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Ex liait des Comptes rendus des s.iî,iees Je . I'teadd,,rie Js IJiscriplions et Be/le-Let(nu, 4943, p. 287. RAPPORT DE M. JEAN MASPERO SUR LES FOUILLES ENTREPRISES A BAOUIT Les fouilles entreprises à ilâouit par l'Ihstitut français d'archéologie orientale, fouilles qui' avaient Fourni de si remarquables résultats à MM. Chassinat et Clédat, étaient interrompues depuis une dizaine d'années, quand M. Lacau, directeur de l'institut, me chargea de les reprendre, au mois dé janvier de cette année. Le site n'était pas épuisé, et a donné cette fois encore des documents intéressants, sur les trois points où ont porté des nouveaux travaux à la pointe nord, À l'extrémité sud, et dans les monticules de débris. Nous pouvons maintenant avoir une idée nette de ce que représente le vaste kôm de Bàouit. L'hypothèse d'une nécro- pole, jusqu'ici admise, au moins partiellement, est û reje- ter. Aucun des monuments déblayés depuis le début ne porte un caractère funéraire; l'on n'y trouve ni caveau ni trace de sépulture quelconque. Les dispositionsarchitectu- rales, les inscriptions, les sujets (les Fresques, 1e mobilier môme, quand par hasard il en reste quelque vestige, révèlent une tout autre destination Aucune salle, d'ail- leurs, n'est isolée le kôni consiste en un enchevêtrement de pièces, parfois à deux étages, (le couloirs et de cours, chaque partie communiquant avec ses voisines par des £C - - Document o 425549

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Ex liait des Comptes rendus des s.iî,iees Je. I'teadd,,rie Js IJiscriplionset Be/le-Let(nu, 4943, p. 287.

RAPPORT DE M. JEAN MASPERO

SUR LES

FOUILLES ENTREPRISES A BAOUIT

Les fouilles entreprises à ilâouit par l'Ihstitut françaisd'archéologie orientale, fouilles qui' avaient Fourni de siremarquables résultats à MM. Chassinat et Clédat, étaientinterrompues depuis une dizaine d'années, quand M. Lacau,directeur de l'institut, me chargea de les reprendre, aumois dé janvier de cette année. Le site n'était pas épuisé,et a donné cette fois encore des documents intéressants, surles trois points où ont porté des nouveaux travaux à lapointe nord, À l'extrémité sud, et dans les monticules dedébris.

Nous pouvons maintenant avoir une idée nette de ce quereprésente le vaste kôm de Bàouit. L'hypothèse d'une nécro-pole, jusqu'ici admise, au moins partiellement, est û reje-ter. Aucun des monuments déblayés depuis le début neporte un caractère funéraire; l'on n'y trouve ni caveau nitrace de sépulture quelconque. Les dispositionsarchitectu-rales, les inscriptions, les sujets (les Fresques, 1e mobiliermôme, quand par hasard il en reste quelque vestige,révèlent une tout autre destination Aucune salle, d'ail-leurs, n'est isolée le kôni consiste en un enchevêtrementde pièces, parfois à deux étages, (le couloirs et de cours,chaque partie communiquant avec ses voisines par des

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portes à vantaux de bois, dont plusieurs étaient encoreen place lors du déblaiement. Il n'y a là que les hA Li-ments (lu monastère de Saint-Apollé; la nécropole setrouvait un peu plus à i'Ouest, au pied de la montagne, etmême en partie sur la montagne.

Le couvent était fortifié. M. Clédat avait signalé, auNord-Ouest, les restes d'un mur d'enceinte :jai pu ensuivre les traces intermittentes, au ras du sol, jusqu'à lapointe méridionale, du hôm, à l'endroit où se dressent lespremières tombes du cimetière moderne. Dais cet enclosétaient logés non pas un seul, niais d'eux monastères. AuNord, c'était le domaine propre de saint Apollà au Sud,la fréquence anormale des noms féminins, tracés en graffitisur les murs, de lapremière salle découverte, était déjàsurprenane, quand, dans un local voisin, une peinturemurale en a fourni , l'explication. On y voit représentée unecertaine .%xIiA(=Rachel), décorée du titre de 'riittvfl 1H51 iocro. « la mère du couvent li 'y avait donc, à côté (lumonastère d'hommes, un 'i.;rS c de religieuses soit qu'ilait été englobé lui aussi dans l'appellation générale d'ApaApollô, soit qu'il ait reçu le nom de Sain te-Bachcl. Sem-blable association nous est déjà connue par ailleurs ainsiSchnoudi, d'après la version arabe de sa biographie , « avaitsous sa main, deux mille deux cents moines et mille huitcents femmes en religion n.

Les fouilles du Nord, ayant été entreprises les pre-mières, ont été poussées le plus loin, el, ont mis au jourune trentaine de salles d'inégal intérêt. La principale mesu-rait 29 mètres de longueur sur 7 de largeur, avant que desréparations, affectant les murs ouest et nord, en eussenttrès légèrement rétréci l'amplitude. C'est jusqu'à présentl'édifice le plus vaste qui ait été déblayé h BAouii, et il està peu près certain que des fouilles ultérieures ne lui enlève-

j . E. AmiMineau, dans les Mémoires de la Mission française ami Caire,IV, p. 331:.

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iont pas sa primauté. Les quatre murs, jusquà in nais-sance dune voûte en berceau, étaient décorés de peinturesornementales en style géométrique, imitant les mosnifquesde marbre, de porphyre et d'autres pierres colorées, dontles églises byzantines plus riches étaient intérieurementrevêtues. Ce fut, pendant un temps plus ou moins long, toutel'ornemeniaLion de cette pièce. Elle est d'ailleurs d'un effetassez satisfaisant pour que l'artisle n 'ait pas résisté au désirde se faire connaître. En bonne place, au haut du mur orien-

Fig. 1. - Absidiole de Saint.-ApoIIô. à BAnnit.

Cal, il n tracé, en couleur, verte, une inscription calligra-phiée : « Moi, Jean, le peintre, j ' ai peint la voûte (Kil ri e)

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et lele crépi que voici: Priez pour moi afin que Dieu me fassemiséricorde. Amen. »

Plus tard, les moines firent creuser clans la muraille,juste au-dessous de cette signature, une niche en formed'absidiole, qui o pu être heureusement détachée, cl estmaintenant exposée au Musée du Cake (fig. 1). Deuxcolonnettes en terre crue, rapportées postérieurement, sou:tiennent un arc saillant, en plein-cintre, également rap-porté et orné d'une série de médaillon. Chaque médailloncontient un buste féminin, allégorie d'une Vertu, selon unsystème de décoration observé plusieurs fois déjà, à Bâouitmême, et au couvent de Saint-Jérémie près de Saqqarah.La niche proprement dite est occupée par deux registresde scènes peintes. Ait le Christ sur un trône,entre les symboles des quatre évangélistes, est adoré parTes archanges saint Michel et saint Gabriel. Au-dessous,la Vierge assise porte l'enfant dans ses bras. Elle estentourée des douze apôtres, et de cieux personnages relé-gués i t l'extrême bord de l'abside M11 IltVAt Ii fiChU KOVO

h gauche, et ArIA UAIW h droite. Il ne faut pas trops'étonner de voir ces deux illustrations locales figurer parmiles apôtres sur le pied d'égalité. On sait que Schnoudi, lefondateur du Couvent Blanc, s'entretenait familièrementavec les prophètes, et d'ailleurs l'apôtre Pierre, dans uneprédiction posthume, n'avait-il pas dit à son sujet o lemaître Paul est devenu le treizième apôtre toi, tu serasle quatorzième o 1?

La conservation de ces peintures est absolument parfaite,et leur aspect est en somme favorable et copte, sur-tout si l'on songe que Bâouit est une localité provinéialeinsignifiante, et que les fresques datent de l'époque arabe,où les artistes- indigènes, sans relations avec la Grèce,étaient abandonnés à eux-mêmes.

Cr-1. AnIine,,u, dhns les Mémoires de ta Mission [ra n ça ise au Cia re.

IV, P. 313.

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La déeoiation ne fait pas aelle seule tout l'intérêt decette salle. D'innombrables grafluti ont égratigné les murs,et nous indiquent à peu près qhelle était la destination dulocal. Cc n 'est ni une cellule ni une chapelle proprementdite; c'est un lieu de réception, où les voyageurs venus enpèlerinage chez Apa Apollô devaient séjourner quelquetemps. Ils sont venus de lieux assez éloignés, du Fayoûm,de 1-Inês (Héracléopolis), de x K(oov ( Kôm-Ichgaou, prèsd'Antaiopolis), d'autres lieux moins distants de Bonit. Ilsavaient avec eux leurs enfants et leurs femmes, ce quiprouve bien que la salle n'était destinée qu'aux visiteurs.Un sira/i!a/.e de la ville de.Cusac n gravé en grec unecoudé prière. Son gi-afli b est assurément le plus impor-tant de tous non seulement il prouve l'existence d'unegarnison byzantine ii Cusûc, mais il donne, pour laconstruction de cette chambre, une date approximative.Il - est impossible, en effet, d'imaginer un stratélate àl'époque arabe : les panneaux mutant les marbres et lesporphyres remontent donc du moins au début du vit 0 siècle,peut-être au vic. Malheureusement, la niche décrite plushaut est manifestement postérieure au mur dans lequel ellese creuse, et échappe ainsi à toute évaluation chrono-logique précise ; il est probable qu'elle doit dater duviii0 siècle, mais cette estimation demeure hypothétique.

Un autre graffite, mérite aussi une mention spéciale.Daprès l'écriture, il et sans doute du début du vin" siècle.Il est l'oeuvre d'un certain Georges, qui croyait écrire eugrec, et qui décline ainsi son identité t'on'i?m; sb; Yepyku,

Georges, fils de Sergios,autrefois MâleIZ 'Abdallah fils de 'Anir. Cette conversiond'un Arabe au christianisme est assez rare pour valoirdêtm'e signalée.

A lOuest de cette grande salle, se trouvait une pièceplus petil.e, contenant encore, peinte sur bois, une icone aunom de 1-lèr le diXpii3c ; puis, les restes d'une église ou au

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moins d'un bâtiment.-,i colonnes de calcaire enin, au delà• dune cour cimentée, une sorte de petite chapelle, décorée

elle aussi d'une absidiole. La fresque de celte nielle étaWniai conservée, et de videur artistique médiocre. Le centreest occupé par un vase rempli d'eulogies; puis, de chaquecôlé, deux moines dont le nom u disparu, deux archanges,enfin un saint anonyme et la Vierge assise avec l'enfant.Deux particularités donnent un intérêt plus grand ii cesreprésentations médiocres le fond de la niche, entreles deux moines, et au-dessus du vase à eulogies, étaitpercé d'une fcnètre.carrée, destinée peut-être à recevoir unvitrail ; - et le mur, tout autour 'de l'abside, était orné

pou—d'un décor floral, d'effet assez heureux, et dont on nenaissait pas encore d'exempte.

Au Sud de ce premier groupe, s'étend tout un quartier(l'habitation. Les cellules, petites, blanchies à la chaux,superposées parfois eu deux étages, sont naturellementmoins riches que les bâtiments précédents. Toutefois, plu-sieurs d'entre elles présentaient endore des peintures deuxnotamment, très soigneusement décorées malgré leur exi-guïté. L'élément (le décoration le plus répandu dans toutecette partie du couvent, c'est la niche toujours creuséedans le mur Est, elle contribue donner l'apparence de cha-pelles à des locaux qui, très probablement, n'ont servi qu'àl'lrahitation. Dans l'une de ces cellules, la niche est consa-crée exclusivement; à la Vierge Marie. Assise sur son trôned'or, vêtue d'une robe violette sombre, elle se détache,entre deux arbres fantnstic1ues, sur le fond blanc du plâtre.Elle appartient au type que les oeuvres moins anciennesappellent T2)pc:c, et qui n'est pas très fréquent.cette Vierge allaitant l'Enfant se rencontrait déjà en deuxendroits du couvent de Saint-,Jéréwie à Memphis mais ici,à Bûouit, l'art est iucontestab eurent supérieur, quoiquel'inspiration soit la même au point (le paraître la répliqued'un seul modèle.

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Fig. 2. - Peinture murale rie Sniut-Apoitô à Bùouit (aichauge)

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Le mur sud de la même chambre avait été orné, sansdoute par le même peintre, d'une grande figure d'archanged'assez hou style (fig. 2). Vêtu d'une robe blanche [t dessinsbleus, chaussé des hottes rouges qui faisaient partie ducostume impérial, l'ange présente sur ses cieux mains,recouvertes d'une draperie, trois petits personnages quiémergent à mi-corps de cette sorte de nappe d'offrande.L'inscription, s'il y en eut, - ce que rien ne prouve, - .1en tout cas disparu dans une cassure du plâtre qui s'estarrêtée au front de l'archange. Les trois petites figures ontl'apparence d'enfants, et même 'de petites filles, si l'onexamine la. coiffure, consistant en un rouleau uniforme decheveuç, qui fait tout le tour de la tête. Mais comme lesujet du tableau serait en ce cas inexplicable, il faut plutôtcroire que les dimensions restreintes du motif ont gênél'artiste, et contribuent en outre adonner à ses personnages,par comparaison avec la taille de l'archange, un aspectenfantin. Il s'agit probablement des trois jeunes Hébreux,Ananias, Azarias et MisaÉil., jetés dans la fournaise parordre de Nabuchodonosor, et sauvés par l'ange du Seigneur,comme on lit au livre de Daniel (iii, 49-50).

La seconde des deux cellules plus particulièrementouvragées est située à quelques mètres au. Sud de celle-ci.Le mur oriental présentait, outre un portrait en pied (lesaint Jérémie (?), une nouvelle niche dont la compositionrappelle celle de ' la grande salle de réception, mais avecdes détails plus originaux. Ici encore, la Vierge, au milieude personnages nimbés, est dominée par une allégorie duChrist triomphant assis sur un trône. Mais l'exécution estplus libre, moins st y lisée théoriquement la scène n'estplus divisée en deux registres, la gloire du_ Christ touchel'auréole de la Vierge, les saints forment une foule vue enperspective, sur deux rangs. Parmi ces derniers, plusieurssont désignés 1ai' leur nom, et sont simplement des moineségyptiens oubliés aujourd'hui, et mêlés ici familièrement aux

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apôtres, un na un.' nu, deux saint Macaire, un Apa Phjbde Siout, n tz ci onVr, etc. La Vierge, au milieu d'eux,est debout, dans l'altitude de l'orante. Aux deux extrémitésde la niche, les archanges saint Michel et saint Gabrielapparaissent, tenant le globe et le sceptre. Le détail le plusCurieux est ta présence, (le chaque côté du Christ, de deuxmédaillons en camaïeu, l'un gris, l'autre rouge orangé,enfermant chacun un buste, et surmontés respectivementdes légendes :ii. ii iiic. la lune, et nu oc, le soleil. Ce der-nier, maladroitement exécuté, semble avoir été retouché.La lune, au contraire, est (l'un dessin correct et aisé avecSoi) croissant dans les cheveux, elle rappelle la figure d'Ar-témis chasseresse, et elle s'inspire évidemment d'un modèleantique. Nous avons ici un exemple de ce mélange desstyles classique et byzantin, qu'on reverra au x° siècle danscertaines miniatures; les personnages mythologiques sonttraités àl antique, le style e byzantin e étant réservé auximages de piété.

Chose curieuse, In niche n'a pas été faite pour la pièceoù elle a été retrouvée. Elle était plus profonde que la lar-geur lin mur, que l'on a dû renforcer d'une seconde paroiappliquée. Malgré cela, il a fallu encore en rogner lesbords, sacrifiant ainsi certaines figures qui sont coupéespar j e •milieu. Quand oit sait quel travail délicat exige letransport dune masse aussi fragile cille cette mince couchede plâtre arrondie, on «étonne que les Coptes aient pul'exécuter, et surtout en aient eu l'idée, pour une peinturequi, k leur point de vue, devait être de peu de valeur. Maisle fait es[, indéniable : la ucienne niche, beaucoup moinsprofonde, a été respectée dans sa partie inférieure; seul, lehaut a été détruit pour introduire celle qui vient d'êtredécrite. Le raccord a été maçonné grossièrement, niais estencore très visible, et atteste l'histoire de M paroi entière.

Les autres cellules du groupe sont moins richement déco-rées ; mais les dispositions architecturales, quelques tenta-

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tives d'ornementation en relief et de très nombreux graf-I j ti méritaient encore le déblaiement. Une belle inscrip-tion, tracée en lettres rouges dans un cadre orné, nousmontre peut-être que la réputation du couvent de Sain t-Apollô était beaucoup puis vaste qu'on ne pourrait 'e croired 'après le silence des textes. Déjà les signatures de visi-teurs, flans la grande salle, nous avaient montré des pèle-rins venus depuis le Fit voûru tu Nord jusque vers Akhrnimnau Sud, Mais 1e prêtre Georges, .qui a fait écrire par lescribe Pierre cette inscription, est originaire d'A tlmrihisdans le Delta: iipui \HpuiILe. L'orthographe par un e et Iiindique déjà (juIl ne s'agit pas de la patrie de SchnoudiAtripc en Thébaïde, qui se nomme d'ordinaire t'r pu ii e'D'ailleurs ce Georges, après avoir invoqué les saints locaux,s'adresse à Apa Amortit de Psaratous, et Api ,iakôh dePanait : Psaratous et Panau sont les localités actuelles deSardous et lanâ, en l3iisse-Egypte. et on mie voit pas pour-quoi Georges aurait choisi seulement deux saints hors dela région de 13àouît, et les aurait pris tous deux dans leDelta, s'ils n'avaient pas été en quelque sorte ses compa-triotes. A l'époque arabe, le monastère était donc encoreassez important pour , qu'on vînt de si loin s'y retirer. Inver-sement, il est intéressant de signaler qu'une chapelle Àdemi ruinée, située vers le Nord-Est du kôm, a fourni unportrait de saint Mémias, l 'un des grands saints de la régiond'Alexandrie, entre quatre chameaux agenouillés.

Outre les lieux destinés au cuite et les chambres d'habi-tation, les fouilles ont mis à jour des construe! ions plusutilitaires, qui montrent que le couvent se suffisait à lui-même, et ne devait rien demander au village voisin, d'ail-leurs insignifiant. Plusieurs pièces avaient servi de cuisines.La trace (lu feu était facilement reconnaissable sur lesvoûtes des fours, et de grandes jarres coupées dans leurplus grande largeur, et enterrées ensuite jusqu'au haut dansun . bâti de terre crue, représentaient les fourneaux ,des

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moines. Dans le Sud, une salle contenait encore deux vasesremplis de poissons séchés, des filets à prendre les cailles,même un peu de sel au fond d'un tesson. Les divers métiersétaient exercés par des frères, comme nous l'apprennent lesgraffiti, qui mentionnent des frères-charpentiers, des frères-maçons, etc... Près de la grande salle, un vaste four a étéretrouvé dans un angle de mu r, et la chaleur du feu avaitcuit superficiellement les briques de la paroi. Des scoriesrestées sur place montrent quel en avait été l'usa ge C'étaitun four à chaux. C'est là qu'on avait préparé l'enduit des-tiné aux murailles de brique crue, sur lesquelles le peintreJean avait dessiné ses mosaïques de fausses pierres pré-cieuses.

La partie sud du kèm présente un aspect peu engageant.Un jardin, construit autour de la saqieh antique. touche lesruines, et il est clair que les e!Fork des .sebbalçhîn se sontexercés là en premier lieu. Les chercheurs (le trésors ontaussi, je pense, une part à revendiquer clans la dévasta-(ion actuelle. Aujourd'hui, presque partout, le sol a étéretourné, les murailles abattues, et des fragments de plàtrecoloré, à la surface du sable, attestent que cette destruc-tion n'est pis ancienne. Les fouilles n'ont duré qu'unequinzaine de jours dans ce chantier car c'est seulementaprès avoir constaté que le chantier du Nord paraissaitépuisé, que j'ai fait attaquer une salle remarquée dès 'eclébu L, niais réservée d'm.i 1)0 'd pour une autre - campa gn e.

La pièce principale de ce nouveau groupe est une dia-pelle voûtée en berceau, d'architecture beaucoup plus soi-gnée que dans toutes les autres salles jusqu'ici visitées.Une double fenêtre t ouvertures carrées, sans doute gril-lagée de bois, l'éclairait par le Sud. Le mur est percéde petites niches et de placards carrés, dont les volets(le bois, arrachés par les pillards, ont laissé leur empreintedans la terre des murs. Par un heureux hasard, noussommes assurés, pour la première fois depuis que le

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site de BAonit a commencé d'être exploré, de connaîtrel'usai e exact de cette pièce. C'était bien réellement unepetite chapelle. Un tabernacle en terre crue, en formed'église à plan carré et à coupole ronde, gisait par terre,brisé. C'est la première trace qui se soit présentée à moidu pillage qui dut brusquement mettre fin à cc qui restaitdu couvent d'Apa Apollô. vers fan 900. Le tabernaclecontenait peut-être un vase précieux. Les musulmans,ayant fracturé toutes les armoires et emporte les objets devaleur, ont jeté par terre ce coffre de terre. Quoique brisé,il est curieux, par ses reliefs imitant les ferrures d'uncoffret de bois ou de métal.

Sur le mur nord, une vaste fresque déroulait la sériede ses dix personnages, debout, entre deux bordures deplantes et de guirlandes. Au centre, l'archange Une],

\pXI1M'ItX0G OVf)IIIÀ, préside à la réunion, tenant unglobe et un sceptre cm'ucigére. Les raisons nous échappent,pour lesquelles on a donné la place d'honneur à cet archangerarement invoqué, tandis que saint Gabriel était reléguésur le mur gauche, avec saint Michel et la Vierge. A sagauche prennent place saint Jean le soldat, figure médiocreet visiblement postérieure aux autres, A.pa Hôr de Preht(= Ahraht, petite ville près d'Antinoé ; cf. Amélineau.Gdoqr. de i'Egijp/c, p. 12), saint Amniôoios, saint Pierrel'Apôtre, porteur de la clef du paradis, enfin saint Apollôle Grand. A droite de l'archange Uriel, paraissent unsecond Ammônios (?), Apa Anoup, AIL\ fl0AA(() I IOVØVft(localité, inconnue), enfin cette sainte 'Rachel dont j'ai déjàparlé, et qui est encadrée par une longue légende assezincorrecte

IIA%IiI'utfl' IJOGIJOOT(5 I1ItC (31.11011G Ii I) CC )V X 0V ri Ct2J q 1.1 II %H} II Ci; e A In a li itchel , lamère du couvent, qui est morte le 27 Payai o. Les person-nages, trop trapus,trppus, sont mal proportionnés, le dessin estincorrect, mais l'ensemble a un certain charme qui manque

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aux autres fresques de 13âouit, et qu'il doit à la colora-tion, aux gris, aux bleus clairs, aux teintes adoucies, etqui rappelle une enluminure sur parchemin plutôt qu'unepeinture murale. Cette pièce, lors du partage des antiqui-tés, u été attribuée à l'institut français, et sera prochaine-ment envoyée ait du Louvre.

Deux chambres, non décorées, attenaient à cette cha-pelle. L'une d'elles, bâtie sur plan carré, était si solide-ment construite que sa coupole méine avait subsistéintacte, malgré l'énorme masse de sable qui surmontaitcette cellule encore à moitié vide. Au fond de ce réduit,une porte de bois ouvrait l'accès d'une cachette creuséedans l'épaisseur d'un mur. La cachette, malheureusement,avait été violée, et du trésor qu'elle dissimulait je n'airecueilli que quelqùes fragments de papyrus, les débris d'unustensile de bronze, et une rondelle d'argent fondu.

Une cour sépare celte chapelle et ses annexes d'unegrande salle carrée, fort intéressante, quoique tous lesdétails n'en soient pas facilement explicables. Primitive-ment, ce fut une écurie, destinée à recevoir des fines ou desmules, au nombre de huit. Des cavités cimentées, creuséesdans les murs sud et est, contiennent chacune une barrede bois qui servait à attacher les bête ,;; dans deux cas, lacorde pendait encore de ces attaches. Dans la suite, la pièceparaît avoir servi de magasin aux vivres; du moins y ai-jerecueilli des vases pleins de conserve de poisson. un bou-quct de persil, du sel, et une certaine quantité de vaisselleintacte, entre autres des qoullehs comme on en fabriqueencore aujourd'hui vases de terre poreuse dont le goulot estobstrué dune plaque percée de trous. Deux livres, écrits surpapypus, avaient pourri sur le sol, jetés là par les pillards;les débris utilisables des feuillets sont malheureusementtrès petits et peu nombreux. La décoration des murs auraitété intéressante, si elle eût été un peu mieux conservée.Une seule scène est restée à peu près intacte. Du moins

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est-ce la meilleure, et son sujet inattendu jette un jourCurieux sur l'esprit de facétie des moines coptes, - ou desreligieuses, puisque cette partie du couvent était habitéepar des femmes. &est la parodie dune séance de tribu-nal. Trois rats.,!' un présentant des vases, qui ont ici tousles droits à s'appeler des « pots de vin o, le second tenantun drapeau, et le dernier, l'orateur de la troupe, apportantune requête écrite sur un rouleau de papyrus, trois ratscomparaissent devant un chat, assis ou plutôt à demi cou-ché, prêt à bondir. C'est un vieux thème de caricature, déjàconnu par des dessins satiriques de la xviii 0 dynastie, quiest ici repris par des Egyptiens du vjri° ou ix° siècle denotre ère.

Enlin. tout le pourtour du kôm de Bouit est marquépar des éminences factices, composées de débris de jîtrreset d'antres ustensiles de terre, auxquels se mêlent dèsrebuts de toute nature qui ne sont pas sans intérêt archéo-logique. Dans Fane de ces huttes 3 ' li recueilli des lambeauxd'étoffe (dont l'un avec une ligure de cavalier), (les lampes,des bouchons d'amphore portant inscription, surtout (lesfragments de papyrus et des ostraca grecs et coptes cesderniers nous font connaitre quelques-unes des propriétésfoncières du couvent, !s redevances perçues, 'es impôtsacquittés. Ils aideront à composer le tableau de ce que pou-vait être, vers le ville siècle, un grand monastère égyptien.

MÂCON, PIlOTÂT F1%flttES, IMIOIIMBURS