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N° 246-247 JUILLET-AOÛT 2010 dépasser les frontières IN SITU Entretien avec Xavier Inglebert Une nouvelle politique pour les ressources du CNRS Qui étaient vraiment les Gaulois ?

Qui étaient vraiment les Gaulois - CNRS Le journal

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Page 1: Qui étaient vraiment les Gaulois - CNRS Le journal

N° 246-247 JUILLET-AOÛT 2010

dépasser les frontières

IN SITUEntretien avec Xavier Inglebert

Une nouvelle politique pour les ressources du CNRS

Qui étaient vraiment

les Gaulois ?

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SOMMAIRE 3

Le journal du CNRS n° 246-247 juillet-août 2010

IN SITU > Pari gagné pour le musée du quai Branly, p. 36

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VIE DES LABOS > La nature archive les secrets des hommes, p. 6

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Le journal du CNRS 1, place Aristide-Briand92195 Meudon Cedex Téléphone : 01 45 07 53 75Télécopie : 01 45 07 56 68Mél. : [email protected] journal en ligne :www2.cnrs.fr/presse/journal/CNRS (siège)3, rue Michel-Ange75794 Paris Cedex 16

Directeurde la publication :Alain FuchsDirectricede la rédaction :Marie-Hélène BeauvaisDirecteur adjoint de la rédaction :Fabrice Impériali

Rédacteur en chef adjoint :Matthieu RavaudChefs de rubrique :Fabrice DemarthonCharline Zeitoun

Rédactrice :Anne LoutrelAssistante de la rédaction et fabrication :Laurence WinterOnt participé à ce numéro :Stéphanie ArcKheira BettayebJean-Philippe BralyCaroline DangléantDenis DelbecqSebastián Escalón Grégory FléchetMathieu GroussonSamuel GuittonMathieu HautemulleRomán IkonicoffGeneviève MahistreXavier MüllerMarion PapanianPhilippe Testard-Vaillant

Secrétaire de rédaction :Isabelle GrandrieuxConception graphique :Céline HeinIconographe :Cecilia VignuzziCouverture :Cuirasse conservée au Musée d’archéologie nationale de Saint-Germain-en-Laye,L. Hamon/RMN ; F. Plas/CNRS PhotothèquePhotogravure :Scoop CommunicationImpression :Groupe CirclePrinters6, route de la Ferté-sous-Jouarre77440 Mary-sur-MarneISSN 0994-7647AIP 0001309Dépôt légal : à parutionPhotos CNRS disponibles à :[email protected]://phototheque.cnrs.fr/

La reproduction intégrale ou partielledes textes et des illustrations doit faire obligatoirement l’objet d’unedemande auprès de la rédaction.

VIE DES LABOS P. 6.> REPORTAGELa nature archive les secrets des hommes> ACTUALITÉS P. 8Les derniers résultats de la recherche > MISSION P. 13Plongées en série dans les abysses

INNOVATION P. 14 Venir se former au CNRS

PAROLE D’EXPERT P. 16 Les dérives de la finance mondialeEntretien avec André Orléan

JEUNES CHERCHEURS P. 17Une sociologue au commissariatPortrait de Geneviève Pruvost

L’ENQUÊTE P. 18

Qui étaient vraimentles Gaulois ?Un peuple pas si barbare > 19Comment César a conquis la Gaule > 23Ce que Rome a vraiment changé > 25

ZOOM P. 28.Un été chargé pour les particules

RENCONTRE AVEC P. 31Les maths dans la peauPortrait d’Alessandra Carbone

IN SITU P. 32Le CNRS mobilise ses ressourcesEntretien avec Xavier Inglebert,directeur général délégué aux ressources du CNRSPari gagné pour le musée du quai Branly P. 36

GUIDE P. 38Le point sur les livres, les expos, les manifestations, les films…

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sommaire

ZOOM >Un été chargé pour les particules, p. 28

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ÉCLATS4

Le journal du CNRS n° 246-247 juillet-août 2010

Des virus et des gènes inédits, une nouvelleespèce animale, des détails précieux sur les courants… Les “marins-chercheurs”de la mission Tara Océans ont tout lieu de se réjouir. Après neuf mois passés en mer,ils ont déjà obtenu une belle moisson de résultats. Entamée le 5 septembre 2009,l’expédition Tara Océans a pour objectifl’étude des écosystèmes marinsplanctoniques. Comme le rappelle EricKarsenti, chercheur du CNRS au Laboratoireeuropéen de biologie moléculaire (EMBL)et codirecteur de la mission, « les micro-organismes marins sont très peu étudiés. Or ils sont un marqueur important de l’étatdes océans et du climat : ils contribuent pourmoitié à la production de l’oxygène que nousrespirons, ils piègent le dioxyde de carbone,donc participent à la régulation climatique, et ils sont bien sûr la base de la chaînealimentaire ». Fruit d’une collaboration entrepartenaires privés et publics, Tara Océanss’organise autour du voilier Tara, qui vaparcourir 150 000 kilomètres en trois ans. Un tour des mers qui a débuté par la côteAtlantique (Tara a appareillé à Lorient), la Méditerranée et l’océan Indien. Chaquemois, plus d’une tonne d’échantillons vivants sont envoyés à terre, où unevingtaine de laboratoires prennent le relaisdes scientifiques à bord. Déjà, de nouvellesespèces de virus bactériens ont étéidentifiées. Le séquençage massif de l’ADN

des organismes recueillis, effectué au Genoscope, à Évry, a montré que plus de 90 % de leurs gènes n’avaient jamais été rencontrés auparavant. Une nouvelleespèce d’Amphioxus, petit animal au corpsallongé et transparent, a été découverte. Et, si la biologie marine est à l’honneur,l’océanographie physique n’est pas en reste. Grâce à une flotte de six gliders –des planeurs sous-marins – les scientifiquesont pu caractériser avec un niveau de détailjamais atteint un petit tourbillon au sud de Chypre. Une expérience qui, en étantrenouvelée au fil du périple, permettra de mieux cerner les structures océaniquesqui séparent les écosystèmes marins.Stationné tout l’été au Cap, en Afrique duSud, pour y subir une révision complète, lenavire entamera sa traversée de l’Atlantiquesud en septembre.

Ô LE SUCCÈS SCIENTIFIQUE

Premiers résultats pour Tara Océans

Jean-François Stéphan vientd’être nommé directeur del’Institut national des sciencesde l’univers (Insu) du CNRS. Il remplace DominiqueLe Quéau, à la tête de l’Insudepuis 2006. Professeur à l’université de Nice-SophiaAntipolis au sein de l’unitéGéoAzur, partie prenante de l’Observatoire de la Côted’Azur, Jean-François Stéphanest spécialiste de la tectoniqueet de la géodynamique deschaînes de montagne récentes.Né en 1949, il a débuté sa

carrière scientifique au CNRSen 1977, à Paris, puis à Brest.Devenu directeur de rechercheen 1986, il quitte la Bretagnepour la Côte d’Azur et intègrel’Institut de géodynamique, àNice, dont il devient le directeurde 1989 à 1995, tout enrejoignant l’université. Médailléde bronze du CNRS en 1985 etlauréat du prix James-Hall, del’Académie des sciences, Jean-François Stéphan est coauteurd’environ 150 publications,dont près de 60 dans desrevues internationales.

Ô L’ÉVÉNEMENT

Un nouveau directeur pour l’InsuUNE ALLIANCE POUR LES SCIENCES HUMAINESUne cinquième alliance pour la recherche autour des scienceshumaines et sociales (SHS) a vu le jourle 22 juin dernier. Les quatremembres fondateurs de cette alliance,baptisée Athena, sont le CNRS, laConférence des grandes écoles (CGE),la Conférence des présidentsd’université (CPU) et l’Institutnational des études démographiques(Ined). Athena a pour objectifd’améliorer la coordination entre lesacteurs français des SHS et de bâtirune réflexion prospective à longterme pour répondre aux attentes dela société. Président du CNRS, AlainFuchs présidera cette alliance.

Julia Kempe,une Femme en orJulia Kempe, 36 ans, informaticienneà l’interface entre la physique et lesmathématiques, a reçu le trophéeFemme en or 2010 dans la catégorierecherche. Berlinoise d’origine russe,cette spécialiste du calcul quantiqueconçoit des algorithmes destinés aux ordinateurs quantiques. En 2001,elle devient chargée de recherche au CNRS, auLaboratoire derecherche eninformatique(LRI)1. Depuis2007, elle étaitdétachée à l’universitéde Tel Aviv, en Israël.Mais, depuisle mois de juin, elle est de retour au LRI. Julia Kempe avait notammentété distinguée en 2006 par le prixIrène-Joliot-Curie de la Jeune Femmescientifique et par la Médaille debronze du CNRS2.1. Laboratoire CNRS / Université Paris-XI.2. Lire « Héroïne de comptes quantiques »,Le journal du CNRS, n° 207, p. 36.

À la base de la chaîne alimentaireet associés à de nombreuxprocessus physico-chimiques, les micro-organismes marinsnécessitent une étude approfondie.

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5ÉDITO

Le journal du CNRS n° 246-247 juillet-août 2010

éditoedito

Avec ce numéro du Journal du CNRS, vous allez

changer d’avis sur les Gaulois. Ils n’étaient pas

les barbares que trop de livres d’histoire se sont plu

à conter ; ils avaient au contraire atteint un haut

niveau de civilisation. Ce degré de sophistication

n’aurait jamais été révélé sans les fouilles menées en France par

les archéologues, en particulier ceux du CNRS. Il est aujourd’hui

indéniable que la contribution de l’organisme à l’archéologie

française est majeure, du fait non seulement des 300 chercheurs

et des 350 ITA engagés dans les 36 unités dont c’est le domaine

principal d’action, mais aussi des caractéristiques transversales

de la discipline et des techniques qu’elle mobilise.

Preuves de cette transversalité : le Laboratoire du centre de

recherche et de restauration des musées de France, spécialisé dans

la caractérisation des matériaux, dépend de l’Institut de chimie

(INC) du CNRS, et le Laboratoire de mesure du carbone 14, où

s’effectuent les datations grâce au spectromètre de masse par l’ac-

célérateur Artemis, relève, lui, de l’Institut national des scien-

ces de l’univers (Insu). Six autres unités, tournées vers le paléo-

environnement et la Préhistoire, travaillent dans le cadre de

l’Institut écologie et environnement (Inee). L’Institut des scien-

ces humaines et sociales (INSHS) anime par conséquent les

28 autres unités – de la Préhistoire au Moyen Âge, voire au-delà –,

sans compter les Maisons des sciences de l’homme (MSH) très

fortement tournées vers l’archéologie.

À ce réseau déjà dense s’ajoutent les 10 Unités mixtes des insti-

tuts français à l’étranger (Umifre), en cotutelle avec le ministère

des Affaires étrangères et européennes, dans lesquelles l’archéo-

logie est très présente, voire prédominante. Nos équipes quadril-

lent ainsi le territoire français et sont présentes sur le pourtour du

Bassin méditerranéen et sur tous les continents par le biais de

conventions avec l’École française d’Extrême-Orient (EFEO), l’Ins-

titut français d’archéologie orientale, l’École française d’Athènes,

l’École française de Rome, la Casa de Velázquez… Une présence

française s’illustrant par des fouilles et souvent doublée d’une

mission de formation auprès des étudiants locaux.

Peu présente à l’université, l’archéologie se fait donc essentiellement

dans les UMR et certaines disciplines, comme l’archéologie extra-

européenne ou l’archéométrie, ne sont même guère pratiquées

qu’au CNRS. Évidemment, l’organisme n’agit pas seul. En France,

le multipartenariat est de mise. Le ministère de la Culture et de la

Communication assure la cotutelle de certaines UMR et une

convention unit le CNRS et l’Institut national de recherches archéo-

logiques préventives (Inrap). Et les collectivités locales et territoriales

contribuent parfois au financement de chantiers de fouilles, voire

de Maisons de l’archéologie, ainsi qu’à celui des musées.

Sur le plan scientifique, le Comité de l’archéologie, instance consul-

tative adossée à l’INSHS du CNRS, constitué de personnalités

compétentes des différents domaines culturels et de représentants

des ministères impliqués et du Centre national de la recherche

archéologique, s’efforce d’assurer une meilleure fluidité entre les

diverses communautés institutionnellement dispersées, de faciliter

les collaborations transversales en France et à l’étranger.

Il a récemment participé au comité d’organisation du colloque

L’Archéologie en mouvement : hommes, objets, espaces et tem-

poralités, qui s’est tenu à la fin du mois de juin au siège du CNRS.

Un colloque à succès où a été prise la mesure des mutations récen-

tes de la discipline, des avancées techniques et des risques d’émiet-

tement, et où ont été discutées les grandes directions de recherche

à privilégier au cours des années prochaines.

Cet éditorial a été coécrit avec Sophie Archambault de Beaune, directrice adjointe scientifique à l’INSHS.

Le CNRS, acteur majeur de l’archéologie française

Patrice BourdelaisDirecteur de l’Institut dessciences humaines et sociales(INSHS) du CNRS

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L’homme façonne la nature depuis qu’il a troquéson statut de chasseur-cueilleur nomade pourcelui d’agriculteur sédentaire, il y a près de10000 ans. Comprendre cette métamorphoseradicale de mode de vie et

étudier son impact sur la biodi-versité sont les deux principalesmissions de l’archéozoologie despériodes récentes. « En abordantl’archéologie d’un point de vue biolo-gique, nous nous efforçons de nourrirl’histoire des sociétés humaines et deleurs interactions avec la biodiversitéet l’environnement », précise Jean-Denis Vigne. Directeur de recher-che au CNRS, ce paléontologuedirige depuis 2002 le laboratoireArchéozoologie, archéobotanique :sociétés, pratiques et environnements, installé dans unpavillon du Muséum national d’histoire naturelle. Pour commencer la visite, direction l’ostéothèque. Cettevaste salle ornée de crânes de mammifères est un lieuincontournable pour les spécialistes des ossements.La collection comporte plus de 1 200 spécimens deréférence. Affairée devant sa paillasse, Stéphanie Bré-hard tente justement de faire parler des restes d’animauxprovenant du fossé d’une enceinte d’un village du Néo-lithique2 découvert en Charente. « Sur cette mandibulede putois, les dents sont carbonisées et la mâchoire a étévolontairement désarticulée comme en attestent les tracesde découpe proches de l’articulation, constate la jeunearchéologue. Cela indique que l’animal a été préparéavant d’être cuit et probablement consommé. » De tellesobservations peuvent sembler anecdotiques. Pourtant,seules l’archéozoologie et l’archéobotanique, son pen-dant pour le règne végétal, sont capables de fournirdes éléments d’information sur le mode de vie trèspeu documenté des premières civilisations humaines.

FAIRE PARLER LES OSSEMENTS D’ANIMAUXCertaines de ces découvertes vont même parfoisjusqu’à remettre en cause des consensus scientifi-ques que l’on croyait établis pour des années. En étu-diant les dents de chevaux retrouvées parmi les ves-tiges archéologiques d’un campement du peuple botai

au nord du Kazakhstan, Robin Bendrey a ainsi puétablir que des cavaliers parcouraient les steppesd’Asie centrale dès 3 600 ans avant notre ère, soit unmillénaire avant la période habituellement associée auxprémices de la domestication équine : « L’une desprémolaires retrouvées sur place portait des traces d’usuresymétriques, se souvient le chercheur britan-nique, en postdoc au laboratoire. Seul le morsque les cavaliers utilisent pour diriger leur mon-ture pouvait avoir occasionné de telles usures de l’émail de la dent. »Ainsi, l’étude de la forme et des altérationsdes ossements d’animaux en laboratoire, lamorphométrie, demeure une part incontour-nable du travail d’investigation de l’archéo-zoologue. Toutefois, elle n’est pas la seule,comme le souligne Jean-Denis Vigne : « Notreparticipation aux fouilles reste indispensable pour pouvoirappréhender le contexte d’origine et la provenance desmatériaux que nous allons ensuite étudier. » D’autrestechniques d’analyse poussées viennent ensuitecompléter la panoplie des scientifiques. C’est le cas duspectromètre de masse isotopique. Avec cet appareilqui permet de mesurer les concentrations infinitési-males des isotopes stables d’atomes emprisonnésdans les os ou dans l’émail des dents, il est désormaispossible de déterminer les variations saisonnières

Du 23 au 28 août, Paris accueille le 11e Congrès mondial d’archéozoologie,soutenu par le CNRS. Très impliqués,les chercheurs du laboratoireArchéozoologie, archéobotanique1

nous font découvrir leur spécialité, qui reconstitue les relations entrel’homme et son environnement.

VIEDESLABOS Reportage6

Le journal du CNRS n° 246-247 juillet-août 2010

ARCHÉOZOOLOGIE

La nature archive les secrets des hommes

La carbonisation partielle (partiesombre) d’une des dents de cettemandibule de putois indique quel’animal a très certainement étécuit avant d’être consommé.

L’analyse des particulesd’os par le spectromètrefournit des informations sur le régime alimentairede leurs propriétaires.

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du régime alimentaire des animaux qui ont accompagné les premiers éle-veurs du Néolithique.

ÉTUDIER LES MODES ALIMENTAIRESC’est d’ailleurs à l’aide de cette méthoded’analyse que Marie Balasse et Anne Tres-set, archéozoologues spécialistes de l’élevagepréhistorique, sont parvenues à démon-trer que certains moutons d’Écosse se nour-rissaient d’algues il y a plus de 5000 ans :« Un tel régime alimentaire implique unemodification physiologique importante du système digestif del’animal, commente la première. Avant cette découverte,nous pensions qu’il était apparu bien plus tard dans l’histoirede l’élevage ovin, certains écrits faisant remonter la pratiqueau haut Moyen Âge 3. » Pour bousculer ce dogme, la cher-cheuse a passé au crible du spectromètre de masse iso-topique les échantillons d’émail de dents de moutonsretrouvés sur un îlot des Orcades, un archipel localisé toutau nord de l’Écosse. Leur teneur relative en carbone 13,synonyme d’un régime alimentaire d’origine marinelorsqu’elle est très élevée, a pu être mesurée à intervallesréguliers sur une période d’un an et demi correspondantà la croissance complète d’une dent d’ovin. « En super-posant ces valeurs avec celles obtenues pour la compositionen isotopes stables de l’oxygène qui permet de déterminer lasaisonnalité, indique Marie Balasse, nous avons pu mon-trer qu’un régime alimentaire de type marin apparaissait en

hiver lorsque les pâtures ne permettaient plus de subvenir à l’alimentation du troupeau. »Cela ne peut signifier qu’une chose : aucours de la période hivernale, les moutonsse nourrissaient d’algues, l’unique alimentvégétal d’origine marine disponible sur les rivages de cet îlot isolé. Reste maintenant à savoir si ces animauxles ont consommées spontanément enpériode de disette ou si les hommes les yont incités. « Pour l’heure c’est difficile àdire, avoue la chercheuse, les algues mari-nes ne laissant aucun vestige dans les contex-

tes archéologiques. » Ce qui n’est heureusement pas lecas de tous les représentants du règne végétal, pour leplus grand bonheur des archéobotanistes comme AlexaDufraisse. Cette biologiste qui a rejoint l’équipe deJean-Denis Vigne au printemps 2009 s’est spécialiséedans l’identification des charbons de bois provenant defoyers préhistoriques : « La carbonisation n’altérant enrien l’agencement des cellules végétales, il est possible d’iden-tifier l’espèce d’un arbre brûlé il y a des milliers d’années »,assure la scientifique.

ÉVALUER L’IMPACT DES ACTIVITÉS HUMAINES Les choses se compliquent lorsqu’il s’agit de détermi-ner l’âge ou les conditions de croissance d’un arbredont la vie s’est achevée en feu de joie. Pour cela, lesarchéobotanistes ont besoin d’une section complètedu tronc, seul moyen de compter de manière exhaus-tive les anneaux de croissance de l’arbre. Or un tel casde figure ne se présente jamais avec les fragments de

charbon de bois. Pour contourner cette difficulté, AlexaDufraisse souhaite s’inspirer des méthodes de mor-phométrie mises au point par ses collègues archéo-zoologues : « En comparant la forme de sections partiel-les de troncs anciens carbonisés avec celles complètes d’arbresactuels de la même espèce, nous essayons de reconstituer lesparties disparues reflétant l’histoire de l’arbre. » Si la tech-nique s’avère concluante, elle devrait permettre d’affi-ner les connaissances sur l’exploitation sélective desforêts (choix de l’arbre en fonction de l’espèce et del’âge, distance par rapport au village, gestion de l’espaceforestier…) par nos ancêtres du Néolithique. Situées à la croisée de disciplines qui n’étaient pas for-cément destinées à coopérer, l’archéobotanique et l’ar-chéozoologie sont aussi totalement en phase avec lespréoccupations scientifiques actuelles. « Parce que notretravail consiste à comprendre et à mesurer l’impact des acti-vités humaines sur les espèces animales et végétales, rappelleJean-Denis Vigne, nous avons acquis une certaine légitimitésur des questions qui touchent à la conservation de la bio-diversité. » Et, si la preuve est faite que la néolithisationet son cortège d’espèces domestiques (chèvres, vaches,poules) modifiaient déjà les équilibres écologiques de l’Eu-rope préhistorique, son impact reste sans communemesure avec les bouleversements provoqués par le bas-culement de notre espèce dans l’ère industrielle. Selonune étude menée au sein du laboratoire, cette dernièreaurait cent fois plus contribué à l’apparition d’espècesinvasives en Europe que toute la période du Néolithique.

Grégory Fléchet

Ô En savoir plus : Les Origines de Chypre (2009, 52 min), de Jean Guilaine, réalisé par Marc Azéma et produit par Passé simple et CNRS Images,http://videotheque.cnrs.fr/index.php?urlaction=doc&id_doc=2026

1. Unité CNRS / MNHN.2. Le Néolithique est apparu à des périodes différentes selon les régions du globe : il y a environ 11 000 ans au Proche-Orient et autour de – 5500 avant J.-C. en Europe.3. Il s’agit de la première partie de cette époque historique comprise entre 500 et l’an 1000 de notre ère.4. http://inpn.mnhn.fr/isb/index.jsp

Tout commeleurs ancêtresdes Orcades, les moutons dela race NorthRonaldsay senourrissentd’algues.

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Le journal du CNRS n° 246-247 juillet-août 2010

Les prélèvements de poudred’émail dentaire, ici sur unedéfense de cochon gaulois duIIe siècle av. J.-C., serviront àétablir sa composition isotopiqueen carbone et en oxygène.

Sur l’île d’Attu, au cœur del’archipel des Aléoutiennes, dansle Pacifique nord, des chercheursfouillent une habitation dans un village de chasseurs.

CONTACTSArchéozoologie, archéobotanique : sociétés, pratiques et environnements, Paris

Ô Marie Balasse, [email protected]

Ô Robin Bendrey, [email protected]

Ô Stéphanie Bréhard, [email protected]

Ô Alexa Dufraisse, [email protected]

Ô Anne Tresset, [email protected]

Ô Jean-Denis Vigne, [email protected]

À la différence de l’humérusintact de tortue marine actuelle(en haut), celui d’un individu tuésur la côte est du Nicaragua il ya 2 500 ans présente des tracestrès nettes de découpe bouchère.

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SANTÉ

Des pistes contre la maladie de Crohn

L a maladie de Crohn est unepathologie chronique très inva-lidante. Touchant surtout des

jeunes adultes de 15 à 40 ans, elle secaractérise par des lésions inflam-matoires récurrentes du système gas-tro-intestinal pouvant évoluer versun cancer colorectal. À ce jour, iln’existe aucun traitement curatif. Unelueur d’espoir vient toutefois de naî-tre grâce à une importante étudepubliée par une équipe internationaleincluant des chercheurs du CNRS1.Celle-ci démontre l’implication d’unemolécule active dans le noyau des cel-lules : le récepteur nucléaire PPAR-gamma (pour Peroxisome Prolifera-tor-Activated Receptor gamma). S’ils

PHYSIQUE

Voir à travers une couche de peinture est désormais possible! Des chercheurs ont mis au point un dispositif capable de reconstituer une image à partir des ondes diffuséespar un milieu opaque. Avec d’étonnantes applications à la clé…

L’opacité n’est plus ce qu’elle était

C ’est un peu comme si on avait réussi à per-cer le brouillard écossais, à l’épaisseurlégendaire. Pour la première fois, desphysiciens ont pu voir à travers un milieu

prétendument opaque. Pas du brouillard, maisune couche de peinture suffisamment épaissepour que toute lumière qui la traverse ne donnenormalement qu’un halo lumineux. Grâce à uneanalyse ingénieuse de cette lumière, Sylvain Giganet ses collègues de l’Institut Langevin1 ont renducette peinture aussi transparente que du verre etont pu observer un objet placé de l’autre côté.Pour comprendre l’avancée de nos chercheurs, ilfaut d’abord revenir sur l’ambiguïté du mot opa-que. Le brouillard, un verre de lait, une feuille depapier sont des matières qualifiées d’opaques.Toutefois, contrairement à un mur de béton, elleslaissent passer les rayons lumineux. Mais le phé-nomène de diffusion de la lumière, qui trans-forme l’image d’un objet en une vague lueur,empêche de voir à travers. En effet, quand ils tra-versent le milieu diffusif, les rayons ne vont plusen ligne droite, comme dans l’air ou dans le verre,mais ricochent un peu partout, telles des balles deflipper, avant de ressortir. D’où l’hypothèse émisepour reconstruire l’image d’inverser mathémati-quement le processus : en établissant les trajectoiresdes rayons à l’intérieur du milieu, on devrait pou-voir, à partir de la lueur observée, remonter letemps et déduire l’image de départ.En fait, cette idée de reconstruire l’image en“débobinant” les rayons lumineux n’est pas nou-velle, mais elle se heurtait jusque-là à une difficultéexpérimentale : la mesure de la matrice de trans-mission. « La matrice de transmission indique com-ment se transforme le champ électrique de l’ondelumineuse en traversant le milieu », explique SylvainGigan. Déterminez la matrice de transmission etvous saurez comment se propagent les rayonslumineux. Problème : la mesure de cette matrice,qui s’opère en éclairant le milieu avec un laser,exige d’être exhaustif. Il faut éclairer le milieuavec toutes les variantes de champ électrique pos-sibles – il faut notamment pouvoir changer la“phase” du champ, autrement dit introduire unretard contrôlé sur l’onde lumineuse – et ce pourun grand nombre d’angles d’incidence de lalumière. Jusqu’à présent, personne n’avait puréaliser de telles mesures, trop complexes. « Pour créer les différentes combinaisons possibles du champ électrique, nous avons utilisé un modu-lateur spatial de lumière, révèle le chercheur,

c’est-à-dire un ensemble de cristaux liquides d’en-viron 1 million de pixels qui permet de contrôler, àvolonté, la phase d’un laser pixel par pixel. » Lemême type de modulateur, mais en plus basique,est employé dans la plupart des vidéoprojecteursafin de former les images. Pour obtenir la matricede transmission, Sébastien Popoff, doctorant, aenvoyé la lumière issue du modulateur sur lemilieu diffusif, une fine couche de peinture blan-che déposée sur du verre, tandis que la lumièrediffusée était recueillie par une caméra doubléed’un système dit d’interférométrie, nécessairepour mesurer à la fois l’amplitude du champélectrique diffusé et sa phase. « Ce sont ces deuxdispositifs – modulateur et système d’interférométrie –qui nous ont permis de mesurer la matrice de trans-mission », souligne Sylvain Gigan.Une fois la matrice de transmission en main,reconstruire une image à partir de son halo dif-fus est un jeu, mathématique, d’enfant. Afinde valider leur montage expérimental, les cher-cheurs de l’équipe se sont concentrés sur desimages ultrasimples composées d’un uniquepoint lumineux. Après reconstruction, les lueurscaptées par la caméra de l’autre côté de la pein-ture ont bien donné l’image originale, à savoirle point lumineux. Les chercheurs sont actuel-lement en train de tester la méthode de recons-truction sur des images plus complexes et sontconfiants dans leur réussite.

Grâce à ce dispositif, on peut voir à travers une lamelle couverte de peinture. Pour l’heure, il permetde reconstituer des images simples,telles que celles d’un ou de deux points lumineux.

Lamelle de verreavec peinture(milieu opaque)

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Le journal du CNRS n° 246-247 juillet-août 2010

Encore à l’état de prototype, la technique pourraitservir à améliorer la microscopie des tissus biolo-giques, exemples types de milieux diffusants. Avec

l’appareil de l’InstitutLangevin, on peut, dansl’avenir, espérer voir àl’intérieur d’échantillonsde cellules comme enplein jour. « La princi-pale limitation est lavitesse, nuance SylvainGigan. Il faut de quelques

secondes à quelques minutes pour récupérer la matricede transmission, et une toute petite modification dumilieu rend cette matrice inutile puisqu’elle ne décritplus le nouveau système. Or un milieu biologiquebouge en quelques millisecondes. » L’équipe étudieactuellement les potentialités offertes par lesMEMS, des dispositifs électromécaniques minia-tures, en particulier des panneaux de micromiroirspilotés électriquement, pour concevoir des modu-lateurs plus rapides. Et, si vous vous demandez sil’on peut envisager de doter les voitures de systè-mes de vision antibrouillard conçus à partir de latechnique, voici les conclusions de notre cher-cheur : « Il y a six mois, j’aurais dit que c’était de lascience-fiction, mais quand je vois les progrès récentsdes MEMS, je commence presque à être optimiste. »

Xavier Müller

1. CNRS / ESPCI ParisTech / UPMC (Paris-VI) / Université Paris-VII.

e la maladie de Crohn aboutissent, ces travaux pourraientmener à un traitement évitant l’in-flammation de la partie terminalede l’intestin, le côlon. Et ce dansquelques années seulement.« Notre étude a mené à trois résultatsimportants », explique Mathias Cha-maillard, chercheur au Centre d’in-fection et d’immunité de Lille2. Toutd’abord, la production d’une protéinepermettant de lutter contre diversmicro-organismes – la β-défensineDEFB1 – se révèle anormalementbasse chez les malades au niveaudes lésions intestinales. « La baisse deproduction de cette ß-défensine seraitresponsable d’une prolifération de cer-tains microbes à l’origine de la réaction

inflammatoire nocive », préciseMathias Chamaillard. Ensuite, lafabrication de cette protéine appa-raît liée à l’activation d’une autremolécule, le fameux récepteurnucléaire PPAR-gamma. Ainsi, dessouris modifiées génétiquementpour ne pas exprimer ce récepteurprésentent aussi une faible quantitéde β-défensine dans leur côlon.

Dernier résultat, et non des moin-dres : l’administration de molécu-les – dites agonistes – capables d’ac-tiver PPAR-gamma à des sourissaines permet d’augmenter la pro-duction de cette β-défensine. D’où l’idée d’une thérapie contre lamaladie de Crohn fondée sur desagonistes pour activer le récepteurPPAR-gamma et rétablir la fabrication

de DEFB1. Celle-ci pourrait arriverdans cinq ans, et non dans dix àvingt ans comme c’est courant avecce type de recherche. Car, par chance,« on trouve déjà sur le marché phar-maceutique des agonistes de synthèseconçus pour stimuler PPAR-gammaet connus pour leurs propriétés anti-inflammatoires », indique le cher-cheur. Reste maintenant à élaborerun moyen pour délivrer ces agonis-tes au niveau du côlon des patients.

Kheira Bettayeb1. Proceedings of the National Academy ofSciences du 26 avril 2010.2. Unité CNRS / Inserm / Institut Pasteurde Lille / Universités Lille-I et -II.

CONTACTÔ Mathias ChamaillardCentre d’infection et d’immunité de [email protected]

CONTACTÔ Sylvain GiganInstitut Langevin ondes et images, [email protected]

MATHÉMATIQUES

Une sacrée somme pour les nombres premiers

Euclide a prouvé qu’il en existait une infi-nité voilà déjà 2300 ans. Pourtant, lesnombres premiers occupent toujours

les pensées des mathématiciens. La preuve,deux chercheurs de l’Institut de mathémati-ques de Luminy1, Christian Mauduit et JoëlRivat, viennent d’élucider un problèmeconcernant la somme des chiffres des nom-bres premiers. Concrètement, un nombrepremier est un nombre qui ne peut pas êtredivisé autrement que par 1 ou par lui-mêmesans perdre son caractère entier. C’est le casde 17 : il ne peut être divisé ni par 2, ni par3, ni par 4…, ni par 16 sans conduire à unrésultat avec des chiffres après la virgule. En1968, le mathématicien russe Alexandre Gel-fond émet une hypothèse, simple en appa-rence : si l’on additionne les chiffres d’unnombre premier quelconque, on a autant dechances de tomber sur un nombre pair qu’im-pair. Par exemple, la somme des chiffres dunombre premier 131 vaut 5 (1+3+1), qui estimpaire. Celle de 1061, soit 8, est paire. Ce que Gelfond a entrevu il y a quarante-deuxans, Christian Mauduit et Joël Rivat viennentde le démontrer, après plusieurs années de tra-vail. Ainsi, dans l’ensemble des nombres pre-miers, il y en a autant dont la somme deschiffres est paire qu’impaire : on parle d’équi-répartition. En réalité, leur démonstration estplus générale, car elle concerne les nombres

premiers écrits dans n’importe quelle base(binaire, décimale, hexadécimale, etc.). Ladémonstration de 55 pages publiée dans larevue Annals of Mathematics 2 a autant devaleur que la découverte, pour l’archéologue,de la momie d’un pharaon égyptien, et saportée se révèle importante. « Par exemple,indique Joël Rivat, la cryptographie, c’est-à-direla sécurisation des communications numériques,étant fondée sur la théorie des nombres premiers,tout résultat dans ce domaine peut avoir desconséquences en informatique. » Et, au-delà desapplications, ce résultat, comme tous ceuxproduits en mathématiques pures, a, estimeChristian Mauduit, « une valeur esthétiquequ’apprécient non seulement les mathématiciensmais aussi les amateurs des nombres ».

Román Ikonicoff

1. Unité CNRS / Université Aix-Marseille-II.2. Christian Mauduit et Jöel Rivat, « Sur un problèmede Gelfond : la somme des chiffres des nombrespremiers », Annals of Mathematics, vol. 171, n° 3,mai 2010, pp. 1591-1646.

CONTACTSInstitut de mathématiques de Luminy, Marseille

Ô Christian [email protected]

Ô Joël [email protected]

Schéma du rôle du récepteur PPAR-gamma dansle traitement de lamaladie de Crohn.

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Au centre de cette nébuleuse en forme de bulle bleue setrouve une étoile Wolf-Rayet, de même type que celle qui est peut-être à l’origine de laformation du système solaire.

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Le journal du CNRS n° 246-247 juillet-août 2010

ASTRONOMIE

Il était une fois une étoile fugueuse…

L es astrophysiciens le savent grâce à l’ana-lyse des éléments contenus dans les météo-rites : au moment de sa formation, il y a4,6 milliards d’années, le système solaire

contenait des noyaux radioactifs d’aluminium 26.Or la durée de vie moyenne de cet isotope n’estque de 1,03 million d’années. Preuve qu’il a néces-sairement été produit en même temps ou très peude temps avant la formation de notre étoile.Récemment, Vincent Tatischeff et Jean Duprat, duCentre de spectrométrie nucléaire et de spectro-métrie de masse1, en collaboration avec Nicolasde Séréville, de l’Institut de physique nucléaired’Orsay2, ont précisé les détails, selon eux, decette synthèse. De façon surprenante, leur scénarioimplique que notre système planétaire aurait euune enfance bien singulière. Qui en ferait mêmeune exception dans l’univers. Pour parvenir à cette conclusion, les trois cher-cheurs ont commencé par reconsidérer les dif-férentes hypothèses expliquant la présence d’alu-minium 26 dans le système solaire primordial.Ainsi, en 2007, ils ont montré que celle d’une syn-thèse in situ, c’est-à-dire par irradiation du gaz etde la poussière du disque protoplanétaire pardes particules solaires de haute énergie, ne tenaitpas. « Nos calculs montrent que l’énergie disponible

ne permet pas d’expliquer la quantité d’alumi-nium 26 déduite de l’analyse des météorites », révèleVincent Tatischeff. Dans ce cas, une seule solution : celui-ci a été syn-thétisé à l’extérieur du système solaire, puis incor-poré à la nébuleuse primitive. En principe, rienà redire, puisque les spécialistes savent que cer-taines étoiles très massives libèrent une impor-tante quantité d’aluminium 26 soit lors de leurexplosion finale, soit juste avant, lorsqu’ellessont devenues des objets très chauds et lumi-neux appelés étoiles Wolf-Rayet. À cela près queces astres “poids lourds” naissent au sein d’amasregroupant des centaines, voire des milliersd’étoiles. Or il règne en leur sein une telle acti-vité qu’ils génèrent de gigantesques bulles degaz chauffées à 1 million de degrés, appeléessuperbulles, à l’intérieur desquelles nulle nouvelleétoile ne peut se former. La contamination de lanébuleuse protosolaire en noyaux d’alumi-nium 26 tout juste produits dans des étoilesmassives avoisinantes semble donc difficile. Rai-son pour laquelle Vincent Tatischeff et ses col-lègues ont proposé une idée originale. Commel’explique le scientifique, « sous l’effet d’un jeu debillard gravitationnel, il est possible qu’une étoilemassive ait été éjectée de son amas d’origine, et donc

de la superbulle de gaz brûlantassociée. Dans ce cas, on peutimaginer qu’elle soit venue enri-chir en aluminium 26 le nuagede gaz plus froid à partir duquelle Soleil, puis le système plané-taire se sont formés ».Le plus surprenant n’est pas là.En effet, les calculs des troisastrophysiciens indiquent quel’explosion en supernovaed’une étoile Wolf-Rayet enfuite aurait pu être à l’originede la formation du nouveausystème. Comment ? L’ondede choc engendrée par le cata-clysme aurait provoqué l’in-stabilité gravitationnelle dunuage froid, puis son effon-drement pour former unenouvelle étoile. « Un tel scéna-

rio est compatible avec l’abondance primordiale enaluminium 26 du système solaire, souligne VincentTatischeff. Mais il montre aussi que la présence de cetisotope dans un système planétaire résulte de condi-tions exceptionnelles. » Et d’ajouter : « Sachant le rôlecrucial joué par ce radioélément comme source dechaleur dans la formation des planétésimaux 3, il estpossible que la composition planétaire du systèmesolaire soit elle aussi exceptionnelle ! » Hypothèseque des travaux en cours sur les autres isotopes àcourte durée de vie dans le jeune système solaireviendront peut-être confirmer.

Mathieu Grousson

1. Laboratoire CNRS / Université Paris-XI.2. Laboratoire CNRS / Université Paris-XI.3. Ces petits corps de quelques kilomètres de diamètre sont à l’origine des planètes.

CONTACTSCentre de spectrométrie nucléaire et de spectrométrie de masse, Orsay

Ô Jean [email protected]

Ô Vincent [email protected]

Institut de physique nucléaire d’Orsay

Ô Nicolas de Séré[email protected]

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Des chercheurs viennent de proposer un nouveau scénario pour la formation du système solaire : sa naissance serait due à l’explosion d’une étoile massive.

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Le journal du CNRS n° 246-247 juillet-août 2010

IMAGERIE MÉDICALE

Un envoyé spécial en direct du foie

Un nouveau marqueur d’ima-gerie médicale, le Lactal,devrait considérablement

améliorer le diagnostic et la priseen charge des troubles hépatiques.« En étant capté par les cellules sainesdu foie, le Lactal offre une image directede leur activité », souligne MichelBessodes, chimiste à l’Unité de phar-macologie chimique et génétiqueet d’imagerie (UPCGI)1, qui a par-ticipé à sa mise au point 2. Un véri-table progrès puisque, aujourd’hui,les médecins européens évaluent lefonctionnement de l’organe à l’aided’une batterie de tests sanguins. Orles IRM ou scintigraphies obtenuesgrâce au Lactal permettraient auchirurgien de connaître la propor-tion de cellules du foie fonction-nelles et donc de décider si une abla-tion partielle suffit, si le patient peutattendre une thérapie ou bien si lagreffe est nécessaire. Dans ce cas, envisualisant la reprise de l’activitéhépatique chez le receveur, le Lactalpermettrait au médecin de savoir

précisément quand arrêter les médi-caments antirejets, un traitementextrêmement contraignant.Le principe du Lactal repose sur l’undes rôles essentiels du foie : débar-rasser l’organisme des éléments toxi-ques ou des protéines dont il n’a plusbesoin. Les cellules du foie – les hépa-tocytes – possèdent à leur surfacedes récepteurs capables de se lier à cesprotéines. Si les récepteurs fonc-tionnent, les hépatocytes sont sains.Les scientifiques ont perfectionnéune pratique déjà existante en Asie :utiliser une protéine, l’albuminehumaine, marquée radioactivementpour visualiser les cellules fonction-nelles par imagerie médicale. Si la théorie est relativement simple,la mise au point du marqueur, elle,est plus complexe. Et c’est là queles chercheurs de l’UPCGI, en col-laboration avec le docteur PhilippeChaumet-Riffaud, de l’hôpital duKremlin-Bicêtre, ont innové. « Nousavons mis au point une réaction chimique capable de doter l’albumine

de deux fonctionnalités en une seule étape : un ligand qui se lieà l’hépatocyte et un cryptantauquel s’attache la moléculeradioactive », explique Natha-lie Mignet, de l’UPCGI. La sim-plicité de cette réaction unique,réalisable à température ambianteet en seulement 45 minutes, rendle procédé robuste pour une fabri-cation à grande échelle. En outre, lesimages obtenues grâce au Lactalsont d’excellente qualité puisque,chez le rat, moins de 10 minutesaprès son injection par voie intra-veineuse, 90 % du Lactal s’accu-mulent dans le foie. Après ces essaisprécliniques convaincants, l’équipede scientifiques cherche une sociétépour continuer les tests et transfé-rer leur technologie en vue d’unecommercialisation.

Caroline Dangléant

1. Unité CNRS / Université Paris-V /Inserm / Chimie ParisTech.2. Ces travaux ont été publiés dans la revueBioconjugate Chemistry en mars 2010.

CONTACTSUnité de pharmacologie chimiqueet génétique et d’imagerie, Paris

Ô Michel [email protected]

Ô Nathalie [email protected]

CHIMIE

Des électrons pris de vitesse

À l’intérieur d’une molécule,tout n’est pas figé. Lorsqu’elleperd ou gagne un atome

par exemple, des réarrangementsd’électrons surviennent en un tempsrecord, de l’ordre de la centaine d’at-tosecondes (une attoseconde vaut10–18 seconde). Vu la rapidité duphénomène, les physiciens n’avaientjamais pu observer ces déplace-ments intramoléculaires jusqu’à au-jourd’hui. En réunissant l’expertisede cinq laboratoires, dont celui deSpectrométrie ionique et molécu-laire (Lasim)1, à Villeurbanne, uneéquipe européenne est parvenue àprendre de vitesse les électrons et à capturer leur mouvement lors de la dissociation d’une moléculede dihydrogène (H2). L’expérience se déroule en trois étapes. D’abord, une onde électro-

magnétique ultrabrève, d’une duréede 300 attosecondes, et énergétiqueest envoyée sur un gaz de H2. Eninteragissant avec une molécule, lesphotons associés à l’onde éjectentun électron et déstabilisent la molé-cule, qui commence à se briser. Aprèsun court délai de quelques centai-nes d’attosecondes, une secondeimpulsion ultrabrève vient “sonder”le réarrangement des électrons à l’in-térieur de la molécule. Troisièmephase, on reproduit l’expérience pourdifférents délais sur plusieurs cen-taines d’attosecondes. On obtientalors un film constitué de la suc-cession d’images des différentes éta-pes qui mènent à la dissociationcomplète de la molécule. Simple surle papier, cette caméra moléculairea exigé plusieurs années de déve-loppement. Obtenir des impulsions

électromagnétiques attosecondesuniques, un détecteur à imagerieultrasensible et une description théorique complète de l’expérience(1,5 million d’heures de calculs surordinateur ont été nécessaires pourcela !) figurent parmi les défis qu’ontdû relever les chercheurs.L’observation de processus molé-culaires à l’échelle de temps du mou-vement des électrons est la premièreapplication de cette expérienced’imagerie attoseconde. Le contrôlede réactions chimiques en seraitune seconde. C’est en effet un autreaspect de l’expérience internatio-nale : la seconde impulsion ne secontente pas de sonder les électrons,elle est aussi capable d’influencerleur mouvement dans la molécule.« Dans une réaction où une moléculese fragmente suivant différentes voies

possibles, commente Franck Lépine,du Lasim, en manipulant les électronset donc les liaisons chimiques lors de laréaction, comme on le fait dans notreexpérience, il serait possible de choisir lechemin de fragmentation emprunté parla molécule. » Et donc d’augmenter lerendement de la réaction en favori-sant la création de telle espèce chi-mique plutôt que de telle autre.

Xavier Müller

1. Unité CNRS / Université Lyon-I.

CONTACTÔ Franck LépineSpectrométrie ionique etmoléculaire, [email protected]

Comme le montre cetteimage prise chez le rat, le Lactal s’accumule trèsrapidement dans le foie (ici, en rouge et en vert).

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Le journal du CNRS n° 246-247 juillet-août 2010

CONTACTÔ Pierre-Paul VidalCentre d’étude de la sensorimotricité, Paris [email protected]

INGÉNIERIE

Les chercheurs se jettent dans la mêlée

Un simulateur de mêlée derugby, véritable arme secrètedu XV de France, a récem-

ment été mis au point grâce à l’idéed’un directeur de recherche duCNRS. « La mêlée, phase critique quisert pour la remise en jeu du ballon,réclame énormément de finesse », expli-que Pierre-Paul Vidal, directeur duCentre d’étude de la sensorimo-tricité (Cesem)1. Les poussées des

joueurs face à face, qui peuventatteindre près de 3 tonnes, doiventen effet s’équilibrer. Sinon, la mêléetourne ou casse, avec le risque qu’un des joueurs se brise le cou…Pour éviter cela, le joueur doitcontracter les bons muscles parmila trentaine qui contrôlent sa colonnecervicale, et ce en moins de 100 mil-lisecondes. « Encore faut-il percevoircorrectement les contraintes extérieures,

ajoute le chercheur, spécialisé enneurosciences. Or, lorsque l’on estimmergé dans la mêlée, on se trouvejustement privé de la plupart des informations sensorielles pertinentes,qu’elles soient visuelles, vestibulairesou auditives. »Avec Didier Retière, entraîneur del’équipe de France, il a donc eu l’idéede fabriquer un simulateur pourque les joueurs puissent affûter leur savoir-faire. La machine a étéconçue par un ingénieur qui sou-haite garder l’anonymat, spécialistedes simulateurs de véhicule dansun groupe industriel français.Comme modèle, celui-ci s’est servid’un simulateur de… tank! Le résul-tat final est un robot en formed’hexagone d’environ 1,5 m de large,monté sur six vérins équipés demoteurs électriques, qui exerce unerésistance dans toutes les directionsoù on le sollicite en à peine 1 milli-seconde ! Les efforts et les contrain-tes observés lors d’une vraie mêléey ont été programmés après unemodélisation effectuée par DidierRetière et Julien Piscione.

Ce dernier, responsable du pôlescientifique de la Fédération fran-çaise de rugby, est aujourd’hui plusque convaincu du résultat. Infini-ment plus réaliste que les jougs clas-siques, chars inertes que l’on poussedans une seule direction, le simula-teur réagit « comme une vraie mêlée »aux dires des joueurs de l’équipe deFrance, qui le plébiscitent. Et il per-met d’introduire, en les dosant, lesfameuses instabilités si périlleusesen situation réelle. Mieux encore : onpourra à l’avenir y programmer lescaractéristiques d’une équipe adverse– posture des joueurs, morpholo-gie, etc. – et simuler un match avantle match… La prochaine Coupe dumonde aura lieu en Nouvelle-Zélande en septembre 2011. Les AllBlacks n’ont qu’à bien se tenir !

Charline Zeitoun

1. Unité CNRS / Université Paris-V.

Les rugbymen français testent leur nouveau joug, un simulateur conçu pour la Fédération de rugby pour l’entraînement de la mêlée.

ENVIRONNEMENT

En route vers une voiture plus propre

C rises environnementale et cli-matique obligent, si nous vou-lons continuer à rouler, pas

d’autre solution que de limiter les émissions polluantes de nosmoteurs à explosion. Plus facile àdire qu’à faire. Car, si leur principeest connu depuis le XIXe siècle, ledétail des centaines, voire des mil-liers, de réactions chimiques quis’y produisent entre l’injection ducombustible et le rejet des échap-pements est encore loin d’être uneévidence pour les chimistes. Cepen-dant, Frédérique Battin-Leclerc etson équipe, du Laboratoire réac-tions et génie des procédés duCNRS, à Nancy, ont franchi récem-ment une étape décisive dans cettedirection1. Un résultat qui vientd’être publié dans la prestigieuserevue Angewandte Chemie.

Plus précisément, les scientifiquesont identifié l’une des espèces chi-miques clés à la source de l’auto-inflammation d’un carburant. Defait, les moteurs actuellement lesplus prometteurs pour limiter lapollution, dits HCCI (HomogeneousCharge Compression Ignition), fonc-tionnent par compression d’unmélange homogène de carburantet d’oxygène qui s’enflamme spon-tanément. Or, comme l’expliqueFrédérique Battin-Leclerc, « pourconcevoir au mieux ces moteurs, ilfaut connaître précisément à quelmoment de la chaîne de réactions chi-miques se produit le processus d’auto-inflammation ».À dire vrai, les chimistes soupçon-naient depuis longtemps une familled’hydrocarbures, les cétohydrope-roxydes, d’en être à l’origine. Au

point d’en faire l’un des socles deleur description théorique de la com-bustion des hydrocarbures. Pour leprouver expérimentalement, les chi-mistes ont injecté en continu dubutane et de l’oxygène dans un réac-teur afin de reproduire les condi-tions qui, dans un moteur, pré-cèdent tout juste la réaction d’auto-inflammation. « Toute la difficultéétait alors de recueillir les espèces chi-miques en présence, puis de les analy-ser, précise la scientifique. Ce quenous avons pu faire grâce à un appa-reillage de notre fabrication coupléavec des moyens d’analyse chimiquede nos collègues chinois. »Résultat des courses : l’intuitiondes théoriciens était la bonne. Sil’observation n’est donc pas unerévolution conceptuelle, elle n’endemeure pas moins capitale pour

l’avenir de ce type de moteur. « C’esttrès rassurant quant à la validité desmodèles théoriques que nous utilisons,se félicite la chimiste. Sans compterque ces expériences vont permettred’affiner les paramètres d’entrée de cesmodèles afin de les rendre encore plusréalistes. » De quoi aider à accor-der, en pratique, liberté de mouve-ment et respect de l’environnement.

Mathieu Grousson

1. Ces travaux ont été menés dans le cadred’un projet financé par le Conseil européende la recherche, en collaboration avec uneéquipe chinoise de l’Université de science et technologie de Chine, à Hefei.

CONTACTÔ Frédérique Battin-LeclercLaboratoire réactions et génie des procédés, Nancy [email protected]

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L es abysses n’avaient jamais vu un tel défer-lement de chercheurs ! Deux missionsinternationales successives, dans le Paci-fique est puis dans le golfe de Californie,

baptisées Mescal (Milieux extrêmes : stratégiesde colonisation et d’adaptation en environne-ment hydrothermal) et BIG (Biodiversité et inter-actions à Guaymas)1 et auxquelles participentplusieurs laboratoires du CNRS, explorent lesmystérieux écosystèmes du fond des océans. La première mission, Mescal, pilotée par le CNRSet l’UPMC (Paris-VI), s’est achevée le 30 mai aprèsquarante jours passés à 250 milles nautiques descôtes mexicaines. À bord de l’Atalante, le navire derecherche de l’Ifremer, une quarantaine de cher-cheurs français, américains et autrichiens se sontpenchés sur la faune habitant à 2500 mètres deprofondeur autour des sources hydrothermalesde la dorsale océanique. Là, de l’eau se réchauffedans la croûte terrestre en approchant du magmaet rejaillit jusqu’à 400 °C de température. Mescal était constituée de deux volets. Le premiers’intéressait à un organisme emblématique deces sources : Alvinella pompejana. Ce ver est unmodèle de résistance aux environnements extrê-mes : protégé par un tube de protéines, il s’épanouità des températures supérieures à 100 °C dansune eau saturée en sulfures et dépourvue d’oxy-gène. L’un des objectifs de la mission était d’étu-dier ses mécanismes d’adaptation. Mais un autreaspect intéressait aussi les chercheurs : « Alvinella

est une espèce pionnière qui modifie les conditions ther-miques et chimiques de son habitat, ce qui permet àd’autres espèces animales de le coloniser à leur tour »,explique Nadine Le Bris, directrice du Labora-toire d’écogéochimie des environnements ben-thiques2 et coordinatrice du premier volet deMescal. Pour étudier cet organisme, les cher-cheurs ont procédé à diverses expériences in situet dans des aquariums sous pression. Le second volet de Mescal était dirigé par FrançoisLallier, du laboratoire Adaptation et diversité enmilieu marin de Roscoff 3. L’objectif était de mieuxcomprendre la relation symbiotique entre les bac-téries qui puisent leur énergie de l’oxydation dessulfures qui se dégagentdes sources hydrother-males et certains inverté-brés comme le ver Riftiapachyptila et les bivalvesBathymodiolus thermophi-

lus et Calyptogena magnifica. Ces animaux offrentaux micro-organismes un milieu stable et confor-table où vivre et, en retour, ils s’en nourrissent.Cependant, bien des questions restent ouvertes àpropos des symbioses qui ont permis à la vie des’installer dans ces abysses. Par exemple, on neconnaît pas bien les mécanismes permettant auxorganismes hôtes de contrôler les populations debactéries qu’ils abritent. L’un des buts de Mescalétait d’utiliser certains outils de la biologie molé-culaire pour connaître en profondeur le fonc-tionnement de ces écosystèmes.Les chercheurs de Mescal à peine débarqués, cesont les trente équipiers de la mission BIG qui ontpris place à bord de l’Atalante pour se diriger versle bassin de Guaymas, dans le golfe de Californie,où ils vont rester jusqu’au 10 juillet. Cette zone pos-sède aussi des sources hydrothermales. Mais toutprès, on y trouve des sources froides : sous lapression des sédiments, des fluides riches enhydrocarbures légers comme le méthane s’ex-traient du fond de la mer. Ces composés chimi-ques, à l’instar des sulfures des sources chaudes,sont la source d’énergie des micro-organismes per-mettant l’éclosion de riches écosystèmes. « L’un des objectifs de la mission est de comparer lesécosystèmes des sources hydrothermales et des sour-ces froides, détaille Anne Godfroy, chercheuse auLaboratoire de microbiologie des environne-ments extrêmes4 et chef de la mission. Il y abeaucoup d’espèces proches dans ces deux milieux.Il y a aussi des similitudes de fonction : par exem-ple, dans les deux écosystèmes, on retrouve cette sym-biose entre invertébrés et bactéries. Nous voulonsmieux comprendre comment micro-organismes etanimaux interagissent. » Vingt-neuf plongées dusous-marin Nautile sont en cours afin de réaliserdes prélèvements d’organismes, des analyseschimiques in situ et des carottages dans les sédi-ments. Après ces deux missions qui auront per-mis de recueillir une infinité de données scien-tifiques, ce monde de silence devrait enfin parlerun peu plus clairement aux chercheurs !

Sebastián Escalón1. La liste complète des partenaires des missions Mescal etBIG est disponible sur le site du groupement de rechercheEcchis (Biologie des écosystèmes chimiosynthétiquesprofonds), dont font partie les deux campagnes : www.sb-roscoff.fr/Ecchis/2. Laboratoire CNRS / UPMC (Paris-VI).3. Unité CNRS / UPMC (Paris-VI).4. Unité CNRS / Ifremer / Université de Brest.

CONTACTSÔ Anne Godfroy Laboratoire de microbiologie des environnementsextrêmes, [email protected]

Ô François Lallier Adaptation et diversité en milieu marin, [email protected]

Ô Nadine Le Bris Laboratoire d’écogéochimie des environnementsbenthiques, [email protected]

Mission VIEDESLABOS

OCÉANOGRAPHIE

Plongées en sériedans les abyssesDurant les beaux jours, deux campagnes d’étude en mer explorentles fonds marins à la découverte des écosystèmes qui y fleurissent.

Au cœur des siteshydrothermauxexplorés par la missionMescal se niche Riftiapachyptila, un ver quisert de refuge à toutessortes de bactéries.

À l’aide de seringuesen titane, les équipesde la mission BIGprélèvent des fluideshydrothermaux dansle golfe de Californie.

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Chaque année, CNRS Formation Entreprises propose des stagestrès variés à près de 1000 ingénieurs et techniciens supérieurs.Son directeur, Michel Charles, nous fait découvrir ce service particulièrement apprécié des entreprises.

Existe depuis 1972 sous sa forme actuelle / 140 formations différentes proposées en 2010 /300 formateurs et 70 laboratoires d’une trentaine de villes mobilisés en 2010 / Près de1000 stagiaires par an / Une dizaine de placespar session en moyenne / Durée des stages : de 3 à 5 jours en moyenne / Chiffre d’affaires en 2009 : 600000 euros / Environ 200 sociétésclientes, avec 50 % de renouvellement par an / 40 d’entre elles ont envoyé des stagiaires sur au moins cinq des sept dernières années,procurant ainsi 80 % des recettes.

CNRS FORMATION ENTREPRISES

EN CHIFFRES

et aux techniciens supérieurs du secteur privé.Compte tenu de la très grande variété des activi-tés menées au CNRS, les sociétés dans lesquel-les ceux-ci évoluent couvrent des secteurs trèsdivers : pharmacie, automobile, nutrition ani-male, environnement, cosmétique, agroalimen-taire, énergie… La taille de ces sociétés varie éga-lement de la start-up de quelques salariés augrand groupe industriel en passant par la PMEhigh-tech. Mais les stagiaires viennent aussi de col-lectivités territoriales, d’agences scientifiques,d’universités, des douanes, de la police scientifi-que, de la Direction générale de l’armement, d’or-ganismes de recherche… et du CNRS bien sûr !Source d’échanges fructueux, cette mixité estégalement gage de qualité et un formidable outilde communication pour la recherche publique.

Quels domaines couvrez-vous?M. C. : Les sujets abordés sont extrêmementnombreux et variés. En 2010, notre catalogueregroupe en effet 140 formations différentes,réparties en seize grandes thématiques. Impos-sible donc de les citer toutes, mais quelquesexemples permettent de se faire une idée de ladiversité de notre offre. Cela va des techniquesutilisées au Synchrotron Soleil aux nanotech-nologies appliquées à l’électronique en passantpar le bien-être des animaux de laboratoire, lapratique du Web 2.0, la numérisation en troisdimensions, l’intelligence économique ou bienencore la photographie par cerf-volant et bal-lon captif. Certaines sessions regroupent despublics très différents. Consacrée aux moula-ges et dispensée dans un laboratoire de paléon-tologie, l’une d’entre elles a déjà rassemblé unconservateur de musée, un constructeur d’ap-pareils ménagers… et un fabricant de santons !

Comment se déroulent les stages?M. C. : Chacun d’entre eux est piloté par un res-ponsable scientifique, avec l’accord du direc-teur de l’unité de recherche ou de service1 dis-pensant la formation. Celui-ci pilote le stage ets’entoure d’autres spécialistes. Les stages sedéroulent la plupart du temps en mode inter-entreprises, c’est-à-dire avec des salariés d’em-ployeurs différents accueillis dans une de cesunités. Pour des questions de coût, de confi-dentialité et de sécurité, ils peuvent également

être dispensés au sein même d’une société quien fait la demande. Dans certains cas, le contenudes stages peut être adapté via une déclinaisonà la carte. En général, plus de 50 % du temps estconsacré à la pratique. C’est l’une de nos spéci-ficités, nos clients recherchant aussi à acquérirdes savoir-faire “sur la paillasse”. Enfin, CNRSFormation Entreprises fournit aux laboratoiresune aide juridique, logistique, pédagogique etassure la gestion financière des formations.

Quelles sont les dernières nouveautés?M. C. : En 2010, près de trente nouveaux stagessont proposés : utilisation de Blue Gene, l’un desplus puissants supercalculateurs du monde, ima-gerie du cerveau humain, matériaux polymères,radioprotection, enjeu des nanomatériaux pour lasanté, élevage et transgénèse de poissons modè-les, transplantation de cellules embryonnairesdans le cerveau de souris… Grâce à ce cataloguevivant et diversifié, à la qualité de son contenuaxé sur la pratique, à la mixité du public accueilliet à notre réactivité, CNRS Formation Entrepri-ses est devenu un organisme extrêmement appré-cié au fil des ans. En outre, hormis les salaires deses trois agents, cette unité de service du CNRSne coûte pas un centime d’euro public, et 80 %des revenus sont reversés aux laboratoires. Pourdécouvrir le catalogue des formations 2011, ren-dez-vous dès le 14 juillet sur notre site Web.

Propos recueillis par Jean-Philippe Braly

Ô En ligne : http://cnrsformation.cnrs-gif.fr/

1. Ces unités doivent avoir le CNRS parmi leurs tutelles.

Que viennent chercher les sociétés auprès de CNRS Formation Entreprises?Michel Charles : La recherche menée au CNRSnécessite la maîtrise de savoir-faire particuliers,de techniques de pointe et de technologies émer-gentes, parfois développées par les laboratoireseux-mêmes. Autant de compétences fort utiles quesouhaitent acquérir certaines entreprises pourleurs propres activités. C’est pourquoi nos forma-tions s’adressent principalement aux ingénieurs

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TRANSFERT DE COMPÉTENCES

Venir se former au CNRS

CONTACTÔ Michel CharlesCNRS Formation Entreprises, [email protected]

INNOVATION Entretien©

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Partenariats INNOVATION 15

TRAITEMENT DU LANGAGE

Vos courriels décryptés en temps réel

Questions, réclamations, opi-nions… Chaque jour, certai-nes entreprises sont confron-

tées à des milliers de messages deleurs clients, rédigés en langagecourant et qui leur parviennent viales courriels, les SMS, les formu-laires Web, les réseaux sociaux enligne… Grâce au logiciel FeedbackAnalytics, de la start-up françaiseViavoo, elles peuvent désormais enanalyser le contenu en temps réel !Une prouesse rendue possible grâceà une collaboration étroite avec lelaboratoire Lexiques, dictionnaires,informatique1 (LDI). « Pour déve-lopper ce logiciel unique en son genre,Viavoo a embauché plusieurs diplômésdu master pro TILDE 2, qui forme deslinguistes informaticiens aux métho-des innovantes de traitement auto-matique du langage mises au pointpar le LDI », explique Salah Mejri,directeur du laboratoire.Commercialisé depuis le début del’année, Feedback Analytics est dotéd’outils d’analyse sémantique et syn-taxique très pointus, d’algorithmesavancés d’intelligence artificielle et

d’un moteur de traitement automa-tique du langage naturel. Ortho-graphe et syntaxe approximatives,expressions populaires, mots à plu-sieurs significations ? Selon sesconcepteurs, le logiciel “comprend”le sens de la plupart des messages,reconstitue les éléments implicites,une intention d’achat par exemple,et extrait les informations perti-nentes en une fraction de seconde :produit ou service concerné, motif

d’insatisfaction, sentiment exprimé,date et lieu, étape dans la commande,point de vente, mention d’un concur-rent… « Feedback Analytics trie ins-tantanément les informations récoltées,dresse des statistiques et détecte toutphénomène atypique ou anormal, pré-cise Thierry Desforges, présidentfondateur de Viavoo. À l’écran, unevisualisation claire et centralisée desremontées clients permet à l’entreprisede réagir vite et bien, quel que soit le

canal d’origine des messages. Elle luipermet également de mettre un pointparticulier sous surveillance et de sui-vre sa réputation en temps réel. »Destiné aux sociétés privées oupubliques ayant accès à un largepublic, le logiciel est déjà disponibleen français, anglais, allemand, espa-gnol, italien, portugais, néerlandaiset grec. Dans les prochains mois,Viavoo et le LDI devraient initier denouvelles collaborations, notam-ment en ce qui concerne la com-préhension automatique des textes.

Jean-Philippe Braly

Ô En ligne : www.viavoo.com

1. Laboratoire CNRS / Université Paris-XIII /Université de Cergy-Pontoise.2. Traitement informatique et linguistiquedes documents écrits. Master conçu par le LDI et dispensé à l’université Paris-XIII.

RECYCLAGE

Innoveox fait la peau aux déchets industriels

L a technologie développée parInnoveox aurait sans doute pluaux alchimistes : un procédé

capable de transformer n’importequel déchet toxique liquide en eaupure et en composants recyclables,le tout sans polluer et en produi-sant de l’énergie. Destinée princi-palement aux déchets industrielsliquides (huiles et solvants usagés,pesticides, déchets pétroliers, etc.),cette technologie est issue de tra-vaux réalisés depuis les années1990 à l’Institut de chimie de lamatière condensée de Bordeaux1

par François Cansell, aujourd’huidirecteur de l’Institut polytechni-que de Bordeaux.Le procédé repose sur la réaction dited’oxydation hydrothermale super-critique, une sorte de combustion

froide de la matière organique. Àleur entrée dans l’unité de traite-ment, les déchets liquides sont chauf-fés à 250°C et pressurisés à 221 bars,soit près de 220 fois la pressionatmosphérique. Puis, ils sont sou-mis à trois injections d’oxygène quivont entraîner progressivement ladestruction des molécules par cor-rosion et entretenir la combustionqui dégage alors de la chaleur jusqu’à550 °C. De telles conditions de tem-pérature et de pression amènent lesdifférents composants du liquide àleur état supercritique. Pour simpli-fier, cet état permet à l’oxygène de sedissoudre instantanément dans leliquide, où il peut alors corroder lesdifférentes molécules. En une minuteet avec une efficacité de 99,99 %, il ressort du système de l’eau, du

dioxyde de carbone (CO2), des métauxet des minéraux oxydés sous leurforme la plus pure. Tous ces com-posants n’étant pas mélangés, ils peu-vent même être recyclés. Un beauprogrès écologique puisque lesdéchets toxiques industriels sonthabituellement incinérés ou enfouis.« Ce procédé permet de transformer desproduits dangereux comme les explo-sifs », s’étonne encore Jean-Christo-phe Lépine, président d’Innoveox.Le secret de la société repose sur lestrois injections d’oxygène, un pro-cédé breveté par le CNRS, qui per-mettent d’entretenir la combustionet de chauffer progressivement lesystème jusqu’à 550°C. Sans cela, ilfaut des quantités d’énergie follespour réaliser cette réaction d’oxyda-tion hydrothermale supercritique.

Les coûts de traitement proposéspar Innoveox sont donc tout à faitcompétitifs. Pour ne rien gâcher, lesappareils seront placés directementsur le site industriel, évitant le coûtfinancier et environnemental del’acheminement des déchets. Aprèsdeux ans d’existence, Innoveox s’ap-prête à installer ses premières uni-tés de traitement. Avec ses airs detransmutation miraculeuse, le mar-ché des déchets industriels dange-reux ne devrait guère lui résister.

Caroline Dangléant

Ô En ligne : www.innoveox.com

1. Unité CNRS.

CONTACTSÔ Thierry DesforgesViavoo, [email protected]

Ô Salah MejriLexiques, dictionnaires, informatique,[email protected]

CONTACTÔ Jean-Christophe LépineInnoveox, [email protected]

La start-up Viavoopropose aux sociétésl’analyse automatiquedes messages envoyéspar leurs clients viale Net ou par SMS.

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Page 16: Qui étaient vraiment les Gaulois - CNRS Le journal

ramener à sa valeur d’équilibre. C’est ce qu’onnomme la loi de l’offre et de la demande. Ellemarche très bien pour les biens ordinaires. Siune pomme devient trop chère, vous achèterezune orange. C’est dans votre intérêt. Pasbesoin d’intervention de l’État, le systèmes’autorégule. L’erreur a été de transposer cetteanalyse aux marchés financiers. Le problèmeest que, dans leur cas, une augmentation duprix des titres peut produire une augmentationde la demande ! Cela peut en effet attirer denouveaux acheteurs qui font la suppositionque le prix va continuer à croître et que cela leur apporterait d’importants profits encas de revente. On note bien ici la différenceavec les biens ordinaires achetés pour êtreconsommés et non en vue d’une revente. En définitive, ce processus spéculatif peutconduire à des prix très hauts, ce qu’on appelleune bulle, ou inversement à des prix très bas,ce qu’on nomme un krach.

Cet automne, les banques qui ont survécu à la crise se sont rassemblées pour former des établissements encore plus grands.N’est-ce pas pire encore ?A. O. : Tout à fait. Ces banques sont dites Too big to fail, trop grosses pour faire faillite,car cette faillite emporterait toute l’économieavec elle. Cela signifie qu’aucun État ne peutse permettre de les laisser sombrer en cas de crise et donc on les renfloue. En revanche,lorsqu’elles font des profits, elles lesconservent. Cette situation est inacceptable,car elle pousse ces institutions à prendre de gros risques pour gonfler leurs profits, sachant qu’en cas de crise le contribuableviendra à leur rescousse. Il y a là une anomalie monumentale reconnue par tous les économistes. Les débats autour de larégulation financière tentent de trouver uneréponse à ce phénomène via l’augmentationdes fonds propres des banques qui permettraitune meilleure résistance aux chocs. Il mesemble que le démantèlement pur et simplede ces conglomérats géants mériterait d’êtreconsidéré avec plus de faveur.

Propos recueillis par Charline Zeitoun

1. Unité CNRS / EHESS Paris / ENS Paris / ENPCP / Inra.

Alors que la Grèce fait face à une dette nationalequi la menace de faillite, la crise économiquemondiale semble plus que jamais d’actualité.Rappelons qu’elle avait démarré aux États-Unisen 2007 à cause de prêts hypothécaires surl’immobilier, les fameux subprimes. En quoi cette crise est-elle différente des précédentes ?André Orléan : Les crises financières sontd’ordinaire localisées alors que la crise actuelle a touché l’ensemble des pays et des secteurs. C’est une conséquence directe de la mondialisation financière. Les titresimmobiliers états-uniens se retrouvent dans leportefeuille de toutes les grandes institutionsfinancières du monde. Celles-ci ont donc été affectées quand les prix de l’immobilier se sont mis à baisser. Il y a aussi une raisonstructurelle : le système financier est de plusen plus intégré. Cela signifie que ses différentsacteurs, en premier lieu les banques, sontprésents dans tous les secteurs : l’immobilier,les prêts à court terme, à long terme, les prêtsaux entreprises, etc. Très homogènes, cesacteurs ont à peu près tous fait les mêmeschoix et acheté les mêmes produits (actions,obligations, etc.). Or, comme l’a montréDarwin, l’absence de diversité rend une espècetrès vulnérable face à une même menace. Lescinq banques d’investissement états-uniennesont ainsi toutes disparu, par faillite, rachat ou reconversion. Cette homogénéisation estune conséquence directe de la concurrencefinancière dans un monde dérégulé : enl’absence de contraintes spécifiques, chaque

banque imite ses concurrents pour ne pas être distancée dans la course au profit.

Pourquoi le système financier était-il moins intégré auparavant ?A. O. : Avant les années 1980, le systèmefinancier était beaucoup plus segmenté etcontrôlé. Pour partie, c’était une conséquencede la crise de 1929 qui avait montré ladangerosité du laisser-faire. Aux États-Unis,par exemple, les banques d’affaires étaientséparées des banques de dépôt, en vertu du Glass-Steagall Act (1933), afin d’éviter de propager les crises des premières aux secondes. Et en Europe, en Francenotamment, il existait un fort cloisonnement :il y avait les banques agricoles, les banquesimmobilières, etc. Par ailleurs, divers tauxd’intérêt étaient directement administrés parla puissance publique. Ce cadre réglementairea progressivement été démantelé à partir du début des années 1980 au profit d’unepolitique libérale. Celle-ci était fondée sur lesvertus supposées de la concurrence que l’onpensait stabilisante pour le système financier.Je pense que cette analyse est erronée.

Pourquoi le libéralisme des marchés financiersserait-il une erreur ?A. O. : Selon les idées libérales, la concurrencepermet l’autorégulation des marchés. Quandle prix d’un bien augmente, spontanément, sa demande diminue, ce qui a pour effet de freiner l’augmentation du prix et de le

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André Orléan, directeur de recherche CNRS au sein de l’unité Paris-Jourdan Scienceséconomiques1 et membre du Conseil scientifique de l’Autorité des marchés financiers (AMF)

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CONTACTÔ André OrléanParis-Jourdan Sciences économiques, [email protected]

« L’erreur a été de transposer la loi de l’offre et de la demande auxmarchés financiers. »

Les dérivesde la finance mondiale

Page 17: Qui étaient vraiment les Gaulois - CNRS Le journal

que, souligne-t-elle, « la féminisation de lapolice est atypique : dans l’histoire, elle a permisaux femmes d’accéder à la violence légale vial’habilitation, toujours strictement contrôlée, à utiliser des armes ». Autre élément singulierde la profession : si les femmes y sont victimesde discrimination, surtout dans le recrutementpar le biais des barèmes sportifs, elles sontproportionnellement davantage représentéesaux postes les plus élevés. Et elles sont à peu près 16 % à tous les grades. GenevièvePruvost, 37 ans, a mis sept ans pour finir sa thèse : « Il fallait rassembler des donnéeshistoriques et mener une enquête statistique quenous continuons d’exploiter. » Elle a, dans lemême temps, été lauréate du Premier Prix de l’EHESS en 2006, publié deux ouvrages4

tout en enseignant la sociologie du genre àl’université d’Évry, une activité qu’elle entend

poursuivre « pour ne pas rester dans la tourd’ivoire du chercheur ».Dès la fin de sa thèse,elle a rejoint l’équipepluridisciplinaire duCesdip, sans perdre une seconde. Car letemps est une denréeprécieuse pour cettejeune femme qui nes’arrête jamais, et

qui nous a donné rendez-vous dans le trainqui la conduit à son laboratoire. « Je filepréparer un colloque sur la violence illégale desfemmes : terrorisme, infanticide… », annonce-t-elle justement alors que nous arrivons en gare.

Stéphanie Arc

1. Unité CNRS / Ministère de la Justice / Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines.2. Courant de recherche qui traite de phénomènes culturelsen se référant à la littérature, la sociologie, l’anthropologieculturelle, la philosophie, la médiologie, les arts…3. La théorie queer, dans la lignée du féminisme et desmouvements lesbiens, gays, bisexuels et transsexuels,critique en particulier les identités sexuelle et de genre.4. Profession : policier. Sexe : féminin, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2007 ; De la « sergote » à la femme flic. Une autre histoire de l’institution policière(1935-2005), La Découverte, 2008.

du coup, j’ai quitté les lettres pour la sociologie. »Geneviève Pruvost, qui, aux États-Unis, a prisconscience qu’elle était « femme et blanche »,envisage à ce moment de se consacrer auxmanifestations féministes des années 1970.« Mais ma directrice de thèse au Centre d’étudedes mouvements sociaux de l’EHESS, Rose-Marie Lagrave, m’en a dissuadée, confie-t-elle.Travailler sur le féminisme, un sujet plutôt mal vuà l’époque, aurait pu compromettre ma carrière. »Pourquoi la police alors ? « Je souhaitais aussiétudier la fonction publique, et les policiers ne sont pas des fonctionnaires comme les autres :ils cumulent des pouvoirs de coercition physique et juridique extraordinaires et n’ont pas le droit de grève. » La future sociologue a surtout enviede prendre en compte le genre, c’est-à-dire à lafois la situation des femmes dans l’institutionet leurs relations avec les hommes. D’autant

JEUNESCHERCHEURS 17

E n général, la sociologie s’intéresse plus aux victimes ou aux délinquants qu’à l’institution policière elle-même. »Qu’à cela ne tienne. Geneviève Pruvost,

sociologue du CNRS au Centre de recherchessociologiques sur le droit et les institutionspénales (Cesdip)1 de Saint-Quentin-en-Yvelines, a, elle, justement décidé, dès 1999,de travailler sur les femmes policières. Issue d’une famille d’enseignants (« à part un cousin germain qui fut brièvement gardien de la paix » !), la médaillée de bronze 2009 du CNRS se prédestinait pourtant au métierde professeur de littérature. Qu’elle exerceeffectivement durant un an, après avoirintégré l’École normale supérieure et décrochél’agrégation de lettres modernes en 1995. Sauf qu’ensuite elle part aux États-Unis, oùelle découvre la sociologie en l’enseignantdans ses cours d’« études culturelles2 » àl’université de Duke, en Caroline du Nord. « Je me suis retrouvée à enseigner à la foisBourdieu, Hugo, Ponge et Foucault, c’étaitpassionnant », se souvient notre chercheuse.C’est aussi là qu’elle lit Judith Butler, pionnièredu queer 3 « pas du tout connue en France il y a douze ans ». De retour, la spécialiste delittérature française du XVIIIe siècle change sonfusil d’épaule : « On m’a refusé les allocations de thèse alors que j’étais première de mon DEA,

Le journal du CNRS n° 246-247 juillet-août 2010

Geneviève PruvostUne sociologue au commissariat

CONTACTÔ Geneviève PruvostCesdip, [email protected]

« La féminisation de la police a permis aux femmes d’accéder à la violence légale vial’habilitation, toujours strictementcontrôlée, à utiliser des armes. »

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L’ENQUÊTE18

Le journal du CNRS n° 246-247 juillet-août 2010

Les Gaulois, des barbares mal dégrossis? Cette image d’Épinal, colportée dès les premiers temps de la conquête de la Gaule par Rome, au Ier siècle av. J.-C., a largement été relayée pendant des millénaires. Au point que nombre d’entre nous considèrent encore les Gaulois comme un peuple de primitifs auquel les Romains auraient apporté les bienfaits de la civilisation. Or, pour les historienset les archéologues, cette image a clairement fait long feu. Agriculture, artisanat,commerce, art… Les preuves que les Gaulois avaient atteint un haut degré de civilisation bien avant la conquête se multiplient. Alors qui étaient-ils vraiment?Comment vivaient-ils? Comment ont-ils été soumis par Rome et quelles ont été les conséquences de cette invasion? Cet été, Le journal du CNRSfouille le passé de la Gaule.

Dossier réalisé par Philippe Testard-Vaillant

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Reconstitution d’une armée de guerriers gaulois lémovicespar la troupe Les Gaulois d’Esse.

Page 19: Qui étaient vraiment les Gaulois - CNRS Le journal

Pour des millions de Français, “nosancêtres les Gaulois” ont le profildu débonnaire Astérix, du livreurde menhirs Obélix et de leurs com-pagnons un peu frustes. Sauf que,

par Toutatis !, ces personnages hilarants, nonplus que les barbares aux coutumes sanglan-tes que se sont souvent plu à dépeindre lestextes anciens, n’ont pas grand-chose à voiravec ce que le monde de la recherche saitaujourd’hui des “vrais” Gaulois. « Depuis deuxdécennies, explique Pierre Ouzoulias, du labo-ratoire Archéologies et sciences de l’Antiquité1,archéologues et historiens s’emploient à montrer quel’opposition radicale entre des Romains civiliséset des Gaulois primitifs, martelée par le XVIIIe siè-cle (Voltaire, dans l’Encyclopédie, considère les Gaulois comme « la honte de la nature »), le Second Empire puis la Troisième République, est totalement caduque », même si cet a priori

négatif colonise toujours certains manuels sco-laires. La Gaule d’avant César « n’était pas unterritoire sauvage à l’écart de toute civilisation,mais un monde qui avait connu certains desprocessus évolutifs responsables, quelques sièclesplus tôt, de l’émergence de la civilisation gréco-romaine », renchérit Christian Goudineau, titu-laire de la chaire d’antiquités nationales auCollège de France pendant vingt-cinq ans etcombattant infatigable de cette rénovation his-torique. Occupation dense et valorisation descampagnes, structures et fonctions des agglo-mérations, haut niveau technique de l’artisanat,qualité des productions artistiques, importancede la religion, commerce intensif avec Rome…Les découvertes archéologiques de ces der-nières années, auxquelles s’ajoutent les étu-des menées en laboratoire (ostéologie, anthro-pologie…), ont renouvelé en profondeur laconnaissance de la Gaule.

UNE FAUSSE IMAGE DE LA GAULEParler de “la” Gaule, en fait, prête déjà à dis-cussion. Au Ier siècle avant notre ère, à la veillede la conquête par Jules César, l’espace géogra-phique très vaste englobant la France, la Belgi-que, le Luxembourg, une partie de l’Allemagne

et des Pays-Bas actuels estoccupé par une mosaïque d’unecentaine de peuples, de fédéra-tions, d’associations et de peti-tes collectivités, dont la taille,l’organisation politique et lesrelations avec Rome sont extrê-mement diverses (lire l’encadrépp. 20-21). Dans la Guerre desGaules, César simplifie à l’ex-trême cette situation par uneformule célèbre : « L’ensemblede la Gaule est divisé en troisparties. » Dans cet espace qu’il

borne arbitrairement, les Celtes occuperaientun territoire allant de la Garonne à la Seine et duRhin inférieur à l’océan Atlantique, les Belges setrouveraient au nord de la Seine et les Aqui-tains, entre les Pyrénées et la Garonne.Après avoir longtemps accepté l’image de cetteGaule idéalisée par César, historiens et archéo-logues sont aujourd’hui plus sensibles à la variétédes situations. De fait, chaque peuple-État, avided’indépendance, dispose de son propre gou-vernement et de sa propre armée. « Il s’agit, laplupart du temps, de démocraties représentatives,dans lesquelles les lois et la désignation d’un magis-trat civil et d’un stratège chargé des affaires de laguerre sont dévolues à deux assemblées : un sénatréservé à la noblesse et une assemblée civique, pro-bablement héritière des rassemblements de guer-riers des époques antérieures », détaille Jean-LouisBrunaux, du laboratoire Archéologies d’Orientet d’Occident et textes anciens2.

L’ENQUÊTE 19

Le journal du CNRS n° 246-247 juillet-août 2010

UN PEUPLE PAS SI BARBARE > 19COMMENT CÉSAR A CONQUIS LA GAULE > 23

CE QUE ROME A VRAIMENT CHANGÉ > 25

RIÉDONES

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Carte de la Gaulefondée sur la descriptionqu’en donneJules Césardans la Guerre desGaules.

Un peuple pas si barbare

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L’ENQUÊTE20

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L’AGRICULTUREL’essor de l’archéologie de terrain permet de rejeter la vision archi-désuète de Gaulois chassant le sanglierdans des forêts profondes. Les massifs forestiers desGaules sont sans doute moins vastes que ceux de laFrance de 2010. Depuis au moins le IIIe siècle av. J.-C.,les campagnes sont exploitées par un réseau densede petites fermes et de grandes exploitations. Loin d’être archaïque, l’agriculture est l’activitééconomique numéro un et se caractérise par unemaîtrise élevée de la culture des céréales (millet, orge, épeautre, blé…) et de l’élevage (bovidés, porcs, moutons, volailles…). Son bon niveautechnique tient notamment à l’invention ou au perfectionnement d’outils agricoles (faux pour le foin, haches et serpes pour le bois…), les Gaulois excellant dans le domaine de l’extraction et de la transformation des minerais.

L’ARTISANATHommes du métal, les Gaulois possèdentgrâce à leur maîtrise de la sidérurgie uneincontestable supériorité dans le domaine del’armement et de la charronnerie (roues et caisses desvoitures). À Bibracte, sur le mont Beuvray, à la limiteentre les départements de la Nièvre et de la Saône-et-Loire, « un quartier d’artisans du métal est en coursde fouilles et nous permet de mieux comprendrel’organisation de ces ateliers », indique Jean-PaulGuillaumet, du laboratoire Archéologie, terres, histoire,sociétés3. Les Gaulois sont aussi de remarquablescharpentiers, menuisiers, layetiers (fabricants decoffres) et boisseliers (assembleurs de seaux et debaquets). Sous les mains de leurs potiers naissenttoutes sortes de vaisselles. L’artisanat semble encore vivace dans des domaines touchant au travaildes peaux et des fourrures (tannage, bourrellerie,cordonnerie…) et à celui des fibres, des écorces et des laines (corderie, tissage, vannerie…). « LesGaulois ne savent pas souffler le verre, constate Jean-Paul Guillaumet. Ils le travaillent pâteux pourfaçonner des parures, des bracelets et des perles. Et ils utilisent toutes les parties de l’os pour produiredes dés à jouer, des boutons, des pendentifs, desdécors de coffre, des manches d’outils… »

Keltoi, les “Celtes”, c’est ainsiqu’Hérodote, l’historien grec du Ve siècle av. J.-C., désigne despopulations qu’il place entre le sud de la péninsule Ibérique et le Danube.Il est le premier à utiliser ce mot pourdistinguer ces peuples dans la grandemasse des Barbares qui vivent au-delàde son “monde civilisé” (chez lesGrecs puis les Romains, le qualificatif“Barbares”s’applique à tous lespeuples étrangers). C’est un peu plustôt, autour de l’an mil av. J.-C., que lesarchéologues commencent à percevoirles formes de différenciation culturellequi pourraient être à l’origine del’individualisation des populationsceltes. Entre le VIIIe et le Ve siècle av. J.-C. environ, ces traits culturelss’affirment et permettent d’identifier

ROME ET LA GAULE : MILLE ANS DE REBONDISSEMENTS

L’ALIMENTATIONQuant aux métiers de bouche, l’étude des ossements d’animaux trouvésrécemment à Titelberg, au Luxembourg,par l’archéozoologue Patrice Méniel, du laboratoire Archéologie, terres,histoire, sociétés, a mis en évidence des lieux d’abattage assimilables à desboucheries. On trouve par conséquent en Gaule la quasi-totalité des corps des métiers de bouche, qui subsisterontjusqu’à l’ère industrielle. Enfin, lespopulations côtières pratiquent la navigation et la pêche en haute mer.Des fouilles conduites au centre de l’îled’Ouessant, en Bretagne, par Jean-PaulLe Bihan, directeur du Centre derecherche archéologique du Finistère,avec le concours de plusieurs chercheursdu CNRS, ont permis de mettre au jour lesrestes de divers poissons (lieus jaunes,daurades, bars, morues…).

Les Gaulois sont de bonsvivants qui raffolent desfestins où le vin coule à flots,même si leurs boissonstraditionnelles restent la bièreet l’hydromel. Ce sont lesmarins commerçants grecsphocéens, qui fondentMarseille en 600 av. J.-C.,qui leur ont fait découvrir ce nectar. Ces colonsimportent et redistribuentparcimonieusement des vinsgrecs et étrusques, mais ils cultivent aussi sur leurterritoire un vignoble, d’abordpour leur consommationpersonnelle puis, dès le milieudu VIe siècle av. J.-C. environ,pour la vente aux peupladesvoisines. Les multiples pépinsde raisins découverts dans le sous-sol de la place Jules-Verne, témoignent de ces plantations originelles. Le vin de Marseille s’emparedu marché gaulois de laseconde moitié du VIe siècle au IVe siècle av. J.-C. À la findu IIIe siècle, au IIe et auIer siècle av. J.-C., le monopolegrec s’effrite tandis que « lacôte tyrrhénienne se couvrede vignobles, explique FanetteLaubenheimer, du laboratoire

Archéologies et sciences de l’Antiquité. Pour répondre à la demande gauloise, la péninsule italiennes se metà produire une quantitéphénoménale de vin et à construire des bateauxénormes pouvant transporterjusqu’à 10000 amphores! »Des millions d’hectolitres devin latin inondent la Gaule.« L’archéologie a identifié deuxprincipaux axes de distribution,poursuit la chercheuse. Lepremier, l’axe Aude-Garonne,dessert depuis Narbonne les territoires des Volques(l’actuel Languedoc) et des Rutènes (Aveyron, Tarn,nord de l’Hérault). Le secondalimente la Gaule centrale et laGaule du Nord par les valléesdu Rhône et de la Saône. Et il semble que ce soit presqueexclusivement des vins rougeset ordinaires que les Romains– qui, eux, préfèrent lesblancs – exportent vers laGaule. » Ainsi, le chargementde l’épave découverte au largedu petit port de la Madraguede Giens, dans le Var, à la findes années 1960, contenait du vin rouge provenant de larégion de Rome.

LE COMMERCE VINICOLE

Cette calotte enbronze du IVe

ou du IIIe siècle av. J.-C. a étémise au jourdans une rivièreà Amfreville-sous-les-Monts(Eure).

Reconstitution d’uneferme gauloise de la finde l’âge du fer (environ800 à 50 av. J.-C.).

Ensemble de bijoux gauloisen verre datant du IIe ou du Ier siècle av. J.-C.

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Si la Gaule apparaît donc comme très divi-sée, la multitude de peuples qui la composentont un point commun : qu’il s’agisse de l’agri-culture, de l’urbanisme, du commerce ouencore de l’art, ils partagent un savoir-fairebeaucoup plus avancé que ce que l’on pour-rait se figurer. Revue de détail, agrémentée desdernières découvertes archéologiques.

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L’ENQUÊTE 21

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la civilisation de Hallstatt, une période dedéveloppement économique dont sembleprofiter une classe de grands aristocratescontrôlant de petites principautés. Vers ledébut du Ve siècle av. J.-C., les territoiresoccupés par les Celtes sont ébranlés par des mouvements de populationsimportants, qui finissent par toucher aussi leurs voisins méditerranéens. Cette expansion se déploie vers le sud-est de la Gaule et donne naissance à unecivilisation originale celto-ligure, puistraverse les Alpes, au début du IVe siècleav. J.-C., pour se répandre dans tout lenord de l’Italie, contrôlé par les Étrusques.Les Gaulois poussent jusqu’à Rome et envahissent la ville vers – 390. Cetépisode marque les mentalités et fournit à la rhétorique romaine le thème del’irréductible Barbare gaulois. Cependant,

les Gaulois d’Italie vont finir par êtresoumis à la fin du IIIe siècle av. J.-C.Les Romains envahissent le sud de laGaule entre – 125 et – 118. L’incorporationdans la galaxie romaine de cette Gauletransalpine, ainsi nommée pour ladistinguer de la Gaule cisalpine (le nordde l’Italie), conquise plus tôt, répond à des raisons essentiellement stratégiques.« Les Romains avaient besoin de disposer d’une voie terrestre entre l’Italie et l’Espagne, qu’ils avaient annexée, et ils ont doté ce nouveau territoire de la première route à la romaine construitehors d’Italie, des Alpes aux Pyrénées (la Voie domitienne), confirme Michel Py,du laboratoire Archéologie des sociétésméditerranéennes1. Un siècle (à partir de– 125) leur a toutefois été nécessaire poursoumettre les “indigènes” de cette région

de la Gaule. Au moins dix révoltes sontattestées par les textes de l’époque. »Nombre de peuples gaulois plus au nordentretiennent des relations diplomatiqueset commerciales avec Rome. Meilleurexemple, l’accord passé au IIe siècleav. J.-C. entre lesÉduens, qui occupentla plus grande partiede l’actuelleBourgogne, le Morvanet débordent sur lesrégions limitrophes, et les Romains.

1. Unité CNRS / UniversitéMontpellier-III / Ministèrede la Culture et de laCommunication / Inrap.

Contact : Michel [email protected]

: MILLE ANS DE REBONDISSEMENTS

La Voie domitienne,marquée par lepassage des chariots,près de l’ancienoppidum gauloisAmbrussum.

L’expansion des villes, du commerceet de l’artisanat stimule évidemmentla monétarisation des sociétésgauloises. Les Celtes, recrutéscomme mercenaires par denombreuses cités gréco-romaines à la suite de leur expansion vers le sud à la fin du IVe siècle av. J.-C.,ont introduit la monnaie dans leurmonde lors de leur retour au bercail.« Les premières monnaies gauloises,qui datent probablement du IIIe siècleavant notre ère, étaient donc pourl’essentiel des monnaies imitant le statère d’or de Philippe II de Macédoine ou les drachmesd’argent des comptoirs grecs quibordent la Méditerranée : Marseille,Emporion (Empúries) et Rhodè(Roses), en Catalogne, raconteKatherine Gruel, directrice adjointedu laboratoire Archéologies d’Orientet d’Occident et textes anciens. Ces pièces avaient trop de valeurpour être d’un usage courant et servaient vraisemblablement à effectuer des achats de prestige,comme la première armure ou le premier cheval d’un fils, à payerune dot… » Au IIe siècle av. J.-C., lespouvoirs émetteurs se multiplient.

Pour lever des taxes, chaque citégauloise de quelque importanceindividualise sa monnaie, dont la circulation ne s’effectue que danssa zone d’émission. Parallèlement,les potins (des pièces coulées dansun alliage de cuivre, d’étain et deplomb), dont l’introduction est liée au développement de l’artisanaturbain, préfigurent les monnaiesfiduciaires (des monnaies de faiblevaleur fondées sur la confiance).Vers – 150, les liens économiquess’intensifient entre la Gaule duCentre et du Centre-Est et le monderomain. « Pour faciliter les échanges,précise Katherine Gruel, les Éduens,les Séquanes et les Lingons frappent des pièces d’argent imitéesdu denier romain et fondent unevaste fédération monétaire dont les limites s’étendent jusqu’auxpeuples helvètes et jusqu’au Rhin (la fameuse zone du denier gaulois).D’autres unions monétaires voient le jour, notamment dans le Centre-Ouest, et montrent que l’usage de la monnaie est bien plus présentdans l’économie gauloise des IIe et Ier siècles avant notre ère qu’on ne le supposait jusqu’à présent. »

LES MONNAIES GAULOISES

Pièces gauloises :un potin desRèmes (à gauche)et une statère enor des Parisii.

Reconstruction dela porte du Rebout,l’accès à la ville deBibracte, entouréede remparts.

LES PREMIÈRES CITÉSLe caractère foncièrement rural de ces populations ne fait pas obstacle à l’éclosion et au développement despremières cités, les oppida, qui « semblent apparaître tardivement en Gaule, au milieu du IIe siècle avant notreère, encore que les fouilles montrent que certains d’entre eux ont été édifiés sur l’emplacement d’habitatsplus anciens, comme à Bourges », assure Jean-Paul Guillaumet. Il existe, pour chaque peuple gaulois, unoppidum principal susceptible d’héberger plusieurs milliers d’âmes. Établi en général au centre d’un réseau de routes terrestres ou fluviales, l’oppidum ne sert pas uniquement de refuge aux populations alentours en cas de danger, comme on l’a longtemps écrit. C’est aussi un lieu qui accueille des activités commerciales,artisanales, religieuses et civiques. Bibracte est l’un des représentants les mieux connus de ces oppida. Chef-lieu des Éduens, il se compose d’une vaste enceinte protégeant près de 200 hectares. À l’intérieur s’y trouventdes habitats en bois, de rares maisons en pierre construites à la romaine et même des édifices publics. >

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Si religieux qu’ils rient des dieuxromains figurés comme des êtreshumains, les Gaulois vénèrent moultdivinités, tels Taranis, maître du ciel, et Teutatès, dieu de la guerre.D’autres sont plus spécifiques :Cernunnos, dieu de la fécondité à cornes de cerf, Épona, protectricedes chevaux, Lugus, gardien dufeu… Existe-t-il un seul et mêmepanthéon pour toute la Gaule ?Chaque peuple peut avoir sesdivinités propres, même si certainesfigures sont récurrentes. La mort ?Un passage vers le monde d’en hautou, pour ceux qui ne peuvent yaccéder, une descente sous la terreavant que l’âme ne se réincarne et revive. Quant à la pratique du sacrifice humain, leitmotiv destextes antiques visant à rabaisserles Gaulois, les vestigesarchéologiques venant l’étayer sontextrêmement rares. « Sans doute a-t-elle existé avant le Ve siècleav. J.-C., mais à très petite échelle,confie Jean-Louis Brunaux. Et elle a disparu au profit de sacrificesd’animaux domestiques (taureaux,vaches, bœufs, moutons, porcs…),comme le montrent, par exemple,les ossements exhumés en grandequantité dans le sanctuaire deGournay-sur-Aronde, dans l’Oise. »Les druides forment une partie de

l’élite gauloise. Tout à la fois savantsversés dans l’observation des astresà des fins divinatoires, l’étude desmathématiques et de la géométrie,la pharmacopée…, philosophes,théologiens et accessoirementjuges, ces prêtres transmettent leur savoir par tradition orale aux enfants des familles nobles. Le druidisme règne sur la Gauleentre les Ve et IIe siècles avant notre ère, avant de décliner pourdisparaître complètement autournant de l’ère chrétienne.

LES CROYANCES RELIGIEUSES

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Statuette en bronze d’un dieu guerrier gaulois,découverte à Saint-Maur, dans l’Oise.

Pour écrire, les Gaulois utilisaientsouvent les alphabets étrangers,comme sur ce bloc de pierre portantune inscription gallo-grecque.

Ce tableau peint vers 1900 parHenri-Paul Motte figure lacueillette du gui, rite célèbrepratiqué par les druides.

LA PRODUCTION ARTISTIQUELes Gaulois comptent dans leurs rangs des artistes de haut vol dont les productions ne nous sont accessibles que par des monnaies, des parures(bracelets, torques, fibules, sortes de broches servant à tenir ensemble deuxpans d’un vêtement), des armes ornées, des vases… « La qualité de ces petitsobjets nous incite à penser que des constructions beaucoup plus grandes, avec pour support le bois, telles les statues retrouvées à Fellbach-Schmiden, au Bade-Wurtemberg, et qui représentent des animaux tenus par un personnagedont il ne reste que la main sur la croupe d’une sorte de bouquetin, présentaientune décoration aussi riche, affirme Germaine Leman, du laboratoire Histoire,archéologie, littérature des mondes anciens-Institut de papyrologie etd’égyptologie de Lille4. La plupart de ces œuvres ont malheureusement disparu, le bois ne se conservant que dans des conditions exceptionnelles. »L’art gaulois courtise l’abstraction. Lesreprésentations de l’homme et des dieux,systématiques chez les Grecs et chez les Romains, pour qui l’art consiste à imiter la nature, sont rarissimes, et celles despaysages et des constructions humaines,inexistantes. Les figures les plus courantessont celles d’êtres fantastiques, les fragments de corps (œil, bec, patte…) ou les corps déformés (visages aplatis montrantleur face et leur profil), sans oublier unemultitude de compositions géométriquesd’une complexité inouïe. L’art gaulois connaîtson plein épanouissement entre les Ve etIIIe siècles av. J.-C., avant de tomber dans unréalisme sans grande originalité.

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Cette sculpture dedeux têtes jointespar l’arrière ducrâne (300 av. J.-C.)a été découverte à Roquepertuse,dans les Bouches-du-Rhône.

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LA LANGUEAu fait, quel idiome parlent ces gaillards ? Leslinguistes manquent d’informations sur ce rameau du celtique continental. Seuls quelques brefs textes de nature économique ou religieuse et quelquesimprécations magiques ont franchi les siècles, mais aucune littérature proprement dite, épique oumythologique. Les Gaulois écrivent très peu et, quandils le font, recourent aux alphabets des peuples aveclesquels ils sont en contact : les Étrusques d’abord, en Italie du Nord, puis les colons grecs de Marseille,les Romains enfin. « Il est nécessaire d’étudier le gaulois par comparaison avec les languesapparentées : gallois, breton et vieil irlandais, précisePierre-Yves Lambert, du laboratoire Archéologiesd’Orient et d’Occident et textes anciens. Par exemple,pour reconstituer le lexique gaulois, nous avons peu de noms communs, mais beaucoup de noms propres,dont le sens étymologique ne peut apparaître que par la méthode comparative. » Tout laisse à penser que les différents peuples gaulois parlent des dialectestrès proches les uns des autres. « Après la conquêtecésarienne, une période de bilinguisme semble avoirduré plusieurs siècles en Gaule, continue le linguiste.La tuile de Châteaubleau, fabriquée entre la fin du IIe siècle de notre ère et le début du IIIe siècle et découverte en Seine-et-Marne en 1997, porte sur l’une de ses faces une inscription de onze lignes qui atteste de la survivance tardive de cette languedans la société gallo-romaine. » Le gaulois ne subsisteplus dans le français actuel que par quelques tournuressyntaxiques comme “C’est que…”, des toponymes tels que Verdun et deux cents mots tout au plus, parmilesquels alouette, ardoise, auvent, blaireau, bouleau,bruyère, caillou, char, chemin, charpente et chiendent.

1. Unité CNRS / Universités Paris-I et -X / Ministère de la Culture et de la Communication.2. Unité CNRS / ENS Paris.3. Unité CNRS / Université de Bourgogne / Ministère de la Culture et de la Communication.4. Unité CNRS / Université Lille-III / Ministère de la Culture et de la Communication / Inrap.

L’ENQUÊTE 23

Le journal du CNRS n° 246-247 juillet-août 2010

En mars 58 avant notre ère, les Helvètes, un peu-ple gaulois installé sur le plateau suisse, auxfrontières nord de la Gaule transalpine, quittentleurs terres pour entreprendre une migrationqui doit les conduire, à les en croire, sur leterritoire des Santons (l’actuelle Saintonge,en Charente). Les causes de ce grand démé-nagement ne sont pas connues, mais la routequ’ils choisissent les oblige à traverser la Gauletransalpine. Or, depuis quelques mois, ceterritoire, avec celui de la Gaule cisalpine, estplacé sous l’autorité de Caius Julius Caesar,qui en est le proconsul. Celui-ci appartientà l’une des plus illustres familles romaineset revendique la déesse Vénus parmi sesancêtres. « C’est un ambitieux désireuxd’exercer un pouvoir important à Rome et il doit pour cela remporter des victoiresmilitaires, déclare Yann Le Bohec, mem-bre du laboratoire Orient et Méditerranée,textes-archéologie-histoire1. Cet hommeextrêmement intelligent, doublé d’un excellentstratège, capable d’organiser des mouvements de troupes avec une rapidité confondante, al’intention d’attaquer n’importe quel ennemicar, comme tous les Romains, il recherche avanttout, dans la guerre, à récolter du butin. L’exodedes Helvètes lui fournit un prétexte tout trouvépour faire la guerre, accroître sa richesse et en tirerun prestige extraordinaire. » Exploitant la défianceatavique de Rome envers les Gaulois, Césarinterdit aux Helvètes de pénétrer sur le sol de laGaule transalpine. Contraints de passer plus aunord, ils se dirigent vers le territoire des Éduens.Ces derniers, se sentant menacés, demandentl’assistance de César au nom des traités qui leslient au peuple romain. Celui-ci se porte aussitôtà la rencontre des Helvètes et les écrase près de Bibracte. Sans attendre, il poursuit sa campagne en s’attaquant au chef germainArioviste, qui s’est installé chez le peuple voi-sin des Séquanes. Le mécanisme de la guerredes Gaules est enclenché… n

CONTACTSÔ Jean-Louis Brunaux [email protected]

ÔChristian Goudineau [email protected]

ÔKatherine Gruel, [email protected]

Ô Jean-Paul Guillaumet [email protected]

ÔPierre-Yves [email protected]

Ô Fanette [email protected]

ÔGermaine [email protected]

ÔPierre Ouzoulias [email protected]

Statue de Jules César (100-44 av.J.-C.), représenté en imperator, avec sa cuirasse et sonpaludamentum (manteau).

Casques, boucliers, épées,lances… Les guerriers gauloisétaient bien armés.

Comment César a conquis la Gaule

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– 58 : L’EXODE HÉLVÈTE MET LE FEU AUX POUDRES

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En – 57, César provoque les peuples qui viventau nord de la Seine et de la Marne, les “Belges”,et les défait les uns après les autres. En – 56, levoilà qui lance, entre autres, une guerre terres-tre et maritime contre les Vénètes du Morbihan,

Cette année-là, coup de tonnerre. De nombreuxchefs gaulois fomentent une insurrection, dontle signal est donné par les Carnutes, qui massa-crent des négociants romains à Orléans. Menéepar Vercingétorix, lequel a pris le pouvoir chez lesArvernes, cette rébellion transforme en une véri-table guerre des Gaules des campagnes militai-res qui, jusqu’alors, avaient opposé des Romainset des Gaulois à d’autres Gaulois. Commentexpliquer ce revirement de situation? « Après desannées d’entente fondées sur des succès relativementrapides, l’effort de guerre des grands chefs gaulois, qui

qui sont vaincus sur mer. Tout cela avec l’aided’autres Gaulois. Pendant six ans, de – 58 à – 52,« l’essentiel des grands peuples gaulois (Éduens,Rèmes, Séquanes…), moyennant l’octroi de récom-penses en nature, de promotions, de droits civi-

ques…, se sont joints à César poursoumettre les régions encore assezindépendantes du Nord et del’Ouest, explique Michel Reddé,Médaille d’argent du CNRS en2007 et membre du laboratoireHistoire et anthropologie desmondes antiques2.En – 55, – 54 et – 53, le Romainmène des raids en Germanie(l’Allemagne actuelle), traverse laManche et s’enfonce au-delà de

la Tamise. Tactiquement parlant, indique YannLe Bohec « les Gaulois se battent en phalange,c’est-à-dire épaule contre épaule, pour offrir à l’en-nemi une ligne continue, alors que les Romains ontadopté depuis longtemps la tactique en cohorte, quiconfère plus de souplesse. La légion – environ5000 hommes – est divisée en dix cohortes répar-ties sur trois lignes, séparées les unes des autres. Lessoldats de chaque cohorte sont répartis, eux aussi,sur trois lignes : ceux qui combattent dans les deuxpremières lignes se relaient dès que la fatigue se faitsentir, ceux qui se trouvent à l’arrière servent d’ul-time recours. » Les Gaulois ne sont pas armés demanière plus rudimentaire que les Romains. Ily a par contre moins d’homogénéité dans leurarmement, chacun s’équipant selon sa fortune.Et les Gaulois n’ont jamais vu, assure César, desengins de siège comme les catapultes, qui pro-pulsent des boulets de plusieurs dizaines dekilos jusqu’à 300 mètres, ou les scorpions, quiprojettent des flèches avec une force et une pré-cision redoutables. n

supposait de fournir du ravitaillement et des che-vaux, de couvrir des opérations de répression, dontles bénéfices escomptés vont s’avérer plus faibles queprévu, a fini par désespérer les meilleures volontés,répond Michel Reddé. Même les Éduens, fidèlesparmi les fidèles, ont fait défection. En – 52, les par-tis proromains dans les sénats qui gouvernaient lesterritoires gaulois ont cédé la place à leurs adversai-res, opposés à la domination de Rome. »Quelques mois suffisent toutefois à César, quipeut compter sur 40 000 à 50 000 hommesparfaitement entraînés, auxquels s’ajoutent les

auxiliaires (notamment des cavaliers) ainsi quede nombreux accompagnateurs (valets, escla-ves et palefreniers), pour obtenir la capitulationdes troupes gauloises à Alésia. « Vercingétorixdispose sans doute de forces supérieures en nombre,mais elles sont mal commandées et ne constituentpas un corps homogène », dit Michel Reddé.Combien de morts gaulois après sept ans deguerre ? « Toute estimation est une fantaisie »,tranche le chercheur. Néanmoins, le nombre deprisonniers, militaires ou civils, vendus plustard comme esclaves, est considérable. Ainsi,César affirme qu’il a distribué, après la batailled’Alésia, un prisonnier gaulois à chacun deses soldats, à titre de butin.Que le vainqueur des Gaules ait mis ce conflità profit pour s’enrichir tombe sous le sens. Parailleurs, dans l’imaginaire romain, traverser leRhin (qui est un dieu, comme tous les fleu-ves), puis la Manche (le domaine de Neptune),représente un exploit fabuleux. César est le pre-mier de tous les “civilisés” à avoir traversél’“Océan”, à être allé jusqu’aux limites du monde,sous la protection de Vénus. « Il est devenumythique, à la façon d’Alexandre le Grand »,résume Yann Le Bohec. La romanisation de saconquête peut commencer. n

1. Unité CNRS / Universités Paris-I et -IV / EPHE / Musée du Louvre.2. Unité CNRS / Universités Paris-I et- VII / EPHE /EHESS.

L’ENQUÊTE24

Le journal du CNRS n° 246-247 juillet-août 2010

CONTACTSÔ Michel Reddé [email protected]

Ô Yann Le [email protected]

– 52 : LA CAPITULATION GAULOISE À ALÉSIA

Cette statue de Vercingétorixsurplombe le muséoparcd’Alésia. Il n’existe cependantaucune statue antique quireprésente le guerrier gaulois.

Reconstitution d’une légionromaine par la troupe Légion VIII Augusta.

DE – 57 À – 53 : L’AVANCÉE VERS LE NORD

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Cette bouteille en verrede forme hexagonale a été fabriquée par lesGallo-Romains entre les Ier et IIe siècles de notre ère.

Une mécanique colonisatrice que ChristianGoudineau qualifie de « perverse et impeccable,séduisante et insidieuse », puisque Rome obtientdes édiles gaulois qu’ils se fassent « les repré-sentants volontaires et enthousiastes de sa politi-que ». Rome instaure ainsi en Gaule un pou-voir que nul ou presque ne conteste, « tous ceuxqui le peuvent n’aspirant qu’à en détenir une par-celle », qui confère des droits et des signes exté-rieurs de richesse propres à faire rêver tous ceuxqui en sont exclus. En adhérant à la pax romana,les Gaulois n’ont-ils pas, parfois, le sentiment devendre leur âme au diable ? « Ce pouvoir restelointain, répond notre chercheur. Et, en l’espacede quelques années, toute l’aristocratie gauloise vaparler latin, ne plus faire construire que des monu-ments à la romaine, tandis que toutes les tombes vontse couvrir d’inscriptions latines… »

LA MULTIPLICATION DES VILLESS’appuyer sur les villes – créées parfois ex nihilo,comme Autun chez les Éduens – constitue l’au-tre pilier de la romanisation de la Gaule. Les ter-ritoires des anciens peuples-États, maillés parun réseau routier que le conquérant s’emploieà étendre, sont nantis chacun d’un chef-lieu de cité, une ville principale qui fait office decentre politique, administratif, religieux et éco-nomique et qui accueille toute la panoplie demonuments à la romaine : des lieux d’assem-blée, des temples, des marchés, des installa-tions de spectacle et de plaisir (amphithéâtres,

Si les premières décennies de la domi-nation romaine sont passablementagitées et marquées par l’interven-tion musclée des légions, la Gaule vafinir par tomber tout entière dans la

marmite de la latinité. Ce processus d’accultu-ration ou de romanisation tient à l’habileté poli-tique de ses nouveaux maîtres qui, pragmati-ques, font payer un tribut à un grand nombre decités mais ne fondent aucune colonie, hormischez les Helvètes et en Narbonnaise, le nouveaunom de la Transalpine, et ne remettent pas encause les cadres territoriaux. « Les populationsqui se sentent éduennes, carnutes ou coriosolites nesont pas mélangées avec leurs voisines », expliqueChristian Goudineau, ancien titulaire de la chaired’antiquités nationales au Collège de France, etde ce fait éprouvent moins l’impression d’êtrecolonisées. « De plus, ajoute ce dernier, Romeconfie l’administration du pays aux chefs gaulois quilui sont restés fidèles – ceux qui se sont soulevéscontre l’Empire ayant été exterminés et leurs biensconfisqués – et s’attire leurs bonnes grâces en leuraccordant la citoyenneté romaine, devenir citoyenromain signifiant, entre autres, ne pas payer d’im-pôts, avoir le droit de faire du grand commerce, dese déplacer librement dans l’Empire… » On peutsupposer que le reste de la population devait secontenter de droits réduits, même si aucun textelatin ne fait référence aux Gaulois de plus hum-ble condition et que leurs droits avant la conquêteromaine restent inconnus.

arènes, thermes…), sansoublier les œuvres du géniecivil (ponts, aqueducs…).« L’urbanisme gallo-romainconnaîtra son apogée entre ledernier quart du Ier siècle et le milieu du IIe siècle, selon lesrégions, note Jean-Luc Fiches,du laboratoire Archéologiedes sociétés méditerranéen-nes. Les villes sont en théorieautonomes, sauf pour la politi-que étrangère, la monnaie et lesimpôts. Le génie de Rome vaêtre, outre le fait d’obliger lesnotables gaulois à posséder unemaison en ville, de mettre lescités en concurrence. Chacune,

pour traduire son allégeance à Rome, va chercherà se parer des plus beaux monuments et des équi-pements les plus modernes. Dans les dernières décen-nies du Ier siècle, par exemple, Arles se dote d’unamphithéâtre qui imite le modèle du Colisée. Sa voi-sine, Nîmes, réplique aussitôt en construisant unouvrage du même type et de la même capacité. »

UN ARTISANAT RENOUVELÉPeu inspirés par la pierre et plus habituésjusqu’ici à dresser des édifices à l’ossature en boiset en terre et à la toiture en chaume, en roseauou en bois, les Gaulois découvrent de nouvellestechniques de maçonnerie, comme le mortier dechaux, un mélange pâteux permettant de lierdes pierres de toutes formes et de les appareil-ler en des murs de grande hauteur pouvant rece-voir de lourdes toitures en tuile. « Les techniquesde construction que les Gaulois s’approprient sontadaptées aux ouvrages de grandes dimensions qu’im-pose l’urbanisme romain et leur servent notammentà élever des voûtes très hautes et de très grande por-tée, comme celles que l’on trouvedans les thermes publics, pré-cise Dominique Tardy, del’Institut de recherche sur l’architecture antique1. Dansle domaine du décorarchitectural, à partird’un répertoire importépar le conquérant,

Ce que Rome a vraiment changé

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25L’ENQUÊTE

Aquarelle peinte par Jean-ClaudeGolvin, chercheur à l’Institut derecherche sur l’Antiquité et leMoyen Âge, représentant la citéd’Arles au IVe siècle apr. J.-C.

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vigne en Gaule conquise est omniprésente : enBourgogne, en Aquitaine, en Normandie, dansle Val de Loire, la vallée du Rhône, la région pari-sienne, puis la Moselle. Le breuvage s’exportejusqu’en Inde. L’olivier, pour des raisons cli-matiques, reste cantonné à la côte méditerra-néenne, surtout à l’est du Rhône.

UNE SOCIÉTÉ QUI RESTE RURALESomme toute, la société gallo-romaine demeureessentiellement rurale. Loin d’être archaïque,comme le pensent toujours de nombreuxauteurs, « l’agriculture gallo-romaine est capabled’une grande productivité et, surtout, elle fait preuved’une capacité d’innovation importante dans les

domaines des produits cultivés(nouvelles variétés de blé, accli-

matation de plantes médi-terranéennes), de l’élevage(augmentation de la tailledu cheptel et améliorationde celui-ci avec des racesplus robustes), des outilsnouveaux (mise au pointde la charrue) et des tech-niques agraires améliorées(rotation des cultures etengrais verts) », assure

Pierre Ouzoulias, du labo-ratoire Archéologies et

sciences de l’Antiquité.L’apport des Romains à lamise en valeur des campa-

gnes gauloises? Historiens

moitié du Ier siècle avant notre ère. « L’archéo-logie la plus récente reflète l’image d’une provincede Narbonnaise couverte de vignes durant tout leHaut Empire (du règne d’Auguste au début duIIIe siècle), confirme Jean-Pierre Brun, directeurdu Centre Jean-Bérard, à Naples2. Il semble qu’àcette période le vin soit le moteur principal du déve-loppement agricole de la province. Il paraît vrai-semblable que la majorité des exploitations consa-crent une part variable de leur surface agricole àcette culture génératrice de profits, car portée par unehausse de la demande provoquée par l’augmenta-tion de la population, surtout urbaine, et par la miseen place de réseaux de distribution efficaces. »À l’apogée de la production, au IIe siècle, la

L’ENQUÊTE26

les ateliers de Gaule vont élaborer des compo-sitions originales qu’ils déclinent sur les diversescomposantes des élévations : moulures, frises, cha-piteaux, corniches… » Toujours dans le bâti-ment, des échafaudages, des machines delevage et d’autres pour découper en plaqueblocs de marbre et autres pierres dures font leurapparition sur les chantiers.Les artisans adoptent l’art de la mosaïque, venude Rome. Dans les métiers du bois et de la manu-facture des métaux, de nouveaux outils (scies,rabots, arrache-clous…) et pièces de quincaillerie(crochets pour plafonds suspendus, agrafes en Tpour le maintien des tuyaux de chauffage desthermes…) modifient les habitudes profession-nelles et les produits fabriqués. « La technique duverre soufflé se développe dans des ateliers à Lyon,Amiens, Saintes, Argenton…, puis dans toute laGaule, donnant récipients, urnes, bouteilles et fla-cons, raconte Jean-Paul Guillaumet, du laboratoireArchéologie, terres, histoire, sociétés. Et l’artisa-nat de la céramique subit une véritable révolution.Des grandes officines, destinées surtout au produit leplus recherché, la sigillée (de la vaisselle de tablereconnaissable à sa couleur rouge et à ses décorationsfaites à l’aide de poinçons), se créent en Narbon-naise puis dans la Gaule du Centre et du Nord-Est.Gérées par de riches propriétaires comme de vérita-bles usines, ces fabriques sortent en grand nombre desproduits stéréotypés destinés à inonder le marché del’Empire. Des vases sigillés gallo-romains sont connusjusque dans le sous-continent indien. »

LA CULTURE DU VIN S’INTENSIFIEAprès la conquête césarienne, les plantationsde vignes se multiplient en Gaule. Arles, Nîmes,Orange, Fréjus et Béziers se peuplent de pam-pres. Les crus locaux s’arrachent à Rome. Untriomphe, synonyme d’un commerce intensifqu’illustre l’industrie florissante de la poterie.Plus d’une cinquantaine d’ateliers fabriquentdes amphores en Narbonnaise dans la seconde

Ce bateau sculpté date de220 apr. J.-C. Il a été découvert à Neumagen, un antique villagede Gaule belge où était produiteune grande quantité de vin.

Les fouilles à Sallèles-d’Aude, situé sur leterritoire de l’antique Narbonnaise, ont révéléla présence d’un village de potiers avec des dépotoirs d’amphores gauloises.

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Reconstitution en3D du sanctuairede Mars Mullo(Sarthe) réaliséepar le laboratoireArchéologiesd’Orient et d’Occident et sciences des textes.

sieurs kilomètres, peut-être dans des agglomérationssecondaires, sont installés sur des sanctuaires gau-lois. Ils comprennent une grande cour avec un tem-ple et de longs portiques sur les côtés, commenteVéronique Brouquier-Reddé, du laboratoireArchéologies d’Orient et d’Occident et sciencesdes textes. On y honore des divinités romaines,évidemment, mais les autorités ne font pas obstacleà la vénération de tel ou tel dieu gaulois. »Dans tous les domaines, insensiblement maisirrémédiablement, une civilisation originale estnée. La conquête de la Gaule apparaît commel’une des mieux menées de l’histoire de la colo-nisation romaine. Une acculturation d’autantplus réussie que les sociétés gauloises étaient pro-ches, dans leur développement, du monde latin.Toutes ces populations, dans leurs cités respec-tives, ont eu le sentiment d’appartenir à la mêmeentité politique et d’en partager l’essentiel desvaleurs. Au Ve siècle, Burgondes, Vandales, Ala-mans,Wisigoths et autres Barbares précipite-ront la chute d’un Empire romain fatigué etcelle de la société gallo-romaine. La populationde la Gaule devra cette fois accueillir et intégrerdes peuples venus d’horizons divers.

1. Unité CNRS / Université Aix-Marseille-I / Université Lyon-II / Université de Pau.2. Unité CNRS / École française de Rome.

et archéologues ont longtemps soutenu que laforme la plus connue de l’habitat rural romain,la villa – une grosse exploitation agricole pou-vant faire plusieurs dizaines d’hectares,employant une main-d’œuvre importante etdisposant d’installations de confort : thermes,chauffage par le sol, jardins intérieurs… –, auraitété le vecteur de cette révolution technique et cul-turelle. Or la villa, aux mains de grands pro-priétaires terriens qui monopolisent par ail-leurs le pouvoir dans les villes, n’a jamais été « lemode de production agricole majoritaire dans laGaule romaine, remarque Pierre Ouzoulias. Lesfouilles révèlent que, même dans les terroirs où ellessont bien représentées, comme les grandes plainespicardes, les villae ne constituent jamais plus d’untiers des établissements agricoles. Les campagnes sontsurtout exploitées par des petites fermes, peu diffé-rentes de celles de la période précédente, et par despaysans qui vivent dans des agglomérations ou despetites villes. L’incorporation de la Gaule dans l’Em-pire romain a toutefois donné un tour décisif àl’évolution de ses campagnes en introduisant denouvelles méthodes de gestion de la production, enfavorisant l’accès pour les grands propriétaires àdes marchés de consommateurs beaucoup plusimportants et en offrant des infrastructures de trans-port plus efficaces », sans oublier l’essor démo-graphique des villes, qui a stimulé en retour lademande de produits agricoles.

UNE ACCULTURATION EN DOUCEURMême si la majorité des Gaulois n’a sans doutequ’une vague conscience des changements quis’opèrent, leurs manières de vivre au quoti-dien évoluent peu à peu. Les Romains intro-duisent une autre culture de la table que celledu bouilli et du rôti. Ils apportent tout à la foisl’art du mijotage, de la friture et toutes sortesd’ingrédients : l’huile d’olive, les piments, les

plantes aromatiques, les épices orientales, lessauces et les condiments. Rien que de très logi-que derrière cet hégémonisme culinaire, car quecherche l’aristocrate gaulois? À manger commeon mange à Rome… Idem dans le domaine desnourritures spirituelles : les œuvres littéraireset musicales composées par des Gaulois seconforment aux genres latins et grecs.Les Gallo-Romains fréquentent des milliers depetits temples disséminés dans la campagne etquelques sanctuaires monumentaux, comme àBarzan (Charente-Maritime), à Allonnes (Sarthe)et à Ribemont-sur-Ancre (Somme). « Ces immen-ses complexes religieux construits à la fin du Ier ouau début du IIe siècle de notre ère, soit à l’intérieurou à proximité de chefs-lieux de cité, soit à plu-

L’ENQUÊTE 27

À LIRE> Regard sur la Gaule,Christian Goudineau, ActesSud, coll. « Babel / Essais,documents », 2007.

> Alésia. L’archéologie face à l’imaginaire,Michel Reddé, ÉditionsErrance, coll. « Hauts lieux de l’histoire », 2003.

> La France gallo-romaine,Martial Monteil et LaurenceTranoy, La Découverte, coll. « Archéologies de la France », 2008.

> Voyage en Gaule romaine.Celtes et Gallo-Romains enMoselle et en Sarre, GérardCoulon et Jean-Claude Golvin,Éditions Errance, 2006.

> Nos ancêtres les Gaulois,Jean-Louis Brunaux, Seuil, coll. « L’univershistorique », 2008.

> Comment les Gaulesdevinrent romaines, PierreOuzoulias et Laurence Tranoy(dir.), La Découverte, 2010.

À VOIR> Sur les traces des Celtes(2003, 52 min), réalisé par Marc Jampolsky, produit parGédéon programmes, ArteFrance, CNRS Images Médiahttp://videotheque.cnrs.fr/index.php?urlaction=doc&id_doc=1162

> Une saison à Lattara (1999,36 min), réalisé par François

Tisseyre et Michel Py, produit par CNRS AV.http://videotheque.cnrs.fr/index.php?urlaction=doc&id_doc=871

> L’Histoire en pièces : les Gaulois (1997, 24 min),réalisé par Daniel Cavillon et Katherine Gruel, produit par CNRS AV.http://videotheque.cnrs.fr/index.php?urlaction=doc&id_doc=824

Contact : Véronique Goret(Ventes), CNRS Images –Vidéothèque – Tél. : 01 45 07 59 69 –[email protected]

POUR EN SAVOIR PLUS

CONTACTSÔ Véronique Brouquier-Reddé [email protected]

Ô Jean-Pierre Brun, [email protected]

Ô Jean-Luc Fiches [email protected]

Ô Dominique Tardy, [email protected]

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Un été chargé pourles particules

L’été s’annonce chaud pour les spécialistesde la physique des particules. Fin juillet, à Paris, la grand-messe mondiale de la discipline fera le point sur les grandesexpériences en cours dans le domaine deshautes énergies, avec en invité d’honneurle LHC. Mais le satellite Planck et lesprojets Opera et Edelweiss, dans lesquelsle CNRS est également impliqué, vontaussi faire parler d’eux.

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F in juillet, s’il vous arrivait de vous interrogerà voix haute sur le Big Bang, ne vous atten-dez pas à une intervention érudite d’un voi-sin de plage. Les physiciens des particules

seront tous partis pour leur migration bisannuellevers l’Ichep (International Conference on HighEnergy Physics), dont la version 2010 se tiendra auPalais des congrès de Paris, du 22 au 28 juillet. Ren-dez-vous incontournable de la physique des hautesénergies, l’Ichep réunit 900 participants du mondeentier, dont 400 orateurs. Cela fait vingt-huit ans quela France n’avait pas accueilli la prestigieuse confé-rence, « à laquelle traditionnellement les physicienstravaillant sur les grandes expériences réservent la pri-meur de leurs résultats », souligne Guy Wormser,organisateur de l’événement et directeur de recher-che au CNRS. On devrait notamment en savoir unpeu plus sur les mesures du satellite Planck, mis enorbite en mai 2009 pour mesurer précisément lefond diffus cosmologique, relique du Big Bang,ainsi que sur l’expérimentation franco-italienneOpera, qui étudie l’oscillation des neutrinos1. Maisla star incontestable de l’Ichep sera bien sûr le LHC,l’accélérateur de particules du Cern, qui a redémarréen novembre 20092.Événement à l’intérieur de l’événement, la première“apparition publique” du LHC bénéficiera de confé-rences dédiées à chacune de ses quatre expériences :Atlas, CMS, LHCb et Alice. Même si l’accélérateurdes accélérateurs fonctionne depuis mars dernier àune énergie jamais atteinte avant lui (7 téra-élec-trons-volts), il ne faut pas s’attendre encore à desannonces spectaculaires, sauf surprise de dernièreminute. « On est en phase de montée en puissance »,révèle Yves Sirois, responsable de CMS pour l’IN2P3du CNRS. Comprendre par-là que les physiciens

augmentent de jour en jour le nombre de protonsqui s’entrechoquent dans l’anneau du LHC, puiscomparent les particules produites avec celles obser-vées, dans les mêmes conditions mais seulement au bout de longs mois de labeur, par la générationprécédente d’accélérateurs. « Nous avons déjà détectédes événements de production de bosons Z et W, lesvéhicules de l’interaction faible », s’enthousiasme lechercheur qui détaillera ces données à l’Ichep.Les trois autres équipes du LHC profiteront ellesaussi du congrès pour annoncer que leurs bébésrespectifs se portent à merveilleet ont vu leurs premières particu-les. La présentation de l’équiped’Atlas, le détecteur titanesque de20 000 m3, sera égayée par l’an-nonce d’une petite surprise : lorsde l’étude des premières collisionsdites inélastiques, dans lesquellesune partie de l’énergie cinétiquedes protons est transférée en éner-gie interne, les caractéristiques decertaines particules produites sesont légèrement écartées desprévisions théoriques.Ces premiers résultats sonnentl’envol du LHC. Aujourd’hui, lenombre quotidien de collisionsentre protons produisant des événements intéres-sants est de quelques dizaines par jour. Il devrait pas-ser à 100 000 d’ici à la fin de l’année. Or plus lenombre de collisions sera important, plus les chan-ces d’apercevoir les événements rares que traque leLHC, comme le boson de Higgs ou les particulessupersymétriques, augmenteront. Le LHC risquedonc de vivre une fin d’année haute en couleur,

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1 Le 30 mars, les protons du LHCs’entrechoquaient à une énergiejamais atteinte de 7 TeV. Les jetscolorés de particules montrentl’événement tel qu’il a été vu parle détecteur Alice.

2 et 3 Le satellite Planckcartographie avec une précisioninégalée le rayonnement fossile(l’écharpe en fausse couleur quitraverse la carte du ciel) émis peu de temps après le Big Bang.

4 Vue du détecteur CMS, l’une des quatre expériences duLHC. CMS traque les particulessupersymétriques et le boson de Higgs.

5 L’événement du 30 mars vu par le détecteur LHCb.L’expérience cherche à observer la violation de la symétrie entre matière et antimatière.

6 L’image provient del’expérience Opera, située aulaboratoire souterrain du GranSasso de l’Institut national de physique nucléaire italien. La gerbe jaune est la premièreobservation, quasi certaine, de la transformation d’un neutrino.Celui-ci avait été envoyé à730 kilomètres de là, en Suisse,

par les accélérateurs du Cern. De type muon lors de sonémission, le neutrino s’esttransformé en type tau lors de son voyage.

7 Le centre de contrôle du détecteur LHCb, le 30 mars.>

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d’autant qu’à cette période débutera véritable-ment Alice, une expérience un peu à part qui étu-die non seulement les embrassades de protons,mais aussi celles d’ions lourds de plomb. « En ce quinous concerne, la nouvelle physique commencera à la fin de l’année », s’impatiente Yves Schutz, quidirige Alice pour le CNRS. L’Ichep fera aussi la part belle à une autre expé-rimentation scientifique internationale de physi-que des hautes énergies : le projet Edelweiss.

Niché au cœur du mont Fréjus,au sein du Laboratoire souter-rain de Modane3, Edelweissscrute les particules cosmiques àla recherche d’hypothétiquescomposantes de la matière noire.Le congrès sera l’occasion pourses responsables de lancer lamise en chantier de la troisièmeversion de l’expérience. Dans laversion actuelle, « nous avons bienobservé quelques événements ces der-niers mois, à savoir détecté les par-ticules recherchées, mais en analy-sant finement nos résultats, nousnous sommes rendu compte que lessignaux enregistrés pouvaient pro-

venir d’un bruit de fond résiduel, dû en particulier àdes neutrons à l’origine encore mal comprise », expli-que Stefanos Marnieros, du Centre de spectro-métrie nucléaire et de spectrométrie de masse 4,à Orsay, un des laboratoires impliqués dans l’aven-ture. La nouvelle itération de l’expérience verra sasensibilité décuplée, permettant aux chercheursde s’extraire pour de bon du bruit de fond. Bref,

pour cette expérience également, l’Ichep devraitmarquer un tournant. À noter que les organisa-teurs du congrès n’ont pas oublié le grand public(lire Guide p. 42). Des animations auront lieu dansle cadre de l’opération Paris Plages.Une soiréeouverte à tous aura lieu le 27 juillet à 19 h 30 aucinéma le Grand Rex, à Paris, où des chercheursinitieront les auditeurs aux mystères de l’univers.

Xavier Müller

Ô En savoir plus sur le LHC : http://lhc-france.fr

1. Lire le communiqué de presse du 31 mai 2010 sur l’expérienceOpera : www2.cnrs.fr/presse/communique/1897.htm2. Lire « LHC, naissance d’un géant », Le journal du CNRS,n° 222-223, pp. 6-10, www2.cnrs.fr/presse/journal/3975.htm3. Laboratoire CNRS / CEA. Lire « La caverne aux particules », Le journal du CNRS, n° 239, pp. 6-7,www2.cnrs.fr/journal/4611.htm4. Unité CNRS / Université Paris-XI.

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8 Le centre informatique de LHCb.

9 Le détecteur d’Opera estconstitué d’environ 150 000 unités,appelées briques, chacune d’entre elles équivalant à unappareil photo sophistiqué. Ainsi,les chercheurs peuvent détecter tous les détails des événementsneutrinos par une mesure précisedes particules élémentairesproduites par l’interaction du neutrino avec la brique.

10 Les physiciens de l’expérience Atlas, à l’entrée de leur détecteur de 20 000 m3.

11 L’expérience Edelweiss pisteles particules de matière noiregrâce à dix détecteurs degermanium de 320 grammes.

CONTACTSÔ Élie AslanidesCentre de physique des particules de [email protected]

Ô Daniel FournierLaboratoire de l’accélérateur linéaire, [email protected]

Ô Stefanos MarnierosCentre de spectrométrie nucléaire et de spectrométrie de masse, [email protected]

Ô Yves SchutzCern, [email protected]

Ô Yves SiroisLaboratoire Leprince-Ringuet, [email protected]

Ô Guy WormserLaboratoire de l’accélérateur linéaire, [email protected]

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C ’est très beau », commente AlessandraCarbone en évoquant les liens surpre-nants entre mathématiques, informati-que et biologie sur lesquels elle se concen-

tre depuis plus de dix ans. La mathématicienne de47 ans, directrice de l’unité Génomique des micro-organismes1, à Paris, est une vraie passionnée. À croire que des algorithmes lui coulent dans lesveines. En ce moment, elle fait travailler sa matièregrise pour caractériser mathématiquement l’in-formation génétique codée dans les protéines.Distinguée Femme scientifique de l’année par lejury du prix Irène-Joliot-Curie 2010, la chercheuseitalienne, souriante et volubile, a toujours eu la bou-geotte. Soif de nouvelles problématiques. Besoinde nouveaux environnements. Elle a définitive-ment choisi Paris, à la fin des années 1990, aprèsavoir souvent changé de continent.Son âme de globe-trotter se manifeste dès sonadolescence. « Forte en maths », les équations surlesquelles s’échinent ses camarades lui sont« comme immédiates ». Alors, pour sortir de son uni-vers ronronnant, elle part finir le lycée là où travailleson père, en Angola. « La situation politique y étaitassez tendue… », se souvient-elle. Son esprit aven-tureux un peu rassasié, elle rentre en Italie etenchaîne les diplômes jusqu’à un master en infor-matique et une thèse en logique mathématique.Mais, sur sa terre natale, il n’y a hélas « que peu de place pour la recherche ». Pour poursuivre, il luifaut partir. « J’ai atterri en pleine 42e Rue, à New York,où j’ai achevé un doctorat de mathématiques à la City University », raconte-t-elle. Cet environne-ment « très stimulant intellectuellement » la retientquatre ans et demi, mais les différences de culturelui pèsent. Direction Paris pour un post-doctoraten 1993. Elle n’en bougera plus, en dehors d’uneparenthèse d’un an à Vienne. À cette époque, unvent nouveau a commencé à souffler sur sa dis-cipline. Mathématiciens, timidement, et surtoutinformaticiens ont pris la mesure de ce qu’ilspourraient apporter à la biologie et à ses milliardsde données à traiter. Ces « questions complexes et

nouvelles » aiguisent son appétit. Elle apprendsur le tas, « au contact de collègues biologistes », seplongeant dans « un monde de connaissances ardu car totalement inconnu ».À partir des années 2000, la chercheuse qui vientd’être détachée à l’Institut des hautes études scien-tifiques veut clairement mettre ses algorithmes auservice de la biologie. Quand l’université Pierre-et-Marie-Curie la sollicite en 2003 pour monter uneéquipe à l’interface entre ces deux disciplines enplus de ses activités de professeur au départementd’informatique, elle n’hésite pas. Et, en 2008, ellefonde puis prend la direction de son unité actuelle.« C’était l’occasion de créer un contexte interdiscipli-naire stimulant. C’est important pour les étudiants et les futurs chercheurs », insiste-t-elle. Aujourd’hui,les programmes de son équipe tournent sur desdizaines de milliers d’ordinateurs d’internautesvolontaires pour offrir du temps de calcul dans lecadre d’un projet international de lutte contre ladystrophie musculaire2. Le but ? Mieux connaîtreles protéines impliquées dans cette maladie entestant les millions ou les milliards d’interactionspossibles entre 2200 protéines humaines.Recherche de séquences de microARN3, statisti-ques sur les gènes susceptibles de muter en lienavec le cancer, etc., l’informatique a de quoi faire.« Ce qui est beau, dans cette approche, c’est que nouspouvons analyser d’un point de vue purement mathé-matique des génomes d’organismes pour en déduire

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leur mode de vie, leur métabolisme », s’enthousiasmeAlessandra Carbone. À son actif déjà, un algo-rithme qui permet de caractériser biologique-ment un organisme à partir d’une analyse pure-ment statistique des codons4 : pour une bactérie,il peut s’agir de sa température de proliférationpar exemple. « La plupart des micro-organismes nepeuvent pas être étudiés en laboratoire, rappelle-t-elle,nous offrons donc aux généticiens une façon toute nou-velle d’étudier un immense réservoir de vie encoreinconnu. C’est de la métagénomique. »Pas de doute, la Femme scientifique de l’annéeest heureuse. Quant à cette distinction, juste-ment, la chercheuse, impliquée dans de nom-breuses actions qui soutiennent les femmes ensciences, ne peut que s’en réjouir. « Je la reçoiscomme un encouragement pour les femmes à embras-ser des carrières en mathématiques, en informatiqueet en physique, disciplines qui restent encore tropsouvent le territoire de ces messieurs… », conclut-elle.

Charline Zeitoun

1. Unité CNRS / UPMC (Paris-VI).2. Lire « Les maths s’invitent dans la génétique », Le journal du CNRS, n° 245, p. 21.3. L’ARN est une copie inversée de l’ADN.4. Triplets de nucléotides (A, C, U ou G) de l’ARN messager.

Alessandra Carbone

Les maths dans la peau

Prix Irène-Joliot-Curie 2010

CONTACTÔ Alessandra CarboneGénomique des micro-organismes, [email protected]

RENCONTREAVEC

“Nousanalysons d’unpoint de vuemathématiquedes génomesd’organismespour en déduireleur mode de vie.”

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Avant toute chose, pouvez-vous rappeler ce qu’est la Direction générale déléguée aux ressources? Quelles sont ses missions?Xavier Inglebert : Comme son nom l’indique, laDGD-R s’occupe des ressources du CNRS, tanthumaines que financières. Elle découle directe-ment de la réforme de la gouvernance de l’éta-blissement, fondée par le décret organique du29 octobre 2009. Désormais, le directoire duCNRS est formé du président et de deux directeursgénéraux délégués, l’un à la science et l’autre auxressources. Comme l’efficacité recherchée pourle CNRS passe nécessairement par le croisementdes logiques scientifiques et gestionnaires, laDGD-R se met au service de la science. Tel est d’ail-leurs son premier rôle : le soutien à la science, quirejoint une fonction traditionnelle de secrétariatgénéral. Mais la DGD-R est amenée à jouer deuxautres rôles, tout aussi importants, qui se com-prennent à la lumière du décret du 29 octobre.D’abord, comme la DGD-R est partie prenante dudirectoire du CNRS, elle assiste directement le pré-sident et prolonge son action dirigeante dans sondomaine de compétence administrative et finan-cière. Par exemple, elle peut aider à prendre lesdécisions en matière de ressources humainesafin d’anticiper les départs en retraite, ou encorepréparer les arbitrages sur la gestion du parcimmobilier. Ensuite, en créant les dix instituts, le décret a affirmé le CNRS en tant que réseau.La DGD-R, en relation étroite avec la Directiongénérale déléguée à la science (DGD-S), contribueà l’animation et à la dynamique de ce réseau, etplus particulièrement en ce qui concerne sondomaine de compétence : elle élabore un langagecommun de gestion des ressources et fluidifiele dialogue de gestion.

Pourquoi était-il nécessaire de créer cette nouvelle direction?X. I. : La DGD-R est nécessaire à plus d’un titre.Elle répond directement aux nouvelles orientationsstratégiques du CNRS, exprimées tant dans lecontrat d’objectifs 2009-2013 que dans la lettre de mission de la ministre de la Recherche au pré-sident du CNRS, Alain Fuchs. Ces nouvelles

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À partir du 5 juillet 2010, la Direction générale déléguée aux ressources (DGD-R) du CNRS se réorganise.Xavier Inglebert, son directeur, nous explique les fondements et les objectifs de cette évolution.

INSITU Entretien

STRATÉGIE

Le CNRS mobilise ses ressources

« Dans un contexte de mutation, il vaut mieux être actif qu’attentiste et s’appuyer sur les femmes et leshommes du CNRS. »

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orientations nécessitent une modernisation dela gestion des ressources, en particulier humai-nes. Dans un contexte de mutation, il vaut mieuxêtre actif qu’attentiste et s’appuyer sur les femmeset les hommes du CNRS. Voilà pourquoi il s’agitd’une direction déléguée aux ressources et non auxmoyens : les premières se mobilisent alors que lesseconds se gèrent. Encore faut-il, pour les mobi-liser, en déterminer le niveau par avance, ce quinécessite de renforcer nos capacités d’anticipation.Par ailleurs, il convenait de mettre fin à une cer-taine tendance à l’atomisation des structures et desprocessus, qui ne permet plus une coordinationoptimale de toutes les actions menées et qui nerépond pas aux besoins de l’établissement entant que réseau. À titre d’exemple, l’allocationdes ressources était divisée entre quatre servi-ces ! Il fallait donc réorganiser les chaînes hié-rarchiques selon les compétences pour les rendreplus claires, ainsi qu’identifier avec précision lesprocessus, notamment ceux concernant les comp-tes et l’information financière, le dialogue de ges-tion ainsi que la coordination avec les déléga-tions régionales, les instituts et les laboratoires,en lien étroit avec la DGD-S.

Quels changements dans la structureadministrative du CNRS la DGD-R apporte-t-elle ?X. I. : Désormais, la DGD-R compte cinq direc-tions et une structure transversale (lire l’encadréci-contre). La Direction des comptes et de l’in-formation financière (DCIF) et la Direction dela stratégie financière, de l’immobilier et de lamodernisation de la gestion (DSFIM) sont crééesà partir de la Direction des finances, de l’Agencecomptable, de l’unité Ipam (Indicateurs, pro-grammation, allocation des moyens) et duBureau du pilotage et de la coordination (BPC).D’autres services sont également restructurés.On peut citer la Délégation à l’achat et à l’inno-vation qui, rattachée à la DSFIM, est chargée desmarchés publics et de la mise en place de dis-positifs innovants de gestion, dont certains sontdéjà bien connus, comme la carte achat. Ou

encore la Délégation aux cadres supérieurs, rat-tachée à la Direction des ressources humaines(DRH), qui aura pour tâche de repérer, formeret gérer les cadres et futurs cadres supérieurs duCNRS. Autre changement, la Direction des affai-res juridiques intègre désormais le service chargédes élections ; ce dernier voit son périmètre d’ac-tion étendu à l’organisation des conseils d’ad-ministration. Enfin, l’unité réseau du CNRS(Urec) est rattachée à la Direction des systèmesd’information (DSI).

À propos des systèmes d’information, vousinaugurez une nouvelle manière de piloter les projets informatiques…X. I. : En effet. Aujourd’hui, les compétences infor-matiques sont trop dispersées. Il est décisif pourle CNRS de renforcer la fonction “système d’in-formation” et de clarifier la conduite des projetsqui lui sont relatifs. Ainsi, pour chaque projet, ily aura un et un seul responsable de maîtrise d’ou-vrage dans la direction concernée, un responsa-ble de la maîtrise d’œuvre à la DSI et un chef deprojet, qui opérera leur rapprochement et garan-tira le respect du calendrier. Dans le même temps,le secrétariat du Comité d’évaluation et de coor-dination de l’évolution des systèmes d’informa-tion (Cesi) est rapproché de la DGD-R.

Comment cette nouvelle organisation a-t-elle été mise en place ?X. I. : Nous avons d’abord travaillé avec tous lesdirecteurs fonctionnels à partir de ce qui existaitdéjà. Car il faut bien dire que ce n’est pas unprofond bouleversement : il s’agit de déplacer lespérimètres d’action et de réorganiser certainsprocessus afin d’accroître leur efficacité. Unefois ces nouveaux périmètres définis, nous avonsréuni les cadres de la DGD-R le 18 mai dernierpour un séminaire afin de les associer pleinementà cette nouvelle organisation et d’identifier leséventuelles difficultés que nous aurions à ren-contrer. Finalement, très peu d’agents connaîtrontdes changements dans leur activité. J’ai reçu

ceux-là personnellement pour en discuter aveceux. Cette nouvelle organisation s’appuie surune logique de travail d’équipe, de partage. Ellemarque la fin d’un cycle de réajustements entaméavec la signature du décret du 29 octobre. Dès le5 juillet 2010, nous serons à pied d’œuvre pourles grands chantiers qui nous attendent afin d’af-firmer le CNRS comme figure de proue des évo-lutions de la recherche française.

Propos recueillis par Fabrice Demarthon

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CONTACTÔ Xavier InglebertDirection générale déléguée aux ressources, [email protected]

LA STRUCTURE DE LA DGD-R

La DGD-R s’organise autour de cinq directions et d’unestructure transversale : Ô La Direction des comptes et del’information financière (DCIF), dirigée parBernard Adans, est chargée de la qualité descomptes. Elle doit aussi développer ce qu’onappelle le contrôle interne en comptabilitépublique. En revanche, elle ne prend aucunedécision sur l’allocation des ressources.

Ô La Direction de la stratégie financière, de l’immobilier et de la modernisation de la gestion (DSFIM)1 se charge de traduireen mobilisation des ressources – humaineset financières – la politique scientifique du CNRS. Y sont rattachés les très grandséquipements (TGE) et les très grandesinfrastructures de recherche (TGIR), la valorisation sous ses seuls aspectsbudgétaires, ainsi que la nouvelle délégation à l’achat et à l’innovation.

Ô La Direction des ressources humaines(DRH), dirigée par Christine d’Argouges, gère le personnel du CNRS. Elle intègre lanouvelle délégation aux cadres supérieurs,dirigée par Vincent Mignotte.

Ô La Direction des affaires juridiques (DAJ), dirigée par Danièle Dauvignac,défend les intérêts du CNRS.

Ô La Direction des systèmes d’information(DSI), dirigée par Jean-Marc Voltini, définitet met en œuvre les systèmes d’informationnécessaires à l’activité du CNRS.

La Mission transversale de pilotage et derelations avec les délégations régionales et les instituts (MPR), placée sous la responsabilité de Joëlle Raguideau et composée d’une dizaine de personnes,pilote et assure la coordination des chantiersmenés par la DGD-R entre les directions quila constituent, les 19 délégations régionales,la DGD-S et les instituts.

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1. À l’heure où ces lignes sont écrites, le directeur de la DSFIM n’a pas encore été désigné.

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PIOTR SLONIMSKI

Hommage à l’un des pionniers de la génétique

ÀGif-sur-Yvette, le 8 juillet prochain, le Centre de géné-tique moléculaire (CGM)1

organise un colloque en mémoire del’un de ses anciens directeurs, dis-paru le 25 avril 2009, à l’âge de86 ans : Piotr Slonimski2. Décoré de la Médaille d’or du CNRS en1985, membre de l’Académie dessciences, ce scientifique d’originepolonaise fut l’un des fondateursde la génétique mitochondriale3. Iljoua également un rôle déterminantdans le premier séquençage dugénome complet d’un organismeeucaryote, la levure de boulangerieSaccharomyces cerevisiae. Les travauxde ce pionnier contribuèrent large-ment à l’essor de la génétique molé-culaire dans l’Hexagone pendant la

seconde moitié du XXe siècle, puis audéveloppement de la génomique.Mais l’une de ses grandes fiertés futaussi sa participation à la création dupremier DEA français de génétiquemoléculaire et cellulaire dans lesannées 1960. « Durant plus de trenteans, il a formé un très grand nombrede généticiens, dont la plupart de ceuxqui évoluent aujourd’hui au CNRS,rappelle Geneviève Dujardin, direc-trice de recherche du CNRS au CGMet ancienne collaboratrice de PiotrSlonimski. Et comme moi, beaucoupen gardent un souvenir inoubliable ! »Pour ce colloque hommage, quinzespécialistes de renommée interna-tionale viendront d’Allemagne, d’Au-triche, de Belgique, du Canada, desÉtats-Unis, de France, du Royaume-

Uni et de Pologne faire le point surles thématiques développées parleur ancien confrère, compétiteuret ami. Trois grands domainesseront abordés. Tout d’abord destravaux sur le fonctionnement dela mitochondrie, les maladieshumaines liées à certaines de sesmutations génétiques ou bienencore l’étude de leur ADN pourcomprendre l’évolution. Le deu-xième volet concernera les méca-nismes moléculaires liés à l’ARN,cette molécule issue de la trans-cription de l’ADN et indispensableà la synthèse des protéines. Enfin,plusieurs interventions porterontsur les génomes de levures et debactéries, leur composition et leurévolution au cours du temps. Près

de 200 participants sont attenduspour célébrer cet homme au par-cours professionnel exceptionnel,démarré à l’université clandestine deVarsovie alors qu’il combattait lerégime nazi dans l’armée secrètepolonaise… et qui publiait encorede nouvelles recherches très peu detemps avant sa disparition.

Jean-Philippe Braly1. Unité CNRS / Université Paris-XI. 2. Voir http://genomics.cgm.cnrs-gif.fr/slonimski/3. Les mitochondries fournissent l’énergieaux cellules à noyau caractérisant lesorganismes eucaryotes.

CONTACTÔ Geneviève DujardinCentre de génétique moléculaire,[email protected]

SISMOLOGIE

C inq jours après le séisme demagnitude 8,8 survenu le27 février au Chili, un avion

d’assistance affrété par la France aatterri à Santiago. À son bord figu-rent des géophysiciens. Organiséepar la cellule post-sismique nationalefrançaise de l’Institut national dessciences de l’univers (Insu) duCNRS et coordonnée par le Labo-ratoire international associé (LIA)Montessus de Ballore1, en collabo-ration avec l’IRD, leur mission esturgente : la terre, encore déformée,se réajuste. Au plus vite, des mesu-res s’imposent pour déterminer lescaractéristiques du deuxième plusgrand séisme jamais enregistré auChili, l’ampleur de ses centaines derépliques et ses conséquences enterme de risque sismique.Pour cela, les quinze scientifiquesfrançais2 ont déployé sur 600 kilo-mètres plus d’une tonne d’instru-ments amenés de France par l’aviond’assistance : des GPS, accéléro-mètres et sismomètres, qui captentrespectivement le déplacement du

sol, son accélération et savitesse. Jusqu’en octobre,ils reviendront régulière-ment s’occuper de ceréseau temporaire. Ils ontpar ailleurs évalué, par desobservations, les mouve-ments de terrain et l’im-portance du tsunami post-sismique.S’il n’était pas vraiment unesurprise – un séisme de 8-8,5 était probable « dans lefutur proche », écrivaient en2009 dans la revue Physicsof the Earth and PlanetaryInteriors neuf chercheurs,dont Christophe Vigny, quiparticipe à cette mission –,le séisme soulève des questions cru-ciales sur la durée du choc principal,l’énergie relâchée, la dynamique deglissement des plaques, les méca-nismes des répliques ou encore ladimension de la zone de rupture.Pour percer ces mystères, il faudraexploiter les nombreuses donnéesque commence à livrer cette mission

éprouvante en raison des dommageshumains et matériels très impor-tants. Une archive mise à dispositiondes chercheurs du monde entierregroupera toutes les données sis-mologiques des Français, qui coo-pèrent depuis des années avec leurshomologues chiliens, et des autreséquipes étrangères coordonnées par

CONTACTSÔ Bertand DelouisGéosciences azur, [email protected]

Ô Jean-François MariniBureau du CNRS, Santiago du [email protected]

Ô Christophe VignyLaboratoire de géologie de l’Écolenormale supérieure, [email protected]

Ô Jean-Pierre VilotteInstitut de physique du globe de Paris [email protected]

Une mission spéciale dépêchée au Chili

En rose sur la carte figurent les stations GPS déployées sur 600 kilomètres par leschercheurs français lors de leur intervention post-sismique.

le service sismologique national.« Cette ouverture immédiate des don-nées à l’ensemble de la communautéinternationale est une première pour unséisme de cette importance », souligneJean-Pierre Vilotte, de l’IPGP.

Mathieu Hautemulle

1. Laboratoire CNRS / IPGP / ENS /Université du Chili.2. Ils appartiennent à l’Institut de physiquedu globe de Paris (IPGP), au Laboratoire de géophysique interne et tectonophysique(LGIT), à l’École normale supérieure et à l’Institut de radioprotection et de sûreténucléaire (IRSN).

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INSTRUMENTATION

Un nouvel espion au cœur de la matière

L es physiciens ont tout lieu de se réjouir.Un nouvel instrument va renforcer l’arse-nal scientifique capable d’espionner l’inti-mité de la matière. Le 9 avril dernier, en Ita-

lie, au Laboratoire national de Legnaro, a étéinauguré le démonstrateur Agata (pour Advan-ced Gamma Tracking Array, équipement avancéde suivi du parcours des rayonnements gamma),un spectromètre à rayons gamma de haut vol. Ilest le fruit de sept années de travail et d’une coo-pération européenne associant treize pays, dont sixprincipaux bailleurs (Allemagne, Italie, France,Grande-Bretagne, Suède et Turquie). Côté français,ce sont le CNRS, via l’IN2P3, et le CEA qui sont-chargés du dossier. Une centaine de chercheurset d’ingénieurs de 43 laboratoires européens sontimpliqués dans la fabrication du spectromètre etplus de 350 chercheurs, dans son exploitation.Grâce à Agata, les scientifiques pourront mesu-rer l’énergie des photons gamma émis lors deréactions nucléaires, notamment au cours desréactions qui se produisent quand on bombardede la matière avec des faisceaux d’ions, commeau Grand accélérateur national d’ions lourds deCaen (Ganil)1. Ces tirs nourris permettent d’étu-dier la structure interne des noyaux ou de fabri-quer des noyaux exotiques, qui n’existent pasdans la nature tellementils sont instables. Lachance des scientifiques :ces réactions produisentdes photons gamma,dont les caractéristiques

peuvent révéler la structure des noyaux mis enjeu. D’où la nécessité de disposer d’instrumentsdotés des plus hauts pouvoirs de résolution etde précision comme Agata.« Pour détecter les rayons gamma, nous utilisons unmatériau sensible dont les atomes vont interagir avecles photons, induisant un courant électrique qui

permet de mesurer les énergies mises en jeu, expli-que Faiçal Azaiez, directeur de recherche à l’Ins-titut de physique nucléaire d’Orsay2 et membre ducomité européen de pilotage d’Agata. Le démons-trateur repose sur un matériau de détection unique,des cristaux de germanium ultrapurifiés. Grâce àAgata, nous pourrons localiser chaque photon dans

les trois dimensions de l’espace avec unerésolution de quelques millimètres. Celanous donnera une précision inégalée surla mesure de leur énergie. » Car un pho-ton né des réactions nucléaires dans lacible subit une série de ricochets dansles différents éléments du détecteur.Jusqu’à présent, le germanium, trèsonéreux, était associé à d’autres maté-riaux qui ne permettaient pas de sui-vre correctement ces rebonds, ce quinuisait à la précision des mesures.En l’état, le démonstrateur Agata n’estque le premier élément d’un instru-ment qui sera assemblé, brique parbrique, d’ici 2016. Mais il est déjàadossé à un solide programme derecherche, qui le conduira en Alle-magne, au GSI de Darmstadt, en 2011et en 2012, puis en France, au Ganil,en 2013 et en 2014. Il comportequinze détecteurs, arrangés en cinqgroupes de trois. Une fois achevé,avec 180 détecteurs, l’instrument finalAgata aura la forme d’une sphère quitraquera sans échappatoire possible,ou presque, tout le rayonnement

gamma émis pendant les expériences. « Les finan-cements ont été trouvés pour le premier quart de lasphère de détection, en principe à partir de 2014,précise Faiçal Azaiez. Des discussions sont en courspour la suite. » Au total, Agata devrait coûter45 millions d’euros. Et permettre une moissonde découvertes retentissantes.

Denis Delbecq1. Unité CNRS / CEA.2. Unité CNRS / Université Paris-XI.

CONTACTSÔ Faiçal AzaiezInstitut de physique nucléaire d’[email protected]

Ô Gilbert DucheneInstitut pluridisciplinaire Hubert-Curien(Université Strasbourg-I)[email protected]

INSITU

Le 9 avril dernier, en Italie, le coup d’envoi a été donné pour le démonstrateur Agata, un spectromètre particulièrement sophistiqué. Pour les physiciens, cet instrument à la pointe de la technologie promet d’importantes découvertes sur la structure de la matière.

Treize pays sontimpliqués dans

le lancement duspectromètre Agata,

résultat de septannées de travail.

BRÈVE

Le CNRS ouvre un bureau à RioLe 16 juin dernier, le neuvième bureau du CNRS à l’étranger a été inauguré à Rio de Janeiro, enprésence notamment d’Yves Saint-Geours, ambassadeur de France au Brésil, et de Joël Bertrand,directeur général délégué à la science du CNRS. Il faut dire que le Brésil est le premier partenairede l’organisme en Amérique latine. Ces dernières semaines ont été marquées par d’autresaccords internationaux importants. Tout d’abord, deux nouveaux LIA (Laboratoire internationalassocié) impliquant le CNRS viennent d’être créés : le LIA franco-chinois Mécanique, matériaux,contrôle et science de l’information et le LIA franco-argentin Développement de vecteursneurotropes pour l’étude de la neuroplasticité et de la mémoire. Autre bonne nouvelle, l’Unitémixte internationale entre le Georgia Institute of Technology et le CNRS1 vient d’être renouveléejusqu’en 2013, après quatre ans d’une collaboration déjà fructueuse.

1. Avec l’université de Besançon, Supélec, l’Ensam et l’université de Metz.

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ANNIVERSAIRE

Pari gagné pour le musée du quai Branly

Pouvez-vous nous décrire les grands fondementset les objectifs du musée du quai Branly?Stéphane Martin : Notre musée a pour ambition defaire découvrir au public les arts d’Afrique, d’Océa-nie, d’Asie et des Amériques. Il s’agit d’un éta-blissement culturel totalement novateur, à la foismusée, centre d’enseignement et de recherche etespace à vivre pour le public, avec notamment unsalon de lecture en libre accès, une médiathèque,un théâtre… Il marque une vraie rupture avecl’image désuète des musées d’ethnologie. Tradi-tionnellement, ces derniers reposent sur l’émer-veillement devant les objets inconnus. Or cetémerveillement ne suffit plus dans notre sociétécontemporaine. Le quai Branly propose donc unedouble muséographie : l’une, permanente, centréesur l’histoire des collections, et l’autre, tempo-raire, avec une dizaine d’expositions par an. La placeimportante laissée aux expositions temporaires– la moitié du musée – est primordiale dans notredémarche. Aujourd’hui, il ne peut y avoir de dis-cours absolu sur les cultures. Cela n’a plus desens de montrer le mode de vie des Indiens nava-jos comme s’il était immuable. Les sujets desexpositions temporaires sont élaborés par l’équipedu musée, des chercheurs extérieurs ou par desinstitutions internationales. Ce qui nous permetd’ouvrir nos portes à des commissaires venant detous horizons : anthropologues français et étran-gers, historiens, historiens de l’art, artistes, figu-res bien connues du grand public, tel le footballeurLilian Thuram, qui sera commissaire de l’exposi-tion Exhibitions présentée en 2012.

Le succès est-il au rendez-vous?S. M. : C’est certain. Nous accueillons chaqueannée 1,5 million de visiteurs alors que nous enattendions 800000. Cette fréquentation est sta-ble et, fait assez unique pour un établissement decette envergure, il n’y a pratiquement pas eu debaisse après l’effet d’ouverture en juin 2006.D’autant que nos visiteurs sont fidèles. Près de40 % d’entre eux viennent au moins pour ladeuxième fois. Ils utilisent le musée un peu à lamanière d’une maison de la culture grâce à notre

programmation diversifiée : expositions, concerts,spectacles, conférences, ateliers… Un musée d’eth-nologie traditionnel, sorte de cathédrale dédiée àla discipline, n’est pas un lieu où l’on revient sou-vent : une fois que vous avez vu la collection, vousattendez peut-être des années pour y retourner. Aumusée du quai Branly, la fréquentation se révèleplus quotidienne, plus “sociale”. Car notre musées’inscrit dans ce que j’appelle la filiation Beau-bourg. L’influence d’un établissement comme le

Centre Georges-Pompidou a été très forte sur lafonction sociale du musée en France. On ne peutpas concevoir un grand musée aujourd’hui sansqu’il y ait une conjonction et une fraternisation desarts visuels et du spectacle vivant. Au quai Branly,il se passe toujours quelque chose. Pour le prixd’une entrée, vous pouvez visiter les expositions,assister à une table ronde sur la bande dessinée afri-caine, à une conférence de l’université populaire,écouter un spectacle musical…

INSITU Entretien

Le 23 juin 2006 était inauguré le musée du quai Branly, à Paris. Quatre ans plus tard, son président, Stéphane Martin,qui vient d’être renommé pourcinq ans, dresse un premier bilan de l’établissement et offreun aperçu de son avenir.

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INSITU

pan de notre histoire. À l’opposé, l’Afrique est pré-sentée comme un continent figé dans un tempsethnographique sans relief. Or le matériel pour rela-ter cette histoire de l’Afrique existe. Nous allonsdonc développer cette partie de l’exposition per-manente pour introduire de manière exemplairecette dimension historique. La coopération inter-nationale se renforce également. Nous partici-pons déjà à de nombreux projets de musées àl’étranger dans le cadre desquels nous conseil-lons les équipes locales. Récemment, nous avonsaidé à la création d’un musée dédié à la culturekonso, dans le sud-ouest de l’Éthiopie. Nous avonsaussi un partenariat soutenu avec le Vietnamautour de la création de musées, de la valorisationde collections et de l’organisation d’expositionstemporaires. Parallèlement, nous continuons d’en-richir notre offre au grand public pour proposerplus d’activités, un contact plus fort avec l’actua-lité de la recherche à travers des rencontres avecles scientifiques, afin que soient mis en lumièreles liens, la continuité, entre les peuples disparuset les peuples modernes.

Propos recueillis par Fabrice Demarthon1. Laboratoire CNRS / Collège de France / EHESS Paris.2. Apparue vers 1500 av. J.-C., la civilisation lapita a conquisune grande partie de l’Océanie, des îles Bismarck, à l’ouest,jusqu’aux îles Samoa, à l’est. Elle a laissé de nombreusescéramiques dans toute la région.

Le Centre Georges-Pompidou a aussi inauguré laconnexion directe entre le musée et la recherche.Le quai Branly suit-il aussi cette voie?S. M. : Tout à fait. Chercheurs et étudiants sont pré-sents de manière permanente au sein de notre ins-titution. Il y a d’abord ceux qui viennent étudierla collection. Durant la seconde moitié du XXe siè-cle, l’ethnologie s’est peu à peu détachée des objetspour s’intéresser aux concepts, aux problèmes deperception et de cognition dans les sociétés humai-nes. Résultat : une grande partie des collections eth-nologiques a été mal gérée et est devenue inac-cessible. Le quai Branly leur a donné une nouvellevisibilité. La collection comporte aujourd’hui envi-ron 300000 objets, qui proviennent en majoritédu Musée de l’Homme et du Musée national desarts d’Afrique et d’Océanie. Tous ont été invento-riés, dépoussiérés, photographiés,numérisés et stockés à l’abri.Chercheurs et étudiants peuventles consulter facilement. Nousallons même les rendre encoreplus accessibles avec la mise en ligne d’une muséothèque en2011. Tous les objets seront réper-toriés en ligne et pourront êtreréservés pour une consultationsur place. Notre deuxième lienavec la recherche s’établit à traversles bourses que nous accordonsà des doctorants et à des post-doctorants pour lesaider à mener à bien leur recherche dans des dis-ciplines allant de l’anthropologie à la sociologie enpassant par l’archéologie, l’histoire, l’ethnomusi-cologie… Choisis par un jury, ils sont accueillis pen-dant deux ans par le musée, qui peut, le cas échéant,soutenir leurs travaux de terrain. Enfin, le muséeparticipe avec le CNRS au Groupement de recher-che international (GDRI) Anthropologie et his-toire des arts. Il réunit quinze partenaires inter-nationaux qui s’accordent pour financer des projetsde recherche spécifiques. Les chercheurs se ren-contrent, échangent, croisent les travaux de leurslaboratoires. Un cercle d’excellence en somme.

Les scientifiques participent-ils aux expositions?S. M. : Absolument. Beaucoup d’entre elles ontun lien direct avec la recherche et rencontrent unfort succès médiatique et public. C’est le cas de laFabrique des images, de Philippe Descola, duLaboratoire d’anthropologie sociale (LAS)1, pré-sentée jusqu’au 17 juillet 2011, troisième exposi-tion d’anthropologie qui permet à des personna-lités scientifiques de mettre en scène leurs théoriesauprès du grand public. À la fin de l’année, l’ex-position sur la civilisation lapita fera aussi la partbelle à la recherche. Il y a cinq ans, une équipe descientifiques du CNRS et de l’université nationaleaustralienne a découvert sur l’île d’Efate, auVanuatu, un ensemble extraordinaire de poterieslapitas2. Très beaux, ces objets sont aussi des

traceurs du peuplement polynésien. Il nous sem-blait intéressant d’offrir au public la possibilitéd’en apprendre plus sur cette découverte récenteet assez spectaculaire.

Quel avenir voyez-vous pour le musée?S. M. : Deux sujets me tiennent à cœur : l’histoireet la coopération internationale. L’histoire politiqueet sociale non européenne est trop méconnue enFrance. Par exemple, l’histoire de l’Afrique peut toutà fait être racontée avec les mêmes codes – géné-rateurs de prestige, d’écoute, d’attention – quinous servent à raconter celle de l’Europe. Lorsqu’onrelate la vie de Louis XIV, on évoque ses ministres,ses châteaux, ses maîtresses. Tout cela peut êtreanecdotique mais, qu’on le veuille ou non, cela par-ticipe de la considération que l’on montre à ce

PÉDAGOGIE

Des lycéens mènent l’enquête en AlsaceUne boulangère « blonde comme les blés »a disparu. Il faut la retrouver. Tel est le butd’une pseudo-enquête criminelle proposéeaux élèves alsaciens de terminalescientifique. Une investigation en biologieinitiée par Laurence Drouard et MichelLabouesse, directeurs de recherche au CNRS1, sous l’égide de l’École doctoraledes sciences de la vie et de la santé del’université de Strasbourg. Baptisé OpenLAB,pour Ouverture pédagogique et novatrice deslaboratoires, l’atelier établit une passerelleentre la recherche et le grand public. « Au lycée, les concepts de génétique sontassez abstraits, constate Michel Labouesse.L’idéal, c’est de travailler avec desexpériences concrètes. » Ici, à partir decheveux retrouvés dans une voiture, lesélèves amplifient des segments d’ADN parune réaction de polymérisation en chaînepour découvrir l’identité du coupable. Les apprentis enquêteurs sont épaulés pardes doctorants en biologie qui apportent en classe le matériel pointu et coûteux

nécessaire aux expériences. « Juste aprèsl’atelier, des lycéens ont changé leurs vœux d’orientation afin de se diriger vers la biologie », se félicite Laurence Drouard.L’opération bénéficie du soutien logistique du CNRS et de l’appui de plusieurspartenaires, dont l’université de Strasbourg,la région Alsace, le rectorat, la Ligue contre le cancer et les laboratoires Roche2.L’objectif, désormais, est de pérenniser cette initiative éducative peu fréquente enEurope, de l’élargir éventuellement à d’autresthématiques et qu’elle serve d’exemple au-delà des frontières alsaciennes.

Mathieu Hautemulle 1. Respectivement à l’Institut de biologie moléculaire des plantes (IBMP) (Unité CNRS) et à l’Institut degénétique et de biologie moléculaire et cellulaire (IGBMC) (Unité CNRS / Université Strasbourg-I / Inserm).2. www-ed-sdvs.u-strasbg.fr/openlab/accueil/index.php

Contacts : > Laurence Drouard, IBMP, [email protected]

> Michel Labouesse, IGBMC, [email protected]

« Au quai Branly, pour le prixd’une entrée, vous pouvezvisiter les expositions, assister à une table ronde, écouter un spectacle musical… »

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Où et comment viventles grenouilles ? Rai-nette, crapaud et gre-nouille sont-ils à mettredans le même sac ? Et,question d’importance,que font les grenouilles de leurs journées ?À lire au bord de l’eau quand on a 12 ans.

Alain Dubois et Annemarie Ohler,illustrations Yann Fastier, Le Pommier,coll. « Les minipommes », n° 36,juin 2010, 64 p. – 6 €

GUIDE Livres38

Le journal du CNRS n° 246-247 juillet-août 2010

Proposé par le psychothérapeute Alain Braconnier, cet ouvrage généreux est dédiéau Soi, autrement dit à « cet ange que nous abritons et choquons sans cesse » (JeanCocteau). Pour le défendre de nos propres démons comme des menaces extérieures,nous disposons, disent les spécialistes, de « mécanismes de défense » parmi les-quels les « excellents » comme l’humour, la sublimation, l’anticipation et ceux « en casde gros problèmes » : le déni de la réalité, le passage à l’acte, la projection … Au filde nombreux exemples saisis dans sa pratique quotidienne, l’auteur, qui dénombre vingt-sept de ces « ressorts » plus ou moins endormis en nous-mêmes, explique claire-ment contre quoi et pour quels motifs notre Soi doit nous protéger, comment se déve-

loppent ses ressources, de la naissance à l’âge adulte et comment permettre à nos enfants de les utiliser« afin qu’ils soient aussi capables d’aimer, d’aider les autres et de réussir leur vie ».

Alain Braconnier, Odile Jacob, avril 2010, 304 p. – 21 €

La Vie des grenouilles

Cette somme critique passionnante,dont le titre français évoque la pre-mière phrase de l’Évangile de saintJean, montre que notre mondialisa-tion, que l’on croit récente, existerait“de toute éternité”. Pouvez-vous endonner rapidement la genèse?La mondialisation a la même origineque l’humanité. Elle a démarré il y a50 000 ans au moins, quand Homosapiens a quitté l’Afrique pour se diri-ger vers le nord, avec pour motivationd’aller ailleurs vivre mieux, sinon survivre. C’est la même motivationqui pousse des milliards de gensaujourd’hui à voyager, communiqueret à utiliser les produits d’ailleurs. Àtravers mes recherches, j’ai constatéqu’il existait quatre motivations prin-cipales derrière la création de notremonde hyperconnecté : celle descommerçants qui quittaient leurslieux de naissance pour échangerdes produits et en gagner des béné-fices, celle des prêcheurs voyageant

très loin pour convertir d’autres mon-des, celle des aventuriers voulantdécouvrir de nouveaux territoires et richesses et celle des guerriers àla conquête de nouvelles terres etde nouveaux sujets. Ma définition de la mondialisationdiffère donc de celle de la Banquemondiale, qui avance des termespurement économiques, car il estévident que les connexions crééespar ces quatre acteurs ont produit lavie sociale et culturelle d’aujourd’huiet pas seulement le commerce.Cependant, ces quatre catégoriesne se sont pas figées. Les nouveauxmarchands ne voyagent plus à dosde chameaux, ils exportent des mar-chandises par containers. Green-peace ou Amnesty International sontdes exemples de prêcheurs actuels.Les explorateurs Marco Polo et IbnBattuta se sont transformés en mil-lions de touristes et d’émigrés quitraversent le monde en créant de

nouvelles connexions. Quant auxcampagnes impériales du passé,elles ont cédé la place à des cam-pagnes semblables à l’invasion del’Irak ou de l’Afghanistan et aux ter-roristes qui attaquent le World TradeCenter, conflits qui ont encore plusconnecté entre eux des habitantsdes quatre coins du monde : quandGeorge Bush se préparait à atta-quer l’Irak, il y a eu le même jourdes manifestations contre la guerrepar six à dix millions de gens danssoixante pays!

Une telle densification de l’inter-connexion entraîne-t-elle autant de bénéfices que de préjudices?Oui, car aujourd’hui on vit mieux, onmeurt moins d’épidémies, et la moi-tié de la population mondiale peutcommuniquer. Mais l’extrême proxi-mité des hommes dans le temps etl’espace provoque des problèmes.La recherche du profit a augmenté lavélocité des transmissions en mêmetemps que la visibilité en temps réeldes problèmes engendrés. Des mil-liers de Sénégalais séduits parl’image de l’Occident sur leursécrans s’élancent dans des bateauxpour les Canaries – le mot d’ordre

dans lesbidonvilles deDakar est « Barça ouBarsax ! » (« Barcelone ou lamort ! »). Par ailleurs, alors que la prospérité du monde occidentalest plus visible que jamais, les bar-rières qui opposent entre eux lesnouveaux aventuriers-émigrantsaugmentent, créant germes de ten-sions et conflits nouveaux.

Votre dernier chapitre s’intitule « Cequi nous attend ». Quel est le dangeraujourd’hui?La mondialisation existe et ne peutêtre renversée parce qu’elle estengendrée par le désir et les crain-tes de millions de gens. Mais l’in-formation qui nous entoure et nousrelie va plus vite que le corpshumain et certainement que le corpsdes sociétés : le grand danger est deperdre le contrôle. Il est donc capi-tal que nous travaillions ensemble,en restant attentifs à l’excès de sou-veraineté de certains États, parceque, cette fois, nous sommes tousliés – et en temps réel !

Propos recueillis par A. L.

Nayan Chanda est rédacteur en chef de YaleGlobal Online et directeur des publications du Yale Center for The Study of Globalization.

3 questions à…

Nayan Chanda, CNRS Éditions, coll. « Réseau Asie »,mai 2010, 446 p. – 25 €

Nayan ChandaAu commencement était la mondialisationLa grande saga des aventuriers, missionnaires, soldats et marchands

Protéger son Soi pour vivre pleinement

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GUIDE 39

Le journal du CNRS n° 246-247 juillet-août 2010

Face à un environnement saccagédepuis une centaine d’années, la“restauration écologique” donneaujourd’hui à l’homme l’opportunitéde “réparer” les écosystèmesendommagés ou détruits. Plaidantpour une conception globale decette restauration associant désor-mais valeurs et besoins humains,les auteurs explicitent les principesqui régissent sa pratique, les valeursqui sous-tendent les projets et lastructure d’une nouvelle profession.Des visites de terrain virtuelles com-plètent chaque chapitre donnantdes exemples d’écosystèmes res-taurés dans le monde.

Andre F. Clewell et James Aronson (dir.),traduit de l’anglais parChristiane Randriamampiononaet Christelle Fontaine, ActesSud, mai 2010, 340 p. – 28 €

Comment certains de nos comportements et habitudesque nous détestons perdurent, et d’autres que nousaimerions voir émerger restent à l’état d’aspirations?Prolongeant l’application des (nombreux) concepts dela théorie de l’évolution – qui, dans la première éditionde L’Origine des espèces figurait sous la dénomina-tion « descendance avec modification » –, Jean-Louis Monestès décrit ici enquoi les mécanismes de la sélection sont impliqués dans notre vie quotidienneet comment leur compréhension et leur utilisation peuvent nous permettre de« progresser, gommer nos mauvaises habitudes et en acquérir d’autres plusen accord avec ce que nous souhaitons faire de notre vie ». Le mot d’ordre,ici, est : « Changez! » Avec des « bémols » – d’où les « clés » pour acquérircette attitude. Un aller-retour plein d’humour entre le collectif et l’individuel.

Changer grâce à DarwinLa théorie de votre évolutionJean-Louis Monestès, Odile Jacob,mai 2010, 238 p. – 22 €

ET AUSSIL’ÉCOSOCIÉTÉ. UNE SOCIÉTÉ PLUS RESPONSABLE EST-ELLE POSSIBLE ?Gabriel Wackermann (dir.), Ellipses, coll. « Carrefours »,mai 2010, 624 p. – 38 €

PHILOSOPHIE DE L’ENVIRONNEMENT ET MILIEUX URBAINSThierry Paquot et Chris Younès (dir.), préface d’Isabelle Laudier,La Découverte, coll. « Armillaire », juin 2010, 192 p. – 17 €

ÉVÉNEMENTS CLIMATIQUES EXTRÊMES RÉDUIRE LES VULNÉRABILITÉS DES SYSTÈMES ÉCOLOGIQUES ET SOCIAUXHenri Décamps (dir.), EDP Sciences,coll. « Académie des sciences »,juin 2010, 194 p. – 28 €

Un géographe spécialiste de l’évolution des milieuxnaturels arides et semi-arides, où le vent souffle toutparticulièrement, signe ici un ouvrage original – le pre-mier – sur les « espaces » du vent. Il y explique lesmécanismes qui régissent les vents successivement

dans les espaces atmosphériques, maritimes et littoraux ainsi que continen-taux et dans le rapport entretenu par l’homme avec ces « souffles » (luttecontre l’ensablement, construction de fermes éoliennes, aérodynamismes,plaisance…) et esquisse, en conclusion, les modifications éventuelles des cli-mats et des régimes des vents liés au réchauffement climatique. Un ouvragescientifique qui évoque, dans ce travail du vent, les chefs-d’œuvre de la litté-rature mondiale, de L’Odyssée à Okusai.

Jean Riser, Éditions Quæ, coll. « Synthèses »,juin 2010, 255 p. – 32 €

En élaborant ces « Trichologiques » (de trix, trichos, le “poil” en grec ancien),Christian Bromberger, qui fait là référence aux Mythologiques de Lévi-Strauss,met en évidence toute la capacité de la pilosité humaine à signifier, capacitéd’autant plus grande aujourd’hui que la lutte contre le froid, hantise des pre-miers hommes, ne passe plus par elle. Le poil est donc, en toute liberté créa-trice, coupé, rasé, teint, peigné, frisé, tonsuré,“abandonné”, crémé, tordu, martyrisé, orné,caché… Au terme d’un tour du monde qui va décoif-fer nos préjugés simplificateurs, on constate quecette dérisoire petitesse du poil parvient à exprimerbien des manières de voir les choses, avec un leit-motiv sous-jacent au plaisir de la manipulation par-fois très compliquée de cette pilosité : la frayeurqu’elle renvoie à une animalité humaine originelle…

Christian Bromberger, Bayard, mai 2010, 256 p. – 22 €

TrichologiquesUne anthropologie des cheveux et des poils

La Restauration écologique

Les poissons vont-ils mourir de faim (et nous avec) ?

Chaque année, plus de 105 millions de tonnes de poissons sont reti-rées des océans par les pêcheries artisanales et industrielles. Deplus, parmi les grands régulateurs du climat de notre planète, la“pompe” biologique de carbone aspire dans les profondeurs mari-nes près de 10 milliards de tonnes de carbone, qui sont ainsi isoléesde l’atmosphère pour plusieurs centaines, voire milliers, d’années.Comment acidification, pollution et surpêche se combinent-elles ?Peuvent-elles modifier radicalement ces extraordinaires ecosystemservices rendus par les océans ?

Laurent Bopp, Le Pommier, coll. « Les petites pommes du savoir », n° 121, mai 2010, 64 p. – 4,60 €

Les Espaces du vent

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GUIDE Livres40

Le journal du CNRS n° 246-247 juillet-août 2010

TRADUCTION ET MONDIALISATION,VOL. IIHermès, n° 56, CNRS Éditions, coll.« Cognition, communication, politique »,mai 2010, 225 p. – 25 €

LES NANOTECHNOLOGIES PEUVENT-ELLES CONTRIBUER À TRAITER DES MALADIES SÉVÈRES?Patrick Couvreur, Collège de France /Fayard, coll. « Leçons inaugurales du Collège de France », n° 211, mai 2010,41 p. – 10 €

BELLEVILLE, QUARTIER POPULAIRE ?Agnès Deboulet et Roselyne de Villanova(dir.), Créaphis, coll. « Lieux habités »,juin 2010, 220 p. – 20 €

JEAN DE L’OURS, GARGANTUA ET LE DÉNICHEUR D’OISEAUXBernard Sergent, Arma Artis, coll. « L’ordes origines », mai 2010, 524 p. – 60 €

CULTURE D’EN HAUT, CULTURE D’ENBAS. L’ÉMERGENCE DES HIÉRARCHIESCULTURELLES AUX ÉTATS-UNISLawrence W. Levine, préface de RogerChartier, La Découverte, coll. « Textes à l’appui / Laboratoire des sciencessociales », mai 2010, 336 p. – 26 €

LOUIS SAGUER. ŒUVRES ET JOURSTextes réunis par Bruno Schweyer avecla collaboration de Laurent Feneyrou,préface de Konrad Boehmer,Basalte / Fondation Salabert / Sacem,coll. « Documents », mai 2010, 342 p. – 19 €

JÉRÔME FRASCATOR. LA SYPHILISTexte bilingue établi, traduit et annoté par Jacqueline Vons, Danièle Gourevitchet Concetta Pennuto, Les Belles Lettres,coll. « Les classiques de l’humanisme »,juin 2010, 260 p. – 35 €

KRACAUER, LE CHIFFONNIERMÉLANCOLIQUEOlivier Agard, CNRS Éditions, mai 2010,391 p. – 28 €

MELTING SHOPS. UNE HISTOIRE DES COMMERÇANTS ÉTRANGERS EN FRANCEClaire Zalc, Perrin, coll. « Pour l’histoire »,mai 2010, 336 p. – 25 €

GRANDS HOMMES VUS D’EN BASJulien Bonhomme et Nicolas Jaoul (dir.),musée du quai Branly, Gradhiva. Revued’anthropologie et d’histoire des arts,n° 11, juin 2010, 240 p. – 20 €

Retrouvez les publications de CNRS Éditionssur le site : www.cnrseditions.fr

AUTRES PARUTIONS

La photonique, parmi d’autres approches, permettrait à terme de rempla-cer l’électronique dans le traitement et la propagation de l’information. Labrique de base est le cristal photonique qu’on ne sait encore pratiquementpas élaborer à grande échelle. Or de telles structures cristallines sontextrêmement répandues dans le monde du vivant, par exemple sur les ailesde certains papillons. Physicien à l’Institut des nanosciences de Paris,Serge Berthier propose cet ouvrage sur les propriétés photoniques desailes d’un genre emblématique de papillons, les Morphos amazoniens,choisis parmi d’autres groupes animaux (poissons, reptiles, oiseaux…)pour la grande diversité de leurs structures et leur singulière iridescence,c’est-à-dire leur capacité à sembler changer d’aspect selon l’angle de vueou d’éclairage. Au-delà de la recherche d’éventuels transferts industriels,cet ouvrage magnifiquement illustré est un plaidoyer pour la sauvegarde de la « réserve de solutions »que nous offre la nature, à condition d’éviter l’extinction des espèces qui les détiennent.

Photonique des MorphosSerge Berthier, Springer, mai 2010, 248 p. – 110 €

Les dispositifs de mesure des audiences de la radio et de la télé-vision sont devenus indispensables pour l’économie et la pro-grammation des médias. Depuis leur apparition fin 1940, leurhistoire est controversée : les médias les utilisent en les crai-gnant, leurs résultats, supposés confidentiels, font l’objet de fui-tes dans les journaux, le pouvoir politique y trouve son grain,certains publics dénoncent leur tyrannie… Pourtant, aucun tra-vail n’avait été mené sur l’audimat. Cetouvrage éclaire les mécanismes de cesinstruments montrant comment, par lafixation de règles conventionnelles maisplausibles, ils ont réussi à concilier desdéfinitions divergentes du public et fontplus qu’orienter la programmation desstations et des chaînes.

Quantifier le publicHistoire des mesures d’audience de la radio et de la télévisionCécile Méadel, Economica, coll. « Médias et publicité »,mai 2010, 283 p. – 24 €

Béatrice Picon-Vallinet Richard Soudée(dir.), L’Âge d’homme,coll. « th XX »,avril 2010,280 p. – 29 €

Premier d’une série ambitieuse sur les technologies de l’esprit, ce livre alerte son lecteursur les pratiques actuelles d’automatisation de l’être humain et notamment du « cortexqui recevra bientôt des implants mnémoniques ». Philosophe et anthropologue, ChristineBergé considère ici la mémoire non pas comme quelque chose d’inné et de naturel mais comme un acquis, le produit d’une “technologie” dont les modèles se transforment

au cours de l’histoire en une évolution plutôt inquiétante, de l’âge d’or des arts de la mémoire chez les Grecs(perceptible encore à l’époque médiévale et jusqu’à Descartes) aux recherches actuelles sur l’intelligence artificielle et la génétique. L’auteur met ainsi en évidence le péril actuel « d’autant plus grand que se développe le modèle d’une mémoire composée de modules semblables à ceux de l’ordinateur, dissolvant le sujet en une série de processus automatiques ».

Christine Bergé, La Découverte, coll. « Les empêcheurs de penser en rond »,mai 2010, 272 p. – 19 €

Acteur et metteur enscène turc, Mehmet Ulu-soy (1942-2005), a fondéen France le Théâtre de

la liberté et sa troupe a créé des “spectacles-montagnes”, poétiques et politiques, combi-nant éléments gestuels, textuels, plastiqueset musicaux. Apôtre du métissage culturel, ila intégré les trésors de Brecht, de Strehler etde Vitez, tout en assimilant ceux du théâtrepopulaire d’Anatolie, projetant ainsi sur lascène une « étrangéisation festive ». Étudeset témoignages sur une « œuvre joyeuse ».

Mehmet UlusoyUn théâtre interculturel

L’Odyssée de la mémoire

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GUIDE 41

Le journal du CNRS n° 246-247 juillet-août 2010

EXPOSITIONS

L’émission du premier flash laser, en 1960, a marqué une réelle rupture dans le domainede l’optique. Pour la première fois, on disposait d’une lumière concentrée et ordonnée qui ne ressemblait à aucune autre. Depuis, chaque année, les chercheurs explorent denouvelles manières d’ordonner la lumière dans l’espace, le temps ou la couleur et déve-

loppent de nouvelles utilisations pourla lumière laser. Téléphonie, Internetpar fibre optique, chirurgie de l’œil,découpes de matériaux, mesures dedistance, lecture de codes-barres…Les lasers ont envahi notre quotidien.Réalisée par le CNRS en partenariatavec le Conservatoire national desarts et métiers, cette exposition vouspropose de découvrir comment, cin-quante ans après son invention, lalumière laser est devenue incontour-nable pour mesurer, analyser, agir surla matière et communiquer.

Le laser à tout faireJusqu’au 28 novembre 2010, Musée des arts et métiers, Paris (IIIe). Entrée gratuitesur présentation de la carte CNRS.Tél. : 01 53 01 82 00 – www.arts-et-metiers.net

Véritables tableaux de tissu,les molas ont consacré dansle monde entier les femmeskunas, peuple amérindien duPanama, comme des artistesexceptionnelles. Ces femmesse peignaient le corps jusqu’auXIXe siècle quand des Occi-dentaux voulurent leur impo-ser leur mode vestimentaire.En réaction, elles ont créé les molas, faites de plusieurscouches d’étoffes de couleur différente et dont les motifs,parfois pleins d’humour, évoquent la nature, la vie quoti-dienne, les mythes… Cette exposition, élaborée par MichelPerrin, ethnologue au CNRS et membre du Laboratoired’anthropologie sociale (CNRS / Collège de France /EHESS), permet de découvrir quelque 200 magnifiquesmolas ainsi que d’autres objets de la culture kuna.

Tableaux kunasLes molas, un art d’AmériqueJusqu’au 18 octobre 2010, Palais de l’Europe,Menton (06).Tél. : 04 92 41 76 66 – www.menton.fr

1000 & 1 COULEURSJusqu’au 5 septembre 2010, Le Vaisseau,Strasbourg (67). Tél. : 03 88 44 65 65 –www.levaisseau.com Les couleurs dévoilent leurs secrets tout au longde cette exposition parsemée d’expériencesludiques telles que la “machine à splash”. Desfleurs aux couleurs de l’arc-en-ciel, des tomatesnoires et des laitues rouges attendent égalementle visiteur (à partir de 3 ans) tout comme denombreux tests amusants. Dont celui de l’effetstroop, qui décrit le trouble que l’on peut ressentirlorsque l’on voit le mot rouge écrit en vert…

ET AUSSIJusqu’au 23 janvier 2011, Palais de la découverte, Paris (VIIIe).Tél. : 01 56 43 20 20 – www.palais-decouverte.fr

C’est une manière originale de découvrir la biodiversité : grâce à despasserelles, vous pouvez marcher sur la canopée, l’étage supérieurde la forêt. Outre ce parcours aérien, une exposition, des ateliers, desconférences et une installation artistique, à quelques kilomètres delà, au couvent des Cordeliers, sont également à l’affiche de l’été.

Jusqu’au 2 septembre 2010, Observatoire de Haute-Provence,Saint-Michel-l’Observatoire (04).Tél. : 04 92 70 64 00 –www.obs-hp.fr

C’est un voyage passionnant en pleine Préhistoire que le Musée d’Aquitaine nousa concocté, avec plus de 2 000 objets – pierres taillées, os travaillés, céramiquesdécorées, objets en métal, sculptures… – issus des découvertes archéologi-ques en Aquitaine de ces vingt dernières années. Cartographies, vidéos, maquet-tes et reconstitution d’un chantier de fouilles sont au programme de cette expo-sition conçue avec la participation de nombreux chercheurs du CNRS. Quantaux enfants, ils pourront observer des pollens au microscope, reproduire desdessins à la manière de l’homme préhistorique et manipuler des moulages de crâne.

Aquitaine préhistoriqueVingt ans de découvertes archéologiquesJusqu’au 2 janvier 2011, Musée d’Aquitaine, Bordeaux (33).Tél. : 05 56 01 51 00 – www.bordeaux.fr

Grâce à ces deux expositions, vous ne verrezplus les espèces aquatiques comme avant. Vouspensiez que la loi du chacun-pour-soi règnedans la nature? Alliances marines va vous sur-prendre. Vous y découvrirez comment la cre-vette se nourrit en nettoyant la peau et les dentsde certains poissons dans des sortes de sta-tions de lavage. Vous comprendrez aussi com-

ment le gobie, un petitpoisson, surveille lesenvirons du terrier entre-tenu par la crevette et dans lequel les deux s’en-ferment la nuit venue. De son côté, l’expositionDrôles de bêtes nous livre de belles photos iné-dites de la vie microscopique et méconnue dubassin d’Arcachon.

Mola figurant un aviateur.

Limace de mer du bassin d’Arcachon.

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Au cœur des forêts provençales Une biodiversité insoupçonnée

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Alliances marines /// Drôles de bêtes

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Cet été, Paris devient la capitale mondiale de la physique des particules.Et le grand public est convié à la fête. À l’occasion de la conférence inter-nationale Ichep 2010 (lire aussi la rubrique Zoom p. 28), l’IN2P3 du CNRS

propose en effet plusieurs anima-tions ouvertes à tous. Dans le cadrede l’opération Paris Plages, les plusjeunes, à partir de 8 ans, sont ainsiinvités aux ateliers animés par LesPetits Débrouillards, du 22 au 27 juil-let, au bassin de la Villette. Tandisque les acteurs-clowns de la com-pagnie Île logique déambulerontpour deviser avec le grand public,voie Georges-Pompidou, le 27. Bou-quet final le soir, à partir de 19h30,avec la Nuit des particules, soiréespéciale Cinémascience au GrandRex (http://nuitdesparticules.fr). Desscientifiques du CNRS et du CEA,avec la présence exceptionnellede la comédienne Irène Jacob, y

dialogueront avec le grand public. La nuit débutera par une conférencesur les particules et sera suivie d’un débat, puis de la projection du filmde science-fiction Sunshine, de Danny Boyle (2007).

MANIFESTATIONS

Les particules sont à la fête!

L’ÉVÉNEMENT

Depuis le 8 juin 2010, Paris (75), Avignon (84),Villeneuve-lez-Avignon (30), etc. – www.meridien-artsciences.net

Croiser les trajectoires scientifiques et artistiques, tel est l’objectif du projet Méridien sciences-arts-société mis en place par Universcience – qui regroupe la Cité des scien-ces et de l’industrie et le Palais de la découverte – et l’Ircam. Prélude à la naissance d’unobservatoire science-arts, le Méridien fédèreune série d’actions – installations, specta-cles, concerts, projections, conférences – oùse télescopent les cultures scientifiques etartistiques, la création et la recherche. Parmielles, on peut citer Binôme, une série de cour-tes pièces nées de rencontres entre cinqscientifiques et cinq auteurs contemporainsqui sera présentée au Festival d’Avignon du 12 au 17 juillet. Ou encore l’installationGrainstick, issue des recherches de l’Ircam,et l’installation Mortuos plango, vivos voco,chef-d’œuvre de l’électroacoustique, quiinvestiront respectivement la Cité des scien-ces et de l’industrie et le Palais de la décou-verte jusqu’au 31 juillet.

Méridien sciences-arts-société

À l’affiche du festival : expositions, ateliers, conférences, observations autélescope et films. Les productions de CNRS Images seront à l’honneuravec la projection des films suivants : > La Carte céleste de Dunhuang (2009, 20 min), de Jérôme Blumberg, > Énigmes de Sirius (2008, 42 min), de Jérôme Blumberg, > Les Télescopes de l’invisible (2008, 24 min), de Marcel Dalaise, > Les Conquistadors du système solaire (2002, 50 min), de Martin Delpierre, > À l’école de l’astrolabe (2008, 52 min), de Naïma Lefkir-Laffitte.

Les 21 et 22 août 2010, Chapelle-aux-Lys (85). Entrée libre –www.astrolys.blogs.fr

2e Festival d’astronomie de Vendée

Pour cette nouvelle édition, le Festival voguera surla route caraïbe. Au programme : cabotage ciné-matographique d’île en île, mais aussi sur le conti-

nent américain, débats et musiques, poésie et résistances, métissages etculte vaudou… Parmi les soixante films présentés, citons Molakana. Cou-dre le monde… (2003, 52 min), un film de Michel Perrin produit par CNRSImages Média (voir aussi sur ce sujet l’exposition Tableaux kunas p. 41).

Du 21 au 28 août 2010, Douarnenez (29).Tél. : 02 98 92 09 21 – www.festival-douarnenez.com

Chasser avec l’homme de Tautavel au pied des Pyré-nées, élever dolmens et menhirs avec les bâtisseursdu Morbihan, plonger à la découverte des épavesenglouties… La collection multimédia « Grands sitesarchéologiques », publiée par le ministère de la Cultureet de la Communication, vous invite à découvrir l’his-toire et la vie des hommes d’autrefois. Une vingtainede minisites, enrichis de photos, de reconstitutions 3Det de cartes, fournissent aux internautes la possibilitéd’appréhender les dernières recherches en archéo-logie menées par les grands spécialistes du domaine,notamment par les équipes du CNRS.

www.grands-sites-archeologiques.culture.fr

EN LIGNE

Grands sites archéologiques

33e Festival de cinémade Douarnenez

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Du 22 au 27 juillet 2010, Paris (75). Entrée libre –www2.cnrs.fr/presse/communique/1917.htm

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Sans défensesUn éléphant, ça trompe énormément… Mais un ptéropode aussi ! Ce mollusquebleuté à la silhouette pachydermique ne mesure en réalité qu’un centimètre. Il nageait dans les eaux de l’océan Indien, au large des îles Maldives, quand il a été pris dans un filet à plancton de la goélette Tara. Et c’est accompagné de trois petits crustacés, deux copépodes (à gauche) et un ostracode (orangé)dans sa coquille, qu’il a été photographié à bord du bateau juste après sa capture en avril 2010. Christian Sardet, chercheur CNRS au laboratoireBiologie du développement1 et coordinateur de l’expédition Tara Océans2,a utilisé pour cela un simple appareil photo numérique équipé d’un objectifmacro. Mais le voilier est aussi équipé de microscopes, de cytomètres et de prototypes développés pour la recherche biomédicale et l’océanographie.Les chercheurs embarqués peuvent ainsi étudier les minuscules organismesqui constituent le plancton dans tous les océans. S.G.1. Unité CNRS / UPMC (Paris-VI). 2. Lire aussi page 4.

ÉTONNANTES IMAGES

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