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Mireille Bisson Le Collecteur roman Extrait de la publication

Raphaëlla vit une véritable descente aux enfers Le Collecteur… · 2013. 11. 4. · à la Fondation littéraire Fleur de Lys. Mireille Bisson Le Collecteur Extrait de la publication

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Mireille Bisson

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Le Collecteur

9 782894 484227

ISBN 2-89448-422-4

Dans une petite ville du sud du Québec,Raphaëlla vit une véritable descente aux enfersauprès de son mari. Battue, violée, séquestréedans sa propre demeure, elle est arrachée à cettevie cauchemardesque alors qu’elle est enceintede huit mois. Elle tente tant bien que mal dereprendre une vie normale à Montréal, où elledevient joaillière.

Quatre ans plus tard, son passé la rattrape.

Roman noir à l’intrigue captivante, Le Collecteurest un suspense brutal et percutant.

Née à Ormstown, auQuébec, Mireille Bisson avécu dans de nombreusesrégions du Canada avantde s’installer à Kingston,en Ontario. Après desétudes en techniquesadministratives, elle décidede se consacrer à l’écriturede romans. Elle a publié en mars 2003 son premierroman, L’Ange gardien, à la Fondation littéraire Fleur de Lys.

www.hamac.qc.ca

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L E C O L L E C T E U R

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Les éditions du Septentrion remercient le Conseil des Arts du Canada et la Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC) pour le soutien accordé à leur programme d’édition, ainsi que le gouvernement du Québec pour son Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres. Nous reconnaissons également l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Programme d’aide au développement de l’industrie de l’édition (PADIÉ) pour nos activités d’édition.

Direction et révision : Adeline Corrèze Mise en pages : Folio infographie Couverture : Pierre-Louis Cauchon Correction d’épreuves : Sophie Imbeault L’illustration de l’intérieur de la couverture est tirée de l’ouvrage Cronica de las Indias de Gonzalo Fernandez de Oviedo, publié en 1547.

Si vous désirez être tenu au courant des publications de la COLLECTION HAMAC et des ÉDITIONS DU SEPTENTRION

vous pouvez nous écrire au 1300, av. Maguire, Sillery (Québec) G1T 1Z3

ou par télécopieur (418) 527-4978 ou consulter notre catalogue sur

www.hamac.qc.ca ou www.septentrion.qc.ca

© Les éditions du Septentrion Diffusion au Canada : 1300, avenue Maguire Diffusion Dimedia Sillery (Québec) 539, boul. Lebeau G1T 1Z3 Saint-Laurent (Québec) H4N 1S2

Dépôt légal – 3e trimestre 2005 Ventes en Europe : Bibliothèque nationale du Québec Distribution du Nouveau Monde ISBN 2-89448-422-4 30, rue Gay-Lussac 75005 Paris France

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Prologue

Les rues étaient désertes et sombres. Un épais brouillard avait envahi le village situé à quelques dizaines de kilomètres de la frontière américaine. Le rayonnement lumineux des quelques réverbères bordant les trottoirs ne parvenait pas à transpercer ce nuage si dense. Les maisonnettes aux couleurs plutôt dis-parates étaient pour la plupart plongées dans l’obscurité pen-dant que leurs propriétaires, n’ayant pas le malheur de souffrir d’insomnie, dormaient profondément.

Le dernier recensement avait dénombré un peu moins de trois mille habitants et ce nombre avait très peu fluctué depuis les dernières années. Comme dans la plupart des petites muni-cipalités, tout le monde connaissait les habitudes de ses voi-sins, leurs qualités, leurs faiblesses ainsi que la plupart de leurs petits secrets plus ou moins inavouables. Ils formaient une com munauté à part entière et acceptaient assez mal que des étrangers viennent déranger leur mode de vie ou tenter de corrompre les enfants, les adolescents ainsi que les adultes de leur milieu par certains problèmes reliés aux grands centres urbains.

Pourtant, un certain niveau de violence était toléré parmi les membres d’une même famille et entre voisins pour régler quelques désaccords mineurs. Par contre, la violence gratuite ou excessive était absolument interdite sous peine de sanc- tion. Les dirigeants de la communauté, avec l’appui de tous leurs membres et à l’insu des autorités supérieures, avaient élaboré leur propre système de peines pour certains délits. La plupart du temps, les délinquants étaient condamnés à effec-tuer quelques heures de travaux communautaires, mais cela

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pouvait aller jusqu’à leur expulsion pure et simple de la communauté.

— Allons-nous dans la bonne direction ? demanda Andy au conducteur.

— Bien sûr que nous allons dans la bonne direction ! s’ex-clama celui-ci en observant attentivement la route rendue à peine visible par la densité du brouillard. Crois-tu que ce soit un temps idéal pour faire du tourisme ?

— Désolé, Greg. Je ne comprendrai jamais les raisons qui poussent certaines personnes à venir s’installer à tout prix dans un coin si isolé pour le reste de leurs jours. C’est absolu-ment incroyable ! Nous avons traversé plus d’une dizaine de villages jusqu’à maintenant et aucun d’eux n’avait une popu-lation supérieure à dix mille habitants. Je ne peux pas m’ima-giner vivre ailleurs qu’à Montréal. J’ai besoin…

Greg soupira et laissa son passager poursuivre son mono-logue sans lui porter la moindre attention. Il connaissait Andy depuis assez longtemps pour savoir qu’il était un vrai mou- lin à paroles… et que rien ne pouvait l’arrêter. Il avait besoin de toute sa concentration pour conduire. Ce n’était certai- nement pas le moment d’être impliqué dans un accident. Ils avaient une mission à accomplir ou plutôt… un message à faire passer.

— Merde ! s’exclama-t-il en freinant brusquement.— Qu’est-ce qu’il se passe ? demanda son passager d’un

air paniqué. Dis-moi que tu n’as pas heurté quelqu’un !— Personne de sensé n’irait se promener à cette heure de

la nuit et par un temps semblable. Je te rappelle qu’il est près de deux heures du matin !

— Alors, pourquoi…— Il aurait fallu que je prenne à droite, expliqua Greg avec

exaspération. Je vais faire demi-tour et nous serons arrivés à destination dans quelques minutes.

— Tant mieux, dit Andy avant de se pencher pour ouvrir le sac posé près de ses pieds.

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Il en sortit deux armes semi-automatiques, des chargeurs ainsi que deux cagoules et des gants noirs.

— Tu te souviens du sermon de Johnson ? interrogea Andy en chargeant son pistolet. Nous devons éviter que cette visite ne tourne au carnage. D’abord l’argent et nous verrons ce que le patron lui réservera comme punition. J’ai eu l’occasion de t’observer à plusieurs reprises… et j’ai pleinement confiance en toi. C’est pour cette raison que j’ai demandé à ce que tu m’accompagnes pour cette mission. Ne me déçois pas !

— Tu peux compter sur moi, affirma Greg en se garant derrière une vieille camionnette de couleur indéfinie. Voilà… notre voleur habite à cette adresse.

Il arrêta le moteur et jeta un coup d’œil autour de lui. À cause de l’épais nuage blanchâtre, il pouvait à peine distinguer la devanture de la maison.

— Le trajet a été plus long que prévu, mais ce brouillard n’a pas que des désavantages. Personne ne pourra nous iden-tifier, ni ce véhicule d’ailleurs. Je préfère lorsqu’il n’y a pas de témoin…

— Nous sommes au milieu de la nuit, Andy !— Je sais, je sais… mais, n’oublie pas qu’un témoin peut

toujours surgir au moment où on s’y attend le moins. Les personnes âgées ont tendance à souffrir d’insomnie. C’est le cas de ma propre grand-mère qui sait toujours ce qui se passe autour de sa résidence, à toute heure du jour et de la nuit.

— Tu as sans doute raison, admit Greg en se tournant vers son compagnon.

— Tel que convenu, je te remets une arme ainsi que des gants et une cagoule. Il n’est pas nécessaire que cet idiot puisse un jour nous identifier dans la rue et nous fasse payer cette courte visite pour le moins… inamicale. Puisque c’est ma spécialité, je m’occuperai de la serrure. Prêt ?

— Je le suis.Après avoir enfilé la cagoule et les gants, Greg chargea son

pistolet et descendit du véhicule en refermant doucement la portière. Les deux hommes se dirigèrent rapidement vers l’ar-rière de la maison.

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Une clôture en bois délimitait le terrain laissé à l’abandon. L’herbe n’avait pas été coupée depuis plusieurs semaines et les planches de bois auraient eu besoin d’un bon coup de pinceau. La barrière grinça légèrement. Méfiants, ils longèrent la mai- son avec précaution… espérant ne pas rencontrer un chien de garde vorace ou une chatte aux griffes acérées. Heureusement, aucun animal ne les attendait à l’angle du bâtiment. Ils évitè-rent par contre de justesse de trébucher sur des dizaines de planches trouées par des clous rouillés et jetées pêle-mêle sur le sol.

Greg fit le guet pendant que son compagnon, une lampe de poche entre ses dents, crochetait la serrure de la porte avec une facilité déconcertante. Ils entrèrent silencieusement dans la maison où une étrange odeur de moisissure mêlée à la fumée de cigares bon marché rendait l’air quasiment irrespirable. Le faisceau lumineux des lampes de poche leur dévoilait deux cendriers débordants de mégots sur une table de salon rayée recouverte de cendre ainsi qu’une demi-douzaine de bouteilles de bière vides. L’ameublement de la pièce était dépareillé et désuet. Une preuve évidente que l’argent volé n’avait pas encore été utilisé pour le confort du propriétaire.

Un tapis de couleur verdâtre, élimé et taché en plusieurs endroits assourdissait leurs pas lorsqu’ils décidèrent de pour-suivre leur exploration. La cuisine était dans un état lamen-table. Une tempête n’aurait pas pu faire plus de dégâts. Les chaises étaient renversées près de la table où s’étalaient les vestiges du dernier repas parmi les éclats de porcelaine des assiettes brisées. De longues éclaboussures brunâtres tapis-saient les murs défraîchis et éventrés avec plus ou moins de force à plusieurs niveaux, démontrant ainsi le degré de vio-lence des coups de poing du responsable.

Andy et Greg étaient sidérés par le délabrement des lieux. Ils avaient fréquenté plusieurs personnes issues de milieux défavorisés et visité quelques appartements en mauvais état, mais n’avaient jamais rien vu de plus dégoûtant que cette maison. Ils n’auraient pas été étonnés d’y voir circuler des rats, des blattes ou d’autres parasites tellement les pièces étaient

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crasseuses. Cela dépassait l’entendement qu’une personne saine d’esprit, accepte d’habiter de son plein gré un tel taudis.

D’un geste, Andy incita son compagnon à le suivre. Ils mon tèrent lentement les marches de l’escalier. Des ronflements sonores provenaient d’une des chambres situées au deuxième étage. Ils n’avaient pas encore atteint la dernière marche qu’une odeur nauséabonde, émanant vraisemblablement de la salle de bain, leur souleva le cœur. Les deux hommes n’avaient qu’une idée en tête : ne pas s’attarder plus longtemps que nécessaire et quitter cette maison dans les plus brefs délais.

En quelques pas, Andy fut près du lit où gisait le proprié-taire endormi pendant que Greg demeurait sur le seuil de la chambre… au cas où le voleur aurait la mauvaise idée de fuguer. Malgré la lueur de la lampe de poche éclairant son visage et le pistolet appuyé contre son front, celui-ci continuait d’émettre de longs ronflements retentissants entrecoupés de claquements de langue et de grincements de dents. Il dégageait une épouvantable odeur de sueur et son haleine empestait la bière à plein nez.

— Réveille-toi, Chris Tousignan ! s’écria Andy qui n’osait pas s’approcher trop près de l’homme.

— Laisse-moi tranquille, vieille folle, marmonna-t-il, ne se donnant même pas la peine d’ouvrir les yeux.

— Réveille-toi, Chris Tousignan ! répéta Andy en pressant le canon de son arme sous son menton.

Ce geste eut l’effet escompté. L’homme, profondément endormi quelques secondes plus tôt, ouvrit brusquement les yeux. La lumière aveuglante de la lampe l’empêchait toutefois de distinguer son interlocuteur.

— Qui êtes-vous ? demanda-t-il. Qu’est-ce que vous me voulez ? Nous sommes en plein milieu de la nuit… et j’ai eu une journée assez…

— Je ne suis pas venu jusqu’ici pour t’entendre gémir à propos de tout et de rien. Je crois que tu as des problèmes beaucoup plus graves qu’un simple horaire surchargé.

— Je ne vois pas de quoi vous voulez parler, bredouilla-t-il en tentant de se redresser.

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— Ne t’avise pas de faire le moindre mouvement sans me demander la permission. Tu es l’homme le plus répugnant que j’aie eu la malchance de rencontrer et je veux que tu gardes tes distances. Ta mère ne t’a-t-elle jamais enseigné les principes d’une bonne hygiène corporelle ? C’est particulièrement impor-tant lorsque nous sommes amenés à fréquenter d’autres gens. Tu n’es ni un ermite, ni un animal, n’est-ce pas ? Alors, est-ce un problème d’allergies au savon et au dentifrice ou es-tu simplement un paresseux de nature ?

— Cela ne vous regarde absolument pas ! Je mène ma vie comme je l’entends et je n’ai certainement pas de compte à vous rendre !

— Tu as entièrement raison mon cher ami, admit Andy en approuvant d’un signe de tête. Tu ne me dois rien, mais je crois que tu as volé une grosse somme d’argent qui appartient à un certain Monsieur Johnson. Est-ce que cela ne te rappelle rien ?

— J’ignore qui est ce Johnson… et j’aimerais que vous quittiez immédiatement ma maison !

— Ce serait avec joie, mais j’ai fait une longue route pour te livrer un message. Monsieur Johnson apprécierait énormément que tu lui rendes les cinquante mille dollars que tu lui as si astu-cieusement subtilisés au cours des derniers mois, sinon…

— Sinon quoi ? s’exclama Chris en coupant la parole à son mystérieux interlocuteur. Qu’est-ce que vous allez me faire ? Me battre ? Me découper en morceaux ? Est-ce que vous pen- sez m’intimider ? Je vous avertis que vos menaces ne me font pas peur. Andy poussa un long soupir. La patience n’était pas sa plus grande qualité… et il avait la désagréable impres-sion que l’air vicié des lieux affectait ses facultés intellec-tuelles.

— Quelle partie de ton corps serais-tu prêt à sacrifier ? demanda-t-il d’un ton doucereux. Je peux pulvériser une de tes rotules ou peut-être préfères-tu une balle dans l’abdomen ? Pour ma part, je n’opterais certainement pas pour le second choix, il paraît que c’est extrêmement douloureux. Enfin, je ne veux surtout pas influencer ta décision…

— Vous êtes complètement cinglé !

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— Tu as tort. Je ne suis pas cinglé, mais je peux le devenir si tu persistes à me provoquer comme tu le fais. Je déteste qu’on me prenne pour un idiot ! Alors, où as-tu caché l’argent de Monsieur Johnson ? Il aimerait le récupérer… le plus tôt possible.

— Je ne connais pas…— C’est ta dernière chance, rugit-il à bout de patience. Tu

me donnes l’argent ou je te crible le corps de balles comme une véritable passoire… en commençant par tes organes géni-taux.

Joignant le geste à la parole, il pressa le canon de son arme contre les testicules de l’homme qui retenait son souffle. Les secondes s’égrenèrent lentement sans qu’aucun des deux hommes ne fasse le moindre geste. La tension était presque palpable. Greg était sur le point d’intervenir avant que la situa-tion ne s’envenime davantage, lorsque Chris poussa un cri.

— Arrête de les presser comme des citrons ! La douleur est insupportable, gémit-il en se recroquevillant sur lui-même, après que son bourreau eut relâché la pression. Je persiste à croire que vous êtes complètement cinglé, murmura-t-il entre ses dents.

— Répète ce que tu viens de dire ! s’exclama Andy d’un ton furieux.

— Calme-toi, l’interrompit Greg. Je crois qu’il a finalement compris le message que tu voulais faire passer… et n’oublie pas qu’il faut éviter que la situation ne tourne au vinaigre.

— Ton copain a raison, affirma Chris avec audace. Nous pouvons certainement trouver un terrain d’entente. Ai-je la per mission de vous poser une question… plutôt personnelle ? demanda-t-il après quelques secondes de silence.

— Je t’écoute, répondit Andy en soupirant.— Combien de petits amis vous ont accompagnés jus-

qu’ici ? Je ne vous poserais pas une telle question si cette pièce était mieux éclairée. Je suis complètement aveuglé par l’éclat lumineux de votre lampe de poche. Je n’hésiterai pas à vous pour suivre si des séquelles apparaissaient au cours des pro-chaines semaines.

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— Nous n’avons pas l’intention de te laisser nos noms, ni nos coordonnées, déclara Andy avant d’éclater de rire.

Les menaces de Chris Tousignan n’avaient plus aucun effet sur lui, ni ses insultes à peine voilées. Greg avait eu raison de le rappeler à l’ordre. Malheureusement, il avait parfois tendance à s’emporter trop facilement. Que pouvait-il y faire ? Il devait apprendre à vivre avec son fougueux caractère. Il souriait toujours lorsqu’il s’éloigna du lit pour allumer la lampe posée sur une table de chevet pour le moins chance-lante.

L’éclairage tamisé leur dévoila une chambre dans un état aussi pitoyable que le reste de la maison. L’ameublement était réduit au strict minimum. Deux boîtes de carton servaient de commode, même si la plupart des vêtements étaient éparpillés sur le sol de la pièce. Pourtant, un détail retint leur attention. Une magnifique toile accrochée au–dessus du lit représentait une équipe de parachutistes lors d’un saut en chute libre à la tombée de la nuit.

« Un objet plutôt insolite dans ce taudis », pensa Greg, nulle- ment étonné. Il en connaissait beaucoup plus sur « leur voleur » que le croyait Andy.

Chris, revêtu d’un caleçon rayé, était étendu sur le matelas nu et couvert de taches d’origine plutôt suspecte, les draps grisâtres gisant au pied du lit. Les ressorts du matelas poin-taient de chaque côté de son corps. Il portait une barbe de plusieurs jours, ses cheveux étaient sales et hirsutes et il n’avait que la peau sur les os. Une douche et un rasage ne lui auraient certainement pas fait de tort…

— J’ignorais que vous étiez aussi timides, plaisanta-t-il en remarquant que les deux hommes avaient la tête recouverte d’une cagoule.

— Je t’assure que la timidité n’est pas un problème pour aucun d’entre nous. C’est plutôt une question de sécurité, expliqua Andy en l’observant attentivement. Tu ne sembles plus ressentir aucune douleur… Est-ce que tu ne m’aurais pas joué la comédie, par hasard ?

— Non ! Bien sûr que non ! s’exclama Chris.

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Ayant peur de subir une seconde expérience encore plus traumatisante, il utilisa ses mains pour protéger ses testicules contre une éventuelle agression.

— Alors, je te fais un résumé de la situation qui nous concerne. Tu as en ta possession cinquante mille dollars qui appartiennent à Monsieur Johnson. Deux choix s’offrent donc à toi. Tu nous donnes immédiatement l’argent ou bien nous t’emmenons lui rendre une courte visite où il prendra une décision quant à ton avenir. Je te préviens qu’il est très mécon-tent de tes agissements et, pour être tout à fait franc… je ne donne pas cher de ta peau. C’est un homme très cruel et par-ticulièrement sadique à ses heures. Il adore torturer ses vic-times avant de les abattre d’une balle à la nuque et de jeter leur corps dans le dépotoir le plus proche. Ai-je été assez clair ?

— Oh oui ! souffla le jeune homme, le visage blafard.— Alors, cet argent…— Je… J’ai… Je n’ai gardé qu’une partie de la somme ici,

le reste est réparti dans deux ou trois coffrets de sûreté à la banque, expliqua-t-il d’une voix tremblante.

— Tu vois comme c’est facile lorsque tu coopères ! s’ex-clama Andy, le sourire aux lèvres. Ah oui ! J’ai oublié de men-tionner que le patron exige des intérêts sur la somme que tu lui as subtilisée. Est-ce que 20 % te conviennent ?

— 20 % ? s’écria-t-il, les yeux exorbités. Cela donne… dix mille dollars. Je ne possède pas une telle somme !

— Malheureusement, il y a toujours un prix à payer pour les erreurs que nous faisons. Je te propose un marché.

Parfaitement conscient de son désarroi, Andy prenait un malin plaisir à hausser son niveau de tension. Il avait détesté cet homme dès qu’il avait posé les yeux sur lui.

— Supposons un instant que chacun de tes doigts vaut mille dollars. Tu perdras donc un doigt pour chaque tranche de mille dollars qui…

— J’ai parfaitement saisi le message, l’interrompit-il, le visage de plus en plus pâle. Vous aurez votre argent. Je trou-verai une solution…

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Andy approuva d’un signe de tête la décision de Chris. Les menaces donnaient presque toujours de bons résultats… sans effusion de sang. Il n’éprouvait aucune pitié pour cet homme. Quant à Greg, il poussa un long soupir de soulagement, heu-reux de la tournure des événements. Encore quelques heures et toute cette mascarade sera enfin terminée. Il en avait plus qu’assez de jouer ce rôle. Physiquement et psychologiquement fatigué, il n’avait plus qu’un seul désir : prendre de très, très longues vacances, loin de tout ce cirque.

— Je vais t’expliquer ce que nous allons faire. Il est 2 h 45 du matin. Donc, beaucoup trop tôt pour se rendre à la banque. Tu es d’accord avec moi jusqu’à présent, n’est-ce pas ? Chris hocha la tête.

— J’aimerais que tu me dises sans tarder, l’endroit précis où tu as dissimulé l’argent pour me démontrer ta bonne foi. Ensuite, tu iras sans discuter prendre une douche, te raser et revêtir des vêtements propres. Tu dégages une épouvantable odeur… et je refuse que tu nous accompagnes où que ce soit dans l’état dans lequel tu te trouves. Cette idée me fait tout simplement horreur. Est-ce que tu as compris ? ajouta-t-il comme s’il s’adressait à un gamin.

— J’ai parfaitement compris. J’ai peut-être bu quelques bières de trop, mais je ne suis pas complètement idiot !

— Je suis ravi de l’apprendre. Alors, où est caché cet argent ?

— Dans la penderie de cette chambre, dit-il en faisant mine de se redresser. Je…

— Ne bouges plus ! s’exclama Andy en le visant avec son arme.

Greg avait également eu le réflexe de pointer son pis- tolet sur le jeune homme. Tous les trois retenaient leur souffle.

— Je ne t’ai pas donné la permission de faire le moindre mouvement, prononça Andy d’une voix tendue. Tu reprends immédiatement ta position initiale et tu attends mes ordres avant de faire quoi que ce soit. Sommes-nous d’ac-cord ?

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— Calmez-vous les gars, dit-il en se recouchant, un léger sourire au coin des lèvres. Je sens énormément de nervosité dans l’air. Je voulais seulement vous rendre service…

— Mon ami va lui-même s’en occuper, l’interrompit brus-quement Andy. L’insolence de cet individu commençait à l’exas-pérer au plus haut point. Où dans la penderie ? Je veux une réponse claire… et ne t’avise pas de nous mener en bateau.

— J’ai caché l’argent dans une boîte de carton, placée tout au fond de la penderie, sous une pile de vieux vêtements, expliqua le jeune homme avec une certaine hésitation. Je… Il vaudrait peut-être mieux que j’aille la chercher moi-même.

— Pourquoi ? Cela ne me semble pas si compliqué !D’un signe de la tête, Andy encouragea Greg à se diriger

vers la penderie. Il ne pouvait pas quitter Chris des yeux. Celui-ci semblait leur cacher quelque chose ou peut-être était-ce seulement un moyen pour détourner leur attention ? Johnson lui avait donné un sérieux avertissement… Il allait amèrement le regretter s’il échouait, encore une fois, dans ce genre de mission. Il excellait dans le recrutement, mais devait absolu-ment améliorer ou mieux encore, se débarrasser de plusieurs points faibles s’il voulait avoir une chance d’être promu et ainsi, réaliser son rêve le plus cher : devenir le bras droit de son patron avant d’atteindre son trente-cinquième anniversaire. Il ne lui restait que très peu de temps pour faire ses preuves.

— Qu’est-ce… ? Ce n’est pas possible ! s’exclama Greg, agenouillé au milieu de la penderie.

— Qu’est-ce qui se passe ? interrogea Andy en fronçant les sourcils. As-tu trouvé l’argent ?

— L’argent est bel et bien dans une boîte de carton, mais j’ai trouvé autre chose… ou plutôt quelqu’un. Une femme ligotée, bâillonnée et enceinte de surcroît.

Le regard incrédule d’Andy passa de Chris à la penderie.— Quoi ? s’écria-t-il, n’en croyant pas ses oreilles. Dis-moi

que c’est une blague ! Dis-moi que c’est une blague ! répéta-t-il en hurlant.

— Malheureusement, cette femme est bien réelle… et très mal en point.

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— Quelle merde ! Qui est-elle ? demanda-t-il en s’appro-chant de Chris. Il pointa le canon de son arme sur son front. Allez ! Parle !

— Ma femelle, avoua le jeune homme en haussant les épaules. J’avais complètement oublié que je l’avais enfermée dans la penderie. Cette garce est complètement folle, ajouta-t-il dans un murmure.

Greg sortit doucement la jeune femme de sa fâcheuse position et l’allongea sur le sol. Puis, il retira délicatement son bâillon après avoir coupé les liens qui retenaient ses chevilles et ses poignets. Aussitôt qu’elle fut libérée, elle s’éloigna de l’homme masqué et se recroquevilla près du mur le plus proche en tremblant de tous ses membres. Son visage, ses bras et ses jambes portaient des marques de violence physique. Ses yeux… ses yeux reflétaient toute la peur et la détresse qui l’animaient. Greg n’avait jamais rencontré une personne qui lui inspirait autant de pitié. Elle semblait tellement misérable dans sa robe sale et déchirée…

— Quel est votre nom ? demanda-t-il dans un murmure.— Raphaëlla, répondit-elle d’une voix à peine perceptible.— Vous êtes enceinte de combien de mois ? interrogea-t-il

après avoir jeté un coup d’œil à son ventre proéminent.— Je crois que j’en suis à mon huitième mois, chuchota-

t-elle, les yeux baissés.Il sentit une immense colère l’envahir… et cette colère

était destinée à l’homme responsable de son état. Il se retourna pour le dévisager. Chris lui rendit son regard dans lequel Greg ne décela aucun remords.

— Pourquoi ? demanda-t-il en se levant d’un bond.— Cette bonne femme est complètement folle… elle avait

bien mérité d’être punie. J’attendais que le bébé naisse pour la liquider. Je ne l’avais épousée que pour qu’elle me conçoive un enfant… un garçon, bien sûr. Si elle avait eu une fille, elle aurait subi le même sort que sa mère, débita Chris en guise d’explication.

— Tu es complètement malade ! As-tu été catapulté d’une autre époque ou quoi ? Bon sang, nous sommes à la fin du

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xxe siècle… on devrait te faire interner pour le reste de tes jours !

— Pense à ton cœur, l’ami, lança Chris en le narguant. Tu vas avoir un infarctus si tu continues à hurler comme tu le fais… sans compter que tu vas ameuter tous les gens du voisinage.

Ignorant la voix de sa raison, Greg s’approcha du lit pour frapper l’homme en plein visage avec la crosse de son arme. Chris gémit de douleur tandis que le sang giclait de son nez cassé. Après lui avoir jeté un dernier regard rempli de dégoût, Greg se tourna vers Andy.

— Il n’a pas tout à fait tort, admit Andy presque malgré lui. Enfin, en ce qui concerne les gens du voisinage. Je crois que cette femme a besoin de voir un médecin le plus tôt possible.

— C’est la première idée qui m’est venue à l’esprit, affirma Greg en hochant la tête.

— Tu vas donc t’occuper d’elle pendant que je veillerai sur cet idiot de première. Je vais l’accompagner à la banque et lorsque je serai en possession de la totalité de l’argent, j’irai te retrouver à notre lieu de rendez-vous habituel. Je crois que j’y serai vers 12 h 30, au plus tard.

Greg approuva d’un signe de tête et rejoignit la jeune femme, toujours recroquevillée contre le mur. Il la prit dans ses bras et quitta rapidement la pièce. Malgré la proéminence de son ventre, elle était aussi légère qu’une plume. Une larme quitta le coin de son œil pour glisser le long de sa joue et se perdre dans sa chevelure décolorée.

— Je ne veux pas aller à l’hôpital, murmura Raphaëlla lorsqu’il la déposa sur le siège avant de la RAV 4.

— Vous devez voir un médecin… la vie de votre enfant est peut-être en danger.

— Je ne veux pas aller à l’hôpital, répéta-t-elle avec obsti-nation. Le personnel médical posera trop de questions et les policiers finiront par venir m’interroger. Mon mari va me tuer si je porte plainte contre lui. Je n’ai plus de famille et je ne connais personne qui pourrait m’aider. Je ne sais pas quoi faire, dit-elle avant d’éclater en sanglots.

— Nous allons certainement trouver une solution…

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Chapitre I

Quatre ans plus tard.Raphaëlla se réveilla en sueur. Son cœur battait la cha-

made. Ce cauchemar revenait la hanter à toutes les nuits depuis maintenant plus d’une semaine. Elle se leva brusque-ment et courut jusqu’à la chambre où dormait son fils. À sa vue, elle poussa un long soupir de soulagement. Xavier était profondément endormi auprès de sa girafe en peluche : son animal favori de la semaine. Chaque dimanche matin, il optait pour l’un de ses nombreux animaux en peluche… sa chambre étant presque aussi peuplée que le zoo de Granby. Pendant un long moment, elle écouta attentivement sa respiration régu-lière tout en caressant sa joue satinée et joufflue.

Quatre ans auparavant, il était devenu le centre de son existence. La naissance de son fils avait radicalement changé sa vie. Son petit ange, un véritable cadeau du ciel… et elle était prête à faire tous les sacrifices inimaginables pour le protéger. Un léger sourire étira ses lèvres lorsqu’elle remonta tendre-ment la couverture qui avait glissé pendant son sommeil. Puis, elle quitta la chambre sur la pointe des pieds tout en laissant la porte entrouverte.

De retour dans sa chambre, Raphaëlla s’assit sur son lit. Elle prit un des oreillers entre ses bras après avoir jeté un coup d’œil à son réveille-matin. Il indiquait 4 h du matin. Les doux rayons de la lune illuminaient la pièce aussi bien que si elle était éclairée par sa lampe de chevet. Et puis, n’avait-elle pas appris à contrôler sa peur de la noirceur ? Combien de nuits avait-elle pu passer enfermée dans cette horrible penderie ? Elle en avait perdu le compte, et ce n’était que la pointe de

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cet ouvrage est composé en esprit corps 10,8selon une maquette de pierre-louis cauchon

réalisée par josée lalancetteet achevé d’imprimer en septembre 2005

sur papier enviro 100 % recyclésur les presses de marquis imprimeur

à cap-saint-ignacepour le compte de denis vaugeois

éditeur à l’enseigne du septentrion

Tous les livres de la collection Hamac sont imprimés sur du papier recyclé, traité sans chlore et contenant 100% de fibres

post-consommation, selon les recommandations d’ÉcoInitiatives (www.oldgrowthfree.com/ecoinitiatives).

L’impression de cet ouvrage a ainsi permis de sauvegarder 9 arbres de 6 à 8 pouces de diamètre et de 40 pieds

de hauteur. En respectant les forêts, le Septentrion espère qu’il reste toujours assez d’arbres sur terre pour accrocher des hamacs.

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