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N° 377 SÉNAT SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2006-2007 Annexe au procès-verbal de la séance du 11 juillet 2007 RAPPORT D’INFORMATION FAIT au nom de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) (1) de la commission des Affaires sociales (2) sur la protection sociale et la réforme des retraites en Suède, Par MM. Alain VASSELLE et Bernard CAZEAU, Sénateurs. (1) Cette mission est composée de : M. Alain Vasselle, président ; M. Bernard Cazeau, vice - président ; MM. Guy Fischer, Bernard Seillier, secrétaires ; MM. Nicolas About, Gérard Dériot, Claude Domeizel, Jean-Pierre Godefroy, André Lardeux, Dominique Leclerc, Jean-Marie Vanlerenberghe. (2) Cette commission est composée de : M. Nicolas About, président ; MM. Alain Gournac, Louis Souvet, Gérard Dériot, Jean-Pierre Godefroy, Mme Claire-Lise Campion, M. Bernard Seillier, vice-présidents ; MM. François Autain, Paul Blanc, Jean-Marc Juilhard, Mmes Anne-Marie Payet, Gisèle Printz, secrétaires ; Mme Jacqueline Alquier, MM. Jean-Paul Amoudry, Gilbert Barbier, Pierre Bernard-Reymond, Daniel Bernardet, Mme Brigitte Bout, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Mmes Isabelle Debré, Christiane Demontès, Sylvie Desmarescaux, Muguette Dini, M. Claude Domeizel, Mme Bernadette Dupont, MM. Michel Esneu, Jean-Claude Etienne, Guy Fischer, Jacques Gillot, Francis Giraud, Mmes Françoise Henneron, Marie-Thérèse Hermange, Gélita Hoarau, Annie Jarraud-Vergnolle, Christiane Kammermann, MM. Serge Larcher, André Lardeux, Dominique Leclerc, Mme Raymonde Le Texier, MM. Roger Madec, Jean-Pierre Michel, Alain Milon, Georges Mouly, Mmes Catherine Procaccia, Janine Rozier, Michèle San Vicente-Baudrin, Patricia Schillinger, Esther Sittler, MM. Jean- Marie Vanlerenberghe, Alain Vasselle, François Vendasi.

Rapport mission Suede pour PDF - Dialogue social · sociale (Mecss) (1) de la commission des Affaires sociales (2) sur la protection sociale et la réforme des retraites en Suède,

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N° 377

SÉNATSESSION EXTRAORDINAIRE DE 2006-2007

Annexe au procès-verbal de la séance du 11 juillet 2007

RAPPORT D’INFORMATION

FAIT

au nom de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité

sociale (Mecss) (1) de la commission des Affaires sociales (2) sur la protectionsociale et la réforme des retraites en Suède,

Par MM. Alain VASSELLE et Bernard CAZEAU,

Sénateurs.

(1) Cet te mission est composée de : M. Alain Vassel le , président ; M. Bernard Cazeau,

vice-président ; MM. Guy Fischer , Bernard Sei l l ier , secrétaires ; MM. Nicolas About , Gérard Dériot ,

Claude Domeizel , Jean-Pierre Godefroy, André Lardeux, Dominique Leclerc, Jean-Marie Vanlerenberghe.

(2) Cet te commission est composée de : M. Nicolas About , président ; MM. Alain Gournac,

Louis Souvet , Gérard Dériot , Jean-Pierre Godefroy, Mme Claire-Lise Campion, M. Bernard Sei l l ier ,

vice-présidents ; MM. François Autain, Paul Blanc, Jean-Marc Jui lhard, Mmes Anne-Marie Payet , Gisèle

Printz , secrétaires ; Mme Jacquel ine Alquier , MM. Jean-Paul Amoudry, Gilbert Barbier , Pierre

Bernard-Reymond, Daniel Bernardet , Mme Brigi t te Bout , MM. Jean-Pierre Cantegri t , Bernard Cazeau,

Mmes Isabel le Debré, Chris t iane Demontès, Sylvie Desmarescaux, Muguette Dini , M. Claude Domeizel ,

Mme Bernadet te Dupont , MM. Michel Esneu, Jean-Claude Etienne, Guy Fischer , Jacques Gil lot , Francis

Giraud, Mmes Françoise Henneron, Marie-Thérèse Hermange, Géli ta Hoarau, Annie Jarraud-Vergnolle ,

Chris t iane Kammermann, MM. Serge Larcher , André Lardeux, Dominique Leclerc, Mme Raymonde

Le Texier , MM. Roger Madec, Jean-Pierre Michel , Alain Milon, Georges Mouly, Mmes Catherine

Procaccia , Janine Rozier , Michèle San Vicente-Baudrin, Patr icia Schi l l inger , Esther Si t t ler , MM. Jean-

Marie Vanlerenberghe, Alain Vassel le , François Vendasi .

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S O M M A I R E Pages

AVANT-PROPOS ......................................................................................................................... 5

RÉFORMER LA PROTECTION SOCIALE : LES LEÇONS DU MODÈLE SUÉDOIS ....................................................................................................................................... 9

I. LE CADRE GÉNÉRAL : LES TROIS CONSENSUS SUÉDOIS............................................ 9

A. UN ETAT PROVIDENCE PRÉPONDÉRANT .......................................................................... 91. Une forte intervention publique permettant un haut niveau de redistribution.......................... 92. Une couverture sociale généreuse et universelle, gérée dans un cadre en partie

décentralisé ............................................................................................................................ 10a) Les spécificités de l’organisation de la protection sociale suédoise..................................... 10b) Les équilibres globaux et les modalités de financement...................................................... 10c) Les prestations .................................................................................................................... 12

3. Un système qui a su s’adapter à l’épreuve de la crise très dure du début des années 1990........................................................................................................................................ 13

B. L’OBSESSION DU PLEIN EMPLOI ......................................................................................... 161. L’un des taux d’activité les plus élevés du monde développé................................................... 162. Une performance à relativiser en raison de la fréquence des arrêts de travail pour

maladie et invalidité ............................................................................................................... 183. Mettre tous les Suédois au travail : les réformes de l’assurance maladie................................ 19

C. LA PROMOTION DE LA BONNE GOUVERNANCE : L’EXEMPLE DU SYSTÈME DE SOINS ................................................................................................................................. 22

1. Un système de soins dont les coûts apparaissent maîtrisés dans un contexte de fort

vieillissement de la population................................................................................................ 222. Les ingrédients du mode de gestion suédois : décentralisation et responsabilisation

des acteurs locaux .................................................................................................................. 233. Un bilan globalement positif mais qui révèle cependant des tensions fortes : vers une

recentralisation partielle ? ..................................................................................................... 27

II. LE FINANCEMENT DES RETRAITES : LA RÉUSSITE EXEMPLAIRE DE LA RÉFORME DE 1998 ................................................................................................................ 30

A. LA GENÈSE D’UN SYSTÈME DE RETRAITE ENTIÈREMENT NOUVEAU ........................ 301. Présentation générale du système de retraite suédois ............................................................. 30

a) Le panorama des retraites en Suède .................................................................................... 30b) Les objectifs et les principales étapes de la réforme ........................................................... 31c) L’architecture générale du système de retraite public ......................................................... 33

2. L’apparition d’un modèle suédois en matière de réforme des retraites ................................... 40a) Une démarche ambitieuse ................................................................................................... 40b) Un concept original, devenu in fine l’objet d’un consensus national................................... 40

3. Une réforme structurelle renforçant la cohésion de la société suédoise et préservant la compétitivité de son économie ............................................................................................ 42a) Les avantages du nouveau système ..................................................................................... 42b) L’hommage des institutions financières internationales ...................................................... 43

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B. UN BILAN D’ÉTAPE FAVORABLE, DES RÉPONSES ENCOURAGEANTES AUX INTERROGATIONS INITIALES DE VOS RAPPORTEURS ................................................... 43

1. L’évaluation de la mise en œuvre effective de la loi du 8 juin 1998......................................... 43a) La phase de transition se déroule suivant le schéma prévu .................................................. 44b) La réforme de 1998 a conforté les principes de la retraite par répartition............................ 44

2. Les réponses apportées aux questions de vos rapporteurs....................................................... 45a) Le système de retraite suédois accorde, comme en France, une large place aux

avantages non contributifs .................................................................................................. 45b) Le système des comptes notionnels n’est guère plus complexe que celui des

annuités .............................................................................................................................. 46c) Le risque théorique d’une perte de pouvoir d’achat des retraités ne semble pas

inquiéter les partenaires sociaux ......................................................................................... 46d) Mais le régime n’a pas encore été soumis à l’épreuve du coefficient d’équilibrage ............ 48e) La pénibilité des métiers ne justifie pas un départ à la retraite précoce ............................... 48f) La bonne gestion d’un système de retraite implique de pouvoir faire face aux chocs

extérieurs ............................................................................................................................ 49g) La pérennité du système suppose le respect de la stabilité des règles par le pouvoir

politique ............................................................................................................................. 50

C. DES ENSEIGNEMENTS UTILES POUR LA FRANCE, DANS LA PERSPECTIVE DU RENDEZ-VOUS DE 2008 SUR LES RETRAITES............................................................. 50

1. S’inspirer de la méthodologie de la réforme ........................................................................... 50a) L’exemple suédois semble au moins partiellement transposable en France ......................... 50b) Un préalable indispensable : promouvoir l’emploi des seniors ........................................... 52c) Un cadre de réflexion pertinent : envisager l’avenir des retraites en fonction des

capacités futures de financement du système de protection sociale ..................................... 542. Un éclairage sur les grands enjeux de la prochaine réforme française : des questions

à trancher par le pouvoir politique ......................................................................................... 54a) Faut-il envisager une réforme structurelle ou une simple réforme paramétrique ?............... 54b) La France peut-elle, comme la Suède, « donner du temps au temps » pour régler

définitivement la question des retraites ? ............................................................................ 55c) Comment appréhender la notion d’âge légal de la retraite ? ................................................ 56d) Est-il opportun de chercher à connaître les engagements à long terme des régimes

de retraite ?......................................................................................................................... 56

PRÉSENTATION DU RAPPORT À LA COMMISSION ........................................................... 59

LISTE DES ENTRETIENS ET DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA DÉLÉGATION DE LA MECSS STOCKHOLM - 1ER AU 4 AVRIL 2007................................. 67

ANNEXE 1 - EXEMPLAIRE TYPE DE L’« ENVELOPPE ORANGE » ADRESSÉE CHAQUE ANNÉE AUX COTISANTS DU RÉGIME PUBLIC DE RETRAITE SUÉDOIS ....................................................................................................................................... 69

ANNEXE 2 - « LA RÉFORME DU SYSTÈME DE RETRAITE SUÉDOIS - PREMIERS RÉSULTATS » PAR OLE SETTERGREN ............................................................ 77

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AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Après Berlin en 2006, une délégation de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) de la commission des affaires sociales, conduite par son président, Alain Vasselle, et composée de Bernard Cazeau, vice-président, Claude Domeizel, Guy Fischer et André Lardeux, s’est rendue à Stockholm, du 1er au 4 avril dernier, afin d’étudier les mutations de la protection sociale suédoise et, plus particulièrement, la réforme du système de retraite dans ce pays.

Ce déplacement a permis de compléter les enseignements tirés d’une précédente enquête effectuée en septembre 2000 par la commission des affaires sociales sur le même sujet de la réforme des pensions1. En effet, le dispositif adopté en 1998 a été aménagé en 2001, puis est finalement entré en vigueur en 2003. Un premier bilan de cette réforme originale et audacieuse pouvait donc être fait en 2007.

La délégation a eu le privilège de pouvoir s’entretenir, en français, avec Ole Settergren, directeur de la division des retraites au sein de la Caisse nationale de sécurité sociale, l’un des « pères » de la réforme, qui a ainsi pu en éclairer tous les détails et en dégager la portée.

Venant d’un système classique de retraites par répartition à prestations définies, très proche à bien des égards du régime général français, les Suédois vont basculer en quelques années vers un mécanisme à cotisations définies, préservant le principe de la répartition, tout en le mâtinant d’un peu de capitalisation. Ce faisant, ils ont fait clairement porter l’ajustement entre dépenses et recettes sur l’âge du départ à la retraite et, dans une moindre mesure, particulièrement en temps de crise, sur le taux de progression des pensions. En contrepartie, la ponction opérée sur les actifs est,

1Rapport d’information n° 265 (2000-2001) fait au nom de la commission des affaires sociales à

la suite de la mission effectuée du 5 au 13 septembre 2000 par une délégation chargée d’étudier

la réforme des systèmes de retraite en Suède et en Italie. La délégation était composée de

Jean Delaneau, Jacques Bimbenet, Louis Boyer, Claude Domeizel, Guy Fischer, Alain Gournac, Jean-Louis Lorrain, Marie-Madeleine Dieulangard et Alain Vasselle.

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en principe, définitivement stabilisée à un taux de 18,5 % des salaires (16 % pour la retraite par répartition et 2,5 % pour la part affectée à la capitalisation).

Cette stabilisation - à un niveau certes élevé - doit cependant apporter la garantie aux actifs et au secteur productif qu’ils ne subiront pas de ponction supplémentaire pour faire face à une éventuelle dérive des comptes sociaux, ce qui constitue un atout essentiel pour une économie aussi ouverte et aussi compétitive que la Suède. Ainsi le poids des ajustements financiers nécessaires cessera d’être systématiquement reporté sur les générations futures.

Surtout, les Suédois estiment avoir mis en place un système pérenne, auto-équilibré et qui ne devrait plus faire l’objet de nouvelles modifications, sauf à la marge.

Les membres de la mission ont rencontré, dans le cadre du programme très complet et pertinent préparé par l’Ambassade de France, l’ensemble des administrations compétentes dans le domaine de la protection sociale, mais également les partenaires sociaux et les représentants des différentes tendances politiques. Ils ont pu s’entretenir notamment avec Anna Hedborg, ancienne ministre social-démocrate de la sécurité sociale, qui a joué un rôle essentiel dans la définition des modalités de la réforme des retraites au milieu des années quatre-vingt-dix, en même temps qu’avec Betina Kashefi, secrétaire d’Etat, issue du parti conservateur, membre du Gouvernement désigné après les élections de septembre 2006, qui suit la mise en place du nouveau régime de pensions. Ils ont été frappés par le large consensus qui entoure la réforme, laquelle apparaît ainsi comme un modèle pour les autres nations européennes.

La France peut-elle s’engager dans la même voie, ou du moins s’inspirer de certaines des recettes mises en œuvre ? Le présent rapport, présenté par le président et le vice-président de la Mecss, issus respectivement de la majorité et de l’opposition sénatoriales, souhaite démontrer que la démarche suédoise comporte des enseignements utiles pour notre pays dans la perspective du rendez-vous de 2008 sur les retraites.

La comparaison se justifie pleinement, car la Suède et la France occupent respectivement la première et la deuxième places en Europe pour le poids des dépenses sociales dans le produit intérieur brut. Or, la Suède n’a pas à supporter une dette imposante, résultat d’une gestion parfois chaotique des finances sociales au cours des vingt dernières années. Elle est pourtant passée, au début des années quatre-vingt-dix, par l’épreuve douloureuse d’une crise économique et budgétaire si grave que son « modèle » social paraissait condamné. Quelques années plus tard, grâce à des réformes structurelles courageuses et d’envergure, le modèle subsiste, en « bonne santé », et semble fonctionner à la satisfaction de la population. Comment s’explique cette capacité de rebond ?

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Deux éléments paraissent jouer un rôle important dans cette réussite saluée par les autres pays européens :

- le primat absolu accordé à la création de richesses, et donc au travail, pour financer une protection sociale qui demeure généreuse ; la Suède présente aujourd’hui l’un des taux d’activité parmi les plus élevés du monde développé et son chômage demeure faible par rapport au nôtre, même si le pays n’a pas retrouvé la situation de plein emploi qui prévalait avant la crise ;

- la soumission, dès le début des années quatre-vingt-dix, d’un système de soins, qui reste fondamentalement inscrit dans la sphère publique, aux contraintes de la bonne gouvernance ; globalement moins dispendieux que les systèmes de soins allemand ou français, situation qui témoigne d’une bonne maîtrise de ses coûts, le système suédois apparaît pourtant largement aussi performant que celui de ces deux pays.

Ce schéma n’est certes pas exempt de tensions, loin de là. Les élections de septembre 2006 se sont jouées notamment sur la question de l’emploi, dans un pays où la proportion des arrêts de travail pour maladie ou invalidité reste très élevée. L’hôpital connaît des phénomènes de files d’attente qui ont entamé le capital de confiance du citoyen dans cette institution.

Il n’empêche. La Suède a su conserver une protection sociale dont le financement respecte les critères de soutenabilité définis par l’Union européenne ou l’OCDE. Sans doute la force de la Suède réside-t-elle dans sa réactivité et dans la capacité qu’elle a démontrée ces dernières décennies à se remettre en question et à s’adapter. S’il fallait en apporter une nouvelle preuve, celle-ci pourrait être trouvée dans le souhait exprimé par le Parlement suédois de constituer à l’automne prochain une commission multipartite,chargée de réfléchir à l’avenir de la protection sociale. Quel autre pays serait ainsi capable de ce travail d’introspection et de prospective, alors qu’aucune contrainte forte ne pèse sur lui et qu’il peut légitimement avoir le sentiment d’avoir surmonté les problèmes que ses partenaires n’ont pas encore su aborder ?

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RÉFORMER LA PROTECTION SOCIALE : LES LEÇONS DU MODÈLE SUÉDOIS

I. LE CADRE GÉNÉRAL : LES TROIS CONSENSUS SUÉDOIS

A. UN ETAT PROVIDENCE PRÉPONDÉRANT

1. Une forte intervention publique permettant un haut niveau de redistribution

Les fondements de l’Etat providence suédois ont été posés dès la fin du XIXe siècle avec la mise en place des caisses d’assurance maladie volontaire prévues par la loi de 1891. La couverture des salariés s’est poursuivie dans les premières décennies du XXe siècle avec les lois sur l’indemnisation des accidents du travail et sur la pension universelle, puis avec l’aide financière apportée par l’Etat aux caisses d’assurance maladie volontaire.

Après la Seconde Guerre mondiale et sous l’impulsion du parti social-démocrate, au pouvoir sans interruption de 1932 à 1976, l’extension de la protection sociale a été poursuivie grâce à la création des allocations familiales (1948), de l’assurance maladie universelle (1955), des régimes de pension complémentaire universelle (1960) et de l’assurance parentale (1974).

Le dispositif mis en place au cours des « Trente Glorieuses » (1945-1975) repose sur le principe selon lequel chaque individu doit bénéficier pendant toutes les phases de sa vie d’une sécurité économique lui permettant de faire face à toutes les situations de perte de salaire : chômage, grossesse, maladie, invalidité ou toute autre incapacité à occuper un poste de travail.

Cette socialisation très poussée du risque a eu une contrepartie importante en termes de coût pour la collectivité : de la fin des années 1960 au début des années quatre-vingt, les prélèvements obligatoires ont progressé d’environ 30 % à 50 % de la richesse nationale. La Suède est ainsi, depuis cette époque, le pays d’Europe et de l’OCDE dans lequel la part des prélèvements obligatoires dans le produit intérieur brut est la plus élevée1.

1 Selon Eurostat, en 2005, la Suède enregistrait le ratio prélèvements obligatoires/Pib le plus

élevé (52,1%), suivie du Danemark (51,2 %), de la Belgique (47,7 %), de la France (45,8 %), de

la Finlande (44 %) et de l’Autriche (43,6 %), pour une moyenne communautaire (Union à 25) d’un peu moins de 41 %. L’Allemagne se situait à 40,2 % et le Royaume-Uni à 38,6 %.

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Elle doit notamment ce rang à la première place qu’elle occupe également pour le poids des dépenses totales de protection sociale dans le produit intérieur brut. En 2004, selon Eurostat, ces dépenses atteignaient 32,9 % de la richesse nationale1. La France venait en seconde place, avec un taux de 31,2 %2.

2. Une couverture sociale généreuse et universelle, gérée dans un cadre en partie décentralisé

a) Les spécificités de l’organisation de la protection sociale suédoise

Le système suédois d’assurance sociale recouvre un ensemble de prestations assez proche du système français, mais présente cependant deux différences majeures :

- en premier lieu, l’assurance maladie ne couvre que le régime d’indemnités journalières, géré par l’équivalent des caisses de sécurité sociale, ainsi que certaines dépenses pharmaceutiques. Les dépenses de santé, qu’il s’agisse de prévention ou de soins, sont prises en charge par les collectivités locales (municipalités et comtés, en particulier pour ce qui concerne la médecine de ville et l’hôpital) ;

Pensions de vieillesse, allocations familiales, indemnités journalières, accidents du travail, invalidité Sécurité sociale

Santé, hôpital Collectivités décentralisées (comtés)

- par ailleurs, les assurances sociales (hors dépenses de santé donc) sont gérées, depuis le 1er janvier 2005, par la Caisse nationale de sécurité sociale (Försäkringskassan) qui a le statut d’agence gouvernementale,chargée d’appliquer la législation votée par le Parlement. Cette structure unique, à laquelle ne participent pas les partenaires sociaux, contrôle vingt et une caisses régionales (une par comté), ainsi que 330 agences locales.

b) Les équilibres globaux et les modalités de financement

Les dépenses d’assurance sociale stricto sensu (hors dépenses de soins) ont atteint, en 2006, 447,2 milliards de couronnes, soit environ 48 milliards d’euros3. Près de la moitié de ces dépenses étaient dédiées aux retraites (221,5 milliards de couronnes, 23,8 milliards d’euros), environ 30 %aux allocations maladie et invalidité (137,7 milliards de couronnes, 14,8 milliards d’euros) et près de 15 % aux allocations familiales

1 Y compris les frais de fonctionnement de la protection sociale. 2 Elle était suivie du Danemark (30,7 %) et de l’Allemagne (29,5 %), pour une moyenne

communautaire (Union à 25) de 27,3 %. 3 1 euro = 9,3 couronnes suédoises (SEK) environ.

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(65,4 milliards de couronnes, 7 milliards d’euros), le reliquat concernant diverses prestations et les frais administratifs.

La plus grande partie de ces dépenses est couverte par des cotisations. Tel est le cas schématiquement pour les pensions de retraite, les pensions de réversion, les indemnités journalières de maladie, l’assurance accidents du travail et l’assurance parentale, qui est l’une des principales prestations de la branche famille.

L’essentiel de l’effort de financement de l’assurance sociale couvert par les cotisations est imputé aux employeurs qui acquittent une somme égale à 32,42 % de la masse salariale en 2007, dont 10,21 % pour les retraites et environ 9 % pour l’assurance maladie (indemnités journalières).

Cependant, des cotisations à la charge des assurés ont été introduites récemment afin de financer une partie du système des pensions de vieillesse. Elles représentent 7 % du salaire.

Le financement par l’impôt est résiduel et concerne principalement les autres allocations familiales (hors assurance parentale) et les prestations pour handicapés.

Sauf en matière d’assurance vieillesse, les cotisations ne sont pas versées nominativement, mais sont prélevées en bloc sur la masse salariale et transférées au budget de l’Etat. Les dépenses de prestation effectuées en regard sont en principe strictement équilibrées. Il n’existe pas, en Suède, de déficit de la protection sociale.

Les dépenses de soins se sont élevées, en 2005, à un peu plus de 230 milliards de couronnes (25 milliards d’euros), dont 85 % correspondent à des dépenses publiques.

Sur ce total de dépenses prises en charge collectivement, 85 % environ (soit 71 % de l’ensemble des dépenses de santé) ont été couverts par les budgets des comtés dont c’est la compétence principale1. La plus grande partie des recettes utilisées provient de l’impôt proportionnel sur le revenuque ces collectivités sont autorisées à lever2. Le reste des dépenses publiques trouve pour l’essentiel sa contrepartie dans un apport de l’Etat central, constitué principalement de taxes affectées.

1 La santé représente environ 90 % des dépenses des comtés et emploie 85 % de leurs salariés. 2 L’impôt sur le revenu, qui permet notamment de financer des services médicaux et des

prestations de sécurité sociale, se compose de deux parties :

- l’impôt sur le revenu local est prélevé par les comtés et les municipalités et son taux varie entre 29 % et 35 % (la moyenne nationale est de 31,5 % pour 2007) ;

- par ailleurs, les personnes dont le revenu annuel dépasse l’équivalent de 33 000 euros sont

soumises à un impôt sur le revenu national à hauteur de 20% sur la partie du salaire annuel dépassant 33 000 euros et de 25 % sur la partie dépassant 49 600 euros. Les contribuables

percevant un revenu déclaré entre 33 000 et 49 600 euros sont donc imposés à un taux marginal

d’en moyenne 51,6 % et ceux dont le revenu est supérieur à 49 600 euros à un taux marginal d’en moyenne 56,5 %.

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Dans la fraction des dépenses de santé couvertes par des ressources privées (environ 15 % du total), la part des patients apparaît minime : elle ne constitue, en effet, que 3 % du total des recettes du système de soins.

L’addition d’un système de sécurité sociale essentiellement (mais pas intégralement) financé par des cotisations sociales et d’un système de soins, lui, presque exclusivement alimenté par l’impôt, ou par des dotations d’Etat elles-mêmes couvertes par l’impôt, conduit à un schéma de financement relativement atypique de la protection sociale suédoise : les recettes de cotisations y ont à peu près le même poids que les contributions publiques, avec cependant un léger avantage pour les premières.

La Suède est ainsi à mi-chemin, d’une part, de la moyenne communautaire et de la situation qui prévaut en France, avec des cotisations qui continuent de représenter, chez nous, plus de 60 % des recettes de la protection sociale et, d’autre part, des autres pays scandinaves, en particulier le Danemark, où la part des impôts dans ce financement est devenue très nettement dominante (à hauteur d’environ les deux tiers dans ce pays).

Source : Eurostat

c) Les prestations

Les règles relatives à l’accès aux prestations sociales sont définies par la loi du 4 novembre 1999 sur les assurances sociales, entrée en vigueur le 1er janvier 2001.

La loi crée deux catégories de prestations : celles dont l’octroi est lié à une condition de résidence en Suède et celles liées à une condition de travail dans ce pays. Schématiquement, relèvent de la première catégorie (octroi sous condition de domiciliation) l’équivalent du « minimum vieillesse », la couverture des frais occasionnés par les soins de santé, les

Les recettes de la protection sociale en Suède par catégorie (données 2004)

Cotisations sociales

employeurs 41,4 %

Cotisations sociales salariés

8 %

Autres 1,9 %

Contributions publiques

48,7 %

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allocations familiales ainsi que les allocations logement et les diverses aides en faveur des personnes handicapées. En revanche, les allocations visant à couvrir la perte de salaire sont liées à l’activité professionnelle : il s’agit des indemnités d’accident du travail, des retraites et des indemnités journalières.

L’assurance sociale suédoise a donc une vocation universelle et couvre tous ceux qui résident ou travaillent en Suède, sans condition de nationalité et sans condition d’affiliation (mais éventuellement sous conditions de ressources pour certaines prestations comme les allocations logement).

Par rapport à la sécurité sociale française, la protection sociale suédoise se caractérise par un effort relatif (exprimé en pourcentage de Pib ou en dépenses par habitant) sensiblement équivalent en matière de retraiteet une maîtrise très forte des dépenses de soins.

La réputation de « générosité » qu’elle a acquise à l’étranger trouve en fait son origine dans deux séries de prestations :

- les indemnités journalières et les allocations d’invalidité, dont les règles d’octroi apparaissent toutefois aujourd’hui très sérieusement remises en cause ;

- les prestations familiales qui comportent, outre les allocationsfamiliales versées dès le premier enfant, une assurance parentaleparticulièrement intéressante qui représente à elle seule environ 40 % des dépenses de la branche famille.

Conçue pour aider les parents à concilier vie familiale et vie professionnelle, mais également dans une optique d’égalité entre les hommes et les femmes, l’assurance parentale est versée pour une durée de 480 jours. Ce qui la rend extrêmement attrayante est le fait que, pendant les 390 premiers jours, l’indemnisation se monte à 80 % du salaire. Le salaire pris en compte est certes plafonné, mais sur une base relativement élevée (dix fois le montant de base, soit 403 000 couronnes par an, environ 43 500 euros).

Les 480 jours d’indemnité parentale sont répartis à égalité entre les deux parents, mais l’un des parents peut transférer ses jours à l’autre, à l’exception de 60 jours représentant les mois du père ou les mois de la mère.

A cela s’ajoute le droit pour le père à dix jours d’indemnité parentale temporaire, également indemnisés à 80 % du salaire. La quasi-totalité des bénéficiaires potentiels utilise ces « jours du père ».

3. Un système qui a su s’adapter à l’épreuve de la crise très dure du début des années 1990

Le « modèle suédois », emprunt d’un idéal solidaire fondé sur une forte redistribution des revenus, particulièrement vanté dans le reste de l’Europe dans les années soixante-dix, a connu un passage difficile dès le milieu de cette décennie. Après une période d’érosion lente, tout au long des

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années quatre-vingt, l’Etat providence suédois a été considérablement ébranlé par la récession profonde qui l’a affecté entre 1991 et 1993.

Pendant ces années, le produit intérieur brut a baissé de 4,3 % ; le chômage a littéralement explosé, dépassant 10 % alors que le pays était jusqu’alors en situation de quasi plein emploi ; enfin, le déficit budgétaire a atteint 11,3 % du Pib en 1993 (9,2 % en 1994 et encore 6,9 % en 1995).

Cette situation a créé un véritable traumatisme dû au constat de l’extrême fragilité du modèle qui faisait la fierté des suédois et a entraîné, dans les années quatre-vingt-dix, une vague sans précédent de réformes, à commencer par l’adoption d’une politique de rigueur budgétaire sans faille,constamment confirmée depuis lors. En particulier, tous les gouvernements successifs, quelles que soient les majorités, ont visé un objectif d’excédents des finances publiques de 2 % du Pib en moyenne sur le cycle économique. De fait, après 2,8 % en 2006, le solde des administrations publiques au sens de Maastricht (Etat, collectivités locales, fonds publics de retraite) devrait se situer aux alentours de 2,3 % en 2007.

Dans ce contexte redevenu vertueux, la dette brute consolidée de l’Etat est passée de 73 % en 1996 à 46,5 % en 2006 et devrait même glisser sous la barre des 40 % dès 2008. Parallèlement, le chapitre budgétaire consacré au versement des intérêts de la dette, qui représentait 17 % des dépenses de l’Etat en 1995, ne constituait plus que 4,5 % de ces dépenses en 2005.

Cette politique de rigueur a été accompagnée pendant plusieurs années d’une augmentation des prélèvements obligatoires qui ont ainsi atteint un pic de 53,4 % du Pib en 2000, mais qui devrait être ramené à 50,5 % cette année, laissant quoi qu’il en soit la Suède en tête des nations de l’OCDE pour le niveau des prélèvements obligatoires dans la richesse nationale.

Dans le domaine social, les autorités ont été contraintes d’opérer denombreuses coupes, en réduisant notamment le niveau de certaines prestations, en déconnectant le taux d’évolution des pensions de vieillesse de l’indice du coût de la vie et en rétablissant des jours de carence sans indemnisation pour l’assurance maladie et l’assurance chômage.

Pour autant, les Suédois ont constamment manifesté leur attachement au maintien de leur système de protection sociale qui ne pouvait pas être sauvé par quelques mesures d’économie ponctuelles. Ce constat a été encore très net lors des toutes récentes élections législatives de septembre 2006, où les partis politiques ont en quelque sorte agi « à front renversé » : une partie de l’électorat a manifestement sanctionné le gouvernement social-démocrate sortant qui s’est vu reproché d’avoir libéralisé l’économie et réformé en profondeur l’administration au détriment de la gratuité et de la qualité des services publics ; la coalition « bourgeoise » (de centre-droit) est arrivée au pouvoir, quant à elle, pour une grande part en endossant l’habit de défenseur du modèle social suédois qu’elle a promis de conserver en améliorant son niveau de gouvernance.

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De fait, les gouvernements successifs ont mis en place depuis le début des années 1990 des réformes visant à mieux gérer ce modèle de protection sociale afin de le rendre viable et pérenne :

- le processus de réforme des retraites a été lancé dès 1991 avec la mise en place d’une commission de réflexion ; la réforme elle-même a été adoptée en trois étapes : vote du Parlement sur les principes de la réforme en 1994, vote de la loi sur le nouveau régime de retraite en 1998 et vote de la loi sur le mécanisme d’équilibrage automatique en 2001. D’un régime de retraite à prestations définies, les suédois sont passés à un régime à cotisations définies dans lequel la principale variable d’ajustement est constituée par l’âge de départ à la retraite ;

- en matière de soins, la réforme Dagmar (1983-1985) avait profondément réformé, dès avant la grande crise de 1991, la gestion des services de santé en transformant le mode de financement des consultations d’un paiement à l’acte en un paiement par capitation (les budgets délivrés aux comtés ont été dès lors calculés en fonction de la population couverte et non plus du nombre d’actes médicaux effectués). La réforme Adel, de 1992, a constitué une nouvelle étape fondamentale dans ce processus de décentralisation : elle a, d’une façon générale, dans un souci d’économie de la dépense publique, lancé un mouvement de restructuration et de transfert des soins de l’hôpital vers les soins en ville et les soins à domicile ; plus spécifiquement, elle a décentralisé des comtés vers les municipalités la responsabilité financière des soins non médicaux aux personnes dépendantes(traitements de base, prévention, soins courants, rééducation) afin de favoriser le maintien à domicile de cette catégorie (essentiellement les personnes âgées dépendantes et les personnes handicapées) ; la réforme a également introduit la séparation entre le fournisseur et l’acheteur (« provider/purchaser split »), permettant ainsi aux comtés de négocier les contrats d’activité et de rémunération avec les établissements hospitaliers ;

- enfin, toujours à l’hôpital, le système DRG (diagnosis related

group) a été mis en place dès 1993 dans la plupart des comtés.

La Suède a donc su élaborer, depuis une vingtaine d’années, lesinstruments lui permettant de connaître les coûts de son système de protection sociale et, partant, de les maîtriser. A ce sujet, la réforme exemplaire des retraites fait l’objet de la deuxième partie du présent rapport.

La Suède a su également créer les conditions d’une reprise forte de son économie1, élément indispensable si elle veut pouvoir continuer d’assurer le financement d’un système de protection sociale généreux. La politique de rigueur budgétaire, évoquée plus haut, qui a permis de dégager de nouvelles marges de manœuvre à la faveur du désendettement, s’est accompagnée d’un effort important en direction de la formation (principalement au profit des universités et des établissements d’enseignement supérieur) et d’un

1 La croissance du Pib en 2006 a dépassé 4 % et l’excédent commercial équivalait, l’an dernier, à 5,5 % de la richesse nationale.

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redéploiement de l’économie vers les secteurs à fort contenu technologique, permettant une croissance sensible de la productivité horaire.

A l’heure des bilans, ce pays affiche deux certitudes qui font l’objet d’un vaste consensus, et s’interroge sur un troisième point :

- le haut niveau de protection sociale dont jouissent les Suédois peut et doit être préservé, même au prix de forts prélèvements obligatoires ;

- parmi les contreparties impératives pour satisfaire cette exigence, il est indispensable d’assurer le plein emploi : d’abord, parce qu’il est producteur de recettes pour la protection sociale ; ensuite, parce que le chômage et la sous-activité coûtent cher en termes de prestations sociales ; or, la Suède n’a pas retrouvé en 2007 le taux d’activité très élevé et le plein emploi1 qui prévalaient avant la crise du début des années 1990 ; il s’agit d’un sujet de préoccupation majeur, comme ont pu le constater les membres de la délégation ;

- enfin, les performances du système de soins, le plus ouvert aux règles de la bonne gouvernance, suscitent aujourd’hui un débat.

B. L’OBSESSION DU PLEIN EMPLOI

1. L’un des taux d’activité les plus élevés du monde développé

La très grande attention portée par les Suédois à la question du taux d’activité peut paraître surprenante pour l’observateur français, alors que la Suède affiche des performances particulièrement élevées, parmi les plus fortes du monde développé.

L’écart avec la France et la moyenne européenne est déjà sensible en ce qui concerne le taux d’activité des 15-64 ans. Il est considérable lorsque l’on examine la catégorie des 55-64 ans.

1 Le taux de chômage officiel se situe dans une fourchette allant de 5 % à 6 %.

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Taux d’emploi (en % de la population, quatrième trimestre 2006)

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Source : Eurostat

La Suède est dans le trio de tête pour ce qui est du taux global des 15-64 ans avec 73,2 % d’actifs (hommes et femmes confondus), derrière le Danemark (77,9 %) et les Pays-Bas (75 %) alors que la France (63 %) se situe en-dessous de la moyenne communautaire (64,9 %).

En ce qui concerne le taux d’activité des seniors (55-64 ans), la Suède est loin devant, en tête des nations développées, avec 69,4 % contre « seulement » 61,2 % pour le Danemark, au deuxième rang, et 37,1 % pour la France, la moyenne communautaire dépassant 40 %. Fait remarquable, ce taux très élevé concerne presque autant les femmes que les hommes : à la différence de ce qui est constaté dans la plupart des autre pays, il existe très peu d’écart entre le taux d’activité des femmes seniors et des hommes du même âge.

Si l’on examine le critère de l’âge de sortie du marché du travail, la Suède se situe là aussi dans le peloton de tête, avec un âge moyen de 63,7 ans en 2005, contre environ 61 ans dans l’Union européenne et 58,8 ansen France.

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2. Une performance à relativiser en raison de la fréquence des arrêts de travail pour maladie et invalidité

De l’aveu même des interlocuteurs de la mission, ces données doivent cependant être relativisées, même si elles restent tout à fait remarquables en comparaison de la situation française. D’abord, parce que le congé parental, dont profitent en pratique la quasi-totalité des parents, n’est pas suspensif du contrat de travail et que de nombreuses personnes inactives de fait continuent ainsi à apparaître dans les statistiques relatives aux actifs.

Ensuite, et surtout, parce que la Suède se situe à un rang élevé parmi les pays occidentaux pour ce qui est des arrêts maladie et de la proportion de pensionnés du régime d’invalidité.

Il n’existe pas de distinction franche entre les arrêts maladie, qui relèvent de mécanismes d’indemnités journalières, et l’invalidité, les accidents du travail ou le handicap qui sont couverts par des « allocations de compensation » : le passage de l’un à l’autre régime, qui sont tous deux gérés par la branche maladie de la Caisse nationale de sécurité sociale, est réalisé lorsque le diagnostic effectué sur le salarié conclut à la probabilité que l’arrêt de travail sera supérieur à un an.

En 2005, le taux d’arrêt maladie dans la catégorie des salariés de vingt à soixante-quatre ans atteignait près de 3 % pour les hommes et près de 4,5 % pour les femmes, contre une moyenne d’environ 2 % dans le reste de l’Europe occidentale1.

Cette surreprésentation féminine se retrouve également dans le nombre des titulaires du régime d’invalidité qui étaient environ 550 000 en 2006 (soit 10 % de la population en âge de travailler) dont 330 000 femmes et 220 000 hommes.

L’ensemble de ces données s’expliquent par le fort taux d’absentéisme (courte et longue durée) des salariés de plus de cinquante ans, tout particulièrement des femmes, ce qui limite la performance reflétée par le taux d’activité des seniors en Suède (sans pour autant ôter sa pertinence au constat selon lequel ce taux d’activité reste très sensiblement plus élevé que partout ailleurs en Europe).

Par ailleurs, la courbe des arrêts maladie suit, sur le long terme, une évolution inverse de celle du chômage. Les deux courbes se sont coupées ainsi en 1992, alors que le chômage entamait un mouvement de hausse spectaculaire et que les arrêts maladie connaissaient une assez forte décrue. La diminution du chômage à partir de 1997 s’est accompagnée de la remontée concomitante des arrêts maladie et d’une croissance forte des admissions dans le régime d’invalidité.

1 3,3 % pour les femmes et 2,7 % pour les hommes en France qui se situe ainsi entre la moyenne et le « pic » suédois.

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La courbe des absences pour maladie n’est donc pas le reflet de l’évolution de la situation sanitaire de la Suède, mais bien des caractéristiques de son marché du travail. Elle révèle un chômage déguisé et une incapacité à conserver en activité certains hommes, mais surtout des femmes au-delà de la cinquantaine.

La durée de présence dans le système de couverture de l’arrêt maladie a eu tendance à augmenter ces dernières années, la part des arrêts supérieurs à un an étant passée de 20 % en moyenne dans les années soixante-dix et quatre-vingt à plus de 40 % depuis le début de la présente décennie.

Au total, les dépenses d’assurance maladie se sont donc révélées extrêmement dynamiques, passant de moins de 80 milliards de couronnes au milieu des années 1990 (après un pic à plus de 100 milliards de couronnes en 1989) à près de 140 milliards de couronnes ces trois dernières années. Depuis 2002, l’essentiel de la progression est porté par le volet invalidité, cependant que le volet indemnités journalières a eu plutôt tendance à diminuer.

3. Mettre tous les Suédois au travail : les réformes de l’assurance maladie

Les prestations d’assurance maladie, d’inspiration fondamentalement généreuse, ont été manifestement détournées de leur objet à partir du milieu des années quatre-vingt-dix pour servir d’amortisseur social et d’alternative au chômage dans les entreprises. La Suède aurait pu s’accommoder de la croissance explosive du nombre d’absences pour maladie, et notamment des congés maladie de longue durée, qui écorne certes son image de pays leader en matière de taux d’activité, mais lui laisse malgré tout un net avantage sur la France. Les pouvoirs publics ont pourtant promu des réformes importantes visant à réprimer l’usage abusif des mécanismes de l’assurance maladie,avec un succès jusqu’à présent, il est vrai, mitigé.

Dès 1991, alors que l’assurance maladie avait atteint un premier pic, il a été décidé d’instaurer le principe d’un jour de carence dans le versement de l’indemnité de congé maladie. Par ailleurs, au début des années 2000, plusieurs leviers classiques de diminution des coûts ont été utilisés : réduction du taux de l’indemnité journalière en proportion du salaire de l’assuré et allongement de la période pendant laquelle l’employeur doit continuer de verser son salaire à l’employé absent.

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La réforme du 1er janvier 2005 est revenue à un système dans lequel l’employeur verse au salarié, du deuxième au quatorzième jour de maladie, un traitement correspondant à 80 % de son salaire, l’assurance maladie prenant le relais à partir du quinzième jour. En contrepartie de ce mécanisme plus favorable que ceux appliqués au début de la décennie, des contraintes ont été imposées avec deux objectifs :

- responsabiliser financièrement les employeurs qui avaient tendance à utiliser l’assurance maladie, moins coûteuse pour eux, plutôt que le régime chômage afin d’opérer des licenciements déguisés ;

- favoriser le retour du salarié dans l’entreprise afin d’éviter qu’il ne bascule trop facilement dans le régime de l’invalidité.

Ce second volet impose en particulier à l’employeur de mener une « enquête de rééducation » pour tout employé absent depuis au moins quatre semaines. Le but de cette enquête est de définir, conjointement avec la Caisse nationale de sécurité sociale, le cas échéant avec l’aide financière de celle-ci, les modalités de réinsertion du salarié dont le poste de travail doit être adapté afin qu’il puisse reprendre son activité.

La volonté des pouvoirs publics de réduire le nombre des bénéficiaires du dispositif d’invalidité a conduit à une réforme d’ampleur, mise en place en 2003, dont le principal objectif était de réduire l’utilisation de ce dispositif comme mécanisme de préretraite déguisé.

La réforme s’est accompagnée d’un changement de terminologie révélateur de la volonté politique d’incitation à l’emploi, puisque le terme officiel de « pension de retraite anticipée/invalidité » a été remplacé par celui de « compensation d’activité » pour les personnes âgées de dix-neuf à vingt-neuf ans et « compensation maladie » pour les personnes âgées de trente à soixante-quatre ans.

Les deux prestations se composent d’une allocation de base, fonction de l’âge et de la durée d’assurance, et d’une allocation représentant environ 64 % du revenu d’activité (moyenne des meilleures années avec un calcul différent selon l’âge).

Le montant de la prestation servie peut s’élever à 100 %, 75 %, 50 % ou 25 % de la pension complète en fonction du taux d’incapacité, la pension entière d’invalidité n’étant servie qu’aux ayants droit dont le taux d’incapacité est égal ou supérieur à cinq sixièmes.

La réforme de 2003 a conduit à recentraliser au profit de la Caisse nationale de sécurité sociale l’examen des dossiers, qui relevait auparavant des caisses locales, dans le but d’accroître la cohérence et l’homogénéité des décisions prises.

L’accent est mis sur l’activité, tout particulièrement pour les bénéficiaires de dix-neuf à vingt-neuf ans dont l’allocation n’est attribuée que pour une durée de trois ans, renouvelable après réexamen approfondi de leur

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situation. Un contrôle médical triennal a également été institué pour les compensations maladie accordées aux trente à soixante-quatre ans, même lorsque les droits ne sont pas limités dans le temps.

Par ailleurs, l’assuré qui perçoit une compensation d’activité ou de maladie a la possibilité de travailler sans perdre ses droits : il perçoit alors une indemnité d’activité ou de maladie « en latence ». Toute personne bénéficiant de l’une des deux compensations depuis au moins un an et désirant travailler peut, en effet, demander à profiter d’une période d’essai, pendant laquelle elle touche en même temps son salaire et son indemnité. Si la tentative de retour au travail est réussie, la personne peut ensuite demander la mise en latence de son indemnité, ce qui signifie qu’elle la percevra à nouveau immédiatement si son travail s’interrompt. La période d’essai et la période de latence peuvent durer en tout un maximum de vingt-quatre mois calendaires.

L’accent a ainsi été mis sur les possibilités de sortie du système,alors que celui-ci était jusqu’alors exclusivement conçu comme l’antichambre de la retraite.

Ce changement d’optique n’a pas eu tous les résultats escomptés, tout particulièrement en ce qui concerne l’invalidité, comme le révèlent les évolutions décrites plus haut.

En réalité, il semble bien que les efforts entrepris pour limiter le nombre des arrêts maladie se soient traduits par un phénomène de vases communicants du régime des indemnités journalières vers celui de l’invalidité (compensations de maladie et compensations d’activité).

Par ailleurs, le nouveau gouvernement suédois, qui a centré son action sur le chômage, et tout particulièrement le chômage des jeunes, a pris depuis le début de l’année une batterie de mesures en vue de réduire le coût de l’allocation chômage par une action classique sur le taux et la durée de couverture des personnes licenciées. L’un des effets paradoxaux, et évidemment non souhaité, de cette politique pourrait être de relancer la dynamique des indemnités journalières, dont un rapport récent soulignait combien elles apparaissaient plus attrayantes que les allocations chômage compte tenu d’un plafond de calcul nettement plus favorable1.

Dans ce contexte peu porteur, la Caisse nationale de sécurité sociale a cependant maintenu un objectif de réduction de quarante-quatre jours en 2003 à trente-sept jours fin 2008 du nombre moyen combiné de jours d’arrêt pour maladie et pour invalidité par assuré.

1 Les indemnités journalières sont plafonnées à 28 660 couronnes par mois, soit 3 000 euros

environ, alors que le nouveau plafond des indemnités de chômage n’est que de 18 500 couronnes, soit 2 000 euros environ.

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C. LA PROMOTION DE LA BONNE GOUVERNANCE : L’EXEMPLE DU SYSTÈME DE SOINS

1. Un système de soins dont les coûts apparaissent maîtrisés dans un contexte de fort vieillissement de la population

La maîtrise des dépenses de santé est une préoccupation ancienne en Suède. Plusieurs réformes structurelles de l’organisation des soins conduites dès le début des années quatre-vingt ont permis une réelle réduction puis une stabilisation des dépenses de soins au cours des années quatre-vingt-dix(autour de 8,3 % du Pib, contre 9,1 % en 1980). La légère remontée de leur poids dans le total de la richesse nationale, constatée ces dernières années (marquées par un retour à un taux de 9,1 % de la richesse nationale), révèle une dynamique moindre que dans les pays comparables de l’OCDE.

Dépenses de santé en part du Pib des pays de l’OCDE (comparaison 1990 et 2004)

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Source : OCDE- Ecosanté 2006

Ainsi la France et l’Allemagne, parties toutes deux de niveaux pourtant très proches de celui constaté en Suède (entre 8 % et 8,5 % de Pib en 1990), ont-elles atteint aujourd’hui un palier de dépenses de soins représentant près de deux points de Pib en plus par rapport à ce pays (avec des taux de près de 11 % de la richesse nationale).

Dans le détail, la différence de coût du système de santé entre la France et la Suède apparaît par exemple très sensible en ce qui concerne les dépenses de médicament par habitant. D’après les données collectées par

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l’OCDE, le rapport était pratiquement du simple au double en 2004 : près de 600 dollars (à parité de pouvoir d’achat) en France, contre moins de 350 dollars en Suède, en dépit d’une forte augmentation de ce poste de dépenses dans ce pays au cours des années quatre-vingt et quatre-vingt-dix.

Ces résultats ont été obtenus alors que la Suède a aujourd’hui la plus forte proportion de personnes âgées en Europe, avec 5,4 % d’habitants de quatre-vingts ans et plus. Deuxième fait remarquable : la contrainte imposée au secteur public, très fortement dominant dans le modèle suédois, n’a pas provoqué de basculement vers la privatisation des soins.

2. Les ingrédients du mode de gestion suédois : décentralisation et responsabilisation des acteurs locaux

Si l’Etat joue un rôle important dans la définition du cadre légal, le contrôle du niveau de qualité et d’une répartition équitable des soins ainsi que la définition des priorités et des grands objectifs de santé publique, lefinancement, l’organisation et la fourniture des soins relèvent très largement des conseils généraux des comtés ainsi que des municipalités.

Le système de santé est organisé, depuis le milieu des années soixante-dix, sur trois niveaux, dans le but de privilégier une logique de satisfaction des besoins sur une logique d’offre :

- au premier niveau se trouvent mille centres de soins primaires,placés sous l’autorité des comtés, auxquels les Suédois s’adressent pour tous leurs problèmes de santé ; ces centres comprennent l’ensemble des professions médicales et paramédicales, avec une répartition des rôles qui ne fait intervenir le médecin que pour les cas les plus graves, cependant que la majeure partie des consultations est effectuée par les infirmières et les prises de sang et visites bénignes par les aides infirmières. La plupart des centres de soins sont publics ; 20 % à 25 % sont cependant détenus par le secteur privé (50 % dans le comté de Stockholm), mais la quasi-totalité sont placés sous contrat avec les comtés et ne se distinguent pas des autres centres du point de vue du patient ;

- au deuxième niveau, soixante-cinq hôpitaux de comtés ou de districts offrent des soins dans diverses spécialités ; ils sont également responsables des secteurs psychiatriques ;

- enfin, au troisième niveau, pour les soins aigus et très spécifiques,la Suède est divisée en six régions rassemblant un ou deux hôpitaux de soins intensifs. Ces hôpitaux, au nombre de huit, sont également impliqués dans la recherche.

Dans ce système, les médecins (comme les autres professionnels de santé) sont essentiellement des salariés des comtés (à hauteur de 90 %) et non des professionnels libéraux. Les salaires et les conditions d’emploi sont donc négociés, du côté des employeurs, par les fédérations de collectivités

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locales et, du côté des professionnels de santé, par les associations qui les représentent.

Par ailleurs, cette organisation en trois niveaux a abouti à une répartition relativement atypique des médecins : 80 % travaillent en secteur hospitalier (deuxième et troisième niveaux) et sont des spécialistes(contre 55 % par exemple en France).

Enfin, du point de vue du patient, l’utilisation de ce système à trois niveaux est caractérisée par une très grande liberté : dans la plupart des comtés, celui-ci a le choix de son centre de soins primaire, de son médecin et de son hôpital. Il peut également décider d’être examiné et traité dans un centre de soins ou directement en hôpital, en ambulatoire. Le passage préalable par un généraliste pour l’accès à un spécialiste n’est la plupart du temps pas requis, sauf parfois pour les soins donnés en-dehors du secteur de prise en charge du conseil général où réside le patient.

Du milieu des années quatre-vingt à la fin des années quatre-vingt-dix, l’organisation décentralisée de la santé a été utilisée pour assurer unmeilleur contrôle de l’augmentation des dépenses en accroissant l’autonomie et la responsabilité des autorités locales dans leur champ de compétences.

La première réponse dans le sens d’une meilleure maîtrise des coûts a été financière et est passée de façon relativement classique par un relèvement de la participation des malades à travers l’instauration de tickets modérateurs. La participation aux coûts est systématique et ne fait l’objet d’aucun remboursement par un système de couverture complémentaire (qui n’existe de toute façon pas en Suède).

Les patients hospitalisés versent un forfait journalier de 80 couronnes (8,6 euros). Pour l’ensemble des autres prestations, ce sont les conseils généraux des comtés qui fixent eux-mêmes le niveau de participation de l’usager en fonction du service rendu. Dans le secteur des soins primaires, le prix acquitté par le patient pour une consultation médicale peut aller de 100 à 150 couronnes (de 11 à 16 euros environ). Chez le spécialiste, le tarif est plus élevé (260 couronnes - 28 euros - pour le comté de Stockholm). Dans la plupart des comtés, on l’a vu, il n’existe pas de mécanisme de parcours de soins coordonné, imposant le passage préalable par un généraliste et comportant en contrepartie une diminution, voire une exemption de franchise.

La coparticipation des patients au financement du système de soins est plafonnée par période de douze mois : 900 couronnes pour les consultations de professionnels de santé (environ 100 euros) et 1800 couronnes pour les médicaments prescrits sur ordonnance (environ 200 euros). Des systèmes de gratuité existent cependant pour certaines tranches d’âges (les jeunes en particulier) et certaines affections.

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Si la participation financière du patient est devenue un élément obligé de maîtrise de la dépense et de sensibilisation de la population au coût réel des soins de santé, son impact doit pourtant être relativisé : la part des dépenses publiques dans le total des dépenses de santé est certes descendue du taux de 90 % en 1990 à environ 85 % aujourd’hui, mais elle reste très sensiblement supérieure aux taux constatés en France ou en Allemagne(77 %-78 %).

La deuxième réponse apportée à la dérive des coûts, vraisemblablement la première en termes d’impact, a été l’effort, mené dans les années 1990, de réorientation d’un système centré sur l’hôpital vers un système centré sur les soins primaires et les soins à domicile1.

Le mouvement a été amorcé avec la réforme Adel, en 1992, qui a transféré des comtés vers les municipalités la responsabilité financière des soins non médicaux aux personnes dépendantes (traitements de base, prévention, soins courants, rééducation). Parallèlement, les communes devaient rembourser aux hôpitaux financés par les comtés les frais engagés par les « bed blockers », c’est-à-dire par des personnes hospitalisées qui ne nécessitent plus de soins médicaux mais ne quittent pas l’hôpital faute de trouver une place en maison de soins ou de pouvoir rentrer chez eux et bénéficier de soins à domicile.

Les restructurations effectuées en Suède sont très remarquables si l’on établit des comparaisons internationales. En effet, la part de l’hôpital a été considérablement réduite afin de concentrer l’activité hospitalière sur les soins spécialisés et les soins très aigus et de dispenser les soins quotidiens au plus près des individus, dans un cadre moins coûteux et moins pathogène. Ainsi, 45 % des lits d’hôpitaux ont été fermés au cours des années 1990 (contre 19 % en France au cours de la même période) et le système emploie aujourd’hui 20 % de personnel en moins par rapport à 19902.

Dans le même temps, cependant, les comtés et les municipalités ont favorisé le développement des soins en maison de retraite et à domicile, y compris pour des soins médicaux relativement complexes, comme l’opération de la cataracte. Ainsi, pour autant que l’on puisse l’appréhender dans le détail, si le nombre de lits hospitaliers a diminué, il n’en a pas été de même pour le nombre d’opérations effectuées, tandis que le nombre d’emplois d’infirmiers augmentait fortement.

C’est essentiellement ce redéploiement qui a permis une stabilisation des dépenses de santé un peu au-dessus de 8 % du Pib tout au long des années quatre-vingt-dix.

1 Sur ce point, lire en particulier : « Un système régionalisé en constante évolution : le cas

suédois » par Bruno Palier, Sève 2006/3, n° 12, pages 29-36. 2 Le nombre de lits est passé de 15 pour 1 000 habitants en 1985 à 5,6 en 2000.

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Enfin, troisième type de réponse pour assurer une meilleure maîtrise des coûts : les règles de gestion du système de santé ont généralement été modifiées dans le sens d’un plus grand recours aux techniques managériales en vigueur dans le secteur concurrentiel afin d’accroître la productivité du système de soins.

Les comtés ont été laissés libres de choisir les modes de relations financières qu’ils souhaitaient mettre en œuvre avec les structures hospitalières placées sous leur tutelle. Cependant, la majorité des collectivités concernées ont adopté le principe de la séparation entre acheteurs de services (le comté) et fournisseurs (les hôpitaux et professionnels de santé) (purchaser/provider split). Dans ce système, les relations entre les deux entités sont formalisées par une convention signée par chaque partie, fixant les objectifs à atteindre et les moyens financiers accordés et incluant les sanctions éventuelles en cas de non-respect des clauses contractuelles. Dans ce cadre, les hôpitaux disposent d’une complète liberté de gestion.

Le système de la dotation globale, qui était encore la règle générale pour le financement de l’hôpital dans les années quatre-vingt, a ainsi progressivement laissé place dès les années quatre-vingt-dix, dans la plupart des cas, à des mécanismes de paiement à la pathologie, en général sur la base d’un système analogue peu ou prou à la tarification à l’activité (T2A), lesystème DRG (diagnosis related group).

Dans le mécanisme de DRG retenu notamment par le comté de Stockholm, chaque groupe homogène de malades se voit attribuer un nombre prédéfini de points1 et le budget versé par le comté à l’hôpital est alors fonction du nombre d’actes pratiqués dans chaque groupe de soins et de la valeur du point. Initialement, la valeur du point, exprimée en couronne, devait être celle constatée dans l’hôpital le plus productif, sans distinction entre le secteur public et le secteur privé (lequel est, au demeurant, tout à fait marginal en Suède). L’objectif était d’attribuer à l’hôpital son budget en fonction du coût de production du point le plus bas, afin d’inciter chaque structure à aligner ses pratiques sur la plus performante d’entre elles.

Depuis 1999, toutefois, la valeur du point a été réindividualisée pour chaque hôpital, mais la fonction de comparaison de la productivité des établissements de soins permise par le système DRG a été préservée.Sur cette base, les autorités de tutelle peuvent enjoindre aux hôpitaux de réaliser des économies et ces structures sont elles-mêmes incitées à améliorer leur management.

La Suède possède un atout important dans ce travail de connaissance des coûts du système de santé : son rôle leader dans l’utilisation de bases de données médicales à des fins d’élaboration de codes de bonnes pratiques.Une cinquantaine de « fichiers nationaux de qualité » ont ainsi été établis, par

1 Par exemple, deux points pour un accouchement et trois points pour une opération de la cataracte.

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exemple dans le domaine de la chirurgie cardiaque, des opérations de prothèse de la hanche et des accidents cérébro-vasculaires.

Le seul secteur dans lequel la décentralisation n’a pas joué un rôle majeur dans le sens de la maîtrise des coûts a été celui du médicament.

La forte croissance des dépenses par habitant constatée entre 1990 et 2002 (115 %) a pu être enrayée essentiellement grâce à l’action énergique d’une agence nationale créée en 2001 (National pharmaceutical benefits board) notamment en faveur des génériques.

On a vu cependant précédemment que les dépenses de médicament en Suède restent faibles (presque moitié moindres) comparées à la France.

3. Un bilan globalement positif mais qui révèle cependant des tensions fortes : vers une recentralisation partielle ?

Le système de soins suédois semble globalement tout à fait performant. Même s’il n’est pas facile de faire le départ entre ce qui relève du système de soins ou du mode de vie dans l’état de santé globale d’une population, la Suède apparaît favorablement placée dans les classements internationaux, notamment ceux établis par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ou l’OCDE (en particulier pour ce qui concerne les durées de vie à la naissance, la mortalité infantile et la prévalence des pathologies les plus graves).

Par ailleurs, les renseignements donnés à la mission par les représentants du conseil général du comté de Stockholm révèlent que les professions médicales et paramédicales ne souffrent pas d’un problème d’attractivité lié à leur mode de rémunération. Les revenus des médecins, tant généralistes que spécialistes, apparaissent proches de ceux connus en France, avec semble-t-il cependant un moindre écart global entre les deux catégories que dans notre pays. Quant au nombre même de médecins par habitant, il se situe dans une norme tout à fait correcte (environ 330 praticiens pour 100 000 habitants, comme en France).

Le système de soins suédois connaît cependant de fortes tensionsliées au mode d’organisation mis en place ces dernières décennies : fondé sur des enveloppes budgétaires fermées, reportant la prise en charge du patient de l’hôpital vers les centres de soins primaires et, au sein de ces structures locales, des médecins vers des non-médecins (les infirmières en particulier).

Il est résulté de ce schéma deux dérives majeures :

- une forte prédominance de la médecine de spécialité en hôpital au détriment de la médecine générale en ville1, phénomène aggravé par le fait que les généralistes suédois exerçant en centres de soins primaires ont les

1 On rappelle qu’en Suède 80 % des médecins travaillent en secteur hospitalier et sont des spécialistes (contre 55 % en France).

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durées de travail hebdomadaires les plus faibles d’Europe ; la peur de devoir attendre pour obtenir une consultation en centre primaire, puis une seconde fois pour obtenir un rendez-vous éventuel avec un spécialiste à l’hôpital, conduit ainsi de nombreuses personnes à s’orienter vers les urgences en première intention, saturant les établissement de soins et les chargeant d’une mission supplémentaire qui n’est pas la leur dans l’organisation théorique du système ;

- surtout, l’apparition dès la fin des années quatre-vingt de filesd’attente pour la chirurgie non urgente.

Les prothèses de la hanche, les opérations de la cataracte et les implants cardiaques étaient des opérations pour lesquelles les durées d’attente pouvaient être supérieures à un an, entraînant une insatisfaction forte des usagers du système.

Pour y répondre, l’Etat et les comtés se sont mis d’accord sur des obligations de résultat édictées au moyen de normes de délais pour la prise en charge des patients et des soins. Plusieurs vagues de normes ont ainsi été fixées, avec des résultats mitigés. Le dernier système en date (depuis le 1er novembre 2005) est la règle du « 0-7-90-90 » : le patient doit avoir un contact, au moins téléphonique, avec le système de soins (éventuellement une infirmière) dans la journée (0) ; il doit pouvoir consulter un généraliste dans les sept jours (7) ; il doit pouvoir consulter un spécialiste dans les quatre-vingt dix jours (90) et ne pas attendre plus de quatre-vingt-dix jours (90) son traitement ou son opération après avoir été diagnostiqué.

Depuis la réforme Adel de 1992, les hôpitaux doivent publier, dans un fichier accessible notamment sur internet, le temps d’attente correspondant à chaque secteur de leur activité.

C’est dans ce contexte que les patients se sont vu accorder, au cours des années quatre-vingt-dix, une liberté de plus en plus large dans le choix de leur médecin, de leur centre de soins ou de leur hôpital, y compris hors de leur comté. Les comtés doivent ainsi prendre en charge les frais d’hospitalisation, mais aussi de transport, du patient qui doit se faire opérer dans un autre comté faute de pouvoir l’être chez lui dans le délai de quatre-vingt-dix jours évoqué plus haut.

A part un coup de pouce financier ponctuel de l’Etat lorsque des normes de durée de files d’attente sont édictées, les collectivités locales ne peuvent compter, pour le long terme, que sur des gains de productivité au sein des structures de soins si elles veulent pouvoir satisfaire les engagements pris à l’égard du patient. C’est bien en essayant d’améliorer la productivité du système - notamment à travers la technique des DRG - et non pas en offrant un système parallèle, privé et plus cher, pour ceux qui peuvent payer pour ne pas attendre, que les Suédois ont, jusqu’à présent, cherché à faire face à leurs difficultés.

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Les financements privés restent en effet exceptionnels, avec l’interdiction légale, décidée par la précédente majorité social-démocrate, d’ouvrir de nouveaux hôpitaux détenus par des investisseurs privés.

La question de la place de ce type de financements devrait cependant resurgir avec le souhait, manifesté par le nouveau Premier ministre, Fredrik Reinfeldt, d’introduire une dose de libéralisme dans le système suédois, notamment par l’appel à des opérateurs privés dans le secteur des soins.

Parmi les autres difficultés auxquelles la Suède demeure confrontée se trouve l’insuffisante articulation entre les services de santé des conseils généraux des comtés, d’un côté, et les municipalités, de l’autre, pour la prise en charge des personnes âgées. Le pays manque en particulier de structures intermédiaires entre le domicile, où cette population réside le plus souvent dans le cadre d’une politique vigoureuse de maintien sur le lieu d’habitation, et l’hôpital, où ces personnes doivent se rendre de plus en plus fréquemment au fur et à mesure qu’elles vieillissent, pour des affections de plus en plus lourdes. En clair, des interrogations se sont fait jour sur cette politique du « tout à domicile ».

A cet effet, il est prévu de généraliser la formule des « centres de soins de proximité » dont la mission serait de coordonner l’intervention des différents prestataires : l’hôpital, le centre de soins et les services sociaux. Ces services de proximité devraient à l’avenir répondre à la majeure partie des besoins courants de soins, en particulier les affections banales et répétitives, ainsi qu’aux besoins des personnes souffrant de polypathologies chroniques.

Enfin, la question du bon niveau d’organisation des soins est l’un des éléments entrant en compte dans la réflexion menée aujourd’hui en Suède sur le degré de décentralisation du pays et l’organisation de ses collectivités locales. En schématisant quelque peu le débat, le principe d’égalité du patient dans l’accès au soin impose une forme de recentralisation du système, déjà à l’œuvre comme on l’a vu plus haut dans l’édiction de normes nationales pour les délais d’attente. On peut en espérer de nouveaux gains de productivité et la disparition des écarts subsistant dans la qualité et les pratiques médicales d’un comté à l’autre.

Le débat doit aboutir dans le courant de 2007, mais il paraît assez vraisemblable que la proposition sera faite de ramener de vingt à six ou sept le nombre des comtés1.

*

1 On rappelle que la Suède est d’ores et déjà divisée en six régions sanitaires pour les soins du troisième niveau.

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II. LE FINANCEMENT DES RETRAITES : LA RÉUSSITE EXEMPLAIRE DE LA RÉFORME DE 1998

A. LA GENÈSE D’UN SYSTÈME DE RETRAITE ENTIÈREMENT NOUVEAU

1. Présentation générale du système de retraite suédois

a) Le panorama des retraites en Suède

Le système de retraite suédois comprend, comme en France, trois piliers distincts :

- le régime de retraite public, qui a fait l’objet de la réforme mise en œuvre par la loi du 8 juin 1998, complétée en 2001 par l’introduction d’un mécanisme d’équilibrage automatique des comptes. Il représente en moyenne 60 % de la retraite totale perçue par les assurés sociaux suédois et comporte deux parties distinctes et inégales. Le premier volet fondé sur le principe de la répartition, fonctionnant suivant la technique dite des « comptes notionnels », est complété de façon marginale par un second volet en capitalisation ;

- les régimes complémentaires gérés par les partenaires sociaux couvrent 90 % des salariés suédois. A l’instar de notre pays là encore, ils sont organisés sur une base socioprofessionnelle. On retrouve ainsi une distinction entre les fonctionnaires de l’Etat, les cadres, les non-cadres du secteur privé et les employés des collectivités locales. Ces régimes peuvent être à cotisations ou à prestations définies et fonctionnent de plus en plus sur la base de la capitalisation. Le second pilier représente en moyenne 15 % des prestations vieillesse perçues par les assurés sociaux suédois. Il n’a pas été concerné par la réforme de 1998 ;

- enfin, la prévoyance volontaire vient compléter l’architecture du système de protection sociale. Ces mécanismes individuels relèvent des assureurs privés et représentent en moyenne 10 % de la retraite des Suédois.

A cela s’ajoutent deux dispositifs spécifiques au sein de la sphère publique, qui se situent en marge de l’effort contributif des assurés sociaux. Il s’agit en premier lieu de la pension de réversion, qui, bien que placée en extinction progressive depuis 1990, assure encore une part non négligeable des revenus des femmes nées avant 1945. En second lieu, la pension garantie,que l’on pourrait comparer au minimum vieillesse français, et dont le financement est assuré par le budget de l’Etat, représente 10 % des prestations vieillesse perçues par les Suédois.

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Fonctionnaires 2%Employés communaux et régionaux 3%

Cadres du secteur privé 7%Non-cadres secteur privé 3%

75%

15%

10%

Panorama des retraites en Suède

Pensions contributives 60%

Assurances privées 10%

Pension garantie 10%5%Pension de veuvage

Pensionspubliques

légales

Retraitescomplémentaires

- accords collectifs

Choix individuel

Fonctionnaires 2%Employés communaux et régionaux 3%

Cadres du secteur privé 7%Non-cadres secteur privé 3%

75%

15%

10%

Panorama des retraites en Suède

Pensions contributives 60%

Assurances privées 10%

Pension garantie 10%5%Pension de veuvage

Pensionspubliques

légales

Retraitescomplémentaires

- accords collectifs

Choix individuel

Source : Caisse nationale de sécurité sociale

b) Les objectifs et les principales étapes de la réforme

Dès le milieu des années quatre-vingt, la Suède s’est engagée dans un processus concerté et approfondi de refondation de son système de retraitequi s’est déroulé sur un peu plus d’une quinzaine d’années. La réforme du régime public de retraite votée en 1998 a été l’aboutissement d’un intense travail de réflexion, élaboré par trois commissions successives, associant des experts et des membres des partis politiques représentés au Parlement.

Cette démarche ambitieuse a toutefois été affectée par les alternances politiques successives qu’a connues la Suède, ce qui explique la grande lenteur du processus. Il convient en effet de rappeler que les partis conservateur, libéral et centriste ont été au pouvoir jusqu’en 1982, puis entre 1991 et 1994. Les sociaux démocrates, qui dominent d’une façon générale la vie politique suédoise depuis les années trente, leur ont succédé entre 1982 et 1991, puis à nouveau entre 1994 et 2006. Enfin, les dernières élections législatives du 17 septembre 2006 ont été remportées par une alliance de quatre partis de droite et du centre.

Le processus d’élaboration de la réforme a comporté de nombreusesétapes dont le précédent rapport de la commission des affaires sociales fournit un récit très complet1. Mais quelles qu’aient été ces péripéties, il convient surtout de noter que le choix d’une modification radicale du système de retraite n’a jamais été remis en cause au fil du temps.

1 Références citées dans l’avant-propos.

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En 1990, les conclusions des travaux de la première commission qui avait été constituée en novembre 1984 n’avaient certes pas été retenues par les pouvoirs publics, le gouvernement social-démocrate d’alors choisissant de nommer une nouvelle commission. Mais les élections de 1991 ont rapidement donné une impulsion au changement, dans la mesure où la question des retraites constituait une priorité politique pour le nouveau gouvernement conservateur. Les principes fondamentaux de la réforme ont ainsi été adoptés par le Parlement le 8 juin 1994 et une troisième commission - officiellement, un groupe de travail - a été constituée dès le 23 juin 1994 pour en définir les modalités précises.

Après la nouvelle alternance politique intervenue à la suite du résultat des élections de septembre 1994, les grandes lignes du projet de réforme ont été malgré tout confirmées. Le nouveau ministre social-démocrate des affaires sociales a été nommé président du groupe de travail. Les modalités définitives de la réforme ont finalement été adoptées quatre ans plus tard, le 8 juin 1998, à une très large majorité (257 pour, 17 contre et 16 abstentions) des 349 membres du Parlement suédois, le Riksdag.

Un processus politique d’élaboration très long

2003 : versementsdes pensions calculées

selon le nouveau régime

1990 1991 1994 1998 2001 2003

Gouvernementsocial-démocrate

Gouvernementde centre-droit

Gouvernementsocial-démocrate

1991Une commission

de réflexionest mise en

place

1992Esquisse

d’unnouveaurégime

1994Vote du

Parlementsur les

principesde la

réforme

1998Vote dela loi dunouveau

régime deretraite

2001Vote dela loi du

mécanismed'équilibrageautomatique

Un processus politique d’élaboration très long

2003 : versementsdes pensions calculées

selon le nouveau régime

2003 : versementsdes pensions calculées

selon le nouveau régime

1990 1991 1994 1998 2001 20031990 1991 1994 1998 2001 2003

Gouvernementsocial-démocrate

Gouvernementde centre-droit

Gouvernementsocial-démocrate

1991Une commission

de réflexionest mise en

place

1991Une commission

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1992Esquisse

d’unnouveaurégime

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1994Vote du

Parlementsur les

principesde la

réforme

1994Vote du

Parlementsur les

principesde la

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1998Vote dela loi dunouveau

régime deretraite

1998Vote dela loi dunouveau

régime deretraite

2001Vote dela loi du

mécanismed'équilibrageautomatique

2001Vote dela loi du

mécanismed'équilibrageautomatique

Enfin, la loi du 8 juin 1998 a été complétée par l’introduction, en mai 2001, d’un mécanisme d’équilibrage automatique des comptes. Les pouvoirs publics suédois ont souhaité par là-même donner une garantie supplémentaire de stabilité à long terme des taux de cotisation, dans l’hypothèse d’une détérioration future de la solvabilité du régime qui pourrait

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être occasionnée, soit par un ralentissement de l’économie, soit par une évolution démographique plus défavorable que prévu.

c) L’architecture générale du système de retraite public

Jusqu’en 1998, le régime de retraite public suédois était un système par répartition, à prestations définies, fondé essentiellement sur la base du salaire moyen des quinze meilleures années et d’une activité professionnelle d’au moins trente ans pour percevoir le taux plein. Il présentait ainsi desanalogies avec le régime général de base français assuré par la Caisse nationale d’assurance vieillesse des travailleurs salariés (Cnav).

Cette architecture « traditionnelle », très courante en Europe, a été entièrement refondue avec la création de deux régimes obligatoires distincts, l’un fonctionnant toujours en répartition, qui demeure prédominant, l’autre fonctionnant en capitalisation, qui joue un simple rôle d’appoint. Désormais, 86 % du produit des cotisations (correspondant à un taux de cotisation de 16 points) financent le nouveau système de retraite par répartition refondé sur la technique des comptes notionnels, tandis que les 14 % restants (grâce à un taux de cotisation de 2,5 points) alimentent des comptes financiers individuels utilisant la technique de capitalisation des fonds de pension.

La refondation du régime par répartition sur la base des mécanismes de comptes notionnels

Le volet par répartition est construit selon un schéma totalement nouveau appelé « compte notionnel ». Comme l’Allemagne en 19921, la Suède a abandonné le mode de gestion par annuités qu’elle utilisait jusqu’alors. Mais le nouveau système va beaucoup plus loin que le mécanisme des points choisi par l’Allemagne et par ailleurs mis en œuvre en France depuis 1947 par les régimes complémentaires Agirc et Arrco. La Mecss a souhaité en faire ici une présentation simplifiée, tout en renvoyant pour plus de détail aux informations mises en ligne par les autorités suédoises2 ainsi qu’aux documents figurant en annexe du présent rapport.

- Le cadre général de la réforme de 1998

Chaque assuré social dispose d’un compte personnel appelé « compte notionnel » dans lequel sont créditées chaque année ses cotisations de retraite et celles de son employeur. Ce capital, accumulé tout au long de la vie active, est converti à l’âge de la retraite en une rente viagère. Celle-ci dépend en particulier de l’âge de départ à la retraite et de l’espérance de vie à cet âge.

1 Lire “Préserver la compétitivité du site Allemagne : les mutations de la protection sociale outre-Rhin” - rapport n° 439 (2005-2006) fait au nom de la Mecss par Alain Vasselle et Bernard

Cazeau. 2 www.sweden.gov.se (ce site gouvernemental met en ligne un document en français sur les retraites en Suède).

www.forsakringskassan.se/sprak/fra/pension (pages en français du site de la Caisse nationale de

sécurité sociale). Voir aussi les articles de Laurent Vernière dans les nos 38, 43 et 62 de la revue « Questions Retraite ».

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La Suède est ainsi passée d’un mécanisme à prestations définies, à un régime à cotisations définies fondé sur l’effort contributif des assurés sociaux. Il s’agit d’un changement majeur. En effet, dans le cadre de l’ancien système, le niveau des retraites était en quelque sorte convenu à l’avance, et la caisse de retraite devait faire face à ses engagements, indépendamment des péripéties susceptibles d’affecter ses ressources. Dans ces conditions, le taux de cotisation servait de variable naturelle d’ajustement lorsque les rentrées ne suffisaient plus pour couvrir le montant des pensions à verser. A l’inverse, dans le nouveau régime à cotisations définies, les gestionnaires publics tiennent d’abord compte du niveau des recettes attendues pour fixer celui des prestations, en se réservant le droit d’ajuster les pensions en fonction de l’état des finances.

Chaque assuré social suédois bénéficie donc désormais d’un compte individuel. Mais il s’agit d’un compte virtuel, d’où le qualificatif de « notionnel », dans la mesure où l’enregistrement des flux de cotisations ne donne pas lieu à constitution d’un capital financier, au sens propre du terme. Le régime de retraite public continue en effet à fonctionner suivant les règles de la répartition : les cotisations encaissées sont utilisées chaque mois pour financer les pensions des retraités. La réforme de 1998 emprunte donc simplement certains mécanismes financiers au mode de fonctionnement des régimes par capitalisation, sans remettre en cause le fondement solidaire du premier pilier de l’assurance vieillesse.

- Un taux de cotisation stabilisé

Le taux de cotisation s’établit à seize points dont sept acquittés par le salarié et le restant par l’employeur. Ce niveau est supposé rester stable à moyen et long terme, compte tenu du mécanisme d’équilibrage automatique conçu à cet effet.

- Une assiette de cotisation très large

L’assiette de cotisation comprend, en premier lieu, la fraction des salaires annuels comprise entre le revenu imposable minimum et le maximum pris en compte par le régime de retraite (environ 35 900 euros en 2007, soit 7,5 fois le plafond de la sécurité sociale appelé en Suède « montant de base-revenus »). Les prestations de sécurité sociale se substituant au revenu, comme les indemnités journalières, les allocations de chômage, d’invalidité et de maternité/paternité s’y ajoutent.

- Un système contributif individualisé

Aux cotisations acquittées par l’assuré social suédois pendant toute sa carrière professionnelle correspond un capital virtuel, revalorisé chaque année, qui sera converti in fine en une rente viagère, lors de la liquidation de sa pension. Le niveau de la retraite dépendra alors de trois paramètres : le montant du capital virtuel, la génération à laquelle appartient l’assuré et l’âge auquel il choisit de liquider sa pension.

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Tout au long de sa vie active, la somme des droits à la retraite accumulés par l’assuré social forme un « capital ». Ce montant, croissant au fil du temps, fait l’objet d’une revalorisation chaque année, prenant en comptetrois paramètres : le taux d’actualisation, les « gains hérités » et les frais de gestion.

Chaque année, le capital notionnel est augmenté d’un montant d’intérêts virtuels calculé sur la base d’un taux d’actualisation. En règle générale, il s’agit d’un index représentatif de la progression du salaire annuel moyen (la moyenne des trois dernières années du taux de croissance du revenu du travail réel moyen auquel on ajoute le taux d’inflation des douze derniers mois). Mais cette valeur peut être corrigée de façon défavorable, en fonction du taux de rendement implicite assurant la pérennité du régime, lorsque le mécanisme automatique d’équilibre entre en application.

A ces intérêts virtuels ainsi calculés s’ajoutent ce que les autorités suédoises appellent les « gains hérités », c’est-à-dire les prestations de retraite inutilisées par des personnes décédées prématurément. Ces droits à la retraite sont disponibles pour être partagées entre tous les assurés sociaux survivants.

En revanche, les coûts de gestion, au demeurant faibles, du régime de retraite public viennent logiquement ralentir la progression du capital notionnel des assurés sociaux.

Age de l’assuré social

25 30 35 40 45 50 55 60 65 70 75 80

« Gainshérités »

(+)

0

Illustration du nouveau mode de calcul de la retraite d’un assuré social suédois

Solde du compte virtuel de retraite(en couronnes)

Coefficient de conversion

15,7

Taux netd’intérêt

Somme des cotisationsaccumulées

pendant la vie active

=MONTANT DE LA RETRAITE

Espérance de vie à 65 ans

=18,5

Taux d’intérêt1,6%

-

Taux d’intérêt par rapport

au salaire moyen

CNAV Paris 8 décembre 2005 Ole Settergren

Coûts degestion (-)

Age de l’assuré social

25 30 35 40 45 50 55 60 65 70 75 80Age de l’assuré social

25 30 35 40 45 50 55 60 65 70 75 80

« Gainshérités »

(+)

« Gainshérités »

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0000000

Illustration du nouveau mode de calcul de la retraite d’un assuré social suédois

Solde du compte virtuel de retraite(en couronnes)

Coefficient de conversion

15,7

Coefficient de conversion

15,7

Coefficient de conversion

15,7

Taux netd’intérêtTaux netd’intérêt

Somme des cotisationsaccumulées

pendant la vie active

Somme des cotisationsaccumulées

pendant la vie active

=MONTANT DE LA RETRAITE

=MONTANT DE LA RETRAITE

Espérance de vie à 65 ans

=18,5

Taux d’intérêt1,6%

-

Espérance de vie à 65 ans

=18,5

Espérance de vie à 65 ans

=18,5

Taux d’intérêt1,6%

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1,6%Taux d’intérêt

1,6%

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Taux d’intérêt par rapport

au salaire moyen

Taux d’intérêt par rapport

au salaire moyen

CNAV Paris 8 décembre 2005 Ole Settergren

Coûts degestion (-)

Source : Caisse nationale de sécurité sociale

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- Le mode de calcul de la retraite

Les retraites sont calculées en divisant le solde du compte notionnel(c’est-à-dire le capital virtuel) par un diviseur, que l’on appelle aussi un « coefficient de conversion » qui permet d’obtenir une annuité. On obtient ainsi le montant annuel de la pension.

Il convient de noter que ce diviseur G, a pour fonction de refléter l’espérance de vie de la cohorte à laquelle appartient le nouveau retraité. Cette variable est mesurée annuellement sur la base d’une moyenne mobile sur cinq ans. Par ailleurs, selon l’âge de départ à la retraite choisi par l’assuré social, il se verra appliquer des minorations ou des majorations du montant de sa pension, calculées selon un principe de neutralité actuarielle.

Les coefficients de conversion sont déterminés, pour tous les individus d’une même classe d’âge, l’année où celle-ci atteint soixante-cinq ans et déclinés ensuite pour les autres âges de liquidation (soixante et un ans, soixante-deux ans, soixante-trois ans…). Dans l’hypothèse probable où l’espérance de vie augmenterait à l’avenir, le capital virtuel accumulé pendant la vie professionnelle produirait une pension annuelle plus faible pour les classes d’âge suivantes, si elles choisissent de liquider leur pension (c’est-à-dire de convertir leur capital) au même âge. Maintenir un niveau fixe de pension lorsque l’espérance de vie augmente, suppose donc de retarder son départ à la retraite.

A titre d’illustration, les autorités suédoises estiment que les assurés sociaux de la génération 1990 devraient reculer en moyenne de vingt-six mois l’âge de leur départ en retraite, par rapport à ceux nés en 1940. Mais, compte tenu d’une espérance de vie à soixante-cinq ans supérieure de quarante et un mois, les retraités du milieu du XXIe siècle devraient néanmoins continuer à bénéficier d’une amélioration relative de leur situation. Comparés aux retraités actuels, les enfants d’aujourd’hui devraient en effet recevoir en moyenne une retraite pendant quinze mois de plus1.

Le calcul de la valeur du coefficient de conversion prend par ailleurs en compte un rendement r imputé au capital C. Ce rendement réel r est une norme représentant le taux de croissance attendu du revenu moyen par tête,le revenu étant celui utilisé pour définir l’assiette des cotisations. Cette norme de rendement a été fixée à r = 1,6 % par an.

1 De façon schématique, le bénéfice de l’allongement de la durée de vie est partagé en Suède à

hauteur d’un tiers au bénéfice des assurés sociaux et des deux tiers restant en faveur du système

de retraite. En France, la réforme des retraites de 2003 prévoit pour l’avenir une clé de répartition inverse.

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- 37 -

- Le rythme de revalorisation des pensions liquidées dépend des performances de l’économie suédoise

Le mode de revalorisation des pensions est directement lié à la méthode de calcul du diviseur. En effet, la formule retenue pour l’index de revalorisation prend en compte la norme de 1,6 % de la façon suivante :

Index = taux d’inflation + (taux de croissance réelle du revenu par tête - 1,6 %).

Les pensions bénéficient donc de gains de pouvoir d’achat à condition que le taux de croissance réelle du revenu par tête soit supérieur à la norme de 1,6 %. La revalorisation des pensions est flexible et dépend des bonnes performances de l’économie via les gains de pouvoir d’achat du revenu par tête. D’autant plus que le mécanisme de correction automatique peut être mis en œuvre. Force est de reconnaître que jusqu’ici, les assurés sociaux suédois ont plutôt bénéficié de ce nouveau système, par rapport à l’indexation sur les prix précédemment en vigueur.

- Une grande flexibilité de l’âge de la retraite

Le nouveau régime de retraite suédois ne prévoit pas d’âge légal de départ à la retraite, mais un choix laissé à l’initiative de l’assuré social, à l’intérieur d’une fourchette comprise entre soixante et un et soixante-sept ans. Aucune liquidation de pension n’est possible avant l’âge de soixante et un ans. A partir de ce seuil plancher, en revanche, l’assuré social peut percevoir une retraite, qui sera d’un montant croissant en fonction de l’âge de liquidation, grâce au coefficient de conversion.

Il n’y a pas à proprement parler de limite supérieure pour l’âge de départ à la retraite. Les salariés peuvent continuer à travailler et donc à cotiser jusqu’à soixante-sept ans, sans que leurs employeurs ne s’y opposent. Mais, à compter de soixante-sept ans, ils perdent leur droit légal à conserver leur emploi.

- Un mécanisme de correction automatique des déséquilibres financiers

Si les ressources du régime s’avéraient insuffisantes pour honorer ses engagements à long terme, c’est-à-dire le montant des retraites à servir aux assurés sociaux, le mécanisme d’équilibrage fondé sur le ratio actif/passif s’enclencherait automatiquement. Ce dispositif tend à restaurer progressivement l’équilibre financier, en agissant sur le taux de revalorisation du capital notionnel accumulé par l’ensemble des assurés sociaux, ainsi que sur l’indice d’évolution des pensions déjà liquidées. A cet effet, le rythme d’évolution des pensions est infléchi jusqu’à ce que le ratio d’équilibre retrouve une valeur supérieure ou égale à un.

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- 38 -

Le ratiod’équilibre

du système de retraitepublicsuédois

Réserves (1) +

=

Cotisations àrecevoir

par le régime (2)

Engagementsde retraite (3)

(1) Réserves accumulées par le régime de retraite public (2) Cotisations que verseront dans le futur les cotisants de l’année t, jusqu’à leur départ en retraite (3) Somme des droits à la retraite déjà acquis par les cotisants de l’année t + montants prévisionnels des

pensions à verser aux retraités de l’année t, jusqu’au décès du dernier bénéficiaire

Le ratiod’équilibre

du système de retraitepublicsuédois

Réserves (1) +

=

Cotisations àrecevoir

par le régime (2)

Engagementsde retraite (3)

(1) Réserves accumulées par le régime de retraite public (2) Cotisations que verseront dans le futur les cotisants de l’année t, jusqu’à leur départ en retraite (3) Somme des droits à la retraite déjà acquis par les cotisants de l’année t + montants prévisionnels des

pensions à verser aux retraités de l’année t, jusqu’au décès du dernier bénéficiaire

Source : Caisse nationale de sécurité sociale

100

110

120

130

140

1 5 10 15 20

Effet du mécanisme d’équilibrage

… indexation plus lente

…indexation plus rapide(Le quotient d’équilibrage > 1,00)

Années

Illustration de la mise en œuvre du coefficient d’équilibrageen cas de besoin de financement à venir du régime de retraite public

Le quotientd’équilibrage < 1,00

Évolution du revenu moyendes retraités en l’absence de mise en œuvre

de la clause de rééquilibrage

Niveau des pensions

100

110

120

130

140

1 5 10 15 20

Effet du mécanisme d’équilibrageEffet du mécanisme d’équilibrage

… indexation plus lente… indexation plus lente

…indexation plus rapide(Le quotient d’équilibrage > 1,00)…indexation plus rapide(Le quotient d’équilibrage > 1,00)

Années

Illustration de la mise en œuvre du coefficient d’équilibrageen cas de besoin de financement à venir du régime de retraite public

Le quotientd’équilibrage < 1,00

Évolution du revenu moyendes retraités en l’absence de mise en œuvre

de la clause de rééquilibrage

Évolution du revenu moyendes retraités en l’absence de mise en œuvre

de la clause de rééquilibrage

Niveau des pensions

Source : Caisse nationale de sécurité sociale

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- 39 -

La partie capitalisation individuelle

Le second ensemble constitutif du système de retraite public est le régime par capitalisation dont la supervision est assurée par un organisme public de surveillance, la Premium Pension Authority. Ce régime est alimenté par une cotisation égale à 2,5 % du salaire1 versée par l’employeur.

La collecte des cotisations, comme le versement des pensions, demeurent assurés dans le cadre du service public. Pour le reste, les gestionnaires de fonds de pension privés se sont vu accorder la possibilité de gérer les comptes de cotisants individuels. L’assuré social peut choisir de répartir ses cotisations entre plusieurs gestionnaires de fonds différents (cinq au maximum) pour le capital accumulé. Il peut aussi changer de gestionnaire sans frais au mois de janvier, au début de chaque année civile. En l’absence de choix explicite des cotisants, l’Etat a prévu que les produits de leurs cotisations seraient automatiquement confiés à ce qu’il convient d’appeler le « 7e fonds national de retraite » géré par une agence gouvernementale indépendante.

La pension garantie

Comme en France, une pension garantie financée par le budget de l’Etat assure un niveau minimum de ressources aux assurés sociaux qui n’ont eu que de très faibles revenus professionnels, voire aucun.

Cette prestation sociale est versée à taux plein aux personnes de plus soixante-cinq ans dépourvues de pension de droit propre. Les autres assurés qui ont travaillé pendant un temps minimum, perçoivent une allocation différentielle, calculée de manière à ce que la somme de leur pension professionnelle et de son complément sous forme de pension de base soit égale au montant de la pension à taux plein. Le niveau de cette dernière est actuellement d’environ 9 500 euros par an pour une personne seule et de 8 460 euros par an pour une personne mariée. L’obtention du bénéfice d’une pension garantie à taux plein suppose d’avoir résidé quarante ans en Suède, entre l’âge de seize et soixante-quatre ans.

Compte tenu du montant de cette prestation et de ses conditions d’attribution, de nombreux retraités suédois en bénéficient (30 % de la classe d’âge 1938 par exemple).

1 Le taux de cotisation retraite globale est donc de 18,5 % : 16 % pour la fraction par répartition et 2,5 % pour la fraction en capitalisation.

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- 40 -

2. L’apparition d’un modèle suédois en matière de réforme des retraites

a) Une démarche ambitieuse

La Suède a procédé à la plus ambitieuse et à la plus originale des réformes de retraite menées en Europe depuis les années quatre-vingt. Ainsi que l’a fort justement souligné devant la mission l’un de ses concepteurs, Ole Settergren, davantage même que d’une simple réforme, il s’agit plutôt d’un changement complet du système d’assurance vieillesse. Les pouvoirs publics suédois ont ainsi décidé de faire table rase de l’ancien système par annuités en raison tout à la fois :

- de son caractère inéquitable entre les générations ;

- des inégalités qu’il suscitait entre les assurés sociaux appartenant à une même génération ;

- de ses perspectives financières inquiétantes, à plus ou moins longue échéance.

Parmi les pays industrialisés, la Suède se singularise autant par l’horizon à long terme que par la portée de sa réforme. Les concepteurs du système des comptes notionnels ont en effet souhaité régler de façon décisive, voire définitive, le problème de l’équilibre financier de l’assurance vieillesse au cours des prochaines décennies.

Cette décision des pouvoirs publics et du Parlement suédois s’inscrit dans le cadre général d’une politique globale visant à anticiper dès maintenant les conséquences du vieillissement de la population. La réduction de la dette publique et la recherche d’efficacité en matière de dépenses de santé participent du même objectif. Au total, la réforme des retraites de 1998 apparaît comme l’élément emblématique d’une stratégie cohérente visant à dégager des marges de manœuvres financières, pour faire face aux futurs besoins sociaux de la population, comme la dépendance, tout en préservant les grands équilibres financiers et par là-même, la compétitivité de l’économie.

b) Un concept original, devenu in fine l’objet d’un consensus national

Le mécanisme baptisé « comptes notionnels » est de conception purement suédoise. L’idée de départ résulte des travaux d’une poignée d’experts, en liaison avec les responsables des grands partis politiques. Malgré la lenteur du processus de réforme, ce consensus au plus haut niveau a été maintenu pendant une décennie, dans un contexte difficile. De l’aveu même de Ole Settergren1, cette situation tient du miracle, d’autant plus que le résultat final apparaît très proche des projets initiaux.

1 Revue française des affaires sociales n° 4-2003. Article reproduit en annexe 2.

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- 41 -

« Selon le projet de loi gouvernemental de 1994 sur les principes

d’un nouveau système de retraite, celui-ci aurait dû être opérationnel à partir

du 1er janvier 1996. Toutefois, à cause des difficultés que cela créait, la loi n’a

pas été votée avant 1998. Les propositions au Parlement étaient soutenues en

permanence par quelque 85 % de ses membres. Cet important pourcentage en

faveur de la réforme prouve à la fois le consensus à un haut niveau politique

et la ferme discipline de parti, traditionnelle au sein du Parlement suédois.

Mais avant que les propositions n’atteignent le Parlement, elles ont dû,

souvent, faire face à de vives résistances. Les difficultés ont été surmontées et,

depuis 2003, la réforme et son administration sont complètement

opérationnelles.

« La période la plus critique a été celle qui a suivi l’adoption des

principes du nouveau système de retraite par le Parlement en juin 1994 et qui a duré jusqu’à l’ébauche, puis au vote [de la loi du 8 juin 1998]. (…) Ce

processus, qui a entraîné de nouvelles négociations au sein du gouvernement

et entre les partis politiques qui avaient soutenu les principes du nouveau

système de retraite, s’est avéré plus exigeant, politiquement et techniquement,

que prévu. (…)

« Il est difficile de dire à quel point cette opposition était en mesure

de l’emporter et d’arrêter la réforme ; personne ne peut en être sûr. Notre

intuition est que cela a failli être le cas et que seules la détermination,

l’habileté de quelques-uns, la forte loyauté au sein du « groupe exécutif » de

la réforme des retraites, ainsi qu’une part de chance ont sauvé le processus. »

Tous les représentants des partis politiques, des partenaires sociaux ainsi que les parlementaires suédois rencontrés par la Mecss ont considéré que la réforme des retraites constitue une réussite. La loi du 8 juin 1998 a été adoptée par près des trois quarts des députés du Riksdag, sachant que seules deux formations politiques, l’une d’extrême gauche, l’autre populiste de droite, qui n’est plus représentée au Parlement, s’étaient opposées au texte durant son élaboration. Ce succès est d’autant plus notable que lors de leur précédente mission de septembre 2000, les sénateurs de la commission des affaires sociales avaient noté qu’il existait alors des nuances d’appréciations entre les grands acteurs institutionnels, voire un certain scepticisme de l’opinion publique à l’égard des dispositions de la nouvelle loi.

Sept ans plus tard, l’assise politique de la réforme semble largement consolidée. La question des retraites fait désormais l’objet, en Suède, d’un large consensus national et même d’une légitime fierté.

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- 42 -

3. Une réforme structurelle renforçant la cohésion de la société suédoise et préservant la compétitivité de son économie

a) Les avantages du nouveau système

Le nouveau système à cotisations définies présente quatre avantages principaux :

- il garantit un équilibre financier pérenne, sur la base de taux de cotisations élevés, mais stables à l’avenir ;

- il préserve l’équité entre les générations ;

- il assure une meilleure transparence de l’effort contributif ainsique des niveaux de prestations perçues par les assurés sociaux suédois ;

- il garantit une pension minimum aux personnes âgées les plus modestes.

Il a été conçu pour préserver un haut niveau de retraite au cours des prochaines décennies. En contrepartie, les assurés sociaux sont incités à prolonger leur activité professionnelle pour conserver un même taux de remplacement que les générations bénéficiant de l’ancien système.

Taux de remplacement (pension moyenne/revenu moyen des actifs)

0

10

20

30

40

50

60

70

Nouveau système par répartition

Ancien systèmepar répartition

Impact du volet parcapitalisation

Effet de la prolongation de la durée d’activité

Classes d’âge successives

Évolution du niveau prévisionnel des pensions des assurés sociaux à l’âge de 65 ans pour les générations nées entre 1938 et 1990

Taux de remplacement (pension moyenne/revenu moyen des actifs)

0

10

20

30

40

50

60

70

Nouveau système par répartitionNouveau système par répartitionNouveau système par répartition

Ancien systèmepar répartitionAncien systèmepar répartition

Impact du volet parcapitalisationImpact du volet parcapitalisationImpact du volet parcapitalisation

Effet de la prolongation de la durée d’activitéEffet de la prolongation de la durée d’activitéEffet de la prolongation de la durée d’activité

Classes d’âge successives

Évolution du niveau prévisionnel des pensions des assurés sociaux à l’âge de 65 ans pour les générations nées entre 1938 et 1990

Source : Caisse nationale de sécurité sociale

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- 43 -

b) L’hommage des institutions financières internationales

La réforme menée en Suède a soulevé un vif intérêt auprès des institutions financières internationales. C’est notamment le cas de la Banque mondiale qui a considéré, dans un rapport1 publié en 2006, qu’elle « pourrait

être un modèle à retenir pour les pays confrontés au besoin impérieux de

réforme ».

Ce jugement porté sur le modèle des comptes notionnels apparaît d’autant plus positif que la Banque mondiale a été associée aux réformes des retraites menées dans plus de quatre-vingts pays, apportant même son appui financier à plus de soixante d’entre eux. Il convient d’ailleurs de noter que cette institution a directement demandé2 en 1994/1995 aux autorités suédoises d’assister les jeunes structures administratives lettones pour mettre en place un nouveau système de retraite inspiré du même mécanisme des comptes notionnels.

A de nombreux égards, la réforme suédoise présente donc une valeur exemplaire au niveau international. Elle répond en outre particulièrement bien aux préoccupations récemment exprimées par les instances communautaires au sujet de l’impact prévisible du vieillissement de la population pour les finances publiques et sociales des pays européens. De fait, la soutenabilité à long terme des finances publiques des pays membres de l’Union européenne fait désormais l’objet, chaque année, d’une évaluation par la Commission européenne. Les nouvelles modalités du Pacte de stabilité prévoient des objectifs de moyen terme pour les déficits publics intégrant une approche des engagements implicites, notamment ceux liés au vieillissement.

B. UN BILAN D’ÉTAPE FAVORABLE, DES RÉPONSES ENCOURAGEANTES AUX INTERROGATIONS INITIALES DE VOS RAPPORTEURS

1. L’évaluation de la mise en œuvre effective de la loi du 8 juin 1998

Dans la perspective de la préparation de la clause de rendez-vous de 2008 sur les retraites en France, la Mecss a souhaité procéder à une analyse approfondie des modalités de fonctionnement du nouveau système suédois en intégrant les jugements favorables portés sur la méthode des comptes notionnels mais aussi les critiques ou les réserves qu’elle a pu susciter.

1 « Pension reform : issues and prospects for Non-financial Defined Contribution (NDC) Schemes » - Robert Holzmann et Edward Palmer - Banque mondiale - février 2006 -

(http://www.worldbank.org). 2 Bureau international du travail - 2006 - « Réforme des retraites dans les pays baltes : attentes et expériences de départ » - Elaine Fultz.

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- 44 -

a) La phase de transition se déroule suivant le schéma prévu

La mise en œuvre de la réforme des retraites repose sur une phase de transition de quinze années, étalée sur les générations nées entre 1938 et 1953. Les assurés sociaux nés jusqu’en 1937 relèvent entièrement de l’ancien système, ceux nés à partir de 1954 du nouveau. Pour les classes d’âge intermédiaires, la montée en charge est progressive.

Le nouveau dispositif est entré en vigueur à partir de 1999 et les premiers paiements ont été réalisés en 2003. L’expérience montre que, jusqu’ici, le processus se déroule bien. Il n’y a eu ni « coup dur » ni mauvaise surprise.

Certes le volet par capitalisation, qui ne représente que 11,6 % de la retraite publique (contributions budgétaires de l’Etat comprises), a été affecté par la baisse des marchés financiers intervenue entre le milieu de l’année 2000 et le début de l’année 2003 mais cette tendance ne s’est pas poursuivie, grâce à l’amélioration de la conjoncture économique.

Aucune modification du régime de retraite public n’est aujourd’hui à l’ordre du jour. Le gouvernement issu des élections de septembre 2006 entend simplement favoriser davantage l’accroissement du taux d’emploi des actifs, sans pour autant intervenir directement sur les mécanismes de l’assurance vieillesse. Quelques aménagements mineurs restent possibles, notamment pour améliorer la participation et l’information des assurés sociaux dans le cadre du processus de sélection des fonds de pension du volet par capitalisation. En effet, la majeure partie des assurés sociaux ne choisissent pas réellement les gestionnaires des comptes financiers individuels et s’en remettent au « 7e fonds national de retraite », faute d’une culture boursière suffisante pour arbitrer entre les différents types de placement.

b) La réforme de 1998 a conforté les principes de la retraite par

répartition

Le nouveau système de retraite suédois semble échapper, à première vue, à la distinction traditionnelle entre les principes de la répartition et ceux de la capitalisation. Il demeure cependant essentiellement fondé sur la répartition, même s’il recourt à des modalités techniques proches à certains égards de la capitalisation.

Dans le régime à comptes notionnels suédois en effet, comme d’ailleurs dans les systèmes par points, le niveau de la pension résulte très étroitement de l’effort contributif réalisé tout au long de la vie professionnelle.Les fonds ne sont pas réellement déposés sur les comptes notionnels et les engagements correspondants ne sont pas provisionnés. Ces régimes continuent donc bien de fonctionner en répartition, dans la mesure où les cotisations effectivement versées servent à financer les pensions des retraités de l’année en cours.

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- 45 -

Par ailleurs, en veillant à garantir sur le long terme le financement des engagements des futurs retraités, la loi du 8 juin 1998 renforce la confiance des actuels cotisants. Le pacte entre les générations, figurant au cœur même de la retraite par répartition, s’en trouve évidemment consolidé.

2. Les réponses apportées aux questions de vos rapporteurs

a) Le système de retraite suédois accorde, comme en France, une

large place aux avantages non contributifs

Les droits non contributifs, notamment pour les périodes d’éducation des enfants, de service national ou d’invalidité, occupent en Suède une place non négligeable dans l’architecture générale du système de retraite. Le montant de ces avantages est calculé à partir d’un revenu reconstitué représentant le niveau de vie du bénéficiaire. Les droits non contributifs,correspondant en moyenne à 15 % des prestations versées, sont dorénavant financés par le budget de l’Etat.

Structure des recettes du régime de retraite public suédois

Régime public par répartition Régime public par

capitalisation

Moyenne des deux régimes

100 %

Cotisations des employeurs

Divers

46,9 %

11,4 %

Cotisations des salariés 36,8 %

0 % Budget de l’Etat 14,9 %

88,4 % 11,6 %

Source : Caisse nationale de sécurité sociale

Une clarification a donc été opérée permettant d’affirmer le caractère fortement contributif du nouveau régime de retraite, tout en conservant sa part « solidarité ». Cette amélioration par rapport à l’ancien mécanisme va d’ailleurs au-delà de ce qui existe en France dans le cadre du fonds de solidarité vieillesse : ont été placés en dehors du régime de base stricto sensu

non seulement la couverture des cotisations des invalides, correspondant aux

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- 46 -

avantages familiaux et aux périodes de service militaire, mais aussi l’assurance veuvage. A ceci s’ajoute le financement de la pension garantie concernant, totalement ou partiellement, plus de 30 % des actuelles générations de retraités, qui est également pris en charge par le budget de l’Etat.

b) Le système des comptes notionnels n’est guère plus complexe que

celui des annuités

A première vue, les mécanismes de comptes notionnels apparaissent complexes, mais les principes généraux de la loi de 1998 sont simples et l’information des assurés sociaux est particulièrement développée, notamment grâce à la célèbre « enveloppe orange »1 qui fournit chaque année aux cotisants une synthèse des informations sur leur situation personnelle au regard de la retraite.

A contrario, la complexité de nombreux régimes par annuités, à commencer par le mode de calcul de la retraite de la Cnav en France, est généralement sous-estimée, d’autant que les modalités de fonctionnement de notre système de retraite par répartition sont souvent opaques, alors que ses règles devraient pouvoir être compréhensibles par tous. La Mecss a d’ailleurs consacré une large partie de son récent rapport sur la compensation démographique2 à cette question sensible.

En définitive, l’argument de la complexité du régime de retraite suédois apparaît plutôt comme un faux problème. Les critères déterminants en cette matière résident en réalité plutôt dans le degré de transparence et le niveau général de connaissance de la population sur ses droits. Or, là encore, la Suède bénéficie d’une large avance par rapport aux autres pays européens. C’est d’ailleurs en s’inspirant de ce modèle que les pouvoirs publics français ont décidé, en 2003, de constituer un groupement d’intérêt public (GIP) sur l’information des retraités qui ne sera opérationnel qu’à la fin de l’année 2007.

c) Le risque théorique d’une perte de pouvoir d’achat des retraités ne

semble pas inquiéter les partenaires sociaux

Dans le système public de retraite suédois, le niveau des pensions peut constituer une variable accessoire d’ajustement au cours des prochaines décennies, venant en complément de l’âge de fin d’activité, dans la mesure où le niveau des cotisations a été fixé une fois pour toutes. Mais cettepossibilité n’a été contestée par aucun des interlocuteurs que la Mecss a rencontrés, y compris par les partenaires sociaux. Sans doute, ces derniers considèrent-ils que la Suède dispose déjà d’un haut niveau de protection sociale et que le volet répartition de l’assurance vieillesse ne représente que la moitié de la retraite globale perçue par les assurés sociaux.

1 Voir un exemple d’enveloppe orange en annexe 1 (en anglais). 2 « La compensation vieillesse est-elle encore réformable ? » - Rapport n° 131 (2006-2007) fait par Claude Domeizel et Dominique Leclerc au nom de la Mecss.

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- 47 -

Par ailleurs, on constate que jusqu’à présent le nouveau système de retraite s’est révélé plus avantageux que l’ancien (qui reposait sur une indexation sur les prix) en termes de revalorisation du niveau des retraites servies aux assurés sociaux.

Les effets du nouveau mode d’indexation des pensions sur la période 2002/2007

Pour mémoire, l’ancienne indexationfondée sur l’évolution des prix

Nouvelle indexation (fondée surl’augmentation du salaire moyen moins 1,6 %)

Pronostiques3.33.6

1.814

0.8

1.1

2.7

1.8 1.813

0.3

0.8

0

1

2

3

4

2002 2003 2004 2005 2006 2007

2002-2007

9.2

0

4

8

12

12.8

1.6

1.5

%

Les effets du nouveau mode d’indexation des pensions sur la période 2002/2007

Pour mémoire, l’ancienne indexationfondée sur l’évolution des prix

Nouvelle indexation (fondée surl’augmentation du salaire moyen moins 1,6 %)

Pronostiques3.33.6

1.814

0.8

1.1

2.7

1.8 1.813

0.3

0.8

0

1

2

3

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2002 2003 2004 2005 2006 2007

2002-2007

9.2

0

4

8

12

12.8

1.6

1.5

%

Source : Caisse nationale de sécurité sociale

Les personnalités suédoises rencontrées par la Mecss ont d’ailleurs mis en avant la dimension sociale de la stabilité financière1.

« Il y a bien sûr une dimension sociale dans la stabilité financière

[des taux de cotisation], parce que les caractéristiques financières du système

de retraite sont intimement liées à la question de l’équité entre générations.

La stabilité financière est une condition nécessaire, mais non suffisante, pour

cet objectif difficile qu’est la mise en place du nouveau système de retraite par

répartition suédois (à l’exception près de la composante en capitalisation

(fully funded) du nouveau système, qui n’a pas à répondre à cet objectif).

« La modification fondamentale de la nature de l’assurance vieillesse

en raison de l’accroissement de l’espérance de vie au cours du siècle

précédent, justifie en partie l’intérêt pour la stabilité financière et l’équité

intergénérationnelle qui sont étroitement liées. Comme le taux de mortalité a

baissé, l’élément risque de l’assurance vieillesse a diminué de manière

significative, alors que l’élément épargne est devenu prédominant. Avec une

composante risque moindre et une composante épargne plus importante, il est

1 Revue française des affaire sociales n° 4-2003. Article reproduit en annexe 2.

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- 48 -

plus naturel, efficace économiquement et juste, de baser le montant de la

pension individuelle sur les économies de toute une vie ou les cotisations,

plutôt que sur le revenu de fin de carrière. »

d) Mais le régime n’a pas encore été soumis à l’épreuve du

coefficient d’équilibrage

Chaque année depuis 2001, le système de retraite public a dégagé des excédents : l’actif du régime a évolué plus favorablement que son passif, permettant ainsi d’abonder les réserves. Les retraités suédois n’ont par conséquent jamais subi un ralentissement de la revalorisation de leur pension, ni a fortiori une diminution transitoire de celle-ci, même si cette perspective est théoriquement possible à terme.

Evolution du ratio d’équilibre du régime de retraite public par répartition suédois

2003 2004 2005 2006 2007

Ratio actif/passif 1,03 1,0105 1,0097 1,0014 1,0044

e) La pénibilité des métiers ne justifie pas un départ à la retraite

précoce

Le débat français sur les retraites évoque fréquemment l’hypothèse consistant à compenser la pénibilité des métiers par l’avancement de l’âge de cessation d’activité. Sur le plan technique, il n’est pas aisé de définir objectivement la pénibilité, ainsi que le soulignait un rapport remis au Conseil d’orientation des retraites en avril 20031.

Interrogées sur ce point, les autorités suédoises rencontrées par la Mecss ont unanimement fait part de leur refus de principe de la prise en compte de la pénibilité, mettant en avant trois arguments principaux :

- l’idée que des métiers autrefois pénibles ne le sont plus aujourd’hui ;

- le refus de distinguer les assurés sociaux entre eux, au nom du principe même de solidarité ;

- le risque de pénaliser les femmes, si l’on en venait à utiliser comme critère d’évaluation l’espérance de vie à soixante ans ou soixante-cinq ans, en fonction des sexes. Aujourd’hui, les coefficients de conversion sont en effet calculés sur la base de l’ensemble de la population, hommes et femmes indifférenciés. Or, les femmes vivent en moyenne plus longtemps que les hommes, ce qui pourrait conduire ces derniers à revendiquer un départ en retraite plus précoce pour compenser leur désavantage.

1 « Pénibilité et retraite » - Rapport remis au Conseil d’orientation des retraites par Yves Struillou - avril 2003 - www.cor-retraites.fr.

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- 49 -

Vos rapporteurs constatent que la France a fait un choix différent : l’article 12 de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites a invité les partenaires sociaux à engager des négociations à ce sujet. Ce dialogue entre le patronat et les syndicats de salariés est encore en cours à ce jour, avec, semble-t-il, de bonnes chances d’aboutir. Il conviendra d’en apprécier les résultats lorsque la teneur de cet éventuel accord contractuel sera connue.

f) La bonne gestion d’un système de retraite implique de pouvoir faire

face aux chocs extérieurs

Tous les régimes de retraite, quels que soient leurs fondements, sont susceptibles de subir des chocs démographiques, économiques et financiers. Les éviter suppose un pilotage approprié, autorisant une intervention aussi précoce que possible avant la survenance des problèmes.

En Suède comme ailleurs, le rôle du pilote, c’est-à-dire des pouvoirs publics et des partenaires sociaux, consiste à jouer sur tous les leviers disponibles pour prendre les décisions les plus efficaces sur le long terme. Ces leviers sont aujourd’hui bien connus.

L’amélioration des recettes passe essentiellement par une hausse du taux de cotisation plus forte que celle des droits acquis et/ou l’augmentation de la durée de cotisation et/ou la constitution anticipée de réserves significatives avant que le régime n’arrive à maturité.

La limitation des dépenses repose principalement sur l’évolution du niveau des retraites (diminution de la valeur de service du point et/ou la réduction des droits acquis), voire des droits dérivés, et/ou la baisse de la durée moyenne de perception des pensions (report de l’âge de cessation d’activité).

Mais en pratique, piloter un régime de retraite constitue toujours un exercice difficile, car les mesures susceptibles d’être prises :

- ne produisent pas un effet de même ampleur ;

- ne présentent pas la même difficulté d’un point de vue politique ;

- ne produisent pas un effet avec la même rapidité ;

- ne touchent pas les mêmes catégories d’assurés ;

- sont susceptibles de produire des effets paradoxaux et illusoires.

Dans ce contexte, le mode de gouvernance original du système de retraite suédois constitue son principal point fort. Ses mécanismes d’ajustement sont suffisamment souples et précis pour viser un équilibre pérenne : les conditions de son équilibre à long terme sont assurées. A l’inverse, les grands régimes français, comme la Cnav ou l’Agirc/Arrco, ne peuvent ambitionner que de « maintenir une distance de sécurité » en repoussant la date à laquelle une crise de solvabilité est susceptible de se produire. Cette stratégie alternative, bien moins ambitieuse, suppose quand

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- 50 -

même l’intervention de mesures nouvelles à intervalles réguliers pour préserver le système.

Interrogé par la Mecss, Ole Settergren a souligné avec force que les gestionnaires d’un système de retraite ne peuvent que concevoir un système transférant les chocs externes, soit au niveau des pensions, soit au niveau des cotisations. Il est impossible de faire abstraction de ces chocs extérieurs. Dans ce contexte et jugeant au surplus les taux de cotisation actuels déjà très élevés, les pouvoirs publics suédois ont voulu disposer de mécanismes de pilotage souples et automatiques qu’ils jugent à l’usage très fiables.

g) La pérennité du système suppose le respect de la stabilité des

règles par le pouvoir politique

Pour les concepteurs des comptes notionnels, l’enjeu est celui de l’adhésion de la majorité de la population suédoise dans la durée.

Or, celle-ci pourrait être remise en cause si les pouvoirs publics interviennent pour modifier des règles du jeu censées être fixées une fois pour toutes. C’est ce qui s’est produit en Italie qui, après avoir opté en 1995 pour un système en comptes notionnels s’inspirant partiellement de l’exemple de la Suède, lui a déjà apporté un changement important : la possibilité initiale de faire liquider ses droits à la retraite entre cinquante-sept et soixante-cinq ans sera remplacée en 2008 par un âge fixe de soixante ans pour les femmes et de soixante-cinq ans pour les hommes. La logique première a ainsi été rompue1.

En définitive, la loi du 8 juin 1998 est désormais soumise à l’épreuve du temps. Compte tenu de l’inertie des systèmes de retraite, on ne pourra vraiment commencer à parler de succès que dans une vingtaine d’années.Mais les débuts sont prometteurs et riche d’enseignements.

C. DES ENSEIGNEMENTS UTILES POUR LA FRANCE, DANS LA PERSPECTIVE DU RENDEZ-VOUS DE 2008 SUR LES RETRAITES

1. S’inspirer de la méthodologie de la réforme

a) L’exemple suédois semble au moins partiellement transposable en

France

Est-il concevable de transposer intégralement, en France, le régime suédois des comptes notionnels ? Cette hypothèse semble au premier abord exclue car elle supposerait une unification des régimes, pourtant souhaitée par les « pères fondateurs » de la sécurité sociale en 1945, mais aujourd’hui, et pour longtemps sans doute, hors de portée.

1 Lire sur le sujet : La lettre de l’observatoire des retraites (mars 2005 - n° 14) - « La technique de retraite par points ».

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- 51 -

Toutefois, les points communs entre la France et la Suède en matière de retraite sont plus nombreux que ne le soulignent généralement les observateurs :

- l’ancien système de retraite suédois fonctionnait suivant des modalités assez proches du régime général français ;

- plusieurs pays européens de tailles très diverses (Italie, Lettonie, Pologne) se sont récemment inspirés de la référence suédoise en remplaçant leur régime public à prestations définies par un régime à comptes notionnels et à cotisations définies. Sur le plan technique, les grands régimes de retraite français, à commencer par la Cnav ou les régimes alignés, disposent donc de la taille critique pour procéder à une telle mutation. Il ne serait nullement nécessaire pour cela de s’engager au préalable dans la voie, ô combien périlleuse, d’une unification des structures ;

- les organismes de retraite complémentaire français (notamment l’Agirc et l’Arrco) utilisent depuis soixante ans la technique des points de retraite. Or cette technique est assez proche de celle des comptes notionnels dans la mesure où chaque assuré y acquiert un capital de droits à retraite reflétant les cotisations qu’il a versées. Les dispositions mises en œuvre en Suède vont simplement au-delà, car la valeur de ce capital y dépend en outre de l’espérance de vie, de la génération à laquelle appartient l’assuré et de son âge au moment du départ en retraite. Est aussi prise en compte l’évolution du Pib ;

- le poids des spécificités suédoises n’apparaît pas insurmontable. Dans un ouvrage récent1, Alain Lefebvre, ancien conseiller social auprès de l’Ambassade de France en Suède, et Dominique Méda, sociologue, réfutent ainsi certaines explications simplistes généralement avancées pour nier toute possibilité de s’inspirer en France des modèles scandinaves. A commencer par les différences culturelles qu’il ne faut pas surestimer :

« L’argument de la différence des cultures est en général employé

soit de façon générique (le même modèle ne peut fonctionner dans des cultures

aussi différentes) à l’occasion d’un article de journal, d’une interview ou bien

d’une étude scientifique, soit de manière plus spécifique (il s’agit de cultures

très homogènes, tout le monde est pareil, on ne peut pas vraiment s’exprimer,

les femmes sont comme les hommes ; il y a une culture de consensus plus que de conflit, à la différence de ce qui se passe chez nous). […] Les arguments

concernant une psychologie particulière nordique, qui rendrait tout possible

là-bas et tout impossible chez nous, sont aussi assénés avec une assurance qui

n’a d’égale que la méconnaissance des sociétés nordiques. »

1 Faut-il brûler le modèle social suédois ? - Alain Lefebvre et Dominique Méda - Editions du Seuil - 2006.

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Il en va de même pour les différences de taille et de structures économiques entre les deux pays, d’autant que la France et la Suède ont en commun d’une part, le souci d’assurer un haut niveau de protection sociale à leur population, d’autre part, l’avantage et la contrainte de disposer d’une économie très ouverte sur les échanges internationaux.

b) Un préalable indispensable : promouvoir l’emploi des seniors

Vos rapporteurs considèrent que la France aurait tout intérêt à s’inspirer de l’exemple suédois pour sortir de l’impasse actuelle que représente une politique largement virtuelle de promotion de l’emploi des seniors. La comparaison entre les deux pays est en effet parlante : au-delà des nuances précédemment apportées1, l’âge effectif de cessation d’activité des assurés sociaux suédois (plus de soixante-trois ans en moyenne, avec une tendance à augmenter depuis une dizaine d’années), intervient cinq ans plus tard qu’en France.

20042002199819941990

64.0

63.5

63.0

62.5

62.0

61.5

61.0

Hommes

FemmesMoyenne

Evolution de l’âge moyen de cessation d’activité en Suèdeentre 1990 et 2004

+ 10mois

20042002199819941990

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Hommes

FemmesMoyenne

Evolution de l’âge moyen de cessation d’activité en Suèdeentre 1990 et 2004

+ 10mois

La Suède conduit, en effet, une politique spécifique visant à promouvoir l’emploi des seniors : le taux d’emploi des personnes âgées de cinquante-cinq à cinquante-neuf ans s’y établit à 77,8 % contre 49,3 % en France. Pour les personnes de soixante à soixante-cinq ans, l’écart atteint quarante points : 50,2 % en Suède contre 9,9 % en France. En dépit du grand nombre de personnes bénéficiant, semble-t-il abusivement pour certains

1 Cf. p. 18-19.

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d’entre elles, d’une pension d’invalidité, force est de constater que les dispositifs suédois de préretraites ont été supprimés et que l’âge minimum de départ en retraite a été fixé à soixante et un ans.

Tout n’est pas parfait pour autant. La représentante du syndicat des cols bleus (LO) a ainsi indiqué à vos rapporteurs que l’encouragement à la prolongation volontaire d’activité correspond à une demande spontanée des entreprises nettement plus importante dans le cas des « cols blancs » que des « cols bleus ». Néanmoins, il n’existe pas, comme en France, de tendance massive au départ en retraite précoce des assurés sociaux.

D’autres intervenants ont souligné, pour reprendre les termes d’Alain Lefebvre et de Dominique Meda1, que les employeurs ont réalisé des efforts importants pour accompagner la politique des pouvoirs publics.

« Les Nordiques ne rechignent pas à travailler plus longtemps que les

Français. La possibilité de vraiment adapter son temps de travail selon ses

contraintes de cycle de vie et l’assurance que le travail sera « soutenable »,

c’est-à-dire que l’on n’arrivera pas totalement usé à cinquante ans, constitue

très certainement une caractéristique majeure et une grande réussite du

modèle nordique. »

Force est malheureusement de constater que la réalité française est bien différente.

Le choix fait en Suède de promouvoir un taux d’emploi aussi élevé que possible, notamment parmi la population des seniors, constitue une décision politique exigeante, mais hautement profitable sur le plan financier à moyen terme. Les finances sociales bénéficient ainsi de cotisations supplémentaires et, corrélativement, les dépenses sont moins importantes que prévu tandis que le marché du travail ne tend plus à exclure de toute perspective professionnelle les personnes âgées de plus de cinquante ans. Al’inverse, notre pays consacre des moyens considérables, évalués à 6 milliards d’euros par an par certains experts, pour financer une multitude de dispositifs de préretraite ou de cessation précoce d’activitéplus ou moins déguisée. Il en résulte que le débat sur l’avenir de l’assurance vieillesse continue en France à buter sur une contradiction majeure : à quoi bon augmenter l’âge légal de la retraite si les salariés continuent dans les faits à arrêter de travailler en moyenne à cinquante-sept ans ?

En Suède, les pouvoirs publics et les partenaires sociaux ont eu le courage de trancher le nœud gordien par une politique effective de promotion de l’emploi.

1 Cf. supra « Faut-il brûler le modèle social français ? » - Opus précité.

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c) Un cadre de réflexion pertinent : envisager l’avenir des retraites

en fonction des capacités futures de financement du système de

protection sociale

Les autorités suédoises se sont fixé pour principal objectif d’éviterque le choc démographique consécutif au vieillissement de la population ne remette en cause, d’ici à 2050, les fondements du système de protection sociale.

Tous les acteurs institutionnels rencontrés par la Mecss s’accordent en effet sur la nécessité de conserver un niveau élevé de prestations, tout en préservant la compétitivité de l’économie. Les choix opérés en matière de retraite s’inscrivent ainsi dans une logique d’ensemble à laquelle concourt parallèlement tout à la fois l’optimisation des dépenses maladie, la rationalisation du fonctionnement des établissements hospitaliers, le contrôle de l’indemnisation de l’invalidité, mais aussi l’augmentation de la population active et la réduction de la dette publique.

De ces choix politiques, la Mecss retient la pertinence de la méthode employée. La France doit aussi envisager l’avenir de la protection sociale à un horizon de quarante ans, en tenant compte des dépenses, des recettes et des besoins de financement de chacune des branches de la sécurité sociale ainsi que du poids futur de la politique du handicap et de la dépendance.

Au terme de cette réflexion, il deviendrait alors possible de réfléchir au niveau global de protection sociale que notre pays choisit collectivement de mettre en œuvre, aux priorités à dégager et aux marges de manœuvre à trouver pour faire face aux nouveaux besoins de la population.

2. Un éclairage sur les grands enjeux de la prochaine réforme française : des questions à trancher par le pouvoir politique

a) Faut-il envisager une réforme structurelle ou une simple réforme

paramétrique ?

En 1998 et en 2001, la Suède a fait le choix d’une réforme structurelle, en transformant radicalement son système d’assurance vieillesse. A l’inverse, en 2003, comme d’ailleurs en 1993, la France a mis en œuvre une réforme des retraites certes profonde, mais de portée purementparamétrique. En dépit de son volume (116 articles législatifs nécessitant la parution de plus de soixante-dix décrets d’application) et de son champ d’application, englobant la quasi-totalité des régimes sociaux français, la loi du 21 août 2003 n’a pas refondé le cadre général de l’assurance vieillesse conçu en 1945.

La question de la nature de la réforme à conduire se reposera en 2008, voire en 2012 ou 2016, à l’occasion des prochaines clauses de rendez-vous de la loi du 21 août 2003. A la lumière des projections du conseil d’orientation

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des retraites, faisant apparaître une tendance inéluctable à la dégradation des comptes, il est probable que les décideurs publics et les assurés sociaux s’interrogeront de plus en plus sur la capacité de la technique des annuités à faire face au défi du vieillissement de la population.

Dans le cadre du rôle de réflexion imparti à la Mecss, vos rapporteurs se borneront à souligner ici que le format et la portée de la prochaine réforme des retraites nécessiteront un débat public préalable avant de se prononcer sur le détail des mesures envisagées.

b) La France peut-elle, comme la Suède, « donner du temps au

temps » pour régler définitivement la question des retraites ?

Les interlocuteurs rencontrés par la Mecss se sont tous félicités de la qualité du processus d’élaboration qui a débouché in fine sur le vote de la loi du 8 juin 1998. Pour autant, ainsi que l’a souligné Ole Settergren, « le processus de réforme du système de retraite suédois a été d’une longueur

décourageante. »

Vos rapporteurs ne cachent pas qu’ils retiennent sur ce point de leurs échanges avec les responsables suédois une impression ambivalente. Compte tenu de l’ampleur du déficit actuel de l’assurance vieillesse, il est évident pour tous les observateurs que la France ne pourra pas se permettre d’attendre pendant quinze ans l’issue d’un processus de concertation.

Ce constat ne semble toutefois pas condamner la gestion du problème des retraites à l’élaboration d’un « monument » législatif de plusieurs dizaines d’articles, rédigé en quelques mois seulement, au début de chaque législature. Un tel mode opératoire qui a prévalu grosso modo en 2002/2003 renforce, il est vrai, par pure réflexe de conformisme intellectuel, la perspective de l’adoption de mesures paramétriques. Or, le mode de gouvernance de l’assurance vieillesse accorde désormais, en France comme en Suède, une large place à la concertation avec les partenaires sociaux, qui ont de surcroît la responsabilité de gérer les régimes complémentaires. Les syndicats de salariés sont en outre fortement représentés au sein du conseil d’orientation des retraites, créé en 2000 à l’initiative du gouvernement de Lionel Jospin, dont l’expertise fait largement autorité.

Par conséquent, en ce qui concerne aussi bien la forme que la méthodologie de la prochaine réforme des retraites, vos rapporteurs ont la conviction que notre pays pourrait lui aussi mener à bien, à l’avenir, une modernisation de grande ampleur de l’assurance vieillesse. La réflexion et la concertation dans le domaine des retraites sont désormais fondées sur des bases solides. Sur le plan technique, les conditions sont donc réunies pour lancer une réforme importante en France qui ne nécessiterait pas une phase d’élaboration aussi longue qu’en Suède. Tout est une question de volonté politique des pouvoirs publics et des partenaires sociaux.

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c) Comment appréhender la notion d’âge légal de la retraite ?

En France, l’âge de la retraite constitue une réalité juridique complexe dont les règles sont généralement mal connues par les assurés sociaux eux-mêmes. Les principales dispositions légales et réglementaires apparaissent en effet à la fois rigides, complexes et diverses selon les régimes : âge légal fixé à soixante ans ; durée d’assurance ; système de décote et de surcote ; âge maximum de soixante-cinq ans permettant d’annuler la décote ; spécificités du code des pensions civiles et militaires de retraite ; pratique généralisée des cessations anticipées d’activité dans le secteur privé, ainsi que certains âges très précoces de départ dans les régimes spéciaux. En pratique, cette coexistence de mesures amène les assurés sociaux à liquider leur pension à des âges très différents.

A l’inverse, la Suède a opté en faveur d’une liberté de choix. L’âge légal « couperet » a été remplacé par une fourchette, comprise en l’occurrence entre soixante et un et soixante-sept ans, sur la base d’un barème actuariel. Ce mécanisme présente le mérite d’une grande simplicité.

Vos rapporteurs considèrent que l’introduction d’une telle souplesse, dans des limites à déterminer en fonction des spécificités françaises, devrait être l’une des questions centrales du prochain débat sur les retraites.

d) Est-il opportun de chercher à connaître les engagements à long

terme des régimes de retraite ?

La prospective en matière de retraite s’appuie généralement sur des projections de la part relative des retraites dans le Pib, sur des estimations du besoin de financement futur des régimes de retraite ou encore sur l’évaluation des niveaux de cotisations nécessaires pour équilibrer les comptes de ces régimes à un horizon déterminé. Mais d’autres approches ont été récemment proposées. Elles reposent sur la notion de « dette implicite » des systèmes de retraite et débouchent sur des montants très variables, mais généralement élevés, allant de quelques dizaines à plusieurs centaines de points de Pib.

Cette démarche suscite dans notre pays de nombreuses réticences et n’a débouché que sur des évaluations parcellaires ou sur de rares travaux universitaires1. Il semblerait que ces inquiétudes trouvent leur origine dans la crainte de conséquences négatives pour la signature de la France sur les marchés financiers internationaux. Vos rapporteurs se félicitent néanmoins que l’Etat donne l’exemple et procède depuis 2003 à ce type d’évaluation pour le régime des pensions civiles et militaires.

1 Lire notamment : « L’économie française, comptes et dossiers - Les engagements implicites des systèmes de retraite » - Didier Blanchet et Jean-François Ouvrard - juin 2006.

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Certains pays utilisent ces méthodes d’évaluation sur une échelle beaucoup plus large, en les appliquant aux régimes couvrant l’essentiel de leur population. C’est le cas de la Suède qui chiffre à 2,5 années de produit intérieur brut le montant des engagements de son système de retraite.

Interrogés sur les conséquences négatives potentielles de cet effort de transparence, les interlocuteurs rencontrés par la Mecss ont fait valoir la réaction positive des agences de notation internationales. L’affichage de ratios élevés d’engagements de retraite n’a pas été perçu comme une mauvaise surprise ou comme un élément susceptible d’entraîner une dégradation de la notation de la Suède sur les marchés obligataires, provoquant ensuite un renchérissement du service de la dette publique. Au contraire, ces spécialistes financiers au jugement redouté ont manifestement apprécié cette opération vérité voulue et assumée par les autorités suédoises.

A la lumière de ce précédent instructif, vos rapporteurs souhaiteraient que les pouvoirs publics français obligent les caisses de retraite du secteur privé (à commencer par la Cnav) à mener à bien les mêmes travaux d’évaluation des engagements de retraite implicites que ceux qui ont déjà réalisés dans le cadre du budget de l’Etat.

*

* *

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PRÉSENTATION DU RAPPORT À LA COMMISSION

Réunie le mercredi 11 juillet 2007, sous la présidence de M. Nicolas About, président, la commission a procédé à l’examen du rapport d’information, établi au nom de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) par MM. Bernard Cazeau et Alain Vasselle et

consacré au régime de protection sociale suédois.

A titre liminaire, M. Bernard Cazeau, rapporteur, a indiqué qu’une

délégation de la Mecss s’est rendue à Stockholm, du 1er au 4 avril dernier,

afin d’étudier les mutations du système suédois de protection sociale et

notamment la réforme des retraites réalisée dans ce pays entre 1998 et 2001.

Cet exemple est d’autant plus instructif que la Suède a subi une grave crise

économique et budgétaire au début des années quatre-vingt-dix et que la mise

en œuvre de réformes structurelles courageuses lui a finalement permis de

sauver son système social que l’on avait cru un temps condamné.

La délégation de la Mecss a constaté l’existence de trois consensus

partagés par le corps social suédois : l’attachement à un Etat providence très

développé, l’obsession du plein emploi et l’adoption d’une gestion rigoureuse

fondée sur des modes de gouvernance efficaces.

Un chiffre donne à lui seul la mesure de l’effort consenti par les

assurés suédois. En effet, parmi les pays occidentaux, la Suède occupe la

première place pour le poids des dépenses totales de protection sociale

rapporté au Pib : 32,9 % de la richesse nationale en 2004, contre 31,2 % pour

la France, qui se place au deuxième rang, les deux pays offrant un ensemble

de prestations assez proche.

Les dépenses d’assurance sociale de la Suède (hors dépenses de

soins) ont atteint, en 2006, 447,2 milliards de couronnes, soit environ

48 milliards d’euros : la moitié est consacrée aux retraites, 30 % aux

allocations maladie et invalidité et 15 % aux allocations familiales. Les

comptes sont strictement équilibrés puisqu’il n’existe pas de déficit de la

protection sociale. Le recours à l’impôt est résiduel : l’essentiel du

financement est assuré par les cotisations des employeurs, qui atteignent

32,42 % de la masse salariale en 2007 et par les cotisations à la charge des

assurés qui représentent 7 % du salaire. En revanche, les dépenses de soins

(230 milliards de couronnes de prestations versées en 2005, soit 25 milliards

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- 60 -

d’euros) sont couvertes à hauteur de 85 % par des dépenses publiques

assurées par les comtés, dont c’est la compétence principale.

Au total, le système suédois produit un effort comparable à celui de la

sécurité sociale française en matière de retraite et se caractérise par une forte

maîtrise des dépenses de soins, tout en gardant sa réputation de générosité en

raison du régime avantageux des indemnités journalières, des allocations

d’invalidité et des prestations familiales.

M. Bernard Cazeau, rapporteur, a fait valoir que le maintien de cet

Etat-providence très développé n’est rendu possible que par le fort taux

d’activité de la population suédoise. L’obsession du plein emploi y est très

présente, plus encore depuis la profonde récession de 1991-1993, au cours de

laquelle le chômage a dépassé 10 % et le déficit budgétaire a atteint 11,3 %

du Pib. Cette situation a créé un véritable traumatisme national suscitant un

mouvement de réformes sans précédent, et notamment l’adoption d’une

politique budgétaire rigoureuse, dont l’orientation a été depuis lors

constamment réaffirmée.

Dans le domaine social, la gravité de la situation avait conduit les

pouvoirs publics à rétablir des jours de carence sans indemnisation pour

l’assurance maladie et l’assurance chômage, mais également à faire preuve

d’une certaine souplesse, en tolérant certaines formes déguisées de chômage

et de préretraites. En dépit de l’amélioration de la situation économique,

particulièrement sensible depuis la fin des années quatre-vingt-dix, et du

durcissement des conditions d’accès à ces dispositifs, on constate d’ailleurs

que la fréquence des arrêts maladie demeure en Suède deux fois supérieure au

niveau des autres pays occidentaux et que 10 % de la population en âge de

travailler bénéficient d’une pension d’invalidité.

Se fondant sur le taux global d’activité des personnes âgées de quinze

à soixante quatre ans (73,2 %), M. Bernard Cazeau, rapporteur, a néanmoins

jugé remarquables les performances globales de la Suède qui se situe au

troisième rang européen après le Danemark et les Pays-Bas, et bien avant la

France qui, avec 63 %, s’inscrit en dessous de la moyenne communautaire

(64,9 %). Les autorités suédoises poursuivent désormais une politique

volontariste visant à remettre au travail tous les Suédois qui y sont aptes, pour

revenir au taux d’activité de 80 % de la fin des années quatre-vingt.

La promotion de la bonne gouvernance constitue le troisième axe

majeur du consensus suédois, notamment pour la maîtrise des dépenses de

santé. Des réformes structurelles de l’organisation des soins ont été conduites

dès le début des années quatre vingt, permettant une réelle réduction des

dépenses de santé jusqu’en 1990, date à laquelle elles s’établissaient à 8,3 %

du Pib. La tendance à la hausse a repris par la suite, mais une nouvelle vague

de réforme a permis d’en freiner l’ampleur, au demeurant bien moindre que

dans les autres pays de l’OCDE. Aujourd’hui, la Suède affiche un taux de

9,1 %, alors que la France et l’Allemagne, qui partaient de niveaux très

proches il y a quinze ans, atteignent désormais près de 11 % du Pib.

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Ces bons résultats s’expliquent d’abord par des comportements

collectifs responsables en matière de dépenses de médicament, mais aussi par

la décentralisation de l’organisation du système de soins et la

responsabilisation des acteurs locaux.

Dès 1992, un mouvement de restructuration et de transfert des soins

de l’hôpital vers les soins en ville et à domicile a été engagé. La

responsabilité financière des soins non médicaux administrés aux personnes

dépendantes a été décentralisée des comtés vers les municipalités, afin de

favoriser le maintien à domicile. Une séparation nette a été introduite entre le

fournisseur et l’acheteur, permettant aux comtés de négocier avec les

établissements hospitaliers des contrats d’activité et de rémunération. Enfin,

les hôpitaux ont mis en œuvre une version très poussée du mécanisme de

tarification à l’activité bien connu en France.

Les restructurations qui ont été réalisées ont permis de concentrer

l’activité des établissements hospitaliers sur les soins aigus et spécialisés,

tandis que les soins quotidiens étaient de plus en plus dispensés au plus près

des patients, dans un cadre moins coûteux et moins pathogène : 45 % des lits

d’hôpitaux ont ainsi été fermés au cours des années quatre vingt-dix (contre

19 % en France sur la même période). Enfin, les règles de gestion du système

de santé ont été modernisées.

Observant qu’à l’issue de ce processus de réformes, le système de

soins suédois est demeuré performant, notamment au regard des classements

établis par l’OMS, M. Bernard Cazeau, rapporteur, a néanmoins fait valoir

que ce bilan révèle aussi des tensions, à commencer par l’apparition, dès la

fin des années quatre-vingt, de files d’attente pour la chirurgie non urgente.

Mais, en définitive, la Suède a choisi de régler ses problèmes en améliorant la

productivité du service public et non en offrant un système parallèle, privé et

plus cher, aux assurés sociaux qui ont les moyens de payer pour ne pas

attendre.

Puis M. Alain Vasselle, rapporteur, a présenté la réforme des

retraites réalisée en Suède après quinze ans d’une réflexion concertée et

approfondie. Les pouvoirs publics suédois ont décidé, en 1998, d’abandonner

l’ancien système de retraite à prestations définies, en raison de son caractère

inéquitable entre les générations et de son sous financement chronique compte

tenu des perspectives de vieillissement de la population. La Suède est passée à

un régime à cotisations définies, fondé principalement sur l’effort contributif

des assurés sociaux. Chaque assuré social suédois bénéficie désormais d’un

compte individuel. Aux cotisations acquittées pendant toute sa carrière

professionnelle correspond un capital, revalorisé chaque année, qui sera

converti en rente viagère, lors de la liquidation de la pension. Le niveau de la

retraite d’un assuré social dépendra in fine de trois paramètres : le montant

de ce capital, la génération à laquelle il appartient et l’âge auquel il choisit

de liquider sa pension. Mais ce capital est virtuel, d’où le qualificatif de

« notionnel », car l’enregistrement des flux de cotisations ne donne pas lieu à

constitution d’un véritable capital financier. Le régime de retraite public

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- 62 -

continue ainsi à fonctionner suivant les règles de la répartition : les

cotisations encaissées sont utilisées chaque mois pour financer les pensions

des retraités.

Ce système d’assurance vieillesse ne prévoit plus d’âge légal de

départ à la retraite et laisse ce choix à l’appréciation de chaque assuré social

à l’intérieur d’une fourchette comprise entre soixante et un et

soixante-sept ans. Comme en France, une pension garantie, financée par le

budget de l’Etat, assure un niveau minimum de ressources aux assurés sociaux

qui n’ont eu que de très faibles revenus professionnels, voire aucun.

Dans l’hypothèse où les ressources du régime s’avéreraient

insuffisantes pour couvrir le montant des retraites futures, un mécanisme

correcteur, ajouté en 2001, s’enclencherait automatiquement. L’indice de

revalorisation des pensions des retraités, d’une part, et du capital notionnel

accumulé par les cotisants, d’autre part, serait alors infléchi jusqu’à la

restauration des grands équilibres.

Considérant que la Suède a procédé à la plus ambitieuse et à la plus

originale des réformes des retraites menées en Europe depuis les années

quatre-vingt, M. Alain Vasselle, rapporteur, a rappelé que la loi du 8 juin

1998 a été adoptée à une majorité des trois quarts des membres du Parlement

suédois. Ce texte fondateur fait désormais l’objet d’un vaste consensus entre

les grandes forces politiques suédoises, y compris les partenaires sociaux.

Ce régime présente quatre avantages majeurs : il garantit un

équilibre financier pérenne sur la base de taux de cotisations élevés mais

stables, il préserve l’équité entre les générations, il assure une meilleure

transparence de l’effort contributif des assurés sociaux suédois et il accorde

une pension minimum aux personnes âgées les plus modestes.

La technique des comptes notionnels a été conçue pour préserver un

haut niveau de retraite au cours des prochaines décennies tout en incitant

fortement, en contrepartie, les actifs à prolonger leur activité professionnelle,

le report de l’âge de départ en retraite étant plus que compensé par

l’allongement de l’espérance de vie.

Dans la perspective du rendez vous français de 2008 sur les retraites,

M. Alain Vasselle, rapporteur, a jugé la réforme suédoise riche

d’enseignements, car elle a organisé la transition entre l’ancien et le nouveau

système, renforcé la confiance des actuels cotisants et conservé leur place aux

avantages non contributifs. De plus, le mécanisme des comptes notionnels

n’est guère plus complexe que celui des annuités, car ses principes sont

simples et la politique d’information des assurés sociaux particulièrement

développée. Enfin, si le niveau des pensions peut constituer, en complément de

l’âge de fin d’activité, une variable d’ajustement au cours des prochaines

décennies, cette éventualité n’a été contestée par aucun des interlocuteurs de

la Mecss, y compris les partenaires sociaux.

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- 63 -

La souplesse et l’efficacité de ces mécanismes de gouvernance sont

des atouts pour cette réforme dont les débuts sont prometteurs. En définitive,

le seul risque majeur consisterait à ce que les pouvoirs publics modifient des

règles du jeu censées être désormais fixées une fois pour toutes.

Ce système pourrait être transposé en France, ne serait-ce que

partiellement, dans la mesure où les différences entre les deux pays

n’apparaissent pas insurmontables. L’ancien système de retraite suédois était

par ailleurs assez proche du régime général français et plusieurs autres pays

européens de tailles très diverses (Italie, Lettonie, Pologne) se sont inspirés,

au cours des dernières années, de la réforme suédoise pour adapter leur

régime de retraite. La France pourrait aussi utilement s’inspirer de l’exemple

suédois pour améliorer le taux d’emploi des seniors : l’âge moyen de

cessation d’activité est, en effet, de soixante trois ans en Suède, soit cinq ans

plus tard qu’en France.

Enfin, M. Alain Vasselle, rapporteur, a souligné la pertinence du

cadre de réflexion global et prospectif adopté par les pouvoirs publics

suédois : la France aurait intérêt de la même façon à appréhender l’avenir de

la protection sociale dans sa totalité sur un horizon à très long terme, par

exemple quarante ans, en envisageant les dépenses, les recettes, les besoins de

financement de chacune des branches de la sécurité sociale, mais aussi la

charge des politiques du handicap et de la dépendance. Il serait alors possible

de déterminer la protection sociale à mettre en œuvre, les priorités à dégager

et les moyens financiers à mobiliser dans ces objectifs.

Ce rapport, dont il juge à titre personnel les conclusions parfois un

peu timides, témoigne de la recherche d’un compromis avec son collègue

Bernard Cazeau. Il contribuera en tout cas utilement à l’information du

Parlement, dans la perspective du rendez-vous de 2008. S’exprimant à

nouveau à titre personnel, il a estimé qu’à l’avenir, on devra sans doute,

comme en Suède, abandonner une approche paramétrique et envisager une

réforme structurelle de l’assurance vieillesse. Cela supposerait toutefois un

minimum de consensus politique.

M. Dominique Leclerc a souligné la valeur pédagogique de ce

rapport qui traite de sujets particulièrement complexes et complète utilement

les travaux de la commission dans le domaine des retraites. Il est ensuite

revenu sur l’esprit de la réforme menée en France en 2003 pour déplorer que

certaines de ces dispositions essentielles aient été proprement « torpillées »

par le recours massif aux préretraites dans le monde du travail.

Les assurés sociaux acceptent de plus en plus difficilement les

disparités de situations et d’efforts contributifs qui caractérisent l’assurance

vieillesse. C’est le cas en particulier pour la compensation démographique ou

pour les régimes spéciaux, mais également pour des dispositions spécifiques

comme les « surpensions » des fonctionnaires de l’Etat outre-mer, sujet sur

lequel il a récemment déposé une proposition de loi avec André Lardeux et

Catherine Procaccia.

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- 64 -

A l’instar d’Alain Vasselle, il a jugé que la réforme suédoise

constitue une référence dont la France pourrait utilement s’inspirer. A

l’évidence, une transposition du système des comptes notionnels dans le

régime général n’est pas envisageable dès l’année prochaine, mais elle

devrait être étudiée dans la perspective du rendez-vous suivant sur les

retraites, en 2012. On disposerait alors de suffisamment de temps pour

préparer techniquement une réforme systémique de cette ampleur et pour en

informer l’opinion publique.

Se plaçant sur le plan purement pédagogique, M. Guy Fischer a

reconnu la qualité technique du rapport qui reflète les travaux très denses

réalisés par la mission à l’occasion de ce déplacement. Sur le plan politique,

en revanche, il ne saurait souscrire à ses orientations, notamment en matière

de retraite. Le système suédois de choix de l’âge de la retraite à l’intérieur

d’une fourchette de soixante et un à soixante-sept ans, cache implicitement

une volonté de reculer l’âge de départ des assurés sociaux. Après avoir

confirmé son attachement à la compensation de la pénibilité des carrières

professionnelles, il a fait part de son refus de la perspective d’un débat « à

marche forcée » sur les retraites en France, à l’occasion du rendez-vous de

2008. A l’inverse, il a fait valoir que dans d’autres pays les discussions ont

duré parfois dix ou quinze ans : le temps de la délibération doit donc être

respecté.

M. Nicolas About, président, a estimé qu’en France aussi le débat

sur les retraites a été ouvert il y a longtemps. Mais dans notre pays,

contrairement à la Suède par exemple, toutes les parties à la négociation ne

partagent pas nécessairement la volonté d’aboutir.

M. Guy Fischer a jugé essentiel de conserver, et souvent de rétablir,

la notion d’équité au cœur du fonctionnement de l’assurance vieillesse. A ce

titre, il s’est inquiété de l’impact cumulé des réformes successives qui sont

intervenues depuis 1993 : on estime en effet que le pouvoir d’achat des

retraités a diminué de 10 % ou 15 % au total. S’agissant des régimes

spéciaux, il a considéré que l’on doit respecter l’histoire des entreprises

publiques.

M. Pierre Bernard-Reymond a souhaité savoir si la délégation de la

Mecss a rencontré des chefs d’entreprise suédois, si ces derniers se plaignent

des conséquences du niveau des cotisations sociales pour la productivité et

s’il existe dans ce pays un important système de soins privés.

M. Bernard Cazeau, rapporteur, a indiqué que la Mecss a rencontré

les interlocuteurs du patronat, comme des syndicats de salariés. A cette

occasion, la question de la productivité a été peu abordée. Par ailleurs, le

secteur privé occupe en Suède une place marginale au sein du système de

soins.

M. Alain Vasselle, rapporteur, a rappelé au passage que le taux de

syndicalisation suédois est très élevé, de 80 % à 90 % de la population active.

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- 65 -

M. Guy Fischer a jugé singulier, au regard de la réputation de

rigueur de la société suédoise, que ce pays se distingue aussi par le plus fort

taux d’arrêts maladie d’Europe, ainsi que par une proportion très élevée de

personnes considérées comme invalides.

Tout en partageant ce constat, M. Bernard Cazeau, rapporteur, a

indiqué que ces dispositifs ont effectivement servi « d’amortisseur social » lors

de la crise des années quatre-vingt-dix, mais que depuis lors les pouvoirs

publics ont considérablement durci les conditions d’éligibilité.

M. Guy Fischer a observé que cette orientation nouvelle n’est pas

sans lien avec la défaite du parti social-démocrate, à l’occasion des élections

de septembre 2006.

Enfin, la commission a approuvé le rapport présenté au nom de la Mecss et a autorisé sa publication.

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LISTE DES ENTRETIENS ET DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA DÉLÉGATION DE LA MECSS STOCKHOLM - 1ER AU 4 AVRIL 2007

Caisse nationale de sécurité sociale (Försäkringskassan)

M. Ole Settergren, directeur de la division des retraites, l’un des « Pères » de la réforme du système de retraites suédois

Mmes Ylva Eklund et Catarina Svärd, experts à la division de l’assurance maladie, M. Jon Dutrieux, coordonnateur à la division des analyses

Ministère de la santé et des affaires sociales

M. Bengt Sibbmark, directeur de la division des assurances sociales, Mmes Jessica Löfvenholm et Asees Ahuja-Lind, rédactrices

Conseil général du comté de Stockholm (système de soins)

Mme Chris Heister, présidente de la commission exécutive

Parlement suédois

M. Fredrik Federley, député du Parti du centre, membre de la commission des assurances sociales

Confédération syndicale des salariés (LO)

Mme Ellen Nygren, division des salaires et de la politique sociale

Confédération suédoise des entreprises (Svenskt Näringsliv)

M. Ingvar Backle, expert retraites et assurances, et Mme Sofia Bergström, expert assurances sociales, accidents du travail et maladies professionnelles

Experts

- M. Alain Lefebvre, ancien conseiller social des ambassades de France dans les pays nordiques, responsable des relations avec les Etats et de la coordination au Centre européen de contrôle et de prévention des maladies (ECDC)

- MM. Olivier Rousseau, chef de la mission économique française de Stockholm, et Frédéric Lemaître, attaché financier

Par ailleurs, un dîner a été organisé par l’ambassadeur de France à Stockholm, M. Denis Delbourg, auquel ont notamment participé :

- Mme Betina Kashefi, secrétaire d’Etat (Parti modéré - Conservateur) auprès de la ministre de la sécurité sociale, Mme Christina Husmark Pehrsson

- Mme Anna Hedborg, ancienne ministre (Parti social-démocrate) de la sécurité sociale (1994-1996) et directrice générale de l’Agence nationale de la sécurité sociale (1996-2004)

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- 69 -

ANNEXE 1 -

EXEMPLAIRE TYPE DE L’« ENVELOPPE ORANGE » ADRESSÉE CHAQUE ANNÉE AUX COTISANTS DU RÉGIME PUBLIC DE RETRAITE SUÉDOIS

(en Anglais)

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The Social Insurance Agency and the Premium Pension Authority

Matti MäkinenVägen 21SE-453 21 Landsorten

Estimate of your public pensionThis is an estimate of what you will receive in public pension.The estimateis based on the SEK 918 457 you have earned toward your public pension(see your pension account, page 2), plus your annual income until you retire.The calculations assume that you will have the same pension-qualifyingincome as year 2004, that is SEK 239 900 (see Decision, page 4).

Age at retirement 0 % growth 2 % growth

61 SEK 9 300 per month SEK 14 600 per month

65 SEK 11 900 per month SEK 20 200 per month

70 SEK 16 700 per month SEK 31300 per month

Your public pension at age 65 and 0 percent growth (SEK 11 900 per month) consists of: SEK 9 600 inkomstpension and SEK 2 300 premiepension before taxes.

You can receive pension from several sourcesOccupational pension from your employer is not shown here.Atwww.minpension.se you can obtain an estimate that also includes occupational pension.

1

A growth of 0 percent means you can compare the amount in the estimate with your income today.The change in value of the premiepension funds is assumed to be 3.5 percent annually.

A growth of 2 percent means that salaries in Sweden, including your own, are assumed to grow by 2 percent each year. The change in value of the premiepension funds is here assumed to be 5.5 percent annually.

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Your pension accountsChanges in your accounts during 2005 in SEK Inkomstpension Premiepension

Value 31 December 2004 786 184 48,863

Pension credit for 2004 + 45 504 + 7 110

Survivor bonus + 398 + 28

Discount on fund fees. - + 34

Administration costs - 435 - 110

Change in value + 22 768 + 8 113 *

Value 31 December 2005 854 419 64 038

* Change in value of funds and interest on pension credit for 2004 are included in this amount.

Matti MäkinenVägen 21SE-453 21 Landsorten

Changes in your accounts since the beginningSince 1985, you have earned SEK 626 417 in pension credit toward your inkomstpension.The amount has increased by SEK 228 002 and the current value is SEK 854 419.

Since 1995, you have earned SEK 52 878 in pension credit toward your premiepension.The amount has increased by SEK 11 160 and the current value is SEK 64 038.

2

Total balance for your accounts: SEK 918 457 kr

Your public pension

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Your premiepension funds 31 December 2005

Fund name Distribution Current Fund Price per Valuechosen distribution shares share

(percent) (percent) (number) (SEK) (SEK)

Premievalsfonden 20 19 131,23 83,23 10 923

Aktiespararna Topp Sverige 20 20 1 379,83 8,37 11 549

SPP Generation 60-tal 20 20 39,39 281,85 11 101

Folksams Obligationsfond 20 23 82,34 152,35 12 545

SEB Generationsfond 60-tal 20 18 1 446,43 7,22 10 441

Total 100 100 56 559

Pension credit for premium pension 2004 + 7 110

Interest on pension credit for 2004 + 369

Value 31 December 2005 64 038

Matti MäkinenVägen 21SE-453 21 Landsorten

Change in value 2005The value of your funds changed during 2005 by SEK +7 744.This amountis included in the value change of your pension account on page 2.

You can find more information about how your funds have developed onPPM’s website.

New pension credit toward the premiepension is invested according tothe distribution you last chose.You can change the distribution or switchfunds at any time.

3

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2004-12-31

670502-1234Matti MäkinenVägen 21SE-453 21 Landsorten

DECISION

Your pension credit for 2004Your pension credit corresponds to the amount you, your employer and insome cases the government, have paid into the pension system. From yourpension-qualifying income (your annual income up to SEK 317 250 afterdeductions for general pension contribution) and pensionable amounts,the Social Insurance Agency has decided the following:

Pension credit for Pension credit forinkomstpension 2004 premiepension 2004

SEK 45 504 kr SEK 7 110 kr

Your new pension credit is added to what you have already earned and is shown in your pension account.The current value is shown on page 2.

The National Tax Board has determined your pension-qualifying incomefor 2004:

Income from employment SEK 239 900 krIncome from business SEK 0 kr

The Social Insurance Agency has determined your pensionable amountsfor 2004:

Child years SEK 44 500 kr

This gives a pension basis of SEK 284 400 kr

The provisions for this decision are found in chapters 2-4 of the Act on Income-Based Age Pension(1998:674).

If you would like this decision to be re-examined, write to the Social Insurance Agency. State which decision should be re-examined, how you would like it changed and why. Also include yourname, personal identification number, address and telephone number. Remember to sign the letter.If you engage a legal representative, the legal representative may sign instead. In this case, a power of attorney should also be sent. The Social Insurance Agency must receive the letter by the31 December 2006, or within two months of the decision if the decision was not received before 1 November 2006. The address is: Försäkringskassan, Box 9999, SE-123 45 Landsorten, Sweden.4

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What affects the size of your public pension?

Your income

Pension contribution

Pension credit

Pension credit

Pension account

Pension account

Time as pensioner

Your monthly pension

Interest, etc.

Your incomeYou and your employer pay pension contributions for your income to thepublic pension system. The total amountis 18.5 percent of your pension-qualifyingincome. 16 percent for the inkomstpensionand 2.5 percent for the premiepension.Each year, an amount equal to the pensioncontribution is credited for your pension.

Having small children, studying, doingmilitary service or receiving sicknessbenefits also give pension credit. The pension contributions for this pension credit are paid by the government.

Economic growthYour pension credit is deposited to your pension accounts, one for the inkomstpensionand one for the premiepension. The value ofthese accounts is determined by your totalpension credit and the interest they return.Interest on the inkomtpension account isdetermined by the development of wages inSweden. During the year 2005, the interestrate was 2.74 percent.

The return on the premiepension account is determined by the change in value of yourfunds.

Survivor bonuses, the money distributed toall pension savers from the pension accountsof those who have died, also affect the valueof your pension accounts.

Your retirement ageThe longer you work, the largeryour pension. If you, for instance,work until you are age 67, you willearn more money for your pensionthan if you retire at the age of 65.

If you retire later, the totalamount of your pension account isalso distributed over a fewer numberof expected years as pensioner. Yourmonthly pension will then be higher.

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More informationThere is more information about the public pension at www.forsakringskassan.se. Here you can also make your own estimates based on your thoughts about the future.You can also call the Social Insurance Agency’s self-service telephone at +46 20 524 524.

www.ppm.nu has current fund information and information regarding your account.There is also a tool that gives suggestions for different fund portfolios.You can also contact PPM on their self-service number, +46 20 776 776, receive personal service on the phone number +46 771 776 776 or by letter at the addressPremiepensionsmyndigheten, SE-826 86 Söderhamn, Sweden.You can switch funds either on www.ppm.nu, through the self-service number or on a form that can be ordered from PPM.

At www.minpension.se you can obtain an estimate that includes occupational pension.

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6

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ANNEXE 2 -

« LA RÉFORME DU SYSTÈME DE RETRAITE SUÉDOIS - PREMIERS RÉSULTATS » PAR OLE SETTERGREN

Extrait du numéro 4-2003 de la Revue française des affaires sociales

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La réforme du système de retraite suédois.Premiers résultats

Ole Settergren*

� Introduction

Largement confrontée aux mêmes défis démographiques que les autrespays de l’OCDE, la Suède a opté, dans les années 1992-1994, pour uneréforme radicale de son système de retraite. La plupart des lois concernantle nouveau système ont été votées en 1998. Le Parlement a adopté la légis-lation « finale » 1, qui met en place le mécanisme d’équilibre automatique,(automatic balance mécanism) en mai 2001.

Comme dans la plupart des autres pays qui sont en train de réformer leur sys-tème de retraite, ce sont essentiellement les déficits actuels et futurs qui ontmotivé la réforme suédoise ; ces déficits auraient rendu en effet nécessaireune augmentation importante des taux de cotisations si le système n’avait pasété modifié. Grâce surtout à un fonds substantiel de réserve (buffer fund), lastabilité du système de retraite au début des années quatre-vingt-dix était pro-bablement meilleure en Suède que dans la plupart des autres pays européens.Toutefois, des projections ont montré que, avec la réglementation existante etcompte tenu des prévisions d’augmentation de l’espérance de vie et de laréduction du nombre d’actifs, le fonds de réserve aurait été épuisé d’ici2015-2020. Le taux de cotisation nécessaire à la viabilité du système auraitété très dépendant du taux de croissance économique. On a estimé qu’unecroissance faible nécessiterait d’augmenter le taux de cotisation de 18 à25-30 % de la totalité des salaires. Une telle augmentation a été considéréecomme politiquement et économiquement infaisable.

Des problèmes de financement similaires dans les systèmes de retraite despays de l’OCDE ont provoqué des réponses politiques différentes. En géné-ral, la réponse apportée à de tels problèmes est la modification de certainsparamètres du système de retraite. La modification la plus répandue, c’estl’augmentation du taux de cotisation. Il arrive aussi souvent que, afin deréduire les coûts, le nombre d’années de cotisation requises pour bénéficier

337

* Économiste à la Direction des assurances sociales nationales suédoises – (Riksförsäkring-sverket, RFV).1 Surtout en politique, il y a peu de questions qui soient décidées une fois pour toutes. Dans laréforme suédoise des retraites, deux questions restent officiellement sans réponse. La pre-mière, qui est la plus importante, concerne le calcul et la distribution des excédents. Un comitéd’experts présentera une proposition sur cette question en mars 2004. Le deuxième problèmeconcerne la possibilité et les moyens d’arriver à un accord politique sur le partage égal des coti-sations entre employés et employeurs. L’actuel taux de cotisation est de 10,21 % pour lesemployeurs et de 7 % pour les employés.

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d’une retraite complète soit augmenté. Une autre mesure relativement fré-quente, c’est celle qui consiste à changer l’indexation des prestations. EnSuède, c’est une réforme systématique et non un changement des paramè-tres du vieux système qui a été la réponse aux défis financiers dont on aparlé plus haut. En fait, le système de retraite a subi de telles modificationsqu’il peut être trompeur d’utiliser le mot « réforme » pour qualifier ce pro-cessus. Aujourd’hui, il serait plus juste de parler d’un système totalementnouveau 1.

Cet article vise à donner une présentation concise des principaux éléments dece nouveau système, tout en indiquant quelques-uns des « résultats » obtenuspar les modifications qui ont été opérées. En outre, il s’agit aussi, même sic’est peut-être prématuré, de présenter quelques éléments sur les premièresmises en œuvre du nouveau système, et de voir comment celui-ci a été perçupar le public. Si les raisons qui ont motivé la stratégie de réforme ne sont pasle premier objectif de cette présentation, certaines considérations sur la confi-guration du nouveau système apparaissent toutefois à l’occasion.

� Principes fondateurs

Les principes qui guident la réforme et la structure du nouveau système sonttrès simples et précis. Pendant dix ans, ce sont les principes suivants qui ontété à la base des réflexions puis de la prise de décisions :

Dans le nouveau système,– il devrait y avoir une correspondance totale entre les cotisations versées ausystème par ou pour un individu, et son « crédit retraite » – autrement dit, pasde droits à retraite sans cotisation correspondante, et réciproquement : unecotisation d’une couronne correspondant à un crédit retraite d’une couronne ;– le financement des pensions devrait être garanti par un taux fixe de cotisation ;– la pension moyenne par rapport au revenu moyen (qui se réfère ici auniveau de pension) devrait, dans le nouveau système, être identique à cellede l’ancien système dans les conditions suivantes : une vie professionnellemoyenne de quarante ans, une espérance de vie mesurée en 1994, et unecroissance annuelle du revenu moyen de 2 %. Le niveau de la pension deretraite dans l’ancien système est de 50 %, alors que le taux moyen de rem-placement au moment du départ à la retraite est d’environ 60 % 2 ;– il devrait y avoir une pension minimum garantie.

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1 Toutefois, une recommandation, qui a été suivie de manière inconditionnelle par le ministèrede la Santé et des Affaires sociales, dans les années quatre-vingt-dix, était d’utiliser l’expres-sion de « système de retraite réformé ». Le système de retraite fondé sur les revenus du travail,ou système ATP, mis en place en 1960, était considéré par beaucoup de sociaux-démocratescomme étant le « joyau de la couronne » de l’État providence suédois. Qualifier ce système denouveau aurait pu générer une opposition encore plus grande au processus.2 Le niveau moyen des retraites est inférieur au taux de remplacement lorsque les pensions ontété indexées sur les prix à la consommation, alors que les revenus ont crû plus vite que les prix.

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Dans la réforme suédoise des retraites, la stabilité financière est primor-diale, et le nouveau régime est probablement le premier système public deretraite par répartition (pay as you go pension) stable financièrement,jamais voté. Il y a plusieurs raisons à cette préoccupation de stabilité finan-cière, la plus importante est l’échec financier du système ATP 1 qui a étéune grande déception pour les hommes politiques concernés et leur électo-rat. L’impossibilité de donner ce que le système ATP avait « promis » asuscité des doutes quant au rôle du gouvernement et à la fiabilité de sesengagements. Cette expérience historique a contraint à prendre consciencequ’un système national des retraites, avec des ambitions comme celles dusystème suédois, ne peut ignorer les évolutions démographiques et écono-miques. En conséquence, ces hommes politiques ont choisi de ne pas fairede promesses inconditionnelles mais, au contraire, de tenir directementcompte des évolutions démographiques et économiques dans les règlesdéterminant le niveau des pensions de retraite.

Il y a bien sûr une dimension sociale dans la stabilité financière, parce queles caractéristiques financières du système de retraite sont intimement liéesà la question de l’équité entre générations 2. La stabilité financière est unecondition nécessaire, mais non suffisante, pour cet objectif difficile qu’estla mise en place du nouveau système de retraite par répartition suédois (àl’exception près de la composante en capitalisation (fully funded) du nou-veau système, qui n’a pas à répondre à cet objectif).

La modification fondamentale de la nature de l’assurance vieillesse en rai-son de l’accroissement de l’espérance de vie au cours du siècle précédent,justifie en partie l’intérêt pour la stabilité financière et l’équité intergénéra-tionnelle qui sont étroitement liées. Comme le taux de mortalité a baissé,l’élément risque de l’assurance vieillesse a diminué de manière significa-tive, alors que l’élément épargne est devenu prédominant. Avec une com-posante risque moindre et une composante épargne plus importante, il estplus naturel, efficace économiquement et juste, de baser le montant de lapension individuelle sur les économies de toute une vie ou les cotisations,plutôt que sur le revenu de fin de carrière.

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La réforme du système de retraite suédois. Premiers résultats

1 Régime complémentaire public obligatoire, sur ce régime cf. l’article de L. Caussat etM. Lelièvre dans ce numéro (N.D.L.R.).2 La définition de l’équité entre les générations, que je préfère utiliser dans ce contexte, c’estun rapport exact entre les prestations de chaque classe d’âge et les cotisations. Pour des motifsqui sortent du cadre de cette analyse, les prestations et les cotisations devraient être minoréesde la croissance du revenu moyen dans le calcul du rapport prestations/cotisations.

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� Le rythme ex post de la réforme

Le processus de réforme du système de retraite suédois a été d’une longueurdécourageante. La première ébauche du rapport sur un nouveau système aété publiée en août 1992 par un comité qui avait lui-même désigné legroupe de travail sur les retraites 1. Ce rapport donna lieu à une brochure de89 pages parée de la traditionnelle couverture orange des publicationsministérielles. Il a été ébauché rapidement à partir de la fin 1991. Àl’époque, à la suite de l’élection générale de septembre, une coalition decentre-droit avait succédé à un gouvernement social-démocrate. Obtenir unlarge consensus sur la sécurité financière du système de retraite public figu-rait dans les priorités sur l’agenda du nouveau gouvernement. En l’occur-rence, tous les principaux membres des partis politiques appartenaient déjàà ce groupe. C’est parce que la question des retraites avait fait l’objet d’uneanalyse complète pendant les années quatre-vingt par un comité parlemen-taire – qui n’avait pas approuvé les propositions de modifier les prestationsdu système de retraite ATP 2, que le comité a été en mesure de présenter unesolution aussi rapide. Une autre raison tenait probablement au fait que legroupe avait une composition inhabituelle pour la Suède car ni les syndi-cats, ni les organisations patronales n’avaient été invités à participer auxnégociations.

Après l’accord politique et l’adoption par le Parlement des principes dunouveau système en 1994, le groupe de travail sur la réforme des retraitesest devenu un « groupe exécutif ». Il devait « prendre soin » de l’accord etmettre en œuvre les mesures décidées par le Parlement. Ce groupe étaitprincipalement composé des représentants des cinq partis politiques,ceux-là mêmes qui étaient à l’origine de la proposition de réforme, ilsétaient aidés par des experts économiques et juridiques. Toutes les loisproposées ont été soigneusement examinées au sein de ce groupe et approu-vées, souvent après de longues et difficiles négociations. Jusqu’à récem-ment, le président du groupe était le ministre en charge de l’assurancesociale, fait exceptionnel indiquant l’importance que le gouvernement atta-chait à cette question. L’existence et le statut du « groupe exécutif » au seindu ministère de la Santé et des Affaires sociales ont donné l’énergie, le pou-voir et la stabilité qui ont empêché probablement la réforme de sombrerdurant la période difficile de 1994-1998.

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1 Les membres de groupe de travail sur la réforme des retraites qui ont pensé la réforme et sontarrivés à un consensus sont Anna Hedborg et Ingela Thalén (sociaux-démocrates), MargitGennser (conservatrice), Bo Könberg (libéral), Åke Pettersson (centre) et Pontus Wiklund(Parti chrétien démocrate). Bo Könberg, Anna Hedborg et Ingela Thalén ont été ministres desAffaires sociales et ont présidé le groupe chargé de la mise en place de la réforme.2 Toutefois, le comité a proposé que la pension retraite de veuf/veuve, qui était égalementintégrée dans ce système, soit supprimée. Le Parlement a approuvé cette proposition, avec unepériode de transition très longue.

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Selon le projet de loi gouvernemental de 1994 sur les principes d’un nou-veau système de retraite, celui-ci aurait dû être opérationnel à partir du1er janvier 1996. Toutefois à cause des difficultés que cela créait, la loi n’apas été votée avant 1998. Les propositions au Parlement étaient soutenuesen permanence par quelque 85 % de ses membres. Cet important pourcen-tage en faveur de la réforme prouve à la fois le consensus à un haut niveaupolitique et la ferme discipline de parti, traditionnelle au sein du Parlementsuédois. Mais avant que les propositions n’atteignent le Parlement, elles ontdû, souvent, faire face à de vives résistances. Les difficultés ont été surmon-tées, et depuis 2003, la réforme et son administration sont complètementopérationnelles 1.

La période la plus critique a été celle qui a suivi l’adoption des principes dunouveau système de retraite par le Parlement en juin 1994 et qui a duréjusqu’à l’ébauche, puis au vote, en juin 1998, des principales lois. Durantcette période, les principes décidés en 1994 ont été inscrits dans la loi. Ceprocessus, qui a entraîné de nouvelles négociations au sein du gouverne-ment et entre les partis politiques qui avaient soutenu les principes du nou-veau système de retraite, s’est avéré plus exigeant, politiquement ettechniquement, que prévu. Le retard a été principalement dû au fait que laréforme a été soumise aux feux croisés de la gauche politique (les traditio-nalistes), au sein du parti social-démocrate, et du ministère des Finances.Les traditionalistes sociaux-démocrates n’aimaient pas cette réforme etestimaient qu’elle créerait des pensions de retraite d’un niveau si bas que cene serait pas acceptable, le ministère des Finances considérant pour sa partque cette réforme était trop chère.

Il est difficile de dire à quel point cette opposition était en mesure del’emporter et d’arrêter la réforme ; personne ne peut en être sûr. Notre intui-tion est que cela a failli être le cas, et que seules la détermination, l’habiletéde quelques-uns, la forte loyauté au sein du « groupe exécutif » de laréforme des retraites, ainsi qu’une part de chance ont sauvé le processus.

Un aspect surprenant du processus de réforme – peut-être le plus surprenantaprès le délai qu’il a nécessité – est que le résultat final est très proche de lapremière ébauche. Ce résultat est, probablement, dû tout autant à la logiqueinhérente aux conceptions des réformateurs qu’à leur implication dans lamise en œuvre.

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La réforme du système de retraite suédois. Premiers résultats

1 Toutefois l’acquisition de points de pension de l’ancien système ATP diminue chaque annéejusqu’à l’année 2007 ; après quoi le système ancien ne sera plus économiquement significatif.

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� Ce qui s’est passé – la direction de la réformesuédoise des retraites

Par essence, le système proposé par le groupe de travail sur les retraites étaitun croisement des principes des pensions publiques et des pensions privées.L’objectif recherché était bien de combiner les meilleurs aspects des deux –y compris la stabilité financière d’un système à cotisations définies, etl’efficacité économique d’un régime public par répartition. L’originalitédes idées présentées – du moins en Suède, car la conception du système esty perçue comme une innovation – avait un autre avantage supplémentaire etpolitiquement décisif : comme cette conception était nouvelle et qu’ellen’était celle d’aucun parti politique, il n’y aurait ni vainqueur, ni perdant exante si l’idée proposée était mise en œuvre.

La réforme substitue au système traditionnel à prestations définies (DB) etbasé sur les revenus d’activité, auquel s’ajoutait naturellement un régime uni-versel à taux uniforme, deux systèmes de retraite à cotisations définies(DC), complétés par une pension garantie. Dans le nouveau système, environ14 % des cotisations sont versés dans des comptes individuels fonctionnantpar capitalisation, les 86 % restants sont destinés au système par répartition.Les pensions de survie et les pensions d’invalidité qui faisaient partie del’ancien système de retraite ont été transférées dans des systèmes séparés.Ainsi, le nouveau système de pension concerne exclusivement les retraites (ycompris la réversion des pensions). L’ancienne pension à taux de cotisationuniforme (folkpension) a été remplacée par une pension dite garantie, quin’accorde une prestation supplémentaire qu’aux personnes qui n’ont qu’unefaible retraite. La retraite garantie n’est pas financée par des cotisations, maispar l’impôt sur le revenu. Les recettes nécessaires au financement de cesprestations équivalent à environ 2,5 % du total des salaires

Les systèmes à cotisations définies (DC) fonctionnent traditionnellementpar capitalisation. Dans la figure 2, les systèmes DC sont localisés dans lesparties I et II. Le dispositif figurant dans la partie I en haut à gauche nereprésente pas un authentique système DC, principalement parce que lesengagements du régime ne sont pas assurés par des actifs et qu’ainsi, leretour sur cotisations différera du retour sur investissement obtenu par lemarché. Afin de différencier les systèmes DC qui fonctionnent en capitali-sation de ceux qui sont gérés en répartition, on appelle souvent ces derniersdes comptes « notionnels » à cotisations définies 1 (notional definited con-tribution – NDC-Systems).

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La réforme du système de retraite suédois. Premiers résultats

1 « La technique des “comptes notionnels” individuels est, dans un régime par répartition, lemoyen d’enregistrer et de mesurer l’effort contributif effectif de l’assuré tout au long de sa car-rière professionnelle. Chaque cotisant est titulaire d’un compte individuel. Les cotisationsretraite qu’il verse chaque année sont inscrites sur son compte et forment un capital fictif ounotionnel ». Extrait de Laurent Vzernière, Questions retraite, no 2001-43 octobre 2001,« Suède : les récents développements de la réforme du système de retraite » (N.D.L.R.).

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Pour mémoire, les systèmes de retraite nationaux ont été universellementdes systèmes à prestations définies DB et presque entièrement financés enrépartition. Ils se trouvent dans la partie III de la figure 2. Ajoutons que lessystèmes de retraite publics ont couvert normalement à la fois les pensionsde survie et les risques d’invalidité.

Les principales différences dans la dynamiquedes systèmes DB et DC

Les évolutions démographiques et économiques qui conduisent éventuelle-ment aux modifications du taux de cotisation ou du montant des pensions,peuvent être appréhendées au niveau national comme des risques « nonassurables ». En principe, un système DB doit pouvoir couvrir ces risquesen modifiant le taux de cotisation. Mais en pratique, les systèmes DB àprestations définies sont plutôt connus pour gérer les risques non assurables

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Figure 2 : Quatre types de systèmes de retraite génériques et la réformesuédoise

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en ajustant également le montant des pensions par le biais de modificationsdes règles du système. Dans un système à cotisations définies, DC, (qu’ilsoit géré en capitalisation ou en répartition), l’adaptation du dispositif à cesrisques doit passer par l’ajustement du montant des pensions. Pour faireface à un déficit, une augmentation du taux de cotisation n’est pas viable àlong terme 1.

Le fait que les aléas économiques et démographiques doivent entraîner desajustements du niveau des prestations, peut être considéré comme un incon-vénient du système NDC. Mais, cette caractéristique peut précisément êtreégalement considérée comme le point fort de ce type de système. Cetteabsence de flexibilité du dispositif NDC favorise la discipline et oblige lelégislateur à gérer les risques existants de manière explicite, étant donnéque le système est capable de produire de l’information sur ces risques. Lebesoin d’informations sur les retombées des évolutions économiques etdémographiques, ainsi que la nécessité de disposer de ces informations,sont plus grands dans un système NDC que dans un système traditionnelDB géré en répartition. Par exemple, avec le nouveau système de retraite, lacroissance économique annuelle du pays est devenue une question présen-tant un intérêt financier individuel pour les retraités qui constituent, enSuède, un groupe très important et influent politiquement. Ce n’était pas lecas avec l’ancien système DB. De plus, la nécessité d’arbitrer entre reporterle départ en retraite ou accepter des taux de retraite plus bas – qu’induit uneaugmentation de l’espérance de vie – apparaît très explicitement dans lenouveau système.

� Le revenu donnant droit à une pension

Le revenu qui donne droit à une pension est principalement composé dessalaires annuels compris entre le revenu minimum imposable (≈ 9 000 cou-ronnes) et le revenu maximum imposable (306 750 couronnes en 2003).Sont également incluses dans les revenus donnant droit à une pension, tou-tes les prestations d’assurances sociales qui ont une nature de revenus deremplacement, comme les indemnités maladie, les prestations chômage, lesallocations d’invalidité ou de maternité/paternité. De surcroît, les années

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La réforme du système de retraite suédois. Premiers résultats

1 Dans le système NDC, on peut remédier à un déficit transitoire en augmentant le taux de coti-sation, mais cette option demeure risquée. S’il s’avère que la source initiale du déficit persiste,celui-ci peut s’aggraver, du fait que des cotisations plus élevées dans un système NDC impli-quent également qu’on perçoit un crédit retraite plus important. Dans les deux systèmes (parcapitalisation et NDC), le montant de la pension de retraite à long terme peut être augmenté oumaintenu grâce à l’augmentation des taux de cotisation, mais pas son montant à court terme.Quelques analystes ont considéré la « formule » NDC comme une autre version d’une formule« en prestations définies moyennes » ; (voir par exemple Cichon, 1999). Cette perception dudispositif néglige le fait que « les risques non assurables » doivent en principe, dans un systèmeà cotisations définies, être assurés en modifiant le niveau de la pension retraite plutôt que letaux de cotisation, comme c’est le cas avec le système NDC suédois.

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consacrées à la garde des enfants, ainsi que les années d’études et le servicenational obligatoire, donnent également droit à du crédit retraite (cf.figure 3). La garde des enfants ouvre des droits aussi bien aux femmesqu’aux hommes. Ce droit a été prévu dans la réforme, parce qu’on a jugé àla fois juste et politiquement nécessaire de minimiser ou d’éliminerl’impact négatif qu’aurait eu pour les femmes, la substitution de la formuleDB en formule de comptes notionnels NDC qui repose sur les revenus per-çus pendant la vie professionnelle.

Le crédit retraite pour les revenus de remplacement du système de protec-tion sociale, par exemple ceux liés à la garde des enfants, est financé sur unebase annuelle par des transferts correspondants du budget national vers lefonds de réserve (buffer fond). Aujourd’hui, environ 17 % du total des coti-sations et des crédits retraite proviennent de tels transferts.

� Transition de l’ancien vers le nouveau système

Les personnes nées en 1937, ou avant, verront leur pension de retraite cal-culée selon les règles de l’ancien système. Pour celles nées entre 1938 et1953, les pensions seront calculées sur la base des deux systèmes : ainsi lesassurés qui sont nés en 1938 recevront 16/20e de la pension qu’ils auraientobtenue avec l’ancien système ; les 4/20e restants provenant du nouveausystème, (4/20e de crédit retraite de l’ancien système depuis 1960 ont étéconvertis en crédit retraite dans le système NDC). Ceux qui sont nés en1939 recevront 15/20e de l’ancien système et 5/20e du nouveau, et ainsi desuite. Les personnes nées en 1953, année de transition, recevront 1/20e deleurs pensions de l’ancien système et 19/20e du nouveau. Pour celles néesen 1954 et après, tous leurs points de retraite dans l’ancien système ont étéconvertis en crédit retraite dans le système NDC.

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Figure 3 : Crédit retraite et base de cotisation retraite en 2001

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Depuis 2002, l’indexation des pensions sur les prix à la consommation quiprévalait dans l’ancien système a été remplacée, pour toutes les pensionsliées aux revenus (income pension), par une indexation sur les revenus,c’est-à-dire l’évolution du revenu nominal moyen, moins 1,6 %.

« La conversion rétroactive » des points de retraite accumulés dans l’anciensystème ATP en crédit retraite du nouveau système NDC, en même tempsque la modification de l’indexation, entraîne une transition relativementrapide de l’ancien vers le nouveau système. Depuis le 31 décembre 2002,72 % des droits à pension de la population active relèvent désormais dunouveau système et seulement 28 % de l’ancien.

� Comment le système notionnel DC fonctionne-t-il ?

Dans le système NDC, l’équivalent de 16 % de tous les revenus annuels dechaque assuré donnant droit à une pension de retraite, sera crédité chaqueannée sur son compte notionnel. Le montant correspondant sera transférémensuellement au fonds de réserve qui assure le paiement des pensions.« L’intérêt » gagné sur ce compte virtuel correspond soit à la progressiondu salaire moyen nominal (donnant droit à une retraite) mesuré selon unindice de revenus, soit à une estimation du taux de retour interne dans lesystème, mesuré selon un indice d’équilibre, détaillé plus loin. Chaqueannée, l’indexation des comptes notionnels sera augmentée des « gainshérités » 1, et réduits des coûts administratifs de gestion.

Il n’y a pas formellement d’âge légal de départ à la retraite dans le nouveausystème. Les droits à pension seront toujours accumulés et ajoutés auxcomptes notionnels (et financiers) tant que les personnes ont un revenudonnant droit à une retraite, quel que soit leur âge et qu’elles aient ou noncommencé à recevoir une pension. Les pensions peuvent être perçues à untaux de 25, 50, 75 ou 100 % et à partir de n’importe quel moment choisi parles individus après 61 ans, cela signifie qu’il n’y a pas d’âge maximum.

Les pensions du système par répartition sont calculées au moment du départà la retraite en divisant le solde du compte notionnel par ce qu’on appelle un« coefficient de conversion » (annuitization divisor). Celui-ci reflètel’espérance de vie pour les hommes comme pour les femmes au moment dela retraite. Cette espérance de vie est mesurée annuellement sur la based’une moyenne mobile sur cinq ans. De plus, l’annuité du compte virtuelest calculée au taux d’intérêt de 1,6 %. Par la suite, la pension est revalo-risée en fonction de l’augmentation de l’indice de revenus ou de l’indiced’équilibre, moins le taux d’intérêt. Le taux d’intérêt de 1,6 % est imputélors de la conversion en annuités pour atteindre une distribution plus proche

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1 Cf. glossaire en fin d’article (N.D.L.R.).

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des revenus réels pendant la retraite : étant donné que les pensions sontindexées annuellement sur l’augmentation des salaires moyens nominauxmoins 1,6 %, ou plus précisément, sont divisées par 1,016, elles serontfixées en termes réels uniquement si les salaires nominaux augmententd’exactement 1,6 % de plus que l’inflation.

Depuis 2002, cette nouvelle indexation basée sur l’augmentation du salairemoyen nominal divisée par 1,016 est aussi appliquée aux prestations devieillesse calculées avec les anciennes règles. Comme indiqué précédem-ment, selon ces règles, qui sont en vigueur depuis l’introduction du systèmeATP en 1960, les pensions étaient indexées sur l’évolution de l’indice desprix à la consommation (CPI). Dans la figure 4, il est clair que les retraitésont pu bénéficier depuis deux ans du changement des règles de calculannuel de leurs pensions. En 2002, les pensions ont augmenté en termesréels de 0,6 % 1 et de 1,8 % en 2003.

Toutefois, les prévisions pour 2004 indiquent que l’indice des revenus aug-mentera de seulement 1,0 % de plus que l’indice des prix à la consomma-tion ; ainsi la valeur réelle des pensions diminuera d’environ 0,6 %. La

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Figure 4 : Changements annuels (actuels et projection) des indicesdes comptes notionnels NDC – indices significatifs 2000-2006

1 Selon une législation spéciale nécessaire pour mettre en place progressivement le nouveausystème, les pensions ont été recalculées, en 2002, sur la base d’un indice des revenus divisépar 0,996 plutôt que par 1,016. Cela explique pourquoi la courbe « indice des revenus 1,016 »,croise la courbe « indice des revenus ». Depuis 2003, la première est située à une distanceconstante de 1,6 % en dessous de la courbe « indice des revenus ».

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projection pour 2005 et 2006 montre aussi que chaque année l’indexationdes pensions sera de 0,1 point de moins que l’indice des prix à la consom-mation. Néanmoins, les projections relatives aux pensions publiques liéesaux revenus prévoient qu’elles resteront plus élevées chaque année de 2002à 2006 que si on avait conservé l’ancien système. Il est un peu paradoxalque le système suédois ait été rendu stable financièrement et qu’en consé-quence les prestations de vieillesse aient – jusque-là – atteint le niveau quiaurait été le leur si l’ancien système avait été conservé.

Comme on a pu le relever, aussi bien dans les systèmes DC que NDC, leniveau des pensions est fonction du taux de retour réel ou « implicite » dusystème, et il est ainsi, en un sens, imprévisible. Cette caractéristique a étéavancée comme un argument en faveur de la réforme. En fait, il est impos-sible de dire que la réforme conduira nécessairement à des pensions plusfaibles ; l’augmentation ou la baisse éventuelles des pensions après laréforme résultent, en définitif, des évolutions démographiques et économi-ques. Les réformateurs ont argué du fait que, dans l’hypothèse où le sys-tème DB aurait requis soit une augmentation du taux de cotisations, soit unediminution des prestations, la réponse aurait été la deuxième solution, étantdonné que le système économique n’aurait pas supporté des augmentationsdu taux de cotisation. Or il est préférable d’appliquer ces réductions deprestations par le biais de mesures « transparentes » et coordonnées, prisesen temps utiles et automatiquement au sein d’un système NDC qui, contrai-rement à un système DB, accordera également des pensions automatique-ment plus élevées, avec un taux de cotisation fixe, lorsque l’économie lepermettra. Pour le dire plus crûment, si un système DB était transformé enun « nouveau système » DB, il serait facile de déterminer qui gagnerait etqui perdrait dans un tel changement. Avec une modification aussi radicaleque la transformation d’un système DB en un système NDC, il n’est pas sifacile d’identifier les perdants et les gagnants.

Les coefficients de conversion – la source principalede la stabilité financière

Les coefficients de conversion, un pour chaque âge après 64 ans, sont déter-minés pour tous les individus de la même classe d’âge l’année où celle-ciatteint 65 ans. Si l’espérance de vie augmente, le même capital virtuel accu-mulé produira une pension annuelle plus faible pour les classes d’âge plusjeunes si la conversion en une pension annuelle est réalisée au même âge.Pour maintenir un niveau fixe de pension lorsque l’espérance de vie aug-mente, le départ à la retraite doit être retardé. Le tableau 1 montre l’accrois-sement de l’espérance de vie à l’âge de 65 ans projetée en 2003 par lesStatistiques suédoises. Il montre, en outre, l’effet prévu sur les pensionslorsque l’âge de départ à la retraite reste le même, ainsi que la modificationnécessaire de l’âge du départ à la retraite pour garder le même niveau depension.

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La réforme du système de retraite suédois. Premiers résultats

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Tableau 1 : Projection de l’augmentation de l’espérance de vie, conséquencessur les niveaux de pension ou sur l’âge de départ à la retraite

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1940 2005 15,7 0 % (âge de 65 ans) 18 ans et 6 mois1945 2010 16,1 -2 % +4 mois +6 mois1950 2015 16,4 -4 % +7 mois +11 mois1955 2020 16,7 -6 % +10 mois +16 mois1960 2025 17,0 -7 % +13 mois +20 mois1965 2030 17,2 -9 % +16 mois +24 mois1970 2035 17,4 -10 % +18 mois +28 mois1975 2040 17,7 -11 % +21 mois +32 mois1980 2045 17,9 -12 % +23 mois +35 mois1985 2050 18,0 -13 % +25 mois +38 mois1990 2055 18,2 -13 % +26 mois +41 mois

Source : Direction des assurances sociales nationales, The Swedish Pension System, rapport annuel 2002.

Dans le système NDC, le coefficient de conversion (annuitization divisor) estl’élément principal de la stabilité financière. Les réformateurs du système sué-dois de retraite ont eu relativement peu de problèmes à défendre cette méthodepédagogique et actuarielle pour atteindre la stabilité financière et, pourrait-ondire, l’équité entre les générations. Comme tous les systèmes publics de retraiteDB, l’ancien système suédois de retraite DB tendait à subventionner lesdéparts précoces à la retraite. Comme l’espérance de vie augmente, le montantdes subventions aussi. La suppression de telles augmentations automatiques desubventions, avec leurs effets négatifs sur l’économie, est l’un des aspectsimportants de la réforme suédoise des retraites.

� Le fonds de réserve du système NDC

Le système NDC possède un fonds de réserve (buffer fund) relativementimportant, composé en fait de quatre fonds de pensions nationaux. L’objec-tif premier de ce fonds est de réguler les effets démographiques, de tellemanière que de simples variations de la taille des classes d’âge, sachant quele taux de cotisation est fixe, ne doivent pas trop modifier la valeur des pen-sions entre les différentes classes d’âge.Chaque fonds de réserve a à sa tête son propre conseil d’administrationnommé par le gouvernement. S’agissant des politiques d’investissement,ces fonds doivent, de par la loi, ne prendre en compte que ce qui est optimal

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pour les assurés. Ces fonds ont été établis le 1er janvier 2001, date à laquelleils ont hérité d’un capital de 540 milliards de couronnes (environ 54 mil-liards d’euros) des « anciens » fonds de réserve, qui ont été répartis équita-blement entre les différents fonds. Bien que le ratio montant total desactifs/dépenses ait été de presque de 400 %, par rapport au montant deretraites dû le fonds de réserve n’excédait par 10 %.La réforme des retraites a entraîné une libéralisation significative de la poli-tique d’investissement de ces fonds. À partir du 1er janvier 2001, seuls 30 %des actifs doivent être investis dans des obligations. En d’autres termes,jusqu’à 70 % des actifs peuvent être investis dans des actions. Au maximum40 % des actifs, peuvent être exposés aux risques de change. Il existe d’autresrestrictions en matière d’investissement qu’il n’est nul besoin ici de citer.Quoiqu’indépendants, les fonds de réserve ont choisi des stratégies d’investis-sement similaires. Au cours du printemps et de l’été 2001, ils ont mis au pointleurs portefeuilles avec un mélange d’investissements jugé optimal sur le longterme. On a considéré que ce mélange optimal était composé de 60 % des pla-cements en actions et 40 % en obligations. En termes absolus, la performanced’investissement a, d’ores et déjà, été extrêmement faible, avec des pertes tota-les de 25 milliards de couronnes (moins 5 %) en 2001 et de 85 milliards de cou-ronnes (moins 15 %) en 2002. En termes relatifs, c’est-à-dire par rapport aumarché en général et à leurs portefeuilles de référence respectifs, les fonds deréserve ont enregistré marginalement de meilleurs résultats. Au 31 décembre2001, ces fonds s’élevaient au total à 487 milliards de couronnes, et le ratiofonds/paiement est tombé à 320 %. Les conséquences possibles de ces pertesainsi que le débat qui a suivi sont brièvement présentés ci-dessous.Par ailleurs, un transfert de quelque 250 milliards de couronnes de l’ancienfonds vers le budget de l’État a été effectué en 1998-2000. Ce transfertreprésentait une forme de compensation de la part du système de pension,au budget de l’État pour l’augmentation des coûts due à la réforme. La dettenationale a été réduite des actifs transférés (obligations du gouvernement).La taille du fonds de réserve initial a été déterminée en calculant le montantpouvant être transféré sans jamais déclencher le « mécanisme d’équilibreautomatique » (automatic balance mechanism) (voir ci-après) au cours dela période 2001-2050, dans le cadre d’un scénario spécifique. En bref, cescénario reprenant les projections démographiques des Statistiques natio-nales suédoises, se fondait sur l’hypothèse de modèles « récents » de l’évo-lution des revenus en fonction de l’âge, sur une croissance annuelle de 2 %du revenu moyen et sur un rendement réel de 3,25 % du fonds de réserve.

� Le système des comptes individuels d’épargne retraiteDans le nouveau système (système DC), la base de cotisation au système decomptes d’épargne (système FDC), est identique à celle du système descomptes notionnels (système NDC). Les cotisations dans les deux systèmes

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La réforme du système de retraite suédois. Premiers résultats

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sont collectées ensemble. Lorsque 1 le montant des cotisations pour l’annéefiscale est définitivement établi, la Premium Pension Authority (PPM),l’agence chargée d’administrer le système par capitalisation, distribue lescotisations en un versement global aux fonds mutuels choisis par les assurés.En principe, tout fonds d’investissement qui se conforme à la directiveUCIT et qui accepte la structure des droits et les demandes contractuelles dela PPM est accepté dans le système de retraite par capitalisation (PremiumPension System). Au 31 décembre 2002, le système FDC incluait 644 fondsdifférents, gérés par 87 gestionnaires. L’assuré peut choisir un maximum decinq fonds différents et il peut en changer autant de fois qu’il le souhaite. Lenombre moyen de fonds choisis par les assurés est de 3,7 actuellement. Lescotisations des personnes qui ne donnent pas de réponse lorsque la PPMleur demande de choisir un fonds sont orientées dans un ou plusieurs fondsdéfinis par défaut. Le capital de chaque individu est augmenté des cotisa-tions annuelles et du rendement des investissements. En outre, les « gainshérités » sont ajoutés et les coûts de gestion administratifs déduits, tout celasur une base annuelle.Lorsqu’ils partent à la retraite, les assurés peuvent choisir de convertir leurcapital soit en annuités à intérêt fixe, soit en annuités variables. Dans le pre-mier cas, la PPM assume (c’est-à-dire répartit) le risque de longévité (lorsquela durée de vie effective de la classe d’âge excède l’espérance de vie estimée)ainsi que le risque d’investissement (lié aux placements financiers). Dans lesecond cas, la pension mensuelle est recalculée chaque année, et dépend duretour sur investissement des fonds choisis par les individus et des modifica-tions de l’espérance de vie de la classe d’âge à laquelle ils appartiennent.Ainsi, dans ce cas, c’est la cohorte assurée qui supporte le risque de longévitéet ce sont les personnes assurées qui assument le risque d’investissement.Toutes les informations entre les assurés et le fonds transitent par la PPM ;en fait, en général, les fonds de placement externes ne savent pas qui sontleurs clients. De leur point de vue, c’est la PPM le client. Elle négocie lescharges et agit comme le ferait un organisme de compensation bancaire ausein du système. Le coût total de fonctionnement du système est estiméactuellement à 0,75 % des actifs, la PPM coûtant pour sa part 0,3 %. Onsuppose que le coût total de fonctionnement diminuera peu à peu, à mesureque le système devient plus mature, probablement jusqu’à 0,25 % desactifs. Les différents fonds chargent des frais de fonctionnement différents,et la PPM négocie des rabais auprès des fonds pour les assurés.

Choisir ou ne pas choisirÀ l’automne 2000, il a été demandé à plus de 4 millions de Suédois de choisirun fonds de placement. 66 % d’entre eux ont répondu à cette demande.

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1 Le délai moyen est de dix-huit mois en attendant la détermination finale de l’impôt annuel.Pendant cette période, les cotisations sont augmentées d’un taux d’intérêt du marché ; la PPMest chargée de ces investissements.

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Depuis, une telle requête est adressée chaque année à tous ceux qui ont verséleur première cotisation (2,5 %) au système, mais le pourcentage des person-nes qui formulent un choix a rapidement chuté, comme le révèle le tableau 2.

Tableau 2 : Taux de choix d’un gestionnaire de fonds

Année Nombre de demandesfaites auprès des assurés

Pourcentage de ceuxqui font leur choix

2000 4 400 000 66 %2001 490 000 18 %2002 195 000 14 %2003 173 000 8 %

Une des raisons de la baisse dramatique du nombre de personnes qui formu-lent un choix en faveur d’un fonds, vient du fait que la première phase desélection a, en 2000, impliqué l’investissement des cotisations accumuléessur quatre ans (1995-1998) ; de ce fait, le capital concerné a été substantiel-lement plus important en 2000 que durant les années qui ont suivi. De plus,la communication et la publicité associées à cette démarche ont été plusimportantes en 2000. Le fait également que l’âge moyen de ceux qui effec-tuent leur choix pour la première fois a été considérablement plus bas en2001-2003 qu’en 2000, peut également avoir contribué au désintérêt géné-ral, de même que la chute dramatique de la valeur des actions depuis 2000.Si l’on exclut cette première année, les femmes ont été légèrement plus acti-ves que les hommes dans le choix des fonds.

Les actifs de ceux qui, initialement, n’avaient choisi aucun fonds de place-ment externe ont été transférés au fonds désigné par défaut et séparé desautres, appelé « septième fonds AP », qui est géré par une agence gouverne-mentale indépendante. Ce fonds, qui a toute liberté dans le choix des place-ments, a investi environ 90 % dans des actions et 10 % dans des obligations.Tous les assurés ont la possibilité de faire un choix actif à n’importe quelmoment de la phase d’épargne ; une fois le choix fait, les personnes seronttraitées comme n’importe quelle personne ayant fait un choix. Les assurésdemandent peu à changer de fonds, même s’il n’y a virtuellement aucune res-triction à changer de fonds et même si cela ne coûte rien.

Des pertes énormes en termes absolus – des pertesfaibles au regard du capital total des pensionsnotionnelles publiques

Les fonds choisis par les individus comme le fonds par défaut (septièmefonds) ont investi à hauteur environ de 90 % des actifs en actions 1. Dans le

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La réforme du système de retraite suédois. Premiers résultats

1 Toutefois, il y a des fonds à revenus fixes au sein du système PPM.

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contexte de la baisse du prix des actions depuis 2001, cette stratégied’investissement a conduit à une perte d’environ 40 % du capital investidans le régime par capitalisation (Premium Pension System). Trouverquelque chose de positif à dire sur cela est un défi. Le seul réconfort danscette situation est que le capital investi dans ce système demeure très faibleau regard des actifs virtuels des assurés dans le système par répartition, quiont progressé rapidement pendant la même période, grâce à l’augmentationdu revenu moyen. Si le rendement des capitaux investis du régime par capi-talisation avait été nul au lieu de moins 40 %, ce capital aurait représenté1,8 % du total des capitaux réels et notionnels des assurés du système deretraite public. Ainsi, la perte réelle de 40 % représente moins d’1 % ducapital virtuel total.

Ces pertes ont bien sûr terni la réputation du nouveau système et de laréforme tout entière, étant donné, surtout, qu’une grande partie de l’opinionperçoit la réforme des retraites comme synonyme de l’introduction d’unepetite composante de capitalisation. Néanmoins, l’instabilité des prix desactions est en général bien acceptée, et la tendance à la baisse a jusqu’iciprovoqué peu d’émoi. Par ailleurs, vu que le capital investi dans le systèmedes comptes épargne retraite demeure limité, les pertes n’ont eu qu’un effetmarginal sur le montant des pensions.

Ces pertes, « compensées » par les fonds de réserve du système par réparti-tion, ont provoqué entre 2001 et 2002 la baisse de 1,03 à 1,01 % du ratioentre, d’une part, les actifs du fonds de réserve et le flux de cotisations et,d’autre part, le passif des pensions, soit le ratio d’équilibre. Cette réductionde la solvabilité a accru le risque d’un déclenchement du « mécanismeautomatique d’équilibre » (voir ci-après). Dans ce cas, le taux de revalori-sation du capital virtuel et des pensions est diminué au moins temporaire-ment. Comme les pertes des fonds de réserve ont seulement réduit lasolvabilité de 2 %, on peut penser qu’elles ont eu des conséquences proba-blement plus psychologiques qu’économiques en terme d’accroissementdu risque de diminution des prestations retraite. La psychologie, ou l’imageque les assurés ont du nouveau système, est probablement aussi importanteque la réalité économique, et les pertes substantielles des fonds de réserveont été une mauvaise expérience pour les réformateurs du système deretraite.

� La pension de retraite garantie – un élément dusystème DB qui demeure dans le nouveau système

Les personnes qui ont toujours eu de faibles revenus, ont accumulé un capi-tal virtuel et financier limité. Elles ont alors droit à une pension minimumsupplémentaire, appelée « pension garantie ». Cette dernière n’est pas

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financée par les cotisations au système de pensions liées aux revenus sala-riaux, mais par l’impôt sur le revenu.

Pour y avoir droit, il faut avoir 65 ans au moins et habiter la Suède ou unautre pays de l’Union européenne ou de l’Espace économique européenavec lequel la Suède a signé une convention. Pour une pension garantie« complète », il faut en principe avoir résidé quarante ans en Suède aprèsl’âge de 25 ans. La pension garantie est conçue comme un supplément de laretraite publique liée à l’emploi 1. Pour les retraités isolés qui ne touchentpas cette dernière, la pension garantie s’élève à 2,13 fois le montant de base(réel, c’est-à-dire corrigé de l’évolution des prix) ; à 1,90 fois cette base parpersonne pour les couples mariés 2. La pension garantie est réduite du mon-tant intégral de toute pension complémentaire publique liée à l’emploiperçue, égale à 1,26 fois la base réelle (pour les couples mariés, 1,14 foispar époux). La pension garantie est également réduite de 48 % de toute pen-sion liée à l’emploi qui excède ces mêmes taux. Elle peut donc être nullepour les personnes touchant une retraite liée à l’emploi d’un montant égal à3,07 fois la base (2,72 pour les couples mariés) ou plus. Le barème de lapension de retraite garantie est décrit dans le diagramme ci-dessous.

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La réforme du système de retraite suédois. Premiers résultats

Figure 5 : Pensions de retraites annuelles liées aux revenus et pensionsde retraite annuelles garanties. En 2003, le montant de base indexésur l’évolution des prix à la consommation était de 38 600 couronnessuédoises (≈ 3 860 euros)

1 En fait, la garantie est calculée comme supplément à la pension de retraite de l’ancien sys-tème DB, des pensions ATP et NDC ; le montant actuel de la pension en capitalisation n’est paspris en compte. Cette situation particulière tient essentiellement à des motifs administratifs, etle projet de loi indique qu’elle peut être modifiée.2 En 2003 cette base est de 38 000 couronnes suédoises.

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La pension de retraite garantie dépend, chaque année, de l’évolution del’indice des prix à la consommation (CPI). Cela implique que le montant depension reçu par les personnes qui ne touchent qu’une pension de retraitebasée sur leurs anciens salaires différera du montant total de pensions perçupar les personnes qui reçoivent également une pension de retraite garantie.Si le revenu nominal moyen augmente à un taux excédant le CPI de plus de1,6 %, la pension totale de ceux qui touchent une retraite garantie augmen-tera plus lentement que la pension de ceux qui n’ont qu’une retraite liée àl’emploi. D’autre part, si le revenu nominal moyen augmente à un tauxexcédant le CPI de moins de 1,6 % (ce qui donnerait une situation oùl’indexation des retraites liées aux revenus serait moindre que le CPI et oùles pensions diminueraient en valeur réelle), la retraite totale de ceux quitouchent une pension garantie augmentera plus vite. Les personnes tou-chant une retraite liée à l’emploi en dessous de 1,26 (ou 1,14 selon le cas)fois la base corrigée par les prix, ne seront pas du tout concernées par unecroissance plus faible ou plus importante du revenu moyen ou par le méca-nisme d’équilibre automatique. Comme la pension de retraite garantie n’aété mise en place que pour contrebalancer l’importance de la pension deretraite proportionnelle au salaire, elle n’est pas assimilable à une prestationsous conditions de ressources au sens traditionnel du terme.

Le dilemme posé par la pension de retraite garantie –la question des incitations à travailler

Les personnes nées en 1938 sont les premières à avoir droit à la pension deretraite garantie selon les nouvelles règles. 30 % de celles qui sont néescette année-là et qui sont parties à la retraite entre janvier et avril de l’annéeen cours ont droit à une pension de retraite garantie. Étant donné que, pourbeaucoup, cette dernière est faible, le coût est mineur par rapport à leurretraite liée à l’emploi. Le pourcentage est légèrement moins élevé quecelui qui résultait de la projection faite en 1998. En 2003, le coût total de lapension de retraite garantie est estimé, pour les personnes nées en 1938 etavant, à 16 % du coût total de la retraite liée aux revenus. Si l’indexation surles prix de la pension garantie ne change pas, et si le revenu moyen croît entermes réels, le coût de cette pension de retraite et le nombre de personnes larecevant chuteront. Même avec une croissance réelle modérée, la baisse ducoût est rapide.

La taille et l’importance de la pension de retraite garantie ont fait l’objet devastes débats. Si l’on en croit certains, le nombre de personnes recevant unepension de retraite garantie sera si important qu’elle neutralisera l’effetrecherché initialement d’une réduction des « distorsions » sur le marché dutravail – un des objectifs de la réforme des retraites –. L’argument prendd’autant plus de poids que le plafond des revenus donnant droit à uneretraite est relativement bas. D’autres estiment que la pension garantie esttrop faible pour donner un niveau de vie décent.

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Malheureusement, les deux arguments sont tout à fait valables. Avec la pen-sion de retraite garantie, surtout si elle est combinée avec des allocations loge-ment et de la prise en charge – en fonction des revenus – des centres de longsséjours et d’autres formes de soin, il est en effet impossible pour beaucoup detravailleurs percevant de faibles revenus d’améliorer leur train de vie, une foisà la retraite, en travaillant plus ou en gagnant plus. Pour ces personnes, l’essen-tiel ou la totalité des cotisations destinées au système de retraite par répartitionsera effectivement un impôt. Cela est tout à fait déplaisant pour les personnesen charge de la réforme du système qui ont travaillé très dur – et avec succès –pour maintenir le caractère actuel du système par répartition.Néanmoins, les problèmes de désincitation au travail ne sont pas nouveaux.Ils étaient tout aussi graves dans l’ancien système et le nouveau en a hérité.De fait, il y a un dilemme inéluctable : soit un nombre significatif de per-sonnes deviendront relativement plus pauvres, soit un système « géné-reux » fera qu’il sera plus difficile pour les personnes relativement pauvresd’améliorer leurs revenus en travaillant plus. Le choix d’une indexation surles prix de la pension garantie est pour les personnes en charge de laréforme le problème le plus urgent à régler aujourd’hui : en effet, les assu-rances sociales, les impôts et les autres contributions sont tels que les gensrelativement pauvres ont du mal à améliorer leur situation économique.

� Informations annuelles – « l’enveloppe orange »suédoise

Tous les assurés de plus de 26 ans qui n’ont pas encore commencé à toucherune pension pleine reçoivent un relevé annuel comprenant des informationssur les modifications et l’état actuel de leurs comptes notionnel et financier.Ce relevé montre comment le dernier bilan a évolué par rapport à celui del’année précédente ; il fait également état du nouveau crédit retraite en cou-ronnes accumulé l’année précédente (c’est-à-dire les cotisations payées parles assurés, leurs employeurs et, parfois, le gouvernement avec les recettesfiscales générales), du montant de l’indexation en couronnes, de celui des« gains hérités » et de la réduction due aux frais administratifs. Au momentdu départ à la retraite, le coefficient de conversion est appliqué au capitalretraite virtuel afin de calculer la pension.Ce relevé annuel présente aussi des projections pour la pension de retraitepublique des assurés, autrement dit le NDC, auquel s’ajoutent la pension encapitalisation et la pension garantie. La projection montre ce que serait lapension de retraite pour trois âges de départ à la retraite – 61, 65 et 70 ans –et pour deux taux de croissance du revenu moyen différents – 0 et 2 %.Dans un scénario avec un taux zéro, le rendement de la retraite par capitali-sation est supposé être de 3,5 %, net des coûts de gestion. Dans le cas d’untaux de croissance à 2 %, il serait de 6 %. C’est surtout cette dernière hypo-thèse qui a été critiquée ; on l’a accusée d’être trop optimiste. Ses défen-seurs ont avancé qu’une hypothèse de rendement net de 6 % représentait la

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La réforme du système de retraite suédois. Premiers résultats

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moyenne observée par le passé pour un portefeuille composé à 90 % enactions et à 10 % en obligations – en gros, la « stratégie » d’investissementactuelle des acteurs du système géré en capitalisation. En un sens, cette pro-jection s’autocorrige parce qu’elle part toujours de la valeur réelle du capi-tal du fonds et de la valeur réelle du capital virtuel dans le système NDC.Depuis 1998, la Direction des assurances sociales nationales (RFV) etl’agence PPM ont tenté de sonder l’opinion à propos du nouveau systèmede retraite. Chaque année, ainsi environ 1 000 personnes sont interrogéespar téléphone. On leur demande notamment si elles se souviennent avoirreçu les informations annuelles (« l’enveloppe orange » 1), si elles les ontlues, ce qu’elles ont lu, etc.Le tableau 3 présente les résultats sur quelques questions de l’étude.

Tableau 3 : Vous sentez-vous concerné(e) par les retraites ?Proportion en pourcentage*

1998 1999 2000 2001 2002 2003

Nombre de personnes interrogéesentre 18 et 62 ans 1 000 1 000 1 000 1 000 1 000 1 000Q : à 1 000 personnesSavez-vous que nous avons décidéla mise en place d’un nouveau systèmede retraite ? 81 93 92 87 85 93Q : à 1 000 personnesVous rappelez-vous avoir reçu un relevéde votre retraite publique ? (« l’enveloppeorange ») - 86 93 89 91 86Q : aux personnes qui se rappellentl’avoir reçueAvez-vous ouvert l’enveloppe ? - 75 81 80 81 78Q : parmi celles qui ont répondu « oui »,pourcentage de celles qui ont :– lu toutes les informations (six pages) - 18 12 12 12 13– lu la plupart des informations - 15 18 17 15 13– lu une partie des informations - 36 34 40 37 40– seulement jeté un œil aux informations - 31 35 31 35 34– ont été désagréablement surprises– par les informations - 37 32 20 22 22– ont été agréablement surprises– par les informations - 5 7 9 6 5– n’ont été ni agréablement,– ni désagréablement surprises– par les informations - 41 43 50 53 48– ont comparé les informations– avec celles reçues l’année précédente - - - - 30 27

* Pour les valeurs autour de 50 %, des modifications supérieures à 4,4 points sont statistiquement signi-ficatives à un niveau de confiance de 95 %. Pour les valeurs autour de 20 %, les modifications supérieu-res à 3,5 points sont statistiquement significatives à un niveau de confiance de 95 %.

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1 Les publications ministérielles en Suède ont une couverture orange, cf. supra (N.D.L.R.).

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Questions administratives et coûts

Un nouveau système informatique a été mis en place pour gérer les archiveset les prestations de l’ancien et du nouveau système. Ce projet coûteux degrande ampleur semble apparemment un succès. Depuis le 1er janvier 2003,toutes les pensions de retraites sont calculées et payées avec cette nouvellestructure informatique. Une part substantielle des coûts aurait probable-ment existé sans la réforme, étant donné que l’ancien système informatiqueavait besoin d’être remanié.

Le système par capitalisation requérait lui aussi un nouveau système infor-matique. La première tentative pour en concevoir un a échoué et a conduit àune bataille juridique avec le consultant concerné. Ce problème a retardé lelancement du système de plus d’un an et a généré beaucoup de débats et decritiques. Toutefois, le système finalement mis sur pied a été opérationneldès le début, et cette question semble désormais plus ou moins réglée.

Le coût d’administration du système NDC est actuellement de quelque0,05 % du capital notionnel, et de 0,9 % des cotisations. La moitié de cecoût relève de la gestion des fonds de réserve et l’autre moitié de la gestionadministrative de l’assurance. Le coût administratif du système par capita-lisation est estimé autour de 0,3 % du capital accumulé. La gestion des poli-tiques d’investissements s’élève à environ 0,4 % du capital accumulé.Comme on l’a dit, le ratio élevé des coûts par rapport aux actifs du régimeest censé diminuer de manière substantielle jusqu’à environ 0,25 %, avec lamontée en charge du système. Malheureusement, et c’est plutôt surprenant,les coûts de gestion administrative du système FDC n’ont pas suscité dedébat. On peut espérer que cela évoluera.

� Mécanisme automatique d’équilibreet rapport annuel du système NDC 1

L’un des premiers objectifs du système NDC est de garantir une relationstable entre la pension de retraite moyenne et le revenu moyen. En consé-quence, le taux de revalorisation du capital virtuel et des pensions deretraite est fondé sur l’évolution du revenu moyen. Toutefois, cette dernièrepeut dévier du rendement implicite du système NDC. L’indexation basée

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La réforme du système de retraite suédois. Premiers résultats

1 Un débat est en cours depuis 1994 concernant « les mérites des systèmes notionnels » encotisations définies DC. L’une des critiques à l’égard des NDC est qu’ils ne seraient pas finan-cièrement stables (Valdés-Prieto, 2000 ; Disney, 1999), contrairement à ce que prétendent plusou moins explicitement leurs partisans (Palmer, 2000 ; Fox et Palmer, 1999). Cette critique desNDC est injustifiée, au moins dans le cas particulier du système suédois. L’ébauche généraledu mécanisme d’équilibre était décrite dans l’histoire de la législation de l’indice des revenuset du mécanisme automatique d’équilibre (1997, en suédois). Pour une introduction en anglaisau mécanisme d’équilibre, voir Settergren, 2001.

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sur les changements du revenu moyen impliquera un rendement du capitalvirtuel et des pensions plus élevé que le rendement implicite du systèmeNDC si, par exemple, le nombre de personnes qui travaillent diminue. Cesera le cas si cette diminution est due à une baisse du taux de participationde la population active ou à des facteurs démographiques, comme un faibletaux de natalité.

Il y a bien d’autres raisons pour lesquelles le taux de revalorisation du capi-tal virtuel et des pensions de retraite par le taux d’évolution du revenumoyen soit supérieur (ou inférieur) au rendement implicite du systèmeNDC. Par exemple, si l’espérance de vie augmente, le coefficient deconversion s’avérera, après coup, avoir été calculé de manière trop géné-reuse. Autre exemple, très intéressant aujourd’hui : lorsque le rendement dufonds de réserve est inférieur à l’augmentation du revenu moyen. C’estessentiellement ce manque de rendement compensé par le fonds de réserveen 2002, qui a été la raison pour laquelle le rendement implicite du systèmea été inférieur au taux d’évolution du passif du régime (les engagements durégime composés des pensions en cours de paiement et des droits acquis)cette année.

Le mécanisme d’équilibre automatique a été mis au point pour stabiliserfinancièrement le système, tout en indexant le passif du régime sur lerevenu moyen aussi souvent que possible. Le mécanisme d’équilibre estconstitué par des règles de calcul annuel et de présentation des actifs et despassifs du système par répartition, qui permettent ainsi d’établir un bilancomptable. L’estimation des actifs constitués par le flux de cotisations estdéterminée à l’aide du concept de la « durée estimée de roulement » (expec-ted turnover duration) – à ma connaissance, il s’agit d’un concept nouveau.C’est une mesure du roulement des engagements du régime. La formule decalcul des actifs et des engagements du système est définie par la loi.Excepté le fonds de réserve, qui est calculé sur la base des transactions dumarché, le calcul utilisé dans le mécanisme d’équilibre automatique sefonde exclusivement sur les transactions enregistrées dans le système deretraite. Ainsi, il n’y a pas d’éléments de prévision dans le calcul du bilancomptable. Le statut financier du système est formalisé par le ratio d’équi-libre, c’est-à-dire l’actif (fonds de réserve et valeur du flux de cotisations)sur passif (les engagements du régime).

Lorsque le passif excède les actifs, la base d’indexation se transforme auto-matiquement en une estimation du rendement implicite du système, ajus-tant ainsi automatiquement le niveau des pensions. La figure 6 illustrecomment le travail d’équilibrage fonctionne lorsqu’il est tout d’abordactivé avant d’être interrompu 1.

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1 Pour une explication détaillée du mécanisme d’équilibre automatique, voir l’histoire de lalégislation de la réforme (en suédois) ou la description non technique dans Settergren (2001),ainsi que le Rapport annuel sur le système de retraite suédois qui donne des informations sur lemécanisme d’équilibre.

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Avec la croissance du revenu moyen comme « principal » indice de revalo-risation et les interventions dans le système uniquement lorsqu’il est néces-saire de sécuriser son bilan financier, la volatilité du niveau des retraitessera minimisée par rapport à d’autres options. La structure asymétrique del’indexation du nouveau système suédois par répartition a été rendue pos-sible parce qu’on a mis en évidence l’aspect important du temps au sein dusystème. L’inverse de la « durée estimée de roulement » peut être vucomme le taux d’escompte pour évaluer le flux des cotisations dans un sys-tème par répartition.

Le mécanisme d’équilibre assure la stabilité financière du NDC et pourvoità ce qui peut être appelé la comptabilité actuarielle, une forme de comptabi-lité à double entrée pour un système par répartition. La méthode a été uti-lisée dans le Rapport annuel du système de retraite suédois pour 2001 et2002. Ces publications montrent une nouvelle manière de présenter lesinformations sur le statut financier et l’évolution d’un système de retraitepublic par répartition. Les résultats ressemblent beaucoup à ceux d’unesociété d’assurance privée 1.

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La réforme du système de retraite suédois. Premiers résultats

Figure 6 : Indice des revenus et indice d’équilibre

BR : ratio d’équilibre.

1 Les Rapports annuels du système suédois de retraite sont disponibles à l’adresse suivante :www.rfv.se/english/publi/index.htm.

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� Quelques remarques en guise de conclusion

Jusqu’à présent, il n’y a eu aucune tentative d’évaluation des résultats de laréforme suédoise des retraites. De fait, tout effort sérieux en ce sens seraitprématuré. Toutefois, on peut tirer des conclusions précises sur certainspoints techniques. Les réformateurs ont réussi à créer un système danslequel chaque cotisation correspond en principe à un crédit de retraite etdans lequel aucun crédit retraite n’est garanti sans cotisation correspon-dante. Les exceptions à cette règle sont vraiment mineures et attribuablesaux imperfections administratives. De plus, l’objectif de stabilité financièrea été rempli – probablement même dans une plus grande mesure que ce quiétait estimé possible en 1994. Est également tenue la promesse que, dans lenouveau système, la retraite moyenne serait égale à celle de l’ancien sys-tème lorsque sont remplies les conditions suivantes : une croissancemoyenne de 2 %, quarante années de travail et la même espérance de viequ’en 1994 1. Le Rapport annuel du système suédois de retraite montre quecet objectif, ainsi que celui de la stabilité financière ont été atteints.

Même si le nouveau système devait, pour une raison quelconque, être sup-primé dans un futur proche – ce qui est très improbable –, il est, selon nous,juste de dire que la réforme a été une avancée politique majeure. Les cinqpartis politiques ont réussi à supprimer un programme d’assurance socialetrès populaire qui s’était avéré non viable et économiquement domma-geable, et à le replacer dans une logique cohérente et dans une structurefinancière viable. Normalement, logique et cohérence ne caractérisent pasles résultats des négociations politiques, mais la réforme suédoise desretraites est à cet égard une exception. Cette réforme a été un succès en ter-mes de mise en place administrative qui, quoique longue et coûteuse, anéanmoins évité des revers sérieux. Certaines des innovations de ce sys-tème sont peut-être aussi des avancées intellectuelles.

En effet, la réforme suédoise du système des retraites est tellement exception-nelle à plusieurs titres qu’on est étonné qu’elle se soit concrétisée. De nom-breuses délégations de pays où les retraites constituent un fardeau, qui se sontrendues en Suède pour étudier le nouveau système, sont justement surprisesde ce qui a été fait. Dans leurs efforts pour comprendre le processus suédois,ni ces visiteurs, ni les commentateurs suédois n’ont réalisé que cette réformeétait plus qu’une simple affaire de réduction des coûts. Plus largement, laréforme allait améliorer un système public de retraite défectueux. À cetégard, la réforme suédoise représente un repositionnement intelligent du rôledu gouvernement dans le domaine des dépenses de retraite. Ce repositionne-ment était à la fois défensif et offensif ; une réduction et un développement

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1 Trois modifications techniques furent proposées en 1995 et votées en 1998 ; elles ont expli-citement réduit les coûts relatifs aux principes décidés en 1994. Les amendements ont réduit leniveau des pensions (taux de remplacement) de 2 % relativement au taux de remplacementATP du scénario spécifié.

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synchronisé du rôle du gouvernement. Avec une stratégie de réformecomplexe mais cohérente, les réformateurs l’ont emporté sur beaucoup deleurs adversaires politiques de gauche comme de droite. Il y avait la margefinancière nécessaire pour réformer le système de retraite en partie grâce aufait que le nouveau système a été pensé dans les années quatre-vingt-dix,lorsque l’augmentation des coûts de la retraite était plus lente, et en partieparce que la Suède avait accumulé un fonds de réserve substantiel dans lesystème de retraite par répartition.

Pourtant, la réforme ne pourra être considérée comme un succès que si ellesurvit et pour longtemps. Jusqu’à présent, elle n’a été confrontée à aucunemenace tangible, mais on peut aisément envisager des problèmes à l’avenir.Le danger principal réside probablement dans son impopularité, toujourstacite, auprès du public. Pour survivre, le système doit être accepté par aumoins une masse critique de la population ; ses soutiens doivent être plusnombreux que la poignée d’hommes politiques et d’experts qui ont pensé lenouveau système, le petit nombre d’éditorialistes qui l’ont approuvé etquelques économistes. À cet égard, l’un des aspects les plus positifs du sys-tème, sa transparence, peut en fait jouer contre lui. Étant donné que lesmédias tendent à mettre davantage l’accent sur les mauvaises nouvelles quesur les bonnes, il y a un danger que l’information communiquée ait un biaisnégatif, même si, en moyenne, les bonnes et les mauvaises nouvelless’équilibrent. Les deux premières années, le système a largement prouvécette « spirale négative ». Même si la chute dramatique du prix des actions aréduit le fonds de réserve d’un quart, la « solvabilité » du système NDC adiminué de seulement deux points. L’insistance des médias sur le quartperdu a été surprenante ; son impact bien plus limité sur la solvabilité a étéun secret bien gardé. La brusque augmentation des salaires moyens l’andernier a accru la valeur des comptes notionnels de deux fois et demi lemontant des pertes supportées par le fonds de réserve, augmentant la valeurréelle des pensions pour la première fois dans l’histoire de la Suède. Cettebonne nouvelle a à peine été diffusée et elle est de ce fait inconnue dupublic. Au final, il se peut que le succès ou l’échec du nouveau système sué-dois de retraites dépende de la compétence de ses administrateurs enmatière de communication – domaine dans lequel ils ont peu d’expérience.

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Annexe : Glossaire

Cœfficient de conversion (annuitization divisor)Il reflète l’espérance de vie moyenne restante au moment du départ à laretraite, minorée d’un taux « d’intérêt » de 1,6 %. Dans le calcul de la pres-tation (inkomstpension) annuelle, réalisé lorsque la pension est liquidée, lemontant du compte de pension de la personne est divisé par le coefficient deconversion. À cause de l’intérêt crédité de 1,6 %, le coefficient de conver-sion au moment du départ à la retraite est toujours inférieur à l’espérance devie moyenne.

Mécanisme d’équilibre automatique (automatic balancing)C’est une méthode d’indexation des engagements du régime en matière deretraite destinée à assurer que les dépenses du système d’inkomstpension,n’excèdent pas à long terme ses revenus. Si le processus d’équilibre estenclenché, le montant des engagements augmente d’un taux composéapproximativement égal au rendement implicite du système.

Revenu moyen (average income)Il s’agit du revenu mesuré par l’indexation des revenus.

Ratio d’équilibre (balance ratio)Ce sont les actifs du système par répartition – c’est-à-dire les cotisations etle fonds de réserve divisés par les engagements du régime. Le ratio d’équi-libre peut être considéré comme l’équivalent du ratio de consolidation d’unsystème d’investissement. Contrairement au ratio de consolidation, toute-fois, le ratio d’équilibre ne donne aucune information sur le montant desactifs investis en lien avec les engagements.

Fonds de réserve (buffer fund)Il absorbe les décalages entre les cotisations et les dépenses de prestationdans un système par répartition. Son but premier est de rendre stables leniveau des pensions et les cotisations face aux fluctuations économiques etdémographiques.

Le fonds de réserve du système de retraite suédoisIl comprend les premier, deuxième, troisième, quatrième et sixième fondsnationaux pour les retraites. Légalement et administrativement, le fonds deréserve du système par répartition consiste ainsi en cinq fonds différents.Les cotisations retraite sont réparties de manière égale entre les quatre pre-miers fonds nationaux des retraites, qui contribuent à parts égales au paie-ment des pensions. Ce qui peut expliquer la division du capital retraite enquatre fonds initialement identiques, avec une mission et des règles sembla-bles, c’est une volonté de limiter la concentration des pouvoirs. Une autreraison est qu’une telle division peut augmenter la diversification des ris-ques et la compétition dans la gestion des fonds. Le sixième fonds nationalde pension, bien plus modeste, ne reçoit pas de cotisation retraite et ne paieaucune pension ; il peut être vu comme une anomalie au sein du nouveau

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système de retraite hérité de l’ancien. Du point de vue du système par répar-tition, les cinq fonds de réserve peuvent être considérés, sous certainsaspects, comme un fonds unique. L’information les concernant est dispo-nible sur leurs sites internet respectifs :www.ap1.se, www.ap2.se, www.ap3.se et www.ap4.se.

Les systèmes de retraite en prestations définies (defined-benefit pensionsystems)Il s’agit des systèmes de retraite dans lesquels l’assurance supporte lerisque financier des variations éventuelles dans le temps du taux de morta-lité et du rendement des actifs du système. Dans le système public desretraites, les contribuables sont les assureurs, ce qui signifie que les cotisa-tions au système peuvent varier.

Les systèmes de retraite en cotisations définies (defined contributionpension systems)Ce sont des systèmes de retraite dans lesquels les assurés supportent lerisque financier des éventuelles variations dans le temps du taux de morta-lité et du rendement des actifs du système. En conséquence, la valeur despensions de retraite peut subir des fluctuations. On peut aussi définir ce sys-tème par le fait que les engagements en matière de retraite y augmentent dumême montant nominal que les cotisations payées par ou pour les indivi-dus. En principe, les engagements s’accroissent en même temps qu’unecotisation est versée au système.

Indice des revenus (income index)Depuis 1999, les revenus dans l’indice des revenus (U) sont les revenusouvrant droit à une retraite (c’est-à-dire les revenus au-delà d’un plafond etles revenus provenant d’indemnités maladie et de diverses allocations liéesà l’activité professionnelle), moins la cotisation retraite nationale des per-sonnes âgées de 16 à 64 ans. La somme totale de ces revenus est divisée parle nombre de personnes qui les ont reçus. Si l’on désigne par I (t) l’indicedes revenus pour l’année t, il est calculé comme suit :

I IU

U

CPI

CPI

CPI

CPIt tt

t

t

t

t

t

= × ×⎡⎣⎢

⎤⎦⎥

×−−

−1

1

4

1

4

13

1

2

k k1 2×

U t− =1 prévision du revenu moyen pour l’année t−1U t− =4 revenu moyen établi pour l’année t−4CPI CPI CPIt t t− − − =1 2 4, , indice des prix à la consommation (CPI) pour juindans les années t−1, t−2, et t−4k1 = facteur correctif pour les prévisions ultérieures (plus exactes) de reve-nus pour l’année t−2k 2 = facteur correctif pour la différence entre les revenus réels et prévuspour l’année t−3.Afin de réduire l’instabilité de l’indice, on utilise une moyenne sur troisans. Pour contrer la faible compensation des évolutions de l’inflation pou-vant résulter de ce lissage, le taux d’inflation, durant la période de trois ans,

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dérive de l’évolution des salaires moyens nominaux, et l’évolution du CPIdurant la dernière année est ajoutée ultérieurement.

Indexation

Ici, on utilise le terme d’indexation pour désigner à la fois « l’intérêt »annuel sur les soldes des comptes notionnels (les comptes retraite) et la réé-valuation annuelle des prestations retraite. L’indexation du solde des retrai-tes est basée sur l’indice des revenus ou, si le mécanisme d’équilibre estenclenché, sur l’indice d’équilibre. La réévaluation des pensions se fondesur la modification de ces indices, divisée par 1,016, une réduction du tauxd’intérêt qui est créditée dans le calcul du coefficient de conversion.

Gains hérités (inheritance gains)

Ce sont les soldes des prestations retraite inutilisées ou les capitaux deretraite des personnes décédées, qui sont partagés entre tous les conjointssurvivants assurés. Ces gains sont traités comme une augmentation dusolde des pensions retraite ou des capitaux de retraite de tous les conjointssurvivants dans chaque cohorte. À l’âge de 65 ans, on estime les gains héri-tés à environ 8 % des soldes des pensions et des primes de retraite.

Taux interne de retour (internal rate of return)

C’est ici le taux des engagements de retraite fixé de telle sorte qu’il aug-mente comme celui des actifs du système. Le taux interne de retour estdéterminé par la modification du revenu des cotisations du système jusqu’àce que ces cotisations puissent financer les engagements – en d’autres ter-mes, la modification de la « durée estimée de roulement » – et le rendementdu fonds de réserve, en plus du coût (ou des gains) résultant des évolutionsde l’espérance de vie moyenne. Si le processus d’équilibre est activé, lesengagements de retraite sont compensés à un taux à peu près égal au tauxinterne de retour du système de répartition.

Les systèmes de retraite par répartition (pay-as-you-go pensions systems)Ce sont les systèmes de retraite dans lesquels il n’est pas nécessaire que lesengagements correspondent à un certain montant d’actifs. Un système parrépartition est souvent décrit comme un système où les cotisations sontdirectement utilisées pour financer les dépenses de retraite. Cette descrip-tion n’est pas complète dans le cas du système par répartition doté d’unfonds de réserve.

Solde des pensions de retraite (pension balance)C’est la somme des crédits retraite déterminés annuellement, qui est suc-cessivement recalculée en fonctions de l’indice des revenus – ou de l’indiced’équilibre – des gains hérités et des coûts administratifs.

Le crédit retraite (pension credit)Un crédit retraite individuel est de 18,5 % de la base de pension correspon-dant au montant des cotisations. L’accumulation de crédit retraite aug-mente le montant du solde retraite individuel et le capital retraite.

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Niveau des pensions (pension level)C’est la pension de retraite moyenne, par rapport au revenu moyen ouvrantdroit à pension.

Les engagements de retraite (pension liability)Dans cet article, nous l’avons défini comme l’engagement financier du sys-tème de retraite à la fin de chaque année. L’engagement à l’égard de lapopulation active est la somme des soldes retraite de toutes ces personnes.Les engagements sont calculés en multipliant le montant de la pension degroupe d’âge par l’espérance de vie moyenne restante de cette catégorie.D’ici 2017, les engagements seront également calculés pour le crédit ATPde la population active.

Montants ouvrant droit à une retraite (pension-qualifying amounts)Il s’agit d’une base spécifique servant à déterminer les crédits retraite. Lesindemnités maladie les allocations diverses liées à l’activité professionnelleou à la garde d’enfants ainsi que les années d’études et le service nationalfont partie des éléments et revenus servant au calcul de la retraite, et de ceuxouvrant droit à une retraite

Revenus servant au calcul de la retraite (pension qualifying income)Il s’agit des revenus utilisés dans le calcul du crédit retraite des assurés. Enprincipe, ce sont les revenus annuels réduits de la cotisation retraite indivi-duelle générale. Avant la déduction correspondant à cette cotisation, lerevenu maximum pris en compte est de 8,07 fois la base des revenus ; aprèsdéduction, il est au maximum de 7,5 fois la base des revenus.

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• Historique des législations sur l’indexation des revenus et du mécanismed’équilibre automatique, par l’auteur de cet article

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