7/25/2019 Qui Nous Sortira

1/3

Qui nous sortira...

Le texte s'articule autour d'une double affirmation : celle de la faiblesse de l'homme et celle

de son incroyable tnacit. Le mouvement mme du passage accompagne cette dialectique et

autorise une tude plutt linaire.

Ce qui frappe d'emble c'est donc la faiblesse de l'homme.

!n constate tout d'abord une sorte d'hypallage": l'humain est rifi transform en chose

tandis que la nature s'humanise. C'est ainsi que #$ara voque les % applaudissementsde la mer &% lefront prouv du monde & ou encore % lagorgedes tnbres marines &.

Cette nature se ligue contre l'homme comme le souligne la question rhtorique initiale :

% qui nous sortira des encombrements des choses et de la chair& o( le mot % chair & reprsente parmtonymie)le corps humain. Le texte oppose donc d'emble l'esprit au monde physique. Le thme

du monde ligu contre l'homme est repris plus loin non plus autour du mot % encombrements & amis

autour du mot % dcombres& : % ...le front prouv du monde * les paves et les dcombres jetesdans la mer / et celles de la mer dans le monde&. !n ne s'attardera pas sur la difficult quereprsente l'ad+ectif % +etes & lequel ne peut s'accorder qu'avec le substantif % paves &. Ce qui

frappe ici c'est le va,et,vient entre le monde et la mer qui se re+ettent cycliquement paves et

dcombres -c'est,,dire l'homme/0 formant un univers sans issue. L'change est renforc dans le

texte par un +eu d'allitrations nasales.

1ais quelles sont les caractristiques de cette nature / 2lle est la fois inquitante et

violente. #$ara rappelle que la mer %se brise & voque les % tnbres marines& dnonce la% noirceur de l'avenir & parle de %griffes& mystrieuses. 3ref les connotations se rvlent iciessentiellement p+oratives. 4eut,tre peut,on mme parler d'ironie : si la mer adresse l'homme des

% applaudissements& c'est sans doute pour souligner le caractre th5tral et % tragique& de notre

destin. 6 mois qu'il s'agisse d'un vritable hommage notre tnacit...

Car nous ne sommes pas spectateurs nous sommes le spectacle 7 Comment comprendre

sinon rfrence la tragdie et % lamphithtre& au dbut du texte / 6rrtons,nous sur cemot : l'amphith5tre tait dans l'antiquit une enceinte destine aux spectacles les plus cruels les

+eux de gladiateurs dont le sort tait le plus souvent funeste. C'est donc une rfrence indirecte au

sort ultime et rptons,le tragique de l'homme : la mort.

8ous sommes certes issus de ce monde. L'homme en effet est un % vieux pli de pierre&une %soucieuse ride de terre congestionne& un %sillon tremp&. Ces expressions ont en communla rfrence au sol dont selon certaines mythologies l'tre humain est issu. 9elon les traditions

+uive et chrtienne 6dam fut faonn par ;ieu lors du sixime +our de la Cration partir de la

poussire de la terre qu'il modela son image.Ce monde cependant nous malmne. %auvre petite vie perdant pied chaque jour! /

culbute! bascule! prcipite! pauvre vie! /pauvre vie harcele par les prsages fauves! pitine &.La rptition est le ma

7/25/2019 Qui Nous Sortira

2/3

construction destine faire obstacle aux eaux & -C8A#L0 on voit nettement l'opposition entre la

nature -la mer0 et l'homme. 6llons plus loin : les pithtes utilises par #$ara font de nous un dfi

perptuel l'ordre immuable du monde un %vieux pli de pierre sur le front prouv du monde &une %soucieuse ride dans la gorge des tnbres marines& des rvolts exasprants... et tenacescomme en tmoigne la succession de certains verbes au mode participe figurant pour la plupart en

tte de vers : ne sommes,nous pas % amarrBs & % cramponnBs & %faisant face& %fon"ant& /

!ui. 8ous sommes bien porteur d'un dynamisme inaltrable un dynamisme qui dfie aussi le coursdu temps. Celui,ci est voqu dans une srie de priphrases dont la solennit voque la toute,

puissance de cet ennemi de l'homme. Dl est question tout d'abord de % l'inconcevable imprcation dutemps& groupe nominal qui met en valeur gr5ce au terme % imprcation& la maldiction qui psesur l'homme. Dl est question ensuite dans une envol biblique d'tendre la rvolte % laconsommation des sicles&. Dl est question enfin E et l'ide est la mme E d'aller % jusqu'#l'puisement des c$clones dans les entrep%ts l$sens& image prcieuse et baroque peut,tre maissaisissante qui sera suivie par deux autres tout aussi fortes. L'homme est ainsi une % mchoired'inbranlable ternit et insolence& : c'est le substantif mchoirequi frappe le plus ici car iltmoigne la fois de notre apptit de vivre et de notre agressivit. L'homme est galement et d'une

manire elliptique une tour %fortifie et crnele jusqu'au sommet de dieu&. L'image n'est pas

difficile dcrypter. 2lle fait rfrence la tour de 3abel construire par les hommes pour dfierdieu selon la 3ible. #$ara assume et revendique l'orgueil humain face l'inhumanit de l'univers

caractris par ce dieu froid et inaccessible % que nul &il n'a pu gravir / nulle joue chaufferd'humaine tendresse&.

4ourtant cette exaltation n'est que de courte dure et le texte se clt sur un mouvement d'un

lyrisme dsenchant clairement assum par l'omniprsence duje.La fin du texte est porteuse d'une rsignation lasse rythme par la succession des % quoi

bon & et des % qu'importe & dans une srie de questions douloureuses. ;s le premier % quoi

bon & le pessimisme rpond point par point et en cho la phase d'exaltation qui prcde.

8gations -% l'humaine tendresse ne sait plus& dcalage subtil -%joue & devient %joie&0 : #$aradplore les dfaillances du sentiment et les limites de la qute d'absolu : % a quoi bon gravir le pic

filtrer les nues& dplore le pote dans un vocabulaire choisi et plutt soutenu -gravirn'est pasgrimper nuesn'est pas nuages0.

Les groupes rythmiques s'acclrent au fil de cette vocation dsabuse : % qu'importe l'amile seul la nuit l'ennui&. Dci les allitrations s'accumulent F des rseaux de paronymes s'installent - lanuitet l'ennuipar exemple ou encore en moiet ami0 F des groupes des vers entiers sont repris etces reprises imbriques confinent la litanie@ comme dans la triple rptition de % un jour &. Gdomine le terme %ami& employ cinq fois tel quel et suggr par un calembour : % la mie de

pain&. ;'une manire trs symbolique la chaleur et le froid sHaffrontent en cette fin de pome. Letexte se referme sur un espoir : %si je pouvais atteindre le lumineux oubli &. C'est l'attente d'une

sorte de nirvana au sens tymologique d'extinction de rsolution dans le nant. 4as de perspectived'un paradis quelconque ou d'une vie future che$ #$ara.

6insi ce texte paradoxal fait,il la fois briller la rvolte promthenne de l'indomptable

humanit et luire en mme l'clat noir de la rsignation individuelle. Comme 3audelaire #$ara

mle alors la symbolique de l'obscurit et de la lumire dans un appel la mort :

(ort! vieux capitaine! il est temps ) levons l'ancre )*e pa$s nous ennuie! % (ort ) +ppareillons ),i le ciel et la mer sont noirs comme de l'encre!

@ Litanie -nom fm.0 : 4rire forme d'une longue suite d'invocations ;ieu Isus,Christ la Jierge aux saintsdites par le clbrant ses assistants ou les chantres et suivies d'une formule rcite ou chante par l'assemble.

)*@

7/25/2019 Qui Nous Sortira

3/3

-os c&urs que tu connais sont remplis de ra$ons )3audelairees fleurs du (al

@*@