etc. Je dors rarement plus d'une heure de suite. A l'exception des moments où. dans les alizés, le vent étant régulier, je peux être plus paisible. Ce que je veux souligner, c'est qu'il ne faut jamais en arriver au moment où on ne peut plus tenir. Sur des courses longues, il m'est néces­saire de dormir 6 heures par 24 heures, par tranche de 20 minutes par exemple. Bien sûr. il y a des jours où je n'y parviens pas. Mais il ne faut pas que je fasse ça trois jours de suite. Sinon, je parviens à un état de fatigue intense qui ne peut me conduire qu'à des erreurs de jugement, de manœuvre. Et il ne faut pas alors hésiter à réduire la toile pour aller dormir une heure. Ceci dit. même en dormant, je garde une percep­tion assez forte de ce qui se passe. Il suffit qu'il y ait un bruit qui change, que le bateau gîte un peu moins, que le bruit contre la coque soit dif­férent ou que j'entende quelque chose qui claque sur le pont, pour que je me réveille immédiate­ment. Je n'ai pas de véritable entraînement dans ce domaine avant les courses, mais j'essaie de diminuer un peu mes temps de sommeil par rap­port à mon rythme normal. Ensuite après une course comme le Boc, il me faut six mois pour récupérer totalement, c'est-à-dire revenir à mon rythme personnel d'alternance veille sommeil, et à mon dynamisme habituel.

Est-ce que la gestion parfois extrêmement difficile de certaines conditions de naviga­tion font naître chez vous des pensées néga­ tives ?

Pour ma part, la pensée négative m'est presque totalement étrangère. Je ne me dis jamais « ça y est, je vais couler..., je ne vais pas y arriver... ». Quand j 'ai démâté dans le sud de l'Océan Indien, j'ai pensé immédiatement à faire un gréement de fortune. Je me suis dit aussi « c'est vraiment compliqué ». Mais en même temps, je n'avais pas le choix pour m'en sortir : il fallait que je le fasse, je l'ai t'ait. Sur le moment, il s'agit de faire, pas d'analyser et de se prendre la tête entre les mains pour réfléchir. Lors de la deuxième avarie, quand le bateau a fait un tonneau, il s'est trouvé que, si je peux dire. Le palmarès d'Isabelle Autissier

1987 Mini-Transat : vainqueur de la première étape. Troi­sième au classement. 1988 Course en solitaire du Figaro : quatrième au classe­ment des premières participations. 1989 Course en solitaire du Figaro : douzième place. 1990-1991 Boc Challenge (course en quatre étapes autour du monde en solitaire) : septième place. Isabelle Autissier est la première femme à accomplir le tour du monde en course et en solitaire. 1993 Open UAP (Tour d'Europe à la voile) : deuxième place en remportant deux étapes. 1994 Record de New York-San Francisco en équipage : 62 jours 5 h 55 mn. Record battu de 14 jours. Depuis 1851, ce record, apanage de clipper de plus de 50 m de long, n'avait pu être amélioré qu'à deux reprises en raison des grandes difficultés que présente cette tentative qui com­prend le passage du Cap Horn. 1994-1995 Boc Challenge : vainqueur de la première étape Charleston-Le Cap (6 800 milles). Démâtage, puis chavirage dans la deuxième étape.

Ses bateaux Parole Son bateau personnel. Un monocoque de 10 m avec lequel Isabelle Autissier a effectué ses premières tra­versées océaniques. Actuellement à Toulouse. Ecureuil-Poitou Charentes Monocoques de 6,50 m en 1987 ; de 10 m en 1988-1989 et de 18 m à partir de 1990. Ecureuil-Poitou Charentes II n'a pu être récupéré après le sauvetage d'Isabelle Autissier par la marine australienne.

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j'étais vraiment dans un endroit idéal : un petit passe avant étroit, super protégé. Or. 99.9 % du temps, j'étais soit dehors, soit à la table à cartes. Dans les deux cas, j'aurais été soit écrabouillée, soit jetée à l'eau. J'ai vraiment eu une chance folle. Sur le moment, inconsciem­ment, je m'en suis rendu compte. Mais je n'y ai pas pensé. Je suis quand même restée près de quatre jours avant d'être récupérée ; je n'ai pas pensé « j'ai failli y rester ». Mais je me suis dit « tiens, c'est bien, j'étais juste au bon endroit ». Ce n'est que quand j 'ai remis le pied sur la terre ferme que j'ai admis « bon. tu as eu du bol ».

Et les p r o b l è m e s p h y s i q u e s de santé , comment y faites-vous face ?

Le stress, j'en conviens, peut provoquer des dif­ficultés d'endormissement, des problèmes d'ap­pétit, des maux d'estomac, des migraines, mais par rapport à tout ça. on est assez bien armé. Nous avons des mallettes médicales bien faites, élaborées spécialement pour nous. Alors après, il y a le cas extrême : je me blesse gravement, je risque l'hémorragie, là je ne peux rien faire. J'ai une pharmacie à bord avec des anesthésiques très puissants, mais je suis assez démunie. Cependant, en solo et c'est assez sur­prenant, rares sont les navigateurs qui se sont blessés vraiment gravement. Le bateau, la façon dont il est conçu et la conscience que nous avons de notre responsabilité font que nous possédons une grande marge de sécurité, et que nous sommes toujours très prudents.

Lorsque vous êtes seule, dans des moments de désarroi , avec qui ressentez-vous le besoin de parler ?

J'ai beaucoup de mal à expliquer, sur le moment, ce que je vis. Les gens avec lesquels je peux le mieux communiquer dans ces cas-là, ce sont ceux qui ont participé avec moi de très près à la conception du bateau. A ma famille, je n'ai pas envie de parler. Elle est déjà inquiète, ce n'est pas la peine que je vienne rajouter à son angoisse. Bien sûr. je ferai en sorte qu'elle soit prévenue si je suis en réelle difficulté, mais les problèmes sont avant tout techniques et c'est à moi de trouver les solutions. Enfin, c'est ma façon de fonctionner. •

ÊTRE FEMME MARIN Questions de Catherine Louveau Laboratoire de sociologie INSEP

Le fait d'être une femme dans cet univers de la voile, en priorité masculin, présente-t- il à vos veux des avantages ? Des inconvé­ nients ?

Etre une femme à côté de tous ces marins hommes n'est pas pour moi un problème. A la limite, je dis « ça ne m'intéresse pas ». Jamais je ne me pose la question de savoir si je dois faire telle ou telle chose parce que je suis une femme, ou au contraire de dire « non. ça je ne peux pas le faire parce que je suis une femme ». Quand je décide de partir, c'est parce que j 'en ai envie et que je veux réussir, aller au bout de mon projet.

Bien sûr. les réactions des concurrents masculins vexés d'être battus par une femme m'amusent pour la raison que je trouve ça d'un autre âge. Les articles de presse qui mettent l'accent sur l'exploit que j'ai réussi alors que je ne suis « qu'une femme ». je trouve ça ridicule. Tous les marins vous diront que monter un spi de 300 m2

est aussi difficile pour un homme que pour moi. Et en fait, ce qu'il faut savoir, c'est que la course au large, particulièrement sur les gros bateaux, est un sport où hommes et femmes sont en réalité à égalité car l'aspect physique joue un très petit rôle. La force intervient, mais vraiment peu. Préparer son bateau pendant des mois corres­pond à un objectif. 11 faut qu'il réponde à nos capacités et qu'il pallie nos manques au niveau de la force purement physique. C'est ainsi que « l'Ecureuil » était équipé d'une quille pivotante. Cela rendait le bateau moins puissant, plus facile à manœuvrer, car plus adapté à ma force phy­sique. Je peux également par exemple avoir des winches de taille sur les voiles supérieures, etc. Mais une grande partie de la course passe par l'étude de la carte, trouver le vent, trouver la solution météo. Là. je pense que hommes et femmes sont dans ce domaine à égalité...

Si je manœuvre très vite dans une journée, je peux gagner un mile : si je choisis une bonne route, je peux gagner 100 miles ; donc vous voyez, il n'y a pas que la force physique qui concourt à la réussite. Ce qui m'intéresse, c'est d'être comparée en tant que marin aux autres marins. Je trouve les dis­cours machistes parfaitement stupides. Et si aujourd'hui je suis moins attaquée que Florence Arthaud ne l'a été sur ce plan-là. c'est qu'elle a vraiment essuyé les plâtres dans ce domaine.

Avant de vous lancer dans l'épreuve, la recherche des sponsors est nécessaire. Est- ce plus difficile pour vous en tant que femme ?

Je dirai que c'est plus facile. Je suis encore une « bête curieuse ». On juge que j 'a i de réelles pos­sibilités de victoires, alors les média parlent de moi. ce qui est porteur pour un sponsor. Actuellement, je cherche de l'argent pour faire le Vendée-Globe. C'est vrai que les sponsors sont intéressés par le fait que je sois la seule femme à le faire, que je n'aurai pas un résultat minable, etc. Au début, être « crédible ». faire admettre qu'une femme peut réussir, est difficile. Mais quand on a pu faire ses preuves, les portes s'ou­vrent plus facilement.

On ne peut toutefois pas dire que ce sport se féminise. C'est vrai. Je pense que ça reste lié à l'éducation. Les filles sont encore peu incitées à réussir, à montrer toutes leurs capacités. On dit encore : les garçons sont plutôt faits pour tels métiers, les filles tels autres. Et puis il y a l'attitude de la

femme par rapport à la famille, la maternité. Quand une femme a décidé d'avoir un enfant, je pense qu'elle a en priorité envie de s'en occuper et pas de partir faire le tour du monde. Un homme a une autre attitude. Personnellement, tant que je voudrai courir, je n'aurai pas d'enfant. Car il n'y a pas que le fait de partir, il y a tout le temps que demande la pré­paration du bateau, de la course. Depuis le 30 janvier, je n'ai pas eu un jour de repos. Et puis il est vrai que le milieu de la voile même n'encourage guère les femmes à naviguer. Trou­ver une place dans un équipage masculin n'est pas facile. Les hommes ont. sur les comporte­ments des femmes à bord, un nombre considé­rable d'idées reçues qui ne plaident pas en notre faveur. La solution que nous avons, c'est de réunir un équipage uniquement féminin comme pour la course de l'America. Les mentalités évoluent, mais lentement. Pour­quoi un homme se sent-il humilié s'il est battu par une femme ? A la limite, ce qui est humiliant, c'est d'être battu.

Les mythes, les légendes attachées à la mer font des marins des héros. C'est Ulysse qui nav igue , pas Péné lope . Etes -vous une héroïne ?

Moi. je ne me sens pas héroïque. Mais il est vrai que certaines femmes reprennent à leur compte ce que j 'ai vécu. Deux anecdotes : il y a quelques jours, à l'occasion d'un voyage aux Etats-Unis, j 'ai été entourée de femmes qui venaient me voir en me disant : « you are my hero », « grâce à vous on bat les hommes »... L'autre jour, en France, une jeune fille est venue me voir dans le métro : « je voudrais vous dire merci au nom des femmes ». C'est vrai que ce genre de phrases, je l'entends souvent maintenant et pas seulement de la part de femmes qui naviguent. Pour cer­taines, ce que je parviens à faire leur montre que les « femmes aussi » peuvent réussir - un senti­ment qu'elles n'avaient pas encore eu l'occasion de connaître. Alors, c'est vrai que je peux apparaître comme une héroïne. Mais ce que j 'ai souvent envie de leur dire à ces femmes tient en peu de mots : « trouvez ce que vous voulez vraiment faire. Soyez celle que vous voulez vraiment être et vous réussirez si vous y mettez l'énergie néces­saire. Et il n'y a pas de domaine réservé, de métier réservé aux hommes ». J'ai réussi parce que j 'ai « trouvé mon histoire » et non parce que j 'a i une valeur particulière. •

ARGENT - CALENDRIER -MANAGEMENT Questions de Bernard Bonneau Fédération Française de Voile et Jean-Pierre Ducloy Chef de la mission d'évaluation et de conseil Ministère Jeunesse et Sport

Les skippers qui ont les meilleurs résultats sont généralement ceux qui ont les plus gros budgets et les plus fidèles sponsors. Le sport n'y perd-il pas un peu de morale ?

Les skippers qui gagnent ne sont pas toujours ceux qui ont les plus gros budgets. Ainsi, les gros budgets n'ont jamais gagné de mini-transat. Bien

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sûr. par contre, quand on parle de gros bateaux, l'argent incontestablement intervient. La haute technologie coûte cher. Entre une coque en alu­minium et une coque en carbone qui rendra le bateau plus performant, il y a trois millions de francs de différence. Mais je ne parlerai pas de morale. Moi, avec l'argent que j'obtiens, je fais travailler des chantiers, des voiliers, des accas-tilleurs. Je suis intégrée dans la vie économique. Je ne considère pas que l'argent pourrisse la voile. Il donne les moyens de faire des bateaux plus sûrs, plus rapides, de faire de la recherche, d'innover.

Et pour prendre l ' e x e m p l e de ce qu'a connu l'équipage français lors de la coupe de l'America ?

Je ne reviendrai pas sur les résultats. Je dirai que participer à la course de l'America est pour la France indispensable. On a besoin d'un objectif qui motive les recherches. C'est l'occasion, avec le budget mis à disposition, de faire des études fondamentales, et aussi appliquées.

Monocoques, multicoques, en équipage ou solitaire, transats, tours du monde, calen­ driers qui se recoupent. Comment harmo­ niser les programmes de course au large ?

11 y a quelques années, nous avons monté une association des coureurs de 60 pieds et tenté un peu de « faire un calendrier ». Mais c'est très compliqué. Les bateaux sont disparates : mono­coques, multicoques ; les sponsors, les financiers ont des intérêts différents, il y a peu de chose en commun entre un sponsor qui finance une seule course et Fleury Michon qui suit Philippe Pou­pon pendant 14 ans. Les skippers évoluent sou­vent d'une catégorie à l'autre. Il y a des gens qui participent au Vendée Globe, et le lendemain ils suivent la coupe de l'America. Enfin il y a les organisateurs de course qui. eux, cherchent avant tout à monter des événements financièrement rentables et sont quelquefois prêts à s'étriper. C'est un ensemble extrêmement difficile à gérer. C'est dommage parce que toute la course au large bénéficierait d'un calendrier clair, struc­turé. Ce serait rassurant aussi bien du côté des coureurs que de celui des sponsors. On s'aperçoit quand même qu'il y a des grandes séries qui émergent autour d'événements phares. Prenons la catégorie que je connais bien, les 60 pieds monocoques. C'est une catégorie qui a émergé depuis 10 ans autour du Boc et du Globe. Après, on peut ajouter quelques transats, quelques autres événements pour monter un pro­gramme. Mais ces bateaux-là sont construits pour ces courses-là. Les multicoques de 60 pieds, eux, ils sont conçus pour effectuer les transats comme L'Europe I Star, la Route du Rhum.

Il faut faire l'inventaire de ces grandes classes, il n'y en a pas tant que ça. Mais les bateaux eux non plus ne sont pas nom­breux quand vous programmez pour 96 la Baule - Dakar, la Route du Café. Dakar - Rio. Ce sont trois courses qui s'adressent aux mêmes bateaux. Il n'y a pas de quoi monter trois pla­teaux. Il faut parvenir à faire le ménage en s'ap-puyant sur ce qui existe. Actuellement, il y a des 60 pieds wor, des 60 pieds open, des multicoques de 60 pieds. On peut assimiler à cette catégorie les 50 pieds. Et puis après, on arrive à une classe telle le Figaro-Solo. Entre les deux, il n'y a pas grand chose. Les choses peu à peu s'éclaircissent.

Dans toutes les courses océaniques-atlan­ tiques, on trouve une majorité de Français. Quel est le frein à l'internationalisation ?

Il n'existe pas de frein à l'internationalisation si ce n'est que la France a pris, dans le domaine de la voile, une telle avance quand, dans le sillage de Tabarly. l'activité s'est beaucoup démocrati­sée et qu'on a appris à faire des bateaux. Alors les autres pays, conscients de ce phénomène, hésitent à se mesurer à nous. Mais cela va chan­ger. Dans le Boc, il y avait deux bateaux améri­cains dont l'un est arrivé 12e. Cela va les encou­rager.

Est-ce que les innovations techniques et technologiques dont vous bénéficiez profi­ tent aux plaisanciers ?

La recherche qui préside à la conception de nos bateaux a incontestablement des retombées sur l'amélioration de la construction des bateaux de plaisance. Bien sûr que toutes les innovations ne peuvent être adaptées à la plaisance, soit pour un pro­blème de coût, soit parce qu'elle sont délicates à manipuler. Mais d'une manière générale, les informations passent sur les chantiers et puis cer­taines sont retenues au niveau de la croisière. Ce sont les 60 pieds open qui ont été les premiers à posséder des ballasts : maintenant des bateaux de croisière en sont équipés. De la même façon, le spi asymétrique s'est beaucoup répandu sur les bateaux de croisière. Et puis il faut également parler du matériel tech­nique qui est testé, mis au point avec l'aide des coureurs : la chaussette à spi, les améliorations du pilote... Les coureurs font un véritable travail d'équipe avec les entreprises qui nous deman­dent de tester leurs produits. On les martyrise dans des conditions parfois extrêmes, après on en discute. Et on peut ainsi participer à l'élaboration d'un matériel fiable, susceptible d'être mis à la disposition du plus grand nombre.

Q u ' e s t - c e qui condu i t votre propre réflexion dans ce domaine de l'innovation ?

On sait que faire une course signifie évidemment arriver au but. mais pas seulement car il s'agit aussi d'être le premier. Si je décide de traverser le Pacifique en solitaire, je dois avoir le bateau qui me permet de le faire, quelles que soient les conditions de mer, de navi­gation. Et puis je veux aller plus vite que les autres. Et c'est là qu'on se rend compte que vitesse et sécurité marchent de pair. Un mât en carbone permet plus de vitesse, mais aussi plus de sécurité. Il est moins fragile, il est plus léger, le bateau gîte moins, les conditions de manœuvre

sont meilleures. Les bateaux les plus perfor­mants sont de plus en plus légers et de plus en plus solides. Ainsi, pour revenir à « l'Ecureuil ». notre idée, c'était de remplacer les ballasts d'équiper d'une quille orientable me permettaient de naviguer sur un bateau beaucoup plus léger. Une économie de trois tonnes sur un poids total de dix. Cela me permet de manoeuvrer dans des conditions de sécurité bien meilleures.

Comment expliquez-vous qu'un homme comme Peter Blake, qui vient de la course au large, ait obtenu de tels résultats à la coupe de l'America ?

Ce n'est pas Peter Blake qui a gagné la coupe, c'est le Team New Zealand. Quand je parle de Team, j'associe architectes, coureurs. Blake, il avait un rôle central de management des hommes. Il a su s'entourer des gens qu'il fallait. •

ET MAINTENANT QUELS PROJETS ?

Je veux repartir. Je cherche de l'argent pour mener à bien mon projet qui est de courir dans un an. J'ai envie de faire le Vendée Globe. J'ai six mois pour mettre mon bateau au point, six mois pour le tester. Maintenant, s'il est certain que j'entretiens avec la mer une véritable passion, je ne sais pas pendant combien de temps je continuerai à faire de la course en solitaire. Mais il y a d'autres façons de naviguer, d'autres choses à faire « autour de la mer », et je continuerai car je me sens bien sur la mer. Je suis à la fois extrémiste et calme et ce que je vis avec elle me convient bien. •

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EPS N° 254 - JUILLET-AOÛT 1995 13 Revue EP.S n°254 Juillet-Août 1995 c. Editions EPS. Tous droits de reproduction réservé