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RAPPORT 2015 SUR LES DROITS DE L'HOMME - BURKINA FASO
RÉSUMÉ ANALYTIQUE
Le Burkina Faso est une république constitutionnelle dirigée par un président élu.
Le 29 novembre, il a organisé de façon pacifique et ordonnée des élections
présidentielle et législatives, qui ont marqué un tournant dans la transition de ce
pays vers la démocratie. Le président Roch Marc Christian Kaboré a été élu avec
53 % des suffrages exprimés et son parti, le Mouvement du peuple pour le Progrès
(MPP), a remporté 55 sièges sur 127 à l’Assemblée nationale. L’Union pour le
Progrès et le Changement (UPC) a remporté 33 sièges et le Congrès pour la
Démocratie et le Progrès (CDP), ancien parti au pouvoir, en a remporté 18. Les
observateurs nationaux et internationaux ont déclaré que les élections avaient été
libres et équitables. Les autorités civiles n’ont parfois pas assuré un contrôle
efficace des forces de sécurité.
En octobre 2014, Blaise Compaoré, qui était président depuis 1987, a démissionné
puis quitté le pays à la suite de manifestations de grande ampleur organisées pour
protester contre ses tentatives de réviser les articles de la Constitution concernant
la limitation du nombre des mandats successifs, afin de pouvoir briguer un
nouveau mandat aux élections de 2015. En novembre 2014, un gouvernement de
transition dirigé par le président par intérim Michel Kafando et le Premier ministre
par intérim Yacouba Isaac Zida a été instauré. Le 16 septembre, cette période de
transition a été interrompue lorsque des membres du Régiment de la sécurité
présidentielle (RSP) ont fait irruption dans la réunion hebdomadaire du conseil des
ministres pour arrêter le président par intérim, le Premier ministre et les membres
du gouvernement. Le 17 septembre, le général Gilbert Diendéré, ancien chef du
RSP, s’est emparé du pouvoir puis autoproclamé président d’un Conseil National
pour la Démocratie (CND). Des soldats du RSP ont tué et blessé des civils, attaqué
des journalistes, fait des descentes dans des bureaux de presse et détruit des
équipements médias. Le 23 septembre, à la suite d’un tollé général et d’une
médiation conduite sous l’égide de la Communauté Économique des États de
l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), Michel Kafando a été rétabli dans ses fonctions
de président par intérim. Par la suite, un décret promulgué par le Conseil des
ministres a dissous le RSP que les forces armées régulières ont ensuite désarmé.
Les autorités ont arrêté et poursuivi en justice le général Diendéré ainsi qu’un
certain nombre de membres des forces armées, de dirigeants politiques et de civils,
accusés d’avoir déstabilisé le pays.
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Les problèmes les plus significatifs en matière de droits de l’homme ont concerné
les assassinats et le recours à une force excessive, y compris la torture, par les
services de sécurité à l’encontre de civils et de détenus, des conditions de détention
pénibles et délétères, ainsi que la violence et la discrimination à l’encontre des
femmes et des enfants, notamment avec la pratique des mutilations génitales
féminines et de l’excision (MGF/E).
Parmi les autres problèmes relatifs aux droits de l’homme, on a signalé les
arrestations et les détentions arbitraires, l’inefficacité et le manque d’indépendance
du système judiciaire, la violence à l’encontre des journalistes, des restrictions à la
liberté de parole, d’expression et de réunion, la corruption au sein des services
publics, la traite des personnes, la discrimination à l’égard des personnes
handicapées, la violence sociétale, la discrimination à l’encontre des membres de la
communauté lesbienne, homosexuelle, bisexuelle, transgenre et intersexuée
(LGBTI), la discrimination à l’égard des personnes vivant avec le VIH-sida et le
travail forcé, notamment des enfants.
Le gouvernement de transition a pris des mesures pour mener des enquêtes et
poursuivre en justice les agents de l’État ayant commis des violations, qu’ils
fassent partie des forces de sécurité ou d’autres organes des pouvoirs publics.
L’impunité est toutefois demeurée un problème.
Section 1. Respect de l'intégrité de la personne, y compris le droit de vivre à
l'abri des atteintes suivantes :
a. Privation arbitraire ou illégale de la vie
Il a été fait état de cas où le gouvernement de transition ou ses agents auraient
commis des exécutions arbitraires ou extrajudiciaires.
À la suite de la tentative de coup d’État du 16 septembre, des membres du RSP ont
tué par balles 14 manifestants et passants, dont deux enfants. Selon Amnesty
International, aucune des personnes tuées n’était armée ni ne présentait une
quelconque menace pour les forces de sécurité. Par exemple, le 17 septembre, des
membres du RSP se sont rendus sur les lieux d’une manifestation pacifique devant
le palais du roi traditionnel du pays, le Moogho Naaba, et ils ont commencé à tirer
en l’air et en direction de la foule. Ils ont tué deux manifestants sur la place. Un
membre du RSP à moto a poursuivi les manifestants et tiré sur un autre homme, le
tuant d’une balle dans la nuque. Selon des éléments médicaux dont Amnesty
International a pris connaissance concernant d’autres incidents qui se sont produits
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entre le 16 et le 20 septembre, les autorités ont tiré sur six victimes dans le dos
alors qu’elles tentaient d’échapper aux forces de sécurité. Les autorités ont tiré sur
d’autres personnes qui sont mortes de balles reçues à la tête, à la poitrine ou au
thorax, « ce qui indique que les soldats qui ont ouvert le feu n'ont pas tenté de
réduire le risque de blessures mortelles », d’après Amnesty International. Le
gouvernement a rapporté que 251 autres personnes avaient été blessées dans les
violences ayant fait suite à la tentative de putsch, parmi lesquelles bon nombre par
des tirs à balles réelles. Selon Amnesty International, des membres du RSP ont
fouetté et battu d’autres personnes.
À la fin de l'année, les autorités ont officiellement inculpé 63 personnes dans le
cadre d’enquêtes liées à ces événements, parmi lesquels Léonce Koné, un dirigeant
du CDP, et Hermann Yaméogo, président de l’Union nationale pour la démocratie
et le développement (UNDD). Le général Diendéré devait répondre à 11 chefs
d’accusation, à savoir trahison, atteinte à la sûreté de l'État, collusion avec des
forces étrangères en vue de déstabiliser le pays, meurtre, recel de cadavre,
contrefaçon et crimes contre l’humanité. L’ancien ministre des Affaires étrangères
Djibril Bassolé devait répondre à six chefs d’accusation, notamment pour atteinte à
la sûreté de l'État et collusion avec des forces étrangères. Les deux hommes ont été
mis aux arrêts dans une prison militaire. Le directeur de la justice militaire s’est
abstenu de fournir les noms de toutes les personnes inculpées par les autorités.
Hormis les poursuites judiciaires, le gouvernement a créé une commission
composée d’officiers militaires et de magistrats qu’il a chargée d’enquêter sur les
événements du mois de septembre pour en identifier les auteurs et les complices.
En juillet, le parquet a ouvert des informations judiciaires à l’encontre des
personnes impliquées dans les violences d’octobre à novembre 2014, qui ont fait
28 morts et 625 blessés à l’occasion des manifestations organisées pour protester
contre les tentatives de l’ancien président Blaise Compaoré de forcer l’Assemblée
nationale à modifier le nombre de mandats présidentiels. Selon une commission
provisoire du gouvernement, neuf des 28 décès auraient été causés par des
blessures par balles infligées par des membres du RSP ; plusieurs autres décès se
sont produits durant des actes de vandalisme ou sous l’effet de ces actes.
Le 6 décembre, le parquet militaire a confirmé à la presse locale et internationale
que le général Diendéré avait été mis en examen pour « tentative d’assassinat,
assassinat et recel de cadavre » dans l’assassinat en 1987 de l’ancien président
Thomas Sankara durant le putsch qui a porté Blaise Compaoré au pouvoir. Le
16 octobre, le directeur de la justice militaire a annoncé la mise en examen de huit
personnes dans l’affaire Sankara, parmi lesquelles quatre étaient encore en
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détention à la fin de l’année. Les résultats des tests ADN ont été peu concluants
concernant l’identité des restes des 13 victimes, l’ancien président et 12 de ses
collègues.
Après la réouverture du dossier Norbert Zongo, un journaliste tué en 1998 avec
trois autres personnes alors qu’il enquêtait sur le décès du chauffeur de François
Compaoré (frère de l’ancien président), les autorités judiciaires ont inculpé
Wampasba Nacoulma, Banangoulo Yaro et Christophe Kombacéré, trois soldats de
l’ancien RSP. Le 14 décembre, le gouvernement a annoncé que les familles des
quatre victimes recevraient 233 135 409 francs CFA (404 000 dollars É.-U.) à titre
d’indemnisation financière, conformément à une décision de la Cour africaine des
droits de l'homme et des peuples remontant à juin.
b. Disparitions
Aucune disparition pour des motifs politiques n’a été signalée.
c. Torture et autres châtiments ou traitements cruels, inhumains ou
dégradants
La Constitution et la loi interdisent de telles pratiques et en mai 2014, l’Assemblée
nationale a adopté une loi aux fins de définir et d’interdire la torture et toutes
pratiques apparentées. Cependant, il a été rapporté que des éléments des services
de sécurité ont torturé, menacé, passé à tabac et maltraité des personnes (voir la
section 1.a.).
Par exemple, en avril, Alaye Diallo, un gardien de troupeaux résidant dans le
village de Zoetgomdé, a déposé plainte auprès de la gendarmerie de Koudougou,
affirmant qu’un gendarme l’avait torturé et lui avait gravement brûlé le dos durant
sa détention de 20 jours en juin 2014 pour avoir soi-disant volé 10 bœufs au chef
du village. Les autorités ont par la suite interpelé le gendarme qui avait infligé ces
mauvais traitements à M. Diallo.
Conditions dans les prisons et les centres de détention
Les conditions dans les prisons et les centres de détention étaient pénibles et
parfois délétères en raison de la surpopulation carcérale et du manque d’hygiène et
de soins médicaux.
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Conditions matérielles : Au 30 juin, selon le ministère de la Justice, des Droits
humains et de la Promotion civique, les autorités détenaient plus de 6 200
personnes emprisonnées, dont environ 100 femmes et 200 mineurs, sur tout le
territoire national. Les autorités détenaient séparément les mineurs et les adultes à
la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (MACO), mais il n’existait pas
de locaux séparés pour les mineurs dans les prisons provinciales. Les personnes en
détention provisoire étaient en général incarcérées avec les prisonniers déjà
condamnés. Les femmes étaient détenues dans de meilleures conditions que les
hommes, en grande partie parce qu’elles étaient moins nombreuses. Bien que la
réglementation exige que soient présents un médecin et cinq infirmiers au centre de
santé de la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (MACO), il n’y avait
que trois infirmiers pour soigner les détenus et un médecin ne s’y rendait qu’une
fois par semaine. La nourriture servie en prison était insuffisante et les détenus
devaient souvent compter sur leur famille pour en recevoir davantage. Dans
l’ensemble du pays, les infrastructures pénitentiaires étaient délabrées. À la MACO
et dans d’autres prisons, la ventilation insuffisante était aggravée par l’extrême
surpeuplement, en dépit du fait que chaque cellule était alimentée en électricité et
que les détenus pouvaient avoir des ventilateurs. Les installations sanitaires étaient
rudimentaires.
Les 24 et 25 août, des responsables du ministère de la Justice, des Droits humains
et de la Promotion civique se sont rendus dans des prisons, des établissements
carcéraux, des gendarmeries et des postes de police à Bobo-Dioulasso aux fins de
vérifier la conformité aux normes en matière de détention et de respect des droits
de l’homme. Leur rapport publié par la suite a fait état de surpeuplement, d’une
séparation peu efficace des détenus par sexe et âge et de ressources financières,
matérielles et humaines insuffisantes.
Selon des organisations de défense des droits de l’homme, des décès se sont
produits dans les prisons et les centres de détention à cause des conditions de vie
pénibles et de la négligence. Les militants pour les droits de l’homme estimaient
qu’un ou deux détenus mourraient chaque mois en raison de la dureté des
conditions de détention.
Il n’existait pas d’aménagements ou d’installations appropriés pour accueillir les
prisonniers ou les détenus handicapés, qui devaient compter sur l’aide des autres
détenus.
Administration pénitentiaire : Contrairement à l’année précédente, il n’a pas été
signalé que les prisons perdaient des dossiers de détenus et, d’après une
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organisation non gouvernementale (ONG) de défense des droits de l’homme, les
autorités enquêtaient généralement sur les allégations crédibles de conditions
inhumaines de détention en prison.
Surveillance indépendante : Le gouvernement a autorisé des observateurs non
gouvernementaux indépendants à effectuer une surveillance. Les autorités
carcérales ont régulièrement autorisé la visite des prisons sans préavis par des
représentants de groupes locaux et internationaux de défense des droits de
l’homme, des médias, des ambassades de pays étrangers et du Comité international
de la Croix-Rouge (CICR).
d. Arrestations ou détentions arbitraires
La Constitution et la loi interdisent les arrestations et les détentions arbitraires mais
les forces de sécurité n’ont pas toujours respecté ces interdictions.
Rôle de la police et de l’appareil de sécurité
La police nationale et la police municipale, qui dépendent du ministère de
l’Administration territoriale, de la Décentralisation et de la Sécurité, et la
gendarmerie, qui relève du même ministère et du ministère de la Défense, sont
responsables de veiller à la sécurité intérieure. Faisant rapport au ministère de la
Défense, l’armée est responsable de la sécurité extérieure mais il lui arrivait
d’appuyer parfois des missions de sécurité intérieures.
Un recours à une force excessive, la corruption, un climat d’impunité et le manque
de formation ont contribué à l’inefficacité de la police. Des ressources insuffisantes
ont également fait obstacle à son efficacité.
L'Administration de la Justice militaire examine tous les meurtres impliquant des
militaires ou des gendarmes pour évaluer si ceux-ci se sont produits dans l’exercice
de leurs fonctions ou s’ils étaient par ailleurs justifiables. Dans le cas contraire, les
autorités renvoyaient l’affaire devant des juridictions civiles. Les tribunaux civils
se chargent automatiquement des homicides impliquant la police. La gendarmerie
est chargée d’enquêter sur les abus perpétrés par les forces de police et de
gendarmerie, mais les résultats de ses enquêtes n'ont pas toujours été rendus
publics. Les tribunaux militaires ont tenu plusieurs procès publics dans le cadre
desquels des civils avaient porté plainte contre des militaires ; les verdicts ont été
rapportés dans la presse.
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Des ONG et le ministère de la Justice, des Droits humains et de la Promotion
civique a organisé des activités de formation aux droits de l’homme à l’intention
des forces de sécurité. Le 28 août, à Bobo-Dioulasso, le ministère a organisé un
atelier sur les droits des détenus et des organisations de la société civile pour les
agents des forces de l’ordre. Du 27 juillet au 1er
août, Amnesty International a
amorcé une série d’ateliers pour la police de Bobo-Dioulasso portant sur la
protection des droits de l’homme au cours des opérations de maintien de l’ordre
public.
Procédures d’arrestation et traitement des personnes en détention
La loi stipule que la police doit être munie d’un mandat fondé sur des preuves
suffisantes et délivré par un tribunal pour appréhender un suspect, mais les
autorités n’ont pas toujours suivi ces procédures. Par ailleurs, elles n’informaient
pas systématiquement les personnes interpelées de la nature des charges pesant
contre elles. La loi prévoit que les détenus ont droit à une inculpation rapide, à la
mise en liberté sous caution, à l’accès à un avocat et, en cas d’indigence, à un
avocat commis d’office par l’État après leur mise en examen. Les autorités ont
rarement respecté ces droits. La loi ne prévoit pas que les détenus aient accès aux
membres de leur famille, bien que les autorités leur aient généralement permis de
le faire par le biais d’autorisations délivrées par un tribunal.
La loi limite la garde à vue à des fins d’enquête à 72 heures au plus, renouvelable
une seule fois pour une période de 48 heures. La police a rarement respecté ces
dispositions et la garde à vue (détention préventive) durait en moyenne une
semaine. Lorsque les autorités décident d’inculper un suspect, la législation
autorise les magistrats à imposer un nombre illimité de périodes de détention
préventive de six mois pendant que le procureur instruit le dossier. Les autorités
maintenaient souvent les accusés en détention sans accès à un avocat pendant des
semaines ou des mois avant qu’ils puissent comparaître devant un magistrat.
Arrestations arbitraires : Les forces de sécurité ont arrêté des manifestants, des
militants de l’opposition et des journalistes (voir les sections 2.a., 2.b. et 3).
En avril, les forces de sécurité ont arrêté et détenu plusieurs anciens membres du
gouvernement et des dizaines d’anciens maires pour malversations et
détournements présumés de fonds au cours de leur mandat (voir la section 4). Les
autorités ont remis toutes ces personnes en liberté à la suite d’une décision de
justice qui stipulait que ces arrestations étaient illégales dans la mesure où seule la
Haute cour de justice est habilitée à juger les membres du gouvernement. Le parti
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antérieurement au pouvoir, le CDP, a dénoncé le caractère arbitraire de ces
arrestations et s’est plaint du non-respect de la procédure régulière. Le Barreau
burkinabé s’est plaint publiquement que les autorités ne permettaient pas aux
détenus d’avoir accès à leurs avocats après leur interpellation, en violation des lois
nationales et régionales.
Détention provisoire : Des officiels du gouvernement ont estimé que 48 % des
détenus dans le pays attendaient l’ouverture de leur procès. Dans certains cas, les
autorités les détenaient sans inculpation ni jugement pendant des périodes plus
longues que celles des peines maximales qui leur auraient été attribuées s’ils
avaient été jugés coupables de ce dont on les accusait. Un système de libération des
personnes en détention provisoire (libération sous caution) existe, mais on ignorait
dans quelle mesure il était appliqué.
e. Déni de procès équitable et public
La Constitution et la loi prévoient l’existence d’un pouvoir judiciaire indépendant
mais, selon les ONG, celui-ci était corrompu, inefficace et il subissait l’influence
du pouvoir exécutif. Les magistrats étaient mal payés et corrompus, les codes
juridiques étaient dépassés, il n’y avait pas suffisamment de tribunaux et les frais
de justice étaient excessivement élevés. La mauvaise connaissance de leurs droits
par les citoyens affaiblissait encore davantage les tribunaux.
Les tribunaux militaires jugent les affaires impliquant les membres de l’armée
accusés d’avoir violé le code de conduite militaire. Ils accordent des droits
équivalents à ceux reconnus dans les tribunaux criminels civils. Les tribunaux
militaires sont présidés par un juge civil, ils tiennent des procès publics dont les
verdicts sont publiés dans la presse locale.
Procédures applicables au déroulement des procès
Les procès sont publics, mais les autorités ont recours à des jurys exclusivement
pour les affaires pénales. Les prévenus sont présumés innocents aux termes de la
loi. Les accusés ont le droit de disposer d’une représentation légale, de consulter un
avocat et de disposer du temps et des moyens suffisants pour préparer leur défense.
Les accusés ont le droit d’être présents à leur procès et d’être informés
promptement et de façon détaillée des chefs d’accusation retenus contre eux, avec
un interprète fourni gratuitement si nécessaire. Les accusés ont le droit de fournir
des preuves et d’avoir accès aux pièces détenues par le ministère public. Ils ont le
droit de ne pas être contraints à témoigner ni à avouer leur culpabilité, mais un
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refus de témoigner entraînait souvent des décisions plus dures. Les accusés
peuvent contester des témoignages, faire comparaître des témoins et ils ont le droit
de faire appel. En matière civile, lorsque l’accusé est indigent et interjette appel,
l’État lui fournit un avocat commis d’office. En matière pénale, il est obligatoire de
fournir un avocat commis d’office aux accusés qui n’ont pas les moyens d’en payer
un. La législation accorde ces droits à tous les citoyens mais les pouvoirs publics
ne les ont pas toujours respectés, ce qui est dû en partie à la méconnaissance de la
loi par la population et au nombre toujours insuffisant de magistrats et d’avocats
commis d’office.
Le ministère de la Justice, des Droits humains et de la Promotion civique a affirmé
que les autorités jugeaient habituellement les affaires dans un délai de trois mois,
même si les organisations de défense des droits de l’homme signalaient des retards
considérables dans le traitement des dossiers. En 2011, les pouvoirs publics ont
introduit le « traitement en temps réel des procédures pénales », une réforme visant
à raccourcir la détention provisoire. Cette réforme permet au parquet et aux
enquêteurs (la police et la gendarmerie) de traiter une affaire préalablement à
l’audience pénale. Cette démarche permet aux autorités d’informer les accusés des
charges qui pèsent contre eux avant de les relâcher en attendant le procès. Au
début, cette réforme s’appliquait exclusivement aux affaires introduites auprès du
Tribunal de grande instance de Ouagadougou, mais les autorités l’ont étendue à
l’ensemble du territoire pendant l’année.
Prisonniers et détenus politiques
Il n’a pas été fait état de prisonniers ou de détenus politiques pendant l’année.
Le 8 avril, à Bobo-Dioulasso, les forces de sécurité auraient arrêté Sita Ouattara,
militante et membre active du parti d’opposition la Nouvelle Alliance du Faso, lors
d’une manifestation de protestation contre une révision du code électoral effectuée
le même mois, interdisant que des personnes présentent leur candidature à des
élections si elles avaient été favorables à la tentative de l’ancien président en 2014
d’accroître le nombre maximum de mandats présidentiels. Six autres militants
arrêtés avec Mme Ouattara ont été relâchés en quelques heures. Accusant
Mme Ouattara de « complot contre la sûreté de l’État », les autorités l’ont
maintenue en détention à la Maison d’arrêt et de correction de Bobo-Dioulasso
jusqu’au 6 mai, date à laquelle elle a été entendue par le juge, qui a ordonné
ensuite sa libération.
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Le 30 mai, la police de Bobo-Dioulasso a interpelé Pascal Zaida, coordinateur de la
Coordination nationale pour une transition réussie (CNTR), à la suite d’une plainte
du ministère de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et de la
Sécurité pour « troubles à l’ordre public et incitation à la révolte contre l’autorité ».
Coalition d’organisations de la société civile opposées aux tentatives de révision du
code électoral en avril, la CNTR a déclaré que la police avait offert de remettre
M. Zaida en liberté s’il annulait une réunion de l’assemblée générale de la CNTR
prévue pour le 31 mai et repartait immédiatement à Ouagadougou. Interrogé par la
police et maintenu en détention pendant trois jours, M. Zaida a déclaré qu’il avait
seulement été mis au courant de la plainte du ministère au moment de sa libération.
La CNTR a dénoncé le caractère d’intimidation de son arrestation, qui visait à
dissuader la coalition et d’autres organisations de prendre part au débat politique.
Procédures et recours judiciaires au civil
Il existe un pouvoir judiciaire indépendant pour les affaires civiles, mais celui-ci
était souvent inefficace, corrompu et il subissait l’influence du pouvoir exécutif.
Ainsi, les citoyens préféraient parfois s’en remettre au médiateur pour régler les
litiges avec le gouvernement.
La loi prévoit l’accès à un tribunal pour intenter des procès visant à obtenir des
dommages et intérêts, ou pour cessation, en cas de violations des droits de
l’homme. Des recours administratifs et judiciaires étaient disponibles en cas de
préjudices prétendument causés. Les victimes de violations des droits de l’homme
peuvent faire directement appel auprès de la Cour de justice de la CEDEAO, avant
même de passer par les tribunaux nationaux. Pour les litiges civils et commerciaux,
les autorités peuvent porter les affaires par devant la Cour commune de justice et
d'arbitrage d’Abidjan. Les tribunaux ont délivré plusieurs arrêtés de ce type au
cours de l’année.
L’exécution des arrêts des tribunaux pour des affaires délicates concernant la
sécurité nationale, des personnes riches ou influentes et des fonctionnaires du
gouvernement, a posé problème.
f. Ingérence arbitraire dans la vie privée, la famille, le domicile ou la
correspondance
De tels actes sont interdits par la Constitution et la loi et les pouvoirs publics ont
généralement respecté ces dispositions. Toutefois, dans les affaires relevant de la
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sécurité nationale, la loi autorise la surveillance, les perquisitions, la mise sur
écoute téléphonique et la surveillance de la correspondance privée sans mandat.
Section 2. Respect des libertés individuelles, notamment :
a. Liberté d’expression et liberté de la presse
La liberté d’expression et la liberté de la presse sont garanties par la Constitution et
la loi et, en général, les autorités les ont respectées. Le 4 septembre, le
gouvernement a adopté une loi de décriminalisation du délit de presse. Elle
remplace les peines de prison par des amendes de un à cinq millions de francs CFA
(de 1 730 à 8 670 dollars É.-U.). Des rédacteurs se sont plaints que peu de journaux
ou médias pouvaient se permettre de payer des amendes aussi élevées.
En dépit de cette nouvelle loi, les journalistes ont parfois été confrontés à des
poursuites judiciaires pour diffamation et à d’autres formes de harcèlement et
d’intimidation.
Liberté de parole et liberté d’expression : La loi interdit d’insulter le chef d’État ou
d’employer des propos désobligeants à l’égard de cette fonction. Les gens
critiquaient en général les instances gouvernementales sans subir de représailles
mais des dirigeants politiques ont été interpelés par les forces de sécurité en raison
des déclarations qu’ils avaient faites pendant l’année (voir les sections 1.e. et 3).
Le 6 mai, le Conseil supérieur de la communication (CSC), instance semi-
autonome dépendant du cabinet du président, a suspendu la diffusion de toutes les
émissions de radio et de télévision interactive en direct pour une durée de trois
mois aux fins d’éviter la diffusion en public de discours incendiaires susceptibles
d’inciter à la violence. Cette décision concernait quelque 150 stations de radio et
15 chaînes de télévision dans l’ensemble du pays. Le 30 mai, le CSC a levé cette
suspension à la suite de critiques des professionnels des médias, des organisations
de la société civile et de certains responsables du gouvernement. Par la suite, de
nombreux médias ont signé librement la charte de bonne conduite du CSC, qui
interdit les insultes, la diffamation, la calomnie, ainsi que les déclarations
séditieuses/haineuses/criminelles dans le cadre de ces émissions interactives ; ils
s’engagent également à mettre en place, dans les émissions auxquelles participent
les auditeurs, un décalage de 10 secondes dans la diffusion (ainsi que d’autres
mesures) afin de permettre aux producteurs de contrôler la teneur des appels.
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Liberté de la presse et des médias : Il existait de nombreux journaux,
hebdomadaires satiriques, stations de radio et chaînes de télévision indépendants,
dont certains étaient très critiques à l’égard du gouvernement. Les stations de radio
étrangères ont diffusé leurs émissions sans ingérence gouvernementale. Les médias
contrôlés par l’État, notamment les journaux, les stations de radio et les chaînes de
télévision, ont parfois affiché un certain parti pris en faveur du gouvernement, mais
ils ont autorisé une participation significative de l’opposition dans leurs colonnes et
émissions de télévision.
Tous les médias sont soumis au contrôle administratif et technique du ministère de
la Communication, qui est responsable de l’élaboration et de la mise en application
des politiques en matière d’information et de communication. Le CSC surveillait le
contenu des émissions de radio et de télévision, des journaux et des sites Internet
afin de veiller au respect des normes de déontologie professionnelle et des
politiques gouvernementales. Il peut convoquer des journalistes et leur adresser des
avertissements en cas de violations subséquentes. Les audiences peuvent porter sur
des cas présumés de diffamation, de trouble à l’ordre public, d’incitation à la
violence ou de violation de la sûreté de l’État.
Violence et harcèlement : D’après l’Association des journalistes du Burkina (AJB),
le RSP a agressé physiquement au moins 15 journalistes et vandalisé ou détruit du
matériel technique, des véhicules et des bureaux appartenant à des médias. En
septembre, l’AJB a dénoncé la violence, l’intimidation et le harcèlement de la part
du RSP.
Censure ou restrictions sur le contenu : Hormis l’interdiction d’insulter le chef
d’État, la loi interdit également la publication d’images ou de documents
choquants qui manifestent un manque de respect à l’égard des défunts. Les
journalistes ont pratiqué l’autocensure.
Liberté de l’usage d’Internet
Les pouvoirs publics n’ont pas limité l’accès à Internet, même si le CSC exerçait
une surveillance des sites Internet et des forums de discussion pour assurer le
respect de la réglementation. Selon l’Union internationale des télécommunications,
4,4 % de la population utilisait Internet en 2013.
Liberté d'enseignement et manifestations culturelles
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Il n’y a pas eu de restriction par les pouvoirs publics de la liberté d’enseignement
ou des manifestations culturelles.
b. Liberté de réunion et d’association pacifiques
Liberté de réunion
La Constitution et la loi prévoient la liberté de réunion mais le gouvernement n’a
pas toujours respecté ce droit. Les autorités interdisaient parfois les manifestations
ou bien les dispersaient avec violence.
Par exemple, suite à la tentative de putsch du 16 septembre par le général
Diendéré, les soldats du RSP ont eu recours à la force, notamment par des tirs,
pour prévenir et disperser les rassemblements publics à Ouagadougou, faisant de
nombreux morts et blessés (voir la section 1.a.).
Les partis politiques et les syndicats peuvent tenir des réunions et des
rassemblements sans permission des autorités, bien qu’un préavis soit requis pour
les manifestations de rue susceptibles de gêner la circulation ou de troubler l’ordre
public. Si une manifestation ou un rassemblement dégénère dans la violence, fait
des blessés ou d’importants dégâts matériels, les organisateurs encourent des
peines de prison allant de six mois à cinq ans et des amendes de 100 000 à deux
millions de francs CFA (de 173 à 3 470 dollars É.-U.). Ces sanctions peuvent être
multipliées par deux si le rassemblement ou la manifestation n’avait pas été
autorisé. En cas d’interdiction de la manifestation ou de modifications imposées au
sujet du trajet ou de l’horaire prévu, il est possible de faire appel auprès des
tribunaux.
Liberté d’association
La Constitution et la loi prévoient la liberté d’association et dans l’ensemble, les
pouvoirs publics ont respecté ce droit. Les partis politiques et les syndicats ont pu
fonctionner sans devoir obtenir d’autorisation de la part des autorités.
c. Liberté de religion
Voir le Rapport sur la liberté de religion dans le monde du département d'État à
l’adresse suivante : www.state.gov/religiousfreedomreport/.
BURKINA FASO 14
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d. Liberté de circulation, personnes déplacées à l’intérieur de leur pays,
protection des réfugiés et personnes apatrides
La Constitution garantit la liberté de mouvement à l’intérieur du pays, les
déplacements à l’étranger, l’émigration et le rapatriement et, en général, les
pouvoirs publics ont respecté ces droits. Le gouvernement a coopéré avec le
Bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et
d’autres organisations humanitaires pour apporter protection et assistance aux
personnes déplacées à l'intérieur de leur pays, aux réfugiés, aux réfugiés de retour
dans leur pays, aux demandeurs d’asile, aux apatrides et aux autres personnes
relevant de la compétence du HCR.
Protection des réfugiés
Droit d'asile : La loi prévoit l’octroi de l’asile ou du statut de réfugié, et les
pouvoirs publics ont mis en place un régime de protection des réfugiés.
Selon un recensement biométrique effectué par le HCR et la Commission nationale
pour les réfugiés (CONAREF) en 2013, le pays comptait 57 demandeurs d’asile
ainsi que 247 réfugiés du Burundi, de la République du Congo, de la République
centrafricaine, de la République démocratique du Congo et du Tchad.
En 2012, les combats ont repris au nord du Mali entre les forces gouvernementales
et les rebelles touaregs, ce qui a provoqué la fuite de plus de 250 000 Maliens vers
des pays voisins, notamment le Burkina Faso. D’après le HCR, environ 50 000
Maliens, pour la plupart des Touaregs et des Arabes, ont fui au Burkina Faso et se
sont enregistrés auprès des autorités locales comme personnes déplacées. Ils se
sont tous vus accorder le statut de réfugiés prima facie, en attendant l’examen
individuel de toutes les demandes. Les autorités ont installé la plupart des réfugiés
dans les provinces de Soum et d’Oudalan, dans la région du Sahel. Le ministère de
l’Action sociale et de la Solidarité nationale, assisté de la CONAREF, est le point
focal du gouvernement pour coordonner toutes les initiatives nationales et
internationales afin de venir en aide aux plus de 34 000 réfugiés se trouvant dans le
pays à la fin de l'année.
Section 3. Libre participation au processus politique
La Constitution accorde aux citoyens la possibilité de choisir leur gouvernement
par des élections libres et régulières au suffrage universel et égal, et les citoyens
BURKINA FASO 15
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ont exercé ce droit à l’occasion des élections présidentielle et législatives du
29 novembre.
Élections et participation politique
Élections récentes : Conformément à la charte de novembre 2014 demandant au
gouvernement de transition d’organiser des élections présidentielle et législatives
dans un délai d’un an après son adoption, le Burkina Faso a organisé de façon
pacifique et ordonnée, le 29 novembre, des élections présidentielle et législatives.
Le président Kaboré les a remportées avec 53,49 % des suffrages exprimés, suivi
par Zéphirin Diabré avec 29,65 %. Le MPP, parti du président Kaboré, a remporté
55 des 127 sièges à l’Assemblée nationale, l’UPC 33 sièges et l’ancien CDP au
pouvoir 18. Ces deux consultations, que les observateurs nationaux et
internationaux ont jugées libres et équitables, ont marqué un tournant important
dans la transition du Burkina Faso en direction de la démocratie. Les autorités ont
programmé pour le 22 mai 2016 des élections municipales et régionales en vue de
remplacer les conseils municipaux et régionaux qui avaient été dissous par le
gouvernement de transition en novembre 2014.
En avril, l’Assemblée nationale intérimaire constituée en novembre 2014 a voté un
nouveau code électoral empêchant certains membres de l’ancienne majorité de se
présenter comme candidats à l’occasion des élections présidentielle et législatives
de novembre. Cette nouvelle loi précisait que les personnes qui avaient « soutenu
un projet de changement constitutionnel qui a entraîné un soulèvement populaire »
ne seraient pas admissibles à se présenter aux élections législatives et
présidentielle. Le 13 juillet, la Cour de justice de la CEDEAO s’est prononcée
contre le code électoral, faisant valoir qu’il s’agissait d’une « violation du droit de
libre participation aux élections ». Elle a donc ordonné au gouvernement de « lever
les obstacles à une participation aux élections consécutifs à cette modification » et
de s’acquitter de tous les coûts afférents à cette procédure judiciaire. Toutefois, la
décision finale du Conseil constitutionnel sur l’inéligibilité des candidats excluait
sur ces bases plusieurs candidats aux élections législatives et quatre candidats à
l’élection présidentielle.
Partis politiques et participation politique : Dans l’ensemble, les partis politiques
ont poursuivi librement leurs activités. Les autorités ont autorisé les membres de
partis politiques, dont ceux du CDP, à participer au gouvernement de transition,
même si la charte excluait de ce processus toute personne ayant été membre de
l’ancien gouvernement ou ayant soutenu « ouvertement » la révision de la
Constitution en vue d’annuler la disposition limitant le nombre de mandats
BURKINA FASO 16
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présidentiels. (En décembre 2014, le ministère de l’Administration territoriale, de
la Décentralisation et de la Sécurité a suspendu le CDP, l’Alliance pour la
Démocratie et la Fédération - Rassemblement démocratique africain (ADF-RDA)
ainsi que la Fédération des associations pour la paix et le progrès avec Blaise
Compaoré (Fedap/BC) parce que ces formations avaient soutenu la proposition de
révision de la Constitution en vue d’accroître le nombre de mandats présidentiels,
mais les autorités ont levé cette suspension plus tard dans le mois.) Les personnes
et les partis ont le droit de se déclarer candidats à l’élection présidentielle à
condition que leur candidature soit validée par le Conseil constitutionnel. Pour se
porter candidat aux élections législatives et municipales, il faut appartenir à un
parti politique légalement enregistré. Contrairement aux années antérieures,
l’adhésion au CDP ne conférait pas d’avantages, notamment aux hommes
d’affaires et aux négociants cherchant à obtenir des marchés publics.
Les partis de l’ancienne coalition au pouvoir se sont vu attribuer 10 des 90 sièges
au Conseil national de transition (CNT), organe législatif.
Il est arrivé que le gouvernement limite les activités des dirigeants de l’opposition.
Par exemple, le 16 juin, les forces de sécurité ont interpelé et détenu le secrétaire
national du Parti de l'indépendance, du travail et de la justice, Soumane Touré,
pour « outrage, dénonciations calomnieuses et appel à la rébellion ». Au cours
d’une conférence de presse le 12 juin, M. Touré avait déclaré que le Premier
ministre M. Zida avait donné de l’argent aux organisations de la société civile pour
qu’elles soutiennent les mesures du gouvernement provisoire. M. Touré, qui a été
remis en liberté par les autorités le 17 juin, a avancé que la transition était le
résultat de mesures prises par des acteurs militaires et civils qui avaient des
intentions cachées et qu’il s’agissait essentiellement d’un putsch contre le
gouvernement de Blaise Compaoré.
Participation des femmes et des minorités : Entrée en vigueur pendant les élections
de 2012, la loi sur le quota genre exige que les partis politiques présentent au
moins 30 % de femmes sur leurs listes électorales aux élections législatives et
municipales. Cette loi prévoit des incitations financières pour les partis politiques
qui remplissent ce quota de 30 % et des amendes de 2 500 à cinq millions de francs
CFA (de 4,33 à 8 670 dollars É.-U.) à l’encontre des partis qui ne s’y conforment
pas. Parmi les 7 036 candidats titulaires et remplaçants aux élections législatives du
29 novembre, 2 040 (29 %) étaient des femmes ; les femmes occupaient 15 (12 %)
des 127 sièges à l’Assemblée nationale. Neuf des 14 partis et formations politiques
représentés à l’Assemblée nationale n’atteignaient pas les 30 % minimum requis
sur leurs listes.
BURKINA FASO 17
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Section 4. Corruption et manque de transparence au sein du gouvernement
Bien que la loi prévoie des sanctions pénales pour les cas de corruption dans la
fonction publique, les pouvoirs publics n'ont pas veillé efficacement à son
application et les fonctionnaires se sont souvent livrés à des actes de corruption en
toute impunité. Les ONG locales ont dénoncé ce qu’elles appelaient la corruption
généralisée parmi les hauts fonctionnaires. Elles ont indiqué que la corruption était
omniprésente dans les douanes, la gendarmerie, les services fiscaux, la police
nationale, la police municipale, les services de santé publique, les municipalités,
l’éducation, la passation des marchés publics et au ministère de la Justice, des
Droits humains et de la Promotion civique.
Le gouvernement de transition a poursuivi plusieurs anciens responsables du
gouvernement pour corruption.
Corruption : Le 20 juin, la Cour d'appel de Ouagadougou a condamné l’ancien
directeur des douanes Ousmane Guiro à une peine de deux ans de prison avec
sursis pour une affaire de corruption portant sur 900 millions de francs CFA
(environ 1,5 million de dollars É.-U.). Le tribunal a ordonné la confiscation de ses
biens et lui a imposé une amende de 10 millions de francs CFA (17 300 dollars É.-
U.).
Les 18 et 29 août, les forces de sécurité ont arrêté et détenu trois anciens ministres,
Arthur Kafando, Jérôme Bougouma et Bertin Ouédraogo, pour détournement de
fonds, enrichissement illicite et détournement de deniers publics. Ils attendaient
tous les trois leur procès à la fin de l’année.
Déclaration de situation financière : Le 3 mars, le CNT a adopté une nouvelle loi
contre la corruption exigeant des responsables du gouvernement, y compris le
président, les législateurs, les ministres, les ambassadeurs, les membres du
commandement militaire, les juges et quiconque chargé de gérer des fonds de
l’État, qu’ils déclarent leurs avoirs et tous « cadeaux » ou dons reçus pendant leur
mandat. Les infractions sont passibles d’une peine de prison de 20 ans et
d’amendes pouvant atteindre 25 millions de francs CFA (43 300 dollars É.-U.). La
loi sanctionne également les personnes qui ne peuvent raisonnablement justifier
d’une augmentation de leur train de vie au-delà du seuil fixé par la réglementation
par rapport à des revenus légitimes. Les contrevenants étaient passibles de peines
de deux à cinq ans de prison et d’une amende de cinq à 25 millions de francs CFA
(de 8 670 à 43 300 dollars É.-U.).
BURKINA FASO 18
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Le Conseil constitutionnel a pour mandat de surveiller et de vérifier la conformité à
ces lois et il peut ordonner une enquête s’il existe des soupçons de non-respect.
Toutefois, cette déclaration de situation n’est pas rendue publique et il n’a pas été
rapporté de sanctions pénales ou administratives en cas de non-respect.
Accès du public à l’information : Le 30 août, le CNT a adopté une loi instaurant le
droit d’accès aux informations publiques et aux documents administratifs. Dans le
passé, les ministères ne répondaient généralement pas aux demandes
d’information, invoquant des raisons de sécurité nationale et de confidentialité.
Section 5. Attitude du gouvernement face aux enquêtes internationales et non
gouvernementales portant sur des violations présumées des droits de l’homme
Diverses organisations nationales et internationales de défense des droits de
l’homme ont dans l’ensemble fonctionné sans que les autorités ne restreignent
leurs activités ; elles ont mené des enquêtes et publié leurs conclusions sur des
affaires concernant les droits de l’homme. Les représentants du gouvernement se
sont montrés généralement coopératifs et réceptifs à leurs opinions.
Organismes publics de défense des droits de l'homme : Le Bureau du médiateur
reçoit les plaintes des citoyens au sujet des organes gouvernementaux, des
institutions publiques et d’autres organismes chargés de remplir une mission de
service public. Nommé par le président pour un mandat de cinq ans non
renouvelable et ne pouvant être révoqué pendant son mandat, le médiateur était
généralement considéré efficace et impartial. Pendant l’année 2013, l’année la plus
récente pour laquelle des chiffres étaient disponibles, le bureau du médiateur a
enregistré 737 plaintes, parmi lesquelles il en a résolu 82 %.
Chargé de la protection et de la promotion des droits de l’homme et des droits
civiques, le ministère de la Justice, des Droits humains et de la Promotion civique
mène des campagnes d’éducation à l’intention des membres des forces de sécurité
afin de les sensibiliser aux droits de l’homme.
La Commission nationale des droits de l’homme, qui relève de l’État, sert de cadre
permanent au dialogue sur les problèmes de droits de l’homme. Ses membres
comprennent des représentants d’ONG de défense des droits de l’homme, de
syndicats, d’associations professionnelles et du gouvernement. Le Mouvement
burkinabé des droits de l’homme et des peuples (MBDHP), qui n’a pas participé
aux travaux de la commission, affirmait que cette dernière était soumise à
BURKINA FASO 19
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l’influence du gouvernement. Bien qu’elle fût insuffisamment financée, la
commission a vu son efficacité et sa visibilité s’accroître par rapport aux années
passées en matière de promotion des droits de l’homme.
Section 6. Discrimination, abus sociétaux et traite des personnes
La Constitution et la loi interdisent la discrimination fondée sur la race, le sexe, le
handicap, la langue ou le statut social mais les pouvoirs publics n’ont pas fait
respecter ces dispositions. La discrimination à l’encontre des femmes et des
personnes handicapées a continué de poser problème.
Condition féminine
Viol et violence au foyer : Le 6 septembre, le gouvernement a voté la loi portant
prévention, répression des violences faites à l’égard des femmes et des filles et
prise en charge des victimes. Comme de par le passé, le viol est sanctionné par une
peine de cinq à dix ans de prison, mais la nouvelle loi rend le viol au sein du
couple passible d’une amende de 100 000 à 500 000 francs CFA (de 173 à
866 dollars É.-U.). La police enquêtait généralement sur les accusations de viol
mais les victimes ne dénonçaient souvent pas ces actes à la police à cause des
barrières culturelles et par crainte de représailles. Selon les ONG de défense des
droits de l’homme, le viol était fréquent. Si les autorités ont engagé des poursuites
sur des cas de viol pendant l’année, il n’existait pas de statistiques concernant le
nombre de cas dénoncés ou ayant fait l’objet de poursuites. Plusieurs organisations
ont dispensé des services de conseil psychologique aux victimes de viol,
notamment les missions catholiques et protestantes, l’Association des Femmes
Juristes du Burkina Faso, l’Association des femmes et Promo-Femmes (un réseau
régional de lutte contre la violence à l’encontre des femmes).
Les cas de violence familiale à l’encontre des femmes ont été fréquents, surtout
dans les régions rurales. Selon l’Union interparlementaire, 33,9 % des femmes
étaient victimes de violence physique, dont les auteurs étaient leurs maris dans
68 % des cas.
Il était rare que les victimes engagent des procédures légales par honte, crainte ou
réticence à intenter un procès à leur conjoint. Le ministère de la Justice, des Droits
humains et de la Promotion civique n'a pu fournir aucun chiffre concernant les
poursuites, condamnations ou sanctions pour les quelques cas portés devant les
tribunaux. Il n’existait dans le pays aucune structure d’accueil gérée par les
pouvoirs publics pour les victimes de violence familiale, mais des centres de
BURKINA FASO 20
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conseil psychologique étaient disponibles dans chacune des 13 Maisons régionales
de la femme. Le programme Protection de l'enfant et de la femme du ministère de
l’Action sociale et de la Solidarité nationale fournissait parfois des services de
conseil psychologique et d’hébergement pour les femmes battues.
Le ministère de l’Action sociale et de la Solidarité nationale, qui est doté d’un
service juridique destiné à informer les femmes de leurs droits, et plusieurs ONG
ont collaboré pour protéger les droits des femmes. Il a organisé plusieurs ateliers et
mené des campagnes de sensibilisation pour informer les femmes de leurs droits.
La loi du 6 septembre rend le fait « d’enlever de force [une femme ou une fille] en
vue de lui imposer le mariage ou une union sans son consentement » passible
d’une peine de six mois à cinq ans de prison et/ou d’une amende de 500 000 à un
million de francs CFA (de 866 à 1 740 dollars É.-U.). Les abus sexuels ou la
torture sont passibles de deux à cinq ans de prison assortis d’une amende de
500 000 à un million de francs CFA (de 866 à 1 730 dollars É.-U.). L’esclavage
sexuel est passible de deux à cinq ans de prison assortis d’une amende de un à
deux millions de francs CFA (de 1 740 à 3 480 dollars É.-U.).
Cette nouvelle loi exige que les agents de police ayant connaissance d’actes de
violence à l’égard d’une femme ou d’une jeune fille prennent des dispositions pour
assurer la protection de la victime et de ses enfants mineurs. Elle prévoit également
l’établissement de chambres à la Haute cour ayant compétence exclusive pour les
affaires de violences faites aux femmes et aux jeunes filles. Cette nouvelle loi
instaure des structures spéciales au sein de chaque unité de la police ou de la
gendarmerie pour venir en aide aux victimes féminines de violence (ou menacées
de violence) et prévoit qu’elles puissent prendre les mesures d’urgence requises par
les circonstances.
Elle a également permis de créer des centres de soins et de protection dans chaque
commune pour venir en aide aux femmes victimes de violence et d’instituer un
fonds de soutien gouvernemental pour les prendre en charge. Ces centres reçoivent
les victimes en cas d’urgence, les mettent en sécurité, leur fournissent des services
de soutien (y compris un appui médical et psychologique) et, lorsque c’est
possible, leur permettent de porter leur cas par devant le tribunal.
Mutilations génitales féminines/excision (MGF/E) : La loi interdit les MGF/E mais
cette pratique était répandue, notamment dans les zones rurales, et habituellement
pratiquée à un âge précoce. Selon les chiffres du Fonds des Nations Unies pour
l'enfance (UNICEF), le taux de MGF/E a diminué de 27,5 % au cours des
BURKINA FASO 21
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12 dernières années. Pourtant, 76 % des jeunes filles et des femmes âgées de 15 à
49 ans et 13 % des filles âgées de moins de 15 ans ont déclaré avoir subi des
MGF/E, toujours d’après l’UNICEF. S’ils sont condamnés, les auteurs de ces actes
risquent une amende de 150 000 à 900 000 francs CFA (de 260 à 1 560 dollars É.-
U.) ainsi qu’une peine de prison allant de six mois à trois ans, ou pouvant atteindre
dix ans en cas de décès de la victime.
Les forces de sécurité et des assistants sociaux du ministère de l’Action Sociale et
de la Solidarité Nationale ont arrêté plusieurs personnes pratiquant des MGF/E et
leurs complices, et tous purgeaient des peines de prison à la fin de l’année.
Par exemple, le 6 août, la police de Manga a interpelé Pinda Kady Bande, coupable
d’avoir perpétré des MGF/E sur huit filles âgées de deux à 17 ans dans le village
de Béré. Les victimes ont été envoyées au centre de santé de Béré. Mme Bande et
les parents des filles ont été arrêtés et déférés au parquet de Manga.
Le gouvernement a coordonné ses initiatives par l’intermédiaire du Conseil
national de lutte contre la pratique de l'excision. Les pouvoirs publics ont mené des
campagnes de sensibilisation, des formations et des programmes pour identifier et
soutenir les victimes de MGF/E. Ils géraient un numéro vert permettant de signaler
les cas de MGF/E. Le gouvernement a collaboré avec les populations locales pour
mettre un terme aux MGF/E par l’intermédiaire des comités régionaux de lutte
contre la pratique de l’excision. Les comités régionaux comprenaient des
représentants de nombreux ministères, de la police, de la gendarmerie, ainsi que
des dirigeants locaux et religieux. Le Réseau droits humains et MGF et les
ministères de la Justice, de la Défense et de la Sécurité ont accru la sensibilisation
parmi les avocats, les magistrats et les forces de la police au sujet des effets des
MGF/E. Le gouvernement a également intégré la prévention des MGF/E aux
services prénatals, néonatals et de vaccination dans 35 % des dispensaires publics.
Autres pratiques traditionnelles néfastes : La loi du 6 septembre rend les violences
physiques ou morales à l’encontre des jeunes femmes ou des femmes passibles de
un à cinq ans de prison et/ou d’une amende de 300 000 à 1,5 million de francs
CFA (de 52 à 2 600 dollars É.-U.). Des femmes âgées dénuées de soutien, habitant
surtout en zone rurale et souvent veuves, ont parfois été accusées de sorcellerie par
leurs voisins et bannies de leur village. Ces femmes étaient souvent accusées de
« manger » l’âme d’un parent ou d’un enfant décédé. Les victimes entamaient
rarement des procédures judiciaires par crainte de répercussions sur leurs familles
et elles se réfugiaient dans des centres gérés par des organisations
gouvernementales ou charitables dans les centres urbains. Pendant l’année, le
BURKINA FASO 22
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Centre Delwende de Ouagadougou, géré par l’Église catholique, a aidé 260
femmes accusées de sorcellerie. Un autre centre semblable, géré par les pouvoirs
publics dans le quartier de Paspanga à Ouagadougou, hébergeait 84 femmes.
Harcèlement sexuel : La loi du 6 septembre rend le harcèlement sexuel passible de
trois mois à un an de prison et/ou d’une amende de 300 000 à 500 000 francs CFA
(de 520 à 866 dollars É.-U.) ; la peine maximale s’applique si l’auteur est un
proche, en position de force ou si la victime est « vulnérable ». Les pouvoirs
publics n’ont pas veillé efficacement à l’application de la loi, en grande partie
parce que bon nombre de gens considèrent le harcèlement sexuel comme
culturellement acceptable. Il n’existait pas de statistiques disponibles sur le nombre
de cas signalés, de poursuites ou de condamnations.
Droits génésiques : La loi prévoit que les couples et les personnes peuvent décider
librement et de manière responsable du nombre d'enfants qu'ils souhaitent, de
l'espacement des naissances et du moment pertinent pour en avoir, sans
discrimination, coercition ni violence. Des centres de soins publics et privés
offraient à toutes les femmes des soins de santé génésique, une aide médicale
spécialisée pendant l’accouchement (soins obstétricaux et postnatals essentiels),
ainsi que le diagnostic et le traitement des maladies sexuellement transmissibles.
Toutefois, les villages éloignés ne disposaient souvent pas de tels centres ou
n’avaient pas l’infrastructure routière adéquate pour y accéder facilement.
Selon l’Enquête Démographique et de Santé de 2010, 95 % des femmes recevaient
des soins prénatals dispensés par des professionnels qualifiés, 67 % des naissances
avaient lieu en présence de personnel spécialisé et 14 % des femmes souhaitant
espacer leurs grossesses avaient accès à des méthodes contraceptives modernes. La
Direction régionale de la santé a indiqué que la moyenne nationale d’utilisation des
contraceptifs s’élevait à 17 % en 2012. Les normes culturelles laissant aux maris
les décisions en matière de contrôle des naissances ont contribué à l’emploi limité
des contraceptifs. Selon des observateurs, la mortalité maternelle relativement
élevée de 341 pour 100 000 naissances vivantes était imputable à l’absence d’accès
aux soins de santé dans les régions rurales. Amnesty International a signalé que les
décès maternels étaient également dus à une formation insuffisante des agents de
santé. Des services de soins post-avortement et d’urgence étaient généralement
disponibles dans les centres urbains mais plus rarement dans les zones rurales.
Discrimination : Si la loi prévoit généralement le même statut juridique pour les
hommes comme pour les femmes, y compris aux termes des lois de la famille, du
travail, du droit foncier et des lois en matière d’héritage, il existait souvent de la
BURKINA FASO 23
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discrimination dans la pratique. Les femmes occupaient une position subalterne
dans la société et subissaient souvent la discrimination dans l’éducation, l’emploi,
l’accès à la propriété, l’accès au crédit, la gestion ou la propriété d’une entreprise et
les droits de la famille. Aux termes de la législation locale du travail, tous les
travailleurs, hommes comme femmes, doivent percevoir un salaire égal à
conditions de travail, qualifications et performance égales. Cependant, les femmes
percevaient généralement un salaire inférieur à travail égal, elles étaient moins
instruites et possédaient moins de biens. La polygynie est autorisée par la loi mais
une femme doit y consentir avant le mariage. Une femme peut s’opposer à des
mariages ultérieurs de son mari si elle peut fournir des preuves qu’il l’a
abandonnée ainsi que ses enfants. Chacun des époux peut faire une demande de
divorce et la loi prévoit que la garde d’un enfant peut être accordée à l’un ou
l’autre parent, en fonction de l’intérêt supérieur de l’enfant. La mère conservait
généralement la garde des enfants jusqu’à ce qu’ils aient sept ans, après quoi ils
étaient rendus à la garde du père ou de sa famille.
Les femmes représentaient environ 45 % de la main d’œuvre du secteur formel et
elles occupaient principalement les emplois subalternes moins rémunérés. Tandis
que la loi prévoit l’égalité des droits en matière de propriété et de succession entre
les femmes et les hommes, les pratiques foncières accordaient la priorité aux
besoins fonciers familiaux et communaux plutôt qu’aux droits de propriété
individuels. Par conséquent, il arrivait fréquemment que les autorités refusent aux
femmes le droit de posséder des biens, plus particulièrement des biens fonciers.
Cette situation était exacerbée par le fait que la loi définissait 75 % des mariages
comme des unions de fait (célébrées par une cérémonie religieuse ou traditionnelle
uniquement) de nature juridiquement non contraignante. Par exemple, en milieu
rural, les terres appartenant à une femme deviennent la propriété de la famille de
son mari après le mariage. De nombreux citoyens, en particulier dans les régions
rurales, respectaient des traditions qui ne reconnaissent pas les droits successoraux
des femmes et considèrent celles-ci comme des biens dont on peut hériter à la mort
du mari.
Le gouvernement a mené des campagnes dans les médias pour changer les
attitudes à l’égard des femmes. Le ministère de la Promotion de la Femme et du
Genre est chargé de renforcer la sensibilisation des femmes à l’égard de leurs
droits et il œuvrait à faciliter leur accès à la propriété foncière. Le gouvernement a
parrainé plusieurs initiatives communautaires et campagnes de sensibilisation pour
promouvoir les droits des femmes.
Enfants
BURKINA FASO 24
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Enregistrement des naissances : La nationalité s’acquiert soit par la naissance sur le
territoire national, soit par la filiation. Les parents n’enregistraient pas
immédiatement de nombreuses naissances, en particulier dans les zones rurales où
les bureaux d’enregistrement étaient peu nombreux et où les parents ignoraient
souvent le caractère obligatoire de cette démarche. L’absence d’enregistrement des
naissances s’est parfois traduite par un refus d’accès aux services publics,
notamment à la scolarisation. Pour remédier à cette situation, le gouvernement a
organisé régulièrement des campagnes d’enregistrement des naissances et délivrait
rétroactivement des actes de naissance.
Maltraitance des enfants : Le code pénal prévoit une peine de prison de un à trois
ans et une amende de 300 000 à 900 000 francs CFA (de 520 à 1 560 dollars É.-U.)
pour traitements inhumains ou maltraitance d’enfants. Les autorités toléraient les
châtiments corporels légers, que les parents pratiquaient largement. Le
gouvernement a organisé des séminaires et des campagnes d’éducation contre la
maltraitance des enfants.
Le ministère de l’Action sociale et de la Solidarité nationale a mis à disposition un
numéro vert qui permet de signaler anonymement les cas de violence à l’encontre
des enfants.
Mariages précoces et forcés : L’âge légal du mariage est de 17 ns pour les femmes
et de 20 ans pour les hommes, mais le mariage précoce et forcé représentait un
problème. Selon un rapport de l’UNICEF de 2015, 10 % des femmes âgées de 20 à
24 ans étaient mariées ou en couple avant l’âge de 15 ans et 52 % d’entre elles
étaient mariées avant l’âge de 18 ans. La loi interdit le mariage forcé et prévoit des
peines de six mois à deux ans de prison pour les auteurs de cette violation, ainsi
qu’une peine de prison de trois ans si la victime est âgée de moins de 13 ans. Il n’a
pas été fait état de poursuites judiciaires au cours de l’année. Un numéro vert mis
en place par les autorités permettait aux citoyens de signaler les mariages forcés.
Le 3 mars, les autorités ont lancé la campagne de l’Union africaine pour mettre fin
au mariage des enfants à Dori, la région du Sahel qui connaissait le plus fort taux
de mariage des enfants ; 80 % des jeunes filles de 15 à 17 ans de la région étaient
déjà mariées.
Le 2 mars, le ministère de l’Action sociale et de la Solidarité nationale a organisé
une réunion de plaidoyer pour faire de la sensibilisation sur le problème du
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mariage précoce dans la région du Sahel auprès des dirigeants religieux et
traditionnels.
Mutilations génitales féminines/excision (MGF/E) : Voir les informations au sujet
des jeunes filles de moins de 18 ans dans la section concernant la condition
féminine ci-dessus.
Exploitation sexuelle des enfants : La loi prévoit des sanctions allant de cinq à dix
ans de prison et/ou une amende de 1,5 à trois millions de francs CFA (de 2 600 à
5 200 dollars É.-U.) pour la prostitution de mineurs. L’âge minimum des rapports
sexuels consensuels est de 15 ans. La loi interdit aussi la pédopornographie et
prévoit des peines de cinq à dix ans de prison assorties d’une amende de 1,5 à trois
millions de francs CFA (de 2 600 à 5 200 dollars É.-U.) pour les personnes
pratiquant de telles activités. En avril 2014, l’Assemblée nationale a promulgué
une loi pénalisant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la
pédopornographie. Il n’existait pas de statistiques gouvernementales sur la
prostitution des mineurs mais d'après les organismes publics et les associations de
défense des droits de l’homme, elle constituait un problème. D’après une étude
menée en 2014 par l’ONG internationale Réseau contre la prostitution enfantine, la
pornographie enfantine et le trafic d'enfants à des fins sexuelles, au moins 243
enfants étaient victimes de l'exploitation sexuelle à des fins commerciales, parmi
lesquels 63 % étaient burkinabé. Les enfants issus de familles pauvres étaient
particulièrement vulnérables à la traite en vue de l'exploitation sexuelle.
Infanticide ou infanticide d’enfants handicapés : La loi prévoit une peine allant de
10 ans de prison à la réclusion à perpétuité pour infanticide. Des statistiques
n’étaient pas disponibles concernant le nombre de cas signalés ou ayant fait l’objet
de poursuites pendant l’année. Toutefois, des journaux ont évoqué plusieurs cas
d’abandon de nouveau-nés. Par exemple, en août 2014, une femme de 33 ans a jeté
son nouveau-né dans un puits, dans le village de Diabo. Les autorités l’ont arrêtée
et elle était détenue en attente de son procès à la fin de l'année.
Enfants déplacés : Il y avait de nombreux enfants des rues, principalement à
Ouagadougou et Bobo-Dioulasso. Beaucoup d’enfants se retrouvaient dans les rues
après que leurs parents les aient envoyés à la ville pour étudier avec un maître
coranique non enregistré ou encore pour habiter chez des proches afin d’aller à
l’école. Selon le ministère de l’Action sociale et de la Solidarité nationale, en 2013
il y avait 5 721 enfants des rues au Burkina Faso. Plusieurs ONG venaient en aide
à ces enfants. Deux Directions du ministère géraient aussi des programmes
d’éducation, offrant notamment une formation professionnelle aux enfants des
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rues, elles finançaient des activités génératrices de revenus et contribuaient à la
réinsertion et la réadaptation de ces enfants. Toutefois, le nombre des enfants des
rues dépassait les capacités de ces institutions.
Enlèvements internationaux d'enfants : Le Burkina Faso est partie à la Convention
de la Haye de 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants.
Pour en savoir plus, voir le rapport du département d’État sur la conformité à la
Convention à l’adresse suivante :
travel.state.gov/content/childabduction/english/legal/compliance.html ainsi que les
informations spécifiques sur le pays à l’adresse suivante :
travel.state.gov/content/childabduction/english/country/burkinafaso.html.
Antisémitisme
Il n’y avait pas de communauté juive connue. Aucun acte d’antisémitisme n’a été
signalé.
Traite des personnes
Voir le Rapport du département d’État sur la traite des personnes à l’adresse
suivante : www.state.gov/j/tip/rls/tiprpt/.
Personnes handicapées
La loi interdit la discrimination à l’encontre des personnes présentant un handicap
physique ou mental dans l’emploi, l’éducation, l’accès aux soins de santé ou à
d’autres services publics, mais les pouvoirs publics n’ont pas veillé efficacement à
l’application de ces dispositions. Selon le recensement général de la population et
de l'habitat le plus récent, le pourcentage des personnes handicapées dans le pays
était estimé à 1,2 %. En 2012, le conseil des ministres a adopté de nouveaux
décrets pour protéger les droits des personnes handicapées, y compris dans les
transports. Le gouvernement a promulgué des lois aux fins de procurer aux
personnes handicapées des soins de santé moins coûteux ou gratuits ainsi qu’un
accès à l’éducation ou à l’emploi. La loi comprend également des codes du
bâtiment afin de permettre l’accessibilité des bâtiments publics. Les autorités n’ont
pas mis en œuvre toutes ces mesures avec efficacité.
Tandis que certains enfants handicapés fréquentaient des établissements scolaires
primaires, secondaires et d’enseignement supérieur, 66 % des personnes
handicapées n’avaient aucune instruction et 16,5 % seulement avaient terminé des
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études primaires, d’après la Fédération pour la promotion des personnes
handicapées du Burkina Faso.
Les personnes handicapées se sont heurtées à la discrimination et elles ont signalé
rencontrer des difficultés pour trouver un emploi, y compris dans les services
publics. La perception répandue que les personnes handicapées devraient être
prises en charge par leur famille plutôt que se trouver sur le marché du travail
exacerbait ces problèmes.
Un décret de 2012 a porté création du Conseil national multisectoriel pour la
promotion et la protection des droits des personnes handicapées, qui comptait 90
membres de différents ministères, d’ONG et d’organisations de la société civile. La
télévision publique diffusait des journaux en langues des signes pour les personnes
malentendantes.
Les pouvoirs publics disposaient de programmes limités d’assistance aux
personnes handicapées mais les ONG et le Comité national de réadaptation des
personnes handicapées ont organisé des campagnes de sensibilisation et mis en
œuvre des programmes d’insertion. De hauts commissaires, des enseignants et des
ONG ont collaboré pour informer les citoyens sur les droits des personnes
handicapées, plus particulièrement ceux des enfants handicapés. Plusieurs ONG
ont dispensé des formations professionnelles et procuré du matériel aux personnes
handicapées.
Depuis 2014, les pouvoirs publics ont pris les dispositions nécessaires pour
permettre aux candidats déficients visuels de prendre part aux concours de
recrutement dans l’administration publique en leur fournissant les textes des
examens en braille. De plus, ils ont ouvert des guichets spéciaux dans les sites de
recrutement pour permettre aux personnes handicapées de s’inscrire plus
facilement aux concours d’admission à la fonction publique.
Minorités nationales/raciales/ethniques
Les conflits de longue date entre bergers et agriculteurs sédentaires ont parfois
dégénéré dans la violence. Les éleveurs déclenchaient fréquemment des incidents
en laissant paître leur bétail sur des terres agricoles, ou les fermiers cherchaient à
cultiver des terres que les autorités locales avaient réservées pour le pâturage.
D’après le ministère des Ressources animales, le nombre d’incidents de ce type
était de l’ordre de 700 par an entre 2005 et 2011, mais il a baissé de façon
significative en 2012 et 2013. D’après le ministère, les efforts du gouvernement en
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matière de dialogue et de médiation ont contribué à cette baisse. Des conflits entre
groupes ethniques se sont également produits sous l'effet de différends au sujet de
la nomination de chefs traditionnels locaux.
Le 22 avril, les membres de la population autochtone de Pousgziga, qui pensaient
que les habitants peulh avaient commis la plupart des vols de bétail dans la localité,
ont brûlé plusieurs greniers et tué du bétail et d’autres animaux appartenant à ces
derniers.
Actes de violence, discrimination et autres abus fondés sur l’orientation et
l’identité sexuelles
La discrimination sociétale envers les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles,
transgenres et intersexuées (LGBTI) posait problème et était exacerbée par les
croyances religieuses et traditionnelles. Les personnes LGBTI ont parfois été
victimes de violence verbales et physiques, selon les groupes de soutien pour
LGBTI. Il n’a pas été signalé de réaction des pouvoirs publics concernant la
violence et la discrimination sociétales à l’encontre des LGBTI.
Sans statut légal dans le pays, des organisations LGBTI existaient officieusement.
Le ministère de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et de la
Sécurité n’a pas donné suite aux tentatives répétées des organisations LGBTI pour
s’enregistrer et n’a fourni aucune explication pour expliquer ces refus. Il n’a pas
été signalé de violence sociétale ou des pouvoirs publics à l’encontre de ces
organisations, bien que les incidents n’aient pas toujours été déclarés par peur de
stigmatisation ou d’intimidation.
Le pays ne dispose pas de lois sur les crimes de haine ni d’autres dispositifs de
justice pénale à l’appui des enquêtes, des poursuites ou de la condamnation de
crimes motivés par les préjugés à l’encontre de la communauté LGBTI.
Le 24 mai, dans le secteur de Sikasso-Cira à Bobo-Dioulasso, des jeunes ont
violemment manifesté contre des personnes LGBTI qu’ils accusaient de pédophilie
et de ternir l’image du quartier. Ces jeunes, armés de massues, de machettes et de
grands couteaux, ont menacé de tuer des personnes LGBTI. La police est
intervenue pour disperser la foule mais elle n’a interpelé aucun de ces jeunes. Les
organisations de plaidoyer pour les LGBTI ont signalé que quelques personnes
LGBTI auraient fui Bobo-Dioulasso pour se rendre à Ouagadougou.
Stigmatisation sociale concernant le VIH-sida
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La discrimination sociétale à l’encontre des personnes vivant avec le VIH-sida
posait problème et celles qui étaient dépistées positives étaient parfois rejetées par
leur famille. Il arrivait que les familles expulsent de chez elles les épouses
séropositives alors que ce n’était pas le cas pour les maris. Certains propriétaires
refusaient de louer des logements à des personnes vivant avec le VIH-sida.
Le gouvernement a distribué gratuitement des médicaments antirétroviraux à
certaines personnes séropositives qui remplissaient des conditions fixées par des
directives nationales.
Section 7. Droits des travailleurs
a. Liberté d’association et droit à la négociation collective
La loi confère aux travailleurs le droit de former des syndicats indépendants de leur
choix sans autorisation préalable ou conditions excessives et d’y adhérer mais les
employés assurant des services essentiels, comme les magistrats, les agents de
police, les membres des forces armées et d’autres personnels de sécurité n’ont pas
le droit d’être syndiqués. La loi permet aux syndicats de mener leurs activités sans
ingérence.
La loi prévoit le droit de grève tout en en offrant une définition étroite. Dans le cas
des grèves où les travailleurs sont appelés à rester chez eux et qui ne supposent pas
de participer à des rassemblements, le syndicat doit fournir un préavis de huit à 15
jours aux autorités. Si les syndicats appellent à manifester, ils doivent donner un
préavis au maire de la ville. La loi accorde également au gouvernement de larges
pouvoirs de réquisition, l’autorisant à réquisitionner des employés des secteurs
public et privé pour assurer un service minimum dans les services essentiels. Les
autorités tiennent les organisateurs de manifestations pour responsables de tous les
dégâts ou destructions de biens matériels qui se produisent pendant celles-ci.
La loi interdit la discrimination antisyndicale et autorise un inspecteur du travail à
réintégrer immédiatement des employés licenciés pour activités syndicales, mais
dans les entreprises privées, cette réintégration était étudiée au cas par cas. Les
dispositions de protection juridique pertinentes couvrent tous les employés, y
compris les migrants, les travailleurs du secteur informel et les travailleurs
domestiques. Il n'a pas été signalé de discrimination antisyndicale au cours de
l'année.
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En dépit de restrictions concernant le droit de grève, le gouvernement a, dans
l’ensemble, respecté la liberté d’association et le droit de mener des négociations
collectives. Les employeurs du secteur privé ne respectaient pas toujours la liberté
d’association, particulièrement dans le secteur de l'extraction d'or.
Le gouvernement a généralement respecté le droit des syndicats d’exercer leurs
activités sans ingérence. Des employeurs ont licencié ou muté des syndicalistes
employés dans l’industrie minière en raison de leur implication dans les activités
syndicales. Les ressources publiques affectées pour veiller à l’application des lois
du travail ne suffisaient pas pour protéger les droits des travailleurs.
Les syndicats ont le droit de négocier les salaires et autres avantages sociaux
directement avec les employeurs et les associations professionnelles. Les
organisations de travailleurs étaient indépendantes du gouvernement et des partis
politiques. Aucun cas de répression de grève n’a été signalé pendant l’année.
Il n’a pas été signalé de cas de restrictions imposées par le gouvernement sur des
négociations collectives pendant l’année. De longues négociations collectives ont
eu lieu dans le secteur salarié formel mais ce dernier ne représentait qu’un faible
pourcentage des travailleurs. Des employeurs ont parfois refusé de négocier avec
les syndicats. Dans le secteur privé, en particulier dans le secteur minier et d’autres
industries, l’utilisation par les employeurs de sous-traitants a rendu plus difficile
l’imposition systématique du respect des droits des travailleurs.
b. Interdiction du travail forcé ou obligatoire
Tandis que la loi interdit toute forme de travail forcé, le gouvernement n’a pas
veillé efficacement à son application. Des cas de travail forcé des enfants ont été
observés dans le secteur de l’agriculture (en particulier le coton), le commerce
informel, le travail domestique, la restauration et l’élevage, ainsi que sur les sites
d’orpaillage et dans les carrières de pierre. Des maîtres coraniques forçaient
certains enfants envoyés dans leur école par leurs parents à mendier (voir la
section 6). Le gouvernement ne disposait pas d’un programme significatif et
efficace pour confronter ou éliminer le travail forcé.
Voir le Rapport sur la traite des personnes du département d’État à l’adresse
suivante : www.state.gov/j/tip/rls/tiprpt/.
c. Interdiction du travail des enfants et âge minimum d’admission à l’emploi
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La loi fixe l’âge minimum légal pour travailler à 16 ans et interdit le travail de nuit
pour les mineurs de moins de 18 ans, sauf dans les cas d’urgence. L’âge minimum
d’admission à l’emploi correspondait à celui de la fin de la scolarisation
obligatoire, qui était de 16 ans. Pour ce qui est du travail domestique et agricole, la
loi autorise les enfants âgés de 13 ans au moins à effectuer des activités limitées
pendant quatre heures et demie au plus par jour.
La loi interdit les pires formes de travail des enfants, y compris l’exploitation
sexuelle des enfants à des fins commerciales, la pornographie infantile et les
emplois qui nuisent à leur santé. En 2013, le gouvernement a adopté le Plan
d’action national de lutte contre les pires formes de travail des enfants pour réduire
l'exploitation des enfants dans le cadre du travail de façon significative. La
législation contre la traite des personnes prévoit des peines de prison maximales
allant jusqu’à 10 ans pour les trafiquants et accroît les peines maximales de cinq à
dix ans. Dans certaines circonstances, la loi prévoit également des peines allant de
20 ans de réclusion criminelle à la prison à vie.
Malgré les efforts déployés par le gouvernement et plusieurs ONG, la violence
contre les enfants, le travail des enfants et la traite des enfants existaient. Le Plan
d’action national de lutte contre les pires formes de travail des enfants était chargé
de coordonner les efforts de plusieurs ministères et ONG. Il avait pour objectifs
une plus grande diffusion de l’information en langues locales, le renforcement de
l’accès à des services tels que la réhabilitation des victimes, la révision du code
pénal pour qu’il tienne compte des pires formes de travail des enfants et
l’amélioration du recueil et de l’analyse des données. Au cours de la période
d’examen, le Comité de coordination nationale a adopté un outil de contrôle
permettant de faciliter la collecte et l’analyse des données. En avril 2014, le
Burkina Faso a promulgué une loi pénalisant la vente d’enfants, la prostitution des
enfants et la pédopornographie.
Les peines prévues pour violation des lois sur le travail des enfants peuvent
atteindre cinq ans de prison assorties d’une amende pouvant s’élever à 600 000
francs CFA (1 040 dollars É.-U.). Toutefois, le gouvernement n'a pas veillé
systématiquement à l’application de la loi. Le ministère de la Fonction publique,
du Travail et de la Sécurité sociale, qui est chargé de superviser les normes de
travail, manquait d’inspecteurs, de moyens de transport et d’autres ressources pour
appliquer correctement les lois relatives à la sécurité des travailleurs et à l’âge
minimum d’admission à l’emploi. Aucun chiffre n’était disponible sur le nombre
de poursuites judiciaires et de condamnations obtenues au cours de l’année.
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Les pouvoirs publics ont organisé des ateliers et des conférences pour informer les
enfants, les parents et les employeurs au sujet des dangers de l'exploitation des
enfants dans le cadre du travail.
Selon des statistiques de 2011 recueillies par l’Institut national de la statistique,
76 % des enfants âgés de 5 à 17 ans exerçaient une activité économique sous une
forme ou une autre, parmi lesquels 81 % travaillaient dans l’agriculture. Les
enfants travaillaient souvent avec leurs parents dans les zones rurales ou dans les
petites entreprises familiales dans les villes et les villages. Il n’a pas été signalé de
cas d’enfant de moins de 15 ans travaillant dans une entreprise publique ou dans
une grande entreprise privée.
Les enfants étaient également employés dans le secteur minier, le commerce, le
bâtiment et le travail domestique. D’après une étude de l’UNICEF de 2012, plus de
20 000 enfants âgés de huit à 18 ans travaillaient dans des sites d'extraction minière
en tant que serviteurs, orpailleurs ou creuseurs. Certains enfants, en particulier les
gardiens de troupeaux et les vendeurs de rue, n'allaient pas à l’école. De nombreux
enfants de moins de 15 ans travaillaient de longues heures. Selon une étude
réalisée par l’Organisation internationale du Travail, les enfants employés dans les
mines artisanales travaillaient parfois six ou sept jours sur sept et jusqu’à 14 heures
par jour. Les mendiants de rues travaillaient souvent entre 12 et 18 heures par jour.
Ces enfants souffraient de maladies professionnelles et il arrivait que ceux qui les
employaient leur fassent subir des violences physiques ou des sévices sexuels. Les
enfants domestiques gagnaient entre 3 000 et 6 000 francs CFA (de 5 à 10 dollars
É.-U.) par mois et travaillaient jusqu’à 18 heures par jour. Souvent, leurs
employeurs les exploitaient et leur faisaient subir de mauvais traitements. Des
criminels emmenaient des enfants burkinabé en Côte d'Ivoire, au Mali et au Niger
à des fins de travail forcé ou d’exploitation sexuelle.
Voir aussi les Conclusions sur les pires formes de travail des enfants du
département du Travail à l’adresse suivante : www.dol.gov/ilab/reports/child-
labor/findings/.
d. Discrimination en matière d’emploi et de travail
La loi et les réglementations interdisent la discrimination fondée sur la race, le
sexe, le genre, le handicap, la langue, l’orientation et/ou l’identité sexuelles, le
statut VIH ou concernant d’autres maladies transmissibles, ou le statut social. Le
gouvernement n’a pas veillé efficacement à l’application de ces lois et
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réglementations. La discrimination se manifestait envers les catégories ci-dessus
dans l’emploi et le travail.
Aux termes de la loi, les personnes handicapées peuvent se voir attribuer une carte
de handicapé qui leur permet de bénéficier de soins de santé à tarifs réduits et
d’accéder à l’éducation et à l’emploi. La loi comprend également des codes du
bâtiment prévoyant l’accessibilité des bâtiments publics. Les sanctions en cas de
violations varient de 50 000 à un million de francs CFA (de 87 à 1 733 dollars É.-
U.). Toutefois, le gouvernement n'a pas veillé systématiquement au respect de ces
droits. La discrimination à l'encontre des personnes handicapées et des personnes
vivant avec le VIH-sida existait dans l’emploi et le travail (voir la section 6).
e. Conditions de travail acceptables
La loi fixe le salaire mensuel minimum à 32 218 francs CFA (56 dollars É.-U.)
dans le secteur formel mais elle ne concerne pas l’agriculture de subsistance ou
d’autres travaux du secteur informel.
La loi fixe la semaine de travail normale à 40 heures pour les employés qui ne sont
pas des travailleurs domestiques et à 60 heures pour les employés de maison. Elle
compte également des dispositions portant sur les heures supplémentaires, les
périodes de repos, les limites concernant le nombre d’heures ouvrées et
l’interdiction d’imposer un nombre excessif d’heures supplémentaires.
Le gouvernement établit des normes de santé et de sécurité au travail. La
législation du travail comptait des restrictions explicites au sujet de la santé et de la
sécurité au travail. Les employeurs doivent prendre des dispositions pour assurer la
sécurité et la protection de la santé physique et mentale de tous leurs employés et
veiller à ce que le lieu de travail, les machines, les matériaux, les substances et les
méthodes de travail sous leur responsabilité ne présentent pas de risques pour la
santé et la sécurité des employés.
La loi stipule que toutes les entreprises employant au moins dix personnes
disposent d’une commission de la sécurité des lieux de travail. Si un employé
décide d’exercer son droit de retrait en raison d’inquiétudes concernant sa sécurité,
un tribunal est chargé de statuer sur la pertinence de cette décision.
Le ministère de la Fonction publique, du Travail et de la Sécurité sociale est
responsable de faire respecter la loi sur le salaire minimum. Les inspecteurs du
ministère et les tribunaux du travail sont chargés de contrôler l’application des
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normes en matière d'hygiène et de sécurité au travail dans les petites entreprises
industrielles et commerciales, mais ces normes ne s’appliquent pas à l’agriculture
de subsistance ni aux autres secteurs informels. Les pouvoirs publics ont affecté
136,3 millions de francs CFA (236 000 dollars É.-U.) aux Directions régionales du
Travail et de la Sécurité sociale pour renforcer les capacités des inspecteurs du
travail et leur fournir de meilleurs outils de travail.
Ces normes n’ont pas été appliquées avec efficacité. Le corps des inspecteurs du
Travail, qui employait 155 inspecteurs et 133 contrôleurs, manquait de ressources,
notamment de locaux et de moyens de transport. Les inspecteurs du travail ont fait
grève à plusieurs reprises pendant l’année afin d’obtenir des augmentations de
salaire et davantage de moyens. Il n’a pas été signalé que les constatations des
inspections aient été imposées avec efficacité pendant l’année.
Les employeurs offraient des salaires souvent inférieurs au salaire minimum. Les
salariés complétaient d’habitude leurs revenus en s’appuyant sur la famille élargie,
l’agriculture de subsistance ou le petit commerce dans le secteur informel. Les
compagnies minières respectaient dans l’ensemble les horaires de travail, les
heures supplémentaires et les normes en matière d'hygiène et de sécurité au travail.
Les personnes travaillant dans le secteur informel, qui représente environ 50 % de
l’économie, subissaient des violations en matière de rémunération, d’heures
supplémentaires et de normes relatives à l’hygiène et la sécurité au travail.