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RAPPORT du Groupe Transversal d'Experts en Ingénierie du Vivant Département ST2I du CNRS Juillet 2008

Rapport du Groupe Transversal d'Experts en Ingénierie du Vivant

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RAPPORT

du

Groupe Transversal d'Experts en Ingénierie du Vivant

Département ST2I du CNRS

Juillet 2008

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SOMMAIRE

Avant-propos .............................................................................................. 3 BIOMECANIQUE CELLULAIRE, TISSULAIRE ET ORGANIQUE ...... 6 MICRO-NANOSYSTEMES ET NANOBIOTECHNOLOGIES.............. 11 IMAGERIE DIAGNOSTIQUE IN VIVO ................................................. 15 BIOPROCEDES : DE LA CELLULE AU PRODUIT.............................. 18 BIOINFORMATIQUE ET SANTE.......................................................... 22 ROBOTIQUE ET SANTE........................................................................ 26 Annexe 1 - Liste des GDR dans le domaine de l’Ingénierie du Vivant...... 29 Annexe 2 - Composition du Groupe d’Experts ......................................... 30

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Avant-propos

L'ingénierie du Vivant et son impact sociétal Les Sciences du Vivant transforment notre quotidien avec une rapidité et une ampleur dont les conséquences potentielles sont vraisemblablement sans équivalent dans l’Histoire des Sciences. Cette évolution est en passe, non seulement, de bouleverser notre compréhension du Vivant, mais aussi, de susciter la création de connaissances, technologies et méthodes, susceptibles de révolutionner les pratiques médicales, l’industrie du médicament et de l'agro-alimentaire, ainsi que la protection de l'environnement. De ce fait, l’impact sociétal de l’Ingénierie du Vivant s’est considérablement accru ces dernières décennies. Il ouvre un champ d’actions de recherche, original et vaste, qui impose de rassembler sur des objectifs communs des ingénieurs, des médecins, des biologistes et des partenaires du secteur socio-économique. Mandaté par le Directeur Scientifique du Département des Sciences et Technologies de l'Information et de l'Ingénierie (ST2I) du CNRS, le Groupe Transversal d'Experts en Ingénierie du Vivant a conduit la réflexion sur les domaines applicatifs liés à la Santé (diagnostic, thérapie, ingénierie tissulaire, médicaments,…), sans négliger cependant les apports méthodologiques développés dans les autres domaines. Ainsi, il s'appuie sur la définition de l'Ingénierie du Vivant, telle qu'elle a été adoptée par les NIH, et qui met largement en exergue les nécessaires complémentarités et synergies permettant d'aboutir à la prévention, au diagnostic ou à la thérapie des dysfonctionnements des systèmes biologiques : “Biomedical engineering integrates physical, chemical, mathematical, and computational sciences and engineering principles to study biology, medicine, behavior, and health. It advances fundamental concepts; creates knowledge from the molecular to the organ systems level, and develops innovative biologics, materials, processes, implants, devices and informatics approaches for the prevention, diagnosis, and treatment of disease, for patient rehabilitation and for improving health”. Une approche nécessairement intégrative, pluridisciplinaire et multiéchelle Les avancées récentes, théoriques et expérimentales, dans les domaines des Sciences du Vivant (génomique, transcriptomique, protéomique, métabolomique) ont permis de dresser des inventaires des différents intervenants moléculaires jouant un rôle dans les grandes fonctions biologiques. Néanmoins, les relations entre ces molécules, les mécanismes, les régulations, les dysfonctions et le suivi de ces fonctions ne sont pas ou peu connus. En dépit des progrès manifestes de l'approche descriptive strictement moléculaire, il apparaît évident que l'approche intégrative, qui mesure, décrit et modélise les systèmes biologiques complexes dans leur globalité, est indispensable dans le domaine de la physiopathologie, conduisant aussi à de nouvelles stratégies thérapeutiques. Par ailleurs, la caractérisation et/ou la maîtrise du comportement de cellules, tissus et organes dans leur environnement physiologique, physiopathologique ou in vitro, ainsi que l'acquisition de nouveaux savoir-faire méthodologiques, technologiques et expérimentaux, est sans nul doute, un champ de recherche transdisciplinaire. Il se situe à l’intersection de la mécanique, la physique, la chimie, les mathématiques, l’informatique, l’imagerie médicale, la science des matériaux, le génie des procédés, la médecine et la biologie…, cette liste n'étant pas exhaustive. Cette interaction grandissante entre champs disciplinaires contribue au

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bouleversement de la classification encore largement "disciplinaire" de la recherche scientifique française, notamment en Sciences du Vivant. Parallèlement à cette indispensable pluridisciplinarité, toute la communauté internationale s’accorde à dire que les avancées majeures en Ingénierie du Vivant ne pourront se faire qu’au travers d’approches multiphysiques et multiéchelles, spatiales ou temporelles. Une position française contrastée La recherche académique en Ingénierie du Vivant en France est, sans conteste, forte et de très bonne qualité, avec des équipes de grande renommée internationale, et ce, en dépit d'une dispersion importante de ses potentiels. La qualité de la formation de nos ingénieurs, médecins et scientifiques est également bien reconnue, y compris par nos partenaires étrangers. Cependant, la trop faible visibilité de ce domaine qui subsiste en France, conduit à une faiblesse dans l'organisation de la communauté, dans son soutien par les institutions, ainsi que dans la motivation de nos jeunes diplômés pour s'investir dans un domaine aux confins de plusieurs disciplines. Par ailleurs, le tissu industriel présente des décalages importants. A côté des grands groupes pharmaceutiques producteurs de médicaments et de vaccins, les sociétés impliquées plus récemment en ingénierie tissulaire peinent à se développer, confrontées à une concurrence internationale très rude. Les petites sociétés naissantes en biotechnologie présentent un "turn-over" rapide, signe soit de réussite par l'intégration au sein de grands groupes, soit d'échec de projets insuffisamment étayés. Les entreprises spécialisées en instrumentation, équipements, prothèses,… ont souvent une taille sous-critique pour relever des défis complexes. Sur ce point, seule une réflexion à l'échelle européenne, à l'instar de l'industrie aéronautique, semble susceptible de permettre à l'Europe de développer un "leadership" à la hauteur de ses principaux concurrents américains et asiatiques. Le budget annuel moyen du National Institute of Biomedical Imaging and Bioengineering, NIBIB, établi en 2000 au sein des NIH, est à présent de 300 millions de dollars. Une pluridisciplinarité à soutenir En capitalisant sur un vivier d'étudiants initialement bien formés, il importe que la formation par la recherche puisse permettre de plus en plus à des ingénieurs, des chercheurs biologistes et des médecins de confronter leurs différentes "cultures" d'origine sur des projets communs. Ceci passe notamment par une meilleure visibilité du domaine scientifique, une offre mieux organisée au niveau national, et le développement de débouchés professionnels en lien, notamment, avec le tissu industriel. La pluridisciplinarité, bien que de plus en plus revendiquée et nécessaire, reste encore trop souvent un handicap pour les laboratoires et pour les chercheurs. Il conviendrait d'identifier des voies encore plus volontaristes pour permettre la sensibilisation des acteurs, le décloisonnement des disciplines scientifiques concernées ainsi que leur juste évaluation. Une anticipation de cette pluridisciplinarité en amont, lors de l'élaboration des cahiers des charges de projets, ou lors de la réorganisation de laboratoires devrait être plus systématique. Par exemple, l'accueil d’équipes pilotées par un chercheur expérimenté faciliterait la création de véritables centres pluridisciplinaires. Les équipes faisant des efforts dans ce sens doivent être encouragées et non pénalisées.

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Le CNRS possède des atouts essentiels en Ingénierie du Vivant. Par son département ST2I, il dispose de compétences transversales en Sciences de l'Ingénieur et en Technologies de l'Information qui peuvent conduire à des avancées scientifiques importantes. De plus, la proximité de compétences pluridisciplinaires dans d'autres départements scientifiques, comme les Sciences du Vivant, la chimie, la physique, les mathématiques, lui permet de jouer un rôle d'agrégation et d'émulation. Ceci représente une spécificité essentielle du CNRS. Du fait de leur implication majoritairement dans le domaine de la Santé, les travaux de recherche en Ingénierie du Vivant sont moins soutenus par le tissu industriel que d'autres domaines des Sciences de l'Ingénieur. Ceci impose un investissement substantiel des pouvoirs publics pour le financement de ces travaux. Par exemple, des budgets conséquents pour de la "prise de risques" devraient être augmentés à côté des appels d’offres thématisés de l'ANR. Le soutien pour la création de plates-formes, dans le même esprit que les grandes centrales technologiques, devrait être intensifié. Les passerelles avec l'industrie pourraient être facilitées pour améliorer l'identification de problématiques fondamentales à partir des problématiques industrielles. Dans un contexte où la Santé prend une part de plus en plus prépondérante dans les préoccupations de nos concitoyens, ce soutien accru apparaît indispensable pour permettre à la France et à l'Europe de conserver ou d'acquérir une relative autonomie dans ce secteur. Des thématiques fortement inter-corrélées A partir des considérations générales énoncées ci-dessus, le Groupe d'Experts a ciblé ses réflexions sur quelques thématiques bien représentées au sein du département ST2I. Il en ressort très souvent, soit des analogies entre les objectifs et les méthodes développées, soit des complémentarités qui devraient être renforcées. C'est tout l'atout du département ST2I de rassembler des potentiels aussi transversaux. La suite du rapport présente les thématiques suivantes :

• Biomécanique cellulaire, tissulaire et organique • Micro-nanosystèmes et nanobiotechnologies • Imagerie Diagnostique in vivo • Bioprocédés : de la cellule au produit • Bioinformatique et Santé • Robotique et Santé

Pour chacune d'elles, après un avant-propos et la présentation des domaines d'applications, les voies d'évolution à privilégier dans le futur sont exposées, en mettant en exergue les passerelles à promouvoir entre thématiques.

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BIOMECANIQUE CELLULAIRE, TISSULAIRE ET ORGANIQUE

Avant propos Le développement d’organes artificiels, de biomatériaux de remplacement ainsi que les problèmes d’interfaces qu’ils génèrent, nécessitent des travaux de recherche fondamentale dans le domaine des Sciences pour l’Ingénieur. Sur le plan clinique, l’objectif est d’améliorer le service rendu par une meilleure fonctionnalité, une longévité améliorée et une réduction des effets secondaires. L’utilisation des biomatériaux concerne de nombreuses applications cliniques. On citera par exemple : les vaisseaux artificiels, les valves cardiaques, les stents, les remplacements ventriculaires et le coeur artificiel, les prothèses orthopédiques, les substituts osseux, les ligaments, les tendons, les remplacements du cristallin, des sphincters urinaires, des voies urinaires, de la peau, les osselets de l’oreille interne, les implants dentaires…. A ces approches s’ajoute maintenant toute la stratégie d’ingénierie tissulaire qui consiste à associer des cellules autologues ou souches d’autres origines à des matériaux supports bien sélectionnés. C’est dans ce but que sont développées les thématiques de la Biomécanique cellulaire, tissulaire et organique. Elles sont axées sur l’élaboration de nouveaux modèles, de nouvelles méthodes et approches permettant de mieux décrire, comprendre et par suite appréhender les fonctionnements et dysfonctionnements des systèmes biologiques, avec pour objectif d’optimiser et d’innover dans la prévention, le diagnostic et la thérapie de ces dysfonctionnements. Elles permettront aussi de mieux prendre en compte de grands problèmes de Santé publique comme la fragilité osseuse liée au vieillissement (ostéoporose) le dépôt des plaques d’athérome dans les vaisseaux, ou le remodelage de l’os au contact des prothèses implantées. La caractérisation du comportement de cellules, tissus et organes dans leur environnement physiologique ou physiopathologique est un champ de recherche transdisciplinaire à l’intersection de la mécanique (fluides, solides, transferts de matière et de chaleur), de la physique et de la chimie, de l’imagerie médicale, de la science des matériaux, de la médecine, de la biologie…, cette liste étant loin d’être exhaustive. Parallèlement à cette indispensable pluridisciplinarité, toute la communauté internationale s’accorde à dire que les avancées majeures de cet axe de recherche ne pourront se faire qu’au travers d’approches multiphysiques et multiéchelles. Le comportement des milieux vivants, hétérogènes et multiphasiques, fait en effet intervenir de multiples phénomènes physiques couplés : fluides, structures, transports, transferts… Les échelles spatiale et temporelle varient quant à elles, de la cellule au tissu et à l’organe, et de la seconde aux années. C’est sur la base de cette réflexion que les différentes thématiques de recherches proposées ci-dessous doivent être envisagées dans la future décennie. Les domaines d’application et les voies d’évolution 1. Mécanique, Micromécanique, Mécanique des matériaux et des structures. Développement de modèles théoriques, expérimentaux et numériques, Imagerie De part leur spécificité les comportements des tissus et des organes biologiques ne peuvent être décrits par des extensions simples de modèles développés en mécanique des matériaux et

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des structures. Ces lois de comportement doivent intégrer à la fois les propriétés mécaniques des matériaux biologiques, difficilement identifiables, largement modifiées par les pathologies, le vieillissement, mais elles doivent aussi intégrer les incertitudes et la variabilité des géométries anatomiques ou pathologiques. Pour cela des modèles stochastiques permettant la prise en compte de ces incertitudes sont à élaborer. On voit ici l'intérêt des développements par exemple d'éléments finis statistiques, d'analyses de sensibilités systématiques ainsi que d’études de corrélations entre processus biologiques et grandeurs mécaniques (contraintes, déformations, rhéologie). D’autre part un effort doit être fait sur la détermination in vivo de conditions aux limites et de chargements. Un verrou important à lever concerne les comportements des matériaux mous. C’est pour cela que des corrélations entre modèles mathématiques et modèles animaux doivent être privilégiés. Les matériaux biologiques sont observés et décrits comme des systèmes hautement hiérarchisés dont les caractéristiques mécaniques globales sont étroitement liées à l’environnement mécanique et aux propriétés locales des sous-structures. Les modèles multiéchelles, qui sont de plus en plus appliqués aux structures biologiques, peuvent également constituer une voie pour la description et la compréhension de la variabilité expérimentale. Par exemple une meilleure compréhension de la fragilité osseuse nécessite l’analyse de l’influence de nombreux paramètres tant aux échelles nano (orientation, nombre etc.. des cristaux d’hydroxyapathite), micro que macro. Pour la description du comportement à des échelles inférieures l’analyse mécanique doit être couplée à d’autres phénomènes physiques (modelage / remodelage, croissance, polymérisation / dépolymérisation…). Le développement de modèles multiphasiques, diffusifs, convectifs, réactifs doit permettre la mise en place d'approches réellement mécanobiologiques. Le rôle des différentes phases dans les processus instationnaires et en particulier la quantification des phénomènes convectifs de transport de masse (et/ou d'énergie sous ses différentes formes) dans ces milieux hétérogènes multiphasiques ne sont pas suffisamment étudiés (microcirculation sanguine dans l'os, comportement du disque intervertébral…). Tous les modèles biomécaniques devraient également considérer des mécanismes de contrôle dynamique actif (boucles de réaction et de contre-réaction …) et ce quelles que soient les échelles spatiale et temporelle. Ces mécanismes, bien développés en ingénierie des systèmes complexes (robotique, automatisme) devraient être généralisés au cas des biosystèmes. Enfin, il est nécessaire de mettre en place dans des approches multimodales des bancs expérimentaux permettant la caractérisation de tissus biologiques anisotropes passifs ou actifs à toutes les échelles pertinentes. Des progrès doivent également être accomplis au niveau de l’imagerie (cf. Imagerie Diagnostique in vivo) et sur le développement de nouveaux algorithmes capables de suivre des marqueurs pour estimer in vivo les champs de déplacements et de déformations. Toute la thématique de résolution de problèmes inverses en élastographie, pour la détermination in vivo des caractéristiques mécaniques des tissus ou organes mous en dépend directement.

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2. Mécanobiologie et Biomatériaux L’étude détaillée du métabolisme cellulaire menée en considérant l'environnement mécanique et physico-chimique des cellules (en particulier mécanismes de différenciation cellulaire sous environnement mécanique contrôlé) et couplée à l’analyse des mécanismes de développement des tissus est à la base de nombreux développements sur lesquels des efforts devront être portés. Les rôles des différentes cellules et de leurs mécanismes intimes sous l'action des forces appliquées, i.e. la mécanotransduction cellulaire, ne sont pas bien compris. Les travaux du GDR Mécanotransduction crée en 2008 sont centrés sur cette problématique. Dans ce cadre nous pourrons notamment citer quelques développements à soutenir :

• Les travaux sur l’utilisation de cellules souches, qui ont des particularités leur permettant de donner naissance à des lignées cellulaires créant de novo un tissu préalablement souhaité, doivent s’intensifier (cf. §3).

• Le rôle sur les ostéocytes agents de détection des contraintes et déformations locales ou agents de maintenance du degré local de minéralisation a été et sera encore l'objet de nombreuses études.

• Les cellules endothéliales répondent aux stimuli hémodynamiques par une adaptation de leur morphologie et par l'expression de gènes et de protéines (cf. thème Bioprocédés). Toutefois de nombreuses interrogations demeurent sur la nature de la transmission de ces stimuli et sur l'intervention de ces derniers sur la régulation de l'expression génique des cellules.

La détermination du ou des stimuli spécifiques (type de sollicitation) déterminant la "fonctionnalité et la qualité" des tissus est un des éléments clef du mécanisme de mécano transduction. Il est donc indispensable d’améliorer les systèmes de sollicitation mécanique de culture cellulaire in vitro. Le développement de tels dispositifs (bioréacteurs, cf. Bioprocédés) nécessite une expertise importante en biologie et en mécanique. En ce qui concerne les biomatériaux, la compréhension fine de leurs réponses mécaniques et biologiques en fonction de leur état physico-chimique de surface d'une part, et de leur architecture tridimensionnelle d'autre part, nécessite des travaux supplémentaires. Il s’agit de mieux comprendre le rôle des facteurs diffusifs et le rôle des revêtements bioactifs au travers de modèles explicitement mécanobiologiques. L’élaboration de nouveaux supports parfaitement caractérisés en termes de propriétés mécaniques et compatibles avec les milieux cellulaires reste une étape nécessaire. Ainsi les forces de traction cellulaire, l’adhésion et la mobilité cellulaire, les interactions entre la cellule et son environnement en association avec les voies de signalisation faisant appel à la transduction des signaux mécaniques, seront mieux comprises et analysées. 3. Ingénierie tissulaire Une avancée technologique importante et certainement vouée à un avenir important est représenté par l’ingénierie tissulaire ; il s’agit d’utiliser les potentialités des cellules souches embryonnaires ou du mésenchyme autologue pour créer de novo un tissu artificiel. Il est nécessaire d’utiliser des techniques de culture spécifiques selon les tissus à remplacer et de définir des matériaux supports capables à la fois d’assurer la repousse des cellules et de remplacer le tissu dont c’est l’objectif . Des expériences prometteuses sont d’ores et déjà

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initiées pour l’os, le cartilage, le disque intervertébral, les ligaments, les vaisseaux ou la paroi ventriculaire. L’étude des phénomènes de mécanotransduction évoqués dans le § 2 joue ici un rôle primordial. 4. Mécanique du système ostéoarticulaire et sa réparation Les dysfonctionnements du système ostéoarticulaire qu’ils soient liés à des pathologies (ostéoporose…), au vieillissement (arthrose) ou à des traumatismes (fracture, arrachement de ligaments…), sont des problèmes de Santé publique dont les solutions réparatrices nécessitent des analyses biomécaniques. L’étude des mécanismes de cicatrisation, de régénération et de réparation tissulaire en présence ou non de biomatériaux relève de cette problématique. Le remodelage périprothétique, la qualité osseuse, l’usure et les propriétés mécaniques des biomatériaux et leurs endommagements sont des paramètres importants à prendre en compte sur l’étude de la durée de vie d’une arthroplastie. Parallèlement à ces études fondamentales en «mécanique de l’os» il serait très pertinent de prendre en compte différents autres paramètres (géométries exactes, capital osseux du patient, fonction mécanique de l'articulation prothésée…) pour mettre en place une planification opératoire (cf. thème Robotique et Santé) améliorée pour la pose de prothèses dans le but d’augmenter la durée de vie de l'implant. Les dispositifs de navigation chirurgicale sont actuellement basés sur un positionnement purement géométrique de la prothèse dans son environnement osseux et pourraient être ainsi améliorés. Si les prothèses de hanche peuvent être adaptées à la morphologie du patient, ce n’est pas le cas des prothèses totales de genou. 5. Mécanique des biofluides et des transferts, macro/microcirculation Les interactions existant entre les fluides et les parois sont difficiles à évaluer quels que soient les systèmes étudiés : cardiaque, artériel, veineux, respiratoire, lymphatique…, et quelles que soient les échelles spatiale et temporelle d’observation. Les modèles capables de décrire ces systèmes doivent prendre en compte la complexité des géométries anatomiques, pathologiques ou prothétiques ou celle de la topologie des (micro)réseaux sanguins, l'instationnarité des écoulements, les caractéristiques mécaniques des parois saines ou pathologiques et les propriétés rhéologiques du biofluide. C’est ainsi que les développements de modèles d'interaction fluide structure biologique font actuellement l'objet de nombreuses recherches dans la communauté internationale. La création en 2004 du GDR Interaction fluide-structure biologique, et son renouvellement en 2008 attestent de cet intérêt au niveau national. Toutefois des efforts restent encore à accomplir dans ce domaine. In fine, ces modèles permettront d'obtenir une quantification détaillée des paramètres dynamiques des différents systèmes à des échelles données. Il est également important de noter que des progrès doivent être faits dans le développement de modèles multiphysiques et multiéchelles (cf. Avant Propos). Dans ce but, les recherches en mécanique des biofluides et des transferts, gagneront à être interfacées plus étroitement avec les concepts récents et en développement de l'ingénierie cellulaire et tissulaire (cf. § 2 et 3).

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Parmi les nombreuses questions qui tant sur le plan fondamental que sur celui des applications cliniques méritent d’être étudiées, il convient de citer :

• Quelle est la nature de la transmission des forces et contraintes diverses qui agissent sur les cellules ? En quoi ces mêmes contraintes jouent des rôles déterminants dans le bon fonctionnement des prothèses ou endoprothèses ?

• Comment établir un meilleur diagnostic précoce des maladies associées à ces différents systèmes, en particulier celles qui concernent les pathologies du vieillissement ?

• Quels sont les principaux facteurs mécaniques influençant l’angiogénèse ? Une attention particulière pourra être accordée à la formation des (micro) réseaux vasculaires dans les croissances tumorales.

Conclusions Les actions à privilégier devront s’inscrire dans les voies d’évolution suivantes:

• Développement de méthodes dédiées à la caractérisation des propriétés matérielles et géométriques des milieux vivants et à leur variabilité

• Développement de modèles de comportement multiéchelles. Pour les tissus vivants, les échelles spatiales vont de la cellule au tissu et à l’organe et les échelles temporelles peuvent varier de la seconde aux années

• Développement de modèles de comportement multiphysiques. Le comportement des milieux vivants, hétérogènes et multiphasiques fait intervenir de multiples phénomènes physiques couplés fluide, structure, transport, transferts…

• Développement de matériaux de substitution : implants, biointégration, résorbabilité, durée de vie….

• Renforcement de l’indispensable transversalité des domaines (du clinicien au mécanicien) en intéragissant avec les Bioprocédés, l’Imagerie et la Robotique.

Mots clés Mécanique des matériaux et des structures Mécanique des fluides biologiques Interactions fluide structure Multiéchelle, Multiphysique Mécanotransduction Micromécanique, Ingénierie tissulaire Organes artificiels, Prothèses, Chirurgie Modèles théoriques, expérimentaux et numériques Contrôle dynamique

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MICRO-NANOSYSTEMES ET NANOBIOTECHNOLOGIES

Avant-propos

Un micro-nanosystème peut se définir comme un système dont au moins une composante fonctionnelle est à l’échelle micro-nanométrique. Le vocable « système » sous-entend que l’on peut interagir de manière contrôlée sur son fonctionnement.

Depuis quelques années, la miniaturisation extrême des micro-nanosystèmes est à l’origine de véritables révolutions dans le domaine des Sciences du Vivant et de leurs applications pour la Santé. Les techniques de fabrication collective associées à une réduction en taille permettent en effet de réduire les coûts de fabrication, offrent la possibilité d’effectuer en parallèle un grand nombre d’analyses, accroissent les performances (augmentation de la sensibilité, réduction de la durée du test par exemple). En outre, l’ajout de fonctionnalités électroniques rend ces systèmes automatisables et dans certains cas autonomes. L’interfaçage de micro-nanosystèmes avec des systèmes informatiques et robotiques est également envisageable ce qui ouvre des perspectives très riches notamment dans le domaine de la robotique médicale (cf. Thème Robotique et Santé).

Ces approches de conception descendante (top-down) issues de la microélectronique sont à mettre en regard avec les approches de conception ascendante (bottom-up) plus récentes, héritées de la chimie et de la biologie. En particulier les nanobiotechnologies, domaine émergent associant les biotechnologies et les nanosciences, ou encore les systèmes biomimétiques ou matériaux bio-inspirés changent radicalement notre manière de concevoir les micro-nanosystèmes en associant matière organique et inorganique. On aborde ici des problématiques nouvelles, plus amont, concernant les architectures 2D et 3D, l’intégration hiérarchique et la conception de systèmes redondants, robustes, tolérants aux fautes dont la durée de vie peut être en contrepartie limitée.

Néanmoins, la réduction en taille des micro-nanosystèmes, si elle permet d’accroître les performances des dispositifs en termes de sensibilité ou de rapidité d’analyse, conduit en contrepartie à une prépondérance des effets de surface et d’interface par rapport aux effets de volume : pertes énergétiques très hétérogènes, systèmes hors équilibre thermodynamique, cinétiques de réaction fortement altérées, variations stochastiques et non plus statistiques, etc. Tous ces aspects doivent être pris en compte pour conduire à une exploitation fiable des dispositifs. En particulier, les notions de dynamique de mesure, de domaine de linéarité, de sensibilité et de résolution ultime doivent être revisitées.

Les domaines d’application

Ils sont très variés et recouvrent l’agroalimentaire, l’environnement, la pharmacologie, le diagnostic médical, le suivi thérapeutique… Dans les années à venir, les micro-nanosystèmes permettront d’élaborer de nouveaux dispositifs très sensibles pour la détection d’espèces chimiques et biologiques in vivo, le diagnostic, la thérapie et la délivrance de médicaments. Ils permettront également d’améliorer l’interface avec le Vivant et de concevoir de nouvelles approches pour comprendre le fonctionnement du Vivant.

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Le domaine des micro-nanosystèmes pour le Vivant peut être appréhendé suivant trois axes complémentaires :

1. Le premier concerne les composants et les technologies associées. L’accent doit porter en particulier sur l’étude de nouveaux procédés de fabrication, de nouveaux matériaux biocompatibles pouvant être intégrés dans des dispositifs complexes en les associant à des systèmes fluidiques. Le développement de systèmes biomimétiques et des nanobiotechnologies doit être renforcé pour concevoir des dispositifs innovants. Les problématiques de conditionnement, d’encapsulation, de durée de vie, de toxicité doivent faire l’objet d’études très soutenues.

2. Le deuxième a trait aux techniques de caractérisation/détection, d’instrumentation et de modélisation. Il s’agira de développer de nouvelles techniques d’imagerie et de détection à l’échelle de la molécule ou cellule unique, de renforcer les études concernant la micro et nanomanipulation en interface avec le Vivant. La biologie systémique doit être abordée de manière pluridisciplinaire, grâce aux approches et méthodes de modélisation des systèmes, pour comprendre les principes qui gouvernent les comportements individuels et collectifs des systèmes vivants.

3. Le troisième axe concerne les systèmes intégrés (in vivo et in vitro). Le domaine des biopuces doit être renforcé pour les puces à protéines, à cellules et à tissus en séparant les aspects faibles densités (pour le diagnostic par exemple) et hautes densités (pour le criblage notamment). Les notions de portabilité, de systèmes jetables, d’autonomie énergétique doivent être abordées dès la phase de conception de la biopuce ou du laboratoire sur puce en appréhendant le système dans sa globalité tant sur les aspects matériels que logiciels (acquisition et traitement des données en particulier).

Les voies d’évolution

Composants et technologies

• Le développement de nouveaux procédés de fabrication, de nouvelles techniques et technologies de mise en forme, de structuration, de traitements de surface et d’intégration de nouveaux matériaux (polymères, biopolymères, biomatériaux, matériaux inertes comme le diamant, etc. pour les matériaux ; plasma, embossage, encapsulation, assemblage, etc. pour les techniques et technologies) permettra d’optimiser les propriétés physiques, optiques, thermiques et électriques de micro-nanosystèmes pour qu’ils répondent à un cahier des charges très ciblé (perméabilité gazeuse, absorbance en fonction des longueurs d’onde utilisées, minimisation de la dilatation thermique, tension de claquages électriques, etc.).

• Les notions de biocompatibilité et de toxicité (conditionnement, encapsulation, matériaux biodégradables, traitements de surface, fonctionnalisation, durée de vie, vieillissement…) doivent être abordées dès les toutes premières phases de conception des micro-nanosystèmes. D’une part, il faut minimiser voire supprimer toute altération au cours du temps des objets biologiques à étudier et à analyser. D’autre part, les dispositifs élaborés doivent satisfaire les critères de la directive européenne REACH sous peine d’être inexploitables industriellement in fine (interaction avec le thème Biomécanique cellulaire, tissulaire et organique et positionnement à envisager par rapport à la Commission Interdisciplinaire 43.)

• Le développement des micro- nanotechnologies pour la biologie doit être poursuivi pour conduire à l’élaboration de micro et nano-objets (agents de contraste, système de vectorisation, nanoparticules, nanofils, nanotubes, etc.) dont les dimensions nanométriques et les propriétés physiques très spécifiques permettront de détecter une molécule ou une cellule unique. La possibilité d’élaborer des surfaces micro et

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nanostructurées ou fonctionnalisées chimiquement de façon très localisée permettra de fabriquer des dispositifs de plus haute fonctionnalité.

• L’utilisation de processus chimiques et biologiques pour élaborer de nouveaux dispositifs à partir d’assemblages hétérogènes et hiérarchiques de matériaux organiques et inorganiques doit être renforcée : cette approche englobe les systèmes biomimétiques, les matériaux bio-inspirés, les nanobiotechnologies (bio-minéralisation, assemblage dirigé à l’aide de biomolécules, membranes artificielles, etc.).

• Les développements de la micro-nanofluidique sont essentiels et incontournables pour élaborer des dispositifs fluidiques permettant la circulation des fluides et des espèces de manière optimale dans des zones à fort confinement spatial (lien avec les thèmes Bioprocédés et Biomécanique cellulaire, tissulaire et organique et interactions fortes avec le GDR Micro-Nanofluidique en cours de création).

Instrumentation, Techniques de caractérisation et Modélisation

• De nouveaux outils pour la biologie fondamentale et la biophysique sont à associer aux micro-nanosystèmes pour aller plus avant dans la compréhension de phénomènes biologiques en environnement contrôlé et/ou confiné: imagerie moléculaire, microscopie à 2 photons, microscopie confocale, microscopie de champ proche en milieu liquide, etc.

• L’optimisation des interfaces micro/nano pour le développement de nouvelles approches de micro et nanomanipulation doit faire l’objet d’études approfondies. Le recours à de nouveaux types d’actionneurs ou de micro-nanosystèmes permettra d’améliorer les performances des systèmes intégrant l’homme dans la boucle de commande avec des contraintes temps réel très strictes (assistance aux gestes médicaux-chirurgicaux en particulier) (lien avec le thème Robotique et Santé et avec le GDR Robotique).

• Les domaines de la biologie systémique et de la biologie synthétique seront appréhendés par la recherche de concepts directeurs nouveaux, tels que la redondance, la robustesse, le comportement stochastique, la stratégie d’adaptation aux perturbations moléculaires, l’architecture des réseaux ou la réduction des dimensions associée à l’analyse de systèmes modèles performants et à des protocoles de validation expérimentale (lien avec le thème Bioinformatique)

• Des approches multiéchelles (spatiale et temporelle) et multiphysiques sont à renforcer pour la modélisation de micro-nanosystèmes complexes (Méthodes ab initio, Monte Carlo, dynamique moléculaire, éléments finis, etc.)

Systèmes intégrés (in vitro et in vivo)

• L’assemblage dirigé, l’intégration hétérogène et hiérarchique de micro-nanostructures organiques et inorganiques doivent être renforcés pour fabriquer de véritables micro-nanosystèmes fonctionnels bio-hybrides.

• De nouvelles approches intégrées (patch clamp, nanopores, etc.…) doivent être développées pour concevoir des micro-nanosystèmes permettant de détecter des molécules uniques.

• Le domaine des biopuces (ADN, protéines, cellules, tissus) et le domaine des laboratoires sur puce (intégrant des modules de prétraitement, de concentration, de tri et de détection) doivent être revisités pour appréhender finement les processus thermodynamiques et cinétiques pour des états hors équilibre, pour de faibles concentrations (hybridation de l’ADN par exemple), pour des systèmes à très hautes

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densités (criblage pharmacologique par exemple), pour des approches multicapteurs, etc.

• Le développement de micro-nanosystèmes implantables pour le diagnostic clinique, la stimulation, la délivrance de médicaments (système patch ou micro-nanocapsules) ou pour suppléer un déficit sensoriel (implants cochléaires ou rétiniens) ou même pour créer des interfaces cerveau-machine pour les handicapés ou paralysés doit être renforcé en considérant l’autonomie énergétique du dispositif, sa biocompatibilité, sa durée de vie. En outre, la conception d’interface électronique pour communication radio fréquence est incontournable pour rendre ces dispositifs facilement implantables. Ici, apparaissent des questionnements éthiques car il faut bien séparer les applications qui visent à réparer le corps humain de celles, très contestables, qui permettraient d’« améliorer » ses performances (positionnement à envisager par rapport à la Commission Interdisciplinaire 43)

Conclusions Les domaines des micro-nanosystèmes et des nanobiotechnologies sont par essence pluridisciplinaires associant un ensemble très large de communautés scientifiques : physique, micro-nanotechnologies, informatique, chimie, biologie, etc. Les grands objectifs concernent la conception de nouveaux dispositifs très sensibles pour la détection d’espèces chimiques ou biologiques in vivo, le diagnostic, la thérapie et la délivrance de médicaments, l’optimisation de l’interface avec le Vivant et enfin la conception de nouvelles approches pour comprendre le fonctionnement du Vivant. Dans un contexte international très concurrentiel, il apparaît très clairement que les verrous technologiques et scientifiques ne pourront être levés que si de véritables structures pluridisciplinaires sont mises en place. L’accueil d’équipes de chimistes ou de biologistes dans des laboratoires dont les activités relèvent de la physique et des micro-nanotechnologies permettrait de mettre en œuvre des projets de recherche fondamentale ou appliquée très ambitieux. Pour des projets à caractère applicatif, il faudra être très attentif à positionner très clairement la valeur ajoutée de nouveaux dispositifs par rapport à l’existant sur le marché industriel. Ceci suppose en outre une prise en compte des nouvelles directives européennes (en particulier la directive REACH) sur les notions de biocompatibilité et de toxicité dès la phase d’élaboration de nouveaux projets. Enfin, de nombreux questionnements éthiques ne doivent plus être occultés pour un certain nombre de développements mis en avant en particulier dans le cadre de la convergence NBIC (Nanotechnology, Biotechnology, Information technology and Cognitive science) et portant sur l’amélioration des performances humaines. Mots clés Mise en forme, traitements de surface et structuration Biocompatibilité, Toxicité Biomimétisme et systèmes bioinspirés Systèmes multicapteurs Micro et nanofluidique Micro et nanomanipulation Modélisation et Simulation Multiéchelle, Multiphysique Biopuces, biocapteurs, biodétection Systèmes implantables

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IMAGERIE DIAGNOSTIQUE IN VIVO

Avant propos L'imagerie biomédicale s'est constituée progressivement au cours du siècle dernier à partir de l’utilisation (souvent non-planifiée initialement) des méthodes de la physique, pour aboutir à la formation d'images du corps humain d'intérêt anatomique, physiologique ou fonctionnel. Bien que l'application principale en soit le diagnostic médical et le suivi thérapeutique, ce domaine englobe aujourd'hui l'exploration de modèles animaux (essentiellement le rongeur et à un degré moindre le primate) mimant les mécanismes biologiques ou physiopathologiques humains. Ainsi, l'imagerie in vivo du petit animal est en plein essor dans les applications pharmacologiques (essais précliniques) ou post-génomiques intégratives. Toutefois le changement d'échelle entre l'homme et l'animal représente généralement une contrainte technologique importante. Les instruments actuels privilégient les approches non-invasives et les mesures quantitatives des paramètres biologiques qui se font de manière non traumatique afin de préserver l’intégrité cellulaire et permettre des suivis au long cours (décours temporel d’une maladie ou d'un traitement chez un même individu). Les domaines d’application Les domaines d’application de l’imagerie pratiquée sur l’homme et l’animal sont très vastes: physiopathologie, biologie du développement, cancérologie, neurologie, virologie, pharmacologie préclinique et thérapeutique… L'imagerie in vivo recouvre plusieurs niveaux d'exploration de l'organisme :

• L’imagerie anatomique ou morphologique représente la structure et la forme des organes et de leurs lésions, le contraste étant basé sur les caractéristiques intrinsèques des tissus ou l’injection d’agents de contraste.

• L’imagerie fonctionnelle visualise la fonction des organes (y compris la fonction cognitive) en faisant apparaître soit leur mouvement, soit des modifications de contraste d'origine physiologique (telles que la perfusion cérébrale ou cardiaque).

• L’imagerie métabolique décrit la viabilité ou le fonctionnement des organes au moyen d'informations biochimiques spécifiques fournies par des traceurs ou par des mesures spectroscopiques.

• L’imagerie moléculaire est un domaine en émergence qui vise à mettre en évidence une situation pathologique ou l'effet d'un médicament au niveau de la molécule ou de la cellule, grâce à l'emploi de marqueurs spécifiques.

• L’imagerie interventionnelle se développe pour guider une intervention chirurgicale effectuée avec un minimum d’effraction du corps humain (chirurgie « minimalement invasive »), ou sans aucune effraction lorsque la destruction de tissus pathologiques est également effectuée par un rayonnement (ultrasons focalisés, radiofréquences…).

Les modalités Les différentes modalités de l'imagerie biomédicale se déclinent dans les domaines de la physique qui offrent des caractéristiques d'interaction onde-matière appropriés au Vivant :

• L’imagerie par rayons X repose sur l'opacité partielle des tissus au rayonnement, soit pour fournir des images de projection (radiographie), soit pour calculer des images de coupe en tomodensitométrie (TDM).

• L’imagerie ultrasonore ou échographie utilise notamment la réflexion des ondes sonores à l’interface de tissus de propriétés mécaniques différentes.

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• L’imagerie nucléaire montre la distribution de traceurs radioactifs, qu'ils soient des émetteurs de photons γ pour la tomographie d’émission monophotonique (TEMP), ou des émetteurs de photons β+ pour la tomographie d’émission de positons (TEP).

• L'imagerie par résonance magnétique (IRM) met en jeu la spectroscopie radiofréquence pour visualiser les propriétés de magnétisme nucléaire que les composants des tissus (exemple: les molécules d’eau) développent en présence d'un champ magnétique statique très puissant.

Les quatre modalités précédentes sont celles les plus couramment utilisées dans la pratique biomédicale. Cependant il convient de considérer l'émergence d'autre modalités :

• La magnétoencéphalographie (MEG) se base sur la mesure des champs magnétiques engendrés par l'activité électrique des neurones, exploitée par un grand nombre de capteurs pour localiser l'origine spatiale d'une stimulation neuronale.

• l’imagerie optique élabore de nouveaux concepts pour s'affranchir de la forte diffusion de la lumière par les tissus, qu'il s'agisse de photons transmis au travers des tissus (transillumination), rétrodiffusés (tomographie par cohérence optique) ou émis par des sources internes (imagerie de fluorescence).

Les voies d’évolution L'imagerie biomédicale connaît actuellement de très fortes évolutions qui génèrent de nouvelles questions et sollicitent des efforts de recherche interdisciplinaire, associant un large éventail de communautés et spécialités : physique instrumentale, électronique, informatique et traitement du signal, chimie des traceurs et agents de contraste, biologie, pharmacologie. Les voies d'évolution prévisibles pour la prochaine décennie sont les suivantes :

• L'essor des recherches méthodologiques et instrumentales en imagerie multimodalitaire (RMN-TEP, X-TEP, optique-RMN, MEG-RMN …) afin de combiner les forces et limiter les faiblesses des différentes modalités (lien avec les Micro-Nanosystèmes et les Nanobiotechnologies).

• L'émergence de nouveaux principes d'imagerie ou l’utilisation de nouveaux concepts instrumentaux pour contourner les verrous affectant la sensibilité, la résolution spatiale ou la résolution temporelle des explorations in vivo (exemple : les techniques d'hyperpolarisation en IRM permettent d'observer de très faibles concentrations de traceurs tels que le carbone-13).

• L'accentuation de la dimension fonctionnelle et métabolique pour les modalités semblant initialement réservées à l'imagerie anatomique et morphologique (exemple : l’IRM est devenue une méthode de choix en neurosciences par le biais de l’IRM d’activation et l’IRM de perfusion qui permet d’accéder au débit sanguin régional).

• Le développement de nano-objets biocompatibles comme agents de contraste ou de vectorisation dans le domaine de l’imagerie moléculaire. Certaines modalités d’imagerie ont vu leur rôle croître avec l’utilisation des techniques de biologie moléculaire et des nanobiotechnologies. Il est désormais possible de repérer des sondes génétiques ou des produits d’expression de gènes en couplant des molécules d’intérêt biologique (ARN, anticorps, substrat d’une protéine) avec des substances utilisées comme agents de contraste “intelligents“ capables de révéler la présence ou l’activité d’une molécule au sein d’un tissu ou d’un organe. Ce nouveau domaine connaît un essor très important autant dans le milieu académique que chez les industriels fabriquant les instruments d’imagerie (cf. rapprochement GE-Amersham, Siemens-Bayer) (cf. thèmes Bioprocédés et Nanobiotechnologies).

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• La conception de nouveaux capteurs, émetteurs et récepteurs notamment par l'emploi de technologies innovantes (microélectronique, micro/nano dispositifs électromécaniques, moyens cryogéniques, techniques de conditionnement et transmission du signal, contrôleurs temps réel de doses reçues en radiothérapie…). La miniaturisation des capteurs devient un facteur essentiel permettant leur intégration dans des réseaux d'acquisition parallèle à haute densité, ou leur emploi comme sondes d'imagerie locale (endoscopiques, endoluminales ou implantées).

• L'utilisation croissante de l’imagerie pour suivre des actes chirurgicaux minimalement invasifs ou piloter les opérations de ciblage et de vectorisation en thérapie pharmacologique localisée ou en thérapie cellulaire et génique (cf. thèmes Bioprocédés et Robotique).

• L'accroissement des moyens de production, de gestion, et de traitement des images numériques grâce au rapprochement des services producteurs d’images de ceux qui sont spécialistes de leur post-traitement. Cette évolution inclut le développement de protocoles d'imagerie quantitatifs, d'outils de fusion d'images, et de modèles appropriés aux différents types d'investigations (cf. thème Bioinformatique).

• La prise en compte accrue des facteurs de risque et des problèmes de compatibilité et de sécurité propres à l'imagerie biomédicale, qui seront confrontés au durcissement de la réglementation européenne (exemple : primauté aux techniques non-irradiantes).

Conclusions L'imagerie biomédicale est au cœur de recherches fortement pluridisciplinaires où sont associées autour d’un même projet différentes communautés : des biologistes ou des cliniciens qui définissent les objectifs, des chimistes qui synthétisent les nano-objets utilisés comme agent de contraste, des biochimistes qui les rendent biocompatibles, des physiciens qui se chargent de développer des outils et des concepts innovants pour permettre d’imager ces sondes in vivo ou de nouveaux paramètres non-invasifs susceptibles d’apporter des informations sur la physiopathologie. Compte-tenu des enjeux, de la compétition internationale, du coût des équipements et de la nécessité d’utiliser des savoir-faire existants (capital humain), l’objectif principal des actions à court et moyen termes est le renforcement d’un nombre limité d’équipes spécialisées en imagerie in vivo biologique et médicale préférentiellement localisées au sein de plateformes multidisciplinaires reconnues et validées, en apportant un soutien immédiat au développement de programmes existants ou à de nouveaux programmes. Des projets innovants (quelquefois déjà identifiés) visant à faire évoluer les méthodes, les instruments actuels ou à concevoir de nouveaux instruments devraient également être aidés. L’implication claire et encadrée de partenaires industriels est une nécessité. Dans tous les cas, la finalité biologique ou médicale devra justifier les projets proposés et les dispositions éthiques devront être rigoureusement respectées (homme, animal). Il est donc essentiel que les projets de développement soient portés par des équipes spécialisées en imagerie in vivo et réellement impliquées dans l’acquisition et la production d’images non invasives sur des organes, des animaux vivants ou des hommes. Mots Clés Interactions rayonnements – matière, Emetteurs et détecteurs Imagerie multimodalitaire Appareils d’imagerie dédiés, portables et implantés Risques et compatibilités Traitements et fusion d’images Caractérisation tissulaire Produits de contraste

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BIOPROCEDES : DE LA CELLULE AU PRODUIT Avant-propos Le Génie des Bioprocédés consiste à mettre en œuvre des catalyseurs biologiques, au sein de bioréacteurs, pour transformer une matière première chimique ou biologique en produits variés. En particulier, il a pour objectif de mieux comprendre et maîtriser les phénomènes nouveaux intervenant lors de l'extrapolation des systèmes de culture, de manière à atteindre certains objectifs liés à des contraintes ou à des critères de fonctionnement, de coût, de productivité, de concentration, de qualité, ou encore de respect d'un état physiologique recherché. En se basant sur l'identification de verrous scientifiques et technologiques réels, cette discipline développe des travaux cognitifs, en privilégiant une approche intégrative qui prend en compte : le biocatalyseur évolutif, le milieu réactionnel complexe, des technologies et des modes opératoires spécifiques, ainsi que la productivité et la qualité des produits générés. La compréhension et la maîtrise de l’activité d'une cellule plongée dans l’environnement d’un bioréacteur nécessitent de rassembler des connaissances et des savoirs très pluridisciplinaires. Plus spécifiquement, les travaux doivent associer : 1) la quantification du fonctionnement intracellulaire (analyse des flux métaboliques, thermodynamique des processus irréversibles), 2) la caractérisation des échanges entre la cellule et son environnement (masse, enthalpie, entropie, rayonnement, quantité de mouvement), 3) la maîtrise des conditions optimales et de conduite des réacteurs. Les avancées récentes, théoriques et expérimentales, dans le domaine des Sciences du Vivant et du Génie des Procédés, sont autant d'atouts indispensables pour cette approche intégrative des bioprocédés. Si cette alliance entre champs disciplinaires très différents se développe efficacement et rapidement, depuis une quinzaine d'années, chez nos collègues étrangers (Pays-Bas, Grande-Bretagne, Allemagne, Etats-Unis notamment), la France accuse un certain retard dans cette démarche ainsi qu'une relative dispersion de ses forces de recherche. Les domaines d'application Les bioprocédés recouvrent des secteurs d'application variés liés à l’environnement (traitement d'effluents, dépollution, valorisation de déchets, biodégradabilité), à l’énergie et à la chimie (biocarburants, hydrogène, solvants, biopolymères, biomatériaux), aux industries alimentaires (nutraceutiques, adjuvants, produits laitiers et céréaliers, boissons), et aux industries pharmaceutiques et cosmétiques (protéines, vaccins, produits fonctionnalisés, thérapie cellulaire, ingénierie tissulaire). Compte-tenu de la diversité de ces domaines d’application, les compétences à développer doivent être suffisamment génériques et transversales à plusieurs champs disciplinaires, pour s’adapter aux contraintes très différentes (matière première, taille des réacteurs, sécurité de fonctionnement, échelles de description des phénomènes,…). Par exemple, les volumes des bioréacteurs peuvent aller de quelques centaines de ml (ingénierie tissulaire) à des dizaines de m3 (biomolécules pharmaceutiques), et même centaines de m3 (industrie alimentaire). Ainsi, les travaux développés dans les domaines non concernés par le présent rapport peuvent contribuer néanmoins à la progression des travaux spécifiquement liés au domaine de la Santé.

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Les voies d'évolution Les trois problématiques de recherche qui devraient être privilégiées concernent : 1. Le génie métabolique (ou physiologie quantitative) Cette problématique s'intéresse à la maîtrise quantitative du métabolisme cellulaire dans des conditions statiques ou dynamiques, proches des contraintes réelles du bioréacteur, avec des développements nécessaires autour :

• de descripteurs métaboliques et d'outils de mesures rapides des composés intracellulaires

• de la thermodynamique appliquée aux systèmes biologiques • de la modélisation énergétique de la cellule • de la conception de nouveaux catalyseurs répondant aux critères fixés.

Sur ce thème, les priorités à envisager sont :

• la maîtrise de procédés enzymatiques en milieux non conventionnels (organiques, liquides ioniques, fluides supercritiques)

• l'ingénierie rationnelle ou combinatoire pour améliorer la stabilité ou la sélectivité d'enzymes

• la mise en oeuvre de réacteurs parfaitement instrumentés, couplés à la caractérisation hors-ligne des cellules et métabolites (biopuces, RMN, SM,…)

• l'étude des réponses métaboliques à une modification génétique ou de l'environnement cellulaire (stimulation volontaire, hétérogénéités locales, fluctuations de lumière,…)

• le couplage entre le fonctionnement biochimique intracellulaire et la régulation des gènes

• la modélisation métabolique et physiologique, pour passer d'une modélisation a posteriori à une modélisation prédictive.

Ces approches devront interagir avec le thème "Biomécanique cellulaire, tissulaire et organique", notamment pour l’ingénierie tissulaire qui demande une méthodologie scientifique très proche de celle développée pour les bioréacteurs. De même, l’analyse thermodynamique du fonctionnement des cellules pourrait être développée avec le thème Micro-nanosystèmes et Nanobiotechnologies. Dans ces deux cas, la notion de concentration dans les milieux réactionnels est à revisiter. 2. La cellule dans le bioréacteur Dans ce cas, il s'agit de mieux comprendre et maîtriser le couplage entre les modifications de l'environnement physico-chimique de la cellule et leur impact sur le comportement physiologique du bioacatalyseur. Ceci suppose :

• la maîtrise des interactions entre la dynamique des divers phénomènes physiques (mécaniques, radiatifs, thermiques) et la réponse dynamique des cellules

• l'étude des transferts et de leur effet sur la bioréactivité • le couplage entre les caractéristiques hydrodynamiques et la réponse cellulaire • le développement de ces outils dans le cas de cellules isolées, fixées ou en agrégats • la modélisation dynamique des cinétiques cellulaires et les simulations numériques.

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Les travaux à renforcer prioritairement comprennent notamment :

• l'adaptation, au cas des bioprocédés, d'outils expérimentaux (pilotes spécifiques et instrumentés, PIV (Particle Image Velocimetry), LDV (Laser Doppler Velocimetry), imagerie cellulaire), et théoriques (simulation CFD (Computational Fluid Dynamics)

• l'évaluation de l'hétérogénéité spatiale de l'environnement du biocatalyseur (champs hydrodynamiques, champs radiatifs, champs de concentrations, champs de température)

• l'évaluation de l'historique de l'environnement cellulaire (trajectographie) • le couplage des études précédentes aux réponses biologiques dynamiques sur des

échelles de temps compatibles à celles du procédé. Ces approches sont à développer en collaboration avec le thème Biomécanique cellulaire, tissulaire et organique, en particulier pour les interactions fluide – système vivant. 3. La conception, la maîtrise et l'optimisation de bioprocédés

Cet axe doit s'intéresser au développement de méthodes et outils adaptés aux spécificités des bioprocédés, en prenant en compte, en particulier, la non-linéarité des réactions, l'hétérogénéité des populations cellulaires, les dynamiques macroscopiques lentes, les biocatalyseurs évolutifs et adaptables, les critères multiples recherchés, et, enfin, les contraintes strictes de mise en œuvre pour répondre aux normes réglementaires. Les travaux à renforcer concernent essentiellement :

• la conception de technologies de bioréacteurs et de modes opératoires innovants (réacteurs à usage unique, bioréacteurs en parallèle, microréacteurs, bioréacteurs sous contraintes mécaniques, intensification des performances,…)

• l'obtention d'informations expérimentales pertinentes (planification expérimentale adaptée, extraction d'informations représentatives de changements d'états physiologiques)

• l'acquisition d'informations en-ligne et la modélisation (nouveaux capteurs physiques stérilisables, échantillonnage ultra-rapide, capteurs logiciels, traitement de données, réduction ciblée de modèles pour estimateurs et commande, méthodologie PAT (Process Analytical Technology : concept imposé par les organismes réglementaires)

• le développement de nouveaux outils d'optimisation et de conduite des bioprocédés (optimisation dynamique (algorithme génético-évolutionnaire), optimisation multicritère, conception intégrative d'ateliers, commande optimale adaptée).

Par exemple, des avancées sont nécessaires pour le pilotage de l'alimentation de bioréacteurs discontinus alimentés, destiné à imposer des sauts métaboliques ou à stimuler les processus de synthèse des produits d'intérêt. L'optimisation de ce mode opératoire, largement représenté dans la plupart des secteurs d'applications, reste encore à maîtriser dans le cas des procédés de cultures en masse de cellules animales. Ces développements devront se faire en étroite collaboration avec la Bioinformatique pour l’exploitation et l’analyse des données "omiques", pour l’établissement des réseaux métaboliques, ainsi que pour l'approche intégrative et la modélisation des systèmes.

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Les produits d'intérêt générés au sein du bioréacteur doivent ensuite pouvoir être séparés, purifiés, fractionnés ou formulés pour répondre aux critères de quantité, composition, stabilité, activité biologique ou pureté recherchés. Dans ce domaine, des efforts importants restent à accomplir sur :

• la maîtrise de technologies innovantes de séparation des biomolécules adaptées aux contraintes industrielles de volume, de coût, de complexité des mélanges, de rhéologie des fluides (chromatographie, extraction supercritique, procédés membranaires, …),

• la conception, la maîtrise et la production de systèmes de vectorisation des produits (micro et nanoencapsulation, contrôle du relargage, fonctionnalisation enzymatique). Ce dernier point est plus largement détaillé dans la section Micro-nanosystèmes et Nanobiotechnologies.

Conclusions L’objectif du Génie des Bioprocédés est de décrire, expliquer, modéliser, prévoir et maîtriser le comportement dynamique de la cellule vivante dans son environnement au sein d’un bioprocédé (bioréacteur-bioséparation). Il privilégie l'étude du couplage entre physiologie et processus physiques, en prenant en compte une approche multiéchelle, qu’il s’agisse d'échelles spatiale ou temporelle, qui relie les caractérisations et les modélisations intracellulaires à la conception et la commande du réacteur. Les problématiques de recherche à conforter impliquent trois domaines, correspondant aux différents niveaux du continuum scientifique, de la cellule vivante au procédé de production. La première problématique concerne la modélisation dynamique du fonctionnement de la cellule en liaison avec son environnement, la deuxième a trait à l’analyse multiphysique des bioprocédés, et la troisième s’oriente vers les nouveaux outils de conception, contrôle et optimisation des bioprocédés.

Mots Clés Génie métabolique Métabolisme et énergétique de la cellule dans son environnement au sein du bioréacteur Informations expérimentales pertinentes Modélisation dynamique multiéchelle du bioprocédé Interactions entre réponse physiologique dynamique et phénomènes physiques Bioréacteurs hautement instrumentés : technologies innovantes et contrôle-commande

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BIOINFORMATIQUE ET SANTE Avant propos La bioinformatique consiste à développer à la fois des modèles mathématiques et physiques qui représentent les lois complexes du Vivant, et des travaux en informatique, pour simuler ou estimer ces modèles, fouiller les données, et pour intégrer toutes ces sources d’informations hétérogènes au sein de bases de données et de connaissances. L’objectif est une meilleure compréhension du Vivant, avec des applications en particulier dans les champs suivants des domaines médical et pharmaceutique : l'épidémiologie et l'évolution des maladies, l'étude des organismes pathogènes, la compréhension des mécanismes impliqués dans des pathologies complexes, la recherche de cibles thérapeutiques et la conception de médicaments, l’aide au diagnostic. Nous présentons ci-dessous trois volets fondamentaux de la bioinformatique dont les développements ont et auront des retombées directes dans le domaine de la Santé. Nous développons particulièrement les deux derniers volets, pour lesquels les interactions avec les autres domaines développés dans le présent rapport sont potentiellement fortes. Les domaines d’application 1. Génomique et évolution Un enjeu majeur de la biologie moderne est l’extraction d’informations dans la masse considérable de données du séquençage (plus de 500 génomes procaryotes et 50 génomes procaryotes séquencés). L’approche comparative est nécessaire pour 1) annoter les génomes, identifier les éléments fonctionnels, et prédire (partiellement) leur fonction par homologie, 2) caractériser les mécanismes de l’adaptation des espèces, notamment pour comprendre comment les pathogènes s’adaptent aux systèmes de défenses de leur hôte, 3) reconstruire l’histoire des espèces et des populations, notamment pour déterminer l’origine et la dynamique populationnelle des souches de pathogènes, de leurs vecteurs, et de leurs réservoirs à l’échelle de la planète, 4) identifier les gènes et les mutations responsables de maladies génétiques, et caractériser leur distribution au sein de l’espèce humaine. Les outils nécessaires pour atteindre ces objectifs font appel à la théorie de l’évolution et à ses implémentations bioinformatiques : recherche d’homologie par comparaison de séquences, reconstruction de phylogénies moléculaires, analyse évolutive des séquences codantes, tests de sélection naturelle vs. neutralité, génomique des populations et cartographie génétique. Deux exemples permettront de mesurer le potentiel de cette approche, mais aussi l’ampleur de la tâche :

• Une quantité considérable de maladies génétiques (myopathies, diabète, surdité, rétinite...) sont dues à des mutations survenant sur l’ADN mitochondrial. L’analyse récente de centaines de génomes mitochondriaux humains complets a permis de comprendre pourquoi l’ADN mitochondrial présente un taux de mutation intrinsèque 100 fois supérieur à celui de l’ADN nucléaire. La forte prévalence de maladies mitochondriales dans les populations humaines est donc largement expliquée par l’apparition multiple de la même mutation à divers endroits du monde.

• Le génome de Plasmodium falciparum (l'agent de la Malaria, responsable de deux millions de morts chaque année dans le monde) a été séquencé mais son

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fonctionnement n’a pas encore été compris, principalement parce que ce génome est singulier par rapport aux autres génomes eucaryotes connus. Notre compréhension de la biologie de ce pathogène d’intérêt médical considérable passera par un meilleur échantillonnage de la biodiversité génomique des Apicomplexes (l’embranchement auquel cette espèce appartient) et le développement d’approches bioinformatiques spécifiques à ce type de génome.

2. Bioinformatique structurale Le grand enjeu de la bioinformatique structurale est de comprendre la relation entre structures macromoléculaires (ADN, ARN, protéines) et fonctionnement biologique de la cellule. Cela passe par une compréhension large des macromolécules et de leurs complexes, en prenant en compte leurs structures, leurs mouvements, et leurs interactions. La bioinformatique structurale est fortement associée aux développements de la biologie structurale expérimentale, et donc à la fois aux programmes massifs de séquençages génomiques et aux programmes de détermination de structures tridimensionnelles. Les avancées dans ce domaine pourront être aussi liées à celles effectuées dans le domaine des microsystèmes et nanobiotechnologies et dans celui de l’imagerie moléculaire. Certaines pathologies sont intimement liées au repliement des protéines (structures amyloïdes, prions, maladies neurodégénératives). De même, certaines protéines intrinsèquement non structurées acquièrent une structure (et une fonction associée) lors de l’interaction avec un partenaire, rendant pertinent le développement de méthodes visant a prédire la transition ordre/désordre. Les protéines membranaires représentent environ 25% du génome humain et une grande majorité des cibles thérapeutiques. A titre d'exemple, les récepteurs couplés aux Protéines G (RCPG), constituent la cible de 50% des médicaments connus. Moins d’une centaine de RCPG a été exploitée à ce jour et les 400 RCPG restant (hors récepteurs olfactifs) constituent autant de cibles thérapeutiques potentielles. Les protéines membranaires sont largement sous-représentées dans les bases de données structurales (moins de 70 structures sur les 50000 dans la PDB). Ces protéines doivent donc être l’objet de développements bioinformatiques spécifiques très difficiles. D’un autre côté, la mise en évidence du rôle très important des petits ARN structurés dans la régulation des gènes ouvre de nouvelles pistes pour la thérapie génique. Dans ce contexte, plusieurs secteurs importants de la bioinformatique structurale doivent continuer à être développés; d'autres, très récents ou nouveaux, doivent être renforcés ou créés.

• Un premier groupe de secteurs est lié au problème de la prédiction de structures : identification et classification de motifs structuraux, développement de méthodologies comparatives au niveau structural, phylogénie structurale, analyse structurale prédictive des séquences/structures (ADN, ARN, protéines), problème inverse du repliement, modélisation par homologie à grande échelle.

• Un deuxième groupe se situe à l'interface avec les techniques de biologie structurale expérimentale: reconstruction de gros édifices 3D en utilisant des données hétérogènes (cryoEM, RMN liquide et solide, biocristallographie, fluorescence, imagerie moléculaire, AFM).

• Un troisième groupe concerne la compréhension des mécanismes d’assemblage macromoléculaires et de leur dynamique ; ce secteur concerne notamment les réseaux d'interaction protéine-protéine, mais aussi l'autoassemblage de membranes lipidiques.

• Un quatrième secteur concerne plus directement les relations structure-fonction et les mécanismes détaillés de macromolécules d'un intérêt particulier. Il inclut la

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simulation des mouvements moléculaires (domaines, approches de ligands), les technologies d'ingénierie in silico de protéines ou de ligands d’intérêt, et la simulation en dynamique moléculaire de gros systèmes associant protéines, membranes, ou ARN (e.g., ribosome, facteurs de transcription, protéines membranaires, entourées d'un modèle réaliste de leur environnement).

3. Approches intégratives et modélisation, biologie des systèmes En plein essor, la biologie des systèmes implique une approche intégrée du fonctionnement des processus biologiques. Elle consiste en l’étude des interactions dynamiques entre les composants des systèmes biologiques, ainsi que les interactions entre ces systèmes et leur environnement, à travers différentes échelles d'organisation, depuis le niveau moléculaire jusqu'au niveau physiologique, voire au niveau des écosystèmes. La biologie des systèmes marie l'expérimentation avec la modélisation, l'analyse et la simulation pour aborder des questions biologiques fondamentales ou appliquées. Les modèles ne sont pas une fin en soi, mais aident à mieux orienter des expériences et à prédire le comportement des systèmes biologiques dans de nouvelles situations. La biologie des systèmes trouve des débouchés dans pratiquement tous les domaines biomédicaux et agronomiques, y compris dans l'ingénierie biologique et la biomécanique, ainsi que dans la biologie synthétique. Dans le domaine de la Santé particulièrement, les approches de la biologie des systèmes sont fondamentales dans les domaines des bioprocédés, des micro-nanosystèmes, de la biomécanique cellulaire, tissulaire et organique. D’un autre côté, la biologie des systèmes pourra profiter grandement, pour l’acquisition des données à l’échelle cellulaire et moléculaire, des progrès technologiques en micro-nanosystèmes et nanobiotechnologies. La réalisation des objectifs ambitieux de la biologie des systèmes demande non seulement des outils expérimentaux puissants, mais aussi des développements méthodologiques originaux à plusieurs niveaux:

• La standardisation, l'intégration et l'exploitation de grandes quantités de données biologiques, en général de nature hétérogène.

• L'analyse statistique et la classification des données d'expression (transcriptome, protéome, métabolome, ...) et des données d'interactions (interactome, régulome, ...) en prenant en compte les polymorphismes (données CGH, SNP).

• L'inférence et l'apprentissage des réseaux d'interactions (géniques, métaboliques, ...) à partir de données d'expression, de bases de données ou de connaissances, ou encore de la fouille de textes scientifiques.

• La modélisation et l'analyse dynamique de réseaux biologiques complexes, non seulement les réseaux naturels façonnés par l'évolution, mais également les réseaux synthétiques produits par l'ingénierie humaine.

Les approches intégratives qui caractérisent la biologie des systèmes trouvent des applications dans l'ensemble des domaines biologiques, de la microbiologie à la médecine, des biotechnologies aux sciences agronomiques. Dans le domaine de la Santé, la biologie des systèmes apporte des contributions à plusieurs niveaux :

• La construction de modèles constituant des outils pour augmenter notre compréhension des mécanismes impliqués dans des pathologies humaines (maladies génétiques multi-factorielles, neuro-dégénératives, cardio-vasculaires, auto-immunes, cancers, ...), ou encore d'autres mécanismes complexes liés à des problèmes de Santé publique (obésité, vieillissement, maladies infectieuses chroniques, microbes pathogènes résistantes aux antibiotiques, chocs septiques ...).

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• Une approche rationnelle dans la sélection des cibles thérapeutiques et la conception de médicaments, de manière à limiter les coûts de développement (actuellement, une très faible proportion des molécules actives réussit à passer les différents étapes de tests cliniques, en grande partie en raison d'effets systémiques mal compris). De plus en plus, la modélisation est considérée par les industriels comme un cadre permettant d'éliminer un certain nombre de cibles thérapeutiques susceptibles de présenter des effets secondaires nocifs.

• Le diagnostic et la thérapie personnalisés, par la prise en compte des polymorphismes génétiques et épigénétiques.

Les voies d’évolution et les Conclusions On peut retenir des grands axes présentés ci-dessus des domaines à soutenir : génomique comparative et fonctionnelle, bioinformatique structurale, biologie des systèmes. Ceci nécessitera des recherches sur :

• L’algorithmique et la statistique des données issues de la biologie à haut débit : séquences, structures moléculaires, données d’expression, réseaux d’interaction…

• L'intégration de ces données massives et hétérogènes, en vue de leur exploitation dans les trois domaines ci-dessus.

• La classification et l'apprentissage automatique pour l’étude et l’inférence des réseaux biologiques à partir de données d'expression, de bases de données ou de connaissances, ou encore de la fouille de textes scientifiques.

• La modélisation mathématique et l'analyse de la dynamique des réseaux biologiques complexes et des structures moléculaires.

Les recherches dans ces domaines génèreront des retombées directes sur les connaissances en épidémiologie et sur l'évolution des maladies, l'étude des organismes pathogènes (mécanismes de pathogénicité, de spécificité d'hôte, de développement des résistances, de variabilité, de réémergence…), la compréhension des mécanismes impliqués dans des pathologies complexes ou liés à des problèmes de Santé publique, l’aide au diagnostic (marqueurs moléculaires, données d'expression, puces CGH, de séquencages cibles…), la recherche de cibles thérapeutiques et la conception de médicaments. D’un autre côté, ces recherches, notamment en bioinformatique structurale et en biologie des systèmes, donneront lieu à des interactions fécondes avec plusieurs domaines de l’Ingénierie du Vivant.

Les avancées en bioinformatique pour la Santé profiteront grandement du fait qu’il devient de plus en plus facile et de moins en moins cher d’obtenir des données à haut débit. Cependant cela pose avec acuité le problème du passage à l’échelle car l’écart est encore énorme entre la taille des données à traiter et la taille des données que l’on peut traiter raisonnablement avec les modèles mathématiques adéquats. Cela ne se résoudra pas uniquement en augmentant la puissance de calcul, mais en travaillant en pluridisciplinarité pour rechercher un bon compromis entre réalisme biologique, précision et puissance d’expression des modèles mathématiques, et faisabilité des traitements informatiques. Du point de vue des recherches en mathématiques et informatique, cela nécessitera à l’évidence des développement spécifiques en modélisation mathématique (systèmes dynamiques, modèles stochastiques, géométrie, optimisation…), et en informatique (algorithmique, classification et apprentissage automatique, intégration de données et de connaissances…) Mots Clés Génomique comparative et fonctionnelle, Bioinformatique structurale Biologie des systèmes, Epidémiologie, Pathogénicité des micro-organismes Aide au diagnostic, Recherche de cibles thérapeutiques, Conception de médicaments.

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ROBOTIQUE ET SANTE

Avant-propos

Nous vivons actuellement une révolution dans la pratique des gestes médicaux et chirurgicaux avec le développement conjoint de l’imagerie et de la robotique médicale. Les systèmes de navigation ont fait leur apparition dans les salles d’opération en routine clinique pour de nombreuses indications en orthopédie, neuro-chirurgie ou encore chirurgie maxillo-faciale. Dans le domaine de la chirurgie mini-invasive, l’assistant robotique télé-manipulé est en train de remplacer la main du chirurgien pour la manipulation fine d’instruments de chirurgie dans l’abdomen du patient. Le système robotique est ainsi utilisé pour sa capacité à démultiplier les mouvements et à augmenter la dextérité du praticien par l’ajout de mobilités supplémentaires aux instruments. Dans le domaine de la radiologie interventionnelle ou encore de la radio-thérapie, le système robotique est couplé à un imageur pour le ciblage de tumeurs. Tous ces exemples correspondent à des systèmes utilisés aujourd’hui en routine et qui ont vocation à assister le praticien. Une robotique d’assistance aux personnes est également en train de se développer. Il s’agit principalement d’assistance à la rééducation, mais également du développement de prothèses ou d’orthèses actives. Il existe cependant encore de nombreuses limites au déploiement de la robotique d’assistance, principalement pour des raisons de coût, d’encombrement, de sécurité ou encore d’absence d’avantages significatifs par rapport à une approche conventionnelle.

Les domaines d’applications

Les deux domaines d’application principaux de la robotique médicale sont l’assistance au médecin et l’assistance à la personne (patient, personne âgée, personne handicapée, ...).

Dans le domaine de l’assistance au médecin, les principales applications sont :

• La navigation qui consiste à mesurer en temps réel la position 3D d’instruments ou de prothèses par rapport à des repères anatomiques sur lesquels est recalé un modèle 3D du patient acquis par imagerie pré-opératoire

• La réalité augmentée qui consiste à rendre visible des structures ou fonctionnalités internes invisibles à l’aide d’un recalage en temps réel d’images pré-opératoires de ces structures sur la vue per-opératoire externe avec ajout d’informations supplémentaires

• Le suivi de trajectoires prédéfinies par rapport au patient pour des thérapies ciblées comme la radiologie interventionnelle, la radio-thérapie, la proton-thérapie

• La télé-manipulation d’instruments à distance qui permet la démultiplication des mouvements ou encore l’augmentation de la dextérité des instruments

• La co-manipulation qui consiste à limiter les mouvements possibles du praticien en manipulant l’instrument conjointement

• L’exploration du corps à l’aide d’un micro-dispositif équipé de capteurs.

Dans le domaine de l’assistance à la personne, les principales applications sont :

• La rééducation après un traumatisme : rééducation d’un membre, de la posture, de la marche ou encore de la coordination

• La stimulation fonctionnelle de muscles ou d’organes • Les prothèses actives qui remplacent un membre et qui sont actionnées • Les orthèses qui assistent les mouvements de certaines parties du corps et qui sont

également actionnées • Les déambulateurs, fauteuils ou lits robotisés.

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On peut encore ajouter à ces applications, la simulation et la réalité virtuelle qui permettent de reproduire artificiellement un environnement et ses interactions pour le médecin ou le patient de manière réaliste et sans risque. L’objectif est pour le médecin de s’entraîner à un geste médical ou chirurgical sans aucun risque. Un autre objectif peut être de plonger un patient dans un environnement virtuel contrôlé à fin de test ou de thérapie.

Les voies d’évolution

Assistance au médecin

• L’utilisation de plusieurs modalités d’imagerie en temps réel en per-opératoire pour la navigation ou la réalité augmentée (cf. thème Imagerie Diagnostique in vivo)

• La prise en compte en temps réel des mouvements physiologiques et des déformations des organes et du patient dans les interactions avec les organes et dans les thérapies ciblées

• La télé-manipulation et la co-manipulation avec retour d’effort pour augmenter le réalisme du retour au maître de l’interaction avec les organes des instruments tenus par l’esclave. La prise en compte des temps de latence. L’utilisation de modèles d’interaction biomécanique (cf. thème Biomécanique tissulaire)

• Le développement d’une assistance robotique pour la radiologie interventionnelle au sein d’un scanner X ou d’une IRM. Développement d’actionneurs et de capteurs compatibles IRM

• La conception et le développement de systèmes robotiques miniatures pour l’exploration et la manipulation de petits instruments à l’intérieur du corps. Ces systèmes robotiques seront moins onéreux et moins invasifs que les systèmes robotiques existants

• Le développement de thérapies ciblées avec guidage externe des produits vers la cible et activation in situ

• L’injection contrôlée par ordinateur de drogues et médicaments avec mesures physiologiques (cf. thème Micro et Nanosystèmes)

• La simulation réaliste d’une intervention à l’aide d’un simulateur patient dépendant.

Assistance à la personne

• Des interactions naturelles et sécurisées entre le système robotique et le patient en rééducation

• Une stimulation fonctionnelle adaptative aux effets durables • Des prothèses actives et intelligentes qui s’adaptent aux conditions externes, de

nouveaux interfaces de commande de ces prothèses • Des orthèses avec des capacités d’adaptation • Des fauteuils, des lits ou des environnements intelligents avec de nouveaux interfaces

homme-machine • Des environnements virtuels réalistes pour les thérapies comportementales.

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Conclusions

Les développements récents et durables ont été le fruit d’une collaboration active entre chercheurs en robotique et en informatique et médecins dans le cadre de partenariats étroits le plus souvent au sein de structures mixtes. Il est primordial de soutenir les interactions entre ces deux communautés. Les axes majeurs de développement de la robotique médicale d’assistance au médecin sont la miniaturisation des dispositifs, le caractère non invasif des procédures, l’utilisation en temps-réel de différentes modalités d’imagerie ou d’acquisition de signaux per-opératoires, l’intégration de capteurs et d’actionneurs au niveau des instruments. Les axes principaux de développement de la robotique d’assistance aux personnes sont les interfaces homme-machine, les interactions entre l’environnement contrôlé et la personne. Cela nécessitera une modélisation des opérateurs et des utilisateurs, des interfaces sécurisées, des capteurs et des actionneurs biocompatibles ou embarqués. Ces approches sont à développer en collaboration avec les thèmes "Biomécanique cellulaire, tissulaire et organique, Micro-Nanosystèmes et Nanobiotechnologies, Imagerie Diagnostique in vivo et Bioinformatique.

Mots Clés

Robot médical ou chirurgical Réalité augmentée Navigation Compensation des mouvements physiologiques Télé et co-manipulation Simulation chirurgicale Assistance à la réhabilitation Prothèse active Orthèse Stimulation fonctionnelle Assistance à domicile

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ANNEXE 1 Liste des 13 GDR dans le domaine de l’Ingénierie du Vivant

• Bioinformatique moléculaire • Biomécanique des chocs • Biomécanique des fluides et des transferts : Interaction fluide-structure biologique • Conceptions de microbiocapteurs électrochimiques pour la Santé, l'environnement et la sécurité alimentaire • Ingénierie des Biosystèmes : de la cellule au procédé • Instrumentation et Modélisation pour l'Imagerie Biomédicale • GDR international Nano and Microsystems • Mécanotransduction • Micro et Nanosystèmes • Microscopie fonctionnelle du Vivant • Robotique • STIC-Santé • System On Chip - System In Package

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ANNEXE 2 Composition du Groupe d’Experts Christian BERGAUD CNRS, UPR 8001 - Laboratoire d'Analyse et d'Architecture des Systèmes (LAAS) 7 Avenue du Colonel Roche 31077 Toulouse Cedex 4 Patrick CHABRAND CNRS, UMR 6233 - Institut des Sciences du Mouvement, Université de la Méditerranée Aix Marseille II Campus de Luminy , Case 910 163 Avenue de Luminy 13288 Marseille Cedex 09 Patrick COZZONE - Président CNRS, UMR 6612 - Centre de Résonance Magnétique Biologique et Médicale (CRMBM) Université de la Méditerranée Aix Marseille II Faculté de Médecine 27, Bd Jean Moulin 13385 Marseille Cedex 05 Luc DARRASSE CNRS, UMR 8081 - Unité de Recherche en Résonance Magnétique Médicale (U2R2M) Université de Paris Sud, Bâtiment 220 91405 Orsay Cedex Alain DENISE CNRS, UMR 8623 - Laboratoire de Recherche en Informatique (LRI) Université Paris XI, Bat 490 91405 Orsay Cedex Valérie DEPLANO CNRS, UMR 6594 - Institut de Recherche sur les Phénomènes Hors Equilibre (IRPHE) Equipe de Biomécanique Cardiovasculaire Université de Provence Aix Marseille I Technopôle Château Gombert 38 rue Joliot Curie 13451 Marseille cedex 20 Jack LEGRAND CNRS, UMR 6144 - Laboratoire de Génie des Procédés, Environnement, Agroalimentaire. (GEPEA) Université de Nantes IUT – CRTT Boulevard de l'Université BP 406 44602 Saint Nazaire Cedex Annie MARC CNRS, UPR 6811- Laboratoire des Sciences du Génie Chimique (LSGC) ENSAIA – Institut National Polytechnique de Lorraine 2, avenue de la Foret de Haye F - 54505 Vandoeuvre-les-Nancy Cedex Michel de MATHELIN CNRS, UMR 7005 Laboratoire des Sciences de l'Image, de l’Informatique et de la Télédétection (LSIIT) Strasbourg Université ENSPS - Bd Sébastien Brant PB 10413 67412 Illkirch Cedex Laurent SEDEL CNRS, UMR 7052 - Biomécanique et Biomatériaux Ostéo-articulaires (LBBO) Université de Diderot Paris VII, Faculté de Médecine Lariboisière St Louis 10 Avenue de Verdun 75010 Paris