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5 INTRODUCTION Par leur implication indispensable dans le dialogue social et la production de la norme conventionnelle dans le champ social, les syndicats de salariés ainsi que les organisations représentant les entreprises et plus généralement les employeurs de même que les indépendants participent, au même titre que les partis politiques et les assemblées parlementaires, au bon fonctionnement de la démocratie. Or, chacun en convient, cette dernière a nécessairement un coût. Paradoxalement, le financement des acteurs de la vie sociale de notre pays suscite beaucoup moins l’intérêt et l’attention que celui des participants au débat politique. Pourtant, il revêt des enjeux tout aussi importants, dans la mesure où il peut influer sur le comportement des organisations concernées, sur leurs prises de position et, partant, sur l’adhésion qu’elles emportent auprès de leurs ressortissants. Au premier rang figure un enjeu de transparence, à l’heure où l’on veut donner plus de rôle au dialogue social, comme en attestent la loi n° 2007-130 du 31 janvier 2007 de modernisation du dialogue social, les protocoles du Sénat et de l’Assemblée nationale relatifs à la consultation des partenaires sociaux sur les propositions de loi, adoptés respectivement en décembre 2009 et février 2010, et diverses propositions formulées par des think tanks de tous bords (Institut Montaigne (1) , Terra nova (2) , etc.). Existe également un enjeu proprement financier, consistant à apprécier dans quelle mesure les subventions et l’argent public alloués aux organisations syndicales et professionnelles sont vitaux pour leur fonctionnement, le niveau des réserves et des actifs patrimoniaux de certaines pouvant interpeller à plus d’un titre. Pour ces raisons, la création d’une commission d’enquête chargée de faire la lumière sur les mécanismes de financement des organisations syndicales d’employeurs et de salariés s’est avérée particulièrement opportune. En effet, à un moment où les partenaires sociaux négocient sur la modernisation et le fonctionnement du paritarisme, il est utile que le Parlement apporte sa contribution en dressant un état des lieux sur les masses financières en cause ainsi que sur les circuits utilisés et en formulant des propositions susceptibles de nourrir le dialogue en cours. (1) « Reconstruire le dialogue social », sous la présidence de M. Gérard Adam, juin 2011. (2) Henri Rouilleault : « 2012-2017 : renforcer la négociation collective et la démocratie sociale », septembre 2011.

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    INTRODUCTION

    Par leur implication indispensable dans le dialogue social et la production de la norme conventionnelle dans le champ social, les syndicats de salaris ainsi que les organisations reprsentant les entreprises et plus gnralement les employeurs de mme que les indpendants participent, au mme titre que les partis politiques et les assembles parlementaires, au bon fonctionnement de la dmocratie. Or, chacun en convient, cette dernire a ncessairement un cot.

    Paradoxalement, le financement des acteurs de la vie sociale de notre pays suscite beaucoup moins lintrt et lattention que celui des participants au dbat politique. Pourtant, il revt des enjeux tout aussi importants, dans la mesure o il peut influer sur le comportement des organisations concernes, sur leurs prises de position et, partant, sur ladhsion quelles emportent auprs de leurs ressortissants.

    Au premier rang figure un enjeu de transparence, lheure o lon veut donner plus de rle au dialogue social, comme en attestent la loi n 2007-130 du 31 janvier 2007 de modernisation du dialogue social, les protocoles du Snat et de lAssemble nationale relatifs la consultation des partenaires sociaux sur les propositions de loi, adopts respectivement en dcembre 2009 et fvrier 2010, et diverses propositions formules par des think tanks de tous bords (Institut Montaigne (1), Terra nova (2), etc.). Existe galement un enjeu proprement financier, consistant apprcier dans quelle mesure les subventions et largent public allous aux organisations syndicales et professionnelles sont vitaux pour leur fonctionnement, le niveau des rserves et des actifs patrimoniaux de certaines pouvant interpeller plus dun titre.

    Pour ces raisons, la cration dune commission denqute charge de faire la lumire sur les mcanismes de financement des organisations syndicales demployeurs et de salaris sest avre particulirement opportune. En effet, un moment o les partenaires sociaux ngocient sur la modernisation et le fonctionnement du paritarisme, il est utile que le Parlement apporte sa contribution en dressant un tat des lieux sur les masses financires en cause ainsi que sur les circuits utiliss et en formulant des propositions susceptibles de nourrir le dialogue en cours.

    (1) Reconstruire le dialogue social , sous la prsidence de M. Grard Adam, juin 2011. (2) Henri Rouilleault : 2012-2017 : renforcer la ngociation collective et la dmocratie sociale , septembre

    2011.

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    La question nest dailleurs pas nouvelle, puisque divers rapports officiels se sont essays mieux en cerner les tenants et aboutissants au cours de la dcennie passe. On rappellera cet gard ltude dadministration compare sur le financement des syndicats mene par linspection gnrale des affaires sociales, publie en octobre 2004 (1), le rapport au Premier ministre de M. Raphal Hadas-Lebel sur la reprsentativit et le financement des organisations professionnelles et syndicales, de mai 2006 (2), ou encore les rapports de diverses inspections gnrales sur les moyens allous aux organisations syndicales dans la fonction publique, en 2009 et 2010 (3).

    La commission denqute sur les mcanismes de financement des organisations syndicales demployeurs et de salaris, pour sa part, sest employe mener des valuations prcises et une analyse plus complte sur le sujet. Naturellement, ses conclusions ne peuvent prtendre lexhaustivit, tant le champ des organisations syndicales et professionnelles est complexe, du fait de leur structure fdre et dcentralise ; elles nen dgagent pas moins des enseignements significatifs.

    Les syndicats de salaris et les organisations professionnelles avaient eux-mmes intrt un tel travail, dans un contexte marqu par la forte rsonance mdiatique daffaires judiciaires retentissantes. Sagissant dun sujet aussi tabou que les ressources financires de ces structures statut particulier, seul le cadre de la commission denqute pouvait permettre aux reprsentants de la Nation daller au bout des choses.

    Lensemble des responsables syndicaux ou dorganisations demployeurs dont laudition a t sollicite a dpos sous serment, consentant cette occasion entrer dans le dtail de leurs comptes, afin de permettre au Parlement dtablir une vision consolide des financements mobiliss. De mme, des documents non publics ont t remis au rapporteur de la commission, sa demande, de manire claircir certains aspects.

    Il ressort des investigations conduites par la commission que les mcanismes de financement des organisations syndicales et professionnelles sont structurellement opaques, non par souci dlibr de cacher quoi que ce soit, mais en raison de modalits dorganisation qui leur sont propres. Sajoute cette difficult labsence de prise en considration de certains paramtres matriels importants, comme la mise disposition de personnels ou de locaux. Un tel constat est dautant plus regrettable que les sommes en jeu sont significatives.

    (1) Rapport n 2004 160 de MM. Pierre de Saintignon, Jrme Guedj, Hilger Osterrieder et Mme Valrie

    Saintoyant, portant sur lAllemagne, la Belgique, la Grande-Bretagne, lItalie et la Sude. (2) Pour un dialogue social efficace et lgitime : reprsentativit et financement des organisations

    professionnelles et syndicales , rapport au Premier ministre, mai 2006. (3) Rapport sur les moyens allous aux organisations syndicales dans la fonction publique, mars 2009 (non

    public), et Le bilan des moyens allous aux organisations syndicales dans la fonction publique : analyse dtaille dans deux dpartements, le Rhne et le Loiret , juin 2010.

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    Depuis ladoption de la loi n 2008-789 du 20 aot 2008 portant rnovation de la dmocratie sociale et rforme du temps de travail, la transparence progresse. Les organisations syndicales et demployeurs sont dsormais tenues de publier leurs comptes et les mises disposition de salaris auprs delles ont t davantage encadres.

    Sur cette base, la commission denqute a pu collecter des indications chiffres tayes et procder des consolidations comptables ainsi qu des comparaisons clairantes. Le fait est, nanmoins, quelle a constat une extrme complexit dans les circuits de financements lgaux et conventionnels en vigueur, celle-ci ouvrant la voie de possibles drives.

    Cette situation a conduit certaines incongruits, commencer par celle dun vident dficit de reprsentativit dorganisations dont lessentiel des ressources est parfois dconnect des cotisations de leurs adhrents. Plusieurs propositions sont donc formules afin dy apporter des remdes. Ce faisant, la reprsentation nationale apportera sa pierre la ngociation collective en cours sur le devenir du paritarisme et aux grands dbats politiques venir, au printemps 2012.

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    I.- LA DIFFICULT DTABLIR LE BUDGET GLOBAL DE LACTION SYNDICALE ET PROFESSIONNELLE EN FRANCE

    A. UNE OBLIGATION DE TRANSPARENCE COMPTABLE QUI EN EST SES DBUTS

    Larticle 10 de la loi n 2008-789 du 20 aot 2008 a soumis les organisations syndicales et professionnelles une obligation dtablissement, de certification et de publication de leurs comptes. Ce dispositif est particulirement novateur : en effet, la loi du 21 mars 1884 relative la cration des syndicats professionnels dite loi Waldeck-Rousseau ne contenait que trs peu de mesures sur le financement des syndicats. Larticle 6 de cette loi prvoyait simplement que les syndicats professionnels de patrons ou douvriers () [pouvaient] employer les sommes provenant des cotisations .

    Ainsi, si les associations, dont le statut est tabli en application de la loi du 1er juillet 1901, ont lobligation (1), lorsquelles ont reu annuellement des subventions publiques dont le montant global dpasse le seuil de 153 000 euros, dtablir et publier des comptes annuels, les organisations syndicales, rgies par la loi Waldeck-Rousseau navaient pas t, jusquen 2008, soumis cette obligation.

    1. Lobligation dtablir et de certifier les comptes

    Larticle L. 2135-1 du code du travail, issu de la loi du 20 aot 2008, prvoit que les syndicats professionnels et leurs unions ainsi que les associations de salaris ou demployeurs rgies par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat dassociation, sont tenus dtablir des comptes annuels. Cette obligation sapplique compter de lexercice comptable 2009 (article 15 de la loi du 20 aot 2008). Ces comptes sont arrts par lorgane charg de la direction et approuvs par lassemble gnrale des adhrents ou par un organe collgial de contrle dsign par les statuts (article L. 2134-4 du code du travail).

    Larticle 44 de la loi n 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et damlioration de la qualit du droit a ensuite modifi larticle L. 2135-1 du code du travail pour prciser que les syndicats tablissent leurs comptes annuels non plus dans des conditions fixes par dcret, mais dans celles de larticle L. 123-12 du code de commerce qui est le droit commun de la tenue des comptes des entreprises. Selon cet article L. 123-12 prcit, toute personne physique ou morale ayant la qualit de commerant doit procder lenregistrement comptable des mouvements affectant le patrimoine de son entreprise. Ces mouvements sont enregistrs chronologiquement. En outre, elle doit tablir des comptes annuels la

    (1) Article L. 612-4 du code de commerce.

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    clture de lexercice au vu des enregistrements comptables et de linventaire. Ces comptes annuels comprennent le bilan, le compte de rsultat et une annexe, qui forment un tout indissociable.

    Les comptes sont tablis selon le rglement n 2009-10 du 3 dcembre 2009 du Comit de la rglementation comptable affrant aux rgles comptables des organisations syndicales. Il exige notamment que les organisations syndicales insrent, en annexe de leurs comptes, un tableau comprenant le montant des cotisations reues et des cotisations reverses et les subventions reues, afin de justifier du montant total de leurs ressources. Enfin, le rglement prcise que les mises disposition de personnes et de biens font lobjet dune information qualitative : nombre de personnes mises disposition, fonction et dure .

    Le respect de ces obligations est garanti par lobligation de certification par au moins un commissaire aux comptes et un supplant tablie par larticle L. 2135-6 du code du travail.

    La loi du 17 mai 2011 prcite prvoit aussi des modalits simplifies de prsentation des comptes pour les syndicats ayant des ressources limites :

    pour les syndicats ayant moins de 230 000 euros de recettes annuelles, les comptes peuvent tre tablis selon une prsentation simplifie, avec la possibilit de nenregistrer leurs crances et leurs dettes qu la clture de lexercice ;

    pour les syndicats ayant moins de 3 000 euros de recettes annuelles, les comptes peuvent prendre la forme dun livre enregistrant chronologiquement lensemble des mouvements affectant leur patrimoine.

    2. Lentre en vigueur progressive dune obligation de publicit

    Par ailleurs, les organisations syndicales et professionnelles ont lobligation dassurer la publicit de leurs comptes (article L. 2135-5 du code du travail). Le dcret du 28 dcembre 2009 (1) prvoit deux modalits de mise en uvre cette obligation :

    la premire consiste, pour les organisations syndicales et professionnelles dont les ressources sont gales ou suprieures 230 000 euros, dposer leurs documents comptables sur le site internet du Journal officiel (DILA) (2).

    la deuxime consiste, pour les organisations dont les ressources sont infrieures 230 000 euros et qui ne publieraient pas leurs comptes sur le portail

    (1) Dcret n 2009-1664 du 28 dcembre 2009 relatif la certification des comptes des syndicats

    professionnels et associations de salaris ou d'employeurs (2) La section de ce site consacre aux organisations syndicales a t ouverte en avril 2011.

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    de la DILA ou sur leur propre site internet, dposer leurs comptes auprs de la direction rgionale des entreprises, de la consommation, de la concurrence, du travail et de lemploi comptente.

    Le tableau suivant rappelle le calendrier de la mise en uvre de cette obligation de publicit, tel que prvu par larticle 15 de la loi du 20 aot 2008 :

    Obligation de publicit des comptes

    Niveau confdral et fdral des organisations syndicales et professionnelles Exercice comptable 2010

    Niveau rgional et dpartemental Exercice comptable 2011

    Autres niveaux Exercice comptable 2012

    Aux termes des articles D. 2135-7 (1) et D. 2135-8 (2) du dcret 2009-1665 prcit, les organisations syndicales et professionnelles sont tenues de publier leurs comptes dans un dlai de trois mois compter de lapprobation des comptes par lorgane dlibrant statutaire . Le dpt des comptes des organisations de niveau confdral et national devrait donc intervenir dici la fin de cette anne, un dlai de six mois tant gnralement observ entre la fin de lexercice comptable et la date dapprobation des comptes.

    *

    Le rapporteur salue les progrs raliss en matire de transparence grce la loi du 20 aot 2008. Il regrette nanmoins quune information essentielle comme les mises disposition de personnes ne fassent lobjet que dune information qualitative. Par ailleurs, les rubriques comptables et les imputations varient selon les organisations syndicales, ce qui ne facilite pas une vue densemble des diffrentes ressources dont elles bnficient. Enfin, bien quil sagisse dune information extracomptable, le nombre de cotisants pourrait tre trs utilement indiqu en annexe de ces comptes.

    Si les organisations syndicales entendues par la commission denqute ont reconnu les progrs raliss en matire de transparence, elles ont aussi soulign les difficults rencontres pour mettre en uvre cette rforme notamment dans les organisations locales o les trsoriers ne sont pas ncessairement assez forms en matire de rglementation comptable. Lors de son audition par la commission le 13 octobre, Mme Lancette, trsorire de la Fdration syndicale unitaire, a ainsi reconnu que la consolidation, dans les comptes de la fdration, de ceux des units rgionales et dpartementales soulevait des difficults : les sections dpartementales FSU nayant pas la personnalit juridique, nous sommes obligs, pour satisfaire aux exigences de la loi, de globaliser les finances de la FSU

    (1) Pour les organisations dont les ressources sont gales ou suprieures 230 000 euros. (2) Pour les organisations dont les ressources sont infrieures 230 000 euros.

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    nationale, celles des 100 sections dpartementales et celles des 25 conseils fdraux rgionaux (CFR). Cela reprsente un gros travail. Dans un premier temps, nous avions fait appel notre cabinet dexpertise comptable. Son devis approchant de 100 000 euros, nous avons dcid de faire avec nos propres moyens. Mais cela demande beaucoup de temps et dnergie (). Il faut tre conscient que les trsoriers des 100 dpartements et des 25 CFR ne sont pas des professionnels et que nous devons les former, ce qui reprsente un gros effort. Bien souvent la comptabilit tait tenue laide dun cahier et dune plume... .

    Lors de son audition le 27 octobre, M. Michel Doneddu, trsorier de la CGT, a aussi partag le mme constat en regrettant que les rubriques comptables retenues soient loignes de la ralit de la vie syndicale : nous ne sommes pas parvenus faire admettre ce point lAutorit nationale de la comptabilit, qui a eu la charge de rdiger le dcret dapplication de la loi de 2008. Rsultat, les intituls de notre document ne refltent en rien ce quest une activit syndicale. Certes, la Confdration a de quoi sadapter, elle dispose dun service de comptabilit et utilise les mmes logiciels que les grandes entreprises. Ce nest pas le cas des petits syndicats, lintention desquels nous sommes contraints de dvelopper un logiciel permettant dobtenir deux prsentations partir des mmes chiffres : lofficielle et celle qui est parlante pour les syndiqus .

    Enfin, les organisations syndicales auditionnes ont aussi soulign le cot que reprsentaient ltablissement et la certification de leurs comptes. titre dexemple, la consolidation et la certification des comptes de la CFDT a ncessit de faire appel deux cabinets de commissaires aux comptes pour un cot total de 215 000 euros.

    Cette obligation de publication des comptes nen est qu ses dbuts. En effet, la direction gnrale du travail a indiqu la commission denqute que 126 comptes ont t dposs la fin du mois de septembre. ce jour, parmi les organisations syndicales et professionnelles reprsentatives au niveau national, seule Force ouvrire na pas encore publi ses comptes pour 2010. Sagissant des organisations professionnelles, lUnion nationale des professions librales (UNAPL) ne sest pas encore soumise cette obligation et certains syndicats agricoles auditionns par la commission parmi lesquels la Confdration paysanne et la Fdration nationale des syndicats dexploitants agricoles (FNSEA) ont fait remarquer quils ne se soumettraient cette obligation de publication que lanne prochaine.

    Par ailleurs, la question de lapplication de la loi du 20 aot 2008 aux organisations syndicales de la fonction publique sest galement pose, car les dispositions du code du travail, comme celles issues de la loi du 20 aot 2008, ne sappliquent normalement pas la fonction publique, mme sil existe des exceptions dont les articles L. 2135-1 et suivants, compte tenu de la gnralit de

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    leur rdaction (1), pourraient faire partie. La question na pas t traite par la loi du 5 juillet 2010 relative la rnovation du dialogue social (2). En revanche, larticle 59 du projet de loi relatif laccs lemploi titulaire et lamlioration des conditions demploi des agents contractuels dans la fonction publique (3) confirme lapplication aux organisations syndicales de la fonction publique de lobligation prvue par le code du travail en matire de comptes, tout en prvoyant des adaptations. Lexpos des motifs du projet de loi prcise, en effet, que les dispositions relatives la certification et la publicit des comptes doivent tre adaptes, par dcret en Conseil dtat, aux spcificits des organisations syndicales de la fonction publique. En particulier, pour tenir compte de la prdominance des moyens humains accords aux organisations syndicales de fonctionnaires, des rgles spcifiques pourront tre prvues en matire de valorisation financire des moyens accords ces organisations .

    B. UNE DIFFICULT INTRINSQUE, LA STRUCTURATION DECENTRALISE ET FDRATIVE PROPRE AUX ORGANISATIONS DE SALARIS COMME DEMPLOYEURS

    Longtemps interdits par la loi Le Chapelier des 14-17 juin 1791, les syndicats vont progressivement renatre dans la seconde moiti du XIXe sicle. La loi Ollivier de 1864 va en effet abolir le dlit de coalition et, de fait, autoriser le droit de grve, puis la loi Waldeck-Rousseau du 21 mars 1884 va leur accorder une vritable reconnaissance, en en faisant une forme dorganisation de dfense et de promotion dintrts communs accessible tous les groupes professionnels, et non aux seuls travailleurs salaris.

    Figurant au sein du titre III du livre Ier de la deuxime partie du code du travail, les dispositions issues de la loi de 1884 concernent ainsi indiffremment les groupements de commerants, dindustriels, dartisans, de professionnels libraux, dofficiers ministriels, dagriculteurs, y compris en leur qualit demployeurs, et non les seuls travailleurs subordonns. En revanche, les rgles figurant aux tires II et IV du mme livre, relatives la reprsentativit syndicale et lexercice du droit syndical dans les entreprises, ne concernent explicitement, elles, que les syndicats de salaris.

    A compter du dbut du XXe sicle, lhistoire du syndicalisme salari en France est marque par un double mouvement : un clatement de plusieurs

    (1) Le lgislateur a retenu, dessein, une rdaction trs large afin de viser lensemble des organisations

    syndicales : les syndicats reprsentant les intrts des salaris et des employeurs, les unions syndicales, et les associations de salaris ou demployeurs rgies par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat dassociation.

    (2) Loi n 2010-751 du 5 juillet 2010 relative la rnovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives la fonction publique.

    (3) Projet de loi relatif laccs lemploi titulaire et lamlioration des conditions demploi des agents contractuels dans la fonction publique, la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives la fonction publique.

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    organisations dominantes (1), au plan national comme au niveau des branches et des entreprises, tout dabord ; un effritement continu des adhsions, ensuite, le taux de syndicalisation avoisinant dsormais les 8 % en moyenne. La reprsentation des employeurs, bien que diffrente dans son principe et ses modalits, nest elle-mme pas pargne par la dispersion de ses composantes.

    Dans ces conditions, il nest pas ais de dresser un tat des lieux prcis de la composition des organisations les plus reprsentatives et, plus forte raison, dvaluer de manire consolide les moyens dont elles disposent.

    1. Lmiettement du paysage syndical et reprsentatif des salaris ainsi que des employeurs : une ralit prgnante

    Le syndicalisme franais nobit pas une organisation centralisatrice et jacobine similaire celle qui a prsid la constitution de ltat. Il sest mme largement constitu sur la base dune philosophie radicalement oppose, donnant une large place aux structures en place dans les entreprises et au niveau territorial. Ainsi, bien peu de confdrations dites reprsentatives ont une vision prcise de la totalit de leurs composantes.

    Ce constat vaut galement pour les organisations demployeurs, qui sappuient elles aussi sur des structures territoriales ou professionnelles parfois trs nombreuses.

    a) Un hritage historique

    Il a suffi dune dizaine dannes seulement pour que la reconnaissance de la libert syndicale par la loi du 21 mars 1884 conduise au rassemblement des premiers syndicats et des bourses du travail au sein de la Confdration gnrale du travail (CGT), en 1895. Lunit des organisations des salaris reposait alors sur la proclamation de lindpendance de cette confdration face aux partis politiques, formalise dans la Charte dAmiens de 1906.

    Pourtant, la rvolution russe de 1917 va crer les premires dissensions au sein de la CGT, entre les tenants dun syndicalisme rvolutionnaire et ceux dune ligne confessionnelle imprgne par la doctrine sociale de lglise : en 1919, nat ainsi la Confdration franaise des travailleurs chrtiens (CFTC). A la suite du Congrs de Tours et de la naissance du parti communiste franais, la CGT subit une nouvelle scission avec lapparition de la CGTU (CGT unitaire), cette dernire regroupant les rvolutionnaires tandis que les rformistes demeurent la CGT. Le Front populaire conduit nanmoins une runification de la centrale syndicale.

    Aprs la clandestinit impose par la prohibition de Vichy, les syndicats rapparaissent la libration. Cest cette date que la Confdration gnrale des cadres (CGC) voit le jour. Quelques annes plus tard, lemprise du parti

    (1) CGT et CFTC puis CGT et FO ; CFTC et CFDT ; enfin plus rcemment CFDT et SUD.

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    communiste sur la CGT finit par dboucher sur une nouvelle scission : en 1948, certains syndicats se regroupent au sein de la CGT-Force ouvrire. La CFTC ne reste pas bien longtemps labri des tiraillements : en 1964, la majorit de ses adhrents dcide, lors dun congrs, de refuser toute rfrence confessionnelle et de prendre lappellation de Confdration franaise dmocratique du travail (CFDT). La CFTC perdure nanmoins, en dpit de cette hmorragie.

    Cette vague de divisions est suivie dune priode de relative accalmie. Or, larrt du 31 mars 1966 entrine la situation en confrant une reprsentativit nationale et interprofessionnelle aux cinq organisations dominantes alors du ct des salaris (CGT, CFDT, FO, CGC, CFTC).

    Depuis, pourtant, lmiettement a continu. Deux nouvelles organisations importantes ont en effet vu le jour : lUnion syndicale Solidaires, dans la continuit de lunion cre en 1981 autour de dix syndicats et fdrations autonomes (G 10) ; lUnion nationale des syndicats autonomes (UNSA), cre en 1993 par le rassemblement de syndicats autonomes et dune partie de la Fdration de lducation nationale.

    Du ct des organisations reprsentant les employeurs, la tendance au morcellement a t sensiblement quivalente, mme si la diversit des composantes tait demble plus marque, du fait notamment des spcificits sectorielles. Avant les lois de 1884 et de 1901 (sur le contrat dassociation), les regroupements patronaux se sont raliss dans le cadre de cercles informels, de comits (comits des filateurs de Lille, en 1820, par exemple) ou de socits commerciales, dans le but de nouer des cooprations conomiques puis, au niveau interprofessionnel local, afin de porter des projets ou des demandes communes. Le mouvement a t favoris par le maillage consulaire des chambres et des tribunaux de commerce, ns sous le Ier Empire napolonien.

    Durant la seconde moiti du XIXe sicle, apparaissent les anctres des fdrations professionnelles actuelles : ainsi, notamment, le Comit des forges est port sur les fonds baptismaux en 1864 ; de mme, en 1901, nat lUnion des industries mtallurgiques et minires (devenue lactuelle UIMM). Des confdrations nationales finissent par simposer comme interlocuteurs des pouvoirs publics, notamment loccasion des grves de 1936. Aprs la seconde guerre mondiale, le Centre national du patronat franais (CNPF), prdcesseur de lactuel Mouvement des entreprises de France (MEDEF), succde la Confdration gnrale du patronat franais. Il sera lui aussi reconnu reprsentatif au plan national et interprofessionnel en 1966.

    Avec le MEDEF, deux autres organisations professionnelles ont t considres comme reprsentatives des employeurs au plan interprofessionnel : la Confdration gnrale des petites et moyennes entreprises (CGPME), apparue en 1944, et lUnion professionnelle artisanale (UPA), ne en 1966. Cela ne signifie pas pour autant que la reprsentation des employeurs et des entreprises se rsume ces acteurs. En effet, ceux-ci nenglobent ni les syndicats dexploitants agricoles

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    (Fdration nationale des syndicats dexploitants agricoles FNSEA, Coordination rurale, confdration paysanne notamment), ni les syndicats des professions indpendantes ou librales (regroupes au sein dune union part, lUnion nationale des professions librales UNAPL), ni certains pans de lconomie sociale (reprsents notamment par lUnion de syndicats et groupements demployeurs reprsentatifs dans lconomie sociale USGERES).

    La diversification croissante des acteurs de lconomie a conduit, depuis un peu plus dune vingtaine dannes, une diffrenciation des organisations en charge de leur reprsentation. Il en rsulte, l aussi, un morcellement et une complexit croissante pour lapprhension du rle et des moyens de ces organisations.

    b) Un phnomne peu corrig par le regroupement au niveau des branches et lchelon interprofessionnel

    La vitalit des organisations syndicales et professionnelles repose en grande partie sur le foisonnement des initiatives de terrain. Ce mode de fonctionnement, qui laisse une large place lautonomie des entits appartenant une union, une fdration ou mme une confdration de syndicats, nempche pas le regroupement des forces au sein de structures de tte, seules mme de peser dans le dialogue social. Pour autant, contrairement une ide reue, les grandes confdrations syndicales ou professionnelles nexercent pas sur leurs adhrents une autorit hirarchique la manire dune socit mre sur ses filiales. De ce point de vue, les rapports entre les fdrations, les unions locales ou les sections dentreprise et le sige confdral sapparentent davantage une relation de franchis dtenteur de franchise, ce qui illustre assez bien les limites du pouvoir des centrales vis--vis de leurs composantes.

    La structuration syndicale, des sections dentreprise jusquaux confdrations

    Juridiquement, un syndicat est un type de personne morale spcifique, dont les caractristiques et les conditions de formation sont prvues par les articles L. 2131-1 et suivants du code du travail. En raison de son objet de reprsentation et de dfense dintrts collectifs dordre professionnels, son statut sui generis, cre vingt ans avant la reconnaissance de la libert dassociation, est assorti de protections et de droits particuliers (libert dadhsion des membres, attributs de la personnalit civile, dlit dentrave lexercice du droit syndical, etc.).

    La dclinaison de la prsence syndicale dans les lieux de travail prend des ramifications nombreuses et diverses.

    Au sein des entreprises (voire des tablissements de celles-ci), figurent les sections syndicales, qui regroupent lensemble des adhrents un mme syndicat professionnel. Pour leur cration, la condition demploi habituel de 50 salaris a t supprime par la loi n 82-915 du 28 octobre 1982 relative au dveloppement des institutions reprsentatives du personnel, de sorte quelles peuvent voir le jour

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    quelque soit la taille des entreprises. Suite lentre en vigueur de la loi n 2008-789 du 20 aot 2008, les syndicats reprsentatifs nont plus le monopole de la cration de ces structures, seuls lindpendance, le respect des valeurs rpublicaines et une exigence danciennet de deux ans tant opposables aux autres syndicats professionnels.

    Si elles reprsentent les intrts des membres du syndicat dappartenance, les sections syndicales nont toutefois pas la personnalit morale. Elles disposent malgr tout dun petit crdit dheures (de 10 par an, au dessus de 500 salaris, jusqu 15 par an, au-del de 1 000 (1)) et de locaux pour leur activit. De plus, leur existence conditionne la possibilit pour les syndicats de dsigner, selon les cas et sous certaines conditions, un reprsentant de la section syndicale(2) ou un dlgu syndical (3).

    Il arrive, assez frquemment du reste, quune section syndicale, principale entit que reconnat le code du travail, se confonde avec un syndicat dentreprise, dot de la personnalit morale et de statuts. Cela ajoute, assurment, la complexit de ldifice tout en garantissant une concordance la plus troite possible entre les salaris et leur syndicat.

    A lchelon suprieur, les syndicats professionnels peuvent se regrouper, sur un plan sectoriel ou gographique, au sein dunions qui jouissent des mmes droits queux. On distingue en lespce :

    dune part, les fdrations syndicales professionnelles, qui regroupent les syndicats de la mme profession ou de professions similaires, gnralement lchelle nationale. Ainsi, la CFDT et FO comportent des fdrations par mtiers ou fonctions, telle lUnion confdrale des cadres de la CFDT ou la Fdration des employs et cadres de FO. Toutefois, ces deux confdrations ainsi que leurs homologues comprennent galement des fdrations de branches, regroupant parfois divers secteurs dactivit (Fdration services pour la CFDT, Fdration quipement, transports et services de FO, Fdration des industries agro-alimentaires de la CGT, Fdration commerce-services-force de vente pour la CFTC, par exemple). Du ct des employeurs, cette typologie est tout autant valable, comme en atteste lUIMM, qui rassemble 111 syndicats de branche ;

    dautre part, les unions locales ou dpartementales de syndicats, de nature interprofessionnelle. Ainsi, titre dillustration, la CGT comprend quelque 95 unions dpartementales, qui rassemblent les syndicats et sections syndicales de toutes professions dun mme dpartement, et 900 unions locales rparties sur lensemble du territoire et constitues par les syndicats et sections syndicales dune mme zone gographique (localit, bassin demploi, zones industrielles ou commerciales, etc.). Une fois encore, les organisations demployeurs procdent du

    (1) Article L. 2143-16 du code du travail. (2) Article L. 2142-1-1 du code du travail. (3) Article L. 2143-3 du code du travail.

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    mme maillage territorial : ainsi, lUIMM voit-elle son action relaye par quelque 78 chambres syndicales territoriales et le MEDEF par 112 MEDEF territoriaux ou quivalents.

    Au sommet de ces unions de syndicats, on retrouve le plus souvent des confdrations, voire des confdrations de confdrations (CGT, CFDT, FO, CFTC, CFE-CGC, UNSA, SUD, pour les syndicats de salaris, MEDEF, CGPME, UPA, UNAPL, USGERES pour les employeurs, notamment). Beaucoup de fdrations professionnelles ou dunions de syndicats sy affilient, mais pas toutes. Ainsi, comme le relvent certains juristes : pour avoir une vue un peu plus complte de la complexit du paysage syndical franais, il faut encore mentionner lexistence de syndicats dentreprises, de mtiers, de fdrations et dunions, non rattachs aux confdrations et unions interprofessionnelles susvises. Il existe de plus dautres organisations interprofessionnelles de petite, voire de trs petite taille. Et ces diffrents morceaux du mouvement syndical ne sont pas tous ngligeables, loin sen faut. Certains syndicats ont un rle majeur dans telle branche ou tel mtier sans pour autant appartenir une grande confdration (1).

    Au final, cet enchevtrement de regroupements heurte quelque peu lobservateur cartsien. Il reflte nanmoins deux caractristiques essentielles du mouvement syndical : la libert dorganisation des structures syndicales et la grande autonomie conserve par chacune dentre elles dans son fonctionnement.

    Des organisations composes dune myriade dentits : tentative de chiffrage

    La composition des organisations syndicales ou reprsentatives en France apparat pour le moins confuse, le dtail des entits affilies aux confdrations laissant apparatre une grande htrognit de situations, y compris du ct des employeurs.

    Pour ce qui concerne les syndicats de salaris, le journaliste Erwan Seznec porte, dans son ouvrage Syndicats, grands discours et petites combines , ce constat, certes critique mais assez vridique : Les confdrations CGT, CFDT, FO, CFTC ou CGC sont des organisations pouvantablement complexes et quasiment ingrables. Chacune coiffe une myriade de fdrations, de syndicats, et dunions dpartementales ou rgionales. Les relations de pouvoir qui les lient sont peu prs aussi simples rsumer que les liens de fodalit dans lEurope occidentale du XIIe sicle (2).

    Les auditions effectues par la commission denqute ont confort cette impression. En effet, peu de responsables des grandes confdrations

    (1) Emmanuel Docks, Elsa Peskine, Cyril Wolmark : Droit du travail , Dalloz, 5e dition, 2010, p. 456. (2) Erwan Seznec : Syndicats, grands discours et petites combines , Hachette Littrature, p 109 (chapitre

    VII).

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    interprofessionnelles, lexception notable du prsident de la CFE-CGC, du trsorier de la CGT ou de la trsorire de la Fdration syndicale unitaire (FSU) ont t en mesure dindiquer avec exactitude combien de syndicats professionnels, dunions dpartementales ou rgionales et de fdrations leur sont affilis.

    A dfaut de pouvoir systmatiquement se fonder sur les chiffres des personnes auditionnes, il nest possible de se faire une ide que par recoupement dinformations rendues publiques. En rsulte, malgr tout, un tat des lieux pour le moins clairant de la mosaque de structures rassembles sous la bannire des principales confdrations syndicales dans notre pays. Compte tenu des lments fournis lors des auditions et des donnes publies, notamment par lInstitut suprieur du travail, lon est ainsi en mesure dindiquer que :

    la CGT regroupe 30 fdrations professionnelles, 95 units dpartementales, 20 comits rgionaux, quelque 900 units locales et prs de 16 000 syndicats, soit 25 000 30 000 entits si lon inclut les sections dentreprises ;

    la CFDT rassemble 13 fdrations, 21 units rgionales, 110 unions dpartementales ou interprofessionnelles de secteurs, 3 unions confdrales et quelque 1 323 syndicats professionnels ;

    FO comporte 29 fdrations et 104 unions territoriales et dpartementales ;

    la CFE-CGC runit, selon les propres termes de M. Bernard Van Craeynest, le 4 octobre 2011, 101 structures dpartementales nous sommes prsents outre-mer, y compris Mayotte , 26 rgionales, ainsi quenviron 350 unions locales et 25 structures professionnelles ;

    la CFTC comprend 16 fdrations, 99 units dpartementales, 22 units rgionales et prs de 1 145 syndicats ;

    lUNSA fdre 8 ples dactivit professionnelle et 95 units dpartementales interprofessionnelles ;

    la fdration syndicale Solidaires regroupe, selon les propos de sa trsorire liane Lancette, le 13 octobre 2011, 24 syndicats nationaux de tailles trs diverses, 100 sections dpartementales et 25 conseils fdraux rgionaux (CFR) .

    Cet clatement des syndicats de salaris trouve un certain cho du ct des organisations demployeurs.

    Ainsi, sur la foi de laudition, le 13 octobre 2011, de Mme Laurence Parisot, le MEDEF compte aujourdhui 75 fdrations adhrentes et 112 MEDEF territoriaux ou quivalents, outre-mer compris. Les fdrations ou branches professionnelles regroupent, travers 600 organisations sectorielles, des

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    entreprises dune mme profession. De mme, en croire les indications de son prsident, le 12 octobre 2011, la CGPME comprend 16 confdrations reprsentant 355 syndicats de mtiers, 63 fdrations indpendantes et 91 973 adhrents directs dans les dpartements, do un total de 587 385 entreprises affilies. LUPA, pour sa part, fdre par le biais de ses trois confdrations professionnelles adhrentes quelques 50 fdrations professionnelles et 4 500 syndicats.

    A noter enfin que lUnion nationale des professions librales (UNAPL) runit 65 organisations professionnelles dont 2 confdrations importantes, linstar de la confdration des syndicats mdicaux franais, elle-mme constitue de 102 syndicats dpartementaux ou quivalents, 26 syndicats rgionaux et 6 syndicats nationaux, et de la confdration des syndicats dentaires, qui regroupe 100 syndicats dpartementaux ainsi que 20 associations rgionales agres des professions librales (ARAPL), tandis que lUnion de syndicats et groupements demployeurs reprsentatifs dans lconomie sociale (USGERES) rassemble 26 syndicats demployeurs issus dassociations, coopratives et mutuelles.

    Un tel panorama donne la mesure de lmiettement structurel des organisations syndicales et professionnelles en France. Or, ce phnomne nest pas pour faciliter une apprhension globale du mouvement reprsentatif des salaris et des employeurs.

    c) Une situation qui nest pas propre la France

    Lmiettement des organisations syndicales et professionnelles ne constitue pas une singularit franaise. De nombreux pays europens, y compris ceux o les syndicats affichent une audience plus forte, prsentent les mmes caractristiques.

    Ainsi, en Allemagne, les syndicats de salaris, librement constitus et devant prsenter un nombre significatif dadhrents, sont depuis les annes 1950 organiss en fdrations professionnelles (mtallurgie, services, chimie, construction, services publics) ; la majorit est regroupe au sein de la Confdration des syndicats allemands (Deutscher Gewerkschaftsbund DGB), qui revendique 80 % des syndiqus. Les associations demployeurs, elles, sunissent sur une base volontaire, l aussi par branches dactivit, et disposent dune organisation fdrale, la Fdration des associations patronales allemandes (Bundesvereinigung der Deutschen Arbeitgeberverbnde BDA) ; cette dernire reprsente les intrts sociaux des entreprises, en collaboration avec lUnion fdrale de lindustrie allemande (Bundesverband der Deutschen Industrie BDI), charge de la dfense des intrts industriels : elle regroupe 54 syndicats patronaux, tous secteurs industrialiss confondus, organiss au niveau fdral et 14 fdrations de Land, 80 % des entreprises prives y adhrant titre volontaire.

    En Autriche, le morcellement est accentu par le fait quil existe deux niveaux de reprsentation : un niveau lgal et un niveau volontaire. Au niveau

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    lgal, la chambre des travailleurs (Arbeiterkammer AK) compte 3,2 millions de membres, issus des secteurs priv et public, tandis que la chambre conomique fdrale (Wirtschaftskammer sterreich WK) compte 400 000 entreprises. Au niveau volontaire, figurent des organisations qui participent la ngociation collective et interviennent dans le cadre de nombreuses consultations : la confdration autrichienne des syndicats (sterreichischer Gewerkschaftsbund GB), unique confdration, regroupe 1,2 million de syndiqus, rpartis en sept syndicats de mtiers (1) ; la fdration de lindustrie autrichienne (Industrievereinigung IV), elle, dnombre quelque 3 500 membres, 2 200 entreprises employant prs de 450 000 personnes et 1 300 entits titre individuel.

    Au Royaume-Uni, le paysage syndical est monopolis par le congrs des syndicats britanniques (Trade Union Congress TUC). Actuellement 58 syndicats y sont affilis, ce qui reprsente 6,2 millions dadhrents. Parmi ceux-ci, deux sont dominants : UNISON (1 374 500 adhrents), qui reprsente essentiellement les agents publics du secteur de la sant et des collectivits locales, et UNITE (1 474 564 adhrents), dont les membres sont prsents dans un grand nombre de secteurs industriels du priv. Il reste que, malgr son importance politique, le TUC na pas pour fonction de participer la ngociation collective au nom de tous les syndicats qui y sont affilis. Si le dernier rapport du Certification Officer recense 177 syndicats (contre 502 en 1983), seuls 14 affichent un nombre de syndiqus suprieur 100 000, et sont ainsi significatifs. Du ct des employeurs, la Confederation of British Industry (CBI) est lorganisation miroir du TUC. Il existe toutefois une organisation spcifique pour les petites entreprises, la Federation of Small Businesses (FSB). Le dernier rapport du Certification Officer recense par ailleurs 106 associations demployeurs (contre 375 en 1983).

    En Italie, les trois principaux syndicats de salaris, la Confederazione Generale Italiana del Lavoro (CGIL ; 5,7 millions dadhrents), la Confederazione Italiana Sindacati Lavoratori (CISL ; 4,5 millions) et lUnione Italiana del Lavoro (UIL ; 2,2 millions), comptabilisent eux seuls plus de 12 millions dadhrents ; leur structure est le plus souvent articule entre des fdrations catgorielles et un niveau territorial. Les confdrations demployeurs, elles, regroupent plusieurs fdrations et associations patronales, auxquelles les entreprises sassocient selon leur secteur dactivit, la dimension et la nature publique ou prive de leur actionnariat : la Confindustria, principale dentre elles, reprsente 146 046 entreprises manufacturires ; Confartigianato et la Confederazione Nazionale dellArtigianato e della Piccola e Media Impresa dfendent les intrts de respectivement plus de 700 000 et 670 000 entreprises artisanales ; Confcommercio et Confesercenti recensent parmi leurs adhrents plus

    (1) A savoir : GPA-DJP (secteur priv, imprimerie et mtiers de la presse ; 269 103 membres, 22,2 %), GD

    (secteur public ; 232 065 membres, 19,2 %) ; GMNT (industrie ; 230 015 membres, 19 %), GdG (administrations locales, culture et du sport ; 156 115 membres, 12,9 %), Vida (transport et services ; 152 460 membres, 12,6 %), GBH (construction et bois ; 117 623 membres, 9,7 %) et GPF (poste et tlcommunications ; 53 730 membres, 4,4 %).

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    de 700 000 et de 350 000 entreprises du commerce, du tourisme et des services. A bien gards, la reprsentation des entreprises apparat donc fragmente.

    Aux Pays Bas, 90 % des salaris syndiqus sont affilis lune des trois grandes fdrations nationales, seulement 194 000 ayant prfr ladhsion un syndicat catgoriel. Parmi ces syndicats, la fdration nerlandaise du mouvement syndical (Federatie Nederlandse Vakbeweging FNV) est la plus grande fdration, avec 1,2 million de membres et 16 organisations indpendantes. Viennent ensuite la Confdration nationale des syndicats chrtiens (Christelijk Nationaal Vakverbond CNV), fdration syndicale chrtienne limage de la CFTC, avec 335 000 membres et 11 unions, ainsi que la Fdration syndicale pour les travailleurs indpendants et les cadres (Vakcentrale voor middengroepen en hoger personeel MHP), confdration des cadres moyens et suprieurs, revendiquant 167 000 membres et regroupant 5 unions dorganisations syndicales (De Unie / UOV : indpendants ; CMHF : secteur public ; VNV : pilotes ; BBV : banques et assurances ; VHKP : cadres de KLM). Sagissant des employeurs, le VNO-NCW (Verbond van Nederlandse Ondernemingen - Nederlands Christelijk Werkgeversverbond) comporte 180 associations de branches reprsentant 115 000 entreprises, dont les quatre cinquimes sont des PME, organises sur une base de fdrations rgionales ; il agit de concert avec la fdration des petites et moyennes entreprises (MKB Nederland) et les deux syndicats agricoles (Land-en Tuinbouw Organisatie Noord LTO-Noord et Land-en Tuinbouw Organisatie Zuid LTO-Zuid).

    Enfin, en Espagne, la Confdration espagnole des organisations patronales Confdration espagnole des petites et moyennes entreprises (Confederacin Espaola de Organizaciones Empresariales CEOE Confederacin Espaola de la Pequea y Mediania Empresa CEPYME) comprend 2 millions dentrepreneurs au sein de 220 organisations et, en Sude, trois confdrations de syndicats de salaris dominent : la Confdration syndicale de Sude (Landsorganisationen i Sverige LO), qui fdre 14 organisations implantes dans le public et le priv et rassemble ainsi 1,7 million dadhrents, la Confdration sudoise des employs professionnels (Tjnstemnnens Centralorganisation TCO), qui regroupe 16 fdrations membres reprsentant un total de 1,2 million de membres dont 60 000 tudiants et la Confdration gnrale des associations professionnelles (Sveriges Akademikers Centralorganisation SACO), qui runit 23 organisations indpendantes affichant un total de plus de 600 000 membres.

    En dfinitive, en dpit de spcificits propres chaque pays, la construction des mouvements syndicaux et de dfense des intrts des employeurs dans les autres pays europens a obi la mme logique dcentralise et la mme tendance la fragmentation que celles qui ont prvalu en France.

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    2. Labsence de vritable vision consolide : un problme juridique et comptable

    Il nexiste pas, ce jour, de prsentation globalisante des ressources et des dpenses des diffrents mouvements syndicaux existant en France. Les ttes de rseau, elles mmes, savrent le plus souvent incapables de donner des indications chiffres prcises sur les masses financires mobilises par les syndicats qui les composent. Plus encore qu lmiettement parfois extrme des structures affilies, la raison tient des considrations juridiques et comptables conduisant laisser chaque syndicat une grande autonomie.

    a) Lindpendance des entits affilies aux grandes fdrations ou confdrations

    Dots de la personnalit morale, les syndicats professionnels jouissent dune autonomie juridique complte par rapport aux unions ou groupements auxquels ils peuvent se trouver rattachs. En effet, larticle L. 2132-1 du code du travail leur confre la personnalit civile et larticle L. 2133-1 prvoit que les unions nont pour objet que de permettre la concertation des syndicats professionnels pour ltude et la dfense de leurs intrts matriels et moraux, leurs attributs tant dailleurs les mmes que ceux de ces syndicats (article L. 2133-3 du mme code).

    Ce faisant, la situation des syndicats professionnels est trs diffrente de celles de filiales dun groupe de socits, dans la mesure o aucun mcanisme de subordination lunion, la fdration ou mme la confdration nest prvu alors que les articles L. 233-3 et L. 233-16 du code de commerce reconnaissent les cas dans lesquelles une socit dote de la personnalit morale est contrle ou influence par une autre socit et prescrivent, en consquence, ltablissement de comptes consolids lchelle du groupe. Comme le souligne cet extrait dune tude publie par lInstitut suprieur du travail, en 2005 : depuis quelques dizaines dannes, par paresse, par ignorance aussi, on a pris lhabitude de dsigner les confdrations sous le nom de syndicat et cela jusque dans les journaux syndicaux. () Ce glissement de sens nest pas innocent. Il conduit considrer les confdrations comme des organisations trs centralises, trs homognes, dans lesquelles les syndicats ne seraient plus que les sections dune organisation centrale, leurs organes dexcution sur le plan local ou professionnel. Conception contraire lesprit du mouvement syndical lui-mme, dont lesprit original est fdraliste et qui reconnat aux syndicats proprement dits une totale autonomie, du moins sur le plan juridique. Ce ne sont pas, en droit, les confdrations qui forment les syndicats et leur confrent leur existence lgale. Ce sont les syndicats, personnes morales part entire, qui, par leur alliance volontaire, constituent la Confdration (1).

    (1) Syndicat, syndiqu, syndicaliste, syndicalisme , Institut suprieur du travail, 14 janvier 2005, p. 2 et 3.

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    Cet tat du droit explique pour une large part pourquoi il est si difficile pour les confdrations interprofessionnelles davoir une vision comptable englobant lensemble des entits qui leur sont affilies.

    Comme la rsum le trsorier de la CGT, M. Michel Doneddu, lors de son audition le 27 octobre 2011 : le syndicalisme est fond sur le fdralisme. Les fdrations se grent elles-mmes. La CGT nest pas un groupe qui aurait des filiales syndicales dans les entreprises .

    Les autres responsables syndicaux auditionns par la commission denqute nont pas dit autre chose. A titre dillustration, la trsorire de la Fdration syndicale unitaire (FSU), Mme liane Lancette, a elle-mme indiqu le 13 octobre 2011 : nos 24 syndicats nationaux ont leur propre budget. Le SNES, qui a lui aussi des experts comptables, sest mis en conformit. Tous les syndicats le font, de manire autonome. En revanche, les sections dpartementales FSU nayant pas la personnalit juridique, nous sommes obligs, pour satisfaire aux exigences de la loi, de globaliser les finances de la FSU nationale, celles des 100 sections dpartementales et celles des 25 CFR. Cela reprsente un gros travail.

    Du ct des organisations patronales, galement, la difficult se fait sentir, ainsi que la reconnu la prsidente du MEDEF au cours de lchange suivant, loccasion de son audition, le 13 octobre 2011 :

    M. le prsident Richard Malli. Je mtonne que ces diffrents comptes ne soient pas agrgs.

    Mme Laurence Parisot. Je nai aucune objection le faire, mais il nexiste aucune base juridique pour cela.

    M. le prsident Richard Malli. Cest pourtant ce qui se passe pour les partis politiques, mme si le parallle vaut ce quil vaut.

    Mme Laurence Parisot. Un secrtaire de fdration dpartementale dpend du parti, mais le dlgu gnral dun MEDEF territorial ne dpend pas de la direction nationale : cest toute la diffrence.

    M. le prsident Richard Malli. Mais les MEDEF territoriaux ne peuvent faire de btises quavec une certaine bndiction du MEDEF national.

    Mme Laurence Parisot. Non, les MEDEF territoriaux ne sont lis au MEDEF national que par un accord de marque. Jaimerais beaucoup les intgrer, mais il nexiste aucun moyen juridique de le faire.

    Cette situation trouve dailleurs un cho dans le droit en vigueur, puisque larticle L. 2135-3 du code du travail se borne ouvrir la possibilit, pour les syndicats professionnels de salaris ou demployeurs, leurs unions et les associations de salaris ou demployeurs, et seulement si leurs statuts le prvoient,

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    dtablir des comptes combins intgrant la comptabilit des personnes morales et entits avec lesquelles ils ont des liens dadhsion ou daffiliation. En dautres termes, en ltat actuel des choses, la prsentation des comptes agglomrs de rseaux entiers dorganisations syndicales adhrant une mme confdration professionnelle ou interprofessionnelle ne peut reposer que sur le volontarisme et laccord de chacune des entits en cause. Cest dire les limites dune telle dmarche et les lacunes de la transparence institue par la loi n 2008-789 du 20 aot 2008.

    b) Des modalits de consolidation comptable optionnelles, qui rendent parfois plus difficile lapprciation globale des donnes financires

    Au-del mme de la porte largement individuelle de la publication des comptes, qui empche toute globalisation des masses de financement lchelle de lensemble des entits composant une confdration de syndicats de salaris ou une confdration dorganisations demployeurs, force est de constater que les techniques de prsentation laisses lapprciation des organisations syndicales ou professionnelles peuvent parfois conduire un aperu incomplet ou insatisfaisant des moyens dont celles-ci disposent. En lespce, larticle L. 2135-2 du code du travail offre aux syndicats professionnels, aux unions de syndicats professionnels et aux associations de salaris ou demployeurs, qui contrlent une ou plusieurs personnes morales sans pour autant entretenir avec elles des liens dadhsion ou daffiliation formule qui exclut explicitement toute consolidation avec dautres entits syndicales confdres le choix entre deux mthodes pour tablir les comptes au niveau du groupement.

    La premire mthode, dite de la consolidation, consiste tablir par agrgation des comptes consolids sur le modle de ceux prvus pour les groupes de socits, sur le fondement de larticle L. 233-16 du code de commerce. Dans ce cas, en application des articles L. 823-2 et L. 823-9 du mme code, ces comptes consolids doivent tre certifis par au moins deux commissaires aux comptes.

    Dans un souci de simplification, une seconde mthode, dite de lagrafage, est galement ouverte aux syndicats, leurs unions et aux associations de salaris ou demployeurs. Cette mthode impose dadjoindre aux comptes du syndicat ou de lentit publicatrice ceux des entits contrles. Plus prcisment, il sagit de fournir en annexe les comptes des structures contrles ainsi quune information sur la nature du lien de contrle. In fine, si lagrafage est privilgi, les comptes des entits contrles doivent tout de mme avoir fait lobjet dun contrle lgal, cest--dire avoir t certifis par au moins un commissaire aux comptes.

    Du point de vue de la transparence, seule la consolidation permet de disposer dune apprciation assez objective et pertinente des moyens la disposition de lorganisation publiant ses comptes. Lors de son audition, le 24 octobre 2011, la trsorire de la CFDT, Mme Anousheh Karvar en a dailleurs convenu sans ambages : nous avons opt pour la consolidation, parce que nous estimons que cest la seule mthode qui permette une lecture synthtique de la

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    ralit de lensemble des activits de la Confdration et qui donne, en neutralisant les activits entre la CFDT et celles de ses structures filles, une vision globale de notre activit.

    Pourtant, beaucoup de comptes publis ce jour privilgient la mthode de lagrafage la consolidation. Il en va ainsi, par exemple, de ceux de la CGT (pour la socit ddition La vie ouvrire, notamment), de ceux de la CFTC (pour les SCI Limmobilire CFTC et Maison commune, lInstitut de formation des conseillers prudhommes, le Groupement de moyens des frais communs et le Groupement de moyens du personnel), de ceux du MEDEF (pour la socit anonyme ditions et services techniques professionnels) ou encore de ceux de la CGPME (pour les SCI Bellini et Fortuny, la socit ddition SODEP PME, la socit PME communication, lassociation AGEFA PME et les instituts de formation IFP et IFS). Dautres organisations, linstar de la CFDT, de la CFE-CGC ou de la Fdration franaise du btiment, sen tiennent nanmoins la mthode de la consolidation intgrale, plus lisible et pertinente.

    Le recours lagrafage se voit le plus souvent justifi par le fait que les entits dont les comptes sont annexs ont un statut de socit ou dassociation elles possdent, ce titre, une personnalit morale et poursuivent un objet distinct frquemment, commercial ou immobilier de celui de lorganisation syndicale qui les contrle. De mme, dans de nombreux cas, ces entits ne sont pas intgralement contrles par les organisations syndicales ou professionnelles qui agrafent leurs comptes.

    Toutefois, ds lors quelles constituent le support juridique du patrimoine immobilier ou bien quelles servent la diffusion de publications en lien avec lactivit des organisations syndicales ou professionnelles assujetties lobligation de publier leurs comptes le cas chant, avec des revenus dabonnement ou de publicit la cl , on peut lgitimement considrer que ces entits entrent directement dans le champ des moyens de ces mmes organisations. Dans ce cas, une simple annexion de leurs comptes ne suffit pas reflter limportance quelles peuvent avoir pour le fonctionnement des organisations syndicales ou demployeurs.

    En dfinitive, lalternative entre consolidation et agrafage des comptes prsente deux inconvnients majeurs : en premier lieu, la libert de choix quelle implique rend malaise toute comparaison dune entit lautre, les options retenues tant variables aussi bien au sein des organisations syndicales de salaris quau sein des organisations reprsentatives des employeurs ; en deuxime lieu, en favorisant le recours la mthode de lagrafage, elle attnue quelque peu la porte informative de la publication et reporte la charge de la consolidation sur ceux qui veulent en avoir une ide, mme approximative.

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    C. UNE DEMARCHE COMPLIQUEE PAR LA MULTIPLICITE DES CANAUX DE FINANCEMENT

    Lvaluation des financements destination des organisations syndicales de salaris et reprsentatives des employeurs soulve la question de lidentification des sources de ces financements. Certaines transparaissent nettement la lecture des bilans comptables publis mais dautres, plus indirectes, ne font pas toujours lobjet dune valorisation en tant que telle, ce qui conduit occulter une partie des montants dont bnficient les organisations en cause.

    Schmatiquement, ainsi que la soulign le 20 octobre 2011 M. Henri Rouilleault, animateur de groupes de travail de la fondation Terra nova sur la dmocratie sociale : les sources du financement syndical sont au nombre de quatre : les adhrents, les employeurs, ltat et les organisations paritaires.

    Les syndicats sont dabord financs par les cotisations des adhrents. ()

    Sagissant du financement par les employeurs, () ils peuvent prendre des formes multiples : heures de dlgation, soit lgales, soit par accord dentreprise cest le cas pour les dlgus syndicaux ; mise disposition de locaux, daccs intranet ou dautres moyens, souvent par voie daccord. Il faut signaler lexprimentation par Axa du chque syndical, remis par la direction aux salaris. Il sest avr que 50 % des salaris remettent ce chque une organisation syndicale ; cest certes mieux que 5 % dadhsions effectives un syndicat, mais cela montre quil y a encore une marge de progrs ; et remettre un chque pay par lemployeur ne signifie pas adhrer en versant soi-mme une cotisation. ()

    Ltat est la troisime source de financement, et non pas seulement en tant quemployeur, via notamment le financement de permanents. La dduction fiscale de 66 % de la cotisation syndicale est la voie principale de financement de ltat. Si elle constitue indniablement un avantage pour les salaris ou les demandeurs demploi qui sont soumis limpt sur le revenu, elle nincite pas ladhsion ceux qui ne le paient pas.

    Autre forme de financement, les subventions publiques concernent notamment la formation syndicale. ()

    Les organisations paritaires ou tripartites constituent la quatrime source de financement. Les partenaires sociaux participent un trs grand nombre dorganismes dont la gestion est paritaire les plus connus tant lUndic, lAGIRC, lARRCO ou tripartite par exemple, Ple emploi ou dinstances de concertation le Conseil national de lemploi, la Commission nationale de la ngociation collective, le Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie, etc. et dorganismes de prospective concerte le Conseil dorientation des retraites, le Conseil dorientation de lemploi, le Haut conseil de lassurance maladie, Haut conseil de la famille, etc.

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    tant donn quil sagit dorganismes dintrt gnral, il est tout fait normal que la rmunration et les frais de dplacement des administrateurs soient pris en charge par ces organismes, dautant quon courrait sinon le risque dune surreprsentation des fonctionnaires et des retraits .

    Nonobstant la parfaite intelligibilit de cette analyse, une grille de lecture complmentaire des ressources des organisations syndicales de salaris ou demployeurs parat devoir tre envisage, de manire parvenir une vue densemble aussi exhaustive que possible. En loccurrence, il semble ncessaire dintroduire dans lapproche les notions de ressources propres, de rmunration des missions dintrt gnral ainsi que daide matrielle des collectivits publiques et des entreprises lactivit syndicale ou reprsentative ; et pour tre complet, limpasse ne peut galement tre faite sur des mcanismes la marge ou en dehors de la lgalit qui ne sont sans doute pas prpondrants mais qui ont bel et bien cours.

    Ainsi, comme les investigations de la commission denqute le dmontreront, les ressources propres des organisations syndicales ou demployeurs ne reposent pas uniquement sur les cotisations. Elles peuvent galement rsulter dactivits diverses (publications, publicits, vnementiel) ou des produits financiers gnrs par leur patrimoine financier parfois consquent.

    De mme, voquer lappui des employeurs uniquement travers les heures de dlgation ou la mise disposition de locaux serait sans doute rducteur, dans la mesure o une partie dentre eux et non des moindres contribuent aux ressources de certaines fdrations ou confdrations, par le biais dencarts de publicit dans les revues syndicales ou de subventions diverses ngocies sur une base conventionnelle.

    Le rle de ltat, quant lui, est effectivement majeur en ce quil accorde en sa qualit demployeur des fonctionnaires, sans trop tenir dinventaire sur la question dailleurs, un certain nombre de dcharges intgrales de service qui contribuent assez significativement au fonctionnement des confdrations et des fdrations syndicales de salaris, tout en consentant des avantages fiscaux aux contribuables cotisants. Il intervient aussi comme un pourvoyeur crucial de subventions, notamment dans le cas des syndicats dexploitants agricoles.

    Les financements issus du paritarisme, enfin, ne se rsument pas au dfraiement des reprsentants des organisations dans les instances dcisionnelles de la scurit sociale. Il faut inclure, notamment, les sommes reverses dans le cadre de la collecte des fonds de formation professionnelle, suspectes non sans raison dalimenter des structures de formation pouvant dpendre dorganisations syndicales ou reprsentatives.

    Au total, les mcanismes de financement qui irriguent le fonctionnement des organisations syndicales de salaris et demployeurs sont plus difficiles estimer quil y parat. La raison tient moins aux organisations syndicales ou

  • 29

    professionnelles elles-mmes quau relatif dsintrt port par la puissance publique la question jusqu 2008.

    Dans un souci dintelligibilit, le schma ci-aprs tente de synthtiser et de vulgariser ces circuits de financement. Tentant de dcrire le financement des organisations de salaris, il est transposable, mutatis mutandis, celles demployeurs. Il en ressort une impression de grande complexit, qui ne peut que faire le jeu de lopacit. Toutefois, visualiser les mcaniques luvre est en soi une premire tape sur le chemin dune plus grande transparence ; une tape importante pour une valuation plus juste des moyens des organisations des employeurs, dune part, et des organisations syndicales, dautre part.

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    II.- LES DIFFRENTES RESSOURCES DES ORGANISATIONS DEMPLOYEURS ET PROFESSIONNELLES

    Curieusement, le rapport au premier ministre de M. Raphal Hadas-Lebel sur la reprsentativit et le financement des organisations professionnelles et syndicales, publi en mai 2006, a fait limpasse sur les ressources des organisations demployeurs et professionnelles franaises. Le sujet est pourtant aussi important, ds lors que lon sintresse au fonctionnement du paritarisme, que celui des ressources des syndicats de salaris.

    En atteste notamment laffaire des prlvements en espces sur les comptes de lUIMM, pour un montant de quelque 19 millions deuros entre 2000 et 2007, qui a donn lieu louverture dune enqute judiciaire fin septembre 2007. Sans sintresser prcisment des faits sur lesquels il appartiendra la justice de se prononcer, la commission denqute ne pouvait carter de son champ dinvestigation ltude des sources et des circuits de financement des organisations des employeurs et des indpendants, ne serait-ce que pour dresser un tat des lieux de leur degr dindpendance et faire la lumire sur un aspect important de leur implication dans le dialogue social.

    En lespce, lanalyse ne sest pas toujours rvle aise, faute notamment de vision consolide et combine des comptes. Il reste que les informations publies par les principales organisations concernes, ainsi que les indications fournies lors des auditions, permettent dy voir plus clair.

    A.- LES RESSOURCES PROPRES

    Lidentification des ressources propres des organisations demployeurs et professionnelles implique de sintresser aussi bien aux moyens financiers (trsorerie, rserves, revenus divers), quaux moyens matriels qui exonrent ces organisations de dpenses parfois importantes (mise disposition de locaux, de personnel le cas chant).

    Majoritaires, ces ressources nen revtent pas moins une ralit trs contraste, selon les secteurs et adhrents concerns mais aussi selon la gestion privilgie par les organisations en cause.

  • 32

    1. Les cotisations : ressource bien souvent principale mais pas prpondrante

    Les organisations demployeurs et professionnelles bnficient, comme les syndicats de salaris, de cotisations de leurs adhrents. Celles-ci seffectuent tout dabord auprs dune organisation territoriale puis dune fdration couvrant la banche dactivit et, le cas chant par lintermdiaire de cette dernire, auprs dune structure confdrale interprofessionnelle.

    Ladhsion directe dune entreprise une confdration reprsentative interprofessionnelle (MEDEF, CGPME et UPA) est toujours exclue ; en revanche, par le jeu des adhsions de fdrations et de confdrations professionnelles, une mme entreprise peut se retrouver affilie plusieurs titres une mme ou plusieurs confdrations interprofessionnelles.

    Le volume des cotisations verses chaque anne aux organisations demployeurs et professionnelles reprsente un critre intressant du degr dindpendance financire de celles-ci et aussi, dans une certaine mesure, de leur reprsentativit.

    a) Une proportion variable selon le profil des organisations et de leurs adhrents

    Au cours des auditions conduites par la commission denqute, la plupart des responsables dorganisations demployeurs et professionnelles a insist sur limportance des ressources issues des cotisations des entreprises, Mme Laurence Parisot souhaitant mme quelles occupent une place prpondrante dans leur financement.

    Le fait est que si elles constituent souvent la premire source de revenus des organisations interprofessionnelles et des fdrations professionnelles franaises, une partie non ngligeable de ces dernires, lexception notable du MEDEF, de la FFSA (assureurs), de la FBF (banques), de la FFB (btiment), de la FNAIM (agents immobiliers), du PRISME (intrim, services et mtiers de lemploi) et de la fdration nationale des travaux publics, affiche un taux de cotisation infrieur 50 % de leurs moyens annuels de financement.

    Pire encore, certaines grandes organisations interprofessionnelles reprsentatives, telles que la CGPME ou lUPA, prsentent un niveau de cotisations nexcdant pas un gros tiers de leurs ressources.

  • 33

    Part des cotisations dans les ressources de diverses organisations demployeurs et professionnelles franaises, en 2010

    Organisations Nombre dentreprises ou

    dadhrents reprsents

    Montants nets des cotisations

    Proportion des

    ressources

    MEDEF 700 750 000 24,0 millions deuros 62,7 % CGPME 587 385 1,68 million deuros 18,7 % AFEP 90 5,0 millions deuros 100,0 % UPA 300 000 11,44 millions deuros 35,2 % UNAPL 100 200 000 0,37 million deuros 15,9 % FNSEA 200 000 6,16 millions deuros 30,2 % Confdration paysanne 10 000 300 000 euros 8,5 % USGERES (conomie sociale) 60 000 0,05 million deuros 4,7 % UIMM (mtallurgie) 15 000 8,31 millions deuros 13,7 % FFB (btiment) 57 000 62,74 millions deuros 74,7 % FFSA (assurances) 245 15,52 millions deuros 97,8 % FBF (banques) 430 23,68 millions deuros 87,2 % AFB (banques) 240 2,28 millions deuros 60,8 % FIM (mtallurgie) 11 000 2,7 millions deuros 35,1 % PRISME (intrim) 600 2,3 millions deuros 67,6 % UMIH (htellerie-restauration) 80 000 2,09 millions deuros 48,5 % SYNHORCAT (hteliers, restaurateurs, cafetiers)

    10 000 0,96 million deuros 47,3 %

    FNAIM (immobilier) 12 000 10,64 millions deuros 70,2 % FNTP (travaux publics) 8 000 23,12 millions deuros 74,5 % SYNTEC (ingnierie, informatique)

    1 250 997 000 euros 32,4 %

    Chambre syndicale des entreprises de dmnagement

    800 765 979 euros 83,7 %

    Dans ce panorama, le cas des organisations dexploitants agricoles est quelque peu particulier : en soi, il ny a rien doriginal ce que la FNSEA affiche un niveau de cotisations plus lev que des organisations concurrentes comme la Confdration paysanne (8,5 %) ou le MODEF (25 %). Le fait est, cependant, que ladhsion ce syndicat se trouverait encourage par la position quil occupe dans les diffrentes instances locales charges de promouvoir linstallation des agriculteurs, certains allant jusqu affirmer que des aides seraient subordonnes une souscription de cotisation. En attestent ces propos, tenus le 20 octobre 2011, loccasion de laudition des responsables de la Confdration agricole des syndicats d'exploitants familiaux (MODEF) :

    M. Alain Gaignerot. Dans le syndicalisme majoritaire, ladhsion parat quasi obligatoire : il est de notorit publique que, sans adhsion la

  • 34

    FNSEA ou aux JA, il est difficile dobtenir des prts bien quil y ait eu une volution en la matire depuis la fin du monopole du Crdit agricole , dagrandir son exploitation, voire dobtenir des conseils juridiques : dans certaines chambres dagriculture, le conseiller juridique suggre dabord lagriculteur de prendre sa carte la fdration dpartementale, la FDSEA. Bien sr, de telles conditions ne sont jamais exposes par crit. ()

    Mme Estelle Royet. Sachez que lorsque je me suis installe, mon installation a t qualifie de hors cadre familial : jai repris les terres de mon grand-pre son dcs, mais mes parents ntaient pas agriculteurs. Lorsque je suis revenue la terre et lorsque jai fait mon parcours dinstallation en tant que jeune agriculteur, je navais quune notion lointaine du monde syndical. Le point info installation tait gr par les Jeunes agriculteurs et lon ma demand sans que, bien sr, cela ne soit jamais crit dadhrer cette organisation pour que la commission dpartementale dorientation de lagriculture (CDOA) me soit plus favorable. Cette commission, je le rappelle, examine les dossiers dinstallation dans le cadre dune procdure qui permet dobtenir des aides, sous forme de prts bonifis europens notamment. Comme jai refus dadhrer aux JA, jai peru une dotation dinstallation aux jeunes agriculteurs (DJA) minimale.

    M. le rapporteur. Si vous aviez adhr, vous auriez eu un avantage plus important ?

    Mme Estelle Royet. Jai fait mon stage de formation chez le prsident des Jeunes agriculteurs et je vous avoue que cela ne sest pas trs bien pass...

    M. le rapporteur. Il vous a reproch de ne pas avoir adhr ?

    Mme Estelle Royet. Tout fait .

    De telles critiques jettent le trouble, notamment en ce quelles pointent un mcanisme contradictoire avec le principe de libre adhsion une organisation reprsentative.

    Les raisons de la variabilit de limportance des cotisations dans les ressources des organisations demployeurs et professionnelles tiennent plusieurs explications :

    en premier lieu, le niveau global du montant des cotisations perues dpend moins du nombre demployeurs adhrents ou reprsents que du poids financier de leur secteur dactivit. Ainsi, lUPA et la CGPME, qui se font les porte-voix de quelque 300 000 artisans et 590 000 PME de dimension rduite, disposent de ressources bien moindres que lAssociation franaise des banques et la Fdration franaise des socits dassurance (moins de 250 adhrents chacune), ou encore la Fdration nationale des travaux publics et celle des industries mcaniques (moins de 10 000 adhrents), qui sont de surcrot dimportants pourvoyeurs de cotisations pour le MEDEF ;

  • 35

    en deuxime lieu, les barmes de cotisation ainsi que les modalits de versement varient fortement dune fdration lautre et dune confdration lautre. Cela sexplique notamment par le degr variable de lattractivit des organisations concernes, dpendant de leur influence et de leur efficacit supposes. Ainsi, quand le MEDEF impose une cotisation minimale de 30 000 euros aux fdrations qui souhaitent y adhrer, la CGPME, pour sa part, se contente dune cotisation de quelques milliers deuros seulement ; consquence, une mme organisation cotisant aux deux, en loccurrence lUIMM, verse 2,1 millions deuros au MEDEF et seulement de laveu mme de son prsident Frdric Saint-Geours, lors de son audition le 14 novembre 2011 150 000 euros (contre 193 000 euros en 2010) la CGPME. Plus clairant encore, lAssociation franaise des entreprises prives (AFEP), compose de seulement 90 socits cotes, dispose dun financement de prs de 5 millions deuros quasi-exclusivement assur par les cotisations de ses membres ;

    en troisime lieu, certaines organisations, grce leurs autres ressources propres et au montant plus que substantiel de leurs rserves, privilgient un niveau contenu des cotisations quelles exigent de leurs membres. Cest le cas notamment de lUIMM, dont la trsorerie disponible avoisine les 321 millions deuros (en valeur dachat) ;

    enfin, dans le cas du syndicalisme agricole, certains mcanismes de cotisations obligatoires indirectes (1), prleves notamment par des coopratives au profit dassociations de producteurs qui en reversent le montant lorganisation bnficiaire, privilgient les adhsions aux syndicats dominants (la FNSEA et le Centre national des jeunes agriculteurs) et entretiennent ainsi la position de force de ceux-ci, tant sur le plan financier que sur celui de la reprsentativit.

    b) Des modalits de fixation pour le moins alatoires

    Au cours des travaux de la commission denqute, il est apparu assez clairement que le montant des cotisations demandes en contrepartie de ladhsion

    (1) A ne pas confondre avec les cotisations volontaires obligatoires (CVO) prleves sur tout ou partie des

    acteurs de filires agricoles (producteurs, transformateurs, ngociants etc.) en vue de financer le fonctionnement des organisations interprofessionnelles. Ce dispositif de prlvement, cr par la loi n 75-600 du 10 juillet 1975 relative lorganisation interprofessionnelle agricole, repose le plus souvent sur des accords tendus et rendus obligatoires lensemble des membres de la filire par arrt des ministres chargs de lagriculture et des finances. Dans son rapport public annuel de 2007, la Cour des comptes estimait le montant total des cotisations volontaires obligatoires quelque 300 millions deuros et soulignait le dynamisme de ces recettes. En outre, dans son rapport public de 2002, elle avait relev le fait que le fonds daction stratgique des olagineux (FASO), gr par la socit financire des olagineux et protagineux (Sofiproteol), avait servi contribuer au financement du bureau de la FNSEA Bruxelles en 1995 et 1996. Ces faits ont donn lieu une procdure judiciaire et une rgularisation depuis. Il reste que, pour reprendre les observations formules par la Cour en 2007 : Les interprofessions financent parfois les organisations professionnelles qui les composent en leur reversant une part des CVO que celles-ci ont dcides. Le motif en est soit dindemniser leur participation au financement de lorganisme, ceci sans fondement vident, soit de rtribuer lexcution de missions que linterprofession leur dlgue. Dans cette dernire hypothse, les versements effectus mriteraient dtre prcisment contrls pour viter que les CVO ne savrent des cotisations syndicales de fait. (rapport public 2007, p. 68).

  • 36

    dune entreprise, dune union territoriale ou dune fdration professionnelle obit rarement des rgles formalises et uniformes de calcul. Ainsi que la indiqu le professeur Michel Offerl, lors de son audition le 14 septembre 2011 : la cotisation des entreprises est fixe par la fdration elle-mme. Il y a donc autant de types de cotisations que de fdrations. Si la cotisation est parfois forfaitaire, elle est le plus souvent variable, une base 300 euros la FFB, de lordre de 150 sans doute la CAPEB tant affecte de clauses la faisant varier en plus en gnral en fonction du nombre de salaris, mais aussi du chiffre daffaires ou en moins. Et le professeur Michel Offerl dajouter : je ne peux gure vous donner de prcisions sur les cotisations aux confdrations des fdrations et des unions territoriales. () Cependant, l aussi, il existe des ngociations. () Ladhsion des entreprises est donc bien un acte de gestion .

    Un tel constat peut se comprendre sagissant de ladhsion des structures de reprsentation diffrentes, mme sil conduit ce que les adhrents plusieurs confdrations la Fdration nationale du btiment est adhrente au MEDEF et la CGPME, par exemple paient des sommes trs diffrentes pour une affiliation cense leur procurer les mmes avantages. En effet, compte tenu de la spcialisation des organisations de dfense des intrts des entreprises par secteur dactivit et par profil dentreprises, chacune dentre elles adapte sa grille tarifaire la capacit contributive potentielle de ses adhrents : il va sans dire que le gros des adhrents aux fdrations affilies lUPA ou la CGPME ne prsente pas les mmes facilits financires que les socits adhrentes lAFEP, par exemple.

    La modulation des cotisations verses au sein dune mme confdration sexplique elle aussi, dans labsolu, par des considrations assez objectives. Bien souvent, entrent logiquement en ligne de compte la valeur ajoute du secteur dactivit de chaque branche ainsi que le nombre de salaris employs. Lors de leur audition, le 13 octobre 2011, la prsidente et le trsorier du MEDEF ont ainsi expliqu que la cotisation des adhrents cette organisation demployeurs tait calcule sur la base de 1,06 dix millimes de la valeur ajoute, pour ce qui concerne les fdrations professionnelles, et de 0,15 centimes deuros par salari du ressort gographique des MEDEF territoriaux ou assimils, sagissant de ces derniers.

    Dautres organisations se sont toutefois montres moins prcises et cartsiennes dans la fixation des rgles de cotisation quelles appliquent. Pour preuve, les propos ci-aprs tenus par le trsorier et le prsident de la CGPME, lors de leur audition le 12 octobre 2011 :

    M. Jean-Louis Jamet. Les formules sont diverses : ou bien le montant est dcid la tte du client ou bien il repose sur des critres objectifs, comme le nombre de permanents ou dadhrents

    M. Jean-Franois Roubaud. On essaye aujourdhui de rationaliser les choses. Nous y sommes parvenus au niveau des territoires, o la rgle est dsormais fixe. Le problme est plus dlicat au niveau des branches car on ne

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    connat quimparfaitement leur assise. Les cotisations sont donc fixes sur la base dune estimation du poids conomique de chaque branche, pouvant conduire 20 000, 50 000 ou 100 000 euros par an .

    De fait, demi-mot, il a bel et bien t reconnu que les cotisations peuvent tre ngocies dans le cadre dune politique tarifaire destine attirer des adhrents. Ce choix explique aussi, dans une certaine mesure, la variation de ces ressources des organisations demployeurs et professionnelles, certaines dentre elles ne se trouvant pas en situation de demander davantage, sauf prendre le risque de perdre quelques-uns de leurs membres. Le rcent dpart de lAssociation nationale des industries alimentaires (ANIA) du MEDEF, en dcembre 2009, pour rejoindre la CGPME, en raison de considrations justement lies au montant de sa cotisation, illustre dailleurs avec force quune concurrence inavoue existe sur ce plan, au moins au niveau de la reprsentation interprofessionnelle.

    c) Un critre finalement pas trs pertinent de la reprsentativit

    Les cotisations aux organisations demployeurs et professionnelles doivent permettre de mesurer laudience relle de celles-ci. La ralit montre cependant quil nest pas possible den faire un instrument dvaluation de la reprsentativit, dans la mesure o les adhsions peuvent tre multiples et galement parce que les affiliations indirectes, par lintermdiaire dunions territoriales ou de fdrations sectorielles, seffectuent parfois linsu des principaux intresss.

    A la diffrence de ladhsion un syndicat de salaris, ladhsion une organisation reprsentative dentreprises ou professionnelle nest pas exclusive dune adhsion une autre organisation demployeurs. Par le jeu, notamment, de laffiliation des fdrations de branches, il nest pas rare que des secteurs entiers dactivit se trouvent dcompts parmi les adhrents lune ou lautre des organisations interprofessionnelles. Ainsi, la Fdration franaise du btiment, qui regroupe quelque 57 000 professionnels, dont 42 000 statut artisanal, est-elle tout la fois adhrente du MEDEF et de la CGPME. De mme, lUnion des mtiers et des industries de lhtellerie (UMIH) cotise la fois au MEDEF, la CGPME et lUPA. Et il ne sagit l que de quelques illustrations parmi de nombreux exemples possibles.

    Aussi comprhensible soit-elle, notamment au regard de la pluralit des entreprises des diffrents secteurs professionnels, cette situation nen pose pas moins quelques difficults mthodologiques dans la mesure o elle biaise ncessairement laudience dont les organisations demployeurs se revendiquent. En effet, le cumul des adhrents des diffrentes organisations reprsentatives des entreprises en France (plus de 2 millions) excde de loin le nombre officiel des entreprises employant au moins un salari.

    Qui plus est, le procd pose galement un problme dordre dontologique, ds lors quil apparat patent que de nombreuses entreprises se trouvent adhrentes dorganisations fdrales ou confdrales sans avoir donn

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    leur consentement ni mme, parfois, sans le savoir. Dans ces conditions, il peut sembler inappropri daffirmer parler en leur nom.

    Comme la rsum le professeur Michel Offerl, lors de son audition le 14 septembre 2011 : ladhsion dun salari une organisation syndicale est volontaire et se matrialise en gnral par une carte. Au contraire, un chef dentreprise peut ignorer quil est adhrent du MEDEF, de lUPA ou de la CGPME : lorganisation laquelle il aura adhr, cest la fdration patronale de son secteur dactivit la Fdration franaise du btiment, par exemple voire la section locale de cette fdration . Et lintress de poursuivre : Les multi-adhsions rendent trs difficile la fourniture de chiffres dadhrents. Ainsi, lUnion des mtiers et des industries de lhtellerie (UMIH), partie prenante la fois du MEDEF, de la CGPME et de lUPA, revendique 80 000 adhrents. Mais doit-on considrer que ces adhrents le sont tous la fois de chacune de ces confdrations, ou rpartir leur effectif entre elles ? Pour moi, le nombre dadhrents du MEDEF et de la CGPME devrait tre divis de moiti par rapport aux chiffres quils annoncent ; alors que le MEDEF revendique 750 000 adhrents, le nombre de ceux-ci est sans doute plutt, au maximum, de 300 000 ; le redressement des effectifs annoncs par lUPA devrait sans doute tre moindre .

    La vrit se situe vraisemblablement mi-chemin entre les chiffres officiels des adhrents et ceux avancs par le professeur Michel Offerl. Une chose est certaine, cependant : tant que les adhsions multiples resteront permises, il ne sera pas possible de parvenir des statistiques plus exactes. Au regard de lenjeu que constitue la reprsentativit des organisations demployeurs et professionnelles, lon ne peut se satisfaire dune telle situation.

    2. Les ressources complmentaires, palliatifs dune relative dsaffection

    Les organisations demployeurs et professionnelles disposent, ct de leurs ressources annuelles issues des adhsions, de financements complmentaires, qui leur permettent dquilibrer leurs comptes. La majeure partie repose sur les revenus lis des placements ; elle saccompagne nanmoins de recettes diverses, rsultant de dmarches de communication ou de loffre de services destination des entrepreneurs.

    Ces financements ne constituent pas en soi un problme. Ils suscitent toutefois des interrogations lorsquils prennent lascendant sur les ressources inhrentes aux adhsions.

    a) Les revenus financiers et patrimoniaux

    Laffaire de lUIMM a mis en lumire lexistence de rserves financires assez considrables dans certaines organisations demployeurs. Les obligations lgales imposes en 2008 permettent dy voir un peu plus clair en la matire et,

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    surtout, de constater que le cas le plus retentissant nest pas aussi exceptionnel que ce qui a pu tre avanc alors.

    En effet, certaines fdrations professionnelles importantes affichent une trsorerie disponible de plusieurs dizaines de millions deuros, couvrant ainsi plus quune seule anne de fonctionnement. Cest le cas notamment de lUIMM, bien sr (prs de 321,3 millions deuros de trsorerie), mais aussi de la Fdration franaise du btiment (144,4 millions deuros), de lAssociation franaise des banques (28,6 millions deuros), de la Fdration des industries mcaniques (63,8 millio