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Raisonner avec l’ennemi Le Canada peut-il atteindre ses objectifs politiques en Afghanistan sans négocier avec les Talibans? Pierre-Luc Rivard

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Raisonner avec l’ennemi Le Canada peut-il atteindre ses objectifs politiques en Afghanistan sans négocier avec les Talibans? Pierre-Luc Rivard

1

Table des Matières

Introduction ......................................................................................................................... 2

Qu’est-ce que la stratégie? .................................................................................................. 2

Comment doit-on formuler la stratégie? ............................................................................. 4

La guerre asymétrique......................................................................................................... 6

Les objectifs de la mission en Afghanistan......................................................................... 8

La stratégie employée par les Forces canadiennes ........................................................... 13

Les problèmes de la stratégie canadienne en Afghanistan................................................ 14

Conclusion ........................................................................................................................ 17

Bibliographie..................................................................................................................... 19

2

Introduction

Le conflit armé auquel participent les Forces canadiennes en Afghanistan suscite

abondamment de controverse au sein de la population; certains l’appuient tandis que

d’autres le critiquent. Cependant, bien que ces derniers partagent des sentiments

d’animosité à l’égard de la mission militaire, ils se trouvent en désaccord quant aux

raisons qui justifient cette opposition. La nature des arguments varie de la philosophie

jusqu’aux questions techniques. Afin de présenter une analyse proprement structurée et

concise, le texte qui suit traitera principalement du niveau stratégique de la mission

canadienne en Afghanistan. La mire de l’étude ayant été réduite, il sera possible de

formuler une analyse professionnelle et précise, en dépit de la complexité de la situation.

Le texte posera donc la question suivante : Le Canada peut-il atteindre ses objectifs

politiques en Afghanistan sans négocier avec les Talibans?

L’hypothèse de départ suggère que la stratégie canadienne est erronée, puisqu’elle

ne permet pas d’atteindre les objectifs politiques fixés par le gouvernement, en raison de

la réticence des Canadiens d’entreprendre des négociations avec les Talibans. Afin de

confirmer cette présomption, l’analyse sera divisée comme suit : le concept de la

stratégie, comment doit-on formuler la stratégie, la guerre asymétrique, les objectifs de la

mission en Afghanistan, la stratégie employée par les Forces canadiennes et les

problèmes de la stratégie canadienne en Afghanistan.

Qu’est-ce que la stratégie?

Puisque l’objet de la critique du texte se concentre surtout sur l’aspect stratégique

de la mission canadienne en Afghanistan, il s’avère essentiel de préalablement fournir

une analyse du concept de stratégie. Le mot stratégie, bien qu’il soit couramment utilisé

de façon quasi universelle, c’est-à-dire dans pratiquement tous les domaines, son

utilisation sera beaucoup plus précise au sein de ce texte. La signification utilisée dans

cette étude réfère à son rôle dans la conduite de la guerre, l’équivalent de l’expression

grecque strategike episteme.1 Ainsi, la stratégie se retrouve entre deux autres concepts de

la guerre : la politique nationale et la tactique.2

Cette spécification est particulièrement utile, car elle agit comme point de repère

tout au long de l’analyse, afin d’éviter de se perdre dans une perception excessivement

généralisée. Ce faisant, les aspects exclusivement tactiques ne seront pas abordés, tels

que les plans d’attaques, les moyens de se défendre sur le champ de bataille et

l’utilisation des ressources humaines. Par contre, il est important de noter le lien étroit

entre les deux; le rôle de la stratégie est de fournir des lignes directrices afin de les

appliquer au niveau tactique. En conséquence, ce dernier niveau sera brièvement effleuré.

1 Luttwak, Edward N. Strategy: The Logic of War and Peace. Cambridge: Harvard University Press, 1987,

p.239 2 Strachan, Hew. “The Lost Meaning of Strategy”. Survival. Vol. 43, No. 3 (2005), p.36

3

Parallèlement, bien qu’une distinction existe entre la politique et la stratégie, les

deux sont également étroitement liées. La position clausewitzienne sera donc tenue selon

laquelle la stratégie procure une doctrine quant à l’utilisation des opérations militaires

dans le but d’atteindre les objectifs de la guerre, tandis que la guerre est un outil de la

politique, un moyen violent de promouvoir les intérêts nationaux lorsque la diplomatie

échoue.3 Ce raisonnement logique agit en tant que la pierre angulaire de cette étude. La

stratégie devient donc directement subordonnée à la politique et doit fournir une doctrine

afin de diriger les opérations tactiques. Subséquemment, les militaires se trouvent

inévitablement assujettis aux autorités civiles, qui sont à leur tour responsables d’assurer

l’utilisation légitime des forces armées. De ce fait, une politique erronée aurait des

conséquences désastreuses au niveau de la conception de la stratégie, qui nuirait à son

tour aux opérations tactiques.

Plusieurs théoriciens suivirent les traces de Carl Von Clausewitz, permettant de

perfectionner la théorie de la subordination de la stratégie (ou de la guerre) à la politique.

Le Commandant Henri Mordacq réitéra l’importance de maintenir les militaires assujettis

aux autorités civiles afin d’assurer la promotion des objectifs ultimes de la guerre, mais

exprima aussi la responsabilité cruciale des autorités civiles d’indiquer clairement les

objectifs politiques au commandement militaire, évitant par la suite de s’ingérer aux

niveaux stratégique et tactique.4 Certains auteurs se concentrèrent sur la formulation de la

stratégie, plutôt que son implémentation, démontrant ainsi la coopération entre les

dirigeants politiques et les officiers généraux.5 Ce point représente donc l’endroit où

s’entrecroisent les intérêts civils et les compétences militaires; où la politique se

transforme en stratégie. D’autres auteurs illustrèrent les complications associées à une

stratégie qui ne découle que d’objectifs militaires, dans le cas où la guerre n’est pas

utilisée de façon à atteindre les buts politiques; la guerre devient alors une fin en soi-

même, plutôt qu’un simple moyen.6

Edward Mead Earle établit une distinction entre la « grande stratégie », qui

regroupe les intérêts vitaux de l’État en question et les ressources à sa disposition, et la

« petite stratégie », qui désigne uniquement le côté militaire.7 Dans ce texte, les deux

types seront abordés, le premier faisant référence à la formulation de la stratégie, où les

autorités civiles collaborent avec les dirigeants militaires; le second indiquant

l’implémentation de la stratégie, une fonction exclusive des forces armées, mais toutefois

imputable aux autorités civiles.

Un des écrivains militaires les plus reconnus, Sir Basil Liddell Hart, a mis

l’accent sur l’aspect philosophique de la guerre, particulièrement sa nature horrifiante,

rappelant qu’essentiellement, la guerre n’est qu’un état temporaire des relations entre

3 Howard, Michael. Clausewitz: A Very Short Introduction. New York: Oxford University Press, 2002,

p.36; Clausewitz, Carl Von. On War. Trans. Michael Howard and Peter Paret. Princeton : Princeton

University Press, 1989, p.87. 4 Mordacq, Henri. Politique et stratégie dans une démocratie. Paris : Plon, 1912, p.214

5 Murray, Williamson and Mark Grimsley. “Introduction: On Strategy”. The Making of Strategy: Rulers,

States, and War. Ed. Williamson Murray and al. New York: Cambridge, 1994, p.2 6 Coutau-Bégarie, Hervé. Traité de stratégie. 5

e éd. Paris : Economica, 2006, pp.100-102

7 Earle, Edward M. Makers of Modern Strategy. Princeton: Princeton University Press, 1943, p.viii

4

belligérants, qui a comme but d’établir les conditions désirées au retour anticipé de la

paix. Cela dit, la recherche d’une simple victoire militaire pourrait avoir des résultats

néfastes sur l’objectif ultime de la guerre, une fois les combats terminés.8 De ce fait,

malgré que les forces armées doivent vaincre militairement les adversaires, les moyens

utilisés doivent contribuer aux conditions favorables du retour à la paix : la sécurité et la

prospérité.9 En conséquence, la diplomatie s’avère un atout indispensable, autant en

temps de paix qu’en temps de guerre, afin de promouvoir les intérêts nationaux.10

Finalement, Richard K. Betts affirme également la nécessité de maintenir les

forces armées assujetties aux autorités civiles. Il pousse cependant davantage ce concept,

en déclarant que les civils devraient acquérir les compétences militaires fondamentales

afin de mieux coordonner la politique nationale avec la stratégie.11

Cette déclaration ne

suggère aucunement l’ingérence civile dans les affaires militaires, mais promeut plutôt

une formulation adéquate de la stratégie, en vue de garantir l’atteinte des objectifs

politiques. Ce faisant, les responsables pourraient s’assurer que les moyens utilisés

favorisent adéquatement l’atteinte des fins recherchées.

Comment doit-on formuler la stratégie?

Le chapitre précédent démontra la distinction entre la formulation et

l’implémentation de la stratégie. En contraste, celui-ci traite principalement le premier

concept, représentant le lien entre les intérêts nationaux et la doctrine directrice des

opérations militaires. D’abord, il est important de réitérer l’objectif ultime de la « grande

stratégie » : assurer l’atteinte des objectifs politiques en vue de promouvoir les intérêts

nationaux. En dépit de l’implémentation exclusivement militaire de la stratégie, sa

formulation implique indubitablement la participation des dirigeants civils. En réalité, le

mot participation est beaucoup trop faible; les autorités civiles doivent plutôt prendre le

rôle principal dans la direction des discussions. Cette affirmation découle du fait que la

guerre doit servir les intérêts de l’État; sans cette condition, les forces armées pourraient

facilement devenir une nuisance, provoquant un état de guerre perpétuelle.

Évidemment, puisque les dirigeants civils ne détiennent pas les connaissances

opérationnelles et tactiques de leurs homologues militaires, ils dépendent de cette étroite

collaboration afin de formuler la meilleure stratégie possible. Les civils doivent prendre

charge des discussions, puisqu’ils sont directement responsables des objectifs ultimes de

la guerre. Par contre, ils doivent se fier sur l’expertise des officiers généraux, qui se

retrouvent avec la tâche de les conseiller par rapport à la conduite des opérations, tout en

s’abstenant de les défier. En résultat, les autorités civiles sont responsables de fournir des

indications claires par rapport à la politique nationale, sans retenir quelconque

8 Liddell Hart, Basil H. Strategy. 2

nd Rev. Ed. New York: Meridian, 1974, p.353

9 Ibid., p.322

10 Kennedy, Paul. “Grand Strategy in War and Peace: Toward a Broader Definition”. Grand Strategies in

War and Peace Ed. Paul Kennedy. New Haven: Yale University Press, 1991, p.5 11

Betts, Richard K. “Is Strategy an Illusion?”. International Security. Vol. 25, No. 2 (2000), p.49

5

renseignement crucial à la formulation adéquate de la stratégie, sous peine d’engager les

soldats dans une guerre illégitime.

Les rôles des dirigeants ayant été déterminés, sur quels concepts ou principes

repose la stratégie? Quelques théoriciens croient en l’immuabilité de certains principes de

la guerre; Antoine-Henry Jomini était l’un d’eux. Étant un disciple de Napoléon, il

attribua les victoires napoléoniennes aux principes promulgués par l’Empereur français.12

Néanmoins, de nombreux penseurs démentent ces idées qu’ils jugent insensées. Certains

se trouvent à l’autre extrême de la pensée militaire, dénonçant l’inutilité des livres et des

théories dans la formulation d’une stratégie adéquate. Ils croient plutôt en l’apprentissage

par essai et erreur; par l’expérience acquise sur le champ de bataille.13

Une réflexion

approfondie permet de discerner les fautes des deux côtés. Les adeptes des principes

immuables ignorent la réalité de l’évolution des conflits. Ils ferment ainsi les yeux au fait

que les révolutions sociales, politiques et technologiques pèsent considérablement sur

l’évolution de la conduite de la guerre. Il est évident que les éléments permettant

d’obtenir la victoire dans le contexte médiéval n’assurent pas la victoire dans la guerre

nucléaire. Parallèlement, ceux qui refusent d’admettre l’utilité de l’étude des conflits sont

destinés à perdre de nombreuses campagnes. En refusant d’apprendre des guerres

précédentes, ils risquent de tomber dans les mêmes pièges qui auraient autrement pu être

facilement évités.

La vérité se trouve donc entre les deux extrêmes. L’étude de la guerre nous

permet d’apprendre des erreurs effectuées par autrui, afin d’éviter de les répéter. Elle

nous permet donc d’établir des paradigmes généralement utiles. Cependant, ces

paradigmes ne nous garantissent pas la victoire, puisque chaque combat est unique,

signifiant que la panoplie de facteurs pesant sur le déroulement de la guerre change

continuellement. De plus, le simple fait que les principaux acteurs soient des êtres

humains renforce cette affirmation, puisqu’ils sont indépendants, rendant toute prédiction

incertaine. En dépit de l’étude approfondie de la guerre, les résultats varient selon

l’analyste. Par exemple, selon Foch (Français), les principes de la guerre sont :

« économie des forces; liberté d’action; concentration des efforts ». En contraste, les

principes britanniques sont : « choix du but; maintien du but; conservation du moral;

action offensive; concentration des forces; sécurité; économie des efforts; souplesse;

coopération; administration ». De plus, les principes américains sont : « but à atteindre »;

offensive; masse; économie des forces; manœuvre; unité de commandement; sécurité;

surprise; simplicité ».14

Afin de fournir une base théorique à la critique de la mission canadienne en

Afghanistan, le texte sera principalement appuyé sur Clausewitz, puisqu’en dépit de sa

reconnaissance de la particularité de chaque guerre, il établit tout de même des concepts

généraux qui s’avèrent utiles jusqu’à ce jour. Il justifia l’utilité de la théorisation de la

guerre à condition d’admettre, au-delà des facteurs physiques, la présence de facteurs

12

Evans, Michael. The Continental School of Strategy: The Past, Present & Future of Land Power.

Duntroon: Land Warfare Studies Centre, 2004, p.31 13

Lewal, Général. Introduction à la partie positive de la stratégie. Paris : Economica, 2002, p.128 14

Ibid., p.207

6

moraux qui bouleversent le déroulement de la guerre et la rendent pratiquement

imprédictible.15

Ainsi, divers concepts clausewitziens serviront de base pour le raisonnement

logique du texte. D’abord, avant de s’engager dans une guerre, les objectifs ultimes

(politiques) de l’État doivent absolument être clairement déterminés.16

Ensuite, les

victoires tactiques constituent les moyens de promouvoir la stratégie; elles ne doivent pas

être confondues pour des fins en elles-mêmes.17

Troisièmement, les éléments qui

influencent la stratégie sont divisés en cinq types : « moral, physique, mathématique,

géographique et statistique ».18

Finalement, les facteurs moraux sont les plus importants

dans la guerre et sont imprévisibles.19

La guerre asymétrique

Maintenant que nous possédons une compréhension de la stratégie et de sa

formulation, nous pouvons commencer à réduire la mire de l’analyse. Pour ce faire, nous

devons avant tout aborder la notion de guerre asymétrique, qui caractérise la mission des

forces canadiennes en Afghanistan. Premièrement, le qualificatif asymétrique réfère à la

notion de loyauté. Ainsi, les menaces dites asymétriques consistent de celles qui

combattent de façon autre que loyalement.20

Évidemment, cette idée de combat loyal

représente la guerre légitime, telle que nous la connaissons, où un gouvernement étatique,

dont la légitimité est reconnue par la communauté internationale, s’engage dans une

guerre contre un ou plusieurs de ses homologues. Par la suite, la guerre asymétrique se

retrouve lorsqu’un belligérant considérablement plus faible que l’autre emploie des

tactiques innovatrices afin de compenser pour la supériorité technologique et matérielle

de son adversaire.21

Mais nous devons faire la distinction entre dissymétrie et asymétrie, deux

concepts intimement liés. Dans un combat dissymétrique, deux adversaires s’affrontent

où les forces armées de l’un sont clairement supérieures à l’autre, qu’ils combattent

loyalement ou non, à l’aide de tactiques innovatrices ou non. Par ailleurs, la dissymétrie

constitue l’aspect opérationnel ou tactique de la guerre, tandis que l’asymétrie constitue

l’aspect stratégique.22

Conséquemment, dans une guerre asymétrique, le combattant

illégitime aura presque inévitablement recours à des tactiques dissymétriques.

15

Howard, Michael. Loc. Cit., p.35; Clausewitz, Carl Von. Loc. Cit., p.136. 16

Ibid., p.579 17

Ibid., p.143 18

Ibid., p.183; Notre traduction de “moral, physical, mathematical, geographical, and statistical”. 19

Ibid., p.184 20

“1998 Strategic Assessment: Engaging Power for Peace”. Institute for National Strategic Studies. (1998) 21

Tucker, Jonathan B. “Asymmetric Warfare: Like the Young David with His Sling-Shot, Hostile Nations

Armed with Cheap but Effective Weapons Pose an Increasing Threat to the Goliath of U.S. Military

Might”. Forum for Applied Research and Public Policy. Vol. 14 (1999) 22

Baud, Jacques. La guerre asymétrique ou la défaite du vainqueur. Monaco : Éditions du Rocher, 2003,

p.93

7

Parallèlement, une bataille dissymétrique n’invoque pas nécessairement la notion

d’asymétrie.

La formulation de la stratégie doit subséquemment tenir compte de l’aspect

asymétrique de la guerre, en contraste à la guerre symétrique ou conventionnelle. Tel

qu’indiqué précédemment, bien qu’il soit possible d’établir certains paradigmes ou

principes directeurs de la guerre, chaque conflit demeure unique. Les circonstances

changent aux niveaux politique, social, économique, militaire, technologique,

psychologique, moral, etc. Néanmoins, le facteur le plus important à considérer est la

particularité de l’ennemi. Il s’avère absolument essentiel de connaître adéquatement son

ennemi, en vue de cerner ses forces et ses faiblesses, afin de déterminer une stratégie

appropriée.

En conséquence, certains éléments doivent être soulignés lors de la conception de

la stratégie en fonction d’une menace asymétrique. Pour débuter, les combattants

militairement inférieurs ont habituellement une volonté supérieure de combattre. Ils sont

ainsi prêts à se sacrifier pour la cause qu’ils jugent noble.23

Cette réalité est tout

simplement logique : confrontés à un ennemi incontestablement supérieur, les

belligérants illégitimes reconnaissent l’inévitabilité de subir un nombre excessif de

pertes.

Ensuite, dans la guerre asymétrique, l’adversaire possédant une force

conventionnelle est désavantagé par rapport à son ennemi, en raison de la nature du

conflit. Premièrement, les forces inférieures, grâce à leur mobilité, ont l’initiative de

l’attaque, amplifiée par l’inévitable effet de surprise, puisqu’elles doivent éviter un

affrontement frontal et décisif contre leur redoutable opposant. De plus, habituellement,

le danger posé à la puissance supérieure ne consiste pas de perdre la guerre, mais plutôt

d’échouer de remporter la victoire.24

Cette affirmation découle des objectifs politiques de

la guerre; le but ultime n’est pas uniquement de vaincre l’ennemi militairement, mais

plutôt d’atteindre des objectifs fixés en vue de promouvoir les intérêts nationaux. De ce

fait, le belligérant illégitime, avantagé par un atout monumental qui est le temps, peut se

contenter d’escarmouches, tout en exploitant la situation politique.

Clausewitz démontra que lorsque deux opposants disproportionnés s’affrontent, le

meilleur moyen d’obtenir la victoire stratégique ne consiste pas nécessairement de

vaincre l’ennemi au niveau opérationnel, puisque la complexité des enjeux renforce

l’importance des facteurs moraux et psychologiques.25

Même si l’un des belligérants

remporte la victoire militaire, celle-ci n’est pas définitive puisque le perdant n’a qu’à

attendre jusqu’au moment propice à la contre-attaque.26

En résultat, bien que l’utilisation

des forces armées soit un moyen d’atteindre les objectifs stratégiques de la guerre, elle

23

Cassidy, Robert M. Counterinsurgency and the Global War on Terror: Military Culture and Irregular

Warfare. Westport: Praeger Security International, 2006, pp.21-22 24

Ibid., p.22 25

Clausewitz, Carl Von. Loc. Cit., p.96 26

Ibid., p.80

8

doit aller de concert avec les efforts diplomatiques et politiques, sans lesquels le succès

ultime, c’est-à-dire la promotion des intérêts nationaux, serait inatteignable.27

Dans son livre intitulé Small Wars, Charles E. Callwell indique qu’en l’absence

d’objectifs stratégiques conventionnels, tels que la destruction de l’armée d’un chef

d’État ou la capture d’un point géographique décisif, les troupes doivent avoir recours à

des moyens non conventionnels.28

Bien que ceux suggérés par Callwell soient

inappropriés, surtout en fonction des circonstances politiques actuelles, l’idée générale

demeure cruciale : les forces supérieures doivent adapter leur stratégie en fonction de

l’ennemi.

Une deuxième leçon à tirer de Callwell est que, dans les « petites guerres », les

campagnes excessivement prolongées doivent à tout prix être évitées, car l’ennemi

bénéficie du temps pour se mobiliser et infliger des dommages par le biais

d’escarmouches surprises.29

Essentiellement, cette règle signifie que la stratégie doit être

formulée de façon à minimiser la prolongation de la campagne militaire, afin d’exploiter

les avantages des forces armées conventionnelles et d’éviter de laisser l’adversaire

profiter de ses atouts.

Les objectifs de la mission en Afghanistan

Afin de cerner les problèmes de la mission canadienne en Afghanistan, il faut

d’abord comprendre les objectifs politiques qui la guident. Puisque les Forces

canadiennes travaillent au sein d’une coalition, que la mission n’est pas exclusivement

canadienne, mais constitue plutôt un engagement international, il s’avère crucial

d’identifier les rôles et les objectifs des organisations internationales concernées.

En premier lieu, l’Organisation des Nations Unies (ONU) possède des intérêts en

Afghanistan, ayant établi la Mission d’Assistance des Nations Unies en Afghanistan

(MANUA) et ayant autorisé la création de la Force internationale d’assistance à la

sécurité (FIAS). Pour commencer, la MANUA fut créée le 28 mars 2002, par le biais de

la Résolution 1401 du Conseil de Sécurité. Tandis que son mandat originel consistait de

fournir un appui au processus de reconstruction et de réconciliation tel que stipulé dans

l’Accord de Bonn en 2001, son mandat actuel, établi le 23 mars 2006, est plus détaillé.

Les objectifs de la mission sont donc divisés en six éléments principaux :

« Fournir des avis à caractère politique et stratégique concernant le

processus de paix; fournir ses bons offices; aider le Gouvernement

afghan à coordonner et à contrôler la mise en œuvre du Pacte pour

l’Afghanistan; promouvoir les droits de l’homme; fournir une assistance

27

Handel, Michael I. “Who is Afraid of Carl Von Clausewitz?: A Guide to the Perplexed”. Department of

Strategy and Policy, United Naval War College, 6th Ed. (1997)

28 Callwell, Charles E. Small Wars: Their Principles and Practice. 3

rd ed. London: Harrison and Sons,

1906, p.40 29

Ibid., pp.97-99

9

technique; continuer à gérer l’ensemble des activités de secours, de

relèvement, de reconstruction et de développement menées par

l’Organisation des Nations Unies en Afghanistan en coordination avec le

Gouvernement afghan. »30

En addition, les buts de la mission peuvent être divisés en deux piliers : les défis liés au

développement (construction de l’infrastructure sociale) et ceux liés aux affaires

politiques. MANUA se concentre surtout sur les problèmes politiques de l’Afghanistan,

en tentant d’engager les Afghans dans ce processus visant leurs priorités et leurs besoins,

en vue de reconstruire l’infrastructure étatique du pays.31

Il est important de noter que la

Résolution 1746 du Conseil de Sécurité de l’ONU, offrant une extension de MANUA

jusqu’au 23 mars 2008, fit amplement référence aux objectifs du Pacte pour

l’Afghanistan, signifiant la nécessité de les appuyer.32

Ensuite, tel qu’indiqué précédemment, le Conseil de Sécurité des Nations Unies

autorisa, en 2001, la création de la FIAS.33

Depuis le 11 août 2003, l’Organisation du

Traité de l’Atlantic Nord (OTAN) dirige les efforts de cette force armée.34

Logiquement,

les intérêts de l’OTAN sont liés à ceux de l’ONU, mais les deux organisations possèdent

toutefois des perspectives différentes. La mission de la FIAS est d’assister le

gouvernement afghan dans ses efforts de prendre le contrôle de son pays, en établissant

les conditions favorables à la stabilisation et la reconstruction.35

Pour ce faire, les troupes

entreprennent simultanément (ou plutôt conjointement) des opérations de combat et des

efforts de reconstruction.36

En résultat, bien que les intérêts de l’OTAN et de l’ONU

soient similaires à la source, leur interprétation en pratique est quelquefois distincte.

Tandis que l’ONU se concentre surtout sur les objectifs politiques, la perspective de

l’OTAN est beaucoup plus militaire. La combinaison des deux visions donne un aperçu

de la stratégie employée par la communauté internationale en Afghanistan : appuyer le

gouvernement afghan dans la mosaïque de ses efforts de prendre le contrôle du pays, à

l’aide d’assistance en matière de reconstruction et de sécurité.

30

“UNAMA Overview”. United Nations Assistance Mission in Afghanistan. www.unama-

afg.org/about/overview.htm, (19 September 2007); Notre traduction de “providing political and strategic

advice for the peace process; providing good offices; assisting Afghanistan’s government towards

implementation of the Afghanistan Compact; promoting human rights; providing technical assistance; and

continuing to manage all UN humanitarian relief, recovery, reconstruction and development activities in

coordination with the government”. 31

Idem 32

“Security Council Extends Mandate of United Nations Mission in Afghanistan Until 23 March 2008,

Unanimously Adopting Resolution 1746 (2007)”. SC/8977.

www.un.org/News/Press/docs/2007/sc8977.doc.htm, (19 September 2007) 33

“Security Council Authorizes International Security Force for Afghanistan; Welcomes United

Kingdom’s Offer to be Initial Lead Nation”. Press Release SC/7248.

www.un.org/News/Press/docs/2001/sc7248.doc.htm, (19 September 2007) 34

“ISAF History”. North Atlantic Treaty Organisation. http://www.nato.int/isaf/topics/history/index.html,

(6 October 2007) 35

“International Security Assistance Force (ISAF)”. North Atlantic Treaty Organisation.

http://www.nato.int/issues/isaf/index.html, (6 October 2007) 36

“NATO in Afghanistan Press Factsheet”. North Atlantic Treaty Organisation.

www.nato.int/issues/afghanistan/050816-factsheet.htm, (19 September 2007)

10

Bien que l’OTAN reconnaisse la nécessité d’entreprendre des projets de

reconstruction et de développement dans le but de fournir un appui au gouvernement

afghan, elle croit cependant en la nécessité de préalablement établir un environnement

sécuritaire et stable. Pour cette raison, elle met l’accent sur les opérations de combat,

jugées indispensables pour le succès des efforts de reconstruction.37

En dépit de son

orientation principalement militaire, la FIAS détermine sa stratégie en fonction du but

ultime de promouvoir la légitimité et la stabilité du gouvernement afghan, par le biais

d’un processus politique inclusif.38

Maintenant que les intérêts de l’OTAN et de l’ONU sont identifiés, nous pouvons

étudier ceux du gouvernement canadien. Malheureusement, le gouvernement du Canada

n’a jamais formulé une véritable politique vis-à-vis l’Afghanistan, ce qui cause beaucoup

de problèmes quant à la formulation et l’implémentation de la stratégie. Néanmoins, il est

possible de déterminer la direction générale de cette politique grâce aux objectifs émis

par Stephen Harper et ses ministres. D’abord, il semble que le gouvernement canadien

craigne le retour des extrémistes et de l’instabilité en Afghanistan, ce qui représenterait

une menace pour les intérêts nationaux du Canada, c’est-à-dire la sécurité et la prospérité

des Canadiens.39

Le 26 février 2007, lors d’un discours donné à Ottawa devant des membres de la

communauté afghano-canadienne, Stephen Harper se prononça davantage quant aux

objectifs du Canada envers l’Afghanistan. Afin de justifier l’intervention militaire

canadienne en Afghanistan, il affirma qu’en plus de promouvoir les valeurs canadiennes

telles que la liberté, la démocratie, les droits de l’Homme et le règne de la loi, le Canada

assure la sécurité mondiale en empêchant le retour des extrémistes et des terroristes qui

menaceraient le monde entier. Bref, selon lui, l’Afghanistan est en première ligne quant

aux défis de sécurité internationale afin d’éliminer le terrorisme et l’extrémisme.40

Dans

un rapport au parlement de février 2007, le règne des Talibans fut critiqué d’avoir donné

refuge aux terroristes qui perpétrèrent les attentats du 11 septembre 2001, ce qui illustre

la crainte principale du gouvernement canadien; le problème consiste ainsi de la menace

terroriste plutôt que des Talibans. La réponse à cette menace regroupa l’envoi de troupes

armées, l’assistance au développement et les efforts diplomatiques.41

Un rapport à la Chambre des Communes de juin 2007, sur les Forces canadiennes

en Afghanistan, offre une idée de la stratégie employée. Il démontre l’intégration des

efforts civils, gouvernementaux et militaires, dans le but d’atteindre les objectifs fixés.42

37

“Overview of Canada’s Contribution to the International Mission in Afghanistan”. Protecting Canadians

Rebuilding Afghanistan. http://www.canada-afghanistan.gc.ca/, (19 September 2007) 38

Regehr, Ernie. “Afghanistan: From Good Intentions to Sustainable Solutions”. Project Ploughshares.

Briefing, No. 06/5 (2006), p.2 39

“Canada in Afghanistan: Charting a New Course to Complete the Mission”. The Senlis Council: Security

and Development Policy Group. Policy Paper (2007), p.7 40

“Prime Minister Stephen Harper announces additional funding for aid in Afghanistan”. Office of the

Prime Minister. 26 February 2007, http://www.pm.gc.ca/eng/media.asp?id=1555, (27 September 2007) 41

“Canada’s Mission in Afghanistan: Measuring Progress”. Government of Canada. Report to Parliament.

(February 2007) 42

Casson, Rick. “Canadian Forces in Afghanistan”. House of Commons Canada. Report of the Standing

Committee on National Defence. (June 2007), p.15

11

Malgré que cette approche nous offre une idée générale de la stratégie adoptée, elle ne la

définit pas clairement, c’est-à-dire en détail. Un problème persiste : la stratégie du

Canada en Afghanistan ressemble à une rhétorique utopique déterminée d’un point de

vue purement occidental, plutôt qu’un véritable plan d’action établi grâce à une analyse

approfondie des moyens de promouvoir la politique nationale en fonction de la situation

socio-politique en Afghanistan. Toutefois, le Premier ministre affirma plusieurs fois son

appui au Pacte pour l’Afghanistan.43

Ce Pacte indique-t-il distinctement la stratégie

adoptée en fonction d’une politique détaillée et précise?

Dans un rapport pour le Council on Foreign Relations de 2006, Barnett R. Rubin

introduisit le Pacte pour l’Afghanistan en tant qu’un rappel de notre engagement et de nos

responsabilités envers ce pays d’Asie centrale. Il constata ainsi que le conflit interminable

en Irak était la cause principale de cette négligence. Bien que la situation en Afghanistan

ne soit pas aussi chaotique qu’en Irak, elle demeure cependant dangereusement précaire.

Les objectifs déterminés par l’Accord de Bonn s’avèrent toujours inachevés, autant au

niveau politique que sécuritaire.44

Rubin poursuivit avec une liste extensive de problèmes à résoudre en

Afghanistan :

« Une insurrection de plus en plus meurtrière avec des sanctuaires au

Pakistan, où les leaders de Al-Qaïda et des Talibans peuvent se réfugier;

une administration corrompue et inapte dépourvue de ressources, ainsi

qu’un parlement potentiellement dysfonctionnel; des degrés abominables

d’indices de pauvreté, famine, santé, analphabétisme, et d’inégalité des

sexes; des niveaux d’aide humanitaire négligeables en comparaison aux

autres pays en cours de reconstruction à la suite d’un conflit armé; une

économie ainsi qu’une administration considérablement influencées par

les trafiquants de drogues; des entrepôts massifs d’armes en dépit de la

démobilisation des diverses milices; la possibilité du gouvernement

afghan de perdre sa légitimité islamique envers un clergé marginalisé;

des tensions ethniques exacerbées par la compétition pour les ressources

naturelles et le pouvoir; une interférence des états voisins qui s’opposent

à une présence américaine à long terme dans la région; des forces de

sécurité bien entraînées et équipées que le gouvernement serait peut-être

incapable de payer lorsque l’aide financière diminuera dans le futur; des

obligations constitutionnelles qui obligent la tenue d’élections nationales

à une fréquence irréalisable et inabordable; un taux d’échange enflé par

les subventions d’importations à prix modique qui nuit à la croissance

43

“Statement by the Prime Minister on the first anniversary of the Afghanistan Compact”. Office of the

Prime Minister. 31 January 2007. http://www.pm.gc.ca/eng/media.asp?category=3&id=1514, (22

September 2007) 44

Rubin, Barnett R. “Afghanistan’s Uncertain Transition From Turmoil to Normalcy”. Council on Foreign

Relations. Council Special Report, Foreword, No. 12 (March 2006), p.v

12

économique; des générations de diplômés sans-emploi et frustrés en

raison du système éducatif en forte expansion. »45

Le Pacte aurait donc la tâche d’aborder ces problèmes en établissant des objectifs

stratégiques, en vue d’offrir des lignes directrices pour les pays concernés.

Le Pacte pour l’Afghanistan divise les objectifs comme suit : « la sécurité; la

gouvernance, le règne de la loi et les droits de l’Homme; les développements économique

et social ».46

De plus, l’éradication de l’industrie narcotique agit en tant que concept

ubiquitaire dans l’accomplissement des buts préalablement définis.47

Avant de poursuivre

avec une description détaillée des objectifs ci-décrits, un aperçu des principes de

coopération internationale entre l’Afghanistan et les pays concernés mérite une attention

particulière. Certains principes doivent être soulignés, particulièrement importants pour la

critique présentée dans cette étude, en commençant par celui du respect de la culture, les

valeurs et l’histoire pluralistes de l’Afghanistan, fondées sur l’Islam. Le deuxième

principe à souligner assure la promotion de la coopération des régions.48

Ces éléments

seront abordés ultérieurement dans ce texte.

Pour débuter, la sécurité sert à créer un climat favorable à la bonne gouvernance,

le règne de la loi et la justice, en vue de promouvoir le développement et la stabilité en

Afghanistan. La paix doit donc être assurée par le biais du désarmement des groupes

armés illégaux.49

Par la suite, la gouvernance démocratique, le règne de la loi et les droits

de l’Homme servent à résoudre les problèmes liés à la situation politique en Afghanistan,

en encourageant la réforme du système judiciaire, en perfectionnant les institutions

gouvernementales et en promouvant les droits des Afghans.50

Finalement, le progrès

économique et le développement social servent à réduite la pauvreté, la famine, ainsi que

le chômage, à l’aide d’un programme divisé en six piliers : « l’infrastructure et les

ressources naturelles, l’éducation, la santé, l’agriculture et le développement rural, la

45

Ibid., pp.2-3; Notre traduction de “An ever-more deadly insurgency with sanctuaries in neighboring

Pakistan, where leaders of al-Qaeda and the Taliban have found refuge; A corrupt and ineffective

administration without resources and a potentially dysfunctional parliament; Levels of poverty, hunger, ill

health, illiteracy, and gender inequality that put Afghanistan near the bottom of every global ranking;

Levels of aid that have only recently expanded above a fraction of that accorded to other post-conflict

countries; An economy and administration heavily influenced by drug traffickers; Massive arms stocks

despite the demobilization of many militias; A potential denial of the Islamic legitimacy of the Afghan

government by a clergy that feels marginalized; Ethnic tensions exacerbated by competition for resources

and power; Interference by neighboring states, all of which oppose a long-term U.S. presence in the region;

Well-trained and well-equipped security forces that the government may not be able to pay when aid

declines in a few years; Constitutional requirements to hold more national elections (at least six per decade)

than the government may be able to afford or conduct; An exchange rate inflated by aid and drug money

that subsidizes cheap imports and hinders economic growth; and Future generations of unemployed,

frustrated graduates and dropouts from the rapidly expanding school system”. 46

“The Afghanistan Compact”. The London Conference on Afghanistan: Building on Success. London. (31

January-1 February 2006), p.2; Notre traduction de “Security; Governance, Rule of Law and Human

Rights; and Economic and Social Development”. 47

Idem 48

Idem 49

Ibid., p.3 50

Ibid., pp.3-4

13

protection sociale, et la gouvernance économique ainsi que le développement du secteur

privé ».51

Il est important de noter que le Pacte ne mentionne jamais les Talibans.

En résultat, le Pacte pour l’Afghanistan détermine la direction générale des efforts

et définit des objectifs précis, ce qui nous offre des indices de la politique globale à

suivre, mais il n’indique pas de stratégie précise quant à l’emploi des ressources

militaires. Ainsi, en l’absence d’une politique clairement établie du gouvernement

canadien envers l’Afghanistan, sauf celle d’appuyer ce Pacte, les Forces canadiennes se

retrouvent dans une situation embêtante. Elles héritent de la tâche de formuler et

d’implémenter une stratégie en l’absence d’une politique nationale précise.

La stratégie employée par les Forces canadiennes

Avant de définir la stratégie employée par les Forces canadiennes en Afghanistan,

commençons par leur mission globale. Selon un rapport de 2007 sur les plans et les

priorités des forces armées du Canada, leur mission est de « défendre le Canada ainsi que

les valeurs et les intérêts canadiens tout en contribuant à la paix et à la sécurité

internationale ».52

Cet engagement ne représente pas seulement une vague déclaration,

mais constitue la base fondamentale sur laquelle doit reposer la stratégie adoptée. Il est

important de réitérer la subordination de la stratégie à la politique. Concrètement, ce

principe se traduit par l’assujettissement de l’organisation et des opérations des Forces

canadiennes, encadrées par le Ministère de la Défense Nationale, au système politique du

Canada.53

Cette affirmation met de nouveau l’accent sur l’échec du gouvernement

canadien de clairement définir une politique nationale.

En dépit de cette négligence, les Forces canadiennes furent pourtant appelées à

servir en Afghanistan, ce qui nécessite la formulation d’une stratégie. Pour débuter, dans

un rapport du Comité permanent de la Défense nationale sur les Forces canadiennes en

Afghanistan, rédigé en juin 2007, trois facteurs fondamentaux sont soulignés. Le premier

réaffirme que le Canada participe à une mission multilatérale, sous le mandat de l’ONU

et la direction de l’OTAN, afin de démontrer la légitimité de l’intervention. Le deuxième

réitère le principe du développement des capacités de l’Afghanistan, en appuyant les

Afghans tout en leur laissant la responsabilité d’entreprendre les tâches nécessaires à la

résolution des problèmes persistants. Finalement, le troisième, celui qui mérite une

attention particulière, dément les suppositions selon lesquelles les Canadiens participent à

une opération de maintien de la paix; au contraire, les Forces canadiennes affirment avoir

pris parti en faveur du gouvernement afghan à l’encontre des insurgés talibans.54

Cette

51

Ibid., p.4; Notre traduction de “Infrastructure and natural resources; Education; Health; Agriculture and

rural development; Social protection; and Economic governance and private sector development”. 52

“Report on Plans and Priorities, 2007-2008”. Department of National Defence. (2007), p.1; Notre

traduction de “defend Canada and Canadian interests and values while contributing to international peace

and security”. 53

“Relationship to Parliament”. Defence and Parliament.

http://www.forces.gc.ca/admpol/content.asp?id=%7B1246C474-FCDB-4A24-81AD-

26B4AF9D713F%7D, (19 September 2007) 54

Casson, Rick. Loc. Cit., p.14

14

affirmation crée inévitablement un antagonisme entre les Talibans et le gouvernement de

Hamid Karzaï, ce qui élimine la possibilité de réconcilier les deux partis et incite une

résolution militaire, c’est-à-dire l’élimination des indésirables.

Par la suite, non seulement les Talibans sont-ils reconnus en tant que la menace

principale à vaincre, mais ils sont également regroupés dans un ensemble de menaces,

dont le groupe terroriste Al-Qaïda, les nombreux trafiquants de drogue, les fonctionnaires

corrompus et les criminels afghans.55

Le lien entre les Talibans et Al-Qaïda se trouve

constamment accentué, provoquant ainsi l’élimination de la distinction entre les deux,

quoiqu’en vérité, les différences soient monumentales. Les Talibans sont alors identifiés

en tant que la priorité primordiale de la mission; la fondation de la stratégie des Forces

canadiennes en Afghanistan. En d’autres mots, la résolution des problèmes et l’atteinte

des objectifs dépendent directement de l’élimination de ce groupe insurgé, qui représente

une menace militaire réelle.56

Cette idée est renforcée lors de la description de la mission

officielle en Afghanistan, qui remet l’accent sur l’élimination de l’insurrection talibane57

.

Le problème posé par cet élément de la stratégie sera développé dans le prochain

chapitre.

Les autres dangers sont ensuite divisés en deux catégories. D’abord, la corruption,

les seigneurs de guerre et le commerce de l’opium forment la deuxième menace. Celle-ci

ne fait cependant pas l’objet de la critique du texte. Enfin, la troisième menace consiste

de l’impatience des Canadiens quant à l’achèvement de la mission.58

Cette dernière est

intéressante puisqu’elle démontre un problème crucial de la relation entre la population

canadienne et les forces armées. Le fondement d’une démocratie représentative, qui

caractérise le système politique du Canada, consiste de donner le pouvoir aux citoyens

par le biais de représentants élus.59

De ce fait, puisque les Forces canadiennes sont

subordonnées au gouvernement canadien, qui est lui-même (en théorie) assujetti au

peuple, la panoplie des critiques de la population canadienne quant à la mission militaire

en Afghanistan ne devrait pas être perçue comme une menace à la stratégie, mais devrait

plutôt l’influencer.

Les problèmes de la stratégie canadienne en Afghanistan

Le premier problème de la stratégie canadienne en Afghanistan se trouve dans

l’évaluation erronée de la menace talibane. Contrairement à l’assomption grotesque selon

laquelle Al-Qaïda et les Talibans forment un groupe ennemi uniforme, ces deux groupes

sont véritablement distincts à plusieurs égards. Bien que certains de leurs membres

partagent les idées d’Al-Qaïda par rapport au jihad sur le plan mondial, pour la majorité

55

Ibid., p.28 56

Ibid., pp.28-29 57

Ibid., p.41 58

Ibid., pp.33-35 59

« Document de base formant partie intégrante des rapports des états parties ». Patrimoine canadien.

Octobre 1997. http://pch.gc.ca/progs/pdp-hrp/docs/core_f.cfm, (8 octobre 2007); Saurugger, Sabine.

“Representative Versus Participatory Democracy?: France, Europe, and Civil Society”. Institut d’Études

Politiques de Grenoble. (2004), p.6.

15

des Talibans, le combat se limite à l’Afghanistan.60

De ce fait, selon la division des

conflits insurrectionnels en trois types – terrorisme, guérilla et guerre conventionnelle –

les Talibans tombent dans la catégorie « guérilla », contrairement à Al-Qaïda qui

constitue un groupe terroriste.61

Le mot taliban, le pluriel de talib, réfère aux étudiants des écoles islamiques

(madrasas) qui prospérèrent particulièrement lors de l’invasion soviétique de

l’Afghanistan. Revenus du Pakistan pour expulser l’envahisseur, ils participèrent à

plusieurs combats, fournissant certaines des meilleures recrues aux Moudjahidines.62

Cependant, à la suite du retrait des troupes soviétiques de l’Afghanistan, le conflit armé

se transforma en guerre civile puisque les divers groupes moudjahidines combattirent

pour le contrôle du pays. En vue de restituer l’ordre, les Talibans entreprirent une

campagne armée, prenant graduellement le contrôle du pays.63

Le régime islamique

fondamentaliste qu’ils imposèrent était unique en son genre; une interprétation de l’Islam

propre aux Talibans. Bien que ce régime strict – caractérisé par des punitions sévères en

fonction de la sharia – ne plût pas à la totalité des Afghans, ses bénéfices, tel le retour de

l’ordre, gagna la faveur de la majorité d’entre eux.64

En dépit des croyances radicales des Talibans et de l’imposition d’un régime

islamique strict, les pourparlers entre ces derniers et les Occidentaux, principalement les

États-Unis, furent entretenus. Néanmoins, l’hébergement du Saoudien Oussama Ben

Laden causa amplement de problèmes. Les attentats terroristes perpétrés par des membres

d’Al-Qaïda à l’encontre des ambassades américaines à Nairobi et à Dar-es-Salaam

teintèrent les relations diplomatiques. Tandis que les États-Unis revendiquèrent

l’extradition de Ben Laden, les Talibans refusèrent en raison des preuves insatisfaisantes

(selon eux) établissant le lien entre les attentats et Ben Laden. À la suite des contre-

attaques américaines du 20 août 1998, les États-Unis perdirent patience et avertirent les

Talibans qu’une autre attaque terroriste ne serait pas tolérée. En vérité, la patience des

Talibans à l’égard d’Al-Qaïda s’effritait graduellement, mais leurs dirigeants craignaient

une révolte populaire en réponse à l’extradition des terroristes. De plus, les Américains

échouèrent d’accompagner leurs demandes d’offres attrayantes, c’est-à-dire une

compensation en échange à la coopération des Talibans. Les attentas du 11 septembre

précipitèrent les États-Unis dans une hystérie, menant à la l’invasion de l’Afghanistan.65

Revenons aux buts ultimes de la mission canadienne en Afghanistan

précédemment traités dans ce texte. D’abord, le mandat de l’ONU est d’appuyer le

gouvernement afghan dans sa prise du contrôle légitime du pays. De plus, le Pacte pour

60

“Countering the Insurgency in Afghanistan: Losing Friends and Making Enemies”. Senlis Afghanistan.

(February 2007), p.ii 61

O’Neill, Bard E. Insurgency & Terrorism: Inside Modern Revolutionary Warfare. New York: Brassey’s,

1990, pp.24-27 62

Magnus, Ralph M. and Eden Naby. Afghanistan: Mullah, Marx, and Mujahid. Colorado: Westview

Press, 2002, p.179 63

“Country Profile 2006: Afghanistan”. The Economist Intelligence Unit. (2006), pp.5-6 64

Rashid, Ahmed. Taliban: Militant Islam, Oil and Fundamentalism in Central Asia. New Haven: Yale

University Press, 2000, pp.82-94 65

Kleiner, Juergen. “Diplomacy with Fundamentalists: The United States and the Taliban”. The Hague

Journal of Diplomacy. Vol. 1, No. 3 (2006), pp.210-229

16

l’Afghanistan encourage le respect de la culture, les valeurs, et l’histoire pluralistes de

l’Afghanistan, fondées sur l’Islam, et assure la promotion de la coopération des régions.

Cela dit, étant donné les circonstances, que les Talibans constituent un groupe guérilla

important et qu’ils détiennent un appui populaire considérable (surtout pashtoune), ils

devraient être invités à participer aux efforts de reconstruction de l’Afghanistan, plutôt

que d’être marginalisés.66

Tel qu’indiqué ci-dessus, dans la guerre asymétrique, la

stratégie doit être adaptée en fonction de l’ennemi. Dans ce cas-ci, l’objectif ne consiste

pas d’éliminer totalement l’adversaire, mais plutôt de le pousser à baisser les armes afin

de collaborer avec le gouvernement afghan en vue de reconstruire le pays, de rétablir

l’ordre, et d’empêcher l’Afghanistan de redevenir un sanctuaire pour les terroristes.67

Pour ce faire, les forces armées doivent accorder une attention particulière aux facteurs

moraux, plutôt que de se concentrer principalement sur l’aspect purement militaire ou

physique du conflit.68

En résultat, la stratégie des Forces canadiennes en Afghanistan doit être corrigée

afin d’inclure des efforts en vue d’engager les Talibans dans un processus diplomatique,

c’est-à-dire des négociations. Tel que précisé par Gordon Smith dans un rapport pour le

« Canadian Defence & Foreign Affairs Institute » intitulé « Canada in Afghanistan : Is it

Working? », bien qu’il soit impossible de garantir que les négociations avec les Talibans

mèneront assurément à une résolution diplomatique immanente, le refus d’entreprendre

des pourparlers ne peut que causer la prolongation du conflit armé, conduisant

subséquemment à la dégradation de la situation en Afghanistan.69

Ainsi, les efforts

doivent viser la suppression de la menace terroriste, c’est-à-dire Al-Qaïda, en engageant

les membres modérés des Talibans à entreprendre des négociations.70

Si le Canada s’engage à appuyer le gouvernement afghan à prendre contrôle de

son pays, ne devrait-il pas également appuyer les efforts d’Hamid Karzaï à inviter les

Talibans à négocier afin de trouver une solution diplomatique au conflit? Selon le

Président de l’Afghanistan, la paix ne peut pas être acquise sans négociation. Pour cette

raison, il appela les Talibans à entreprendre des pourparlers.71

Cependant, en dépit de la

réponse initialement positive à cet appel, les Talibans refusèrent en établissant des

66

“On a Knife Edge: Rapid Assessment Field Survey Southern and Eastern Afghanistan”. Senlis

Afghanistan. (March 2007), p.3; Smith, Gordon. “Canada in Afghanistan: Is it Working?”. Canadian

Defence and Foreign Affairs Institute. (March 2007), pp.4-5 67

Baud, Jacques. Loc. Cit., pp.174-182; Smith, Gordon. “Canada in Afghanistan: Is it Working?”. Loc.

Cit., p.21 68

Cernicky, Andrew J. “Moral Power and a Hearts-and-Minds Strategy in Post-Conflict Operations”.

Strategic Challenges for Counterinsurgency and the Global War on Terror. Ed. Williamson Murray.

Carlisle: Strategic Studies Institute, 2006, pp.60-66 69

Smith, Gordon. “Canada in Afghanistan: Is it Working?”. Loc. Cit., p.5 70

Smith, Gordon. “It's not unthinkable to bring the Taliban inside the tent”. The Globe and Mail. 1 March

2007.

http://www.rbcinvest.theglobeandmail.com//servlet/ArticleNews/PEstory/LAC/20070301/COAFGHAN01/

Comment/comment/comment/Somnia/, (27 September 2007); Regehr, Ernie. Loc. Cit., p.3. 71

“Afghan president ready for talks with Taliban”. AFP. 9 September 2007.

http://news.yahoo.com/s/afp/20070909/wl_sthasia_afp/afghanistanunresttalibanreconciliationkarzai, (12

September 2007)

17

conditions préliminaires : le retrait des troupes armées des États-Unis et de l’OTAN.72

Ce

refus ne signifie pas l’impossibilité d’établir des négociations avec les Talibans, mais

souligne plutôt le problème de la stratégie occidentale en Afghanistan. Comment les

Talibans peuvent-ils espérer atteindre un compromis avec Hamid Karzaï si les pays

occidentaux se montrent absolument réticents à permettre ces négociations? Comment

peuvent-ils espérer survivre sans combattre si une force armée internationale

extrêmement puissante ne vise qu’à les exterminer? Comment peuvent-ils espérer

promouvoir leurs intérêts si la communauté internationale impose ses valeurs sur

l’Afghanistan? Le problème demeure que le gouvernement canadien refuse toujours de

négocier avec les Talibans.73

Conclusion

Pour conclure, contrairement à l’hypothèse de départ qui supposait que le

gouvernement canadien avait établi une politique clairement définie envers

l’Afghanistan, c’est-à-dire un plan spécifique des objectifs politiques à atteindre, les

recherches démontrèrent cette lacune. En réalité, les buts furent vaguement déterminés,

tout en pointant vers les cibles fixées par l’ONU et le Pacte pour l’Afghanistan.

Conséquemment, puisque la guerre est assujettie à la politique et que la stratégie fut

définie selon son application dans un contexte militaire, la stratégie des Forces

canadiennes devrait être déterminée en fonction du mandat de l’ONU et du Pacte.

Néanmoins, la stratégie implémentée promeut l’élimination militaire de la menace

talibane, en omettant la résolution diplomatique du conflit. Ce point constitue la source

des problèmes de la stratégie canadienne en Afghanistan. L’argument principal de ce

texte défend la position selon laquelle les négociations doivent être entreprises avec les

Talibans afin de promouvoir les objectifs ultimes de la mission internationale en

Afghanistan, c’est-à-dire la consolidation du pouvoir du gouvernement afghan en vue de

reconstruire le pays, restituer l’ordre et empêcher l’Afghanistan de redevenir un

sanctuaire pour Al-Qaïda.

Finalement, non seulement la stratégie des Forces canadiennes doit-elle être

corrigée, mais le gouvernement canadien doit également reformuler sa politique étrangère

envers ce pays d’Asie centrale, en fonction des besoins du gouvernement afghan et du

Pacte pour l’Afghanistan. Cet exemple réitère l’importance d’assujettir la guerre –

subséquemment la stratégie militaire – à la politique, puisque les efforts militaires

peuvent facilement causer amplement de tort en l’absence de direction adéquate.

« Subordonner le point de vue politique au militaire serait absurde, car

c’est la politique qui a créé la guerre. La politique recueille les

72

Shoaib, Nasrat. “Taliban says 'ready for talks'”. South Asia. 10 September 2007.

http://news.yahoo.com/s/afp/20070910/wl_sthasia_afp/afghanistanunresttalibantalks, (12 September 2007);

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30 September 2007. http://www.cbc.ca/cp/world/070930/w09309A.html, (6 October 2007) 73

“Canada's Position on Talks with Taliban Unchanged: Bernier”. CBC. 6 October 2007.

http://www.cbc.ca/world/story/2007/10/06/afghanistan-canada.html#skip300x250, (18 October 2007)

18

renseignements afin de fournir les lignes directrices, tandis que la guerre

constitue son instrument, pas l’opposé. Aucune alternative n’existe, que

de subordonner le point de vue militaire au politique. »74

74

Clausewitz, Carl Von. Loc. Cit., p.607; Notre traduction de “Subordinating the political point of view to

the military would be absurd, for it is policy that has created war. Policy is the guiding intelligence and war

only the instrument, not vice versa. No other possibility exists, then, than to subordinate the military point

of view to the political”.

19

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