14
1-1 Chapitre 1 Rappels de mécanique statistique : introduction aux phénomènes critiques, le modèle d’Ising Sur l’exemple de la transition ferromagnétique/paramagnétique dans les systèmes magnétiques classiques, je rappelle les concepts de transition de phase et de phénomènes critiques (fluctuations critiques, exposants critiques, lois d’échelle, universalité, etc.). Ensuite je présente le modèle d’Ising, qui est le modèle le plus simple de mécanique statistique ou l’on peut calculer (dans certains cas exactement) les quantités thermodynamiques et les fonctions de corrélations, et mettre en évidence les comportemenst critiques. A partir de ce modèle je rappelle les concept fondamentaux de la mécanique statistique et je fixe des notations utilisées dans la suite du cours. 1.1 Brève introduction aux phénomènes critiques : exposants critiques, lois d’échelle et universalité Un exemple classique de phénomène critique est la transition de phase ferromagnétique-paramagnétique au point de Curie dans les matériaux magnétiques. Je renvoie aux manuels de physique statistique et de phy- sique de la matière condensée pour une présentation précise du sujet. Je ne vais considérer ici que des si- tuations très idéalisées où on peut décrire la physique de la transition par des modèles simples, mais qui permettent de capturer l’essence de la physique sous-jacente à la transition de phase. 1.1.1 Transition ferro-paramagnétique et point critique Dans ces matériaux, à basse température il existe une aimantation spontanée globale -! M 0 : dans des do- maines de taille macroscopique (très grande devant la maille élémentaire du cristal) l’aimantation est non nulle et homogène. La physique des domaines d’aimantation et des parois de domaine est riche et complexe mais nous allons simplifier énormément les choses en nous intéressant à ce qui se passe dans un seul domaine. Nous allons de plus considérer un ferromagnétique uniaxe, c’est à dire un matériau très aniotropique tel que l’aimantation spontanée ne peut s’orienter que dans une seule direction (disons l’axe z, tel que -! M 0 = M 0 ~ e z ). Pour sélectionner une aimantation spontanée M 0 on applique au matériau un champ magnétique externe B (selon l’axe z), auquel cas il apparaît une aimantation induite M (du même signe que B). A basse tempéra- ture (matériau ferromagnétique) lorsque l’on fait tendre B vers 0 l’aimantation tend vers ±M 0 (l’aimantation spontanée) suivant le signe de B.A B = 0 l’aimantation est discontinue, puisqu’elle saute de +M 0 à -M 0 (transition du premier ordre). Par contre à haute température le matériau devient paramagnétique : l’aimantation spontanée en champ nul est nulle et l’aimantation M varie continument avec B quand B change de signe. Dans les cas qui nous intéressent la transition entre la phase ferro (basse température) et la phase para (haute température) est une transition de phase continue (du deuxième ordre). A la température critique (tem- Programme Doctoral de Suisse Occidentale Théorie statistique des champs et groupe de renormalisations

Rappels de mécanique statistique - CUSO · 1-2 CHAPITRE 1. RAPPELS DE MÉCANIQUE STATISTIQUE B M B M FIGURE 1.1 – Variation de l’aimantation induite M avec le champ externe B

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Page 1: Rappels de mécanique statistique - CUSO · 1-2 CHAPITRE 1. RAPPELS DE MÉCANIQUE STATISTIQUE B M B M FIGURE 1.1 – Variation de l’aimantation induite M avec le champ externe B

1-1

Chapitre 1

Rappels de mécanique statistique :introduction aux phénomènes critiques, lemodèle d’Ising

Sur l’exemple de la transition ferromagnétique/paramagnétique dans les systèmes magnétiques classiques,je rappelle les concepts de transition de phase et de phénomènes critiques (fluctuations critiques, exposantscritiques, lois d’échelle, universalité, etc.). Ensuite je présente le modèle d’Ising, qui est le modèle le plus simplede mécanique statistique ou l’on peut calculer (dans certains cas exactement) les quantités thermodynamiqueset les fonctions de corrélations, et mettre en évidence les comportemenst critiques. A partir de ce modèle jerappelle les concept fondamentaux de la mécanique statistique et je fixe des notations utilisées dans la suitedu cours.

1.1 Brève introduction aux phénomènes critiques : exposants critiques,lois d’échelle et universalité

Un exemple classique de phénomène critique est la transition de phase ferromagnétique-paramagnétiqueau point de Curie dans les matériaux magnétiques. Je renvoie aux manuels de physique statistique et de phy-sique de la matière condensée pour une présentation précise du sujet. Je ne vais considérer ici que des si-tuations très idéalisées où on peut décrire la physique de la transition par des modèles simples, mais quipermettent de capturer l’essence de la physique sous-jacente à la transition de phase.

1.1.1 Transition ferro-paramagnétique et point critique

Dans ces matériaux, à basse température il existe une aimantation spontanée globale�!M0 : dans des do-

maines de taille macroscopique (très grande devant la maille élémentaire du cristal) l’aimantation est nonnulle et homogène. La physique des domaines d’aimantation et des parois de domaine est riche et complexemais nous allons simplifier énormément les choses en nous intéressant à ce qui se passe dans un seul domaine.Nous allons de plus considérer un ferromagnétique uniaxe, c’est à dire un matériau très aniotropique tel quel’aimantation spontanée ne peut s’orienter que dans une seule direction (disons l’axe z, tel que

�!M0 = M0~ez).Pour sélectionner une aimantation spontanée M0 on applique au matériau un champ magnétique externe B(selon l’axe z), auquel cas il apparaît une aimantation induite M (du même signe que B). A basse tempéra-ture (matériau ferromagnétique) lorsque l’on fait tendre B vers 0 l’aimantation tend vers ±M0 (l’aimantationspontanée) suivant le signe de B. A B = 0 l’aimantation est discontinue, puisqu’elle saute de +M0 à �M0(transition du premier ordre).

Par contre à haute température le matériau devient paramagnétique : l’aimantation spontanée en champnul est nulle et l’aimantation M varie continument avec B quand B change de signe.

Dans les cas qui nous intéressent la transition entre la phase ferro (basse température) et la phase para(haute température) est une transition de phase continue (du deuxième ordre). A la température critique (tem-

Programme Doctoral de Suisse Occidentale Théorie statistique des champs et groupe de renormalisations

Page 2: Rappels de mécanique statistique - CUSO · 1-2 CHAPITRE 1. RAPPELS DE MÉCANIQUE STATISTIQUE B M B M FIGURE 1.1 – Variation de l’aimantation induite M avec le champ externe B

1-2 CHAPITRE 1. RAPPELS DE MÉCANIQUE STATISTIQUE

B

M

B

M

FIGURE 1.1 – Variation de l’aimantation induite M avec le champ externe B dans les phases ferromagnétiqueset paramagnétique

pérature de Curie) Tc l’aimantation spontanée M s’annule continuement. Les diagrammes de phase du sys-

M

TTc

FIGURE 1.2 – Variation de l’aimantation spontanée M0 avec la température T

tème dans les variablesTempérature-Aimantation et Température-Champ magnétique ont l’allure suivante

Para

TTc

M

Ferro

1er ordre TTc

Ferro Para

B

FIGURE 1.3 – Diagramme Température-Aimantation (a) et Température-Champ (b).

1.1.2 Paramètre d’ordre et brisure de symétrie

La caractéristique principale du point critique est qu’il sépare deux phases thermodynamiques où la symé-trie du matériau est réalisée d’une façon différente. Dans un magnétique uniaxe le matériau doit être au niveaumicroscopique invariant sous une réflexion dans un plan orthogonal à l’axe z, c’est à dire sous la transforma-tion

z ! �z

tant que le champ externe B est nul bien sûr.

c� François David, 2014 Notes de cours – 11 février 2014

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1.1. PHÉNOMÈNES CRITIQUES 1-3

Dans la phase paramagnétique (T > Tc) cette symétrie est satisfaite. En effet le système est dans uneseule phase thermodynamiquement stable, telle que sous une réflexion z ! �z l’aimantation spontanée resteinchangée puisque M ! �M = M = 0. Cette phase est la phase désordonnée.

Par contre dans la phase ferromagnétique (T < Tc) cette symétrie est spontanément brisée. En effet le systèmepossède maintenant deux phases thermodynamiques stables et distinctes : celle d’aimantation positive M etcelle d’aimantation opposée �M. Sous la réflexion z ! �z les deux phases s’interchangent. Ces deux phasespures sont les phases ordonnées du système.

L’aimantation spontanée M est le paramètre d’ordre de la transition.

1.1.3 Singularités au point critique et exposants critiquesLa première caractéristique d’une transition continue est que les quantités thermodynamiques du système

se comportent de façon continue mais singulière à la transition. Le point critique apparaît mathématiquementcomme une singularité dans le diagramme de phase, cette singularité est caractérisée par des exposants cri-tiques.

Pour notre système les deux quantités thermodynamiques sont l’énergie interne par unité de volume Ev etl’aimantation moyenne M. Ces deux quantités s’obtiennent à partir de l’énergie libre F, fonction de la tempéra-ture T et du champ magnétique appliqué B comme

Ev =EV = � T2

V∂

∂TFT

, M =1V

∂F∂B

(1.1.1)

où V est le volume du système. Si la transition est continue et de deuxième ordre Ev et M sont continues aupoint critique (T, B) = (Tc, 0). Par contre on constate expérimentalement que leurs dérivés, la chaleur spécifiquepar unité de volume Cv et la susceptibilité magnétique c

Cv =∂Ev∂T

, c =∂M∂B

(1.1.2)

divergent au point critique. La divergence de ces quantités est algébrique, c’est à dire donnée par des lois de

v

TTc

Cv

TTc

χ

FIGURE 1.4 – Divergences de la chaleur spécifique et de la susceptibilité magnétique au point critique

puissance caractérisées par des exposants critiques (appelés aussi indices critiques). Les singularité de Cv et c

définissent quatre exposants critiques, notés dans la littérature a, b, g et d. Les trois premiers se réferent aucomportement du système en champ nul (B = 0) quand T ! Tc.

Cv(T) µ |T � Tc|�a (1.1.3)

M(T) µ |T � Tc|b (1.1.4)c(T) µ |T � Tc|�g (1.1.5)

et en principe suivant que T < Tc (phase ordonnée) ou T > Tc (phase désordonnée) les exposants a et g

peuvent être différents (auquel cas on les notera respectivement a� et a+, idem pour g). L’exposant d se réfèreau comportement de l’aimantation en fonction du champ à la température critique

M(Tc, B) µ |B| 1d (1.1.6)

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1-4 CHAPITRE 1. RAPPELS DE MÉCANIQUE STATISTIQUE

En anticipant sur la suite, la théorie simple du champ moléculaire (Curie-Weiss) ou du champ moyen préditpour ces exposants les valeurs

a = 0 , b = 1/2 , g = 1 , d = 3 (1.1.7)

1.1.4 Corrélations et fluctuations au point critique, longueur de corrélation et exposantsassociés

La seconde caractéristique très importante d’une transition continue est qu’il existe dans le système desfluctuations thermodynamiques très importantes en amplitude et sur de grandes échelles spatiale et tempo-relle. L’existence de singularités dans les quantités thermodynamique est en fait la conséquence de ces fluctua-tions critiques.

Corrélations : Pour mesurer ces fluctuations il faut consider les corrélations entre quantités thermodyna-miques locales du système. On définit donc l’aimantation locale m(x) au point x comme la moyenne spacialede l’aimantation sur un petit domaine autour de x, domaine très petit devant la taille de l’échantillon, mais quiest bien sûr plus grand que la distance interatomique. L’aimantation globale par unité de volume M est biensûr donnée par la valeur moyenne de la moyenne spaciale de m(x)

M =1V h

Zdx m(x)i = hmi (1.1.8)

où h i désigne la moyenne sur les fluctuations thermique (voir plus loin les rappels de mécanique statistique).L’aimantation locale fluctue localement autour de sa valeur moyenne. On considère l’écart entre m et sa

valeur moyenneDm(x) = m(x)�M = m(x)� hm(x)i

et la fonction de corrélation spatiale de Dm en deux points différents

G(x, y) = hDm(x)Dm(y)i = hm(x)m(y)i � hm(x)ihm(y)i (1.1.9)

notée dans la suite «fonction de corrélation connexe» 1 à deux points. G(x, x) mesure l’amplitude des fluc-tuations de m autour de sa valeur moyenne au point x (variance). G(x, y) mesure les corrélations entre lesfluctuations de m aux points x et y. En pratique dans des matériaux magnétiques cette fonction de corrélationest accessible par des expériences de diffusion de neutrons ou de rayons X.

Longueur de corrélation : On observe de facon générale que cette fonction de corrélation décroit exponentiel-lement à grande distance comme

G(x � y) µ exp(�|x � y]/x) quand |x � y| ! • (1.1.10)

où x est la longueur de corrélation pour les fluctuations d’aimantation (en pratique x depend légèrement del’orientation du vecteur x�y par rapport aux axes crystallographiques, mais cette anisotropie s’avère négli-geable au voisinage du point critique, pour des raisons que l’on verra plus loin). La longueur de corrélationdéfinit la distance sur laquelle les fluctuations des aimantations locales sont corrélées. Dans la phase parama-gnétique où l’aimantation moyenne est nulle, mais où il peut exister localement des petits domaines d’aiman-tation positive et négative, x est également la taille typique de ces domaines microscopiques.

FIGURE 1.5 – Configurations typiques des domaines d’aimantation pour le modèle d’Ising en D=2 (voir plusloin) dans la phase paramagnétique loin du point critique (a) et au voisinage du point critique (b).

Loin du point critique la mongueur de corrélation x est petiteet (typiquement de l’ordre de la portée desforces d’échange entre moments magnétiques, quelques mailles de réseau tout au plus). Ce qui est intéressantest que près du point critique la longueur de corrélation devient très grande et quelle devient infinie au pointcritique. Cette divergence reflète la présence des fluctuations critiques.

1. La dénomination connexe est utilisée par les physiciens parce que dans une représentation diagrammatique - voir plus loin - seulsles diagrammes connexes contribuent à G(x, y), tandis que des diagrammes non-connexes contribuent à la fonction de corrélation simplehm(x)m(y)i. En probabilité et en statistique les fonctions connexes correspondent simplement aux cumulants de la variable aléatoire m(x).

c� François David, 2014 Notes de cours – 11 février 2014

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1.1. PHÉNOMÈNES CRITIQUES 1-5

Exposants n et h : A cette divergence sont aussi associées deux exposants critiques, notés n et h. Quand T tendvers la température critique Tc (à champ nul) x diverge en effet en suivant une loi de puissance

x µ |T � Tc|�n (1.1.11)

qui définit l’exposant n de la longueur de corrélation (en principe il y a deux exposants n+ et n�). Puisque àT = Tc x = • ceci veut dire que la fonction de corrélation à deux points G(x, y) décroit à grande distance pluslentement que toute exponentielle ; en fait elle décroit aussi en suivant une loi algébrique de a forme

G(x, y) µ |x � y|2�D�h , quand |x � y| ! • (1.1.12)

où D est la dimensionnalité du système 2 et h est l’exposant de la fonction de corrélation. Cette définition deh vient du fait qu’on considère généralement la transformée de Fourier G(k) de G dans l’espace réciproque, etque le comportement algébrique pour G devient une divergence algébrique à petit vecteur d’onde pour G

G(k) µ1

|k|2�h

, quand |k| ! 0 (1.1.13)

En anticipant encore sur la suite, la théorie simple du champ moyen prédit pour ces exposants les valeurs

n = 1/2 , h = 0 (1.1.14)

1.1.5 Universalité et lois d’échelleLes phénomènes critiques sont intéressants car ils soulèvent des questions fondamentales sur la physique

des systèmes avec un grand nombre de degrés de liberté, en particulier sur l’émergence d’une dynamiquenon-triviale sur une gamme très grande d’ échelles de longueur (de vecteur d’onde) ou de temps (d’énergie).

1.1.5.a - Invariance d’échelle au point critique

1.1.5.b - Lois et relations d’échelle

— A un point critique, les fluctuations thermodynamiques sont présentes à toutes les échelles de distance(et aussi de temps quand on étudie la dynamique des fluctuations au point critique : phénomène duralentissement critique).

— Il faut comprendre pourquoi, qu’est ce qui régit ce phénomène et quelles sont les conséquences.— Apparition de comportements d’échelle, c’est à dire de lois de puissance non-triviale en fonction de

l’échelle d’observation (caractère “fractal" des configurations d’aimantation) au point critique.— On constate aussi que près du point critique les fonctions de corrélations (les observables) prennent des

forme universelles qui ne dépendent que des rapport distances/longueur de corrélation. Par exemple lafonction à deux points se comporte comme

G(x, y; T) µ H(|x � y|/x(T)) (1.1.15)

ou H est une fonction d’échelle universelle.— Ceci entraîne que certains rapports entre quantités physiques sont aussi universels au voisinage d’un

point critique. Par exemple, si la longueur de corrélation diverge en Tc comme

x =

(X+(T � Tc)�n quand T > Tc

X�(T � Tc)�n quand T < Tc.(1.1.16)

le rapport X+/X� est une quantité universelle. De telles quantités sont appelés rapports d’amplitudescritiques.

— Les exposants critiques ne sont pas donnés par la théorie simple du champ moyen (voir plus bas), maisne sont pas indépendant. Il existe des relations d’échelle donnant les quatres autres exposants en fonctiondes deux exposants n et h

2. D = 3 pour les matériaux usuels, mais on peut fabrique et étudier des matériaux de structure bidimensionnelle (D=2) et unidimen-sionnelle (D=1).

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1-6 CHAPITRE 1. RAPPELS DE MÉCANIQUE STATISTIQUE

FIGURE 1.6 – Configuration microscopique «typique» d’un système magnétique à la température critique :modèle d’Ising en 2 dimensions, le noir représente les domaines d’aimantation m > 0, le blanc les domainesm < 0.

a = 2 � nD (1.1.17)

b =12

n(D � 2 + h) (1.1.18)

g = n(2 � h) (1.1.19)

d =D + 2 � h

D � 2 + h

(1.1.20)

Certaines de ces relations découlent déjà de l’hypothèse dite «de scaling» (due à B. Widom) qui est que la partiesingulière de l’énergie libre est une fonction homogène de B et T � Tc (et d’une hypothèse reliée «d’hypersca-ling»). Mais la compréhension complète et la démontration de ces relations n’a été fournie que par la théoriedu groupe de renormalisation, qui implique que les fonctions de corrélations sont données par des fonctionsd’échelles dans le domaine critique.

1.1.5.c - Universalité

Les exposants critiques sont les mêmes dans la phase para et la phase ferro. Différents systèmes magné-tiques du même type (ferromagnétique uni-axe) et des modèles simples comme le modèle d’Ising (voir plusloin) ont le même comportement critique : mêmes exposants critiques, mêmes fonctions d’échelles pour lesfonctions de corrélations près du point critique, mêmes rapports d’amplitudes.

De plus, des systèmes physiques complètement différents peuvent avoir le même comportement critique.Par exemple, le point critique des fluides binaires est le même que celui des ferro uni-axes ! Température T etfraction relative x des deux constituants remplacent les variables température T et aimantation moyenne M. Apriori le point critique d’un fluide comme l’eau est du même type, mais il y a des interactions à longue portée(VdW) dans l’eau qu’il n’y a pas dans les mélanges binaires simples non polaires.

c� François David, 2014 Notes de cours – 11 février 2014

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1.1. PHÉNOMÈNES CRITIQUES 1-7

FIGURE 1.7 – Idem à basse température (gauche) et haute température (droite).

XA/B

TTc

pt critique

1 phase

1 phase

2 phases pt critique

A/B

T

Tc

µ

1er ordre

FIGURE 1.8 – Diagramme de phase et point critique pour les fluides binaires dans les variables tempéra-ture/fraction relative (gauche) et température/potentiel chimique relatif (droite)

1.1.5.d - Autres systèmes et classes d’universalité

La nature de paramètre d’ordre et la dimensionalité du système influent sur le comportement critique.Les ferromagnétiques bi-axes (l’aimantation est dans un plan) ou habituels (l’aimantation peut prendre toutesles orientations) ont des comportement critiques différents. Des systèmes physiques ont des paramètre d’ordreplus complexes (systèmes magnétiques frustrés) ou d’autres interactions interviennent (désordre par exemple).Il existe plusieurs classes d’universalité caractérisées par des comportements critiques différents.

Mais les relations d’échelles sont toujours satisfaites.Le tableau suivant donne des exemples pour les modèles d’Ising (système magnétique avec N = 1 compo-

sante), XY (N = 2), Heisenberg (N = 3), et le polymère en bon solvant (SAW = self avoiding walk), qui peutêtre vu comme un système magnétique avec N = 0 composantes.

a b g d n h

Champ moyen 0 1/2 1 3 1/2 0Ising D = 3 0.1 0.31 1.25 5.0 0.64 0.04Ising D = 2 0 1/8 7/4 15.0 1 1/4XY D = 3 0.0 0.34 1.31 0.67 0.03O(3) D = 3 -0.1 0.36 1.38 0.70 0.03SAW D = 3 0.23 0.30 1.16 0.58 0.03SAW D = 2 1/2 15/192 43/32 91/5 3/4 5/24

Les comportements critiques sont donc universels, des systèmes physique différents ont en général le même

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1-8 CHAPITRE 1. RAPPELS DE MÉCANIQUE STATISTIQUE

comportement critique si la symétrie caractérisant un point critique est la même.

1.1.5.e - Invariance d’échelle en physique

L’apparition de fluctuations spaciales et temporelles sur de grandes games d’échelles et l’invariance d’échellese manifestent dans des tas de domaines, pas seulement la physique des points critiques dans les systèmes ma-gnétique et les fluides simples. Citons quelques exemples.

— “Matière molle" : polymères, cristaux liquides— Systèmes hors d’équilibre : Croissance, Agrégation, Fractures, Coalescence— “Systèmes critiques auto-organisés", Turbulence— Fractales— Systèmes dynamiques "complexes" : Economie, Biologie, Astrophysique

L’émergence de propriétés d’échelle et de l’universalité peut-elle être décrite et comprise par des mécanismessimples ?

1.2 Rappels de mécanique statistique : l’exemple du modèle d’Ising

Je rappelle la définition du modèle d’Ising et les concepts de mécanique statistique dont nous aurons besoindans la suite.

1.2.1 Définition du modèle d’Ising

Le modèle d’Ising est un modèle simple de spin classique à deux états sur réseau. Dans la pluspart descas on considère un réseau hypercubique L de maille a = 1. Pour le système infini L = ZD ; pour un systèmefini, pour simplifier on considérera un réseau de taille L = Na (N entier) avec des conditions aux limitespériodique, c.a.d. un tore L = (ZN)D. La coordinance (nombre de voisins) d’un site est C = 2D. Les sites sontétiquetés par un vecteur entier i = (i1, · · · , iD) 2 ZD. On pourra aussi considérer des réseaux triangulaires,anisotropes, des conditions aux limites plus compliquées, etc. A chaque site i est attaché un spin classique Siqui prend la valeur ±1.

Si = ±1

Enfin on se donne couplage ferromagnétique entre plus proches voisins, , c’est à dire entre les spins qui sont surdes sites i et j appartenant à un lien < ij> du réseau.

j

<ij>

i

FIGURE 1.9 – Le réseau carré 2D

De façon compacte on notera S (en gras) une configuration S = {Si; i 2 L} des spins sur le réseau L.

c� François David, 2014 Notes de cours – 11 février 2014

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1.2. MODÈLE D’ISING 1-9

L’énergie d’une configuration S = {Si} est donnée par le Hamiltonien 3de Ising-Lenz

H[S] = � J Â<ij>

SiSj , J > 0 couplage (1.2.1)

Cette énergie est minimale quand tous les spins sont alignés. En présence d’un champ magnétique externe Bil faut rajouter à H un terme en � B Âi Si

H[S] = � J Â<ij>

SiSj � B Âi

Si , B champ externe (1.2.2)

1.2.2 Ensemble canonique, fonction de partitionL’ensemble canonique décrit un système en équilibre thermodynamique avec un thermostat à température

T. Le poids de Bolzmann d’une configuration S est

w[S] = e�bH[S] = eb

hJ Â<ij>

SiSj+B Âi

Si

i

, b =1

kBT(1.2.3)

Pour simplifier on absorbe le facteur de Boltzman dans la définition de la température, c’est à dire

kB = 1 ; b =1T

(1.2.4)

La fonction de partition du système à température T est donnée par la somme sur toutes configurations

Z = ÂS

w[S] = ÂS

e�1T H[S] (1.2.5)

et les valeurs moyennes à l’équilibre des observables A[S] sont données par

hAi =ÂS

A[S]w[S]

ÂS

w[S](1.2.6)

L’énergie libre estF = � T log Z (1.2.7)

et l’énergie interne est

E = hH[S]i = T2 ∂

∂Tlog Z = �T2 ∂

∂T

✓FT

◆(1.2.8)

La magnétisation totale M est

M =⌦Â

iSi

E= � ∂F

∂B(1.2.9)

et la magnétisation moyenne par site m est

m = M/V ; V volume du système (1.2.10)

1.2.3 Observables et fonctions de corrélationLa chaleur spécifique totale est

C =∂E∂T

= T2 �hH[S]H[S]i � hH[S]ihH[S]i�

(1.2.11)

3. Mathématiquement S est une fonction de L = ZD ! Z2 = {�1,+1} et le Hamiltonien H[S] est une fonction de la fonction S, c’està dire une fonctionnelle de tous les spins. Dans toute la suite on désignera une fonction f d’une variable x avec des parenthèses par f (x).On notera une fonctionnelle F d’une fonction X avec des crochets par F [X].

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1-10 CHAPITRE 1. RAPPELS DE MÉCANIQUE STATISTIQUE

et la chaleur spécifique par unité de volume est Cv = C/V. La susceptibilité magnétique est

c =∂m∂B

=1V Â

ijhSiSji � hSiihSji (1.2.12)

On voit apparaître la fonction de corrélation connexe de deux spins (déjà introduite pour les systèmes magné-tiques).

Gij = hSiSji � hSiihSjiet la relation entre c et Gij est le premier exemple d’une relation de type fluctuation-dissipation reliant ici lasusceptibilité magnétique, une quantité caractérisant la réponse du système à une perturbation (ici magnétique),à l’intégrale d’une quantité mesurant les fluctuations à l’équilibre du système, la fonction de corrélation à deuxspins

c = Âj

Gij = ÂjhSiSjiconnexe (1.2.13)

De la même façon la chaleur spécifique (réponse du système à une perturbation de température) est reliée (àB = 0) à la fonction de corrélation de l’opérateur d’énergie Ei défini comme

Ei = � J2 Â

j voisin de iSiSj , Cv = T2 Â

jhEiEjiconnexe (1.2.14)

1.2.4 Limite thermodynamique :Rappelons que dans la phase de haute température (paramagnétique) il n’y a qu’une phase thermodyna-

mique stable en champ nul B = 0. La limite thermodynamique (volume infini) V ! • et la limite de champnul B ! 0 commutent.

Par contre dans la phase de basse température (ferromagnétique) il y a deux phases pures stables d’aiman-tation ±mo. Pour obtenir une seule phase pure il faut d’abord prendre la limite thermodynamique V ! • enchamp B 6= 0, puis prendre la limite de champ nul B ! ±0. Si on fait l’inverse en prenant d’abord la limitede champ nul à volume fini, puis que l’on fait la limite thermonynamique, on se trouve dans une phase mixte(mélange équiprobable des deux phases pures) et l’aimantation totale est nulle m = 0. Les limites thermody-namiques et de champ nul ne commutent pas, la symétrie m $ �m est spontanément brisée.

1.3 Potentiel thermodynamique et transformation de LegendreJ’introduis maintenant un objet important, le potentiel thermodynamique (le potentiel de Gibbs, aussi appelé

dans le contexte de la théorie statistique des champs le potentiel effectif ) du système.On est souvent intéressé aux propriétés d’un système magnétique en fonction de son aimantation (sponta-

née ou induite) M plutôt que du champ appliqué B qui a permis d’obtenir cette aimantation. De la même façonqu’en thermodynamique on passe des propriétés d’un gaz en fonction du volume, décrite par son énergie in-terne E , à celle du gaz en fonction de la pression, décrite par son enthalpie H (H est donnée mathématiquementpar une transformée de Legendre de E par rapport à la variable volume), on va définir un potentiel thermody-namique associé à l’aimantation. Cette définition va être générale, et donc un peu formelle à ce stade, mais ceformalisme va s’avérer très puissant dans la suite.

1.3.0.a - Source externe et aimantation locale

Pour cela couplons chaque spin Si à un champ externe (appelé aussi source externe) hi . Chaque source hi estune variable indépendante. Comme pour les Si on notera h une configuration de ces champs externes

h = {hi; i 2 L} (1.3.1)

Le Hamiltonien total du système couplé à la source est donc

Hh[S] = H[S] � Âi

hiSi = H[S] � h S (1.3.2)

c� François David, 2014 Notes de cours – 11 février 2014

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1.3. POTENTIEL THERMODYNAMIQUE ET TRANSFORMATION DE LEGENDRE 1-11

Sa fonction de partition Z et son énergie libre F sont maintenant des fonctions des sources {hi}, donc desfonctionnelle de h (et toujours des fonctions de J/T et de B/T).

Z[h] = Â{Si}

e�1T (H[S]� h S) , F[h] = � T log Z[h] (1.3.3)

(on a toujours normalisé kB = 1). En théorie statistique des champs on appelle le logarithme de la fonction departition la fonction génératrice connexe 4 du système W.

W[h] = T log Z[h] = � F[h] (1.3.4)

L’aimantation locale mi du site i est simplement la dérivée partielle de W par rapport à la source hi du site i

mi = hSii =∂W[h]

∂hi

����h=0

(1.3.5)

De même, la fonction de corrélation connexe à deux spins est donnée par la dérivée seconde de W par rapportaux sources

Gij = hSiSji � hSiihSji = T∂

2W[h]∂hi∂hj

�����h=0

(1.3.6)

1.3.0.b - Définition du potentiel effectif G[m]

Maintenant au lieu de considérer que les aimantations mi dépendent des champs externes hi, inversons lesvariables et considérons que ce sont les hi qui sont fonctions des mi.

mi = mi[h] ! hi = hi[m]

Le potentiel effectif G est défini par la transformée de Legendre de F par rapportaux hi, c’est à dire que c’est lafonction des mi définie comme

G[m] = Âj

mihi � W[h] ; mi[h] =∂W[h]

∂hi(1.3.7)

1.3.0.c - Propriétés du potentiel effectif :

Les propriétés du potentiel découlent des propriétés standard de la transformée de Legendre. Les plusimportantes sont les suivantes :P.1 - Définition variationnelle de G : La définition de m correspond à extrémiser F[h] + hm par rapport aux

variations de la source h. En fait l’extremum est un maximum (voir les propriétés de convexité de G).Une définition équivalente du potentiel G est donc

G[m] = maxh

�F[h] + hm

�(1.3.8)

P.2 - Relation champ/aimantation : Le champ externe au site i, hi est la dérivé partielle du potentiel par rap-port à l’aimantation mi au site i

hi =∂G[m]

∂mi(1.3.9)

Conséquences : La transformée de Legendre est une involution, c’est à dire que W est la transformée de Le-gendre de l’action effective G.

W[h] = Âj

himi � G[m] ; hi[m] =∂G[m]

∂mi(1.3.10)

4. Elle s’écrit en fonction des diagrammes connexes dans un développement de basse température

Programme Doctoral de Suisse Occidentale Théorie statistique des champs et groupe de renormalisation

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1-12 CHAPITRE 1. RAPPELS DE MÉCANIQUE STATISTIQUE

et en utilisant P.1 on a aussi une définition variationnelle de W à partir de G

F[h] = minm

�(G[m]� hm)

�(1.3.11)

P.3 - Aimantation moyenne = Extremum de G : Ceci implique que, si on connaît le potentiel G, les aimanta-tions moyennes des sites i dans le champ externe h sont données par les solutions de l’équation précé-dente. En particulier, l’aimantation en champ nul mi(h = 0) est donnée par le zéro de la dérivée de G,c’est à dire par le point où le potentiel est extrémal (et en fait par des arguments de convexité minimal).

m0 = aimantation en champ nul , m0 minimum de G[m]

et de façon générale

m(h) = aimantation en champ h , m(h) minimum de G[m]� hm

C’est donc le potentiel G qu’il faut minimiser pour obtenir l’état thermodynamique d’équilibre du sys-tème.

P.4 - Corrélations à 2 spins et dérivée seconde de G : Il existe aussi une relation importante entre la matricedes dérivés secondes du potentiel effectif par rapport aux aimantations

Hij =∂

2G∂mi∂mj

(1.3.12)

et les fonctions de corrélations connexe à deux spins, définies comme au dessus par

Gij = hSiSji � hSiihSji(pour un système fini avec N sites, Hij et Gij définissent des matrices N ⇥ N). Ces deux matrices sontl’inverse l’une de l’autre (à la température près)

Âk

Gik Hkj = T dij

autrement ditG = T H�1 (1.3.13)

P.5 - Convexité de G : Ceci implique en particulier que le potentiel G est une fonction convexe des mi. En effet,comme les poids de Boltzmann du modèle d’Ising sont réels et positifs, la matrice Gij = hDSiDSji(DSi = Si � hSii) des corrélations connexes à deux spins est une matrice définie positive (c’est à direque Âij uiGijuj > 0 8u 6= 0). Sa matrice inverse Hij est donc aussi définie positive, comme c’est lamatrice des dérivés secondes de G, G est une fonction convexe. Si G a un extremum, c’est un minimum.

P.6 - Potentiel effectif dans un champ externe : Il est facile de montrer que si G[m] est le potentiel effectif pourle modèle d’Ising en champ externe nul B = 0, le potentiel effectif du modèle en champ non nul estsimplement donné par

G[m; B] = G[m] � B Âi

mi (1.3.14)

Si le champ externe est non homogène B ! Bi, la relation reste valable

G[m; B] = G[m] � Âi

Bimi (1.3.15)

P.7 - Le potentiel effectif comme énergie libre avec contrainte : Enfin une formule très utile. On peut écrirele potentiel effectif G comme

G[m] = hHih � T S [h] , h tel que hSih = m (1.3.16)

T est la température, S [h] est l’entropie totale du système de spin lorsqu’il est couplé au champ externe h (doncdécrit par le Hamiltonien micropscopique Hh. H est le Hamiltonien «interne» du système de spins 1.5(sans tenir compte du couplage au champ externe h), et hHih est la valeur moyenne de H calculée pourle système couplé au champ externe h. Enfin dans la formule le champ externe h est fixé à sa valeur telleque l’aimentation moyenne hSiih = mi.

c� François David, 2014 Notes de cours – 11 février 2014

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1.4. MATRICE DE TRANSFERT 1-13

1.4 Matrice de transfert

1.4.1 Matrice de transfert 1DLes méthodes de matrice de transfert sont un outil important en physique statistique. Historiquement ce

sont elles qui ont permis de résoudre le modèle d’Ising en une et deux dimensions. Elles sont à la base desméthodes exactes et des applications des systèmes intégrables et physique statistique. C’es sur elles que re-pose également l’équivalence entre problèmes de physique statistique et problèmes quantiques (matrice detransfert ' opérateur d’évolution). Enfin elles permettent des études numériques précises (méthodes de finitesize scaling).

Je renvoie aux exercices de TD et au cours de physique statistique pour plus de détails.

Modèle d’Ising 1D : On considère le modèle d’Ising 1D sur une chaîne unidimensionnelle. Les sites i sontsimplement étiquetés par des entiers i 2 Z, et dans la suite on considère une chaîne de longueur L avec desconditions aux limites périodiques Si+L = Si. Le Hamiltonien est donc

H[S] =L

Âi=1

�JSiSi+1 � BSi (1.4.1)

et peut se réécrire comme une somme sur chaque lien de termes ne dépendant que des spins aux extrémitésdu lien.

H[S] = Âi

E(Si, Si+1) , E(Si, Si+1) = �JSiSi+1 � B(Si + Si+1)/2 (1.4.2)

On définit la matrice de transfert T(`) pour le lien (`) = (i, i + 1) comme la matrice dont les lignes e et lescolonnes f sont étiquetées respectivement par toutes les configurations “entrantes” possibles ei des spins surle site i, et les configurations “sortantes” fi+i pour le site i + 1 du lien `. Dans notre cas c’est une matrice 2 ⇥ 2car il y a deux états «in» e et 2 états “out” f

e ! {Si = +1, Si = �1} , f ! {Si+1 = +1, Si+1 = �1} , (1.4.3)

Les éléments de matrice Te f de la matrice de transfert pour ce lien ` = (i, i + 1) sont les poids de Boltzmannpour ce lien

Te f = T(Si, Si+1) = exp(�b E(Si, Si+1)) (1.4.4)La matrice de transfert est explicitement pour la chaine d’Ising

T =

✓T++ T+�T�+ T��

◆=

✓eb(J+B) e�bJ

e�bJ eb(J�B)

◆(1.4.5)

C’est une matrice réelle symétrique.Le point crucial est que le poids de Bolzman d’une configuration S s’écrit comme un produit d’élément de

matrice Te�bH[S] = Ta1,a2 Ta2,a3 · · · Tai�1,ai Tai ,ai+1 · · · TaL ,a1 (1.4.6)

où chaque ai correspond à l’état du site i (ai = ± si Si = ±1). La somme sur tous les microétats S correspond àsommer sur tous les indices ai répétés ; donc à prendre la trace (à cause des c.a.l. périodiques aL+1 = a1) d’unproduit de N matrices de transfert. On a donc simplement pour la fonction de partition

Z = tr(TL) (1.4.7)

De façon similaire, on peut calculer les fonctions de corrélations de spin en introduisant la matrice S dont leséléments de matrice sont Se f = (Si)ede, f . Ici cette matrice est la matrice diagonale

S = diag(Si) =

✓1 00 �1

◆= s3

Les fonctions de corrélation à un point et à deux points sont données simplement par

hSii =1Z

tr(STL) , hSiSi+ni =1Z

tr(STnSTL�n) (1.4.8)

On en déduit que la longueur de corrélation du modèle est donnée par le rapport des deux valeurs propresl0 > l1 de T par

x = 1/ log(l0/l1) (1.4.9)

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1-14 CHAPITRE 1. RAPPELS DE MÉCANIQUE STATISTIQUE

Exercice : Calculer les 2 valeurs propres l0 > l1 > 0 de T et leurs vecteurs propres associés. En déduire lesvaleurs de Z et des corrélateurs hSi et hSiSji dans la limite thermodynamique de la chaîne de longueur infinieL ! •.

Généralisations : Pour un modèle de spin classique à q états en une dimension avec des interactions entreplus proches voisins < i, i + 1 >, montrer que la fonction de partition s’écrit toujours comme la trace d’unepuissance de la matrice de transfert T , avec T une matrice q ⇥ q. En déduire que la formule 1.4.9 se généralise,l0,1 étant les deux plus grandes valeurs propres de T

l0 > l1 > l2 > · · ·

c� François David, 2014 Notes de cours – 11 février 2014