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CONSEIL D’ÉTAT Rapport public 2009 Activité juridictionnelle et consultative des juridictions administratives Conseil d'etat vert Ptitre+2.in3 3 25/05/09 12:08:01

Rapport Public 2009

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Conseil d’État

Rapport public 2009

Activité juridictionnelle et consultative des juridictions administratives

Conseil d'etat vert Ptitre+2.in3 3 25/05/09 12:08:01

En application de la loi du 11 mars 1957 (art. 41) et du Code de la propriété intellectuelle du 1er juillet 1992, complétés par la loi du 3 janvier 1995, toute reproduction partielle ou totale à usage collectif de la présente publication est strictement interdite sans autorisation expresse de l’éditeur.Il est rappelé à cet égard que l’usage abusif et collectif de la photocopie met en danger l’équilibre écono-mique des circuits du livre.

© La Documentation française, Paris 2009

ISBN : 978-2-11-007587-1

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Études et documents du Conseil d’État

Fondateur

René Cassin

Comité de direction

Jean-Marc Sauvé, Vice-président du Conseil d’État.

Jean-Michel Belorgey, Yves Robineau, Yannick Moreau, Bernard Stirn,

Marie-Dominique Hagelsteen, Pierre-François Racine, présidents de section.

Christophe Devys, secrétaire général du Conseil d’État.

Frédéric Tiberghien, rapporteur général de la section du rapport et des études.

Jean-François Debat, rapporteur général adjoint de la section du rapport et des

études.

Directeur de la publication : Jean-Michel Belorgey

Secrétaire de rédaction : Corinne Mathey

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Publications du Conseil d’État chez le même éditeur

Collection « Études et documents du Conseil d’État »

– Rapport public du Conseil d’État, 2001, Considérations générales : Les autorités administratives indépendantes (EDCE, no 52), 2001.

– Rapport public du Conseil d’État, 2002, Considérations générales : Collectivités publiques et concurrence (EDCE, no 53), 2002.

– Rapport public du Conseil d’État 2003, Considérations générales : Perspectives pour la fonction publique (EDCE no 54), 2003.

– Rapport public du Conseil d’État 2004, Considérations générales : Un siècle de laïcité (EDCE no 55), 2004.

– Rapport public du Conseil d’État 2005, Considérations générales : Responsabilité et socialisation du risque (EDCE no 56), 2005.

– Rapport public du Conseil d’État 2006, Considérations générales : Sécurité juridique et complexité du droit (EDCE no 57), 2006.

– Rapport public du Conseil d’État 2007, Considérations générales : L’administration française et l’Union européenne : Quelles influences ? Quelles stratégies ? (EDCE no 58), 2007.

– Rapport public du Conseil d’État 2008, Considérations générales : Le contrat, mode d’action publique et de production de normes (EDCE n° 59), 2008.

Collection « Les études du Conseil d’État » – Aide sociale, obligation alimentaire et patrimoine, 1999. – Le cumul d’activités et de rémunérations des agents publics, 1999. – L’utilité publique aujourd’hui, 1999. – Les lois de bioéthique : cinq ans après, 1999. – La norme internationale en droit français, 2000. – L’influence internationale du droit français, 2001. – La publication et l’entrée en vigueur des lois et de certains actes administratifs, 2001.

– Redevances pour service rendu et redevances pour occupation du domaine public, 2002.

– Collectivités territoriales et obligations communautaires, 2004. – L’avenir des juridictions spécialisées dans le domaine social, 2004. – Le cadre juridique de l’action extérieure des collectivités locales, 2006. – Inventaire méthodique et codification du droit de la communication, 2006. – Pour une politique juridique des activités spatiales, 2006. – Pour une meilleure insertion des normes communautaires dans le droit national, 2007.

– Le droit de préemption, 2008. – L’implantation des organisations internationales sur le territoire français, 2008.

Collection « Documents d’études » – Jurisprudence du Conseil d’État – Années 1988 à 2002 (disponibles). – Année 2003-2004, Documents d’études 6.21.

Collection « Les études de la Documentation française » – Le Conseil d’État, par J. Massot et T. Girardot, 1999.

Hors collection – La justice administrative en pratique, nlle édition, 2001. – Guide pour l’élaboration des textes législatifs et réglementaires, nlle édition à paraître.

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Sommaire

� Éditorial

Jean-Marc Sauvé, Vice-président du Conseil d’État .................................................7

I. Rapport d’activité

� Activité juridictionnelle ..................................................................................19

Section du contentieux ....................................................................................................21Bureau d’aide juridictionnelle .......................................................................................47

� Activité consultative ..........................................................................................51

Assemblée générale et commission permanente ......................................................53Section de l’intérieur .......................................................................................................85Section des finances .......................................................................................................109Section des travaux publics ..........................................................................................135Section sociale ................................................................................................................151Section de l’administration ..........................................................................................173Récapitulatif des statistiques pour 2008 ...................................................................193Mise en œuvre de l’article 88-4 de la Constitution ...............................................195

� Activité de la section du rapport et des études ...............................199

Exécution des décisions de la juridiction administrative en 2008 .....................201Études et diffusion des travaux du Conseil d’État .................................................211Action internationale de la juridiction administrative ...........................................215Activité de la délégation au droit européen du Conseil d’État ...........................223

� Activité du centre de formation de la juridiction administrative ...............................................................227

Bilan des formations ......................................................................................................229

� Activité de la Mission permanente d’inspection des juridictions administratives ...............................................................241

Mission permanente d’inspection des juridictions administratives ...................243

� Activité des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel .....................................................247

L’activité des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ..........................................................................249

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� Activité des juridictions spécialisées .....................................................257

Cour nationale du droit d’asile ....................................................................................259Commission centrale d’aide sociale ..........................................................................273Cour nationale de la tarification sanitaire et sociale ..............................................275Section des assurances sociales du Conseil national de l’ordre des médecins ................................................................................................277Chambre disciplinaire nationale de l’ordre des chirurgiens-dentistes ..............279Chambre de discipline du Conseil national de l’ordre des pharmaciens..........281Chambre de discipline nationale de l’ordre des sages-femmes ..........................283Chambre supérieure de discipline de l’ordre des vétérinaires ............................285Bilan statistique de l’activité des juridictions administratives spécialisées .....287

� Avis du conseil d’État en 2008 ..................................................................289

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ÉditorialJean-Marc Sauvé,

Vice-président du Conseil d’État

Le rapport public du Conseil d’État retrace traditionnellement le bilan de son activité consultative et de l’activité juridictionnelle de l’ensemble de la juridic-tion administrative (Conseil d’État, cours administratives d’appel, tribunaux administratifs et juridictions administratives spécialisées).

Pour la deuxième année consécutive, ce bilan d’activité est aussi l’occasion de revenir sur la poursuite du mouvement de réforme de notre institution.

Une année marquée par la poursuite des réformes

L’année 2008 a vu l’aboutissement des premières réformes engagées à la suite des réflexions menées en 2007.

S’agissant des sections administratives, une nouvelle section dite section de l’administration, chargée de suivre l’ensemble des instruments de la gestion publique, a été créée par le décret du 6 mars 2008 et installée au mois de juillet. Compétente pour l’ensemble des projets de loi et de décret en matière de fonc-tion publique, de relations entre administration et usagers, de procédure non contentieuse, de défense nationale ainsi que de questions relatives aux contrats et aux propriétés publiques, elle s’est réunie à 27 reprises en 2008 et a examiné 69 textes. Le rapport d’activité présente son premier bilan d’activité.

Le même décret a mis en place, dans chaque section, une formation ordinaire chargée des affaires simples et créé une fonction de président adjoint. Il a éga-lement donné voix délibérative à tous les membres des sections administratives.

S’agissant de l’organisation de la juridiction, le décret du 6 mars 2008 a consa-cré en droit la séparation de fait existant entre les activités administratives et contentieuses du Conseil d’État : il garantit l’impartialité objective et subjec-tive des formations de jugement et de leurs membres.

Fruit d’une longue réflexion d’ensemble, le décret du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives est venu consolider le dispo-sitif de réforme : il a donné un nouveau nom au commissaire du gouvernement - celui de rapporteur public -, permettant de mieux rendre compte de sa fonction de membre de la juridiction, chargé d’une fonction éminente dans l’acte de jugement après celles incombant au rapporteur, au réviseur et à la formation d’instruction. Il a codifié la pratique selon laquelle les parties peuvent avoir connaissance du sens des conclusions avant l’audience et il leur a donné la possibilité de présenter de brèves observations orales après l’intervention du rapporteur public.

Ces changements étaient nécessaires pour favoriser une meilleure compréhen-sion du rôle du commissaire du gouvernement, renforcer sa légitimité et, par conséquent, préserver l’apport éminent qui est le sien à l’intelligibilité et à la transparence du procès administratif, comme à la qualité des décisions de justice. Ces réformes seront poursuivies dans la même perspective au cours de l’année 2009.

L’année 2008 a également été marquée par la préparation du rattachement administratif et financier au Conseil d’État de la Cour nationale du droit d’asile – anciennement dénommée Commission des recours des réfugiés –, qui est intervenu le 1er  janvier 2009. Dans cette perspective, l’administration du Conseil d’État a eu à s’adapter à de nouvelles contraintes de gestion qui se sont traduites par une réorganisation des services du secrétariat général en grandes directions transversales, plus fonctionnelles et adaptées aux nouveaux besoins de la juridiction administrative. Au total, le secrétariat général du Conseil d’État gère, depuis le rattachement de la Cour nationale du droit d’asile et la création du tribunal administratif de Toulon, cinquante juridictions.

Une activité consultative et juridictionnelle soutenue

L’activité consultative

Pour la troisième année consécutive, le nombre des textes examinés par les formations consultatives est en léger déclin - 1 155 textes en 2008, contre 1 267 en 2007 et 1 411 en 2006 -, du fait de la baisse du nombre des saisines concer-nant les décrets réglementaires - 681 décrets en 2008, soit - 27 % par rapport au « pic » de l’année 2006 au titre de laquelle 933 décrets avaient été examinés en Conseil d’État. En revanche, le volume et la difficulté des textes examinés s’alourdissent constamment.

De même, et il est à regretter que cette observation doive être formulée cette année encore, les délais impartis au Conseil pour remplir sa mission sont de plus en plus courts. Ainsi, le nombre des projets de loi examinés en commission permanente est-il en augmentation - 11 textes examinés en 2008 contre 9 en 2007 et une moyenne de 4 par an de 2000 à 2006 -. Cette procédure n’est ni adaptée à l’examen de projets complexes, ni toujours justifiée au regard de la capacité d’examen des textes par le Parlement.

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L’activité de l’assemblée générale s’est pour sa part stabilisée en 2008  : 48 textes ont été examinés au cours de 34 séances, dont 12 séances plénières. Le délai moyen d’examen - délai entre l’enregistrement du texte et sa délibération par l’assemblée - s’établit à 29 jours en 2008 - contre 36 jours en 2007.

La rubrique du rapport consacrée à l’activité de l’assemblée générale et de la commission permanente regroupe notamment, à titre d’observations générales, des développements relatifs aux procédures consultatives, qui ont trait en parti-culier aux notifications préalables à la Commission européenne des aides d’État et des projets de normes techniques, ainsi que des analyses sur le rôle de la Com-mission consultative d’évaluation des normes du comité des finances locales (CCEN), nouvelle formation établie au sein du comité des finances locales.

Un développement particulier est réservé à la révision constitutionnelle de 2008 qui a consacré, pour la première fois, les compétences contentieuses du Conseil d’État et l’existence d’un ordre juridictionnel administratif. Cette réforme accroît les responsabilités du Conseil d’État qui pourra poser au Conseil constitutionnel des questions préjudicielles de constitutionnalité sur les lois promulguées et rendre, à la demande des présidents des assemblées parlemen-taires, des avis sur les propositions de loi.

Le bilan regroupe également les observations formulées par les différentes sec-tions administratives, notamment sur les notions de loi de programme et de loi de programmation ainsi que sur les lois de finances et de financement de la sécurité sociale.

Les rapports particuliers des sections administratives rendent compte d’une année riche en examens de textes importants et complexes.

La section de l’intérieur aborde notamment des questions relatives au droit pénal, aux libertés publiques, au traitement automatisé de données personnelles ainsi qu’aux établissements d’utilité publique ; la section des finances consacre de longs développements aux finances publiques, à la fonction publique et éga-lement aux conventions internationales ; la section des travaux publics revient notamment sur les sujets environnementaux, au lendemain du Grenelle de l’en-vironnement ; la section sociale consacre des développements circonstanciés à certains cas de consultations obligatoires, notamment des partenaires sociaux, ainsi qu’à un éventail de questions portant sur l’emploi et la formation profes-sionnelle. La section de l’administration évoque le partage des compétences entre loi et règlement en matière de défense nationale ainsi que des thèmes intéressant les trois fonctions publiques.

La section du rapport et des études retrace les activités de la nouvelle déléga-tion aux relations internationales, et celles de la délégation au droit européen. Elle dresse également un bilan des activités à caractère juridictionnel ou non juridictionnel de l’ensemble des juridictions administratives en matière d’exé-cution des décisions de justice.

Au cours de l’année 2008, deux études adoptées par l’assemblée générale du Conseil d’État ont été publiées : Le droit de préemption et Les recours admi-nistratifs préalables obligatoires. Deux groupes de travail ont également été chargés, à la demande du Premier ministre, de réaliser une étude, d’une part, sur la révision des lois de bioéthique, au mois de mai 2008 et, d’autre part, sur la question de l’harmonisation des textes en matière d’accès aux données

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publiques, en novembre  2008. Enfin, le Conseil d’État a pris l’initiative de constituer un groupe d’étude en juillet 2008 sur le thème « Coûts, efficacité et qualité de la justice », lequel poursuivra ses travaux en 2009.

L’étude relative au droit de préemption a fait l’objet d’un colloque, organisé le 20 mai 2008 au Conseil économique et social sur le thème : « Le droit de pré-emption et la relance des politiques d’aménagement et d’habitat », en partena-riat avec les principaux acteurs dans ce domaine. Conformément à la tradition, les considérations générales du rapport public 2008 du Conseil d’État, qui ont porté sur Le contrat, mode d’action publique et de production des normes, ont fait l’objet d’une présentation à des publics nombreux et variés.

Le cycle de rencontres sur le droit public économique, lancé en 2007 sous le nom d’ « Entretiens du Palais-Royal », s’est poursuivi en 2008 avec l’organi-sation de trois manifestations à destination des administrations, des directions juridiques d’entreprises, des professionnels du droit, des avocats, des magis-trats et de la doctrine  : le 15 mars a été traité le thème des aides d’État, le 20 juin celui du contrôle des concentrations et le 16 décembre, celui des mar-chés publics, contrats de partenariat et délégations de service public.

Enfin, à l’occasion de la présidence française de l’Union européenne, le Conseil d’État a organisé un colloque, les 9 et 10 octobre 2008, sur « Le juge en Europe et le droit communautaire de l’environnement » en partenariat avec la Commission européenne et le Conseil national des barreaux, qui a réuni plus de 200 juges et avocats des 27 États membres de l’Union européenne et qui a marqué le lancement du programme de coopération entre les juges nationaux et la Commission européenne.

La délégation aux relations internationales, regroupant en son sein la cellule de coopération internationale ainsi que le secrétariat de l’Association inter-nationale des hautes juridictions administratives (AIHJA), a consacré une part importante de son activité aux échanges européens, auxquels ont largement participé les cours administratives d’appel et les tribunaux administratifs. Les relations entre le Conseil d’État et la Cour européenne des droits de l’Homme ont été marquées, en mai 2008, par la visite de membres de la section du conten-tieux à la Cour de Strasbourg et par l’accueil, en novembre 2008, de juges de la Cour au Conseil d’État. Une délégation du Parlement européen a également été reçue par le Vice-président du Conseil d’État au Palais-Royal. Des membres du Conseil d’État ont rejoint le groupe de travail mis en place dans le cadre du Forum européen de la justice sous les auspices de la Commission européenne. Les échanges bilatéraux avec les juridictions étrangères ont été soutenus, notamment avec les juridictions allemandes. Le Conseil d’État a aussi active-ment participé aux travaux de l’AIHJA et de l’Association des Conseils d’État et des juridictions administratives suprêmes de l’Union européenne.

La délégation au droit européen a eu à assumer une charge de travail substan-tiellement accrue par rapport aux années précédentes, puisqu’elle a été saisie de plus de 1 000 questions juridiques, tout en poursuivant son activité de veille juridique en analysant les principales décisions émanant des juridictions euro-péennes, dont des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme pour la première fois en 2008.

Le bilan du service d’exécution des décisions de justice fait apparaître une légère progression des demandes d’exécution dont sont saisies l’ensemble des juridic-

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tions - 1 917 affaires enregistrées en 2008, contre 1 867 en 2007 - et une relative stabilisation du nombre des demandes d’éclaircissement adressées à la section - 8 en 2008, contre 9 en 2005 puis 7 en 2006 -. Comme les années précédentes, une grande partie des affaires a pu trouver un règlement par une procédure non juri-dictionnelle. Au nombre des difficultés récurrentes qui sont rencontrées, figurent celles qui se rapportent au règlement des condamnations pécuniaires et, en parti-culier, au versement par l’État des frais irrépétibles, au contentieux de la fonction publique ainsi qu’aux contentieux des étrangers et du permis de conduire.

L’activité contentieuse

La consolidation des résultats positifs observés en 2007

L’activité de la section du contentieux s’est maintenue à un niveau élevé en 2008. La section s’est attachée à remplir les objectifs quantitatifs qu’elle s’était assignés pour l’année 2008, à savoir assurer l’équilibre entre le nombre de dossiers enregistrés et celui des dossiers jugés en dépit de l’augmentation des flux, réduire le stock des pourvois en cassation en instance, assainir le stock des affaires restant à juger en réduisant la part des dossiers les plus anciens et, enfin, mobiliser l’ensemble de ses formations et de ses moyens pour s’adapter au nombre et à la difficulté des affaires dont elle a à connaître.

L’équilibre réalisé entre les affaires jugées et les affaires enregistrées a constitué un véritable défi en 2008, puisque la section a été saisie d’environ 600 requêtes de plus qu’en 2007 - soit, en données nettes, 10 250 dossiers enregistrés en 2008 contre 9 627 en 2007. Les 10 304 affaires jugées en 2008 ont permis de dégager un « excédent » entre les affaires enregistrées et les affaires jugées qui, même s’il n’est pas considérable, permet de poursuivre la résorption du stock de dossiers restant à juger. Au 1er janvier 2009, ce stock comporte 8 149 affaires contre 8 201 en 2007. Ce résultat est d’autant plus encourageant qu’il reste très nettement inférieur à la capacité annuelle de jugement de la juridiction, qui dépasse les 10 000 affaires par an.

L’année 2008 a également été marquée, pour la première fois, par un très net excédent des jugements rendus sur les pourvois en cassation des cours admi-nistratives d’appel : pour 2 994 pourvois en cassation enregistrés à la section du contentieux, 3 366 décisions ont été rendues. Ce résultat, très encourageant pour l’avenir, qui témoigne de la capacité du Conseil d’État à équilibrer sa capacité de jugement pour un contentieux important et difficile, doit cependant être nuancé par le fait que les saisines en provenance des cours ont baissé de près de 600 affaires par rapport à 2007.

Enfin, la section du contentieux a poursuivi ses efforts en matière de réduction du nombre des affaires les plus anciennes restant à juger : au 1er janvier 2009, 84 dossiers de plus de trois ans restaient à juger, alors que l’on en dénombrait 155 un an auparavant. Cette évolution doit être regardée comme d’autant plus favorable que le stock ancien comporte, pour une large part, des dossiers en attente de réponse aux questions préjudicielles renvoyées à la Cour de justice des Communautés européennes ou aux juridictions judiciaires ainsi que des

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dossiers ayant fait l’objet de liquidations d’astreinte aux fins d’exécution de la décision contentieuse et qui sont toujours comptabilisés, à ce titre, dans les statistiques de la section du contentieux.

Ces résultats, positifs et encourageants, ont été obtenus, alors même que les effectifs de cette section sont restés à un bas niveau tout au long de l’année 2008, à savoir environ 70 rapporteurs « à temps plein », contre une moyenne de 80 rapporteurs du début des années 2000 et jusqu’en 2004. Ce faible effectif a pu être partiellement compensé par le développement de l’aide à la décision.

S’agissant des types de contentieux traités, l’année 2008 a, comme il était prévi-sible, été fortement marquée par l’augmentation, conjoncturelle, du contentieux électoral - élections municipales et cantonales de mars 2008 -, qui s’est tra-duite par l’enregistrement de 537 affaires nouvelles - moins tout de même qu’en 2001, au cours de laquelle ont été enregistrés 700 recours électoraux.

Le contentieux de premier ressort a augmenté de façon importante en 2008, passant de 2 219 à 2 605 affaires en raison, notamment, de l’accroissement du contentieux des refus de visa d’entrée en France. Pour faire face à cette situa-tion, de nouvelles solutions sont d’ores et déjà explorées, s’agissant des compé-tences et des moyens de la Commission de recours contre les décisions de refus de visa d’entrée en France. Il est en outre prévu d’attribuer le contentieux des refus de visa au tribunal administratif de Nantes dans le cadre plus général d’un allégement des compétences de premier ressort du Conseil d’État, qui ne doit rester directement saisi que des affaires qui ont une portée nationale.

Les recours en référé ont également sensiblement augmenté, passant de 439 affaires enregistrées en 2007 à 682 en 2008. C’est également le cas des affaires relevant d’une ordonnance du président de la section du contentieux : 1 559 dossiers ont été traités en 2008 - contre 1 203 en 2007 -, soit 15 % des affaires réglées par la section du contentieux.

Le nombre des pourvois en cassation enregistrés par la section du contentieux a en revanche décliné en 2008 pour ne plus représenter que 52 % des affaires enregistrées, contre 67  % en 2007. Cette tendance à la baisse est constatée toutes catégories de pourvois confondues - contre les jugements des cours administratives d’appel, contre ceux des tribunaux administratifs rendus en premier et dernier ressort, mais également contre ceux des juridictions spécia-lisées, notamment la Cour nationale du droit d’asile -.

La hiérarchisation systématique et rigoureuse du traitement des affaires a per-mis de recourir pleinement à tout l’éventail des formations de jugement de la section. Pour la première fois en 2008, plus de la moitié des 10 300 affaires jugées - soit 5 375 - l’ont été par ordonnance des juges des référés, des pré-sidents de sous-section ou du président de la section du contentieux. Si l’on y ajoute les 3 433 affaires jugées par les sous-sections jugeant seules, ce sont 8 800 affaires au total - soit 85 % de l’ensemble des décisions -, qui ont été ren-dues par une formation de jugement ne réunissant pas plus de 3 membres pour statuer, mais mobilisant fortement les présidents des formations de jugement ainsi que les moyens dévolus à l’aide à la décision. En contrepartie, les sous-sections réunies ont pu davantage se consacrer aux dossiers les plus difficiles, dont le nombre augmente année après année. Elles ont pu ainsi juger 1 427 affaires en 2008, dont certaines sont à l’origine d’un apport jurisprudentiel

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important. La section et l’assemblée du contentieux ont pour leur part jugé 35 affaires d’importance.

La section du contentieux a également souhaité préciser ses objectifs et ses perspectives pour les trois années qui viennent, conformément à la démarche des projets de juridiction qui a été adoptée pour l’ensemble des juridictions administratives. Le projet établi retient cinq grands objectifs déclinés par action. Au titre de ces objectifs, qui seront développés en 2009, on peut citer l’assainissement durable du stock des affaires restant à juger, l’amélioration de l’appareil statistique, le souci de la qualité et de la créativité de la jurispru-dence, la prise en compte de l’unité de la juridiction administrative et, enfin, le renforcement de la visibilité de l’action de la juridiction administrative.

S’agissant de l’activité des tribunaux administratifs et des cours administra-tives d’appel, après plusieurs années de croissance très soutenue - estimée, en moyenne annuelle, à près de 9 % depuis 2002 -, l’augmentation du nombre de saisines s’est poursuivie en 2008, à un rythme cependant moins élevé.

En données nettes, les 176 313 affaires nouvelles enregistrées par les tribu-naux administratifs ont représenté une augmentation de 3,70  % par rapport à 2007, que l’on peut toutefois ramener à 0,96 %, si l’on exclut les quelque 5 000 dossiers relatifs au contentieux électoral. Le nombre des affaires jugées - 183 811 dossiers - a progressé de 5 % du fait en particulier de l’augmentation du nombre d’affaires jugées par magistrat, qui est passé de 262 en 2007 à 275 en 2008. Pour la seconde année consécutive, le nombre des affaires jugées a donc dépassé le nombre des affaires enregistrées et a entraîné une diminution du stock de 3,82 %. Le délai prévisible moyen de jugement continue également à diminuer et il est estimé à 12 mois et 29 jours au 31 décembre 2008, contre 14 mois et 4 jours en 2007.

Après une forte croissance au cours des dernières années (+ 26 % entre 2006 et 2007), le taux de progression du nombre d’affaires enregistrées par les cours administratives d’appel s’est fortement modéré en 2008 (+ 4,7 % par rapport à 2007). Pour 27 802 dossiers enregistrés, le nombre des affaires jugées s’est établi à 27 235, situation presque équilibrée. Même si l’on constate une légère progression de + 2,72 % du stock des affaires restant à juger, le délai prévi-sible moyen de jugement a diminué de 15 jours par rapport à 2007 pour s’éta-blir à 12 mois et 21 jours. Enfin, le mouvement d’assainissement du stock, qui concerne en priorité le règlement des dossiers enregistrés depuis plus de deux ans, a porté ses fruits puisque ces affaires ne représentent plus que 6,31 % des dossiers restant à juger.

Même si ces résultats sont globalement satisfaisants, l’équilibre reste précaire. En effet, d’une part, de manière générale, l’apparition des contentieux liés à la mise en œuvre progressive des nouvelles procédures dans le cadre de la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable (DALO) et de la loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de soli-darité active (RSA), dont le contentieux est transféré des juridictions admi-nistratives spécialisées de l’aide sociale aux juridictions administratives de droit commun, aura un impact certain sur l’activité de celles-ci à compter de 2009. D’autre part, la situation de certaines juridictions, notamment en Île-de-France, reste préoccupante. Les moyens nouveaux alloués à la juridiction administrative dans le cadre de la programmation triennale du budget de l’État

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seront donc principalement consacrés au redressement de ces juridictions et permettront notamment la création d’un nouveau tribunal administratif traitant du contentieux de la Seine-Saint-Denis, dont le siège sera fixé à Montreuil, et un substantiel renforcement des effectifs des tribunaux administratifs de Paris et de Melun ainsi que de la cour administrative d’appel de Versailles. Les pra-tiques et les procédures applicables devant la juridiction administrative, qui ont déjà été modifiées par le décret du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public, continueront d’être adaptées.

Le bilan d’activité de la Cour nationale du droit d’asile confirme les tendances observées en 2007, à savoir la légère diminution du nombre de recours enre-gistrés - 21 636 en 2008 contre 22 676 en 2007 - qui restent inférieurs à la capacité de jugement de la juridiction - 25 067 décisions rendues en 2008 -, ce qui a permis de réduire encore son stock, notamment pour les affaires les plus anciennes. La Cour nationale du droit d’asile, dont la gestion est désormais rat-tachée, comme les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel, au programme « Conseil d’État et autres juridictions administratives », devrait adapter son organisation, en s’appuyant, à compter de septembre 2009, sur le renfort de 10 magistrats siégeant à titre permanent, pour poursuivre son effort et ramener rapidement son délai prévisible moyen de jugement à 6 mois.

Pour la première fois, des juridictions ordinales et des chambres disciplinaires présentent dans le bilan un bref commentaire de leur activité, afin notamment d’éclairer les résultats statistiques d’ensemble traditionnellement présentés dans le rapport.

En résumé, le Conseil d’État et les juridictions administratives ont poursuivi tout au long de l’année 2008 une action volontaire de réforme afin d’adapter leurs méthodes, leurs procédures et leur organisation à un univers administratif en mouvement, au sein d’une société qui donne au droit davantage de place et confère au juge des responsabilités élargies. Il leur incombe en effet d’être attentifs à relever ces défis pour parvenir à des délais de jugement raisonnables, rendre des décisions claires et respectées, construire une jurisprudence qui trouve l’équilibre entre stabilité et créativité. À l’heure de l’Union européenne et de la mondialisation du droit, le dialogue des juges et la connaissance des systèmes juridiques et judiciaires étrangers sont également des nécessités qu’il convient d’appréhender à leur juste valeur et d’aborder avec confiance.

15

Index des principales abréviations

AJDA Actualité juridique, droit administratifB. ou Bull. Bulletin des arrêts de la Cour de cassationBCE Banque centrale européenneBEI Banque européenne d’investissementCass. Cour de cassationCE Conseil d’ÉtatCEDH Cour européenne des droits de l’hommeCES Confédération européenne des syndicatsCIJ Cour internationale de justiceCJCE Cour de justice des Communautés européennesCons. const. Conseil constitutionnelCOREPER Comité des représentants permanentsD Recueil DallozDS Droit socialEDCE Études et documents du Conseil d’ÉtatFEDER Fonds européen de développement régionalFEOGA Fonds européen d’orientation et de garantie agricoleFSE Fonds social européenGOPE Grandes orientations de politique économiqueGP Gazette du PalaisIFOP Instrument financier d’orientation de la pêcheJCP La Semaine juridiqueJOCE Journal officiel des Communautés européennesJORF Journal officiel de la République françaiseJOUE Journal officiel de l’Union européenneLGDJ Librairie générale de droit et de jurisprudenceLPA Les petites affichesLOLF Loi organique no 2001-692 du 1er août 2001 relative

aux lois de financesMOC Méthode ouverte de coordinationPESC Politique étrangère et de sécurité communeRDP Revue de droit public et de la science politiqueREACH Registration, Evaluation and Authorisation of ChemicalsRFDA Revue française de droit administratifRFDC Revue française de droit constitutionnelSEBC Système européen de banques centralesTCE Traité instituant la Communauté européenneTUE Traité sur l’Union européenneUEM Union économique et monétaire

RappoRt d’activité

19

Rapport d’activité

Activité juridictionnelle

21Section du contentieux

Section du contentieux

Activité de la section

I. – Le nombre d’affaires enregistrées en 2008, en données brutes et en données nettes, est supérieur à celui de l’année 2007. En effet, d’une part, l’année a été marquée par le contentieux des élections municipales et cantonales du mois de mars, d’autre part, les affaires relevant de la compétence du Conseil d’État en premier ressort ont encore progressé. En revanche, l’ensemble des pourvois en cassation a connu une diminution sensible. Malgré l’accroissement du nombre des affaires enregistrées, l’équilibre entre les entrées et les sorties, en données nettes, a été atteint.

2003 2004 2005 2006 2007 2008

Données brutesAffaires enregistréesDécisions rendues

10 213 (1) (2)

11 20912 868 (3)

11 52812 572 (4)

12 124 (5)11 57812 700

11 74512 527

11 84011 714

Données nettes après déduction des sériesAffaires enregistréesDécisions rendues

9 905 (1) (2)

11 13512 074 (3)

11 00111 196 (4)

11 270 (5)10 27111 242

9 6279 973

10 25010 304

Données nettes après déduction des ordonnances du président de la section du contentieux (6)

Affaires enregistréesDécisions rendues

8 746 (1) (2)

9 94310 581 (3)

9 5169 102 (4)

9 706 (5)8 9459 736

8 5318 780

8 7468 751

(1) Dont 264 affaires de pensions militaires d’invalidité suite à la suppression de la commission spéciale de cassation des pensions au 1er avril 2002.(2) Dont 87 (données brutes) et 73 (données nettes) pourvois en cassation contre des jugements de tribu-naux administratifs rendus en dernier ressort (art. 11 du décret du 24 juin 2003).(3) Dont 1 318 (données brutes) et 1 107 (données nettes) pourvois en cassation contre des jugements de tribunaux administratifs rendus en dernier ressort (art. 11 du décret du 24 juin 2003).(4) Dont 2 018 (données brutes) et 1 366 (données nettes) pourvois en cassation contre des jugements de tribunaux administratifs rendus en dernier ressort (art. 11 du décret du 24 juin 2003).(5) Ces chiffres ne tiennent pas compte de 500 affaires réglées par ordonnance en 2005.(6) Ordonnances prises au titre des articles R. 351-1 et suivants du code de justice administrative et des recours contre les décisions du bureau d’aide juridictionnelle.

1. Le nombre total d’affaires enregistrées est passé, en données brutes, de 11 745 en 2007 à 11 840 en 2008. Après déduction des affaires de séries et des affaires réglées par ordonnances du président de la section du contentieux au titre, d’une part, de la procédure de règlement des questions de compétence, et d’autre part, des recours contre les décisions du bureau d’aide juridictionnelle,

22 Activité juridictionnelle

le chiffre des entrées passe de 8 531 en 2007 à 8 746 en 2008, soit une augmen-tation de 2,5 %. L’ensemble des pourvois en cassation en 2008 représente 52 % du total des entrées, en données nettes, contre 65 % en 2007. Pour la première fois, les pourvois en cassation dirigés contre les arrêts des cours administratives d’appel connaissent, en données nettes, une diminution importante de 16,6 % (environ – 600 affaires). En revanche, les affaires relevant de la compétence du Conseil d’État en premier ressort, en données nettes, progressent de 17 % (envi-ron + 400 affaires) en raison de la hausse très significative des affaires de refus de visa d’entrée en France tant en requêtes au fond qu’en requêtes en référé. En ce qui concerne le contentieux des étrangers, à la différence des tribunaux et des cours administratives d’appel, le Conseil d’État est très peu saisi en matière de titres de séjour et de mesures autoritaires de sorties du territoire. Le contentieux des réfugiés quant à lui, en deux ans, a diminué de plus de la moitié (260 entrées en 2008 contre 394 en 2007 et 555 en 2006).

2. En ce qui concerne les affaires jugées, en données brutes, 11 714 décisions ont été rendues en 2008 contre 12 527 en 2007. Toutefois, en données nettes, le volume des sorties est légèrement supérieur à celui de l’année précédente (10 304 en 2008 contre 9 973 en 2007) et comparé à celui des affaires enregis-trées, on constate que l’équilibre entre entrées et sorties a été atteint. Ceci est d’autant plus remarquable que les effectifs ont été très tendus au cours de l’an-née. L’apport efficace des cellules d’aide à la décision mérite à cet égard d’être souligné.

II. – Le contentieux des élections municipales et cantonales de mars  2008, moins volumineux qu’en 2001  mais néanmoins significatif, s’est traduit par l’introduction devant le Conseil d’État, juge d’appel de ces élections, de 537 affaires (492 pour les élections municipales et 45 pour les élections cantonales). 183 d’entre elles ont déjà été jugées.

III. – En 2008, le juge des référés du Conseil d’État a été saisi de 682 requêtes contre 439 en 2007 soit une progression de 55 % qui s’explique par la crois-sance très importante du contentieux des refus de visa d’entrée en France. En effet, à lui seul, ce contentieux représente près de 53 % des requêtes en référé enregistrées.

Quant au délai moyen de jugement, il est de 19 jours pour les référés autres que les référés libertés (art. L. 521-2 du code de justice administrative) et les référés suspension de refus de visa. Ce délai est d’environ un mois pour les affaires de refus de visa qui nécessitent, en règle générale, un délai d’instruction un peu plus long et qui se terminent, dans près de la moitié des cas, par un non-lieu à la suite de la délivrance par l’administration du visa sollicité.

Dans le même temps, le Conseil d’État a été saisi de 770 pourvois en cassation contre des décisions rendues en matière de référé par les tribunaux administra-tifs et les cours administratives d’appel contre 829 en 2007, soit une diminution de 7 %. Le nombre de décisions rendues s’élevant à 818, le nombre de pourvois en stock est passé de 362 au 31 décembre 2007 à 314 au 31 décembre 2008.

IV. – En ce qui concerne les délais de jugement, en données nettes, le délai pré-visible moyen de jugement des affaires en stock est de 9,5 mois en 2008 contre 10 mois en 2007 (rapport entre le stock en fin d’année et la capacité de juge-ment durant l’année). Le délai moyen de l’instance pour les affaires ordinaires

23Section du contentieux

est de 18 mois et 18 jours contre 17 mois en 2007. Quant à celui des pourvois en cassation, hors les décisions rendues en matière de référé, il est de 14 mois et 15 jours contre 13 mois en 2007. Ces délais de jugement, un peu plus élevés que l’année précédente, s’expliquent par la part plus importante des affaires anciennes jugées en 2008. En effet, la section du contentieux a poursuivi ses efforts pour rajeunir le stock  : fin 2008, les affaires enregistrées depuis plus de deux ans représentent 7,3 % des affaires en instance contre 8,3 % en 2007. Quant au nombre de dossiers en stock enregistrés depuis plus de trois ans, il a été réduit de 153 à 112 dans les six derniers mois. Ils correspondent, pour l’es-sentiel, à des dossiers dans lesquels une expertise a été ordonnée ou une ques-tion préjudicielle posée ou à des dossiers déjà jugés au fond mais pour lesquels il faut liquider une astreinte.

L’amélioration des délais de jugement reste une préoccupation constante du Conseil d’État. À cet égard, a été élaboré, pour les années 2009 à 2011, pour la section du contentieux, un projet fixant comme priorités, du point de vue quantitatif, l’équilibre entre les entrées et les sorties, le jugement plus rapide des pourvois en cassation et la résorption des dossiers anciens et, du point de vue qualitatif, l’amélioration des relations avec les parties notamment en rendant plus prévisible la procédure afin d’assurer la compréhension par tous de l’équité du procès administratif.

V. – Par ailleurs, l’année 2008 a été la quatrième année de la première expéri-mentation des « téléprocédures » qui permettent la dématérialisation de la tota-lité de la procédure relative au contentieux fiscal de l’assiette.

Du 1er janvier au 31 décembre 2008, 355 pourvois ont été déposés par cette voie par les sept avocats au Conseil d’État participant à cette expérimentation (431 en 2007 et 358 en 2006), ce qui représente 95 % des pourvois déposés dans le domaine du contentieux fiscal de l’assiette par ces avocats (91 % en 2007 et 76 % en 2006) et environ 41 % du total de ce contentieux présenté au cours de la même période par les avocats au Conseil d’État (29 % en 2007). L’extension de cette procédure à l’ensemble des avocats au Conseil d’État a été engagée en septembre 2008 avec un plan de formation proposé à l’ensemble des cabinets d’avocats.

Par ailleurs, le périmètre de cette expérimentation va être étendu, très prochai-nement, au contentieux de la fonction publique militaire. Le Conseil d’État sera ainsi amené à gérer soit une procédure de type « asymétrique » où les échanges se feront par la voie papier traditionnelle avec l’une des parties et par la voie électronique avec l’autre partie (en l’occurrence le ministre de la défense), soit une procédure entièrement dématérialisée notamment avec des requérants non représentés par un avocat.

24 Activité juridictionnelle

Statistiques

Tableau 1Affaires enregistrées et décisions rendues par le Conseil d’État (a)

2004 2005 2006 2007 2008

Affaires enregistrées 12 074(12 868)

11 196(12 572)

10 271(11 578)

9 627(11 745)

10 250(11 840)

Décisions rendues (b) 11 001(11 528)

11 270 (c)

(12 124) (c)11 242

(12 700)9 973

(12 527)10 304

(11 714)

(a) Les chiffres donnés entre parenthèses incluent les séries.(b) Y compris les décisions qui ne règlent pas définitivement un dossier : celles-ci atteignent 34 en 2008 (soit 11 680 décisions qui règlent définitivement un dossier).(c) Ces chiffres ne tiennent pas compte de 500 affaires réglées par ordonnance en 2005.

Tableau 2Affaires enregistrées, réglées et en instance à la fin de la période considérée par le Conseil d’État, les cours administratives d’appel et les tribunaux administratifs (a)

Conseil d’État Cours administratives

d’appel

Tribunaux administratifs

2007 2008 2007 2008 2007 2008

Affaires enregistrées 9 627(11 745)

10 250(11 840)

26 554(26 908)

27 802(29 733)

170 014(175 165)

176 313(181 815)

Affaires réglées (b) 9 929(12 462)

10 270(11 680)

25 716(26 473)

27 235(27 485)

175 011(182 645)

183 811(192 109)

Affaires restant en instance (c) 8 201(9 072)

8 149(9 174)

28 062(28 495)

28 825(30 918)

206 676(220 616)

198 791(210 459)

(a) Les chiffres donnés entre parenthèses incluent les séries.(b) Les chiffres indiquent le nombre de décisions qui règlent définitivement un dossier.(c) Le stock, qui est donné à titre indicatif, ne résulte pas d’un inventaire direct.

Tableau 3Affaires enregistrées et décisions rendues par matière (Conseil d’État) (a)

MatièreAffaires enregistrées Décisions rendues

2007 2008 2007 2008

Agriculture 240 156 170 288Aide sociale 149 106 135 136Armées 14 29 27 26Collectivités territoriales 144 246 169 254Comptabilité publique 3 23 12 22Contentieux fiscal 1 694 1 228 1 620 1 432Culture 12 15 4 17Décorations 2 2 1 3Domaine – voirie 117 100 113 112Droits des personnes et libertés publiques 539 326 395 430Économie 53 138 72 73

25Section du contentieux

MatièreAffaires enregistrées Décisions rendues

2007 2008 2007 2008

Éducation – recherche 68 73 93 86Élections 65 615 97 271Environnement 102 74 100 93Établissements publics 14 11 13 9Étrangers 1 617 1 868 1 830 1 755Expropriation 69 70 65 54Fonctionnaires et agents publics 1 493 2 145 1 717 2 087Juridictions 81 419 121 149Logement 35 38 42 37Marchés et contrats 326 291 258 323Pensions 481 535 762 514Police 324 266 230 252Postes et télécommunications 18 8 24 12Professions 1 532 252 1 568 291Radiodiffusion et télévision 63 38 160 52Rapatriés 59 30 23 25Santé publique 201 142 199 192Sécurité sociale et mutuelles 63 62 74 69Sports 44 25 52 35Transports 96 74 149 56Travail 280 183 265 198Travaux publics 89 85 83 131Urbanisme et aménagement 590 575 645 637Divers 49 20 41 23

(a) À l’exclusion de celles des ordonnances du président de la section du contentieux prises au titre des articles R. 351-1 et suivants du code de justice administrative et des recours contre les décisions du bureau d’aide juridictionnelle

Tableau 4Affaires enregistrées (sauf séries) d’après le mode de saisine du Conseil d’État

Mode de saisine du Conseil2007 2008

Nombre % Nombre %

Premier ressort 2 219 23 2 605 25Appels des jugements des tribunaux administratifs 255 3 720 7Cassation des arrêts des cours administratives d’appel 3 592 37 2 994 29Cassation des jugements des tribunaux administratifs (référés) 750 8 706 7Cassation des jugements des tribunaux administratifs (autres) (a) 1 125 12 1 065 10Cassation des décisions des juridictions administratives spécialisées

780 8 649 6

Renvoi des tribunaux et des cours (compétence et connexité) 174 2 275 3Demandes d’avis (art. L. 113-1 du code de justice administrative) 13 ns 10 NsDivers 719 7 1 226 12Total 9 627 100 10 250 100

(a) Jugements rendus en dernier ressort (art. 11 du décret du 24 juin 2003).

26 Activité juridictionnelle

Tableau 5Affaires réglées (a) (sauf séries) par les différentes formations du Conseil d’État

2007 2008

Assemblée du contentieux 8 3Section du contentieux 27 32Sous-sections réunies 1 537 1 427Sous-sections jugeant seules 3 623 3 433Décisions du président de la section du contentieux (contentieux de la reconduite à la frontière)

3 0

Ordonnances du juge des référés 423 664Ordonnances du président de la section du contentieux prises au titre des articles R. 351-1 et suivants du code de justice administrative et des recours contre les décisions du bureau d’aide juridictionnelle

1 203 1 559

Ordonnances des présidents de sous-section 3 105 3 152Total 9 929 10 270

(a) Les chiffres indiquent le nombre de décisions qui règlent définitivement un dossier.

Tableau 6Durée des instances devant le Conseil d’État pour les décisions rendues

2007 2008

(a) (b) (a) (b)

Moins de 1 an 40 % 33 % 44 % 36 %Entre 1 et 2 ans 42 % 46 % 36 % 41 %Entre 2 et 3 ans 14 % 16 % 14 % 16 %Plus de 3 ans 4 % 5 % 6 % 7 %

(a) Ensemble des décisions rendues (sauf séries).(b) Déduction faite de celles des ordonnances du président de la section du contentieux prises au titre des articles R. 351-1 et suivants du code de justice administrative et des recours contre les décisions du bureau d’aide juridictionnelle.

Tableau 7Affaires en instance devant le Conseil d’État : ancienneté du stock

Affaires enregistréesAu 31 décembre 2007

sur 9 072 affairesAu 31 décembre 2008

sur 9 174 affaires

Moins de 1 an 68,6 % 68,8 %Entre 1 et 2 ans 23,1 % 23,9 %Entre 2 et 3 ans 6,5 % 6 %Entre 3 et 4 ans 1,4 % 1 %Entre 4 et 5 ans 0,2 % 0,2 %Au-delà de 5 ans 0,2 % 0,1 %

27Section du contentieux

Tableau 8Activité du juge des référés

Mode de saisineAffaires enregistrées Décisions rendues

2007 2008 2007 2008

Premier ressort 373 614 358 596Référé suspension (art. L. 521-1 du CJA) 287 513 272 494Référé injonction (art. L. 521-2 du CJA) 58 66 58 66Autres référés (a) 28 35 28 36

Appel 66 68 65 68Référé injonction (art. L. 521-2 du CJA) 65 68 64 68Déférés prévus par le code général des collectivités territoriales (art. L. 554-3 et L. 554-9 du CJA)

1 0 1 0

Total 439 682 423 664

(a) Référés relevant des articles L. 521-3, R. 531-1, R. 532-1, R. 541-1, L. 553-1 et L. 554-4 du code de justice administrative.

Tableau 9Pourvois en cassation dirigés contre les décisions rendues en matière de référé par les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel (a)

Décisions contestéesAffaires enregistrées Décisions rendues

2007 2008 2007 2008

Ordonnances de référé prises au titre de la procédure de l’article L. 522-3 du CJA

183 186 230 205

Ordonnances de référé suspension (art. L. 521-1) (b) 452 427 507 434Ordonnances de référé en matière de contrats 65 62 54 57Décisions rendues en matière de référé fiscal 0 2 2 1Autres ordonnances de référé (b) (c) 129 93 87 121Total 829 770 880 818

(a) Les chiffres incluent les séries.(b) À l’exclusion des ordonnances rejetant, au titre de la procédure de l’article L. 522-3 du code de justice administrative, les demandes de référé.(c) Y compris les ordonnances prises au titre de l’article L. 521-3 du code de justice administrative.

28 Activité juridictionnelle

Jurisprudence

Actes législatifs et administratifs

Saisie d’une requête dirigée contre un décret d’application de la partie législa-tive du code de la santé publique, la section du contentieux, dans une décision du 18 juillet 2008 (Fédération de l’hospitalisation privée, no 300304), a jugé que, lorsque la définition des obligations auxquelles est soumis l’exercice d’une activité relève du législateur, il n’appartient qu’à la loi de fixer le régime des sanctions administratives dont la méconnaissance de ces obligations peut être assortie et, en particulier, de déterminer tant les sanctions encourues que les élé-ments constitutifs des infractions que ces sanctions ont pour objet de réprimer. Par suite, le pouvoir réglementaire ne peut légalement, dans un tel domaine, ajouter à la loi. Par ailleurs, selon une jurisprudence constante, il n’appartient pas au juge administratif de connaître, y compris par la voie de l’exception, d’une contestation portant sur la conformité d’une loi à la Constitution (Sect., 6 novembre 1936, Sieur Arrighi, no 41221, p. 966). Dès lors, si une disposi-tion réglementaire reprend les termes mêmes d’une disposition législative ne déterminant pas avec suffisamment de précision les éléments constitutifs des infractions susceptibles d’être commises dans l’exercice d’une activité soumise par le législateur à des obligations particulières, le moyen tiré de la méconnais-sance du principe de légalité des délits et des peines issu de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ne peut être utilement invoqué à l’encontre de cette disposition réglementaire. Le contenu de la disposition réglementaire étant entièrement déterminé par celui de la disposition législative, celle-ci fait en effet « écran », sur ce point, entre la norme constitutionnelle et le décret attaqué.

Par une décision d’assemblée du 3  octobre 2008 (Commune d’Annecy, no  297931), le Conseil d’État, après avoir rappelé que les dispositions de la Charte de l’environnement ont, à l’instar de l’ensemble des dispositions qui procèdent du Préambule, valeur constitutionnelle et s’imposent aux pouvoirs publics et aux autorités administratives, a pris acte de l’extension du champ du pouvoir législatif en matière environnementale, opérée par la révision consti-tutionnelle de 2005. L’assemblée du contentieux a en effet souligné que l’ar-ticle 7 de la Charte de l’environnement réserve au législateur le soin de préciser « les conditions et les limites » dans lesquelles doit s’exercer le droit de toute personne à accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et à participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement. En conséquence, ne relèvent du pou-voir réglementaire, depuis la date d’entrée en vigueur de la loi constitutionnelle du 1er mars 2005, que les mesures d’application de ces conditions et limites fixées par le législateur. Toutefois, les dispositions compétemment prises dans le domaine réglementaire, tel qu’il était déterminé antérieurement, demeurent applicables postérieurement à l’entrée en vigueur de ces nouvelles normes, alors même qu’elles seraient intervenues dans un domaine désormais réservé à la loi. En revanche, depuis la date d’entrée en vigueur de la loi constitution-nelle du 1er mars 2005, une disposition réglementaire ne peut intervenir dans le champ d’application de l’article 7 de la Charte de l’environnement que pour

29Section du contentieux

l’application de dispositions législatives, notamment parmi celles qui figurent dans le code de l’environnement et le code de l’urbanisme, que celles-ci soient postérieures ou antérieures à cette date, sous réserve, alors, qu’elles ne soient pas incompatibles avec les exigences de la Charte.

Par une décision du 7 novembre 2008 (Comité national des interprofessions des vins à appellations d’origine et autres, no 282920), l’assemblée du contentieux a précisé les conditions dans lesquelles il appartient au juge administratif de se prononcer sur une requête en excès de pouvoir dirigée contre le refus du Pre-mier ministre ou d’un ministre de notifier un texte à la Commission européenne au titre des aides d’État.

En l’espèce, douze organisations interprofessionnelles de viticulteurs avaient demandé au Premier ministre et au ministre de l’agriculture de notifier à la Commission européenne le mécanisme prévu par les dispositions de l’article L. 632-6 du code rural habilitant les organisations interprofessionnelles recon-nues à prélever, sur tous les membres de leur interprofession, des cotisations obligatoires.

En premier lieu, l’assemblée a, pour reconnaître la compétence de la juridic-tion administrative, exclu de qualifier le refus de notification à la Commission européenne d’acte de gouvernement. Elle a ainsi refusé d’y voir, d’une part, un acte qui ne serait pas détachable des relations internationales de la France, et d’autre part, un acte se rattachant aux relations entre le pouvoir exécutif et le Parlement, y compris dans l’hypothèse où, comme en l’espèce, le texte en cause est de nature législative. À l’inverse, elle a précisé qu’il n’appartiendrait pas au juge administratif de connaître d’une contestation dirigée contre la décision de notifier un acte au titre des aides d’État, qui n’est pas détachable de la procédure d’examen par la Commission.

En deuxième lieu, l’assemblée a déduit des stipulations du traité instituant la Communauté européenne relatives aux aides d’État (art. 87 et 88), qu’il appar-tenait au Gouvernement, chargé d’assurer l’application du droit communautaire et le respect des exigences inhérentes à la hiérarchie des normes, de notifier à la Commission, non seulement les projets tendant à instituer ou à modifier des aides, mais également les textes relatifs à des aides qui n’auraient pas fait l’objet d’une notification avant leur adoption.

En dernier lieu, la décision Comité national des interprofessions des vins à appellations d’origine et autres précise que pour apprécier la légalité du refus de procéder à une telle notification, il appartient au juge de déterminer si le texte en cause est relatif à une aide d’État dont la Commission doit être informée.

Faisant application de ces principes, l’assemblée a rejeté en l’espèce la demande des organisations interprofessionnelles, au motif que les dispositions de l’article L. 632-6 ont pour seul effet d’autoriser les organisations interprofessionnelles à prélever des cotisations obligatoires, et que seuls les arrêtés étendant des accords interprofessionnels faisant usage de cette faculté pourraient devoir faire l’objet d’une notification, dans l’hypothèse où ils institueraient des aides d’État au sens des articles 87 et 88 du traité instituant la Communauté européenne.

30 Activité juridictionnelle

Capitaux, monnaie, banques

Par deux décisions du 6  juin 2008 (Société Tradition Securities and Futures, no 299203 et Société CM CIC Securities, no 300619), la section du contentieux a précisé les conditions dans lesquelles la commission des sanctions de l’Auto-rité des marchés financiers, agissant dans le cadre de sa mission de répression disciplinaire des manquements professionnels, peut retenir les faits commis par le préposé d’une société prestataire de services d’investissement à l’encontre de ce prestataire lui-même.

La section a estimé qu’en raison des responsabilités qui incombent aux pres-tataires de services d’investissement pour assurer le bon fonctionnement des marchés financiers, notamment par l’organisation et le contrôle des interven-tions de leurs préposés, les manquements commis par ces derniers dans le cadre de leurs fonctions pouvaient leur être directement imputés en leur qualité de personne morale, sans que soit méconnu le principe constitutionnel de respon-sabilité personnelle.

Elle a toutefois considéré que dans cette hypothèse, la présomption de responsa-bilité des sociétés prestataires de services n’était pas irréfragable. Ces dernières ont ainsi la possibilité de faire valoir, au cours de la procédure engagée par la commission des sanctions à leur encontre et pour s’exonérer de leur respon-sabilité, qu’elles avaient adopté et effectivement mis en œuvre des règles de fonctionnement et des modes d’organisation de nature à prévenir et à détecter les manquements professionnels de leurs préposés, de sorte que ces derniers n’ont pu commettre de tels manquements qu’en s’affranchissant du cadre de leur mission, en agissant à des fins étrangères à l’intérêt de leurs commettants.

En l’espèce, ce raisonnement a conduit le Conseil d’État à confirmer les sanc-tions prononcées par l’Autorité des marchés financiers, sur le fondement de l’article L.  621-15 du code monétaire et financier, à l’encontre des sociétés requérantes, en raison de manipulations de cours commises par leurs préposés, dont le Conseil d’État a jugé que les sociétés ne s’étaient pas, dans les circons-tances de l’espèce, suffisamment prémunies.

Communautés européennes et Union européenne

Par une décision du 10  avril 2008 (Conseil national des barreaux et autres, nos 296845 et 296907), la section du contentieux a estimé qu’était opérant, à l’encontre d’un acte réglementaire pris pour l’application d’une loi transposant les dispositions précises et inconditionnelles d’une directive communautaire, le moyen tiré de l’incompatibilité de la directive et de la loi avec les droits garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Était invoquée, au soutien d’un recours pour excès de pouvoir contre des dispositions réglementaires modifiant le code monétaire et financier, la méconnaissance des articles 6 et 8 de cette convention par deux normes : la directive du Parlement européen et du Conseil du 4 décembre 2001, étendant à certaines professions juridiques des obligations d’identification des clients et de déclaration des opérations suspectes aux autorités chargées de la lutte contre le blanchiment de capitaux (en France, la cellule TRACFIN), et la

31Section du contentieux

loi 11 février 2004 transposant les dispositions précises et inconditionnelles de cette directive, pour l’application de laquelle était intervenu le décret attaqué.

Pour effectuer ce contrôle, la section a procédé en plusieurs temps.

S’agissant de la directive, elle a estimé qu’il résultait de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, reprise sur ce point à l’article 6 § 2 du traité sur l’Union européenne, que les droits garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales étaient protégés en tant que principes généraux du droit communautaire. Elle en a déduit que le moyen tiré de la méconnaissance de ces principes par la directive était opérant, et qu’il appartenait au juge administratif soit de l’écarter lui-même en l’absence de difficulté sérieuse, soit de saisir, dans le cas contraire, la Cour de justice des Communautés européennes d’une question préjudicielle.

S’agissant de la loi, elle a estimé qu’il convenait de vérifier qu’elle transposait correctement les dispositions précises et inconditionnelles de la directive et que, dans l’affirmative, le moyen tiré de ce qu’elle méconnaîtrait un droit garanti par la convention ne pouvait être apprécié que selon la procédure de contrôle de la directive précédemment définie.

En l’espèce, le Conseil d’État a d’abord relevé que la Cour de justice des Com-munautés européennes avait jugé, à l’occasion d’une question préjudicielle posée par la Cour d’arbitrage de Belgique, que la directive ne méconnaissait pas le droit à un procès équitable garanti par l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. La Cour avait, pour ce faire, jugé que la faculté offerte aux États membres par la direc-tive de ne pas soumettre les professions juridiques aux exigences de déclaration dans le cadre de leurs activités juridictionnelles devait s’interpréter comme une interdiction faite aux États de les soumettre, s’agissant de ces activités, à de telles exigences.

Le Conseil d’État a ensuite estimé que, bien que la Cour de justice des Com-munautés européennes ne se soit pas prononcée sur ce point, il découlait de son interprétation de la directive que les informations obtenues par un avocat à l’occasion d’une consultation juridique devaient également être regardées comme exclues, sous quelques réserves strictement définies, du champ des exi-gences de déclaration. Dès lors, le moyen tiré de ce que la directive porterait une atteinte disproportionnée au secret professionnel des avocats dans leur activité de consultation juridique, protégé par l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, pouvait être écarté sans qu’il soit néces-saire de poser une question préjudicielle à la Cour de justice.

Le Conseil d’État a enfin estimé que la loi du 11 février 2004 avait correctement transposé la directive et ne méconnaissait dès lors pas les stipulations invoquées de la convention. Il a en revanche censuré deux articles du décret attaqué pour avoir méconnu les dispositions de la loi, l’un parce qu’il se bornait à rappeler les dérogations aux obligations de vigilance propres aux procédures juridic-tionnelles sans prévoir de telles dérogations pour les activités de consultations juridiques, l’autre parce qu’il imposait une relation directe entre les avocats et la cellule TRACFIN dans des cas où la loi imposait un filtre du bâtonnier de l’ordre des avocats.

32 Activité juridictionnelle

Le Centre d’exportation du livre français (CELF) a bénéficié, depuis le début des années 1980, d’une aide versée par l’État pour financer le traitement des petites commandes de livres d’expression française effectuées par des libraires étran-gers. La Commission européenne avait déclaré à trois reprises cette aide com-patible avec le marché commun, par des décisions du 18 mai 1993, du 10 juin 1998 et du 20 avril 2004, avant que les deux premières de ces décisions soient annulées par le Tribunal de première instance des Communautés européennes, respectivement par des arrêts du 18 septembre 1995 et du 28 février 2002.

Saisi de pourvois dirigés contre un arrêt de la cour administrative d’appel de Paris confirmant l’annulation d’une décision de l’administration refusant d’or-donner la restitution de ces aides, le Conseil d’État avait, par une décision avant dire droit du 29  mars 2006, posé deux questions préjudicielles à la Cour de justice des Communautés européennes, en application de l’article 234 du traité instituant la Communauté européenne. Celle-ci y ayant répondu par un arrêt du 12 février 2008, le Conseil d’État, éclairé par la Cour, était amené à se pronon-cer à nouveau sur cette affaire. Toutefois, par un arrêt du 15 avril 2008 intervenu entre-temps, le Tribunal de première instance des Communautés européennes avait, pour la troisième fois consécutive, annulé la décision de la Commission déclarant l’aide litigieuse compatible avec le marché commun.

Par une nouvelle décision du 19 décembre 2008 (Centre d’exportation du livre français et Ministre de la culture et de la communication, nos 274923 et 274967), le Conseil d’État, compte tenu de cette circonstance, a jugé nécessaire, avant de vider complètement le litige, de poser deux nouvelles questions à la Cour de justice des Communautés européennes. Il a demandé, d’une part, s’il entrait dans les pouvoirs du juge national, lorsqu’une première décision de la Commis-sion déclarant une aide d’État compatible avec les règles du marché commun a été annulée par le juge communautaire, de surseoir à statuer sur la question de l’obligation de restitution de cette aide jusqu’à ce que la Commission se soit prononcée par une décision devenue définitive sur la question de sa compatibi-lité avec le marché commun. Il a demandé, d’autre part, si une situation telle que celle de l’espèce, dans laquelle la Commission a déclaré à trois reprises l’aide compatible avec le marché commun, avant que ces décisions soient annulées par le Tribunal de première instance des Communautés européennes, était suscep-tible d’être regardée comme une circonstance exceptionnelle pouvant conduire le juge national à limiter l’obligation de récupération de l’aide.

Le Conseil d’État a été conduit à annuler l’article 9 du décret du 28 septembre 2007 portant statut particulier du corps des architectes en chef des monuments historiques et adaptation au droit communautaire des règles applicables à la res-tauration des immeubles classés en tant qu’il a exclu les professionnels établis en France de son champ d’application. Ce décret avait été pris pour mettre en conformité le droit national avec le principe communautaire de libre prestation de services en permettant de confier la maîtrise d’œuvre des travaux de restau-ration des monuments historiques classés n’appartenant pas à l’État à d’autres catégories de professionnels que les architectes en chef des monuments histo-riques, réduisant ainsi leur monopole de fait. Mais l’article 9 de ce décret avait pour effet de priver les architectes établis en France, quelle que soit leur natio-nalité, de bénéficier de cet accès à la maîtrise d’œuvre. Le Conseil a considéré que si le Gouvernement pouvait réserver, pour des raisons d’intérêt général, l’exercice de la maîtrise d’œuvre à des professionnels disposant d’une qualifi-

33Section du contentieux

cation et d’une expérience suffisantes en ce domaine, la différence de situation existant entre les professionnels établis en France et les ressortissants d’autres États membres de la Communauté européenne ou parties à l’accord sur l’Es-pace économique européen qui remplissent les conditions requises de diplôme et d’expérience professionnelle n’était pas en rapport avec l’objet du dispositif qui est de permettre de confier la maîtrise d’œuvre des travaux de restauration des monuments historiques classés n’appartenant pas à l’État à d’autres catégo-ries de professionnels que les architectes en chef des monuments historiques. En outre, aucun motif d’intérêt général ne justifiait une telle différence. A ainsi été censurée la rupture du principe d’égalité, qui constitue une discrimination à rebours (CE, 6 octobre 2008, Compagnie des architectes en chef des monuments historiques et autres).

Contributions et taxes

L’article L. 57 du livre des procédures fiscales dispose que c’est au contribuable que l’administration adresse une notification de redressement de ses bases d’im-position mais, en vertu de l’article L. 641-9 du code de commerce, le débiteur est dessaisi, par le jugement qui prononce sa mise en liquidation judiciaire, de l’administration et de la disposition de ses biens au profit du liquidateur qui représente ses créanciers. Par une décision du 14 mars 2008 (Me Moyrand, no 284064), la section du contentieux a jugé que le dessaisissement opéré par la liquidation judiciaire s’étend aux dettes fiscales et par suite aux actes de la procédure d’imposition, y compris lorsque la mise en liquidation concerne une personne physique. Elle a précisé, en conséquence, les obligations pesant sur l’administration en cas de redressement d’un contribuable placé en liquidation judiciaire. La notification de redressements doit alors, en principe, être adressée au liquidateur (alors même que le redressement serait, comme en l’espèce, sans lien avec l’activité au titre de laquelle le contribuable se trouve placé en liqui-dation). Toutefois, jusqu’à la date à laquelle l’administration est informée de la liquidation judiciaire et au plus tard à la date de publication du jugement au Bul-letin officiel des annonces civiles et commerciales (BODAC), la notification au contribuable interrompt la prescription prévue aux articles L. 169 et suivants du livre des procédures fiscales, en application de l’article L. 189 du même livre. Il appartient ensuite à l’administration, informée de la liquidation judiciaire, de régulariser la procédure en procédant à une nouvelle notification au liquidateur.

L’article 199 terdecies-0 A du code général des impôts prévoit une réduction d’impôt en cas de souscription de parts de fonds communs de placement dans l’innovation (FCPI), soumise à la condition que le souscripteur s’engage à conserver ces parts pendant une période minimale de cinq ans. Aux termes de l’article  46 AI quater de l’annexe  III au même code, pris pour l’application de ces dispositions, le contribuable qui entend bénéficier de cette réduction d’impôt doit joindre à sa déclaration de revenus une copie de l’engagement de conservation des parts de FCPI qu’il a souscrites. Saisi du cas d’un contribuable qui avait omis de joindre cet engagement à sa déclaration, ce qui avait conduit l’administration fiscale à remettre en cause le régime de faveur en question, le Conseil d’État a jugé, par une décision du 16 juillet 2008 (M. et Mme Berland, no 300839), que l’article 46 AI quater de l’annexe III au code général des impôts ne peut avoir pour effet d’interdire de régulariser la situation, dans le délai de

34 Activité juridictionnelle

réclamation prévu aux articles R.  196-1 et R.  196-3 du livre des procédures fiscales. Ainsi, le contribuable était, en l’espèce, fondé à demander le bénéfice de la réduction d’impôt, dès lors que, bien qu’il n’eût pas joint à sa déclaration l’engagement de conservation des parts, il avait produit ce document dans le délai de réclamation.

Droit des détenus

Saisie d’une requête dirigée contre le décret du 21 mars 2006 relatif à l’isolement des détenus, la section du contentieux a, par une décision du 31 octobre 2008 (Section française de l’Observatoire international des prisons, no 293785), jugé qu’une mesure administrative de mise à l’isolement relève de l’organisation et du régime intérieur des établissements pénitentiaires et qu’ainsi, le Premier ministre tient des dispositions de l’article  728 du code de procédure pénale compétence pour arrêter les dispositions régissant ces mesures. La section a en revanche estimé qu’en vertu des articles 3-1 et 37 de la convention relative aux droits de l’enfant, un régime d’isolement, compte tenu des fortes contraintes qu’il comporte, ne peut être rendu applicable aux mineurs sans que des moda-lités spécifiques soient édictées pour adapter, en fonction de l’âge, le régime de détention, sa durée, les conditions de sa prolongation, et notamment le moment où interviennent les avis médicaux. Par suite, faute de comporter de telles moda-lités d’adaptation, les dispositions relatives à la mesure administrative de mise à l’isolement ont été annulées en tant qu’elles étaient applicables aux mineurs.

La section a jugé, en second lieu, que les dispositions du décret attaqué relatives à la prescription de la mesure d’isolement ordonnée par le magistrat saisi du dos-sier de l’information judiciaire définissaient des règles concernant la procédure pénale. Elles ont donc été annulées, le pouvoir réglementaire ayant empiété, en les édictant, sur le domaine réservé à la loi par l’article 34 de la Constitution. Par ailleurs, compte tenu des exigences fixées par l’article 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et eu égard aux effets qui s’attachent aux conditions de détention d’un détenu placé à l’isolement, celui-ci doit pouvoir exercer un recours effectif à l’encontre d’une telle décision. Dès lors, si le pouvoir réglementaire était compétent pour organiser une mesure d’isolement, il ne pouvait lui-même en prévoir l’applica-tion tant que le législateur n’était pas intervenu préalablement pour définir, dans son champ de compétence relatif à la procédure pénale, une voie de recours effectif, conformément aux stipulations de l’article 13. Par suite, en l’absence de la possibilité d’exercer un tel recours, les dispositions du décret attaqué qui soumettaient le détenu au régime de l’isolement sur ordre du magistrat saisi du dossier de l’information ont été annulées, le pouvoir réglementaire ne pouvant légalement les édicter.

Par une décision du 17 décembre 2008 (Garde des Sceaux, ministre de la justice c/  Z., no  292088), le Conseil d’État a confirmé qu’en cas de décès acciden-tel d’un détenu, une faute simple dans l’organisation ou le fonctionnement des services pénitentiaires engage la responsabilité de l’État. À l’origine du litige, deux détenus avaient trouvé la mort à la suite d’un incendie volontaire provo-qué par l’un de leurs codétenus, qui avait quelques heures auparavant proféré des menaces en ce sens, parce qu’un changement de cellule lui avait été refusé. Les parents de l’une des victimes avaient demandé à l’administration puis au

35Section du contentieux

juge une indemnisation. Cette affaire s’inscrit dans un courant de jurisprudence tendant à assouplir les conditions dans lesquelles la responsabilité de l’État peut être engagée en cas de dysfonctionnement des services pénitentiaires. En l’es-pèce, le Conseil d’État a confirmé le raisonnement de la cour administrative d’appel qui avait jugé que l’enchaînement de plusieurs circonstances (notam-ment, faiblesses du système d’évacuation des fumées et impossibilité pratique et matérielle pour les surveillants de nuit d’accéder rapidement au matériel de lutte contre l’incendie), dont aucune ne pouvait être considérée comme une faute « lourde », c’est-à-dire particulièrement grave, a suffi à engager la responsabilité de l’État et justifier qu’une indemnité soit versée aux requérants en réparation du préjudice subi.

Par une autre décision du 17 décembre 2008 (Section française de l’Observatoire international des prisons, no 293786), le Conseil d’État a jugé que les décisions de placement d’un détenu à l’isolement, qu’il s’agisse d’isolement préventif, d’isolement en urgence ou d’isolement provisoire, peuvent être contestées devant le juge administratif. La Section française de l’Observatoire internatio-nal des prisons avait demandé l’annulation d’un décret qui, modifiant le code de procédure pénale, prévoyait un régime unique de placement préventif à l’isole-ment des détenus, en faisant valoir le principe de proportionnalité des peines. Or les mesures d’isolement ne sont pas des peines, mais des mesures de sûreté qui sont prises lorsque c’est l’unique moyen de préserver l’ordre et la sécurité de l’établissement pénitentiaire ou des personnes (article R. 57-9-10 du code de procédure pénale). Par sa décision, le Conseil d’État a rejeté cette demande mais a souligné que, lorsque des mesures d’isolement préventif seraient prises, il accepterait d’en contrôler la légalité, afin de vérifier, notamment, si aucune autre solution n’aurait permis d’assurer la sécurité de l’établissement ou des personnes. Cette décision confirme donc une évolution importante par rapport à la jurisprudence antérieure, selon laquelle le juge administratif n’était pas compétent pour se prononcer sur les mesures de placement, jurisprudence illus-trée par la décision du 12 mars 2003, Garde des Sceaux, ministre de la justice c/ F. (no 237437, p. 121). Elle complète la décision du 30 juillet 2003 Garde des Sceaux, ministre de la justice c/ R. (no 252712, p. 366) et s’inscrit dans la lignée des trois décisions d’assemblée du 14 décembre 2007 Garde des Sceaux c/ B. (no 290730, p. 495), P. (no 306432, p. 474) et P. (no 290420, p. 498), qui ont élargi le champ des décisions de l’administration pénitentiaire susceptibles d’être contestées devant le juge administratif.

Étrangers

Dans une décision du 25 juillet 2008 (Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers et Groupe d’information et de soutien des immi-grés, nos  313710 et  313713), le Conseil d’État a précisé les conditions dans lesquelles les ressortissants de certains États peuvent être soumis à l’obligation de visa de transit aéroportuaire. Ce visa particulier, qui permet aux ressortis-sants étrangers de descendre d’avion afin de circuler à des fins de transit dans les zones internationales des aéroports, est régi par des dispositions commu-nautaires et nationales. Une action commune du 4 mars 1996, prise sur le fon-dement de l’article K.  3 du traité sur l’Union européenne, permet aux États membres de l’Union européenne, sous réserve d’en informer les autres États,

36 Activité juridictionnelle

d’imposer aux ressortissants d’autres États de disposer d’un visa de transit aéro-portuaire. Cette exigence permet en particulier de vérifier l’absence de risque en matière de sécurité ou d’immigration irrégulière. S’agissant du territoire français, la combinaison des dispositions des articles L. 211-1 et R. 211-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile renvoie à un arrêté conjoint du ministre des affaires étrangères et du ministre chargé de l’immi-gration la définition des États concernés. Le Conseil d’État a jugé d’une part, que l’obligation de disposer d’un visa de transit aéroportuaire, qui répond à des nécessités d’ordre public tenant à éviter, à l’occasion d’une escale ou d’un chan-gement d’avion, le détournement du transit aux seules fins d’entrée en France, ne porte par elle-même aucune atteinte au droit d’asile, et d’autre part, que les auteurs de l’arrêté en cause n’ont pas entaché leur décision d’erreur manifeste d’appréciation au regard de l’objectif d’ordre public poursuivi, dès lors que la liste des États visés a été établie en fonction des potentialités de détournement du transit. En revanche, un arrêté instaurant un visa de transit aéroportuaire, non pour tous les ressortissants d’un pays déterminé mais pour ceux d’entre eux pro-venant de certains aéroports, ajoute au critère de la nationalité un critère relatif à l’aéroport de provenance, et se trouve dès lors entaché d’illégalité.

Par une décision du 27 juin 2008, le Conseil d’État a rejeté une demande d’an-nulation d’un décret refusant la nationalité française. Il a estimé que si la requé-rante possédait une bonne maîtrise de la langue française, elle avait toutefois adopté une pratique de sa religion incompatible avec les valeurs essentielles de la communauté française, notamment avec le principe d’égalité des sexes. Dès lors que la personne ne remplissait pas la condition d’assimilation posée par l’article 21-4 du code civil, le refus de naturalisation était fondé, sans qu’il ne soit porté atteinte à la liberté religieuse de l’intéressée (CE, 27 juin 2008, Mme M.).

Fonctionnaires et agents publics

Les dispositions de l’article 24 de la loi no 72-662 du 13 juillet 1972 modifiée portant statut général des militaires font obligation à l’État de prendre en charge la défense du militaire poursuivi pour des faits survenus à l’occasion de l’exer-cice de ses fonctions, sauf si celui-ci a commis une faute personnelle.

Par une décision du 14 mars 2008 (Portalis, no 283943), la section du conten-tieux a jugé que ces dispositions font obstacle à ce que l’autorité administra-tive assortisse la décision accordant le bénéfice de la protection, laquelle est créatrice de droits, d’une condition suspensive ou résolutoire. Elle en a déduit, tout d’abord, que, lorsqu’il est saisi d’une demande d’un militaire sollicitant le bénéfice de la protection prévue par ces dispositions statutaires, le ministre de la défense ne peut refuser d’y faire droit qu’en opposant, s’il s’y croit fondé au vu des éléments dont il dispose à la date de la décision, l’existence d’une faute personnelle de l’agent. Elle a ensuite précisé que, dans le cas où l’autorité administrative a déjà accordé la protection, elle peut l’abroger, c’est-à-dire y mettre fin pour l’avenir si elle constate postérieurement, sous le contrôle du juge, l’existence d’une faute personnelle. En revanche, la section a jugé que le caractère d’acte créateur de droits de la décision accordant la protection de l’État fait obstacle à ce que l’autorité administrative compétente puisse léga-lement retirer, plus de quatre mois après sa signature, une telle décision, hor-

37Section du contentieux

mis dans l’hypothèse où celle-ci aurait été obtenue par fraude. Contrairement à l’abrogation d’un acte, qui n’a d’effet que pour l’avenir, le retrait consiste à supprimer rétroactivement l’acte, qui est supposé n’avoir jamais existé. Concrè-tement, cela aurait pour conséquence, pour un agent ayant obtenu le bénéfice de la protection de son administration, de l’obliger à reverser les sommes engagées pour sa défense.

Faisant application de ces règles aux circonstances de l’espèce, la section a constaté que la décision attaquée du 30 mai 2005 par laquelle le ministre de la défense a retiré à l’intéressé, à la suite du jugement du tribunal de grande ins-tance de Marseille du 8 octobre 2004, le bénéfice de la protection qui lui avait été accordée le 26 juillet 2001, avait été prise à une date où, en l’absence de fraude, elle ne pouvait plus légalement intervenir, et en a prononcé l’annulation.

Saisie de la délibération du jury qui avait décidé de ne pas admettre la requé-rante à l’examen professionnel d’accès au corps des directeurs d’insertion et de probation de l’administration pénitentiaire, la section du contentieux a, par une décision du 18 juillet 2008 (Mme Baysse, no 291997), précisé la portée du principe d’impartialité des jurys d’examen, notamment dans l’hypothèse où des membres du jury connaissent un candidat.

La section a considéré que, dans le cadre d’un examen professionnel, la seule circonstance qu’un membre d’un jury connaisse un candidat ne suffit pas à jus-tifier qu’il s’abstienne de participer aux délibérations qui concernent ce candi-dat. Il incombe au contraire aux membres des jurys d’examen de siéger dans les jurys auxquels ils ont été nommés, faute d’entacher d’irrégularité le dérou-lement de l’examen, en dehors de trois hypothèses précisément définies. Un membre du jury doit s’abstenir de participer aux interrogations et aux délibéra-tions qui concernent un candidat lorsqu’il a avec celui-ci des liens, tenant à la vie personnelle ou aux activités professionnelles, qui seraient de nature à influer sur son appréciation. Il peut également s’abstenir, soit lorsqu’il a des raisons de penser que son impartialité pourrait être mise en doute, soit lorsqu’il estime, en conscience, ne pas pouvoir y participer avec l’impartialité requise. Au cas d’espèce, après avoir constaté que le jury avait instauré de manière systématique une pratique d’abstention des membres du jury vis-à-vis des candidats qu’ils connaissaient, y compris dans les cas où le respect du principe d’impartialité n’était pas en cause, la section en a déduit que le jury avait siégé dans des condi-tions qui méconnaissent les prescriptions relatives à sa composition.

Par une décision du 31 décembre 2008 (M.C. no 283256), la section du conten-tieux a précisé le régime juridique encadrant les relations entre l’administration et ses agents contractuels de droit public.

Elle a tout d’abord jugé que, hors les cas de recrutement fictif ou frauduleux, le contrat de recrutement d’un agent contractuel de droit public crée des droits au profit de celui-ci. Elle a ensuite précisé que lorsque le contrat en cause est entaché d’une irrégularité, l’administration est tenue de proposer à l’agent une régularisation du contrat afin que celui-ci se poursuive régulièrement. Dans le cas où le contrat ne peut être régularisé, il appartient à l’administration, dans la limite des droits résultant du contrat initial, de proposer à l’agent un emploi de niveau équivalent ou, à défaut d’un tel emploi et si l’intéressé le demande, tout autre emploi. Si l’intéressé refuse la régularisation de son contrat ou si la régula-

38 Activité juridictionnelle

risation de sa situation, dans les conditions ci-dessus évoquées, est impossible, l’administration est, en revanche, tenue de le licencier.

La section a ensuite précisé que, saisi par un agent contractuel de droit public du préjudice qu’il estime avoir subi du fait d’une décision de l’administration met-tant fin à son contrat, le juge administratif devait apprécier le préjudice effecti-vement subi par l’agent à la lumière de ces principes. Ainsi, lorsque le contrat de recrutement de l’agent est entaché d’irrégularité, une telle circonstance ne prive pas l’agent de la possibilité de se prévaloir des dispositions qui ont été méconnues et des clauses de son contrat qui ne sont affectées d’aucune irrégu-larité. En revanche, lorsque l’administration fait valoir qu’il était impossible de régulariser le contrat de recrutement de l’agent, et qu’à la date où il a été mis fin à ce contrat, aucun autre emploi ne pouvait lui être proposé afin de régulariser sa situation, l’agent ne peut prétendre avoir subi aucun préjudice du fait de la décision de mettre fin à son contrat, mais seulement demander le bénéfice des modalités de licenciement qui lui sont applicables.

L’application au cas d’espèce des principes ainsi dégagés a conduit à censurer le raisonnement suivi par la cour administrative d’appel dans l’arrêt attaqué, celle-ci s’étant bornée à constater l’irrégularité de la nomination de l’intéressé sur son emploi, pour en déduire qu’il ne pouvait se prévaloir d’aucun préju-dice consécutif à sa démission contrainte. Réglant l’affaire au fond, la section a constaté que la situation de ce fonctionnaire n’était pas régularisable, et que, dès lors qu’il n’était pas soutenu qu’un emploi de niveau équivalent aurait pu être proposé à l’intéressé et qu’il ressortait de l’instruction que ce dernier avait été recruté dans un autre emploi, l’employeur devait être regardé comme ayant satisfait à ses obligations. Pour ces motifs, l’agent n’était donc pas fondé à se prévaloir du préjudice matériel qu’il affirmait avoir subi du fait de la fin de son contrat.

Juridictions administratives et judiciaires

Le Conseil d’État a eu l’occasion, par une décision du 18 juin 2008 (Gestas, no  295831), de préciser les conditions d’engagement de la responsabilité de l’État à raison du contenu d’une décision juridictionnelle. Ainsi, il a rappelé qu’en vertu des principes généraux régissant la responsabilité de la puissance publique, une faute lourde commise dans l’exercice de la fonction juridiction-nelle par une juridiction administrative est susceptible d’ouvrir droit à indem-nité mais que toutefois, cette responsabilité ne saurait être engagée, en raison de l’autorité qui s’attache à la chose jugée, dans les cas où la faute lourde alléguée résulterait du contenu même de la décision juridictionnelle et où cette décision serait devenue définitive. Ce faisant, le Conseil d’État n’a pas modifié les règles fixées par la décision d’assemblée Darmont du 29 décembre 1978 (no 96004, p. 542). Il a toutefois apporté une exception à ces règles, suivant sur ce point la solution dégagée par la Cour de justice des Communautés européennes dans un arrêt Köbler du 30 septembre 2003 (aff. C-224/01), en jugeant que la responsa-bilité de l’État peut être engagée dans le cas où le contenu de la décision juri-dictionnelle, même devenue définitive, est entaché d’une violation manifeste du droit communautaire ayant pour objet de conférer des droits à des particuliers. Les faits de l’espèce ne faisant pas intervenir le droit communautaire, aucune responsabilité n’a cependant été reconnue.

39Section du contentieux

La loi du 5 mars 2007 a prévu la création de pôles de l’instruction dans certains tribunaux de grande instance. L’objectif de cette réforme est de confier l’ins-truction des affaires pénales les plus graves ou les plus complexes à plusieurs juges, et de renforcer l’efficacité des juridictions en accroissant leur spécialisa-tion. Le décret no 2008-54 du 16 janvier 2008, mettant en œuvre cette réforme et modifiant le code de procédure pénale, a été contesté notamment parce que le comité technique paritaire (CTP) des services judiciaires, qui a examiné le texte le 27 décembre 2007, n’était pas régulièrement composé. En effet, le Gou-vernement avait procédé au remplacement de plusieurs représentants de l’admi-nistration, sans respecter les règles prévoyant les conditions dans lesquelles la composition d’un CTP peut être modifiée en cours de mandat. Par sa décision du 19 décembre 2008 (M. Kierzkowski-Chatal et autres, no 312553 et autres), le Conseil d’État a cependant estimé que certaines dispositions du décret, qui précisent les règles de procédure pénale applicables aux pôles de l’instruction, n’entraient pas dans le champ des décisions qui doivent être soumises au CTP. En conséquence, il a jugé que la composition irrégulière du comité n’avait pas eu d’incidence sur la légalité de ces dispositions.

En revanche, il a considéré que la disposition du décret prévoyant la création, dans le code de procédure pénale, d’un nouvel article D. 15-4-4 fixant la liste des tribunaux dans lesquels existent un pôle de l’instruction et la compétence territoriale des juges d’instruction qui le composent, devait bien faire l’objet d’une consultation obligatoire du CTP, compétent pour se prononcer sur les problèmes généraux d’organisation et les conditions générales de fonctionne-ment des services judiciaires. Cette disposition a donc été annulée, en raison de la composition irrégulière de ce dernier. Toutefois, le Conseil d’État a tenu compte des conséquences potentielles de cette annulation partielle du décret. Si, lorsqu’un acte administratif est annulé par le juge, il est réputé n’avoir jamais existé, en l’espèce, l’annulation de la liste des pôles de l’instruction et du ressort de compétence des juges de l’instruction qui les composent risquait d’entraîner la nullité de toutes les mesures prises par ces juges d’instruction depuis l’entrée en vigueur du décret. Considérant que cela aurait porté une atteinte « manifes-tement excessive » au fonctionnement du service public de la justice, le Conseil d’État a donc, faisant usage de son pouvoir de modulation dans le temps des effets d’une annulation contentieuse, reconnu par la décision d’assemblée du 11 mai 2004 Association AC ! (nos 255886 à 255892, p. 197), décidé qu’en l’es-pèce, l’annulation prononcée ne prendrait effet qu’à l’expiration d’un délai de quatre mois à compter de la date de sa décision, donnant ainsi à l’adminis-tration, si elle l’estimait nécessaire, le temps de reprendre un décret similaire, exempt de vice de procédure. Par ailleurs, dans un souci de sécurité juridique, le Conseil d’État a jugé que les mesures prises avant l’annulation devaient être regardées comme définitives.

Libertés publiques

Le centre régional des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) de l’acadé-mie de Versailles a décidé, en janvier 2008, la fermeture d’une salle polyvalente de la résidence universitaire d’Antony, qui était utilisée par des étudiants musul-mans comme lieu de réunion et de prières et dans laquelle il projetait d’effec-tuer des travaux de sécurité. Une association d’étudiants musulmans avait alors

40 Activité juridictionnelle

demandé au juge des référés du tribunal administratif de Versailles, sur le fon-dement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, que cette salle, ou à défaut une salle de superficie équivalente, soit mise à sa disposition. Cette demande ayant été rejetée, l’association a fait appel devant le juge des référés du Conseil d’État. Par une ordonnance du 6 mai 2008 (Bounemcha, no 315631), celui-ci a jugé, après avoir relevé l’absence de disposition législative ou régle-mentaire spécifique à la pratique des cultes dans les résidences universitaires, que les CROUS doivent, dans l’exercice de leurs missions, concilier tant les impératifs d’ordre public, de neutralité du service public et de bonne gestion de leurs locaux que le droit de chaque étudiant à pratiquer, de manière individuelle ou collective et dans le respect de la liberté d’autrui, la religion de son choix. En l’espèce, le juge des référés du Conseil d’État a considéré que, compte tenu des conditions d’utilisation de la salle en cause, sa fermeture pour y réaliser les aménagements nécessaires à sa sécurité ne constituait pas une atteinte manifes-tement illégale aux libertés fondamentales de culte et de réunion. Il a également estimé que, dès lors que le CROUS était disposé à examiner avec l’association requérante les conditions dans lesquelles elle pourrait disposer de locaux lui permettant d’exercer ses activités, les circonstances de l’espèce ne caractéri-saient pas une situation d’urgence. Aucune des deux conditions posées par les dispositions de l’article L. 521-2 du code de justice administrative n’étant rem-plies, le juge des référés du Conseil d’État a, en conséquence, rejeté l’appel dont il était saisi.

Marchés et contrats administratifs – Commande publique

Le cocontractant de l’administration dont le contrat est entaché de nullité peut prétendre, sur un terrain quasi contractuel, au remboursement de celles de ses dépenses qui ont été utiles à la collectivité envers laquelle il s’était engagé. Dans le cas où la nullité du contrat résulte d’une faute de l’administration, il peut en outre, sous réserve du partage de responsabilité découlant le cas échéant de ses propres fautes, prétendre à la réparation du dommage imputable à la faute de l’administration. Par une décision du 10 avril 2008 (Société Decaux et Département des Alpes-Maritimes, no 244950-284439-284607), la section du contentieux a précisé à plusieurs titres les modalités d’application de ce régime jurisprudentiel.

S’agissant tout d’abord du droit à indemnisation de l’entrepreneur sur un fon-dement quasi contractuel, le Conseil d’État a jugé que les fautes éventuellement commises par l’intéressé antérieurement à la signature du contrat sont sans inci-dence sur son droit à indemnisation au titre de l’enrichissement sans cause de la collectivité, sauf si le contrat a été obtenu dans des conditions de nature à vicier le consentement de l’administration. Concernant le mode de calcul des dépenses utiles, la décision précise que dans le cas où le contrat en cause est un marché public, les frais financiers engagés par le cocontractant de l’admi-nistration pour assurer l’exécution de ce contrat, entaché de nullité, ne peuvent être regardés comme des dépenses utiles à la collectivité dont l’intéressé peut demander le remboursement sur un terrain quasi contractuel.

Examinant ensuite le droit à indemnisation de l’entrepreneur sur un fondement quasi délictuel, la section du contentieux a rappelé que ce dernier peut deman-der le paiement des sommes correspondant aux autres dépenses exposées par

41Section du contentieux

lui pour l’exécution du contrat et aux gains dont il a été effectivement privé par sa nullité, notamment du bénéfice auquel il pouvait prétendre, si toutefois l’indemnité à laquelle il a droit sur un terrain quasi contractuel ne lui assure pas déjà une rémunération supérieure à celle que l’exécution du contrat lui aurait procurée. Le Conseil d’État a toutefois précisé que si, comme en l’espèce, le cocontractant a lui-même commis une faute grave en se prêtant à la conclusion d’un marché dont, compte tenu de son expérience, il ne pouvait ignorer l’illéga-lité, et si cette faute constitue la cause directe de la perte du bénéfice attendu du contrat, il n’est pas fondé à demander l’indemnisation de ce préjudice.

Par une décision du 11 juillet 2008 (Société Krupp Hazemag, no 287354), l’as-semblée du contentieux a admis que le juge de cassation puisse être saisi d’une demande d’homologation d’une transaction intervenue en cours d’instance entre les parties. Elle a d’abord rappelé, d’une part, qu’une transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née ou préviennent une contes-tation à naître, qui est exécutoire de plein droit et revêt entre les parties l’autorité de la chose jugée en dernier ressort, d’autre part, que les parties à une instance en cours devant le juge administratif peuvent le saisir d’une demande tendant à l’homologation d’une transaction par laquelle elles mettent fin à la contestation initialement portée devant lui. L’assemblée du contentieux a ensuite jugé que de telles conclusions peuvent aussi être présentées à l’occasion d’un pourvoi en cassation. Sa décision précise qu’en cas d’homologation de la transaction, le juge administratif doit constater le non-lieu à statuer sur la requête ou, dans le cas où la partie requérante aurait subordonné son désistement à l’homologation de la transaction, donner acte de ce désistement, et, qu’en revanche, le refus d’homologation entraînant la nullité de la transaction, il appartient dans cette hypothèse au juge de statuer sur la requête.

En l’espèce, en vertu d’un protocole d’accord conclu entre la communauté d’ag-glomération Sarreguemines Confluences et la société Krupp Hazemag, la com-munauté acceptait de renoncer à la moitié de la créance d’environ 780 000 euros qu’elle détenait sur cette société, compte tenu de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Nancy objet du pourvoi en cassation, en échange de l’engagement de cette dernière de maintenir une moyenne de 80 salariés au moins sur le site de Sarreguemines entre 2006 et 2011, ou, à défaut, de verser à la communauté d’agglomération une somme de 100 000 euros par année où cette moyenne ne serait pas atteinte. La société demandait au Conseil d’État l’homologation du protocole d’accord et, à condition que cette homologation soit prononcée, qu’il lui soit donné acte de son désistement. Après avoir rappelé qu’il appartient au juge administratif de vérifier que les parties consentent effectivement à la tran-saction, que son objet est licite, qu’elle ne constitue pas de la part de la collec-tivité publique une libéralité et ne méconnaît pas d’autres règles d’ordre public, le Conseil d’État a jugé que l’accord en cause remplissait ces conditions. En conséquence, il en a prononcé l’homologation, avant de donner acte du désiste-ment de la société.

Par une décision du 11 juillet 2008 (Ville de Paris, no 312354), la section du contentieux a jugé qu’il appartient au juge de cassation d’exercer un contrôle de qualification juridique sur les notions d’avenant ou de nouveau marché. Se prononçant dans ce cadre, la section a estimé que l’extension par la ville de Paris du système de vélos en libre-service, dit « Vélib’ », à trente communes de la banlieue parisienne, pouvait faire l’objet d’un simple avenant au marché ini-

42 Activité juridictionnelle

tial, et n’exigeait pas, par conséquent, la conclusion d’un nouveau contrat. Elle a censuré la qualification de nouveau marché retenue par le juge du référé pré-contractuel et a rejeté comme irrecevable la demande de la société requérante à fin d’annulation de la procédure d’attribution de l’avenant contesté, le juge du référé précontractuel n’étant pas compétent pour statuer sur un avenant, dès lors qu’un tel accord n’est pas soumis aux obligations de publicité et de mise en concurrence qui s’appliquent à la passation des marchés publics.

Par une décision du 3 octobre 2008 (Syndicat mixte intercommunal de réalisa-tion et de gestion pour l’élimination des ordures ménagères du secteur Est de la Sarthe – « SMIRGEOMES », no 305420), la section du contentieux a aban-donné la jurisprudence permettant à une entreprise candidate à l’obtention d’un marché d’invoquer devant le juge du référé précontractuel tout manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence, sans que le juge ait à rechercher si les irrégularités invoquées lui ont effectivement porté préjudice, qui découlait de la décision du 16 octobre 2000 Société Stereau (no 213958, T. p. 1091-1103-1104-1172). La section a, en effet, rappelé qu’en vertu des dis-positions de l’article L. 551-1 du code de justice administrative, les personnes habilitées à agir devant le juge du référé précontractuel pour mettre fin aux manquements du pouvoir adjudicateur à ses obligations de publicité et de mise en concurrence sont celles susceptibles d’être lésées par de tels manquements. Elle en a déduit qu’il appartient au juge du référé précontractuel de rechercher si l’entreprise qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l’avoir lésée ou risquent de la léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant une entre-prise concurrente.

Procédure

Par une décision du 7  février 2008 (Mme  Baomar, no  267744), la section du contentieux a explicité l’étendue des pouvoirs du Conseil d’État lorsque, sta-tuant en la qualité de juge d’appel que lui confèrent les dispositions de l’ar-ticle L. 821-2 du code de justice administrative, il annule un jugement rendu en première instance au motif que la juridiction administrative saisie n’était pas compétente. Il peut alors soit, en vertu des dispositions de l’article R. 351-1 du même code, attribuer le jugement de l’affaire à la juridiction administrative compétente en première instance, soit évoquer et statuer immédiatement sur la demande.

En l’espèce, la section a statué immédiatement sur une demande tendant à obtenir le bénéfice des dispositions de l’article 68 de la loi no 2002-1576 du 30 décembre 2002, portant loi de finances rectificative pour 2002, qui ont ins-titué un droit à pension de réversion pour les conjoints survivants des titulaires des pensions transformées en indemnités viagères, notamment en application de l’article 71 de la loi no 59-1454 du 26 décembre 1959 de finances pour 1960. Elle a jugé que la requérante ne pouvait utilement se prévaloir de ce que la condition d’antériorité du mariage par rapport à la date de transformation des pensions en indemnités viagères posée par ces dispositions méconnaîtrait les stipulations combinées des articles  14 de la Convention européenne de sau-vegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et 1er de son pre-mier protocole additionnel. En effet, dès lors que l’intéressée s’est mariée à une

43Section du contentieux

date où son époux était titulaire d’une indemnité viagère non réversible, elle ne détenait pas un droit de percevoir une pension de réversion susceptible d’être regardé comme un bien au sens de l’article 1er de ce protocole.

Des conclusions à fin de dommages intérêts pour citation abusive amènent nécessairement le juge à apprécier les mérites de l’action dont il est soutenu qu’elle a été abusivement engagée. Par suite, le juge compétent pour statuer sur cette action est seul compétent pour statuer sur ces conclusions indemnitaires, et elles ne peuvent être présentées qu’à titre reconventionnel dans l’instance ouverte par l’action principale, dont elles ne sont pas détachables. Par une déci-sion du 6 juin 2008 (Conseil départemental de l’ordre des chirurgiens-dentistes de Paris c/ M. Banon, no 283141), la section du contentieux a jugé que ces règles de compétence et de recevabilité sont applicables, non seulement devant les juridictions administratives de droit commun comme il résultait déjà de la juris-prudence, mais devant l’ensemble des juridictions administratives, y compris spécialisées. En conséquence, un tribunal administratif ou une cour administra-tive d’appel saisi de conclusions tendant à la réparation du préjudice causé par une plainte abusive devant une juridiction disciplinaire ordinale doit en principe les renvoyer à la juridiction saisie de la plainte. Toutefois, quand celle-ci s’est déjà définitivement prononcée et ne peut plus joindre ces conclusions à l’action principale, les conclusions sont privées d’objet et la juridiction administrative de droit commun, si la décision du juge spécialisé est intervenue en cours d’ins-tance, constatera elle-même qu’il n’y a pas lieu de statuer, en application de l’article R. 351-4 du code de justice administrative.

À l’occasion de cette décision, la section a fait usage de la possibilité, récem-ment consacrée par la décision d’assemblée du 16 juillet 2007 Société Tropic Travaux Signalisation (no 291545, p. 360), de moduler les effets dans le temps des évolutions jurisprudentielles, en décidant de ne pas appliquer au litige la règle de procédure qu’elle venait de formuler. Cette règle, en effet, n’étant édic-tée par aucun texte et ne résultant d’aucune jurisprudence antérieure, ne pouvait être opposée en l’espèce à l’auteur des conclusions à fin de dommages inté-rêts portées à tort devant le tribunal administratif sans méconnaître son droit au recours. Dans le cas particulier du litige, les conclusions indemnitaires ont en conséquence été accueillies alors même que la juridiction disciplinaire ordinale avait définitivement statué sur la plainte.

La voie du recours en cassation n’est ouverte, en vertu des règles générales de la procédure, qu’aux personnes qui ont eu la qualité de parties dans l’instance ayant donné lieu à la décision attaquée. En conséquence, dans une décision du 3 octobre 2008 (Roche, no 291928), la section du contentieux a jugé que n’a pas la qualité de partie en appel et, par voie de conséquence, n’est pas recevable à se pourvoir en cassation contre la décision rendue en appel une partie défenderesse en première instance, dans le cadre du recours d’un tiers contre une autorisation administrative individuelle, mais qui s’est abstenue de faire appel du jugement du tribunal administratif annulant cette autorisation, même si la requête d’appel formée par une autre partie défenderesse en première instance lui a été commu-niquée par la cour.

L’article L. 108 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre prévoit que les dispositions de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique sont applicables « de plein droit, sans conditions de ressources » aux personnes qui se pourvoient devant les juridictions des pensions sur le fonde-

44 Activité juridictionnelle

ment de ce code. Par une décision de section du 31 octobre 2008 (Mme Saadia Bensaadoune, no 315418), le Conseil d’État, abandonnant l’interprétation qu’il avait donnée de cette disposition dans sa décision du 14  mars 2003 Lebrun (no 251532, p. 124), a jugé que celle-ci avait pour seul effet d’écarter les condi-tions de ressources, de résidence et de nationalité prévues par les articles 2 à 4 de la loi du 10 juillet 1991, qui tiennent à la personne du requérant, et non la condition tenant aux chances de succès de l’action entreprise, résultant de l’ar-ticle 7 de la même loi. Le pourvoi de la requérante dirigé contre l’arrêt d’une cour régionale des pensions étant en l’espèce dépourvu de moyen sérieux de cassation, le Conseil d’État a confirmé la décision du Bureau d’aide juridiction-nelle lui refusant l’octroi de cette aide.

Saisie de recours dirigés contre des décrets relatifs à des avantages indemnitaires bénéficiant aux militaires ou à leurs ayants droit par une association déclarée, la section du contentieux a, par trois décisions du 31 décembre 2008 (Association de défense des droits des militaires – « ADEFDROMIL », no 306962), précisé la portée de la notion de « groupement professionnel militaire à caractère syndi-cal » mentionné par l’article L. 4121-4 du code de la défense. Cet article dis-pose que l’existence de tels groupements ainsi que l’adhésion des militaires en activité de service à ceux-ci sont incompatibles avec les règles de la discipline militaire.

La section a estimé que le juge, pour apprécier la recevabilité de l’action conten-tieuse introduite devant lui par une association déclarée, devait déterminer si celle-ci est ou non un « groupement professionnel militaire à caractère syn-dical », et a affirmé qu’une telle qualification était susceptible d’emporter, eu égard à l’incompatibilité posée par l’article L. 4121-4 du code de la défense, une incapacité à agir en justice. Au cas d’espèce, après avoir constaté que l’associa-tion requérante, qui regroupe des militaires et dont l’objet est d’assurer notam-ment la défense de leurs intérêts professionnels, est un groupement entrant dans le champ d’application de l’article L. 4121-4 du code de la défense, la section en a déduit qu’elle n’était pas recevable à demander l’annulation des décrets attaqués. Elle a par ailleurs précisé que, en l’état actuel des textes, le moyen tiré de l’inconstitutionnalité de cet article ne pouvait qu’être écarté, puisque l’ar-ticle 61-1, qui prévoit la possibilité de soulever une exception d’inconstitution-nalité, ne pourra entrer en vigueur qu’après qu’une loi organique aura précisé ses modalités d’application.

Propriété intellectuelle

Par une décision du 11 juillet 2008 (Syndicat de l’industrie de matériels audio-visuels électroniques, no  298779), le Conseil d’État s’est prononcé sur les modalités de détermination du montant de la rémunération pour copie privée prévue à l’article L. 311-1 du code de la propriété intellectuelle. Il a considéré que cette rémunération pour copie privée, constituant une exception au principe du consentement de l’auteur à la copie de son œuvre, est une modalité parti-culière d’exploitation des droits d’auteur fondée sur la rémunération directe et forfaitaire, par les personnes qui mettent en circulation, en France, certains sup-ports d’enregistrement utilisables pour la reproduction à usage privé d’œuvres fixées sur des phonogrammes ou des vidéogrammes, des sociétés représentant les titulaires des droits d’auteur ou de droits voisins. Il a ensuite jugé que, cette

45Section du contentieux

rémunération ayant pour unique objet de compenser, pour les auteurs, artistes-interprètes et producteurs, la perte de revenus engendrée par l’usage qui est fait licitement et sans leur autorisation de copies d’œuvres fixées sur des pho-nogrammes ou des vidéogrammes à des fins strictement privées, la détermi-nation de son montant ne peut prendre en considération que les copies licites réalisées dans les conditions prévues par les articles L. 122-5 et L. 311-1 du code de la propriété intellectuelle précités, et notamment les copies réalisées à partir d’une source acquise licitement. Ces motifs ont conduit le Conseil d’État à annuler une décision de la commission prévue à l’article L. 311-5 du code de la propriété intellectuelle pour déterminer le niveau de la rémunération, dès lors que cette commission avait tenu compte de la capacité d’enregistrement des supports et de leur usage à des fins de copies privées licites ou illicites, sans rechercher, pour chaque support, la part respective des usages licites et illicites. Le Conseil d’État a jugé en effet qu’en prenant en compte le préjudice subi par les titulaires de droits d’auteur du fait des copies illicites de vidéogrammes ou de phonogrammes, la commission avait méconnu les dispositions pertinentes du code de la propriété intellectuelle.

Urbanisme et aménagement du territoire

Par sa décision du 12 décembre 1986 Gepro (no 54701, p. 282), la section du contentieux avait jugé que l’annulation d’un plan d’occupation des sols n’en-traînait pas de plein droit celle d’un permis de construire, sauf dans le cas où l’annulation de ce plan avait été prononcée en raison de l’illégalité d’une dispo-sition ayant pour objet de rendre possible l’octroi du permis. Par une décision du 7 février 2008 (Commune de Courbevoie, nos 297227 et 297229 à 297236), elle a précisé, au regard des principes de sécurité juridique et de légalité, les consé-quences de l’illégalité d’un document d’urbanisme sur un permis de construire délivré sous son empire. Elle a rappelé, d’une part, que le permis de construire, qui ne peut être délivré que pour un projet respectant la réglementation d’ur-banisme en vigueur, ne constitue pas un acte d’application de cette dernière, d’autre part, qu’il résulte de l’actuel article L. 121-8 du code de l’urbanisme que la déclaration d’illégalité d’un document d’urbanisme a, au même titre que son annulation pour excès de pouvoir, pour effet de remettre en vigueur le docu-ment d’urbanisme immédiatement antérieur. Elle en a déduit qu’un requérant peut utilement soutenir qu’un permis de construire a été délivré sous l’empire d’un document d’urbanisme illégal, sous réserve des dispositions de l’article L. 600-1 du même code en ce qui concerne les vices de forme ou de procédure, à la condition qu’il fasse en outre valoir que ce permis méconnaît les dispositions pertinentes ainsi remises en vigueur.

Depuis la décision de la section du contentieux du 26  février 2003, M.  et Mme  Bour et autres (no  231558, p.  59), la collectivité publique dont la déci-sion de préemption a été annulée par le juge administratif est tenue, si elle n’a pas entre-temps cédé le bien illégalement préempté, de proposer à l’acquéreur évincé et, à défaut, au propriétaire initial du bien de l’acquérir, sous réserve que cette rétrocession ne porte pas une atteinte excessive à l’intérêt général. Par sa décision du 31 décembre 2008 (Pereira Dos Santos Maia, no 293853), la section du contentieux a précisé que, en l’absence de transaction entre la collectivité et l’acquéreur évincé, le prix auquel le bien doit être proposé à ce dernier est celui

46 Activité juridictionnelle

indiqué dans la déclaration d’intention d’aliéner reçue par le titulaire du droit de préemption, majoré, le cas échéant, du coût des travaux indispensables à la conservation du bien que la collectivité publique a supporté et de la variation de la valeur vénale du bien consécutive aux travaux utiles d’amélioration ou de démolition réalisés par celle-ci à la suite de la préemption litigieuse. Ce prix doit être diminué, s’il y a lieu, des dépenses que l’acquéreur devrait exposer pour remettre le bien dans l’état dans lequel il se trouvait initialement, si celui-ci a subi des dégradations. En revanche, il n’y a pas lieu de tenir compte, dans la fixation du prix, des facteurs étrangers à la consistance et à l’état du bien qui ont pu avoir une influence sur sa valeur vénale, comme la modification des règles d’urbanisme ou les évolutions du marché immobilier.

47Bureau d’aide juridictionnelle

Bureau d’aide juridictionnelle

Bilan d’activité

En 2008, le bureau a enregistré 3286 affaires contre 3357 en 2007, soit une diminution de 2 %, confirmant la tendance à la baisse des enregistrements des années précédentes.

Ces demandes ont concerné pour l’essentiel le droit des étrangers qui repré-sente à lui seul près de 25  % de l’ensemble des affaires enregistrées (1 315 affaires enregistrées contre 1 465 en 2007 réparties de la manière suivante : 617 en matière de refus de titre de séjour ou de visa contre 472 ; 532 en matière de réfugiés contre 630 et 166 en matière de reconduite à la frontière contre 363). La seconde grande masse concerne le contentieux des pensions : 509 dossiers (soit 15 %) en 2008 contre 275 en 2007. Parmi ces 509 dossiers, 203 concernent le contentieux des pensions militaires d’invalidité, le restant étant constitué de dossiers de pensions de retraite. Enfin, les deux autres principaux contentieux à l’origine de nombreuses demandes d’aide juridictionnelle sont le contentieux de la fonction publique (219 dossiers enregistrés en 2008 contre 261 en 2007) et le contentieux lié aux demandes de naturalisation (239 demandes enregistrées en 2008 contre 418 en 2007).

Les demandes présentées en vue de soutenir des pourvois en cassation formés contre des arrêts de cours administratives d’appel ont connu une légère décrue, passant de 1 589 en 2007 à 1 460 en 2008, de même que les demandes présentées en vue de soutenir des pourvois contre les décisions rendues par les tribunaux administratifs en matière de référé (308 en 2008 contre 369 en 2007).

Les demandes relatives à des jugements rendus par les tribunaux administratifs statuant en premier et dernier ressort ont quant à elles augmenté de manière sensible, passant de 440 en 2007 à 546 en 2008 soit une hausse de près de 24 %.

Les demandes présentées au soutien de requêtes de premier ressort ou de pourvois en cassation contre des décisions rendues par des juridictions admi-nistratives spécialisées ont quant à elles connu une relative stabilité, passant respectivement de 145 à 156 dans le premier cas, et de 750 à 748 dans le second.

Grâce notamment aux moyens supplémentaires qui ont été alloués au bureau dans le courant de l’année 2008, le nombre d’affaires réglées en 2008 (3 803) a connu une progression de près de 13 % par rapport à 2007 (3 372) permettant ainsi de revenir à des résultats plus proches de ceux des années précédentes (3 771 en 2006, 3 705 en 2005 et 3 965 en 2004).

48 Activité juridictionnelle

Le bureau a tenu 24 séances au cours desquelles 907 affaires ont été examinées, soit un nombre sensiblement supérieur à celui de 2007 (892). Par ailleurs, 2 896 affaires ont été traitées par ordonnances contre 2 335 en 2007.

Le taux d’admission a connu une diminution très sensible ; il s’élève à 7,12 % (271 dossiers admis à l’aide juridictionnelle) en 2008 contre 10,4 % en 2007 (316 dossiers admis).

Le délai moyen mis par le bureau pour statuer est de 4 mois et 23 jours.

Enfin, le nombre de dossiers en stock s’élevait à 889 au 31 décembre 2008.

49Bureau d’aide juridictionnelle

Statistiques

Tableau 1Évolution de l’activité du Bureau d’aide juridictionnelle

2005 2006 2007 2008

Affaires traitées 3 705 3 771 3 372 3 803Aides accordées 431 358 301 271Rejets 3 167 3 407 2 970 3 532

Tableau 2Évolution du stock au 31 décembre

Année Nombre d’affaires en stock au 31/12

Année Nombre d’affaires en stock au 31/12

1995 1751 2002 6151996 714 2003 6981997 362 2004 5621998 559 2005 11081999 666 2006 8152000 1083 2007 6212001 676 2008 889

Tableau 3Sens des décisions rendues en 2008 par principaux types de saisine

SaisineNombre de décisions

lues

Sens

Rejet Admission Désistement Non-lieu Incompétence

Premier ressort 193 119 61 3 7 3Appel 15 13 1 0 0 1Cassation TA (référés) 309 290 17 0 0 2Cassation TA (autres) 503 441 50 3 1 8Cassation CAA 1997 1896 85 9 6 2Cassation (autres juridictions) 745 657 74 1 11 1

Tableau 4Sens des décisions rendues en 2008 par principaux types de matière

MatièreNombre de décisions

lues

Sens

Rejet Admission Désistement Non-lieu Incompétence

Réfugiés 572 559 12 1 0 0Reconduite à la frontière 228 213 13 2 0 0Pensions de retraite 203 170 32 0 1 0Pensions militaires d’invalidité 165 120 43 0 1 1Naturalisation 571 563 2 0 3 3

51

Rapport d’activité

Activité consultative

Les avis rendus par le Conseil d’État dans le cadre de sa fonction consultative le sont sous réserve de l’appréciation souveraine des juridictions compétentes. Ils ne préjugent pas les solutions qui pourraient être retenues par le juge administratif.Les textes qui suivent se bornent à les reproduire ou à en retracer le contenu.

53Assemblée générale et commission permanente

Assemblée générale et commission permanente

Bilan d’activité

L’assemblée générale : une activité stabilisée

L’assemblée générale, présidée par le Vice-président du Conseil d’État, examine la plupart des projets de loi et d’ordonnance ainsi que les autres dossiers (projets de décret ou demandes d’avis) dont l’importance le justifie. Certains d’entre eux sont analysés ci-dessous, les autres l’étant dans le compte rendu d’activité des sections administratives qui les ont rapportés devant l’assemblée générale.

L’activité de l’assemblée générale s’est stabilisée en 2008. En effet, elle a tenu 34 séances, dont 12 séances plénières (contre 37 en 2007, dont 12 séances plé-nières). Elle a examiné 48 textes dont 36 projets de loi, 4 projets d’ordonnance et un projet de décret, contre 50 textes en 2007.

L’assemblée générale a également délibéré sur le contenu du précédent rapport annuel du Conseil d’État ainsi que sur 2 études, qui lui ont été présentés par la section du rapport et des études. L’assemblée générale s’est, enfin, prononcée sur 4 demandes d’avis présentées par le Gouvernement.

En 2008, le délai moyen relevé entre l’enregistrement d’un texte et son passage en assemblée générale s’établit à 29 jours – contre 36 jours en 2007. Les délais d’examen se situent dans une fourchette allant de 6 à 85 jours. Les trois délais les plus courts ont été de 6 jours (1 texte), 7 jours (2 textes) et 8 jours (4 textes) ; les trois délais les plus longs ont été de 85 jours (1 texte), 77 jours (1 texte) et 69 jours (1 texte). Enfin, le retour des textes au Gouvernement intervient dans un délai de un à trois jours après l’examen en assemblée générale.

La commission permanente : une activité croissante

En cas d’urgence, certaines affaires sont soumises à la commission permanente dont l’examen se substitue alors à la fois à celui de la section compétente et à celui de l’assemblée générale.

La commission permanente s’est réunie à 11 reprises en 2008 (contre 9 en 2007), et a examiné 12 textes. Cette fréquence des réunions témoigne cette année encore d’une certaine dégradation, voire d’une dénaturation, des condi-tions de saisine du Conseil d’État comme de la sécurité juridique qui s’attachent

54 Activité consultative

traditionnellement à la consultation de l’institution. Ceci a été relevé par cha-cune de ses sections administratives.

Plusieurs textes ont dû être examinés trop rapidement. Ainsi, le délai constaté entre l’enregistrement et l’examen en commission permanente du projet de loi autorisant la ratification du traité de Lisbonne modifiant le traité sur l’Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne et certains actes connexes a été limité à un jour, et celui relatif au projet de loi de finances recti-ficative pour 2009, à 3 jours.

Dans ce dernier cas, le Conseil d’État a été saisi de cette loi rectificative alors même que la loi de finances pour 2009 n’était pas encore promulguée. Une telle procédure d’examen doit rester exceptionnelle, même si la loi de finances avait fait l’objet d’un vote définitif par l’Assemblée nationale et le Sénat après réunion de la commission mixte paritaire, et était donc suffisamment stabilisée pour que puisse être utilement examiné un projet lui apportant des modifica-tions. Dans l’hypothèse où le Conseil constitutionnel aurait été saisi de la loi de finances pour 2009 et où sa décision aurait rendu caduc tout ou partie du projet de loi de finances rectificative pour 2009, il aurait appartenu au Gouvernement, soit de retirer ce projet et de déposer un nouveau projet de loi de finances rec-tificative, soit de déposer une lettre rectificative au projet déposé, soit enfin, de procéder par voie d’amendement à ce projet.

De même, l’examen en urgence du projet de loi sur l’hôpital, évoqué ci-après, n’était pas justifié. En sens inverse, la saisine de la commission permanente était justifiée pour examiner le premier projet de loi de finances rectificative pour 2008. Enregistré le dimanche 12 octobre 2008 au Conseil d’État, il a été examiné le soir même en commission permanente.

Comme pour les assemblées générales, il n’y a pas d’écart significatif entre les délais d’examen en commission permanente et les délais de retour des textes au Gouvernement, le retour intervenant le plus souvent dès le lendemain de la commission.

Remarques générales sur les conditions de saisine

Délais d’examen

Le Conseil d’État est souvent saisi de textes déclarés urgents par le Gou-vernement. Ce type de saisine est légitime lorsque les circonstances justifient des délais d’examen très brefs et le Conseil d’État a toujours répondu à cette exigence malgré les très fortes contraintes d’organisation que celle-ci peut entraîner.

La saisine en urgence n’est en revanche pas justifiée lorsque l’importance et la complexité de la réforme envisagée nécessitent un examen approfondi ou lorsque l’urgence déclarée est démentie par le calendrier parlementaire ou par le rythme de la publication d’un texte au Journal officiel. L’usage de la pro-cédure d’urgence est particulièrement inapproprié lorsque ces deux circons-tances se cumulent. Ce fut le cas lors de l’examen du projet de loi « hôpital,

55Assemblée générale et commission permanente

santé, patients, territoires ». Ce texte comportait plusieurs réformes de grande ampleur. Pour en accélérer l’examen, le Premier ministre a fait application des dispositions de l’article R. 123-21 du code de justice administrative aux termes desquelles « une commission permanente est chargée de l’examen des projets de loi et d’ordonnance dans les cas exceptionnels où l’urgence est signalé… ». La commission permanente du Conseil d’État a donc procédé le 14 octobre 2008 à l’examen de ce projet de loi alors que son importance aurait justifié un exa-men approfondi en section puis en assemblée générale. Déposé à l’Assemblée nationale le 22 octobre 2008, le projet n’a commencé à être examiné que le 10 février 2009 en séance publique, soit plus de 3 mois après son examen par la commission permanente. Ce calendrier précipité était d’autant plus regrettable que, compte tenu de l’impératif constitutionnel, l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale a dû être fixé la même semaine.

S’agissant du projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l’année 2007, le Conseil d’État a appelé l’attention du Gouvernement sur le fait que, si le délai de dépôt (échéance du 1er juin impartie par l’article 46 de la LOLF) au Parlement du projet de loi de règlement du budget de l’année 2007 a été respecté cette année, cela n’a été qu’au prix de l’imposition au Conseil d’État de conditions et délais d’examen du projet qui ne sont pas satisfaisants. Pour l’examen de ce projet, il a en effet fallu réunir la commission permanente le mercredi 28 mai, lendemain de l’adoption par la chambre du conseil de la Cour des comptes du rapport sur les résultats de l’exécution budgétaire, dont le 4° de l’article 58 de la LOLF prévoit qu’il est déposé conjointement au projet de loi de ce règlement, et veille du conseil des ministres, réuni cette semaine-là le jeudi 29 mai.

Consultations

Deux ans après l’intervention des deux décrets no 2006-665 et 2006-672 des 7 et 8 juin 2006 sur la réduction du nombre, la simplification et le fonctionnement des commissions administratives, les difficultés rencontrées par l’administra-tion, souvent relevées par les sections administratives du Conseil d’État, plai-dent en faveur d’une révision profonde des procédures consultatives.

Les sections du Conseil d’État sont en effet confrontées au problème récurrent du respect par les ministères de procédures consultatives, aussi nombreuses que lourdes, dont la pertinence n’apparaît pas toujours avec clarté. Elles constatent régulièrement que règne la plus grande incertitude quant au champ de compé-tence des commissions consultatives nationales, faute que les textes aient été assez bien rédigés et que leur portée ait été correctement anticipée. Il en résulte des pertes de temps, des lourdeurs procédurales et des risques contentieux.

Au cours de l’année 2008, les sections administratives du Conseil d’État ont dû procéder à un nombre encore trop élevé de disjonctions pour défaut de consul-tation des organismes compétents. On peut citer à ce titre la disjonction d’une disposition du projet de loi relatif aux contrats de partenariat pour défaut de consultation du comité consultatif de la législation et de la réglementation finan-cières, compétent en vertu de l’article L. 614-2 du code monétaire et financier pour rendre un avis notamment sur tout projet de texte traitant de questions rela-tives au secteur de l’assurance, alors que le projet modifiait la partie législative

56 Activité consultative

du code des assurances et intervenait dans un régime d’assurance. Ce constat est particulièrement flagrant en ce qui concerne les procédures consultatives spécifiques à l’outre-mer.

Il n’est pas acquis que l’application des deux décrets de juin 2006, quoique très bénéfique, suffira à régler les difficultés qui se posent, de nombreuses commissions restant hors de leur champ (commissions créées par la loi…). Dès lors, et huit mois avant l’extinction programmée par l’article 17 du décret no 2006-672 des dispositions réglementaires instituant des commissions admi-nistratives antérieures à ce décret, le Conseil d’État appelle l’attention du Gouvernement sur la nécessité de s’atteler à la préparation des textes destinés à maintenir en activité certains organismes et à préciser de manière claire leurs compétences consultatives obligatoires. Le fonctionnement des « com-missions-pivots » instituées aux niveaux départemental et régional pourrait également être examiné. Il conviendrait enfin de bien définir le régime des procédures consultatives, en particulier le délai au terme duquel l’avis de l’or-ganisme consulté est réputé donné et d’assouplir les règles de convocation, de quorum et de suppléance.

Dans cette perspective, et dès maintenant, les sections administratives du Conseil d’État s’efforcent de limiter la création des procédures consultatives supplémentaires et font respecter les règles strictes de création des commissions fixées par l’article 2 du décret no 2006-672 du 8 juin 2006. Un bilan de l’utilité des consultations subsistantes, une mise à jour de textes souvent anciens ou dépassés qui les régissent et une définition plus précise de leur champ d’appli-cation simplifierait beaucoup la tâche des administrations. Au terme de ce bilan, il faudrait encore réduire le nombre des consultations obligatoires, notamment lorsque la compétence de l’autorité investie du pouvoir de décision est entiè-rement liée. En pareil cas, une simple information de la commission serait suffisante.

En contrepartie de la réduction du nombre des consultations obligatoires, il serait souhaitable d’élargir les consultations préalables, sur le modèle des livres blancs ou verts.

Procédures préalables spécifiques

■ Commission consultative d’évaluation des normes du comité des finances locales

Trois sections du Conseil d’État se sont prononcées en 2008 sur la portée de la création, par l’article  97 de la loi no  2007-1824 du 25  décembre 2007 de finances rectificative pour 2007 (article L.  1211-4-2 du CGCT), de la com-mission consultative d’évaluation des normes (CCEN), formation restreinte du comité des finances locales (CFL) 1. Prévoyant qu’« elle est consultée pré-alablement à leur adoption sur l’impact financier des mesures réglementaires

1 - Pour rendre plus accessible l’interprétation de ce nouveau texte par les différentes sections du Conseil d’État, les solutions apportées ont été regroupées dans la partie du rapport réservée à l’assemblée générale, même si les textes correspondants n’ont pas été soumis à son examen.

57Assemblée générale et commission permanente

créant ou modifiant des normes à caractère obligatoire concernant les collecti-vités territoriales, leurs groupements et leurs établissements publics », ce texte crée une obligation de consultation préalable, assortie d’un délai minimum d’un mois éventuellement renouvelable, pour un grand nombre de projets de textes réglementaires, ralentissant ainsi fortement la prise des décrets d’application des lois.

Le Conseil d’État a considéré que le législateur a souhaité étendre la compé-tence de ce comité à l’examen de mesures réglementaires qui, auparavant, ne lui étaient pas soumises et qu’en revanche, dans les cas où la consultation du CFL présente un caractère obligatoire, le législateur n’a pas entendu rendre obliga-toire, en outre, celle de la CCEN, dont les membres sont tous membres du CFL. En effet, dans ces derniers cas, le CFL est en mesure de se prononcer également sur l’impact financier du projet de texte qui lui est soumis.

L’avis du CCEN ne doit être recueilli que sur des textes instituant une obli-gation juridique nouvelle affectant de manière significative, même si ce n’est pas de façon exclusive, les collectivités territoriales, leurs groupements ou leurs établissements publics et se traduisant par des dépenses supplémentaires à leur charge.

Plusieurs projets de décrets ont permis de préciser les hypothèses dans les-quelles cette consultation devait intervenir.

1° Un décret ayant pour objet de fixer une réglementation en matière de rede-vances pour services rendus pour l’usage du réseau ferré national n’a pas été regardé comme créant des normes à caractère obligatoire concernant les col-lectivités territoriales alors même que certaines de ces redevances peuvent être acquittées par ces collectivités en qualité d’autorités organisatrices de transports.

2° Un décret ayant pour objet de transposer en droit interne deux directives communautaires relatives à la qualité de l’air ambiant et qui fixait les « valeurs cibles » de chacune des substances polluantes régies par les directives ne créait pas non plus de normes à caractère obligatoire concernant les collectivités ter-ritoriales au sens des dispositions de l’article L. 1211-4 du code général des collectivités locales, dès lors que ces valeurs cibles sont définies comme des niveaux de taux de polluants dans l’atmosphère qu’il convient d’atteindre, dans la mesure du possible, sur une période donnée et ne sont pas assimilables à des limites impératives.

3° Un décret définissant, en application d’une loi, les modalités de transfert à des départements et à une région de services ou parties de services déconcentrés de l’État ne nécessite pas non plus la consultation de cette commission.

4° Un projet de décret définissant le classement de grade et d’échelon des fonc-tionnaires de l’État dans la fonction publique territoriale lorsqu’ils y sont inté-grés, sur leur demande, en conséquence du transfert à une collectivité locale du service où ils sont employés, n’appelle pas non plus la consultation de la commission dès lors que l’ensemble des dispositions du projet est fondé sur l’équivalence de classement des agents intéressés avant et après leur intégration dans la fonction publique territoriale, ce qui écarte tout impact financier pour les collectivités employeurs du fait de son application. La méthode de compa-raison retenue est celle portant sur la situation concrète des agents en cause, dont le transfert d’office vers les collectivités territoriales avec les dispositions

58 Activité consultative

financières y afférentes résulte de dispositions législatives antérieures. Elle ne prend donc pas en compte la possibilité, purement théorique, qu’auraient les collectivités de pourvoir les emplois intéressés par des agents originaires de la fonction publique territoriale, dont le niveau indiciaire aurait été dans certains cas inférieur.

5° Un projet de décret modifiant la liste des charges récupérables des locaux d’habitation qui institue des obligations juridiques nouvelles s’impose aux bailleurs, notamment sociaux, et concerne à ce titre l’ensemble des offices publics, établissements publics locaux, pour lesquels elle a un impact en termes de charges financières, figure en revanche parmi celles dont l’adoption est sou-mise à la consultation préalable de la CCEN.

6° De même, l’ensemble des décrets relatifs à la sécurité et à la santé au travail relève désormais d’une telle obligation de consultation dès lors que par une disposition législative générique ils ont vocation à s’appliquer aux personnels employés par les collectivités territoriales.

■ Commission européenne

Les notifications à la Commission européenne concernent essentiellement deux types de dispositions : celles qui créent des aides d’État et celles qui créent des normes techniques.

– Aides d’État – Notification préalable

Le Conseil d’État a été conduit à opérer à de nombreuses reprises la disjonction de projets de dispositions instituant ou modifiant des régimes d’aides d’État, faute pour le Gouvernement d’avoir respecté les obligations de notification pré-alable à la Commission européenne que lui imposent les articles 87 et 88 du TCE et qui ne sont pas couvertes par la règle dite de minimis. Par ailleurs, le Conseil d’État est souvent conduit à vérifier au fond la compatibilité des aides envisagées avec le droit communautaire avant de déterminer si leur création ou leur modification suppose une notification préalable à la Commission (voir les comptes rendus de la section des finances page 121 et de la section des travaux publics page 139).

Il en a été ainsi de plusieurs dispositions du projet de « loi de programme pour le développement économique et le développement de l’excellence outre-mer », dès lors que le régime d’aides était entièrement défini par ces articles législatifs. La notification à la Commission doit intervenir en temps utile pour qu’elle se prononce sur la compatibilité du projet avec le traité avant son examen par le Conseil d’État. Cet examen ne peut attendre l’intervention du décret auquel renvoie la loi, car ce décret, si nécessaire soit-il à la mise en œuvre effective de la loi, a pour seul objet de prévoir des obligations déclaratives à la charge des entreprises bénéficiaires. Le Conseil d’État devant se prononcer au vu de l’en-semble des avis consultatifs obligatoires, il n’a pas été en mesure de rendre son avis faute de connaître la décision de la Commission.

Il en a été de même d’un projet d’article relatif à la réforme des exonérations de cotisations patronales spécifiques outre-mer figurant dans le projet de loi de finances pour 2009. En effet, bien qu’elles modifient, dans les départements d’outre-mer et à Saint-Martin, un régime d’exonérations déjà notifié à la Com-mission européenne et agréé par elle, les dispositions de ce projet d’article

59Assemblée générale et commission permanente

aurait dû être notifiées préalablement dès lors que le nouveau régime d’aides était entièrement défini par cet article législatif. À la date à laquelle le Conseil d’État a examiné le projet, il avait été notifié à la Commission, mais l’avis de cette dernière n’avait pas encore été rendu.

Ont été également disjointes pour ce motif les dispositions fiscales du même projet de loi de finances augmentant le plafond du crédit d’impôt institué en faveur de l’agriculture biologique. En effet, dès lors que la création même de ce crédit d’impôt par la loi no 2006-11 du 5 janvier 2006 d’orientation agricole avait été disjointe pour le même motif, le Conseil d’État n’a pu que constater, d’une part, qu’aucune notification n’était intervenue ultérieurement et, d’autre part, que ce régime fiscal était insusceptible d’être placé sous le régime de mini-mis institué, dans le secteur agricole, par le règlement (CE) no 1535/2007 de la Commission du 20 décembre 2007.

Saisi dans le même projet d’un article ayant pour objet de doubler l’exonération de charges sociales dont bénéficient les sportifs professionnels de haut niveau pratiquant des sports collectifs, sur la rémunération qu’ils perçoivent au titre de leur droit à l’image collective, le Conseil d’État a considéré que le bénéficiaire de l’avantage supplémentaire ainsi octroyé est le sportif professionnel de haut niveau, alors que le club sportif qui l’emploie n’en constitue qu’un bénéficiaire indirect. Par suite, un tel régime d’exonération sociale ne lui a pas paru devoir être regardé comme une aide d’État, au sens de l’article 87 du TCE, et l’examen de cet article ne se trouvait subordonné à aucune procédure de notification pré-alable à la Commission.

En vertu de l’article 4 du règlement (CE) no 794/2004 de la Commission du 21 avril 2004, il faut entendre par modification d’une aide existante « tout chan-gement autre que les modifications de caractère purement formel ou adminis-tratif qui ne sont pas de nature à influencer l’évaluation de la compatibilité de la mesure d’aide avec le marché commun ». Par contre, selon ce même règle-ment, une augmentation n’excédant pas 20  % du budget initial d’un régime d’aides existant, sans changement des conditions de l’aide, le renforcement des critères d’application d’un régime d’aides autorisé, ou la réduction de l’intensité de l’aide, ou celle des dépenses admissibles, relèvent non pas d’une dispense de notification, mais d’une notification selon une procédure simplifiée. Sur le fondement des prescriptions de ce règlement, ont été disjointes les dispositions d’un article du projet de « loi de programme pour le développement économique et la promotion de l’excellence outre-mer », insérant dans le code général des impôts, un article régissant le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajou-tée (TVA) qui n’a pas été perçue sur des biens d’investissement neufs utilisés pour une activité exercée par un assujetti disposant d’un établissement stable de certains départements d’outre-mer (« TVA non perçue récupérable »). En effet, si la Commission européenne a autorisé un tel régime de « TVA non perçue récupérable », puis renouvelé cette autorisation en 2007 jusqu’au 31 décembre 2013, cette dernière autorisation ne dispense pas le Gouvernement de notifier à la Commission le régime d’aides tel que modifié par ce projet d’article de loi, dès lors que le règlement (CE) no 659/1999 du Conseil du 22 mars 1999 dispose que doit être regardé comme une aide nouvelle devant, à ce titre, être notifié à la Commission, « tout régime d’aides ou toute aide individuelle, qui n’est pas une aide existante, y compris toute modification d’une aide existante ». Or, il n’avait pas été procédé à une nouvelle notification en l’espèce.

60 Activité consultative

– Communication préalable à la Commission des projets de normes techniques

Outre le cas des aides d’État, le Conseil d’État attire l’attention du Gouver-nement sur la nécessité de communiquer préalablement à la Commission tout projet de normes techniques en application de la directive 98/34/CE du 22 juin 1998 prévoyant une procédure d’information dans le domaine des normes et réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l’information. À défaut d’une telle communication, toute norme nationale est de plein droit inopposable aux tiers.

Saisi du projet de décret relatif à l’accréditation et à l’évaluation de conformité, le Conseil d’État n’a pu, en l’état, lui donner un avis favorable. En effet, en application de la directive 98/34/CE du 22  juin 1998, le Gouvernement avait notifié à la Commission européenne ce projet de décret. Celle-ci l’avait invité à différer de douze mois l’adoption de ce projet, compte tenu de l’existence d’un projet de règlement en cours d’élaboration et portant sur la même matière. Le Gouvernement aurait donc dû vérifier que le projet de décret notifié était conforme au règlement en cours d’élaboration et déterminer si, compte tenu de l’intervention de ce règlement, le projet demeurait toujours soumis, en vertu de la directive 98/34/CE, à l’obligation de notification à la Commission euro-péenne à l’expiration du délai imparti.

Le Conseil d’État a par ailleurs estimé que le projet de loi relatif à la diffusion des œuvres et à la protection des droits des créateurs sur Internet (devenu projet de loi « Création et Internet »), qui répond à des considérations d’ordre public et n’impose que subsidiairement des obligations aux fournisseurs d’accès à Inter-net, n’entrait pas par lui-même dans le champ de l’obligation d’information de la Commission européenne sur tout projet national de réglementations tech-niques et de règles relatives aux services de la société de l’information prévue par la directive 98/34 du 22 juin 1998. La procédure en cause pourra être mise en œuvre, le cas échéant, pour les décrets d’application.

■ Partenaires sociaux

L’article L.  1 du code du travail prévoit la saisine préalable des partenaires sociaux aux fins de négociation éventuelle sur tout projet de réforme relative au travail, à l’emploi et à la formation professionnelle relevant de la négocia-tion nationale et interprofessionnelle. Comme cela avait commencé à être le cas en 2007, le Conseil d’État a été conduit en 2008 à apprécier à de nombreuses reprises si cet article avait vocation à s’appliquer, en donnant de son champ d’application une acception raisonnable 2. Cet examen a notamment été guidé par le souci de déterminer de façon réaliste les véritables susceptibles de faire l’objet d’une « négociation » entre les partenaires sociaux.

2 - V. le chapitre du présent rapport relatif à la section sociale page 151.

61Assemblée générale et commission permanente

Omission des dispositions transitoires

Saisi d’un projet de décret modifiant les dispositions relatives aux comités régio-naux de coordination de la mutualité, le Conseil d’État a rappelé la nécessité de rédiger de façon non équivoque les dispositions transitoires contenues dans le projet, de telle sorte que soit assurée à cet égard la sécurité juridique nécessaire, telle que rappelée par la jurisprudence KPMG du 24 mars 2006.

Éléments d’analyse

Réforme constitutionnelle et lois organiques prises pour leur application

■ Projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République.

Ce projet est le plus long des projets soumis au Conseil d’État depuis 1958 (33  articles). Il procède aussi à la plus substantielle des 24 révisions ayant affecté jusqu’ici la Constitution de la Ve République.

Ses dispositions peuvent être regroupées en quatre têtes de chapitre d’inégale importance (au moins sur le plan quantitatif) :– le renforcement des droits du Parlement ;– la rénovation du mode d’exercice du pouvoir exécutif ;– le renforcement des droits du citoyen et du pluralisme ;– la réforme du Conseil supérieur de la magistrature.

La révision vise d’abord, et principalement, à accorder des prérogatives nou-velles au Parlement, en renforçant sa capacité d’initiative, en lui conférant une plus grande maîtrise du travail législatif et en modernisant son organisation et son fonctionnement.

Les traits les plus marquants de cette « revalorisation » de la Représentation nationale sont :– le partage de l’ordre du jour des assemblées entre Gouvernement et Parle-ment ;– la limitation des cas de recours à la procédure de l’article 49 (alinéa 3) de la Constitution ;– le renforcement du rôle des commissions et, en particulier, l’adoption (sauf exception) de la règle selon laquelle la discussion en séance publique se fait sur la base du texte adopté par la commission saisie au fond (et non plus sur la base du texte déposé) ;– les droits de l’opposition parlementaire ;– l’affirmation des pouvoirs de contrôle et d’évaluation du Parlement,– ainsi que les prérogatives nouvelles de celui-ci en matière d’états d’exception intérieurs ; d’interventions militaires extérieures ou d’affaires européennes.

62 Activité consultative

La rénovation du mode d’exercice du pouvoir exécutif est recherchée par :– la clarification de la place du Chef de l’État au sein des institutions (qu’il s’agisse de la limitation du nombre de ses mandats consécutifs, de son droit de message au Parlement, de son rôle de chef des armées ou du droit de grâce) ;– la soumission de certaines nominations importantes à l’avis préalable d’une commission parlementaire.

S’agissant des droits des citoyens, le projet du Gouvernement institue un « Défenseur des droits des citoyens », doté de pouvoirs importants, qui pourra être saisi par toute personne s’estimant lésée par le fonctionnement d’un service public.

Le projet permet aux justiciables d’invoquer devant toute juridiction, par la voie de l’exception, l’inconstitutionnalité de lois déjà promulguées et institue à cet effet un mécanisme permettant de saisir le Conseil constitutionnel d’une ques-tion préjudicielle relative à leur conformité à la Constitution.

Le Conseil économique et social, dont la compétence consultative obligatoire est étendue aux questions environnementales, pourra être saisi par voie de pétition.

Quant au Conseil supérieur de la magistrature, sa composition se voit modifiée et la présidence de ses deux formations respectivement confiée au Premier pré-sident de la Cour de cassation et au Procureur général près cette cour.

L’examen de ce projet a conduit le Conseil d’État à préciser les critères qui le guident dans l’examen de tels textes qu’il ne peut rapporter à une norme de référence de valeur juridiquement supérieure.

Il s’attache lors de son examen à :– protéger la solennité du texte constitutionnel car il convient de ne pas encom-brer la Constitution de règles qui peuvent aisément trouver leur place dans des normes de niveau inférieur ;– veiller à ce que les nouvelles dispositions constitutionnelles ne méconnais-sent pas les engagements internationaux de la France, dès lors qu’elle n’entend pas les dénoncer ;– s’assurer de la cohérence interne des changements apportés, ainsi que de leur adéquation aux objectifs poursuivis, en prenant en compte les conséquences de tous ordres des novations introduites ;– s’assurer de la cohérence de ces changements par rapport à l’ensemble du « bloc de constitutionnalité » et à l’esprit des institutions ;– veiller à l’intelligibilité, à la complétude et à la concision des dispositions issues des changements apportés, notamment en faisant en sorte que la rédac-tion du projet permette le débat parlementaire le plus clair et le plus sincère possible.

Le Conseil d’État peut en outre fonder son avis sur des considérations tirées de la sérénité de la vie démocratique, de la tradition républicaine, du fonction-nement régulier des pouvoirs publics, des enseignements de l’histoire et des sciences politiques ou de la bonne administration.

Ces critères ont conduit le Conseil d’État à adopter les positions suivantes :

1° Il n’a pu donner son accord à la disposition qui privait le Président de la République de la possibilité de recourir à l’avenir aux mesures de grâce collec-

63Assemblée générale et commission permanente

tive, alors que de telles mesures pourraient se révéler nécessaires pour faire face à des situations exceptionnelles.

2° Il n’a pu approuver la disposition ajoutant à l’article 33 de la Constitution, relatif aux séances tenues par les assemblées parlementaires, un alinéa aux termes duquel  : « Les auditions auxquelles procèdent les commissions insti-tuées au sein de chaque assemblée sont publiques sauf si celles-ci en décident autrement ». La publicité des auditions devant les commissions parlementaires relève en effet des règlements des assemblées. Cette compétence des assem-blées s’imposait d’autant plus que le principe ainsi énoncé était aussitôt assorti d’une exception très large.

3° Il n’a pas retenu la modification proposée à l’article 36 de la Constitution, qui faisait figurer l’état d’urgence dans cet article. Il lui est apparu en effet que cette adjonction ne s’imposait pas dès lors que, dans sa décision no 85-187 DC du 25 janvier 1985, le Conseil constitutionnel a jugé qu’il appartenait au légis-lateur, en vertu de l’article 34 de la Constitution, de prévoir un état d’urgence, en opérant la conciliation nécessaire entre le respect des libertés et la sauve-garde de l’ordre public. Au demeurant, les conditions de mise en œuvre de la loi no 55-385 du 3 avril 1955 ont été précisées par la jurisprudence récente du Conseil d’État et notamment par la décision de l’assemblée du contentieux du 24 mars 2006 (Rolin et Boisvert, Lebon, p. 171).

4° Il n’a pas approuvé la disposition remettant en cause la règle, figurant à l’article 42 de la Constitution, selon laquelle la première lecture d’un projet de loi devant la première assemblée saisie a lieu sur la base du texte du Gouverne-ment. Il a estimé que la modification de cette règle, instituée en 1958 pour ren-forcer l’efficacité de l’action globale des pouvoirs publics, risquait d’affaiblir le Gouvernement dans la détermination et la conduite de la politique de la Nation.

5° Comme il l’a déjà fait à deux reprises, en 1990 et en 1993, il a émis un avis favorable à l’institution d’un contrôle de la constitutionnalité des lois par voie d’exception (article  61-1 de la Constitution) et aux modalités de sa mise en œuvre : le tribunal saisi du litige transmettra la question à la juridiction suprême de son ordre, qui pourra la soumettre au Conseil constitutionnel si elle lui paraît sérieuse.

Il a cependant recommandé au Gouvernement de renoncer à deux dispositions restreignant le champ d’application de la procédure (a et b) et de formuler autre-ment les effets des déclarations d’inconstitutionnalité (c).

a) L’exclusion des dispositions antérieures à l’entrée en vigueur de la Consti-tution de 1958 lui a paru grosse de complications en présence de lois édictées avant cette date mais modifiées ultérieurement. Elle aurait par ailleurs eu pour conséquence une différence de traitement entre les justiciables, selon la date de la disposition dont dépend l’issue du litige. La théorie selon laquelle les lois antérieures à la Constitution et contraires à ses dispositions ont été impli-citement abrogées par elle ne permettrait pas en effet de rétablir l’égalité entre les justiciables. Outre qu’elle ne saurait jouer dans le cas d’une loi intervenue entre 1946 et 1958 et qui serait contraire aux droits garantis par le Préambule de la Constitution de 1946, cette théorie n’est jusqu’à présent admise que par la jurisprudence administrative et n’est mise en œuvre qu’en présence d’une incompatibilité évidente et radicale entre la Constitution et une loi antérieure.

64 Activité consultative

À la suite de la révision constitutionnelle, les juridictions pourraient décider de faire un usage plus large de cette théorie mais avec l’inconvénient d’aboutir, pour les lois antérieures à 1958, à un contrôle de constitutionnalité diffus et facteur d’insécurité juridique.

b) L’exclusion des « dispositions soumises au Conseil constitutionnel en appli-cation de l’article 61 », est susceptible de recevoir deux interprétations.

Elle est difficilement acceptable si elle vise l’ensemble des dispositions des lois déférées sur le fondement de cet article. En effet, si le juge constitutionnel se reconnaît le pouvoir de censurer d’office une disposition non critiquée par les auteurs de la saisine, il ne peut sans inconvénient être réputé avoir pris parti sur la constitutionnalité de chacune des dispositions des lois qui lui ont été déférées.

Si l’exclusion ne vise que les dispositions sur lesquelles le Conseil constitution-nel s’est prononcé expressément – c’est-à-dire celles qu’il a déclarées conformes à la Constitution à la fois dans les motifs et dans le dispositif de sa décision –, elle ne présente pas une véritable utilité et soulève des objections juridiques. En pratique, une question préjudicielle portant sur la constitutionnalité d’une telle disposition ne sera pas regardée comme sérieuse par les juridictions et ne donnera pas lieu à un renvoi préjudiciel. Il ne pourrait en aller autrement que si les circonstances de droit avaient changé depuis la décision rendue sur le fon-dement de l’article 61. Or, dans le cas au moins où ce changement résulterait d’une modification de la Constitution, ayant fait naître une contrariété entre la loi fondamentale et une disposition législative, il n’existerait aucune raison d’exclure la mise en œuvre de l’exception d’inconstitutionnalité. On peut douter également du bien-fondé de l’exclusion dans le cas où le changement résulterait d’une évolution de la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Le Conseil d’État a donc préconisé une rédaction qui ne restreindrait pas le champ d’application de l’exception d’inconstitutionnalité mais permettrait d’apporter ensuite dans la loi organique les précisions utiles, notamment celle qui énoncerait expressément que cette exception ne saurait reposer sur l’invo-cation des règles constitutionnelles relatives à la procédure législative ou à la compétence du législateur.

c) S’agissant des effets des déclarations d’inconstitutionnalité par la voie de l’exception, le Conseil d’État a estimé qu’il y avait lieu de prévoir que la dis-position serait abrogée, le cas échéant à compter de la date fixée par le Conseil constitutionnel, et qu’il appartiendrait à celui-ci de déterminer, dans sa décision, les conditions et limites dans lesquelles les effets qu’elle aura produits avant son abrogation seront susceptibles d’être remis en cause.

Une telle règle évite que la disposition inconstitutionnelle subsiste dans l’ordon-nancement juridique. Elle évite également une remise en cause systématique de ses effets passés. Le juge constitutionnel peut alors définir, dans chaque espèce, les limites de cette remise en cause en tenant compte à la fois de l’intérêt général s’attachant au rétablissement du droit méconnu et d’autres exigences constitu-tionnelles telles que la prévention d’atteintes excessives à la sécurité juridique. L’expérience des États européens qui se sont dotés d’un contrôle de constitu-tionnalité par voie d’exception démontre que cette question ne peut être effica-cement traitée que par la jurisprudence, la diversité des situations ne permettant pas de formuler une règle précise universellement applicable.

65Assemblée générale et commission permanente

6° Le Conseil d’État a relevé que l’institution d’un contrôle de constitution-nalité des lois, s’exerçant par voie d’exception à l’occasion de litiges portés devant les tribunaux, renforcera le caractère juridictionnel du Conseil consti-tutionnel et permettra à un particulier de critiquer devant la Cour européenne des droits de l’homme les conditions d’examen d’une exception d’inconstitu-tionnalité soulevée dans le cadre d’un procès civil ou pénal. Une telle évolution impose un réexamen de la composition du Conseil constitutionnel (article 56 de la Constitution).

a) il n’a pu approuver la disposition, envisagée par le Gouvernement, consistant à soumettre la nomination des membres du Conseil constitutionnel à l’avis de la commission prévue à l’article 13 modifié de la Constitution.

En vertu de cet article, la commission aura vocation à examiner des nominations dans des emplois de nature administrative et non dans des fonctions juridic-tionnelles. L’extension de sa compétence au Conseil constitutionnel n’est donc pas cohérente avec le renforcement du caractère juridictionnel de ce dernier. Par ailleurs, la triple circonstance que le Conseil constitutionnel juge les lois adoptées par le Parlement, qu’il connaît du contentieux des élections législa-tives et sénatoriales et que les deux tiers de ses membres sont désignés par les présidents des deux assemblées a fait douter le Conseil d’État de l’opportunité de soumettre les nominations à l’avis d’une commission composée de membres du Parlement.

Il a estimé en revanche opportun de faire figurer dans la Constitution une dis-position orientant le choix des autorités investies du pouvoir de nommer les membres du Conseil constitutionnel, en mentionnant à la fois les compétences reconnues de juristes nécessaires à l’exercice de telles fonctions et l’autorité morale des personnalités pressenties.

b) Il a également estimé nécessaire de reconsidérer, à l’occasion de la réforme, la règle selon laquelle les anciens Présidents de la République sont, à vie, membres de droit du Conseil constitutionnel.

L’évolution du rôle du Conseil constitutionnel, consécutive en particulier à la réforme de son mode de saisine en 1974, a en effet rendu cette règle inadéquate.

Lors des deux tentatives précédentes d’instituer un contrôle de constitutionna-lité des lois par voie d’exception, l’abrogation du deuxième alinéa de l’article 56 de la Constitution a été regardée comme une contrepartie nécessaire. Elle a été votée par l’Assemblée nationale et par le Sénat en 1990 et elle figurait dans le projet de loi soumis au Parlement en 1993. Le comité de réflexion et de proposi-tion sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République a, lui aussi, recommandé cette abrogation dans le cadre de la présente réforme. Le Conseil d’État l’estime également justifiée.

Il a proposé toutefois par une disposition transitoire que l’abrogation du deu-xième alinéa de l’article 56 de la Constitution reste sans incidence sur la qualité de membre de droit des anciens Présidents de la République siégeant aujourd’hui au Conseil constitutionnel.

7° Il n’a pas approuvé la disposition prévoyant la consultation obligatoire du Conseil économique et social sur « tout projet de loi ayant pour principal objet la préservation de l’environnement » (article 70). Eu égard à l’incertitude entou-rant la notion de « principal objet » d’un texte, il serait en effet malaisé de défi-

66 Activité consultative

nir les projets soumis à cette formalité, alors que son inobservation justifierait l’invalidation de la loi par le Conseil constitutionnel. Le Conseil d’État a estimé préférable de prévoir la faculté pour le Gouvernement de consulter le Conseil économique et social sur « toute question intéressant l’environnement ».

8° Il a estimé que la disposition du projet, qui substitue à une présidence unique du Conseil supérieur de la magistrature par le Président de la République une présidence propre à chacune de ses deux formations (le Premier président de la Cour de cassation et le Procureur général près la Cour de cassation), ne per-mettrait plus au corps judiciaire d’être représenté dans son unité, en particulier pour exercer la mission d’assistance du Président de la République, garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire. Il a donc proposé de rendre possible la réunion des deux formations du siège et du parquet sous la présidence unique du Premier président de la Cour de cassation.

Il n’a pas donné un avis favorable à la disposition consistant à soumettre la nomination des personnalités du Conseil supérieur de la magistrature désignées par le Président de la République, le Président de l’Assemblée nationale et le Président du Sénat à l’avis prévu à l’article 13 modifié de la Constitution, eu égard en particulier, au fait que ses membres ont vocation à siéger dans la juri-diction disciplinaire des magistrats du siège. Il a estimé en revanche opportun de faire figurer dans la Constitution une disposition orientant le choix des autorités investies du pouvoir de nommer ces membres du Conseil supérieur en privilé-giant les compétences reconnues de juristes nécessaires à l’exercice de telles fonctions et l’autorité morale des personnalités pressenties.

Il a considéré en outre que, si le ministre de la justice, qui n’est plus membre du Conseil supérieur de la magistrature, doit être entendu chaque fois qu’il le demande par les différentes formations non disciplinaires de celui-ci, sa partici-pation à la totalité des séances des formations délibérant sur les nominations des magistrats ne serait pas conforme à l’économie générale de la réforme proposée.

9° Il n’a enfin pas retenu l’article relatif au « Défenseur des droits des citoyens ».

Si, comme semblaient l’indiquer les termes du projet, les attributions de cette nouvelle institution devaient rester voisines de celles du Médiateur de la Répu-blique, qui a été créé par la loi, une telle redéfinition des compétences ne relè-verait pas de la Constitution.

Si, à l’inverse, le Défenseur des droits des citoyens avait vocation à rempla-cer ou à contrôler les autorités indépendantes ayant aujourd’hui en charge la défense de droits et de libertés, comme l’exposé des motifs du projet de loi constitutionnelle le laissait entendre, il serait impossible, faute d’indication sur le périmètre des attributions de la nouvelle institution, d’apprécier les difficultés juridiques et pratiques posées par le nouveau dispositif, compte tenu notamment des conditions de nomination et du caractère composite des compétences de certaines de ces autorités.

67Assemblée générale et commission permanente

■ Projet de loi organique fixant le nombre des députés à l’Assemblée nationale et relatif au remplacement temporaire des députés et des sénateurs et projet de loi relatif à la commission prévue à l’article 25 de la Constitution et à l’élection des députés

1° Les fonctions de membre de la commission chargée, par l’article 25 de la Constitution, de se prononcer sur les textes modifiant la répartition des sièges de parlementaires ou délimitant les circonscriptions législatives relèvent de celles qui, en raison de leur importance pour la garantie des droits et libertés, peuvent être soumises à la procédure de contrôle parlementaire prévue au dernier alinéa ajouté à l’article 13 de la Constitution par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 pour certaines nominations du Président de la République. Mais il appar-tient à la loi organique, et non à la loi ordinaire, de le prévoir.

2° Dès lors qu’il n’est pas certain que les fonctions de membre de la commission prévue à l’article 25 de la Constitution soient, au sens de l’article LO. 142 du code électoral, des « fonctions publiques non électives », l’incompatibilité qu’il est prévu d’instituer entre ces fonctions et l’exercice d’un mandat de député ou de sénateur doit être édictée expressément, en application des dispositions du premier alinéa de l’article 25 de la Constitution, par la loi organique.

3° Conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur le renvoi par la loi organique à la loi ordinaire dans un domaine de compétence de la première (no 90-273 DC du 4 mai 1990, cons. 19), le vote définitif de la loi ordinaire créant la commission prévue à l’article 25 de la Constitution devra intervenir avant celui de la loi organique portant application de l’article 25 de la Constitution, puisque celle-ci doit faire référence à l’existence de la commis-sion pour les motifs indiqués ci-dessus.

4° S’agissant des nouvelles dispositions constitutionnelles soumettant à l’avis d’une commission indépendante les textes modifiant la répartition des sièges de parlementaires ou délimitant les circonscriptions législatives, afin de conforter l’indépendance de la commission, le Conseil d’État a apporté des améliorations aux règles régissant sa composition et son fonctionnement, notamment de dési-gnation de son président, son rythme de renouvellement, les obligations de ses membres et collaborateurs, ses régimes budgétaire et disciplinaire, ainsi que les conditions de sa saisine. Ces règles doivent être en outre insérées dans le code électoral.

5° Dans la mesure où, par les règles qu’elle imposerait aux futures ordonnances, la loi d’habilitation prédéterminerait le contenu de celles-ci, l’article d’habili-tation priverait la consultation de la commission de la portée utile qu’a entendu lui donner l’article 25 de la Constitution. En conséquence, le Conseil d’État n’a pu donner son accord aux dispositions de l’article d’habilitation qui préju-gent la répartition des sièges de députés et la délimitation des circonscriptions législatives, en particulier celle relative au nombre minimum de députés par département.

6° Aucune règle constitutionnelle ou organique n’obligeant à consulter les assemblées délibérantes de Nouvelle-Calédonie ou des collectivités d’outre-mer régies par l’article  74 de la Constitution sur les dispositions des ordon-nances relatives au nombre ou à la délimitation des circonscriptions législatives prévus dans chacune d’entre elles, le Conseil d’État n’a pas retenu la disposition

68 Activité consultative

imposant cette consultation. Des considérations d’équilibre – entre assemblées d’outre-mer et conseils généraux – comme de bonne administration – s’agissant de l’articulation dans le temps entre cette consultation et celle de la commission prévue à l’article 25 de la Constitution – conduisent en effet à renoncer à cet avis ou à ne pas le regarder comme obligatoire.

■ Projet de loi organique pris pour l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution, dans leur rédaction résultant de la loi constitutionnelle no 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République

Le Conseil d’État a souligné que le régime applicable aux résolutions prévues par l’article 34-1 de la Constitution est entièrement distinct de celui applicable aux résolutions prévues à son article 88-4 (résolutions européennes).

Par ailleurs :

1° À l’article relatif au pouvoir du Gouvernement de faire opposition à une proposition de résolution mettant en cause sa responsabilité ou comportant une injonction à son égard, le Conseil d’État a estimé inutile de préciser que le Premier ministre exprime les vues du Gouvernement, ce qui paraphrase l’ar-ticle 34-1 de la Constitution et suggère une délibération collégiale qui n’a pas lieu d’être. Lorsque la Constitution renvoie au Gouvernement, elle habilite implicitement le Premier ministre à agir au nom de celui-ci.

2° Le Conseil d’État n’a pu donner son accord aux dispositions qui exemptent intégralement d’« étude d’impact » les lois de finances et les lois de finance-ment de la sécurité sociale, sans faire de distinction entre les dispositions devant obligatoirement y figurer et celles qui y sont insérées alors qu’elles pourraient relever de la loi ordinaire.

Au regard des préoccupations exprimées au cours des travaux parlementaires d’où est issue la nouvelle rédaction du troisième alinéa de l’article  39 de la Constitution, des mesures pouvant figurer dans une loi ordinaire et, de ce fait, soumises aux nouvelles règles de présentation ne sauraient en effet être affran-chies du respect de ces dernières du seul fait qu’elles pourraient aussi trouver leur place dans une loi de finances ou une loi de financement de la sécurité sociale.

Le Conseil d’État a en revanche admis que tiennent lieu d’étude d’impact, s’agissant des dispositions devant figurer dans les lois financières, les rapports respectivement prévus par le chapitre Ier du titre V de la loi organique no 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances et la section 1 du chapitre 1er bis du titre I du livre I du code de la sécurité sociale.

3° Plus généralement, eu égard au caractère composite de beaucoup de projets de loi, le Conseil d’État a estimé que le respect des exigences constitutionnelles nouvelles relatives à la présentation des projets de loi doit s’apprécier non pas globalement, mais pour chaque ensemble inséparable de dispositions y figurant.

Une interprétation littérale du quatrième alinéa de l’article 39 de la Constitu-tion, selon laquelle un manquement aux règles de présentation prévues par son troisième alinéa ne peut être sanctionné que par le refus d’inscription à l’ordre du jour de l’ensemble du projet de loi, priverait de portée utile ce troisième ali-néa en raison de l’effet dissuasif de conséquences aussi radicales.

69Assemblée générale et commission permanente

Lois de programme et lois de programmation

En 2008, le Conseil d’État a eu l’occasion d’examiner les deux derniers pro-jets de lois « de programme » au sens de l’avant-dernier alinéa de l’article 34 de la Constitution, dans sa rédaction antérieure à la révision constitutionnelle du 27 juillet 2008, mais aussi les deux premiers projets de lois « de program-mation » au sens des nouvelles dispositions de l’article 34 issu de cette révi-sion. Certaines des observations quant au contenu et à la portée des lois de programme restent valables ou transposables aux lois de programmation.

En particulier, lois de programme et lois de programmation peuvent comporter à la fois des dispositions non normatives et des dispositions normatives. Le Conseil d’État a ainsi admis :– qu’une loi de programme, constituée pour l’essentiel de dispositions non nor-matives et d’un catalogue d’objectifs tant qualitatifs que quantitatifs n’offrant pas forcément une cohérence d’ensemble, pouvait aussi comporter des disposi-tions normatives ;– qu’une loi de programmation des finances publiques pouvait comporter simultanément des dispositions non normatives, relevant du domaine des lois de programmation, et des dispositions normatives, relevant de la loi ordinaire de droit commun ;– qu’une loi de programmation militaire pouvait comporter des objectifs de caractère non normatif et des dispositions normatives.

Dans tous ces cas, afin que soient respectés les principes de lisibilité et d’intelli-gibilité de la loi, ces deux catégories de dispositions doivent faire l’objet, d’une part, d’une présentation clairement et immédiatement identifiable, et d’autre part, d’articles, de chapitres ou de titres distincts. Par ailleurs, dans une mesure compatible avec la finalité propre à ce type de loi, une loi de programme doit aussi satisfaire à l’exigence de précision.

■ Lois de programme

– Projet de loi relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement

1° Le Conseil d’État a estimé que ce projet de loi de programme satisfaisait aux conditions de fond posées par l’avant-dernier alinéa de l’article 34 de la Constitution, dans sa rédaction antérieure à la loi constitutionnelle no 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République : « Des lois de programme déterminent les objectifs de l’action économique et sociale de l’État. »

Il s’est appuyé sur l’acception large de la notion d’« action économique et sociale » dans la jurisprudence du Conseil Constitutionnel pour considérer qu’en relevaient les moyens destinés tant à infléchir les activités économiques et les comportements sociaux qui sont à l’origine des atteintes à l’environnement qu’à y remédier en poursuivant un développement durable.

2° Il a également considéré que la notion d’« objectifs de l’action de l’État » permettait à la loi de programme d’inclure des objectifs assignés à des acteurs autres que l’État dès lors que celui-ci avait les moyens juridiques de les imposer ou entendait y consacrer des moyens financiers lui permettant d’y faire adhérer ces acteurs ; il a estimé que des objectifs fixés dans un domaine relevant de la compétence des collectivités territoriales pouvaient constituer, in fine, des

70 Activité consultative

objectifs de l’action de l’État dans la mesure où il appartient à ce dernier, par l’intermédiaire de la loi, de préciser les conditions dans lesquelles les collectivi-tés exercent leurs compétences.

3° Le Conseil économique et social ayant été consulté comme le prévoit l’ar-ticle 70 de la Constitution (« Tout plan ou tout projet de loi de programme à caractère économique ou social lui est soumis pour avis »), le Conseil a constaté la régularité de la procédure suivie.

4° L’examen du texte auquel le Conseil d’État s’est livré a été l’occasion de constater que si une loi de programmation était, comme toute loi, soumise au respect de l’ensemble du bloc de constitutionnalité, le caractère non contraignant de son contenu privait d’objet une partie de l’examen de conformité aux dispo-sitions constitutionnelles des projets de loi auxquels procède le Conseil d’État, notamment celles relatives au partage des domaines de la loi et du règlement.

– Loi relative à l’outre-mer

En revanche, constatant que le projet de loi relatif à l’outre-mer qui lui était soumis ne se présentait pas comme une liste d’objectifs chiffrés ou qualitatifs définissant l’action économique et sociale de l’État outre-mer, et qu’il ne consti-tuait donc pas un projet de « loi de programme » au sens des articles 34 et 70 de la Constitution, le Conseil d’État a substitué à l’intitulé choisi par le Gouverne-ment (« loi de programme pour le développement économique et la promotion de l’excellence outre-mer ») un intitulé plus bref et plus conforme à son objet (« loi pour le développement économique de l’outre-mer »).

Dans le même projet, le Conseil d’État n’a pas retenu la disposition ajoutant aux missions du Conseil supérieur de l’audiovisuel, telles que définies par l’ar-ticle  3-1 de la loi no  86-1067 du 30  septembre 1986 relative à la liberté de communication, celle de « contribuer à la connaissance, à la valorisation et à la promotion de la France d’outre-mer dans tous ses aspects historiques, géo-graphiques, culturels, économiques et sociaux ». Cette nouvelle obligation est inutile en tant qu’elle invite le Conseil supérieur de l’audiovisuel à contribuer à la connaissance de la France d’outre-mer, puisque l’article 3-1 de la loi du 30 septembre 1986 le charge déjà de veiller à la défense et à l’illustration de la langue et de la culture françaises et de faire en sorte que « la programmation reflète la diversité de la société française ». En outre, son imprécision, propice aux surenchères, est peu compatible avec l’exigence de sécurité juridique.

■ Loi de programmation des finances publiques

Saisi par le Premier ministre d’une demande d’avis portant sur des questions relatives à l’élaboration d’un projet de loi de programmation des finances publiques pour la période 2009-2011, le Conseil d’État a précisé les conditions et le contenu de cette programmation ainsi que les supports législatifs envisa-geables (avis no 381.365 du 27 mars 2008, page 298).

À la suite de cet avis il a été saisi, pour la première fois, d’un projet de loi de programmation des finances publiques, cette saisine étant désormais possible en application de la nouvelle rédaction de l’article 34 de la Constitution, issue de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008. Le Conseil d’État (commis-sion permanente) a tranché les questions de droit suivantes :

71Assemblée générale et commission permanente

1° Les lois de programmation, « définissant les orientations pluriannuelles des finances publiques », prévues par l’avant-dernier alinéa de l’article  34 de la Constitution, dans sa rédaction issue de l’article 11 de la loi constitutionnelle no 2008-724 du 23 juillet 2008, constituent une catégorie particulière des « lois de programmation » introduites, à l’alinéa précédent, par le même article 11. Comme telles, et ainsi qu’il avait été considéré pour les « lois de programmes à caractère économique et social », dans la rédaction alors en vigueur de la Constitution, elles ont vocation à rassembler des dispositions dépourvues de l’effet normatif qui s’attache normalement à la loi.

2° Sur la procédure, le Conseil d’État veille à ce qu’aient été respectées les obli-gations de consultation qui s’imposent, le cas échéant, en fonction de la matière traitée, aux textes législatifs.

3° Sur le fond, nonobstant leur caractère non normatif, les objectifs fixés par une telle loi ne sauraient méconnaître les normes et principes constitutionnels, ni être incompatibles avec les traités ou accords internationaux régulièrement ratifiés ou approuvés. Dans la mesure, toutefois, où ces objectifs n’ont vocation à définir ni les autorités ni les voies et moyens de leur mise en œuvre, le contrôle de leur conformité aux règles constitutionnelles qui régissent la répartition des compétences entre la loi et le règlement, entre l’exécutif et le législatif, ou entre l’État et les collectivités territoriales, est, par construction, dépourvu d’objet.

4° Les objectifs d’une loi de programmation des finances publiques ne sauraient méconnaître de manière manifeste le principe de sincérité des prévisions éco-nomiques et financières, lequel, sans se confondre avec le principe de sincérité qui s’attache aux lois de finances de l’État et aux lois de financement de la sécurité sociale, se déduit à la fois des exigences inhérentes au bon déroulement du débat démocratique, et de l’obligation constitutionnelle de « s’inscrire dans l’objectif d’équilibre des comptes des administrations publiques ».

5° La Constitution n’ayant pas imposé de durée au cadre de programmation retenu par la loi, celle-ci peut librement fixer l’échéance des objectifs qu’elle retient ; elle peut également inscrire ses différents objectifs dans des échéances modulées.

6° Les dispositions qui prévoient la présentation, par le Gouvernement, de rap-ports relatifs au suivi des objectifs fixés par la loi, peuvent figurer dans un tel texte en raison de sa nature spécifique, bien qu’elles ne comportent, par elles-mêmes, aucun objectif et qu’elles ne relèvent pas normalement du domaine de la loi.

■ Loi de programmation militaire

Le Conseil d’État a examiné le projet de loi de programmation militaire pour les années 2009-2014. Appelé pour la première fois à faire application de l’antépé-nultième alinéa de l’article 34 de la Constitution, issu de la loi constitutionnelle no 2008-724 du 23 juillet 2008 aux termes duquel « des lois de programmation déterminent les objectifs de l’action de l’État », il a combiné ces dispositions avec celles de l’avant-dernier alinéa du même article relatives aux lois de pro-grammation des finances publiques.

Ce projet de loi de programmation militaire était en effet le premier projet de loi de programmation à caractère sectoriel intervenant après l’examen, effectué quelques semaines auparavant, du projet de loi de programmation des finances

72 Activité consultative

publiques, lui-même fondé sur l’avant-dernier alinéa de l’article 34 de la Consti-tution issu de la même loi du 23 juillet 2008.

L’assemblée générale a été conduite à définir la nature nouvelle de la loi de programmation militaire et à préciser ses rapports tant avec la loi de program-mation des finances publiques qu’avec les lois de finances annuelles.

Elle a estimé, en premier lieu, que les dispositions de l’article 34 de la Constitu-tion, qui ne confèrent aucune exclusivité aux lois de programmation pluriannuelle des finances publiques en matière de programmation financière, permettent à la loi de programmation militaire de déterminer, outre les objectifs de la politique de défense, les objectifs de la programmation financière qui lui est associée. La définition des enveloppes de moyens budgétaires que comporte la programma-tion financière revêt toutefois un caractère indicatif et ne saurait lier le législateur financier, lequel en vertu du 18e alinéa de l’article 34 de la Constitution, est seul compétent pour déterminer les charges budgétaires de l’État.

Elle a considéré, en deuxième lieu, que la loi de programmation militaire eu égard à son objet même et quels que soient ses impacts économiques ou sociaux, n’est pas une loi de programmation à caractère économique, social ou environnemental au sens de l’article 70 de la Constitution. Par suite, le Conseil économique, social et environnemental n’avait pas à être consulté sur le projet de loi de programmation militaire.

Enfin, l’assemblée générale, réitérant dans le nouveau contexte juridique, ses positions antérieures, a estimé que les lois de programmation, lorsqu’elles comportent des dispositions à caractère normatif, sont, à ce titre et dans cette mesure, soumises aux mêmes obligations consultatives que les lois ordinaires.

Application de la Charte de l’environnement (article 7 sur l’information et la participation du public)

À l’occasion de l’examen du projet de loi portant engagement national pour l’environnement, qui prévoit de nombreuses décisions publiques susceptibles d’avoir une incidence sur l’environnement et comporte plusieurs chapitres rela-tifs aux procédures générales d’information et de participation du public, telles que l’étude d’impact et l’enquête publique, le Conseil d’État s’est tout d’abord interrogé sur la notion de « décision publique ayant une incidence sur l’environ-nement » au sens de l’article 7 de la Charte.

Il a estimé qu’elle s’appliquait aux seules décisions des autorités publiques ayant une incidence directe sur l’environnement et qu’il s’agissait des déci-sions à caractère réglementaire comme de celles n’ayant pas ce caractère. Il a également estimé que le champ de cet article, compte tenu de ses termes, ne pouvait être limité a priori aux seules décisions ayant une incidence potentielle sur l’environnement particulièrement importante telles que celles visées par la convention d’Aarhus ; que, toutefois, ce critère de l’importance potentielle de l’incidence de la décision sur l’environnement pouvait guider le législateur lorsqu’il examine la nécessité ou non de prévoir une modalité d’information ou de participation du public à l’élaboration de telle ou telle décision et, évidem-ment, lorsqu’il définit les conditions de cette participation.

73Assemblée générale et commission permanente

Le Conseil d’État s’est ensuite interrogé sur la portée des obligations pesant, en l’espèce, sur le législateur auquel les dispositions de l’article 7 de la Charte de l’environnement confient le soin de définir « les conditions et limites » de l’exercice du droit de toute personne d’accéder aux informations et de participer à l’élaboration des décisions entrant dans son champ.

Après avoir relevé que l’accès du public aux informations relatives à l’envi-ronnement détenues par les autorités publiques était déjà largement ouvert par les dispositions des articles L. 124-1 et suivants du code de l’environnement et par la loi no 78-753 du 17 juillet 1978, le Conseil d’État a considéré, en ce qui concerne la participation du public à l’élaboration des décisions, que le législa-teur pouvait adopter une démarche progressive consistant à identifier les déci-sions instituées par la loi nouvelle – ou reprises ou modifiées par elle – entrant dans le champ de l’article 7 de la Charte, à définir explicitement, pour chacune d’entre elles, les cas où il devait y avoir participation du public ou non et quel mode de participation du public et à encadrer les règles de fond de ces modes de participation, renvoyant pour les modalités au pouvoir réglementaire. De telles dispositions sont de nature à éviter une censure du projet de loi par le Conseil constitutionnel sur le terrain de l’incompétence négative ou de la dénaturation du droit institué par la Charte.

Le Conseil d’État a également estimé que le législateur pouvait révoir des dispo-sitions destinées à donner un fondement législatif à des procédures organisées actuellement par un texte réglementaire et dont la légalité est incertaine si ce texte est postérieur au 1er  mars 2005 ou susceptibles de devenir illégales en cas de modification d’un texte antérieur à cette date par une disposition régle-mentaire, tirant ainsi les conséquences de la décision Commune d’Annecy (CE, Ass., 3 octobre 2008, no 297931). De telles dispositions sont de nature à offrir une sécurité juridique appropriée à l’administration en matière d’information et de participation du public préalablement à l’adoption de telle ou telle décision.

Dans cette double démarche, le Conseil d’État a prêté une attention particu-lière, lors de la définition des modes de participation du public à l’élaboration des décisions, à la portée, à la position dans la hiérarchie des normes et au champ géographique couvert par chacune d’elles. La participation du public à l’élaboration d’un document couvrant une ou plusieurs régions administratives n’appelle en effet pas les mêmes modalités de mise en œuvre qu’une décision concernant le territoire d’une seule commune.

Lois de finances

■ Loi de finances initiale

– Concours financiers aux collectivités territoriales

Saisi de projets d’articles de la loi de finances pour 2009 ayant pour objet de freiner l’évolution globale des concours financiers aux collectivités territoriales et de procéder à divers ajustements corrélatifs, le Conseil d’État a considéré que ceux-ci ne soulevaient pas, par eux-mêmes, de difficulté au regard du principe de libre administration des collectivités territoriales et des disposi-tions de l’article 72-2 de la Constitution. Le Conseil d’État a toutefois appelé l’attention du Gouvernement sur la nécessité d’apprécier, par des simulations, les effets combinés des mesures proposées sur chaque collectivité, de façon à

74 Activité consultative

s’assurer qu’aucune d’entre elles ne risque de connaître en 2009 une diminution de ses ressources d’une ampleur telle que sa libre administration en serait affec-tée. Dans l’hypothèse où de telles diminutions pourraient se produire, il appartiendrait au Gouvernement de compléter les dispositions des articles en question par un mécanisme correcteur.

– Impôts et taxes – Collecte par un prestataire privé

Saisi du projet de loi de finances pour 2009 instituant une taxe prévoyant la possibilité de confier à un prestataire privé la mission de réaliser les prestations de collecte des éléments d’assiette, de liquidation et de recouvrement de ce nouveau prélèvement, le Conseil d’État a considéré que ces dispositions res-pectent les exigences constitutionnelles rappelées par le Conseil constitutionnel dans sa décision no 90-285 du 28 décembre 1990. En l’espèce, ces exigences constitutionnelles ont pu être regardées comme satisfaites compte tenu, d’une part, des caractéristiques de ce prélèvement reposant sur l’exploitation des données collectées grâce au système technique mis en place par le prestataire, d’autre part, de l’affirmation de la compétence exclusive de l’administration des douanes en matière de recouvrement forcé, de l’obligation faite au prestataire de garantir financièrement le reversement intégral des sommes facturées et des règles strictes de comptabilité auxquelles seront soumises les opérations affé-rentes aux recettes collectées, et enfin, du niveau de contrôle très élevé exercé par l’État sur le prestataire, notamment par le biais de la Cour des comptes. Toutefois, le Conseil d’État a attiré l’attention du Gouvernement sur le caractère exceptionnel d’une dérogation aussi importante à la règle selon laquelle l’im-pôt, prérogative régalienne par nature, doit être mis en œuvre par la puissance publique.

■ Loi de finances rectificative – Article de validation – Motif d’intérêt général – Absence

Le Conseil d’État a été saisi d’un article du projet de loi de finances rec-tificative pour 2008, qui revenait sur l’interprétation donnée par le Conseil d’État statuant au contentieux des règles d’évaluation de la valeur locative pour l’établissement de la taxe foncière sur les propriétés bâties des établissements industriels mentionnés à l’article 1499 du CGI. Le Conseil d’État a disjoint la disposition du projet d’article procédant à la validation législative des impositions établies jusqu’en 2008 en contrariété avec cette jurisprudence, d’une part, car cette validation ne reposait pas sur un motif d’intérêt général suffisant dès lors que les pertes de recettes fiscales invoquées par le Gouver-nement concernaient un nombre limité de collectivités territoriales et que le nombre des réclamations susceptibles d’être déposées par les contribuables avi-sés de la jurisprudence précitée n’était pas tel qu’il risquerait de perturber l’ac-tivité du service des impôts et de la juridiction administrative et, d’autre part, car les contribuables concernés pouvaient à bon droit se prévaloir d’une « espé-rance légitime » d’obtenir la décharge d’impositions établies en contrariété avec la jurisprudence précitée. Par suite, cette validation législative méconnaissait également la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et ne pouvait ainsi pas être regardée comme reposant sur un motif impérieux d’intérêt général.

75Assemblée générale et commission permanente

Loi de financement de la sécurité sociale

Le Conseil d’État s’est à nouveau prononcé sur le champ des lois de financement de la sécurité sociale, à l’occasion de l’examen du PLFSS pour 2009, notamment pour admettre une disposition qui organise la consultation de la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole, dans la mesure où elle prévoit la transmission au Parlement des avis et propositions de ce conseil relatifs à des mesures législatives ayant des incidences sur les régimes obligatoires de protection sociale des profes-sions agricoles et améliore ainsi l’information de celui-ci sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale tout au long de l’année.

Il a aussi estimé que peut y figurer la réforme du mode de prise en charge par les employeurs des frais de transport de leurs salariés, dès lors qu’elle comporte un dispositif d’exonération de cotisations et contributions sociales, même s’il modi-fie le code du travail, s’il poursuit un objectif de nature environnementale et s’il comporte une exonération fiscale. Il a estimé que ce dispositif, qui prévoit une prise en charge obligatoire des abonnements de transports en commun, mais seu-lement facultative des frais de carburant pour les salariés qui ne peuvent prendre les transports en commun, ne porte pas atteinte au principe d’égalité dès lors que ces différences de traitement sont en rapport avec les buts que poursuit le Gouver-nement, qui sont l’encouragement au développement des transports en commun, dans une perspective environnementale et le soutien au pouvoir d’achat 3.

La question de savoir si des dispositions relatives au régime des pensions des fonctionnaires entraient dans le champ d’un PLFSS a fait l’objet d’un examen et appelé une réponse positive. Le Conseil d’État a notamment constaté que le montant de ces pensions était au nombre des agrégats qui en application de la loi organique figurent dans la première partie de la loi de financement et qu’il n’y avait dès lors aucune raison que cette matière soit exclue des dispositions normatives figurant dans les autres parties de cette loi.

Il a enfin estimé que l’exclusion de l’assiette du « forfait social » de la rémunération versée à un sportif professionnel crée une rupture caractérisée d’égalité devant l’im-pôt qui ne repose pas sur des critères objectifs et rationnels compte tenu de l’objectif de taxation des exonérations de cotisations qu’entend atteindre le Gouvernement avec la création de cette nouvelle contribution à la charge de l’employeur.

Lois ordinaires

Parmi les projets de loi ou d’avis examinés par le Conseil d’État en 2008, quelques-uns méritent d’être mentionnés en raison des questions nouvelles qu’ils ont posé.

■ Actes – Entrée en vigueur – Application de la loi nouvelle aux contrats en cours

Le projet de loi de mobilisation pour le logement et de lutte contre l’exclusion a donné l’occasion au Conseil d’État de se prononcer sur une question nouvelle

3 - Le Conseil constitutionnel a toutefois censuré cette disposition pour le motif qu’elle renvoie à la négociation collective, ce qui n’est pas dans le champ d’un PLFSS.

76 Activité consultative

concernant la légalité de l’application immédiate de la loi nouvelle aux contrats en cours.

Il a ainsi admis que la loi puisse, décider l’application aux contrats de bail en cours entre locataires et bailleurs sociaux des dispositions permettant la rupture unilatérale du bail par le bailleur, dans un certain nombre de cas précisément définis par la loi, alors que cette faculté ne figurait pas dans les contrats signés et qu’aucune disposition législative ne prévoyait le principe d’une telle rupture pour de tels motifs lors de la signature du contrat de bail. Il a, en effet, considéré que, compte tenu, d’une part, des spécificités du contrat de bail conclu entre un organisme d’HLM et son locataire et, en particulier, de ce que ce bail n’est pas conclu pour une durée fixée et renouvelable mais pour une durée indéterminée, d’autre part, du motif d’intérêt général que constitue, au regard du nombre de demandeurs de logements locatifs sociaux, la libération de logements dont les locataires ne remplissent plus les conditions qui avaient présidé à leur entrée dans les lieux, et, enfin, des conditions et limites prévues pour cette rupture qui contribuent à ce que soit préservé l’objectif de valeur constitutionnelle du droit au logement, ces dispositions n’apportaient pas une atteinte excessive au prin-cipe de la liberté contractuelle qui découle de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 à laquelle renvoie le Préambule de la Constitution du 4 octobre 1958.

Application dans le temps – Disparition – Abrogation d’un acte abrogateur – Effet – Remise en vigueur de l’acte abrogé – Absence – Conditions – Remise en vigueur implicite – Décret du 4 octobre 2004 et décret du 6 mai 1939 relatif au contrôle de la presse étrangère.

Jugement – Effets d’une annulation – Annulation rétroactive d’un décret – Conséquences.

Saisi par le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territo-riales de la question de savoir si l’abrogation du décret de 6 mai 1939 relatif au contrôle de la presse étrangère a eu pour effet de remettre en vigueur les dispositions de l’article 14 de la loi du 29 juillet 1881 relative à la presse dans leur rédaction antérieure à l’intervention dudit décret-loi, le Conseil d’État a eu l’occasion de préciser les effets d’une annulation contentieuse et d’une abroga-tion d’un texte abrogateur (avis no 380.902 du 10 janvier 2008, page 293).

■ Action sociale – Généralisation du revenu de solidarité active et réforme des politiques d’insertion

Le Conseil d’État a estimé, lors de l’examen de ce projet de loi, qu’en faisant peser l’obligation d’insertion professionnelle sur les seuls bénéficiaires du revenu de solidarité active dont les ressources ou celles de leur foyer sont inférieures au revenu minimum garanti et qui sont sans emploi ou n’effectuent qu’un nombre très réduit d’heures de travail par mois, le projet ne portait pas au principe d’éga-lité une atteinte excessive et sans rapport avec le but poursuivi, qui est l’insertion professionnelle des allocataires en situation de travailler. Il a, de même, estimé qu’en reprenant les conditions – différentes quant à l’exigence d’un titre de séjour – applicables pour l’ouverture du droit à l’allocation de RMI et à l’allocation de parent isolé pour les ressortissants d’États tiers et en maintenant ainsi une dif-férence de traitement entre parents isolés et parents de jeunes enfants vivant en couple, il établit une différence de traitement qui est dans l’intérêt de l’enfant, n’est pas disproportionnée et ne porte donc pas atteinte au principe d’égalité.

77Assemblée générale et commission permanente

Il a estimé que relevait nécessairement du domaine de la loi, au regard du prin-cipe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales, l’ins-tauration d’un recours administratif contre une décision du président du conseil général relative au revenu de solidarité active préalable à tout recours contentieux, dès lors que la procédure comportait l’avis obligatoire d’une com-mission dont celui-ci ne serait pas seul à désigner les membres.

S’agissant de l’instauration du fonds national des solidarités actives, le Conseil d’État a estimé nécessaire de préciser que l’équilibre financier de ce fonds – qui ne dispose pas de la personnalité morale mais agit pour le compte de l’État – doit être assuré par le budget de l’État et de renvoyer explicitement à la loi de finances la détermination du rôle de l’État dans la garantie de cet équilibre. Il n’a, en revanche, pas considéré que les dépenses prises en charge par ce fonds constituent des dépenses budgétaires par nature.

Il a enfin estimé que le revenu de solidarité active ne constitue pas, par rapport au revenu minimum d’insertion, une compétence nouvelle des départements mais le maintien d’une compétence déjà transférée, dès lors que le RSA et le RMI poursuivent des finalités identiques, à savoir l’insertion sociale et profes-sionnelle des personnes en grande difficulté, que la part de financement du RSA à la charge des départements sera calculée de manière exactement équivalente à ce qu’elle est au titre du RMI, et que les allocataires seront sans nouvelle demande transférés d’un dispositif dans l’autre. Il a regardé en outre cette prestation, pour les personnes isolées assumant seules la charge d’un enfant, comme l’extension d’une compétence déjà transférée, dès lors qu’elle intervient dans une matière qui constitue une compétence obligatoire des départements et qu’elle ne constitue plus une prestation sociale autonome comme l’était l’allo-cation de parent isolé mais la majoration d’une prestation unique. Cette exten-sion doit être compensée aux départements à un niveau qu’il appartient à la loi de finances de fixer, sans contrainte particulière, en application des dispositions de l’article 72-2 de la Constitution.

■ Finances publiques

– Principes généraux – Annualité budgétaire – Portée

À l’occasion de l’examen du projet de loi autorisant l’approbation de la décision du Conseil relative au système des ressources propres aux Communautés euro-péennes, adoptée à Luxembourg le 7 juin 2007, le Conseil d’État, sans exclure que, par analogie avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel (CC, 27 juillet 2006, no 2006-540 DC) et de ses formations contentieuses (CE, Ass., 8 février 2007, Société Arcelor Atlantiques et Lorraine), la conformité d’un tel projet à la Constitution ne devrait être appréciée que par rapport au principe inhérent à l’identité constitutionnelle de la France, a considéré que, en tout état de cause, aucune inconstitutionnalité ne semblait pouvoir être retenue. En effet, l’engage-ment pluriannuel souscrit par la France de contribuer au budget communautaire ne saurait se voir opposer le principe de l’annualité budgétaire, lequel n’a de valeur constitutionnelle qu’en tant qu’il s’applique au budget de l’État.

– Visites domiciliaires par des agents des impôts

1° Lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative pour 2008, le Conseil d’État a donné un avis favorable à un article modifiant l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales. Il lui a toutefois paru nécessaire de préciser,

78 Activité consultative

s’agissant de visites domiciliaires effectuées par des agents des impôts, les-quelles peuvent se produire en tous lieux, même privés, d’une part, que l’or-donnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance qui doit autoriser la visite, doit prévoir expressément l’autorisation donnée aux agents habilités d’effectuer la visite, de rechercher et de saisir des pièces et documents, et de recueillir des renseignements et justifications auprès de ces personnes et, d’autre part, que ce recueil ne peut être effectué qu’avec le consentement des personnes.

2° À l’occasion de l’examen du projet de loi de modernisation de l’économie, le Conseil d’État a été saisi d’un article instituant, d’une part, un appel devant le premier président de la Cour d’appel contre l’ordonnance du juge judiciaire ayant autorisé une visite domiciliaire sur le fondement des dispositions de l’ar-ticle L. 16B et L. 38 du livre des procédures fiscales et 64 du code des douanes et, d’autre part, un recours devant cette même autorité contre le déroulement des opérations de visite ou de saisie. Il a considéré que ces dispositions, qui avaient pour objet de tirer les conséquences de l’arrêt de la CEDH du 21 février 2008, Ravon, étaient conformes aux exigences en résultant.

En outre, il a considéré que, en ce qu’elles ont pour objet d’ouvrir de nouveaux droits aux contribuables dans le respect des engagements internationaux de la France, les dispositions transitoires instituant un appel contre l’ordonnance ayant autorisé la visite domiciliaire, alors même que le juge de cassation aurait rejeté le pourvoi formé contre cette ordonnance, ne violait pas les exigences constitutionnelles relatives à l’autorité de la chose jugée. Il a, de même, consi-déré que ces dispositions ouvrant un recours contre le déroulement des opéra-tions de visite ou de saisie, alors même que les procédures étaient déjà engagées voire achevées, ne se heurtaient à aucune règle ou principe constitutionnel.

■ Fonction publique

– Détachement – Nécessité de l’accord de l’administration d’origine

Le Conseil d’État a considéré que des dispositions du projet de loi relatif à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique prévoyant une possibilité, de plein droit, de détachement et d’intégration directe dans tout corps et cadre d’emplois subordonnée au seul accord du fonctionnaire intéressé et de l’administration d’accueil, était de nature à priver de garanties légales les exi-gences constitutionnelles de continuité du service public et d’égalité de traitement dans le déroulement des carrières. Il les a donc modifiées de façon à prévoir, d’une part, que le détachement et l’intégration directe s’effectueraient entre corps et cadre d’emplois dans la même catégorie et de niveau comparable apprécié au regard des conditions de recrutement et de la nature des fonctions et, d’autre part, que l’intégration directe dans un corps ou cadre d’emplois serait soumise à l’accord de l’administration d’origine. Enfin, il a subordonné l’exercice par le fonctionnaire du droit qui lui est reconnu à l’article 4 à sa compatibilité avec l’intérêt du service.

– Discrimination à rebours

Dans le même projet, par symétrie avec ce qui est prévu pour les concours externes, le Gouvernement proposait d’ouvrir les concours internes de recru-tement des trois fonctions publiques « aux candidats qui justifient de services accomplis dans une administration, un organisme ou un établissement d’un État membre de la Communauté européenne ou d’un État partie à l’accord sur

79Assemblée générale et commission permanente

l’Espace économique européen dont les missions sont comparables à celles des administrations et des établissements publics dans lesquels les fonctionnaires civils mentionnés à l’article 2 de la loi no 83-634 du 13 juillet 1983 susvisée exercent leurs fonctions, et qui ont, le cas échéant, reçu dans l’un de ces États une formation équivalente à celle requise par les statuts particuliers pour l’ac-cès aux corps considérés ». Le Conseil d’État a estimé qu’il serait contraire au principe constitutionnel d’égalité devant la loi d’exclure du bénéfice de cette disposition des ressortissants français ou d’autres États membres de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen qui justifieraient remplir, au titre de services accomplis en France, les conditions exigées des candidats dans un autre État membre. Il a modifié en ce sens la rédaction de l’article, mais a attiré l’attention du Gouvernement sur la nécessité d’examiner, avant le vote de la loi, l’ensemble des conséquences qui pourraient résulter de cette extension (voir infra, bilan « jurisprudence », commentaire sur CE, 6 octobre 2008, Com-pagnie des architectes en chef des monuments historiques et autres).

■ Nature, environnement, urbanisme – Cohérence des documents d’urbanisme et autres documents de planification

Lors de l’examen du projet de loi portant engagement national pour l’environne-ment qui, d’une part, comporte une réforme importante du droit de l’urbanisme et modifie à ce titre la hiérarchie de certains documents d’urbanisme (DTADD, SCOT et PLU), d’autre part, crée plusieurs nouveaux instruments de planification relevant de législations distinctes, le Conseil d’État a veillé à ce que les termes de la loi traduisent clairement la portée respective des différents documents de plani-fication et à la cohérence de la hiérarchie adoptée par le projet.

Il a notamment considéré qu’au sein d’une même législation, la hiérarchie entre les documents de planification devait reposer sur une relation de conformité, tan-dis que la loi pouvait utilement prévoir qu’un document de planification relevant d’une législation distincte « prenne en compte » un document relevant d’une autre législation faisant ainsi application de la décision de la section du contentieux du 28 juillet 2004, Association de défense de l’environnement et autres (Réc. p. 702).

Dans cette même perspective, le Conseil d’État a estimé que le schéma régio-nal d’aménagement de la Guyane établi par la région, d’une part, et le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux, élaboré par le comité de bassin et approuvé par arrêté ministériel, d’autre part, devaient prendre en compte les orientations du schéma minier de la Guyane, document approuvé par décret en Conseil d’État et établi par l’État conformément aux compétences qui lui sont reconnues en matière minière par la loi no 98-297 du 21 avril 1998.

■ Santé publique

– Produits de santé – Harmonisation des dispositions pénales relatives aux médicaments et produits de santé

Lors de l’examen du projet d’ordonnance relatif à l’harmonisation des disposi-tions pénales relatives aux produits de santé, le Conseil d’État a été conduit à en apprécier les dispositions au regard du principe constitutionnel de proportion-nalité des peines par rapport à la gravité des infractions.

Il a estimé que le législateur est seul compétent pour établir les règles d’encadre-ment et d’organisation d’une activité économique ou commerciale susceptibles de

80 Activité consultative

mettre en cause le principe constitutionnel de la liberté du commerce et de l’indus-trie. Il n’est possible de déroger à cette règle que dans le cas où le pouvoir régle-mentaire est titulaire d’une habilitation législative expresse et sans équivoque. Les seules exceptions à cette compétence concernent des dispositions antérieures à la Constitution du 4 octobre 1958 comme celles propres aux taxis parisiens ou relative à l’interdiction de fumer dans les lieux publics, pour lesquelles le Premier ministre continue d’exercer ses pouvoirs de police générale.

– Réforme de l’hôpital et dispositions relatives aux patients, à la santé et aux territoires

Lors de l’examen du projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires, le Conseil d’État a estimé, s’agissant des missions de service public, que la couverture de l’ensemble du territoire par une offre de soins susceptible de répondre aux besoins de toutes les catégories de population relève d’un intérêt général tel qu’il autorise la puissance publique à exiger, le cas échéant, que certains établissements privés ou certains praticiens libéraux, participent, sous réserve d’une indemnisation financière, à certaines de ces missions, notamment à la permanence des soins ou à la prise en charge des urgences.

Sur la réforme de l’hôpital, le Conseil d’État a relevé que la gouvernance des établissements est profondément modifiée par le projet alors que la précédente réforme, issue de l’ordonnance du 2 mai 2005, était relativement récente et qu’au-cune évaluation de celle-ci n’avait eu lieu. Il a noté le souhait du Gouvernement de doter chaque établissement public de santé d’un directeur bénéficiant d’impor-tantes prérogatives afin de favoriser une stratégie et une gestion plus dynamiques. Il a cependant attiré son attention sur les risques inhérents au fort déséquilibre des pouvoirs ainsi institué au détriment des instances collégiales de ces établisse-ments, qui d’ailleurs ne connaît pas de précédent dans les établissements publics.

La question de la certification des comptes des établissements publics de santé a conduit le Conseil d’État à estimer qu’en réservant un droit exclusif à réaliser pour autrui une prestation de services qui entre dans le champ d’appli-cation de la directive 2004/18/CE du 31 mars 2004 relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services, le projet de loi méconnaissait l’article 49 du traité instituant la Com-munauté européenne, dès lors que la restriction ainsi faite à la libre prestation des services n’est ni strictement nécessaire ni proportionnée en regard de l’ob-jectif d’intérêt général poursuivi d’exactitude des comptes.

Le Conseil d’État a approuvé l’orientation consistant à parachever la réforme de 1996 par la transformation des agences régionales de l’hospitalisation en agences régionales de santé (ARS), en dotant l’État d’un outil capable d’influer sur l’ensemble des acteurs de la politique de santé au niveau régional. Toutefois, alors que le projet en faisait des personnes publiques innommées, il a considéré qu’il était nécessaire que la loi précise la nature juridique d’établissement public de ces agences, pour des raisons tenant aux exigences de clarté de la loi. Il a par ailleurs considéré que ne méconnaissait pas l’article 72 de la Constitution l’attribution, sur le modèle de l’article L. 6134-4 du code de la santé publique relatif au contrôle de légalité des délibérations des conseils d’administrations des établissements publics de santé, du contrôle de légalité des délibérations

81Assemblée générale et commission permanente

des établissements médico-sociaux au directeur d’une ARS alors même que ce dernier les autorise, seul ou conjointement avec le président du conseil général.

Le Conseil d’État a donné un avis favorable aux dispositions qui visent à res-treindre la consommation d’alcool (par exemple, l’interdiction de la vente de boissons alcoolisées au forfait) en estimant que l’objectif constitutionnel de protection de la santé justifiait de telles restrictions à la liberté du commerce.

Le Conseil d’État a, enfin, été saisi d’une disposition législative tendant à l’in-terdiction des « cigarettes bonbon », produit fabriqué notamment aux Pays-Bas, dont la composition est identique à celle des cigarettes courantes mais aux-quelles un ingrédient de saveur sucrée est ajouté dans le but d’attirer de jeunes, voire très jeunes fumeurs. Il a donné un avis favorable à cette mesure, notam-ment en regard des deux considérations suivantes :– d’une part, il a estimé que, compte tenu de l’importance sanitaire de la mesure, le Gouvernement pouvait la soumettre immédiatement au Parlement et se réserver d’en communiquer la teneur à la Commission européenne, en application de l’article  8 de la directive 98/34/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 juin 1998, lors de la mise au point du projet de décret d’ap-plication qui fixera les seuils d’ingrédients au-delà desquels la qualification de cigarettes bonbon sera retenue ;– d’autre part, il a admis cette mesure d’interdiction totale en la jugeant pro-portionnée à la gravité des enjeux de santé publique que soulève la fabrication, conçue spécialement à l’usage d’un très jeune public, d’un produit dont les méfaits sanitaires sont scientifiquement établis.

■ Travail

– Modernisation du marché du travail

Lors de l’examen de ce projet de loi, qui intervenait après une négociation entre les partenaires sociaux, le Conseil d’État a approuvé le choix de l’unité du contentieux de la rupture conventionnelle du contrat de travail, qui donne compétence au juge judiciaire – en l’occurrence le conseil des prud’hommes – pour connaître des litiges relatifs à l’homologation par l’autorité administrative de la convention de rupture et répond à un objectif de bonne administration de la justice.

Il a estimé, par ailleurs, qu’en renvoyant la fixation des règles relatives au por-tage salarial 4 à la négociation d’une branche professionnelle voisine, qui est celle du travail temporaire, en raison de l’absence de structuration de l’acti-vité de portage salarial en branche professionnelle – principe repris de l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008 – le législateur n’épuisait pas sa compétence. En effet, le portage salarial méritait d’être plus précisément défini. Il devait être fait exception de cette activité dans les dispositions pénales de l’article L. 8241-1 du code du travail sanctionnant le prêt de main-d’œuvre à but

4 - Le portage salarial se caractérise par une relation triangulaire entre une société de portage, une personne (le porté) et une entreprise cliente. La prospection des clients et la négociation de la pres-tation et de son prix sont à la charge du porté, qui fournit une prestation à l’entreprise cliente dans le cadre d’un contrat de prestation de service. C’est la société de portage qui perçoit le prix de la prestation et en reverse une partie au porté dans le cadre d’un contrat qualifié de contrat de travail.

82 Activité consultative

lucratif. En outre, le renvoi à une telle négociation devait être présenté comme une exception à la règle fixée par l’article L. 2261-19 du code du travail limitant l’extension aux seules conventions conclues en commissions paritaires. Enfin, ce renvoi devait être limité dans le temps.

– Réforme du temps de travail et démocratie sociale

Le projet de loi portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail avait deux objets distincts : fixer de nouvelles règles déterminant la représentativité des organisations syndicales de salariés, et accroître la place de la négociation d’entreprise dans l’organisation du temps de travail.

Le Conseil d’État a relevé que le pouvoir attribué au ministre du travail d’arrêter la liste des organisations syndicales représentatives relève bien des principes fondamentaux du droit du travail mentionnés à l’article  34 de la Constitution. Il a par ailleurs regardé les règles particulières d’appréciation de cette représentativité dans les branches dans lesquelles plus de la moitié des salariés sont employés dans des entreprises où ne sont pas organisées des élections professionnelles, comme conformes aux dispositions du 8e alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, eu égard à la nature et au caractère limité dans le temps du dispositif qu’elles instituent.

S’agissant de la partie du projet relative au temps de travail, le Conseil d’État a vérifié que la possibilité de fixer la durée du travail de certaines catégories de salariés par des conventions de forfait en heures ou en jours sur la semaine, le mois ou l’année entre aussi bien dans les prévisions de l’article 2 de la conven-tion C 1 de l’OIT de 1919 sur la durée du travail (industrie) et de l’article 1er de la convention C 30 de l’OIT de 1930 sur la durée du travail (commerce) que dans celles de l’article 17 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003.

Par ailleurs, examinant la disposition transitoire par laquelle les clauses relatives au contingent annuel d’heures supplémentaires des accords collectifs conclus sur le fondement des dispositions antérieures n’étaient maintenues en vigueur que pendant un an, il a considéré que ce délai était trop bref pour organiser les négociations et que dès lors cette disposition transitoire portait une atteinte excessive aux situations contractuelles qui n’était pas justifiée par un intérêt général suffisant. Il a donc proposé que ce délai soit porté à deux ans 5.

5 - Ce délai ayant été maintenu à un an dans la loi votée, c’est sur un autre terrain que le Conseil constitutionnel a censuré cette disposition par sa décision 2008-768 DC du 7 août 2008.

83Assemblée générale et commission permanente

Statistiques

Nombre de séances d’assemblée générale tenues en 2008Assemblée générale ordinaire 22Assemblée générale plénière 12Commission permanente 11Total 55

Nombre de textes examinés en assemblée générale de 2004 à 2008

2004 2005 (*) 2006 2007 2008

Projets de loi 127 48 49 35 36dont conventions internationales 51 10 5 8 2dont lois constitutionnelles 1 0 1 2 2dont loi organique 1 4 4 1 3Projets d’ordonnance 57 74 21 3 4Projets de décret réglementaire 4 1 5 1 1Sous-total 188 123 75 39 41Demandes d’avis 5 4 7 5 4Projets de rapport et d’étude 2 3 5 6 3Total 195 130 87 50 48

(*) Première année d’application du décret du 21 décembre 2004 permettant de dispenser certains types de texte d’un passage en assemblée générale.

Nombre de textes examinés en section puis en assemblée générale en 2007 et 2008

Rapport et études

Finances Intérieur Sociale Travaux publics

Adminis-tration

Total

2007 6 16 12 6 10 0 502008 3 15 15 6 7 2 48

Moyenne des durées d’examen et de renvoi par nature de texte en assemblée générale en 2008

Lois Finances Intérieur Sociale Travaux publics

Adminis-tration

Total

Moins de 15 jours 2 3 3 1 1 10Entre 15 jours et 1 mois 4 5 2 2 0 13Entre 1 et 2 mois 3 3 0 2 1 9Entre 2 et 3 mois 0 2 0 2 0 4Total 9 13 5 7 2 36

Ordonnances Finances Intérieur Sociale Travaux publics

Adminis-tration

Total

Entre 15 jours et 1 mois 1 0 1 0 0 2Entre 2 et 3 mois 2 0 0 0 0 2Total 3 0 1 0 0 4

84 Activité consultative

Décrets Finances Intérieur Sociale Travaux publics

Adminis-tration

Total

Entre 1 et 2 mois 0 1 0 0 0 1

Récapitulatif des statistiques des commissions permanentes

Année Nombre de commissions permanentes

Nombre de textes

2000 3 32001 4 52002 3 32003 3 32004 7 82005 5 52006 2 22007 9 122008 11 12

85Section de l’intérieur

Section de l’intérieur

Au cours de l’année 2008, la section de l’intérieur a examiné 19 projets de loi dont 1 projet de loi constitutionnelle et 3 projets de loi organique, 1 projet de « loi du pays » soumis à son avis sur le fondement de l’article 100 de la loi orga-nique no 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, et 8 projets d’ordonnance pris sur le fondement de l’article 38 de la Constitution. Elle a également examiné 152 projets de décret réglementaire et 266 projets de décret individuel et d’arrêté. Elle a enfin répondu à 5 demandes d’avis, tous publiés dans le présent rapport.

Le volume total de cette activité est le plus élevé des cinq dernières années et en augmentation de 13 % par rapport à 2007. Si les projets de décret réglementaire soumis à la section sont moins nombreux (– 14 %), de même que les demandes d’avis, les projets de loi, d’ordonnance, et surtout de décret individuel et d’ar-rêté sont en nette croissance  : ces derniers ont représenté 60  % du total des affaires examinées par la section et ont crû de 37 % par rapport à 2007, où la section avait déjà enregistré un record en la matière par rapport aux cinq années précédentes. Une partie de cette croissance est due à la nouvelle compétence de la section en matière de refus et de retrait de la nationalité française (42 pro-jets de décret examinés), le reste étant imputable à la poursuite de l’augmen-tation des affaires relatives aux établissements d’utilité publique, déjà signalée en 2007 (+ 14 %). La contribution de la section au processus de codification a enfin comporté la refonte de la partie réglementaire du code de l’organisation judiciaire et la création du chapitre IV du titre I du livre IX du code de l’éduca-tion (partie réglementaire).

La gestion de cet afflux de textes a été rendue délicate par l’augmentation constatée par ailleurs des urgences signalées par le Gouvernement, lesquelles allongent le délai avec lequel les affaires non signalées peuvent être examinées. S’agissant des textes dont l’urgence est réelle, la section accepte, dans un souci de réactivité, d’être saisie alors même que le projet n’est pas encore totalement abouti, faute notamment d’avoir été soumis à toutes les consultations prescrites par les textes et d’avoir bénéficié ainsi de tous les avis préalables nécessaires. Lorsque ces avis ne sont pas portés à sa connaissance au moment où elle déli-bère, le risque est que leur teneur fasse apparaître une difficulté sérieuse qu’il est trop tard pour résoudre, comme dans le cas évoqué plus loin du projet de loi modernisant le secteur public de la communication audiovisuelle et relatif aux nouveaux services audiovisuels. Dans de telles circonstances, la section est amenée à faire évoluer significativement les projets, voire à les réécrire très lar-gement, sous réserve que l’administration se prête à un tel exercice de « copro-duction », que celui-ci soit justifié par l’importance et l’urgence du sujet et qu’il ne soit pas techniquement hors de portée. Le délai d’examen du texte par le

86 Activité consultative

Conseil d’État s’allonge alors sensiblement, conduisant à relativiser la portée de l’indicateur correspondant – la durée d’examen des textes par le Conseil d’État : une amélioration du texte en prenant le temps nécessaire constitue un meilleur service rendu au Gouvernement qu’une note de rejet adoptée immédiatement. Lorsque ces conditions ne sont pas réunies, la solution qui s’impose, préférable à une réécriture hâtive et peu satisfaisante, est en effet le rejet en l’état qui conduit l’administration à repenser son projet.

S’agissant des différents domaines d’intervention de la section, celle-ci a pu constater une amélioration sensible de la préparation des textes relatifs à l’outre-mer par rapport à la situation signalée dans son précédent rapport, même s’il subsiste un problème de suivi interministériel des ordonnances – auxquelles il reste indispensable de recourir pour garder le rythme de mise à niveau du droit outre-mer. L’instruction des projets relatifs aux établissements d’utilité publique laisse en revanche encore à désirer. La section a par ailleurs relevé plusieurs pro-blèmes de coordination entre services, notamment lors de l’examen de textes intéressant la Chancellerie. Elle recommande ainsi au Gouvernement de veiller à consulter ce ministère, responsable de la cohérence du code de l’organisation judiciaire, pour tout projet créant ou attribuant des compétences juridiction-nelles. La coordination entre services d’un même ministère ne doit pas non plus être négligée : le projet de décret relatif à la procédure de sortie immédiate des personnes hospitalisées sans leur consentement prévue à l’article L. 3211-12 du code de la santé publique ayant été préparé par la direction des affaires civiles et du sceau sans consultation de la direction des affaires criminelles et des grâces, celle-ci a soulevé, après la délibération de la section, des objections relatives notamment à la compatibilité du projet avec la loi du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental et avec son décret d’application, qui ont nécessité des modifica-tions et un nouvel examen par la section.

Actes

Domaine respectif de la loi et du règlement

■ Loi organique

Le projet de loi modernisant le secteur public de la communication audiovi-suelle et relatif aux nouveaux services audiovisuels a conduit le Conseil d’État à préciser qu’il appartient non à la loi ordinaire, mais à la loi organique, de soumettre à la procédure de contrôle parlementaire prévue au dernier alinéa ajouté à l’article 13 de la Constitution par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 – laquelle permet d’opposer un veto aux personnalités pressenties par le chef de l’État – la nomination prononcée par le Président de la République aux fonctions de président de la société nationale de programme du secteur public de la communication audiovisuelle.

87Section de l’intérieur

■ Règlement

Dès lors que l’ordonnance royale du 10  septembre 1817 portant création de l’ordre des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation est un texte de forme réglementaire, la section a admis, conformément à la jurisprudence du Conseil d’État statuant au contentieux (section, 28 octobre 1960, Sieur de Laboulaye), qu’un tel texte pouvait être modifié par décret en Conseil d’État dans la limite de la compétence réglementaire, comme y procédait le projet de décret relatif à l’évolution des professions juridiques et judiciaires. Elle a égale-ment estimé que délégation pouvait être donnée au Garde des Sceaux pour créer de nouvelles charges d’avocats aux Conseils, pour des motifs limitativement énumérés dans le décret.

L’examen du projet de loi pénitentiaire a conduit le Conseil d’État à préciser que la création d’organes d’évaluation des établissements pénitentiaires, de suivi des politiques pénitentiaires et d’observation et d’exécution des peines et de la récidive, auxquels n’est conférée aucune prérogative particulière telle qu’un pouvoir de décision ou d’injonction, relève du pouvoir réglementaire. Il en est de même des dispositions instituant un droit à dénonciation par les agents du service pénitentiaire lorsqu’ils ont été témoins de faits constituant un man-quement aux règles de déontologie.

La section a disjoint, dans le projet d’ordonnance portant adaptation de loi no 2007-1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités pour son application aux universités implantées dans une ou plusieurs régions et dépar-tements d’outre-mer, les dispositions autorisant les universités à organiser cer-tains des débats de leurs instances collégiales par voie électronique ou au moyen d’une conférence téléphonique ou audiovisuelle et celles ouvrant aux candidats à des concours comportant une audition par un jury ou un comité de sélection la possibilité d’être auditionnés par les mêmes techniques. Ces dispositions revêtent un caractère réglementaire, dès lors qu’elles ne mettent en cause aucun principe fondamental de l’enseignement, aucune règle essentielle de fonctionnement de la catégorie des établissements publics à caractère scientifique, culturel et profes-sionnel, ni aucune garantie fondamentale pour l’exercice des libertés publiques.

À l’instar des dispositions prises récemment pour d’autres établissements publics, le décret à venir devra préciser notamment que les moyens utilisés pour organiser les débats et conduire les délibérations autres que disciplinaires, par des moyens de visioconférence, doivent permettre l’identification et la participation effec-tive des membres de ces instances à une délibération collégiale, satisfaire à des caractéristiques techniques permettant leur transmission continue et simultanée et garantir la confidentialité des votes lorsque le scrutin est secret. Il devra également déterminer les cas où le recours à ces moyens peut être imposé.

Lors de l’examen du projet de décret relatif au Haut Conseil du commissa-riat aux comptes, la section s’est interrogée sur le niveau de texte requis pour astreindre une autorité publique indépendante à publier un rapport annuel d’ac-tivité. En dépit des prescriptions de cette nature instituées par le législateur pour l’Autorité des marchés financiers, l’Agence française de lutte contre le dopage, la Haute Autorité de santé et le Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé, elle a estimé qu’un texte réglementaire suffisait et qu’en tout état de cause, les modalités de la publicité du rapport relevaient du domaine réglementaire.

88 Activité consultative

Comme les années précédentes, le recours à un décret en Conseil d’État a été évité lorsqu’un règlement de niveau inférieur suffisait. Tel a notamment été le cas lors de l’examen du projet de décret relatif à l’École nationale de la magis-trature, où ont été renvoyées au règlement intérieur les dispositions relatives aux modalités d’élection des représentants des auditeurs et du personnel au conseil d’administration, de désignation des membres du conseil pédagogique et d’éta-blissement des rapports au vu desquels le jury de classement se prononce sur l’aptitude des auditeurs de justice à exercer des fonctions judiciaires. De même, le Conseil d’État a substitué, dans la disposition du projet de loi modernisant le secteur public de la communication audiovisuelle autorisant le Conseil supé-rieur de l’audiovisuel à déconcentrer certaines de ses compétences au niveau de ses comités techniques régionaux, une délibération du Conseil supérieur de l’audiovisuel au décret en Conseil d’État initialement prévu pour fixer les condi-tions dans lesquelles ces comités pourraient statuer.

Enseignement – Enseignement supérieur – Délivrance des diplômes – Montant des droits d’inscription

Saisi par le Premier ministre, le Conseil d’État s’est prononcé sur la question de savoir si un établissement public à caractère scientifique, culturel et profes-sionnel pouvait légalement renoncer à délivrer des diplômes nationaux pour dis-poser de la liberté de fixer les montants des droits d’inscription aux formations qu’il assure (avis no 381.333 du 19 février 2008, page 318).

Procédure consultative

La saisine tardive et le délai de huit jours qui a été imparti à l’Autorité de régu-lation des communications électroniques et des postes (ARCEP) pour rendre son avis sur le projet de loi modernisant le secteur public de la communication audiovisuelle et relatif aux nouveaux services audiovisuels n’ont pas permis au Conseil d’État d’en disposer en temps utile pour lever toutes les objec-tions émises par cette autorité, notamment celle tirée de ce que la définition de l’assiette de la taxe sur le chiffre d’affaires des opérateurs de communication électronique instituée par le projet comportait une discrimination parmi les dis-tributeurs d’offres de télévision payante selon la technologie utilisée. Il n’a donc pu s’assurer, avec la sécurité juridique nécessaire, que la taxe en cause respecte le principe d’égalité.

En vertu de l’obligation résultant de l’article 15 de la loi no 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État, qui s’applique aux autorités administratives indépendantes comme à toutes les autres administrations de l’État, l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (AERES) est tenue d’instituer un comité technique paritaire et doit le faire par décret en Conseil d’État, dès lors qu’elle n’entre pas dans le champ du décret no  82-452 du 28  mai 1982 relatif aux comités techniques paritaires. Eu égard aux lenteurs du recrutement de ses personnels par l’agence après sa création par la loi de programme du 18 avril 2006 pour la recherche, le Conseil d’État a cependant estimé qu’elle n’avait pas excédé le délai raisonnable dont elle disposait pour constituer son comité technique pari-

89Section de l’intérieur

taire à la date où il examinait le projet de décret modifiant son statut. Il a donc admis que la consultation du comité technique paritaire ministériel du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche sur ce texte permettait de satis-faire, dans ces circonstances très particulières, au principe de participation des personnels à l’organisation et au fonctionnement du service public.

L’article  15 de la loi du 11  janvier 1984 prévoit que les comités techniques paritaires comprennent en nombre égal des représentants de l’administration et des représentants des organisations syndicales de fonctionnaires. La section n’a donc pu approuver une disposition du projet de décret relatif à l’organisation et au fonctionnement des services du Médiateur de la République qui mécon-naissait cette disposition législative en instituant un « comité de participation » devant jouer le triple rôle de commission administrative paritaire, de comité technique paritaire et de comité d’hygiène et de sécurité et composé de repré-sentants de l’administration et de représentants élus du personnel.

L’article L. 1221-1 du code général des collectivités territoriales qui institue le Conseil national de la formation des élus locaux soumet à son avis préalable les demandes d’agrément des personnes désirant dispenser une formation destinée à des élus locaux et prévoit que la délivrance de l’agrément est subordonnée à la condition que le demandeur n’ait pas été condamné à une peine criminelle ou à une peine correctionnelle d’emprisonnement sans sursis pour des motifs incom-patibles avec l’activité de formation envisagée. L’élément d’appréciation contenu dans l’énoncé de cette condition et le caractère obligatoire de la consultation du Conseil national sur les demandes d’agrément voulus par le législateur n’ont pas permis à la section de donner son accord à une disposition du projet de décret relatif au Conseil national de la formation des élus locaux et portant diverses mesures de coordination relatives aux conditions d’exercice des mandats locaux, qui prévoyait que le ministre de l’intérieur rejetait seul, sans consulter le Conseil national, les demandes d’agrément ne satisfaisant pas la condition en cause.

La formalité de consultation de la commission syndicale prévue par l’article L. 2112-3 du code général des collectivités territoriales pour les modifications des limites territoriales communales visées à cet article est réputée accomplie dès lors que la modification envisagée intéresse un petit nombre (cinq) de pro-priétaires fonciers qui sont déjà inscrits sur les listes électorales de la commune de rattachement et qui se sont déclarés favorables au transfert de territoire.

Deux projets de décret ont permis à la section de préciser le champ d’applica-tion du décret no 2006-672 du 8 juin 2006 relatif à la création, à la composition et au fonctionnement des commissions administratives à caractère consultatif. Il ne s’applique pas à la commission instituée par le projet de décret relatif à la mise en œuvre de l’exception au droit d’auteur et aux droits voisins en faveur de personnes atteintes d’un handicap, qui loin de se borner à exercer des attri-butions consultatives, instruit des demandes d’inscription d’organismes sur une liste ministérielle, transmet au ministre compétent des propositions d’inscrip-tion et veille au respect, par les organismes inscrits, de leurs obligations légales.

Il s’applique en revanche, dès lors que leur avis ne lie pas l’autorité compé-tente, aux commissions instituées par la loi et dont la consultation constitue une garantie pour le respect des droits et libertés, comme la commission départe-mentale créée par l’article 10 de la loi no 95-73 du 21 janvier 1995 d’orientation et de programmation relative à la sécurité pour donner au préfet un avis sur les

90 Activité consultative

demandes d’autorisation d’installation d’un système de vidéosurveillance. La section a dès lors estimé, à l’occasion de l’examen du projet de décret modi-fiant le décret no 96-926 du 17 octobre 1996 relatif à la vidéosurveillance, que s’appliquait la disposition prévue à l’article 15 du décret du 8 juin 2006, selon laquelle le défaut d’avis de la commission dans un délai raisonnable ne faisait pas obstacle à ce que l’autorité compétente puisse prendre sa décision. Elle a toutefois estimé qu’il y avait lieu, compte tenu des enjeux du projet en termes de protection de la vie privée, de fixer le délai raisonnable à trois mois, avec une prolongation possible d’un mois à la demande de la commission.

Collectivités territoriales

Attribution de nouvelles compétences

À propos du projet de loi instituant un droit d’accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire obligatoire, le Conseil d’État a relevé que cette nouvelle compétence des communes, très proche de celle qu’elles exercent déjà en dehors du temps scolaire obligatoire dans les locaux scolaires, ne trouve à s’exercer qu’à titre subsidiaire, lorsqu’un mouve-ment de grève est suivi par plus de 10 % des enseignants du premier degré dans une même commune et après échec des mesures de prévention du conflit social et qu’elle s’accompagne d’une contribution financière de l’État aux dépenses exposées pour la rémunération des personnes chargées de l’accueil. Dans ces conditions, le législateur peut imposer la création de ce service communal sans porter atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales.Le Conseil d’État a par ailleurs admis que la création de ce service n’affectait pas directement l’exercice du droit de grève des enseignants du premier degré, les personnels communaux chargés de l’accueil exerçant une mission de sur-veillance des élèves et non une mission d’enseignement.Il a enfin estimé que ce droit à l’accueil doit bénéficier aussi aux élèves des écoles privées sous contrat. Une différence de traitement serait injustifiée au regard de l’objectif poursuivi par la loi, qui est de permettre aux parents de ne pas inter-rompre leur activité professionnelle pour garder leurs jeunes enfants au domicile.

Fonction publique territoriale

Avant le transfert de cette compétence à la nouvelle section de l’administration, la section s’est prononcée, lors de l’examen d’un projet de décret modifiant diverses dispositions relatives au détachement des fonctionnaires territoriaux, sur la portée de la suppression de la règle selon laquelle le détachement d’un fonctionnaire territorial ne peut être accordé que lorsque la rémunération afférente à l’emploi de détachement n’excède pas la rémunération globale perçue dans l’emploi d’origine majorée, le cas échéant, de 15 %. Elle a relevé que l’autorité administrative reste en droit de refuser un détachement pour des raisons tirées de l’intérêt du service, lorsqu’il lui apparaît, au vu des fonctions exercées par l’agent, de ses qualifica-tions et de ses perspectives de carrière, que la rémunération qu’il percevra com-porte un écart excessif par rapport à la rémunération perçue avant détachement.

91Section de l’intérieur

Inscription d’office d’une dépense

En réponse à une demande d’avis du ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales, la section a précisé les conditions dans lesquelles le représentant de l’État dans le département peut se substituer aux organes d’une collectivité territoriale qui n’exécute pas une décision de justice la condamnant au paiement d’une somme d’argent (avis no 381.088 du 25 mars 2008, page 294).

Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique

Concurrence

Trois textes ont conduit la section à préciser les conditions dans lesquelles l’État pouvait accorder à ses services ou à des organismes chargés d’une mis-sion de service public, sans appel à la concurrence, un droit exclusif à fournir des prestations.

Dans le projet de décret relatif au régime financier des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel bénéficiant des responsabilités et compétences élargies prévues aux articles L. 712-8 et L. 712-9 du code de l’éducation, la section n’a pu approuver la disposition imposant à ces établis-sements de faire appel aux trésoreries générales pour la liquidation et le paie-ment des rémunérations (paye à façon), que le Gouvernement justifiait par la nécessité de disposer en temps utile de données fiables permettant le contrôle de la consommation des crédits de personnel et le respect de leur autorisation de plafond d’emplois. Elle a en effet relevé qu’une telle prestation de services constitue une activité économique au regard du droit communautaire et que le motif invoqué n’établissait pas la nécessité pour les services de l’État de bénéficier à cet égard d’un droit exclusif et permanent. La finalité poursuivie pouvait notamment être atteinte en soumettant les établissements à l’obligation de fournir les informations pertinentes selon une périodicité à définir, dont le non-respect justifierait des sanctions ou toute autre intervention de la tutelle. La section a toutefois admis, à titre transitoire, afin de préserver la continuité du service de la paye, que ces prestations puissent être réservées par convention aux trésoreries générales, pour une période concordant avec le délai prévu pour le passage des universités au régime de responsabilités et compétences élargies, par l’article 49 de la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités.

Elle a en revanche admis, dans le projet de décret relatif à l’évaluation du degré de connaissance de la langue française et des valeurs de la République d’un étranger souhaitant s’installer durablement en France, la légalité de la disposi-tion confiant à l’Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations (ANAEM) l’organisation des opérations d’évaluation et de formation, dans leur pays de résidence, des étrangers entrant dans les prévisions de ce décret, opé-rations prévues par les articles L. 211-2-1 et L. 411-8 du code de l’entrée et

92 Activité consultative

du séjour des étrangers et du droit d’asile. Eu égard à la nature de cet établis-sement public de l’État à caractère administratif et au contrôle exercé sur lui, son intervention échappe à l’obligation de mise en concurrence au titre de la jurisprudence dite de l’opérateur interne (« in house »). En tout état de cause, l’organisation des opérations dont il s’agit relève de la mission régalienne que l’État exerce en matière de politique d’immigration et d’intégration républi-caine des étrangers dans la société française et n’emporte pas d’intervention sur un marché, au sens de la jurisprudence issue de la décision de l’assemblée du contentieux du Conseil d’État du 31 mai 2006. Ordre des avocats au barreau de Paris.

La section a également admis la légalité du projet de décret autorisant la ville de Paris à participer au capital de la société par actions simplifiées « Salle Pleyel », sur le fondement de l’article L. 2253-1 du code général des collectivités terri-toriales qui soumet à autorisation par décret en Conseil d’État toute participa-tion d’une commune dans le capital d’une société commerciale, sous réserve que cette participation soit limitée à 20 % du capital de la société en cause et que cette autorisation cesse de produire effet en cas de modification des statuts affectant de façon substantielle son organisation et son fonctionnement. Cette société est en effet une filiale de la « Cité de la musique », établissement public de l’État à caractère industriel et commercial, créée en application du statut de cet établissement pour gérer et exploiter la salle Pleyel, propriété d’une société immobilière privée qu’il a prise à bail afin de sauvegarder l’activité de ce haut lieu musical qui accueille en résidence deux grandes formations symphoniques. Dans ces conditions et sous la réserve retenue par la section, l’opération pré-sente pour la ville de Paris un intérêt culturel local au sens de l’article L. 1111-2 du code général des collectivités territoriales et ne peut être regardée comme contraire aux règles nationales et communautaires de concurrence. En effet, la limitation de la participation de la ville à 20 % du capital de la société « Salle Pleyel » et l’absence d’autre associé conservent à la « Cité de la musique » un contrôle sur sa filiale comparable à celui qu’elle exerce sur ces propres services. La société « Salle Pleyel » est dès lors un opérateur « in house » dont la désigna-tion par l’établissement public, en vue de gérer et d’exploiter les lieux, échappe aux obligations de mise en concurrence selon la jurisprudence tant du Conseil d’État (section, 6 avril 2007, Commune d’Aix-en-Provence) que de la Cour de justice des Communautés européennes (6 avril 2006, Associazione nazionale autotransporti viaggiatori ; 19  avril 2007, Associasion nacional de empresas forestales).

L’examen d’une demande d’avis du ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales a conduit la section à préciser qu’il résulte de l’article 11 de la directive 2003/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 novembre 2003, transposé en droit interne par l’article 14 de la loi no 78-753 du 17 juillet 1978 modifiée portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’admi-nistration et le public, que la réutilisation d’informations publiques ne peut faire l’objet d’un droit d’exclusivité accordé à un tiers, sauf si un tel droit est nécessaire à l’exécution d’une mission de service public, le bien-fondé de l’octroi d’une telle exclusivité faisant alors l’objet d’un réexamen périodique au moins tous les trois ans (avis no 381.374 du 1er avril 2008, page 313).

93Section de l’intérieur

Droit pénal, juridictions, libertés publiques, régime des personnes

Acquisition de la nationalité

Au cours de cette première année entière de compétence en matière de retraits et de refus d’acquisition de la nationalité française, attribués à la section sociale jusqu’en milieu d’année 2007, la section a donné un avis favorable à la très grande majorité des dossiers qui lui ont été soumis. Elle a cependant précisé sa jurisprudence sur les motifs justifiant un refus d’acquisition.

Si des liens anciens avec un mouvement islamique radical en relation avec une organisation terroriste peut manifester un comportement constitutif d’indignité, l’existence de tels liens ne résulte pas, en l’absence de tout élément précis d’in-formation sur la nature de ces liens, du seul fait, d’ailleurs non établi, qu’un étranger a sollicité plusieurs années auparavant, alors qu’il se trouvait en situa-tion irrégulière en France et pour tenter de s’installer en Espagne, l’aide d’une personne appartenant à un tel mouvement. L’absence de toute précision sur les circonstances exactes d’un accident automobile permettant d’apprécier le com-portement de son auteur, l’ancienneté des faits et leur caractère isolé ne permet-tent pas non plus de retenir l’indignité, bien qu’il y ait eu homicide involontaire et sanction pénale de l’automobiliste. Si enfin la section admet de prendre en considération les condamnations prononcées par des juridictions étrangères et les faits commis à l’étranger, dans la mesure où ils sont susceptibles de révéler des comportements ou des façons d’être justifiant un refus d’acquisition, c’est à la double condition de veiller avec une attention particulière à la valeur pro-bante des documents produits pour établir la réalité des faits invoqués et de tenir compte des spécificités des juridictions en cause par rapport au système pénal français, notamment pour les pays autres que ceux de l’Union européenne.

Droit au respect de la vie privée

Le projet de loi relatif à la diffusion des œuvres et à la protection des droits des créateurs et à la protection des droits des créateurs sur Internet (devenu projet de loi « Création et Internet ») institue une autorité administrative indé-pendante, dénommée Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protec-tion des droits des créateurs sur Internet (HADOPI), chargée de la lutte contre le téléchargement illégal de fichiers sur le réseau Internet et dotée de pouvoirs de sanction administrative à l’égard des auteurs de tels téléchargements. Au regard des garanties prévues par le projet en ce qui concerne l’utilisation par la Haute Autorité des données personnelles de connexion des internautes, le Conseil d’État a admis que le dispositif proposé, compte tenu notamment des amendements qu’il lui a apportés en ce qui concerne la modulation et la gamme des sanctions pouvant être prononcées à l’encontre des auteurs d’infractions, ne méconnaissait ni le principe constitutionnel du droit au respect de la vie privée, ni les principes constitutionnels applicables en matière répressive, en particulier le principe de proportionnalité.

94 Activité consultative

Faisant prévaloir la constitution d’un bloc de compétence devant le juge judi-ciaire, le Conseil d’État a également admis que, par dérogation à l’application des règles normales de compétence juridictionnelle, celui-ci pouvait se voir attribuer la compétence pour connaître des sanctions infligées par la nouvelle autorité administrative indépendante, dans la mesure où l’appréciation de la légalité des sanctions le conduira notamment à déterminer si les règles du code de la propriété intellectuelle (en particulier celles définissant le délit de contre-façon) ont été méconnues.

Droits des détenus

À l’occasion de l’examen du projet de loi pénitentiaire, le Conseil d’État, tenant compte des récentes évolutions de la jurisprudence constitutionnelle, adminis-trative et européenne, a estimé que relevait de la loi la protection des droits fon-damentaux, non garantis par ailleurs, bénéficiant aux personnes détenues ainsi que les limites pouvant y être apportées – celles qui relèvent d’une liberté ou d’un droit fondamental tel que la liberté de communiquer ou qui touchent à la procédure disciplinaire. Jusqu’alors, ces dispositions relevaient très majoritai-rement de la partie réglementaire du code de procédure pénale. Continuent, en revanche, à relever du pouvoir réglementaire d’autres droits prévus par le projet de loi pénitentiaire comme le repérage de l’illettrisme ou l’accès aux activités culturelles et sportives. Il a par ailleurs estimé que les modalités d’application des droits légalement garantis devaient être fixées par décret en Conseil d’État.

Droit pénal

Plusieurs projets de textes ont conduit le Conseil d’État à veiller au respect des grands principes du droit répressif, et en premier lieu du principe de proportionnalité.

Lors de l’examen du projet de loi tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle, le Conseil d’État n’a pu en premier lieu approuver la disposition prévoyant qu’une surveillance de sûreté pouvait être imposée, à l’issue de l’exé-cution de la peine d’emprisonnement, à un condamné ayant bénéficié d’une mesure de libération conditionnelle ultérieurement révoquée en raison de la méconnaissance des obligations dont elle était assortie. Il lui a substitué, dans une telle hypothèse, la surveillance judiciaire.

Il a en effet constaté que la surveillance de sûreté peut être indéfiniment renou-velée et, en cas de violation des obligations pesant sur la personne, peut se transformer en rétention de sûreté indéfiniment renouvelable. Compte tenu de la restriction qu’elle apporte ainsi aux libertés, elle ne peut être prononcée ou renouvelée que si elle constitue l’unique moyen de prévenir la Commission des crimes et délits énumérés ci-dessus et satisfait ainsi aux exigences de nécessité et de proportionnalité qui découlent de l’article 8 de la Déclaration de 1789 à laquelle renvoie le Préambule de la Constitution. Le Conseil d’État a estimé qu’il n’en était pas ainsi dès lors qu’une personne qui a bénéficié d’une libé-ration conditionnelle ultérieurement révoquée peut, à l’issue de la peine d’em-prisonnement, faire l’objet d’une surveillance judiciaire. Cette mesure moins restrictive des libertés que la surveillance de sûreté poursuit en effet les mêmes

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objectifs et comporte les mêmes obligations pour l’intéressé, et apporte dès lors les mêmes garanties au regard de la prévention de la récidive.

Lors de l’examen du projet de loi relatif à la lutte contre les trafics de produits dopants et modifiant le code du sport qui, en matière de perquisitions et saisies, reprenait les dispositions de l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales, le Conseil d’État a invité le Gouvernement à un réexamen des procédures qui, s’inspirant de l’article L.  16 B du livre des procédures fiscales, sont contes-tables au regard de l’article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, comme l’a jugé la Cour européenne des droits de l’homme le 21 février 2008, dans un arrêt Ravon et autres contre France.

Le même projet de loi a amené le Conseil d’État à tirer les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel no 89-260 du 28 juillet 1989 qui a jugé qu’une même autorité ne pouvait exercer, pour les mêmes faits, le pouvoir de sanction administrative et le pouvoir d’intervenir et se constituer partie civile dans une procédure pénale. La disposition du projet prévoyant la possibilité pour l’Agence française de lutte contre le dopage de se porter partie civile dans un procès pénal pour dopage a donc été complétée pour prévoir que cette auto-rité administrative indépendante ne peut déclencher l’action publique, mais seu-lement s’y joindre, et sous la réserve qu’elle renonce, à l’égard de l’auteur de l’infraction et des faits incriminés, à exercer ses pouvoirs propres de sanction disciplinaire pour les faits de dopage.

L’examen d’un projet de décret instituant la contravention d’intrusion dans les lieux historiques et culturels a conduit la section à mieux circonscrire, au regard du principe de légalité des délits et des peines, le champ de cette nouvelle sanction pénale, destinée à réprimer le fait de pénétrer ou de se maintenir sans autorisation ni habilitation dans certains lieux sensibles, afin que la finalité de protection des biens culturels respecte l’exigence de sécurité des justiciables. Dans ce but, la section a limité l’application de la nouvelle sanction pénale aux sites dont l’accès est interdit ou réglementé de manière apparente.

Indépendance des médias

Deux projets de loi ont conduit le Conseil d’État à se pencher sur les conditions de mise en œuvre de l’indépendance des médias, dont les règles doivent être fixées par la loi en vertu de l’article 34 de la Constitution.

À propos du projet de loi relatif à la protection du secret des sources des journa-listes, le Conseil d’État a estimé qu’en réservant le bénéfice de ses dispositions protectrices aux journalistes visés à l’article L. 761-2 du code du travail, c’est-à-dire aux personnes qui tirent le principal de leurs ressources de leur activité de journaliste et peuvent ainsi bénéficier de la carte d’identité professionnelle, le Gouvernement retenait un critère sans rapport direct avec l’objet du projet de loi et de nature à créer une discrimination au préjudice de journalistes exerçant leur activité à titre régulier sans en tirer néanmoins le principal de leurs ressources.

Il a donc substitué une définition du journaliste indépendante de la référence aux dispositions du code du travail qui, tout en conservant le critère d’une acti-vité professionnelle caractérisée par sa rémunération, sa régularité et la finalité

96 Activité consultative

de son exercice, n’exige pas que cette activité soit exercée de façon exclusive ou prépondérante.

Lors de l’examen du projet de loi modernisant le secteur public de la commu-nication audiovisuelle et relatif aux nouveaux services audiovisuels, le Conseil d’État a précisé que le principe d’indépendance des médias comporte la garantie des ressources des sociétés nationales de programme.

Il en résulte en premier lieu que, dès lors que la suppression de la possibilité pour France Télévisions de diffuser des messages publicitaires (autres que géné-riques) dans ses programmes nationaux entre 20 heures et 6 heures dans un pre-mier temps, puis toute la journée à compter de la généralisation de sa diffusion numérique, a pour effet de priver cette société nationale de programme d’une part significative de ses ressources, cette mesure doit être regardée, non comme se bornant à définir les modalités de programmation des émissions publicitaires de la société nationale de programme, mais comme affectant la garantie de ses ressources et par suite l’objectif d’indépendance des médias. Elle doit donc être prévue par la loi.

En second lieu, le principe d’indépendance des médias implique que la compen-sation financière de la suppression de la publicité inscrite dans la loi soit effec-tivement apportée par les lois de finances mais n’impose pas que ces ressources soient constituées exclusivement de taxes affectées. Le Conseil d’État n’a pas estimé contraire au principe d’indépendance que le produit de la taxe instituée sur les opérations de communication électronique ne soit pas affecté à France Télévision. À ce sujet, le Conseil d’État a également rappelé que lorsque le législateur institue des impôts particuliers, il peut sans méconnaître le principe d’égalité n’y assujettir que certaines catégories de redevables ou d’activités et, notamment, édicter des dispositions différentes pour des activités profession-nelles différentes, pourvu que celles-ci soient définies de manière rationnelle et objective. Le principe d’égalité devant l’impôt ne fait ainsi en principe pas obstacle à ce que les opérateurs de communication électronique soient soumis à une taxe particulière sur le chiffre d’affaires, dès lors qu’en droit et en fait leur activité se différencie des autres activités économiques.

Le Conseil d’État a enfin estimé que la nomination par le Président de la Répu-blique, sur avis conforme du Conseil supérieur de l’audiovisuel et par applica-tion de la procédure prévue par l’alinéa ajouté à l’article 13 de la Constitution par la loi constitutionnelle du 23  juillet 2008, aux fonctions de président de société nationale de programme, fonctions qui ne peuvent être retirées que par décret motivé du Président de la République pris après avis également motivé du Conseil supérieur de l’audiovisuel, ne prive pas de garanties légales l’indé-pendance de France Télévision, compte tenu des précautions prises.

Juridictions

Lors de l’examen des deux projets de décret modifiant l’un le siège et le res-sort des tribunaux d’instance, des juridictions de proximité et des tribunaux de grande instance, l’autre le siège et le ressort des tribunaux de commerce, la section, sans contester le choix fait par le Gouvernement de modifier en profon-deur l’implantation des juridictions par la réduction de leur nombre dans des proportions sensibles, a toutefois relevé que le parti pris de se fonder principa-

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lement sur la taille des juridictions, en termes d’activité et de population, et de maintenir les limites des ressorts actuels, en général anciens, des tribunaux de grande instance et des tribunaux d’instance, ne permettait pas d’obtenir le plein bénéfice de la réforme.

En second lieu, la section a estimé difficile d’apprécier, en l’état, les effets de la réforme sur l’égalité d’accès au service public de la justice. Si, dans nombre de cas, les suppressions et modifications prévues rendront plus difficile l’accès au droit et à la justice, ces inconvénients peuvent être compensés, comme le Gou-vernement en a le projet, par la création de maisons de justice et du droit dotées de greffes uniques, une nouvelle approche de la justice de proximité permettant de transférer aux tribunaux d’instance certains contentieux civils, notamment dans le domaine des affaires familiales, le développement des visioconférences et des téléprocédures ainsi que la tenue d’audiences foraines dont la réglementa-tion pourrait être revue et adaptée. Il a paru à la section que, sous réserve de leur ampleur et de leur répartition sur le territoire, ces innovations étaient de nature à pallier les effets sur les justiciables de l’éloignement territorial résultant de la suppression de certains tribunaux de grande instance et tribunaux d’instance ainsi que des greffes détachés. Dans cette perspective, elle a préconisé que les efforts portent tout particulièrement sur les zones d’accès difficile compte tenu tant de leur situation géographique (montagne) que de l’état des liaisons rou-tières et ferroviaires, ainsi qu’aux zones excentrées par rapport aux sièges des tribunaux maintenus.

Police judiciaire

Lors de l’examen du projet de décret modifiant le code de procédure pénale et relatif à l’habilitation des officiers de police judiciaire, la section a relevé le progrès que constitue le fait pour le procureur général près la cour d’appel, chargé en vertu de l’article 13 du code de procédure pénale de la surveillance de la police judiciaire et procédant à ce titre à l’habilitation personnelle de chaque officier de police judiciaire de la gendarmerie et de la police nationales, de dis-poser des informations relatives aux sanctions disciplinaires éventuellement prononcées à l’encontre des candidats pour des fautes professionnelles com-mises au cours de précédents emplois pour lesquels l’officier de police avait reçu une habilitation.

Elle a néanmoins souligné que le dispositif proposé présentait encore des insuf-fisances au regard des finalités recherchées par la procédure d’habilitation. Cette dernière doit permettre au procureur général de s’assurer non seulement que l’officier de police judiciaire est bien affecté dans un emploi qui comporte l’exercice des attributions attachées à sa qualification, mais encore qu’il présente des qualités personnelles et professionnelles lui permettant d’exercer ces fonc-tions. La section a donc estimé souhaitable que le procureur général dispose, à défaut de communication du dossier administratif du militaire ou du fonction-naire, de toutes informations utiles, notamment celles relatives aux poursuites disciplinaires, définitives ou en cours, pour des fautes commises à l’occasion de toutes les fonctions exercées par le candidat à l’habilitation judiciaire.

98 Activité consultative

Principe de sécurité juridique

Le projet de décret relatif à l’École nationale de la magistrature a conduit la section à faire application de la jurisprudence selon laquelle le principe de sécurité juridique impose au pouvoir réglementaire d’édicter les mesures tran-sitoires qu’implique une réglementation nouvelle dont l’application immédiate entraîne, au regard de l’objet et des effets de ses dispositions, une atteinte exces-sive aux intérêts publics ou privés (CE, Ass., 24 mars 2006, Société KPMG et autres). Elle a estimé qu’une telle mesure s’imposait pour la disposition ins-tituant une épreuve obligatoire d’anglais dans les trois concours d’admission à l’École nationale de la magistrature, dont l’entrée en vigueur a été différée jusqu’aux concours 2010, l’épreuve obligatoire de langue vivante des concours 2009 continuant comme par le passé à porter sur une langue choisie par le can-didat sur une liste établie par le Garde des Sceaux.

Protection juridique des majeurs

Deux des trois décrets d’application de la loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs examinés en 2008 ont plus particulièrement attiré l’attention de la section.

À propos du projet de décret relatif à la protection juridique des mineurs et des majeurs, la section n’a pu approuver la disposition prévoyant d’obliger le juge des tutelles à faire connaître sa décision dans les trois mois pour toute requête dont il est saisi par un majeur protégé ou la personne chargée de sa protection. Pour éviter que cette mesure traduise une défiance excessive à l’égard des juges des tutelles, dont les délais de réponse sont pour partie imputables à l’insuffi-sance de leurs moyens au regard de leur charge de travail, elle n’a maintenu le dispositif qu’en opérant une distinction entre les requêtes pour faire échapper à ce délai celles qui exigent un débat approfondi et en supprimant l’obligation pour le juge de s’expliquer sur son retard à statuer.

Le projet de décret relatif aux actes de gestion du patrimoine des personnes placées en curatelle ou en tutelle a conduit la section à se pencher sur la distinc-tion entre les actes d’administration et les actes de disposition du patrimoine dont le législateur de 2007 (article 496 nouveau du code civil) a renvoyé au pouvoir réglementaire le soin d’établir la liste respective dans un souci de sécu-rité juridique et pour faciliter le travail du tuteur. Elle a estimé qu’alors même que la majorité des actes appartiennent sans conteste à l’une ou à l’autre de ces catégories, d’autres ne peuvent recevoir une qualification définitive qu’au vu des circonstances d’espèce et en fonction d’éléments du dossier tels que l’im-portance et la consistance du patrimoine, la proportionnalité ou non du montant financier de l’acte considéré par rapport à l’évaluation globale de ce patrimoine, le contexte du marché, les risques attachés au maniement des instruments finan-ciers et valeurs mobilières. L’affectation de ces actes à la catégorie des actes d’administration ou à celle des actes de disposition du patrimoine est donc seu-lement présumée et réserve au tuteur la possibilité d’une requalification au vu des éléments du dossier.

99Section de l’intérieur

Régime des personnes

À propos du projet de décret modifiant le statut de l’Agence France Presse, la section a relevé l’incompatibilité avec l’article 12 du traité instituant la Commu-nauté européenne, qui dans son champ d’application proscrit « toute discrimina-tion exercée en raison de la nationalité », de la rédaction actuelle de l’article 7 de la loi no 57-32 du 10 janvier 1957, qui comporte une telle discrimination en ce qui concerne les membres du personnel appelés à désigner leurs représen-tants au conseil d’administration de cet établissement public. Elle a invité le Gouvernement à mettre fin à cette incompatibilité.

Traitements automatisés et protection des personnes

Saisi par le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territo-riales, le Conseil d’État a rappelé les exigences qui découlent de la directive 95/46/CE du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation des données, en ce qui concerne l’utilisation de telles données recueillies par une collectivité publique pour un usage autre que celui pour lequel elles ont été collectées (avis no 381.374 du 1er avril 2008, page 313).

La section s’est également penchée à deux reprises sur le traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé EDVIGE (exploitation documen-taire et valorisation de l’information générale), lors de sa création par le décret du 27 juin 2008 et lors du retrait de ce même décret.

Ce traitement avait pour objectif de permettre à la direction centrale de la sécu-rité publique ainsi qu’aux directions départementales d’assurer leur mission de recherche, centralisation et analyse des renseignements en vue d’informer le préfet ou le Gouvernement dans tous les domaines susceptibles d’intéresser l’ordre public. Il a suscité un vif débat dans l’opinion en tant qu’il prévoyait d’enregistrer des données « sensibles » au sens du I de l’article 8 de la loi du 6 janvier 1978 modifiée relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. L’utilisation de telles données est cependant expressément permise par la loi du 6 janvier 1978 – par dérogation au I de son article 8 – pour les traitements mis en œuvre par l’État et intéressant la sécurité publique, la sûreté de l’État, la défense, la prévention des infractions ou la poursuite de leurs auteurs, sous réserve d’être autorisée par décret en Conseil d’État pris après un avis motivé de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) publié en même temps que le décret. La section avait en l’espèce admis la légalité de ce traitement, compte tenu des dispositions de fond et de procédure qui limi-taient l’enregistrement ou l’utilisation des données sensibles. La polémique qui a néanmoins accompagné sa création résulte pour partie de l’absence d’explica-tion de la part de services de l’État tentés par une gestion discrète, du fait même de sa sensibilité, de ce type de traitement. S’il a trait à la sécurité publique, celui-ci n’en intervient pas moins dans un champ intéressant l’ensemble des citoyens.

Lors de l’examen du projet de décret retirant l’autorisation de créer le traite-ment, la section a relevé que ce retrait avait des effets rétroactifs du fait du début de mise en œuvre du traitement. La rétroactivité a été néanmoins admise en rai-

100 Activité consultative

son de la nature particulière du décret retiré : les conséquences de celui-ci sont réversibles et en voie d’effacement ; il avait pour seul objet de doter les services centraux et déconcentrés de la sécurité publique d’un instrument technique en vue de faciliter l’exercice de leurs compétences habituelles et n’était dès lors pas susceptible de fonder par lui-même des mesures d’application affectant les droits des tiers.

Le fichier centralisé des passeports français intégrant une photographie faciale numérisée et des données biométriques (empreintes digitales), dont la création est autorisée par un projet de décret modifiant le décret du 30 décembre 2005 relatif au passeport électronique, a une finalité strictement limitée à la lutte contre la fraude et contre le terrorisme. La section a constaté que cette finalité exclusive était garantie par la sécurisation du dispositif et tout particulièrement par la traçabilité des demandes d’accès. Pour ce motif, elle a considéré que, s’il subsistait un risque d’utilisation détournée de ce traitement contraire aux droits et libertés fondamentaux protégés tant par la Constitution que par la Convention européenne des droits de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fon-damentales, cette circonstance n’était pas, par elle-même, de nature à justifier un refus d’autorisation.

La section s’est prononcée sur la nature de l’acte devant autoriser la création, à titre expérimental, d’un traitement automatisé de « préplainte en ligne » fournis-sant aux victimes d’infractions commises par des auteurs inconnus, ou à leurs représentants légaux, un téléservice leur permettant de préparer leurs déclara-tions, qui seront ensuite validées par la signature du procès-verbal par le décla-rant, convoqué à cette fin au commissariat de police ou à la gendarmerie choisi par lui lors de la déclaration en ligne.

Si une zone de texte libre permet au déclarant de fournir, le cas échéant, le signalement de l’auteur de l’infraction, et donc le type physique de ce dernier, l’identification éventuelle de cet auteur intervient selon les procédures habi-tuelles, postérieurement à la signature du procès-verbal, et repose non sur le nouveau traitement de données, temporaire par nature, mais sur les traitements déjà existants relevant de la police judiciaire. Le dispositif nouveau ne peut donc, en tout état de cause, être regardé comme constituant par lui-même un traitement portant sur des données personnelles faisant apparaître l’origine eth-nique et devant être autorisé par un décret en Conseil d’État en vertu des dispo-sitions combinées des articles 2, 8, et 26 (II) de la loi du 6 janvier 1978.

Il ne relève pas non plus du 5° du II de son article 27, en vertu duquel sont auto-risés par décret en Conseil d’État les traitements de données personnelles mis en œuvre par l’État « aux fins de mettre à la disposition des usagers un ou plu-sieurs téléservices de l’administration électronique, si ces traitements portent sur des données parmi lesquelles figurent le numéro d’inscription des personnes au répertoire national d’identification ou tout autre identifiant des personnes physiques », car l’identifiant prévu est attribué au dossier de la procédure et ne s’attache pas de façon permanente à une personne physique.

Le traitement relève donc d’un arrêté ministériel pris après avis motivé de la CNIL, en vertu du I de l’article 26 de la loi précitée qui prévoit de tels arrêtés pour autoriser « les traitements de données à caractère personnel mis en œuvre pour le compte de l’État et (…) qui ont pour objet la prévention, la recherche, la constatation ou la poursuite des infractions pénales ou l’exécution des condam-

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nations pénales ou des mesures de sûreté ». Le Gouvernement souhaitant toute-fois que ce texte soit examiné par le Conseil d’État, la section lui a conservé sa forme de décret, tout en substituant le visa « après avis du Conseil d’État » au visa initial « le Conseil d’État entendu ».

Relève également d’un arrêté ministériel pris après avis motivé de la CNIL, sur le fondement des mêmes dispositions, la création à titre expérimental d’un trai-tement automatisé de données à caractère personnel relatif à l’entrée et à la sor-tie des ressortissants étrangers en court séjour à La Réunion. Les photographies enregistrées dans ce traitement ne constituent en effet, en l’absence de dispositif de reconnaissance automatique du visage, ni des données biométriques, ni des données sensibles, dont le traitement automatisé ne peut être autorisé que par décret en Conseil d’État en vertu respectivement du I de l’article 27 et du II de l’article 26 de la loi du 6 janvier 1978.

Établissements d’utilité publique

Le catalogue déjà fourni des établissements d’utilité publique s’est enrichi en 2008 d’une nouvelle catégorie, le « fonds de dotation » institué par la loi no 2008-476 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie. Cette nouvelle personne morale de droit privé à finalité philanthropique devrait en principe mettre à la disposition d’organisations à but non lucratif (universités, musées, hôpitaux) des ressources durables consacrées à des actions d’intérêt général. Le fonds est constitué par un capital apporté par un ou plusieurs donateurs privés, à titre irrévocable, dont seuls les revenus financiers sont capitalisés et affectés au budget de l’institution.

Le Conseil d’État s’est interrogé, en l’absence de toute étude justifiant la créa-tion de ce nouvel instrument juridique, sur sa nécessité et sur le risque qu’il vide de son intérêt la législation plus restrictive sur les fondations d’utilité publique, voire apparaisse comme une forme de contournement de celle-ci.

Il a cependant estimé que le régime libéral prévu par la loi (simple déclara-tion à la préfecture et administration par les fondateurs selon les règles libre-ment fixées par les statuts, sans contrôle a priori ni participation des pouvoirs publics) pouvait se justifier par la spécificité du rôle confié au fonds de dotation.

Associations et fondations

La section ne peut que réitérer les observations déjà faites dans le précédent rapport sur la qualité de l’instruction, par le ministère de l’intérieur, des dossiers d’affaires dites « courantes » (demandes de création ou de modification des statuts de fondations, demandes de reconnaissance d’utilité publique ou de modifica-tion des statuts d’associations, autorisation de libéralités). Des rejets en l’état ont ainsi été prononcés pour des motifs qui pouvaient être aisément décelés avant la saisine de la section : modifications statutaires dont la dernière rédaction n’avait pas été approuvée par l’assemblée générale ou par un mandataire désigné par elle à cette fin, ou qui n’avaient pas été délibérées selon les règles de quorum et de vote prévues par les statuts ; clauses contradictoires sur la durée du mandat des

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administrateurs ou sur les pouvoirs respectifs des différentes instances ; retrait du droit de vote, à l’assemblée générale, à une catégorie de membres cotisants ; suppression des clauses obligatoires d’approbation administrative du règlement intérieur et des délibérations portant modification des statuts ou dissolution d’une association ; missions contraires aux lois en vigueur.

Lors de l’examen du projet de décret portant sur les obligations des associa-tions et fondations relatives à la publicité de leurs comptes annuels, la section a attiré l’attention du Gouvernement sur la nécessité de réexaminer la portée de la modification de l’article 10 de la loi no 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations apportée par l’article 6 de l’ordonnance no 2005-856 du 28 juillet 2005, qui dispense les associations et les fondations soumises à l’obligation de publicité des comptes, prévue par l’article L. 612-4 du code de commerce, de la formalité du dépôt en préfecture de leurs comptes et documents financiers à laquelle elles étaient jusqu’alors astreintes. Pour ceux de ces organismes qui reçoivent une subven-tion publique d’un montant au moins égal à 153 000 euros, il faut étendre par la loi l’obligation de publicité prévue par l’article L. 612-4 du code de commerce au compte rendu financier de la subvention et à la convention que doit conclure le bénéficiaire avec l’autorité qui lui a accordé la subvention, afin de respecter l’intention du législateur du 12 avril 2000 qui entendait garantir l’accès des usa-gers à ces documents par la formalité du dépôt en préfecture.

La convention de subvention exigée par la loi du 12  avril 2000 ne crée pas d’incompatibilité de principe entre l’obligation de suivi et de contrôle des fonds publics alloués et la présence d’un représentant de l’autorité administrative au conseil d’administration de l’association bénéficiaire. Il n’en va autrement, conformément à l’analyse faite par le Conseil d’État dans son rapport public de 2000, que dans le cas où l’association ainsi subventionnée peut être qualifiée de partenaire ou de prestataire du service public.

Tel n’est pas le cas d’une association qui ne poursuit pas de but principal pou-vant être assimilé à une activité de service public, dont une part minoritaire des ressources provient de la subvention octroyée par l’État et qui ne peut donc être regardée comme au nombre des associations visées par le rapport du Conseil d’État et devant exclure de ses organes dirigeants tout représentant de l’État.

Poursuivant sa réflexion sur l’équilibre des collèges au sein du conseil d’admi-nistration des fondations et les règles qui ont pour objet de garantir leur indépen-dance à l’égard des fondateurs, la section estime qu’en l’absence d’un collège des membres de droit, ce qui est le cas des fondations auprès desquelles les ministères de tutelle sont représentés par un commissaire du Gouvernement, il est souhai-table d’instituer un troisième collège participant avec le conseil des fondateurs à la désignation du collège des personnalités qualifiées. À cet effet, la section recommande, outre ceux déjà mentionnés dans les statuts-types (collège des amis ou collège des salariés), la création d’un collège représentant les partenaires insti-tutionnels de la fondation qui concourent à l’accomplissement de son objet social.

S’agissant des organes dirigeants des associations d’utilité publique, le principe selon lequel ils doivent être librement désignés par l’assemblée générale peut seulement être tempéré, pour ce qui concerne le conseil d’administration, par la présence de membres de droit, dès lors que des circonstances particulières le justifient et que leur nombre n’excède pas le tiers de celui du conseil. Il ne

103Section de l’intérieur

permet pas la cooptation d’une catégorie d’administrateurs (personnalités qua-lifiées) par le reste du conseil, alors même que ces nominations seraient ensuite validées par l’assemblée générale. Il doit par ailleurs être strictement respecté en ce qui concerne le bureau, qui ne peut comporter d’autres membres que ceux désignés en son sein par le conseil.

Les règles de quorum prévues par les statuts-types des associations reconnues d’utilité publique ont pour objet d’éviter que des délibérations puissent être prises par un trop faible nombre de sociétaires. Le respect de ces règles s’appré-cie donc au regard du nombre de membres effectivement présents, à l’exclusion des membres représentés.

Le principe selon lequel les membres titulaires d’une association reconnue d’utilité publique participent avec les mêmes droits aux assemblées générales emporte la conséquence que seuls les membres à jour de leur cotisation peuvent y être convoqués, prendre part au vote et être éligibles au conseil d’adminis-tration ; les statuts doivent donc prévoir des clauses explicites sur ce point. Le même principe interdit à une association qui a accepté l’adhésion de membres n’ayant pas atteint leur majorité et qui les astreint à cotisation, de les priver de droit de vote à l’assemblée générale.

Si le recours au vote par correspondance ne soulève pas de difficulté pour la désignation des administrateurs d’une association, il n’en est pas de même pour les résolutions soumises à l’assemblée générale, car il vide de leur portée les délibérations collectives au sein de cette instance et ne répond pas ainsi aux exi-gences du fonctionnement démocratique s’imposant aux associations reconnues d’utilité publique.

La clause des statuts-types qui prévoit le placement des capitaux mobiliers de la dotation d’une association en valeurs mobilières de l’État ou en obliga-tions nominatives dont l’intérêt est garanti par l’État se borne à rappeler la loi no 87-571 du 23 juillet 1987 sur le mécénat, qui continue donc de s’imposer à une association reconnue d’utilité publique alors même qu’elle retire la clause-type de ses statuts ; de même, la clause prévoyant une demande préalable pour toute visite de l’établissement par l’administration est dépourvue de toute por-tée quant aux pouvoirs de contrôle que celle-ci détient en tout état de cause.

En raison de l’affectation irrévocable des biens constituant la dotation à la réali-sation de l’objet de la fondation, celle-ci ne peut en principe être ultérieurement autorisée à retirer un de ces biens de sa dotation. Une fondation instituée pour fournir des logements à loyer restreint dans des bâtiments lui appartenant a pu cependant être autorisée à retirer de sa dotation un immeuble qu’elle avait vendu sans en informer l’administration, à la condition de compléter sa dota-tion par un autre immeuble de valeur équivalente et parce qu’elle a pu justifier avoir entièrement réemployé le produit de la vente dans l’acquisition de biens de même nature.

Lorsqu’une association reconnue d’utilité publique demande que cette qualité lui soit retirée pour l’avenir, la section s’assure que les motifs invoqués à cet effet sont légitimes et que les éléments du patrimoine provenant de subventions ou de libéralités ne sont pas détournés de l’objet d’intérêt général qui avait jus-tifié la reconnaissance et permis à la personne morale d’en être gratifiée. Tel est le cas lorsque la démarche de l’association est motivée par son intention de

104 Activité consultative

fusionner avec une association déclarée afin d’en créer une nouvelle ayant le même but et dotée de moyens accrus.

Dons et legs

Plusieurs projets de décret autorisant des associations reconnues d’utilité ou des fondations à accepter des legs ont amené la section à rappeler avec insis-tance au ministère de l’intérieur qu’en cas de legs particulier consenti à de tels organismes en présence d’un legs universel consenti au bénéfice de personnes non soumises à autorisation de la part de l’administration, il n’y a pas lieu de procéder aux formalités de publicité s’il n’y a pas d’héritiers réservataires. En application de l’article 721 du code civil, seuls ces derniers peuvent en effet prétendre à la succession. Il en résulte que les oppositions formées par des per-sonnes autres que les héritiers réservataires à l’encontre d’un legs particulier consenti dans de telles conditions ne sont pas recevables. Si aucun autre motif d’opposition n’est retenu par l’administration, l’autorisation d’accepter le legs relève alors du préfet et non d’un décret en Conseil d’État.

Établissements publics

Dans le projet de décret relatif à l’École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers, la section a disjoint, comme source de rigidité excessive, l’institution d’une commission chargée d’établir l’ordre du jour du conseil d’administration.

Outre-mer

Le projet de loi de programme pour le développement économique et la pro-motion de l’excellence outre-mer ratifiait nombre d’ordonnances et habilitait le Gouvernement à en prendre de nombreuses autres. Ces dispositions ont mis en évidence que l’extension du recours aux ordonnances pour l’adaptation du droit outre-mer exige un suivi interministériel attentif.

S’agissant des ratifications :

1° Trois ordonnances sur les sept mentionnées dans le projet avaient déjà été ratifiées et ont par suite été retirées tandis que six autres ordonnances publiées et non encore ratifiées ont dû être ajoutées.

2° Ont été relevées quelques discordances entre le contenu des ordonnances publiées et celui soumis au Conseil d’État ou arrêté par lui. Certes, ce type d’ir-régularité est couvert par la ratification comme le serait une méconnaissance de la portée de l’habilitation (no 2004-506 DC du 2 décembre 2004, cons. 25 : « est inopérant à l’encontre d’une loi de ratification le grief tiré de ce que l’ordon-nance ratifiée aurait outrepassé les limites de l’habilitation »). Mais la ratifica-tion ne couvre pas une inconstitutionnalité de fond.

105Section de l’intérieur

3° Du fait du chevauchement des habilitations, certaines dispositions sont modi-fiées par deux ordonnances successives et non coordonnées, ce qui peut causer un sérieux désordre normatif. En témoignent les modifications apportées au code monétaire et financier, à Mayotte :– par l’ordonnance no 2007-1801 du 21 décembre 2007 sur Mayotte, fondée sur le système de l’identité législative et entrée en vigueur le 1er janvier 2008 ;– et par l’ordonnance no 2007-1490 du 18 octobre 2007 relative aux marchés d’instruments financiers et portant actualisation et adaptation du droit écono-mique et financier applicable à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis-et-Futuna, entrée en vigueur le 1er mai 2008 (fondée, quant à elle, sur le principe de la spécialité législative).

Ces deux textes portent sur le titre III du livre VII (Mayotte) du code monétaire et financier, mais en lui donnant un plan et un contenu différents, de sorte que, par exemple, l’article L. 743-4 a été écrit deux fois avec une portée différente. Cette erreur, née du cheminement parallèle des deux ordonnances avant leur publication à intervalle rapproché, n’a pas été détectée avant la ratification par le Parlement, qui l’a réparée en complétant le projet de loi ratifiant l’ordonnance du 18 octobre 2007.

S’agissant des mesures d’habilitation, une partie d’entre elles prolongeait le délai d’habilitations antérieures, soulignant ainsi la difficulté du Gouverne-ment à « suivre » le chantier de l’actualisation et de la codification du droit de l’outre-mer. Or celui-ci est loin d’être achevé au regard des réformes statutaires consécutives aux révisions constitutionnelles de ces dix dernières années. Le recours aux ordonnances reste cependant inévitable, car les dispositions indis-pensables pour éviter que perdure outre-mer un droit inadapté sont d’une den-sité et d’une technicité peu compatibles avec l’encombrement de l’ordre du jour parlementaire.

Enfin, la section s’est prononcée, à la demande du président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, sur un projet de loi du pays relatif à trois signes identitaires de cette collectivité (avis no 382.018 du 21 octobre 2008, page 325).

106 Activité consultative

Statistiques

Entre le 1er janvier et le 31 décembre 2008, la section a tenu 73 séances et exa-miné 451 textes. Un texte relevant de sa compétence a été examiné par la com-mission permanente, 6 textes en commission spéciale et 14 textes ainsi qu’une demande d’avis ont été soumis à l’assemblée générale.

Tableau 1Répartition par nature des textes examinés

2004 2005 2006 2007 2008

Lois 22 37 30 13 19Ordonnances 16 27 9 6 8

Lois du pays 0 0 0 1 1Décrets réglementaires 175 190 189 176 152Décrets individuels, arrêtés et décisions 191 171 167 194 266Avis 7 10 6 9 5Total 411 435 401 399 451

Tableau 2Répartition par ministère d’origine des textes examinés

Ministère d’origine

Loi

s

Ord

onna

nces

Loi

du

pays

Déc

rets

rég

lem

enta

ires

Déc

rets

indi

vidu

els

Arr

êtés

et

déci

sion

s

Avi

s

Tota

lAutres ministères - - 1 - - - 1Culture et communication 3 - - 9 3 - 15Économie - - - 1 - - 1Éducation nationale 1 1 - 4 - - 6Enseignement supérieur et recherche 3 4 - 8 6 1 22Immigration - - - 11 42 - 53Intérieur, outre-mer 4 1 - 59 215 3 283Jeunesse et sports 1 - - 1 - - 2Justice 6 2 - 53 - - 61Premier ministre - - - 6 - - 6Sports 1 - - - - - 1Total 19 8 1 152 266 4 451

107Section de l’intérieur

Tableau 3Répartition par matière des textes examinés

Matières 2008

Administration départementale et communale 0Associations et fondations 164Collectivités territoriales hors FPT 14Communication – culture 15Congrégation et culte 25Déclaration d’utilité publique 0Divers 9Dons et Legs 31Droit administratif et constitutionnel 13Droit civil et procédure civile 12Droit commercial 7Droit pénal et procédure pénale 15Élections 2Enseignement 11Étrangers 10Fonction publique territoriale 12Jeunesse 1Nationalité 36Organisation administrative 26Organisation judiciaire et officiers publics et ministériels 19Outre-mer 19Police 8Sports 2Total 451

Tableau 4Délais d’examen des projets de loi, d’ordonnance et de décrets réglementaires

Moins de 15 jours

De 15 jours à 1 mois

De 1 mois à 2 mois

Plus de 2 mois

Total

Projets de loi 4 8 4 3 19Projets d’ordonnance 0 1 7 0 8Projets de décret 8 18 62 64 152

109Section des finances

Section des finances

La section des finances s’est réunie à 101 reprises et a examiné 299 projets de textes.

15 projets de textes relevant de sa compétence ont été soumis à l’assemblée générale et 9 à la commission permanente.

Elle a examiné 4 projets de loi de finances, 58 autres projets de loi (dont 51 pro-jets autorisant la ratification ou l’approbation de conventions internationales), 13 projets d’ordonnance et 6 projets de loi du pays. La section a également examiné 191 projets de décret réglementaire.

Elle a enfin répondu à 6 demandes d’avis du Gouvernement – dont 3 publiés dans le présent rapport – et examiné 21 demandes de remise de débet enregis-trées avant le transfert de cette compétence à la Cour des comptes.

Il convient de relever une forte accélération du rythme de saisine de la section depuis le mois de septembre 2008 et, par voie de conséquence, un accroissement du nombre de textes examinés depuis cette date. En effet, au cours des quatre derniers mois de l’année 2008, la section a examiné 112 textes, soit 37,5 % de l’ensemble des affaires dont elle a eu à connaître au cours de la totalité de l’année.

Au-delà des problèmes de fond et des aspects juridiques propres aux textes qu’elle a examinés, la section des finances a été conduite à résoudre certaines questions de principe ou d’interprétation qu’il paraît utile d’exposer.

Actes

Applicabilité outre-mer

S’il n’est pas du pouvoir d’une loi ou d’une ordonnance de déroger au prin-cipe d’applicabilité de plein droit des lois et règlements dans les collectivités d’outre-mer soumises au principe d’identité législative, en vertu de dispositions ayant valeur de loi organique, la section a considéré qu’une loi ou une ordon-nance prise sur le fondement d’une loi d’habilitation peut apporter des adapta-tions jugées nécessaires, après avis des assemblées locales, soit au moment où l’application de plein droit produit ses effets, soit postérieurement.

110 Activité consultative

Autorités disposant du pouvoir réglementaire

Un dispositif plafonnant par un acte soumis à l’approbation du ministre chargé du budget le nombre de certains emplois au sein d’une autre administration n’apporte pas de restriction aux règles fixées en matière d’encadrement de cré-dits de personnel par l’article 7 de la loi organique du 1er août 2001 (ci-après « LOLF »). Par suite, ce procédé de limitation numérique portant sur des emplois présentant des caractères particuliers, qui n’a pas d’effet sur le montant des cré-dits de personnel imparti par la loi de finances à l’administration responsable du programme en cause, trouve son fondement dans le pouvoir d’organisation des services reconnu aux ministres.

Depuis l’entrée en vigueur du décret no 2008-208 du 29 février 2008, les décrets relatifs à l’organisation des services déconcentrés relèvent normalement d’un décret simple. Il en est ainsi de ceux portant sur l’organisation des services d’ad-ministration centrale des ministères. Relèvent toutefois d’un décret en Conseil d’État ceux qui comportent des dispositions dérogeant à des règles énoncées par le décret no 92-604 du 1er juillet 1992 portant charte de la déconcentration et ceux qui modifient ou adaptent des dispositions de décrets en Conseil d’État. Tel est le cas du projet de décret portant dispositions transitoires relatives à la création de la direction générale des finances publiques.

Catégories d’actes

Constatant que le projet de loi qui lui était soumis ne se présentait pas comme une liste d’objectifs chiffrés ou qualitatifs définissant l’action économique et sociale de l’État outre-mer, et qu’il ne constituait donc pas un projet de loi de programme, au sens des articles 34 et 70 de la Constitution, le Conseil d’État a substitué à l’intitulé choisi par le Gouvernement (« loi de programme pour le développement économique et la promotion de l’excellence outre-mer ») un intitulé plus bref et plus conforme à sa nature et à son objet (« loi pour le déve-loppement économique de l’outre-mer »).

Codification

Confrontée à un problème de codification à l’occasion de l’examen du projet de décret visant à introduire, dans la partie réglementaire du code monétaire et financier, des dispositions relatives à l’organisation et au fonctionnement des caisses de crédit municipal, la section n’a pas estimé possible d’inscrire dans ce code, de sa seule initiative, des dispositions de la législation bancaire résul-tant de textes postérieurs à l’intervention de la loi no 92-518 du 15 juin 1992 relative aux caisses de crédit municipal, laquelle rendait applicables certaines dispositions de la loi no  84-46 du 24  janvier 1984 relative à l’activité et au contrôle des établissements de crédit. Elle a toutefois invité le Gouvernement à identifier, parmi les modifications apportées à la législation bancaire depuis 1992, celles susceptibles de s’appliquer aux caisses de crédit municipal et à en tirer les conséquences, selon les modalités constitutionnelles appropriées, sur le régime de ces établissements.

111Section des finances

Compétence

L’institution d’un régime de sanctions civiles en cas de méconnaissance des obligations relatives à la garantie commerciale a pour effet d’étendre la durée de la garantie légale de conformité prévue à l’article L. 211-12 du code de la consommation. Par suite, elle touche aux « principes fondamentaux des obliga-tions civiles et commerciales » relevant du domaine de la loi en application de l’article 34 de la Constitution. La circonstance que le projet de décret vienne remplacer une amende contraventionnelle relevant du pouvoir réglementaire ne rend pas ce dernier compétent pour édicter cette sanction civile sans y avoir été habilité par la loi.

Si l’article L. 518-2 du code monétaire et financier prévoit que la Caisse des dépôts et consignations « est organisée par décret en Conseil d’État, pris sur la proposition de la commission de surveillance », cette disposition ne saurait être interprétée que comme une initiative de la commission de surveillance et non comme une proposition liant l’auteur de l’acte, au sens que lui donne tradition-nellement le juge administratif (CE, sect., 10 mars 1950, Sieur Dauvillier), dès lors que le Conseil constitutionnel a jugé que l’exercice du pouvoir réglemen-taire par le Premier ministre ne peut être subordonné à l’avis conforme d’une autre autorité sans méconnaître l’article 21 de la Constitution (CC, 14 décembre 2006, no 2006-544 DC).

La section a disjoint les dispositions d’un projet de décret permettant la déléga-tion de pouvoir du ministre des affaires étrangères au profit du directeur général de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, dès lors que la tutelle de cet établissement est désormais exercée par le ministre de l’immigration, et non plus par celui des affaires étrangères.

La section a rappelé que la réglementation des marchés publics, matière régle-mentaire s’agissant des marchés des administrations de l’État, relève de la loi pour ce qui est des collectivités territoriales, en application des articles 34 et 72 de la Constitution. Le pouvoir réglementaire demeure toutefois compétent pour étendre aux collectivités territoriales la réglementation des marchés publics de l’État, en vertu de l’habilitation législative du décret-loi du 12 novembre 1938, pris en application de la loi du 5 octobre 1938 portant extension de la régle-mentation en vigueur pour les marchés de l’État aux marchés des collectivités territoriales et des établissements publics. La section a considéré qu’il résulte de la décision d’assemblée du 29 avril 1981, Ordre national des architectes, confirmée par des décisions postérieures aux lois de décentralisation, que le pouvoir réglementaire est également compétent, sur le fondement de l’habili-tation législative précitée, pour étendre et adapter à Mayotte la réglementation des marchés publics de l’État. L’ensemble des mesures d’adaptation à Mayotte du code des marchés publics, domaine régi par le principe d’identité législative, entre dans le cadre du pouvoir d’adaptation de la réglementation applicable aux collectivités relevant de l’article 74 de la Constitution.

Ordonnances – Portée de l’habilitation

L’habilitation donnée au Gouvernement par l’article 36 de la loi no 2008-3 du 3 jan-vier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs

112 Activité consultative

permet, dans le respect de la volonté du législateur, de prendre par ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires à l’application du règle-ment communautaire, non mentionné dans la loi d’habilitation et qui a succédé au règlement qui y était visé, alors que ce dernier a été abrogé postérieurement à la loi d’habilitation. Aussi bien l’identité des dispositions du règlement commu-nautaire qu’il s’agit de mettre en œuvre avec celles des précédents règlements, que l’objectif de pleine application du droit communautaire, ont conduit à rete-nir cette analyse.

Procédure consultative

La section a procédé à de nombreuses disjonctions pour défaut d’accomplisse-ment de procédures consultatives obligatoires. Ainsi en a-t-il été, notamment, du projet de décret étendant les attributions du comité professionnel de déve-loppement de l’horlogerie, de la bijouterie, de la joaillerie et de l’orfèvrerie, dès lors que toutes les organisations professionnelles représentatives concernées auraient dû être préalablement consultées sur le projet, y compris celles des organisations professionnelles « entrantes » en application du projet. De même, le projet de décret relatif aux modalités d’application du chapitre V du titre VI du livre V du code monétaire et financier, destiné à lutter contre les jeux d’ar-gent en ligne enfreignant la législation française, a-t-il été écarté pour défaut de consultation préalable de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL). Le dispositif de police administrative envisagé, faisant usage de données de caractère personnel relatives, au moins en partie, à des personnes physiques identifiées ou identifiables et comportant la collecte, l’enregistre-ment, la modification, la consultation et la communication de telles données, présente le caractère d’un traitement de données, au sens des dispositions du chapitre Ier de la loi no 78-17 du 6 janvier 1978. Eu égard à la précision du projet de décret, c’est bien à ce stade que la CNIL aurait dû être consultée et non à celui des arrêtés ministériels auxquels renvoyait le projet. De même encore a été disjoint un projet de décret ayant pour objet d’organiser entre les mutuelles assurances, régies par le code de la Mutualité, la création d’un fonds national de garantie, son articulation avec d’autres systèmes de garantie, les modalités de délivrance et de retrait des agréments et de contrôle de ces organismes, et les règles prudentielles relatives à ces derniers, dès lors que, en raison de cet objet, il aurait dû être soumis au comité consultatif de la législation et de la régle-mentation financière (CCLRF), eu égard à l’incidence de ses dispositions sur l’organisation du secteur des assurances et sur la protection des consommateurs, aux effets économiques induits sur ce secteur et aux risques de distorsions de concurrence ou de différence de traitement entre les entreprises du secteur de l’assurance.

Plusieurs disjonctions sont intervenues pour méconnaissance des procédures consultatives spécifiques à l’outre-mer. Ainsi la section a estimé que si, en principe, l’édiction de règles applicables aux fonctionnaires de l’État n’a pas à être précédée de la consultation des autorités compétentes des collectivités d’outre-mer, dans la mesure où de telles règles s’appliquent de plano aux agents intéressés sur l’ensemble du territoire de la République, il en va différemment lorsque les règles prévues ont pour objet de déroger, au vu de circonstances locales, à la norme générale. Tel était le cas d’un projet rendant certaines dispositions

113Section des finances

applicables, en Nouvelle-Calédonie, d’un projet de décret portant diverses mesures relatives aux commissions administratives paritaires compétentes à l’égard des personnels enseignants, des premier et second degrés, non soumises à la consultation du Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.

Budget et comptabilité

Certaines questions soulevées à l’occasion de l’examen des projets de lois de finances examinés en 2008 sont abordées dans la rubrique « assemblée générale ».

Compte d’affectation spéciale

Saisi dans le cadre de la loi de finances pour 2009, d’un projet d’article pré-voyant la suppression du compte d’affectation spéciale (CAS) « cinéma, audio-visuel et expression radiophonique locale » et la réaffectation de la part des taxes et autres recettes de ce CAS consacrées au soutien aux industries cinéma-tographiques et audiovisuelles au Centre national de la cinématographie (CNC), le Conseil d’État a considéré, d’une part, que le deuxième alinéa de l’article 2 de la LOLF, aux termes duquel « les impositions de toute nature ne peuvent être directement affectées à un tiers qu’à raison des missions de service public confiées à lui… », et d’autre part, que le principe de spécialité des établisse-ments publics fait obstacle à ce que le CNC soit affectataire des taxes destinées au soutien de l’industrie audiovisuelle, dès lors que l’article 2 du code de l’in-dustrie cinématographique, qui définit ses missions, limite son objet au seul soutien de l’industrie cinématographique. Par suite, il a ajouté une disposition au projet d’article, modifiant ce code, pour étendre la compétence du CNC au soutien « aux industries cinématographiques, audiovisuelles, vidéographiques et multimédia ».

Dispositions pouvant figurer en loi de finances de l’année

Le même projet d’article trouve sa place en loi de finances, dès lors que cette extension des missions de l’établissement peut être regardée comme « un élé-ment indivisible d’un dispositif financier d’ensemble ».

Saisi d’un projet d’article ayant pour objet de créer un établissement public à caractère administratif dénommé « Office français de l’immigration et de l’inté-gration », d’en définir les missions et l’organisation ainsi que d’en énumérer les ressources propres, le Conseil d’État a considéré que les dispositions relatives aux règles constitutives du futur établissement n’avaient pas leur place en loi de finances. Il a conservé les dispositions relatives aux ressources et a inséré des dispositions permettant de sécuriser la perception des nouvelles taxes, dans l’at-tente de la création de l’établissement. Il a réduit de moitié le montant de la taxe perçue lors de la délivrance d’un premier titre de séjour aux étrangers entrés en France au titre du droit au regroupement familial en tant qu’enfants mineurs,

114 Activité consultative

estimant que la fixation de cette taxe à un montant excessif porterait atteinte au droit constitutionnellement reconnu de mener une vie familiale normale.

Le Conseil d’État a disjoint certaines des dispositions de l’article relatif à l’em-ploi des bénéficiaires de l’allocation aux adultes handicapés, au motif que si elles constituent un préalable à la réalisation d’économies budgétaires, elles ne peuvent être regardées comme affectant de manière suffisamment directe les dépenses budgétaires de l’année et ne sont, par suite, pas susceptibles de former, avec des dispositions ayant leur place dans une loi de finances, les éléments indissociables d’un dispositif financier d’ensemble.

Le Conseil d’État (commission permanente) a également disjoint un article du projet de loi de finances pour 2009 tendant à la fixation du plafond des autori-sations d’emplois des opérateurs de l’État, dès lors que ce projet ne trouve de fondement dans aucune des dispositions de l’article 34 de la LOLF relatif au contenu des lois de finances, tel qu’il est déterminé par le législateur organique, ni dans aucun autre article de cette même loi organique.

L’institution d’un conseil de normalisation des comptes publics peut figurer dans une loi de finances, en dépit du caractère purement consultatif de ses avis, à la condition que les missions conférées à ce conseil, d’une part, précisent la spécificité qui s’attache nécessairement aux règles applicables à la comptabi-lité générale de l’État et, d’autre part, ne portent que sur la seule comptabilité générale de l’État, à l’exclusion de tous autres comptes consolidés et combinés.

Trouve sa place indifféremment en loi de finances ou en loi de financement de la sécurité sociale une disposition qui, relevant du domaine facultatif de ces lois, en raison de ses incidences tout à la fois sur la présentation des comptes du budget de l’État et des comptes des organismes de base de la sécurité sociale, ne relève pas exclusivement de l’une ou de l’autre de ces lois.

Certaines des dispositions d’un projet d’article instituant une taxe due par les poids lourds en raison de l’utilisation de certaines infrastructures, concernant les clauses abusives et la présentation des contrats et régissant diverses activités d’ordre économique et commercial, trouvent leur place dans la loi de finances de l’année, dès lors qu’elles ont pour effet de rendre obligatoire la répercussion de la nouvelle taxe sur les contrats en cours et que, par suite, elles forment un « tout indivisible » avec les autres dispositions de cet article.

Dispositions trouvant leur place en loi de finances rectificative

Le Conseil d’État, saisi d’une disposition inscrite dans le second projet de loi de finances rectificative pour l’année 2008 et tendant à la création d’un compte de commerce nouveau à compter du 1er janvier 2009, a considéré que les disposi-tions combinées des articles 34 et 35 de la LOLF ne font pas obstacle à ce qu’un compte de commerce soit créé par un article d’une loi de finances rectificative. Il n’est pas nécessaire, pour ce faire, d’identifier en quoi cette création serait susceptible d’avoir une incidence sur l’exécution du budget de l’année en cours.

À l’occasion de l’examen d’un projet de dispositif visant à instituer, en faveur des territoires affectés par la restructuration des unités militaires qui devrait s’échelonner entre 2009 et 2013, le Conseil d’État a estimé que les dispositions instituant une exonération des cotisations patronales ne pouvaient être rattachées

115Section des finances

à aucun des cas décrits au 7° du II de l’article 34 de la LOLF, à défaut d’une incidence directe sur les dépenses budgétaires de l’année en cours. En effet, les dépenses budgétaires de l’État ne seront affectées par cette charge nouvelle qu’à compter de l’année 2009, compte tenu du mécanisme de compensation prévu par l’article L. 131-7 du code de la sécurité sociale. Dès lors, elles ne trouvent pas leur place dans un projet de loi de finances rectificative. En revanche, les dispositions ainsi disjointes peuvent trouver leur place dans le projet de loi de finances pour 2009, sous les réserves inhérentes au degré d’avancement de la procédure parlementaire.

Garantie de l’État

La fixation d’un plafond limitant l’engagement budgétaire global de l’État au titre d’une garantie entre dans les éléments de définition du « régime » de cette garantie, au sens du 5° du II l’article 34 de la LOLF, aux termes duquel il appar-tient à la seule loi de finances d’autoriser l’octroi de garanties de l’État et d’en fixer le régime. Il n’en résulte pas, pour autant, que tout régime de garantie de l’État doive nécessairement comporter un tel plafond. La définition du régime d’une garantie par la loi de finances doit pouvoir, dans certains cas, valablement être opérée selon d’autres modalités, telles que, notamment, l’adossement de l’octroi de la garantie à un dispositif d’autorisation ou de contrôle par l’admi-nistration des opérations en cause.

Loi de règlement

Le Conseil d’État a considéré que l’intitulé que le Gouvernement a donné au projet de loi de règlement, en s’inspirant du droit commercial, ne correspond pas aux termes employés par la LOLF et ne rend pas compte du contenu du projet de loi, lequel ne contient ni n’approuve aucun « rapport de gestion ». Il a donc rétabli l’intitulé « projet de loi de règlement du budget de l’année 2007 » qui correspond à celui traditionnellement retenu par le Parlement.

Aux termes de l’article 27 de la LOLF : « Les comptes de l’État doivent être réguliers, sincères et donner une image fidèle de son patrimoine et de sa situa-tion financière. » Le Conseil d’État a estimé nécessaire de préciser la portée à donner aux critères de conformité de la loi de règlement à ces exigences.

S’agissant de l’appréciation de la régularité des comptes, il a considéré qu’elle implique en particulier l’existence d’un recueil de normes généralement admises. Si cette condition est satisfaite pour ce qui est du compte général de l’État, permettant ainsi d’apprécier la régularité du compte de résultats et du bilan que doit approuver la loi de règlement, aux termes du III de l’article 37 de la LOLF, elle ne l’est pas encore en ce qui concerne la comptabilité budgétaire dont la loi de règlement doit approuver le résultat, aux termes du I du même article  37. Par suite, l’attention du Gouvernement a été attirée sur la néces-sité d’arrêter, dans les meilleurs délais, un référentiel budgétaire pour que, dans leurs rôles respectifs, la Cour des comptes, le Conseil d’État puis le Parlement puissent apprécier la régularité de la comptabilité budgétaire.

116 Activité consultative

S’agissant du critère de sincérité, le Conseil d’État a pris en compte, d’une part, l’article 32 de la LOLF qui dispose que la sincérité des lois de finances « s’ap-précie compte tenu des informations disponibles et des prévisions qui peuvent raisonnablement en découler », d’autre part, la décision no  2001-448 DC du 25 juillet 2001 du Conseil constitutionnel par laquelle il a été jugé que, pour ce qui est de la loi de règlement, la sincérité n’a pas la même portée que pour la loi de finances de l’année ou les lois de finances rectificatives et se caracté-rise non seulement par « l’absence d’intention de fausser les grandes lignes de l’équilibre déterminé par la loi de finances », mais « s’entend en outre comme imposant l’exactitude des comptes ». Il en a déduit que si le critère d’exactitude peut s’appliquer sans difficulté à la comptabilité et au résultat budgétaires, en revanche il est d’application malaisée pour les comptes de résultats et de bilan, dès lors que ces comptes procèdent, dans une très large mesure, de décisions prises par l’État lui-même quant à la traduction comptable qu’il convient de donner à chaque opération qu’il effectue. Il en résulte que, pour ces comptes, l’exigence de sincérité s’entend essentiellement comme l’absence d’intention de fausser la valeur du patrimoine de l’État et la réalité de sa situation financière.

Enfin, un article de projet de loi de règlement qui se limite à constater, de façon purement comptable, une perte sur le « compte d’avances » à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics, constatant ainsi que des échéances n’ont pas été honorées et ne le seront probablement pas, eu égard à la situation du débiteur, sans préjuger le sort final des créances correspondantes, ne voit pas sa validité affectée au motif que la Commission européenne a qua-lifié d’aides d’État incompatibles avec le traité CE les avances ainsi consenties.

Principes généraux du droit budgétaire

Saisi d’un article qui institue une compensation fiscale en matière de recou-vrement, le Conseil d’État lui a donné un avis favorable en attirant toutefois l’attention du Gouvernement sur le fait que, ce nouveau mécanisme permettant aux comptables de compenser des créances et des dettes portant sur des impôts différents, il ne saurait dispenser de faire apparaître dans les documents budgé-taires l’intégralité des recettes et des charges. En effet, aux termes du deuxième alinéa de l’article 6 de la LOLF, il est fait recette du montant intégral des pro-duits, sans contraction entre les recettes et les dépenses.

Conventions internationales

Accords intervenant dans une matière législative

Examinant un projet de loi autorisant la ratification de la Convention internatio-nale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, la section a relevé que, même si la convention est, par son inspiration, en pleine harmonie avec le droit interne, ce dernier n’en doit pas moins faire l’objet de mesures législatives destinées à permettre la pleine application du dispositif

117Section des finances

conventionnel. Le législateur devra notamment créer une incrimination spéci-fique de disparition forcée couvrant le temps de paix, réprimer la complicité par voie d’abstention, introduire un chef nouveau de compétence universelle et prévoir la possibilité de juger des personnes insusceptibles d’être extradées.

Champ d’application territorial d’une convention internationale

Le champ d’application territorial d’un engagement international est déterminé par ses stipulations ou par les règles statutaires de l’organisation internationale sous l’égide de laquelle il a été conclu.

La section a eu à connaître, à de multiples reprises, du problème de l’appli-cabilité des conventions internationales signées par la France à certaines col-lectivités d’outre-mer, qu’elles aient, d’ailleurs, été ou non consultées sur ce point. Elle a retenu, à cet égard, la notion de « champ d’application effectif ». Si toutes les collectivités d’outre-mer entrent dans le champ d’application géogra-phique de la convention de Chicago et si les accords aériens couvrent ce même champ, c’est-à-dire, en principe, le territoire métropolitain, les départements d’outre-mer et l’ensemble des collectivités d’outre-mer qui relèvent de la souve-raineté de la France, il y a lieu de se fonder sur la réalité des liaisons aériennes existantes ou dont la création serait envisageable. Eu égard à ces principes, la section a estimé, à l’occasion de l’examen de trois projets de loi autorisant l’ap-probation d’accords relatifs aux services aériens respectivement avec Macao, l’Algérie et la Chine qu’aucune des collectivités d’outre-mer, notamment la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française, n’était susceptible d’être concer-née par cet accord.

De la même façon, l’adhésion d’un nouvel État au traité de l’Atlantique Nord ne peut, aux termes des stipulations de son article  10, concerner qu’un État européen. Elle n’a nullement pour objet de déroger au champ d’application du traité tel qu’il est défini par les stipulations combinées de ses articles 5 et 6 qui limitent son champ géographique à la région de l’Atlantique Nord, au nord du Tropique du Cancer. Par suite, se trouve exclue toute application à la Nouvelle-Calédonie. Dès lors, il n’y a pas lieu d’en consulter le Congrès.

À l’occasion de l’examen d’un protocole sur les registres des rejets et transferts de polluants se rapportant à la convention de 1998 sur l’information et la parti-cipation du public à la prise de décision et à l’accès à la justice dans le domaine de l’environnement, la section a considéré que, ainsi qu’il s’en infère de son titre et des mentions de son préambule, le protocole se rattache à la convention d’Aarhus du 25 juin 1998. Par suite, son champ d’application est le même que celui de cette convention. Même si la convention d’Aarhus ne contient aucune stipulation sur son champ d’application géographique, le Gouvernement fran-çais a formulé, lors du dépôt de son instrument d’approbation, une réserve d’application territoriale aux termes de laquelle il a déclaré qu’il n’appliquerait pas la convention en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie et à Wallis-et-Futuna. L’application du protocole à ces territoires étant, par suite, exclue, c’est à tort qu’il a été procédé aux consultations de leurs organes délibérants et la section a estimé souhaitable, d’une part, que les autorités locales en soient informées afin de dissiper toute ambiguïté et, d’autre part, que une fois promulguée la loi autorisant l’approbation du protocole, le dépôt de l’instrument d’approbation

118 Activité consultative

soit accompagné d’une déclaration interprétative précisant que, comme le pro-tocole a nécessairement le même champ d’application territorial que celui de la convention d’Aarhus, il ne s’appliquera pas en Nouvelle-Calédonie, en Polyné-sie française et à Wallis-et-Futuna.

Contrôle de constitutionnalité des conventions internationales

Outre le contrôle classique de constitutionnalité des conventions internationales auquel procède le Conseil d’État au regard des dispositions de l’article 53 de la constitution, le Conseil d’État a été conduit à contrôler, au regard du principe constitutionnel d’égalité, les dispositions de deux projets de loi autorisant la ratification des accords signés avec la république du Congo et celle du Bénin et relatifs à la « gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement ». Elle a estimé que les stipulations qui fixent des limites quantitatives à l’attribu-tion de titres de séjour, en particulier celles relatives aux jeunes professionnels ne portent, par elles-mêmes, aucune atteinte à des droits constitutionnellement garantis, tels que le droit d’asile ou le droit de mener une vie familiale normale. Au regard du principe constitutionnel d’égalité, d’une part, la différence de trai-tement existant entre les ressortissants des pays concernés et ceux des autres pays étrangers, ne porte pas atteinte à ce principe, dans la mesure où les contin-gents sont fixés dans chaque cas par un accord bilatéral comportant pour les deux parties un ensemble de bénéfices et de contraintes ; d’autre part, la diffé-rence de traitement pouvant résulter de la limitation du nombre de bénéficiaires des échanges de « jeunes professionnels » et de la carte de séjour « compétences et talents » entre ressortissants de chacun des deux pays, ne porte pas davantage atteinte au principe d’égalité, compte tenu des objectifs d’intérêt général pour-suivis par cette limitation, notamment la maîtrise de l’émigration des personnes qualifiées et des possibilités qui restent offertes aux personnes présentant les qualifications requises de présenter leur candidature l’année suivante, ou au titre du dispositif de droit commun qui subsiste.

Notion d’engagement international, d’amendement et d’avenant

En adoptant une loi autorisant la ratification d’un protocole ou accord modifiant et complétant une précédente convention internationale qui a été introduite dans l’ordre interne sans que sa ratification ait été autorisée par le Parlement, alors que celle-ci s’impose en vertu de l’article 53 de la Constitution, le législateur est regardé comme ayant entendu autoriser la ratification tout à la fois du protocole modificatif et du texte initial auquel ce protocole se rattache (CE, Ass., 5 mars 2003, Aggoun).

Examinant un projet de loi autorisant la ratification de l’accord entre la Répu-blique française et le Royaume d’Espagne relatif au bureau à contrôles natio-naux juxtaposés du Biriatou, la section a considéré que cet accord n’entre pas par lui-même dans le champ d’application de l’article 53 de la Constitution, dès lors qu’il ne constitue qu’une modalité d’application de la convention entre la France et l’Espagne du 7 juillet 1965. Toutefois, cette convention n’ayant pas été introduite en droit interne en vertu d’une loi autorisant sa ratification, la section a procédé à l’examen tout à la fois du texte de l’accord et de celui de la

119Section des finances

convention, ce qui aura pour effet, une fois adopté le projet de loi de ratification de l’accord, de régulariser rétroactivement, conformément à la jurisprudence Aggoun précitée, la ratification des stipulations initiales irrégulièrement intro-duites en droit interne.

Le Conseil d’État, dans sa fonction consultative, doit, lorsqu’il est saisi d’un projet de loi autorisant la ratification ou l’approbation d’un protocole, examiner également le texte initial auquel il se rapporte, lequel sera compris dans l’au-torisation législative de ratification ou d’approbation. Toutefois, en l’état de la jurisprudence contentieuse, il n’est pas possible de faire jouer ce mécanisme de ratification dans l’hypothèse où le protocole ou l’accord nouveau soumis à l’examen du Conseil d’État est pris pour l’application d’une précédente conven-tion irrégulièrement introduite dans l’ordre interne sans pour autant modifier ou compléter celle-ci.

Obligations consultatives

Examinant le projet de loi autorisant l’approbation d’un accord relatif à la garantie des investisseurs entre la République française et la Principauté de Monaco, la section a considéré qu’un tel texte ne devait pas obligatoirement être soumis pour avis au comité consultatif de la législation et de la réglementation financière, dans la mesure où le code monétaire et financier n’exige la consul-tation de cet organisme que pour les textes de droit interne intervenant dans le domaine du droit bancaire et financier.

Réserves et déclarations interprétatives

En présence d’une convention internationale ou d’un protocole qui interdit des réserves, une déclaration interprétative souhaitée par le Gouvernement doit se borner à préciser le sens raisonnable de la stipulation sans en modifier l’ef-fet juridique. Ainsi, dans le protocole facultatif se rapportant à la convention conclue contre la torture et autres peines ou traitements inhumains et dégra-dants, a été considérée licite une déclaration interprétative précisant que les renseignements « vrais ou faux » doivent s’entendre des seuls renseignements communiqués de bonne foi.

Dans une hypothèse où la Convention ne pouvant être appliquée tant qu’elle n’est pas entrée en vigueur, l’organisation maritime internationale (OMI) a recommandé aux États souhaitant adhérer à la Convention internationale pour le contrôle et la gestion des eaux de ballasts et sédiments des navires, de joindre à leur instrument de ratification une déclaration interprétative selon un modèle arrêté par une résolution de l’OMI, la section a précisé qu’il y aura lieu, lors du dépôt du projet de loi autorisant l’adhésion à la Convention, d’informer le Parlement de ces déclarations, lesquelles devront faire l’objet d’une publication au Journal officiel en même temps que le texte de la convention.

120 Activité consultative

Rétroactivité

Examinant un projet de loi autorisant la ratification d’un protocole et d’un accord entre le Gouvernement français et l’agence spatiale européenne rela-tifs au centre spatial guyanais, la section a regretté que tant en raison de leur contenu que du retard mis à introduire dans l’ordre juridique interne ce Pro-tocole et cet Accord, ces deux engagements internationaux auront une portée rétroactive manifestement excessive. Cette rétroactivité est d’autant plus regret-table que, d’une part, il s’agit d’engagements internationaux susceptibles de produire des effets à l’égard des tiers et que, d’autre part, alors que l’Accord est entré en vigueur dans l’ordre international depuis le 2 octobre 2006, la procé-dure d’introduction de l’accord en droit interne n’a pas, à la date de l’examen du texte par le Conseil d’État, été menée à son terme faute de publication de son texte au Journal Officiel. Face à une situation aussi fâcheuse conduisant à ce que des engagements internationaux ne fassent effectivement l’objet d’une introduction en droit interne qu’une fois écoulée leur période d’application, la section a invité le Gouvernement à mieux planifier le calendrier d’introduction des traités en droit interne auxquels il a souscrit.

Les stipulations de l’accord entre la République française et le Royaume d’Es-pagne relatif au bureau à contrôles nationaux juxtaposés du Biriatou prévoyant l’entrée en vigueur de cet accord dès sa signature, même à titre provisoire et pour des motifs purement pratiques, si elles ne se heurtent à aucun obstacle constitutionnel, sont un facteur d’insécurité juridique dès lors qu’elles impli-quent le caractère rétroactif de l’approbation ou de la ratification. En outre, elles anticipent sur la position du Parlement. Au surplus, elles sont contraires à la circulaire du Premier ministre du 30 mai 1997 qui prescrit de réserver de telles modalités d’entrée en vigueur aux seuls accords bilatéraux en la forme simplifiée.

Les mêmes critiques sont applicables à des stipulations conventionnelles pré-voyant l’application d’un accord-cadre dès sa signature, alors surtout qu’il s’est écoulé plus de trois ans entre la date de cette signature et celle d’engagement de la procédure de ratification.

Défense

La section a examiné 42 projets de décrets relatifs à la défense, dont 32 consti-tuent la troisième étape d’une démarche d’ensemble relative, pour l’essentiel, à la condition militaire, engagée à l’occasion de la refonte de la loi no 2005-70 du 26 mars 2005 portant statut général des militaires. Ces 32 projets de décret ont pour objet de traduire la volonté du Gouvernement de moderniser la poli-tique des ressources humaines s’appliquant à l’ensemble du personnel militaire en mettant l’exigence de compétence au cœur des parcours professionnels, en simplifiant le recrutement interne et externe, en renforçant l’attractivité et la sélectivité des carrières et en donnant aux militaires les moyens d’un retour à l’activité professionnelle dans la vie civile. Ces projets ont vocation à régir l’ensemble des corps des officiers, des sous-officiers et des militaires engagés. Ils ont reçu un avis favorable. Toutefois, la section a disjoint une disposition aux

121Section des finances

termes de laquelle les élèves admis à l’École spéciale militaire par concours sur titre, c’est-à-dire avec le grade de master et après cinq ans d’études, se voient attribuer, à la sortie de l’École, et lors de leur nomination au grade de lieutenant, une année d’ancienneté dans ce grade. Il est, en effet, exclu que les membres d’un corps puissent légalement faire l’objet, notamment en matière d’ancien-neté de grade dans leur corps, de discriminations statutaires qui procéderaient de distinctions existant entre eux en matière de diplômes, d’études supérieures ou de durée d’études secondaires. De telles distinctions seraient contraires au principe de l’égalité de traitement des membres d’un même corps consacré par la jurisprudence administrative (CE, Ass., 13 mai 1960, Molina et Guidoux).

La section a procédé à la disjonction de dispositions qu’elle a considéré contraires au principe de non-discrimination fondée sur le sexe, notamment pour ce qui est de l’accès des femmes à certains corps militaires, par exemple ceux du corps des sous-officiers et officiers mariniers de carrière des armées et du soutien technique et administratif, ou du corps des officiers de marine et des officiers spécialisés de la marine.

Saisie d’un projet de décret relatif au volontariat militaire, la section a estimé que les dispositions de ce texte relatives aux volontaires du service militaire adapté n’avaient pas à être soumises à la consultation préalable des instances qualifiées des départements et régions d’outre-mer, des collectivités territoriales d’outre-mer ou de la Nouvelle-Calédonie. Elle a en effet considéré qu’alors même qu’elles bénéficient à titre essentiel aux populations d’outre-mer, ces dis-positions, mettant en œuvre le dispositif prévu par l’article L. 4132-12 du code de la défense permettant à des citoyens français satisfaisant à certaines condi-tions, notamment de lieu de naissance ou de résidence, de servir en qualité de militaire d’active aux fins de recevoir une formation professionnelle, portent, par suite, sur une matière relevant de la compétence souveraine de l’État. De telles dispositions n’affectent ni l’organisation ni la compétence des départe-ments et régions d’outre-mer, des collectivités territoriales d’outre-mer ou de la Nouvelle-Calédonie et ne nécessitent aucune mesure d’adaptation pour leur application à ceux-ci.

Économie et finances

Aides d’État

La section a été saisie de plusieurs textes posant la question de la vérification de la notification préalable à la Commission de projets de dispositions créant de nouvelles aides d’État (voir rubrique de l’assemblée générale, page 58).

S’agissant de la fixation du tarif réglementé transitoire d’ajustement au marché applicable aux entreprises électriques ou gazières, la section a considéré que la circonstance que la Commission européenne a ouvert une procédure formelle d’examen de ce tarif, au titre de l’article 88 § 2 du TCE, ne fait pas obstacle à ce qu’un avis favorable soit donné à cet article. En effet, d’une part, à ce stade de la procédure, la Commission se borne à faire état de présomptions sur le fait

122 Activité consultative

que ce tarif constituerait une aide d’État illégale et incompatible avec le marché commun et, d’autre part, la modification de ce tarif est sans aucune incidence sur le débat engagé entre la Commission européenne et la France dans le cadre de la procédure formelle d’examen.

La section a également disjoint dans les lois de finances plusieurs projets de dispositions qui avaient pour objet de créer des régimes d’aides aux opérateurs économiques, au motif que la création d’un régime d’aides, hormis la matière fiscale, ne relève pas des matières entrant dans le domaine de la loi en applica-tion de l’article 34 de la Constitution, non plus que d’aucune autre disposition constitutionnelle.

Assurances

La section a disjoint un article du projet de décret relatif aux plafonds de garan-tie en matière d’assurance des constructions à usage autre que d’habitation et à l’« assurabilité » des ouvrages complexes. Son dispositif prévoyait que, lorsque le contrôle technique obligatoire est complété par une mission spéci-fique visant à l’établissement d’un dispositif d’analyse et de maîtrise des risques de construction, le contrôleur technique communique le détail des dispositifs proposés, ainsi que tous avis et conclusions relatifs à sa mise en œuvre, simul-tanément au maître de l’ouvrage et aux assureurs. Elle a considéré que cette disposition ajoutait illégalement à l’article L. 111-23 du code de la construction et de l’habitation, d’une part, en étendant le champ de la compétence obligatoire du contrôle technique à des missions de conception et d’expertise, que le légis-lateur a expressément exclues de son champ d’intervention et, d’autre part, en remettant en cause le principe selon lequel le maître d’ouvrage est destinataire exclusif des conclusions du contrôleur technique, dans le cadre du contrat qui le lie à ce dernier.

Concurrence

La section a disjoint l’article du projet de décret relatif à la création d’un conseiller-auditeur auprès de l’Autorité de la concurrence, en tant qu’il permet-tait à ce dernier d’intervenir d’office. En effet, elle a estimé que le Parlement, en créant dans l’article L. 461-4 du code de commerce deux alinéas consacrés au conseiller-auditeur auprès de l’Autorité de la concurrence, n’a entendu confier à celui-ci que la mission principale d’entendre les parties devant cette Autorité et d’en tirer les conséquences. Par suite, elle a considéré que, s’il est loisible au conseiller-auditeur d’appeler l’attention du rapporteur général de l’Autorité sur le déroulement d’une procédure, lorsqu’il considère qu’une affaire soulève une question relative au respect des droits des parties, il n’est en revanche pas possible de lui conférer un pouvoir général d’intervention d’office dans toutes les affaires.

123Section des finances

Consommation

À plusieurs reprises, la section a confirmé sa jurisprudence selon laquelle des projets de décret pris en application de l’article L. 214-3 du code de la consom-mation, ayant pour objet de permettre de sanctionner pénalement dans l’ordre interne, sur le fondement de l’article L. 214-2 du même code, les manquements aux dispositions d’un règlement communautaire, peuvent se référer non seu-lement à ce règlement communautaire, mais également à ceux qui viendront ultérieurement le modifier ou le remplacer.

Dans une hypothèse où les dispositions en cause d’un tel règlement commu-nautaire, qui peuvent faire l’objet d’une sanction pénale, ont été modifiées par plusieurs règlements successifs, soit de la Commission européenne (comito-logie), soit du Parlement et du Conseil, la section a considéré que le projet de décret doit, en vertu du principe de légalité des délits et des peines, mentionner l’ensemble de ces règlements modificatifs dans son article premier.

Juridictions financières

Le Conseil d’État, saisi d’un projet de décret portant réforme des procédures juridictionnelles devant la Cour des comptes, les chambres régionales des comptes et la chambre territoriale des comptes de Nouvelle-Calédonie, a consi-déré que ces dispositions ne méconnaissaient ni l’article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, ni la suppression de la règle dite de « l’autosaisine » de la Cour des comptes opérée par les articles 4 et 18 de la loi du 28 octobre 2008 relative à la Cour des comptes et aux chambres régionales des comptes.

Professions réglementées

À l’instar de la section des travaux publics (voir page 140), la section a eu à se prononcer sur la transposition de la directive no 2005/36/CE du Parlement et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles.

Saisie du projet d’ordonnance portant transposition de cette directive, la sec-tion a disjoint l’article 18 qui prévoyait de rétablir, dans la loi du 31 décembre 1949, réglementant la profession de courtier en vins, deux articles subordon-nant l’exercice des libertés de prestation de services et d’établissement, par les ressortissants des États membres de la Communauté européenne ou d’autres États parties à l’accord sur l’EEE, autres que la France, désireux d’exercer cette activité, à la justification, d’une part, de deux années d’exercice de la même activité dans l’un de ces États et au respect, d’autre part, des incompatibili-tés et conditions d’exercice résultant de la même loi de 1949 et du décret du 27 mars 1951 pris pour son application. Alors que la profession réglementée de courtiers en vins n’existe qu’en France, le Conseil d’État a en effet constaté que ces règles d’incompatibilité interdisent notamment l’exercice de toute autre activité d’achat, de vente, ou de négoce de vins ainsi que la collaboration aux journaux consacrés principalement à la viticulture et aux vins. Il a considéré

124 Activité consultative

que de telles règles constituent une restriction à l’exercice, par les candidats à l’activité de courtier en vins, de la liberté d’établissement ou de celle de presta-tion de services, sans qu’apparaissent les motifs d’intérêt général de nature à en justifier la nécessité, la pertinence, et la proportionnalité. Par suite, ce projet ne transposait pas correctement la directive, au cas particulier des courtiers en vins et spiritueux. Pour les mêmes motifs, a été disjoint un projet de décret portant modification du décret précité du 27 mars 1951.

Saisie d’un projet de décret modifiant le décret no 97-558 du 29 mai 1997 rela-tif aux conditions d’accès à la profession de coiffeur, la section lui a donné un avis favorable, sous réserve de l’adjonction de dispositions prévoyant les conditions de validation de l’expérience professionnelle acquise par des res-sortissants français équivalente à celles reconnues pour les ressortissants d’un État membre de la Communauté européenne ou d’un autre État partie à l’accord sur l’EEE. Constatant que l’article 1er du décret du 29  mai 1997 édicte des conditions de diplôme ou de titre de formation, mais ne prévoit aucune recon-naissance de l’expérience professionnelle préalable des coiffeurs en France, la section a considéré que la transposition en droit interne de la directive 2005/36/CE du 7 septembre 2005, relative à la reconnaissance des qualifications profes-sionnelles, par le projet de décret qui lui a été soumis, conduisait à créer une dif-férence de traitement entre, d’une part, les ressortissants d’un État, membre ou partie, qui auraient pu exercer le contrôle effectif et permanent d’une entreprise de coiffure, ou la coiffure au domicile des particuliers en France, si l’intéressé justifiait avoir exercé l’activité de coiffure pendant la durée définie dans le projet de décret, dans un autre État, membre ou partie et, d’autre part, les ressortissants nationaux, qui, faute de détenir les diplômes ou titres prévus à l’article 1er du décret du 29 mars 1997, ne sont pas considérés comme professionnellement qualifiés en application de la législation en vigueur. Aucune raison impérieuse d’intérêt général suffisante ne paraît pouvoir justifier une telle différence de traitement au détriment des coiffeurs établis en France.

Spectacles, sports et jeux – Jeux en ligne – Ouverture à la concurrence

La section a été saisie par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique d’une demande d’avis relative, d’une part, à la possibilité d’instituer une différence de taxation selon que l’activité de jeux est réalisée dans le réseau physique ou en ligne, ou selon le type de jeux ou de paris et, d’autre part, à l’incidence des conventions fiscales bilatérales liant la France aux autres États membres de la Communauté européenne.

Urbanisme commercial

Le Conseil d’État a proposé de modifier un article du projet de loi de modernisa-tion de l’économie ayant pour objet de réformer l’urbanisme commercial tout en maintenant un régime d’autorisation préalable distinct du permis de construire, à l’effet d’assurer sa conformité avec le droit communautaire. En effet, le projet est apparu insuffisant et inadapté pour répondre aux griefs notifiés par la Com-mission européenne et pour rendre la législation de l’urbanisme commercial

125Section des finances

conforme aux exigences du droit communautaire. En premier lieu, la substi-tution aux critères visant à l’équilibre entre les formes de commerce, des seuls critères d’aménagement du territoire et de développement durable, sans autre précision, est apparue insuffisante au regard des exigences constitutionnelles de clarté et d’intelligibilité de la loi. Les motifs d’intérêt général susceptibles de porter atteinte à la liberté d’entreprendre doivent être définis avec une précision suffisante par le législateur. Cette double exigence de précision et de clarté doit être prise en compte pour assurer la conformité du dispositif au droit commu-nautaire. En deuxième lieu, les considérations relatives à l’aménagement du territoire et au développement durable, ainsi qu’à la protection du consom-mateur, constituent des raisons impérieuses d’intérêt général susceptibles de fonder les restrictions aux libertés d’entreprendre et d’établissement, dès lors qu’elles sont précisées par les critères énumérés dans la rédaction retenue par le Conseil d’État. En dernier lieu, l’objectif de protection des consommateurs est également nécessaire à la conformité du dispositif projeté avec les exigences résultant du traité CE, en particulier celles énoncées à ses articles 81 et 82.

Fonctionnaires et agents publics

La section n’a eu à connaître que des textes relatifs aux fonctionnaires et aux agents publics qui ont été enregistrés à son secrétariat avant le 1er octobre 2008, date d’installation de la section de l’administration, de la compétence de laquelle ils ressortissent depuis cette date.

Agents non titulaires – Reconduction du contrat pour une durée indéterminée – Notion de contrats successifs

La section a, au titre d’une demande d’avis présentée par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, précisé la notion de « contrats successifs » permettant la reconduction du contrat d’un agent non titulaire pour une durée indéterminée, en se fondant sur les normes communautaires et natio-nales pertinentes, ainsi que sur l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP (avis no 381.097 du 11 mars 2008, page 303).

Autorités administratives indépendantes

La section, saisie d’un projet de décret relatif aux dispositions générales appli-cables aux agents non titulaires de l’État, a estimé qu’aux fins de préserver l’indépendance des autorités administratives indépendantes dépourvues de la personnalité morale, il est nécessaire que de telles autorités puissent créer des commissions consultatives paritaires dans les conditions et selon les modali-tés qu’elles définiront elles-mêmes. Elle a ajouté une disposition en ce sens au projet.

126 Activité consultative

Comités techniques paritaires

Saisie de deux projets de décret ayant pour objet de confier au ministre de l’im-migration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement, auprès desquels ils sont affectés, les actes de gestion courante de certains personnels relevant des ministères chargés des affaires sociales, d’une part, du ministère des affaires étrangères, d’autre part, la section a estimé que la consultation du comité technique paritaire ministériel commun des ministères chargés des affaires sociales, dans un cas, et du comité technique paritaire ministériel du ministère des affaires étrangères, dans l’autre, était nécessaire mais insuffisante. En effet, les dispositions qui organisent le transfert de ces ministères au ministère affectataire des actes de gestion courante relatifs à ces personnels affectent le fonctionne-ment, non seulement de l’administration centrale des ministères qui délèguent, mais également de celle du ministère affectataire. En application de l’article 13 du décret no 82-452 du 28 mai 1982 relatif aux comités techniques paritaires, qui dis-pose que le comité technique paritaire ministériel « examine les questions intéres-sant l’ensemble des services centraux et déconcentrés du département ministériel considéré », la consultation du comité technique paritaire ministériel du ministère de l’immigration était par suite nécessaire. En l’espèce, toutefois, en application de la théorie des formalités impossibles, la section a admis que cette consultation n’avait pu avoir lieu, le comité technique paritaire ministériel du ministère de l’immigration n’ayant pas encore été constitué.

Consultation – Conseil supérieur de la fonction publique de l’État

La section a considéré qu’un projet de décret ayant pour objet de modifier les statuts particuliers de plusieurs corps de fonctionnaires afin d’introduire la possibilité pour les fonctionnaires concernés d’exercer leurs fonctions dans un autre département ministériel que celui dont ils relèvent pour leur gestion, doit être soumis au Conseil supérieur de la fonction publique de l’État, en applica-tion de l’article 13 du décret 82-450 du 28 mai 1982 relatif au Conseil supérieur de la fonction publique.

De même, un projet de décret, modifiant le décret du 19 mai 2003 portant statut du corps de l’inspection générale de l’administration des affaires culturelles et le décret du 1er août 2003 portant organisation de l’inspection générale de l’ad-ministration des affaires culturelles, et prévoyant l’obligation pour les membres de l’inspection générale de servir pendant deux ans dans le corps avant de pou-voir être placés dans une autre position statutaire, doit être soumis au Conseil supérieur de la fonction publique de l’État, en application de l’article 10 de la loi du 11  janvier 1984, eu égard à la dérogation au statut général qu’apporte cette condition de durée minimale de services.

Au vu, d’une part, de sa propre jurisprudence relative à la répartition des com-pétences consultatives en matière statutaire entre le comité technique paritaire (CTP) et le conseil supérieur de la fonction publique de l’État (CSFPE) (com-mission des statuts) et, d’autre part, de la rédaction de l’article 14 du décret du 28 mai 1982 issue du décret no 2006-1037 du 22 août 2006, la section a estimé que les dispositions du 5° de l’article 2 – reprises au a) de l’article 13, s’agissant des compétences de la commission des statuts, du décret no 82-450

127Section des finances

du 28 mai 1982 modifié relatif au Conseil supérieur de la fonction publique de l’État (CSFPE), aux termes desquelles le CSFPE (commission des statuts) est saisi « des projets de décrets comportant des dispositions statutaires communes à plusieurs corps de fonctionnaires de l’État sauf lorsque, par application de l’article 14 du décret no 82-452 du 28 mai 1982, ces projets relèvent de la com-pétence d’un seul comité technique paritaire ministériel ou d’un seul comité technique paritaire central d’établissement public », continuent de s’interpréter dans le sens qu’un projet de décret qui se borne à ouvrir un corps de fonction-naires à un ou plusieurs autres corps (fusion de corps pour créer un nouveau corps ou intégration d’un corps dans un autre corps existant), ou intégrant des agents non titulaires dans un corps de fonctionnaires, relève de la compétence de l’organisme consultatif compétent pour examiner les dispositions statu-taires applicables au corps d’accueil. Elle a considéré que la décision rendue au contentieux le 3 novembre 2006 (Syndicat CFDT de la caisse nationale mili-taire de sécurité sociale, no 278367), ne conduit pas à modifier cette analyse, dès lors que le décret attaqué, qui avait pour objet de fusionner plusieurs corps, modifie également un texte transversal à la catégorie B justifiant la compétence consultative du CSFPE (commission des statuts).

Détachement

Si aucune norme de niveau législatif ne fait obstacle à ce que le détachement d’un fonctionnaire soit prononcé sans l’intervention d’un arrêté du ministre dont relève ce fonctionnaire dans son corps d’origine, une nouvelle dérogation apportée à la règle énoncée à l’article 15 du décret no 85-986 du 16 septembre 1985 relatif au régime particulier de certaines positions des fonctionnaires de l’État et à certaines modalités de mise à disposition et de cessation définitive de fonctions, selon laquelle tout détachement de fonctionnaire est prononcé par arrêté du ministre dont il relève, ne peut être admise qu’à la condition que son champ en soit précisément défini. Par suite, la section a disjoint un article du projet de décret modifiant le décret précité du 16 septembre 1985 qui prévoyait que « la nomination ou le renouvellement dans les fonctions des fonctionnaires de l’État dans un des emplois mentionnés dans l’annexe au décret du 10 juillet 1948 vaut détachement dans ledit emploi. »

Égalité de traitement des membres d’un même corps

Saisie d’un projet de décret relatif au statut particulier du corps des administra-teurs des affaires maritimes, la section a été amenée à faire application du prin-cipe d’égalité de traitement des membres d’un même corps, principe reconnu par la jurisprudence administrative (CE, Ass., 6 mars 1959, Syndicat général de l’administration centrale du ministère des finances) et inclus dans l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. En effet, ce principe fait obstacle à ce que des règles d’avancement discriminatoires puissent être légalement établies au détriment de certains agents, à moins que des circons-tances exceptionnelles ne les légitiment, dans l’intérêt du service (CE, 15 avril 1983, Ancelin et autres). Ainsi, l’institution d’une bonification d’ancienneté de deux ans pour les professeurs demandant à bénéficier de l’intégration dans le corps des administrateurs des affaires maritimes n’a pas été considérée comme constituant une circonstance exceptionnelle légitime.

128 Activité consultative

Engagement de servir l’État

À l’occasion de l’examen d’un projet de décret relatif aux modalités de mise en œuvre de l’obligation de remboursement des agents ayant un engagement de servir au sein de la fonction publique de l’État, pris en application de l’article 24 de la loi du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonction-naires, la section a rappelé la nécessité, pour le Gouvernement, de prendre les décrets comparables d’application de cet article pour les fonctions publiques territoriale et hospitalière. Faute de l’avoir fait dans un délai raisonnable, le Gouvernement engagerait, en effet, la responsabilité de l’État.

Impôts, taxes et redevances

Compétence des agents des impôts

Saisi d’un article du projet de loi de finances rectificative pour 2008 permettant l’habilitation d’agents des impôts à effectuer des enquêtes judiciaires, le Conseil d’État a estimé que leur compétence devait être définie de manière claire et ne pouvait dépendre de circonstances dans lesquelles ont été commises les infrac-tions fiscales prévues aux articles 1741 et 1743 du code général des impôts. Par suite, la compétence de ces agents s’étend aux infractions prévues par ces deux articles, les circonstances dans lesquelles l’infraction a été commise n’ayant pour seule conséquence que de déterminer la procédure suivie devant la com-mission des infractions fiscales.

Compétence fiscale de la Polynésie française

La section a été saisie, en application de l’article  175 de la loi organique no 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie fran-çaise, d’une demande d’avis portant sur la compétence de ce pays d’outre-mer au sein de la République pour instituer une taxe destinée à financer l’exercice de missions régaliennes déléguées en matière de police et sécurité de l’aviation civile (avis no 381.644 du 2 septembre 2008, page 323).

Droit de communication

À l’occasion de l’examen d’un article du projet de loi de finances rectifica-tive pour 2008 relatif à la lutte contre la fraude dans le secteur de l’Internet et prévoyant, dans un nouvel article L.  96  F introduit par cet article dans le livre des procédures fiscales, de permettre aux agents des impôts de se faire communiquer les données traitées et conservées, le Conseil d’État a observé certes, en premier lieu, que les dispositions de l’article L.  34-1 du code des postes et télécommunications et celles de l’article 6 de la loi no 2004-575 du 21  juin 2004 font obligation aux catégories d’opérateurs de communications électroniques qu’elles mentionnent de conserver les données dont les agents des

129Section des finances

impôts pourront demander communication, et précisent sous quelles réserves de telles données peuvent être communiquées ; mais que, en second lieu, il n’en va pas de même pour les services de communications électroniques en application du règlement (CE) no 1777/2005 du Conseil du 17 octobre 2005, relatif à la taxe sur la valeur ajoutée et qui ne comportent aucune obligation de conservation de données. Le Conseil a, par suite, précisé dans le projet d’article, pour les services mentionnés à l’article 11 de ce règlement, d’une part, que l’obligation de communication ne peut porter que sur des données traitées pour lesquelles existe une obligation légale de conservation et, d’autre part, que des restrictions doivent être apportées à ce droit de communication des agents des impôts. À cet effet, ces agents ne doivent pas être en mesure d’obtenir des données relatives aux acheteurs dans le cas de la vente en ligne, et le droit de communication ne peut s’appliquer au contenu des échanges électroniques, dans le cas des services mentionnés au e) du 2 de l’article 11 du règlement susmentionné.

Impôt sur les revenus et les bénéfices

Un projet de loi prévoyant un dispositif optionnel de versement libératoire de l’impôt sur le revenu afférent aux activités commerciales ou non commerciales des entreprises relevant du régime des micro-entreprises, dont le chiffre d’af-faires ou les recettes ne dépassent pas les seuils prévus par ce régime et qui est assis sur le chiffre d’affaires, est admissible sous le bénéfice des observations suivantes :– même si son bénéfice est limité aux contribuables relevant du régime de la micro-entreprise mais se situant en deçà d’une certaine tranche du barème de l’impôt sur le revenu, il ne méconnaît pas le principe d’égalité devant l’impôt compte tenu de l’objet de la mesure et de l’objectif poursuivi, alors même que l’ensemble des contribuables placés sous ce régime sont dans la même situa-tion ;– en ce qu’elles instituent un versement libératoire de l’impôt sur le revenu, les dispositions du projet ne méconnaissent pas le principe constitutionnel de progressivité de cet impôts dans la mesure où elles en réservent le bénéfice aux contribuables disposant des revenus les plus faibles et font application du méca-nisme du taux effectif d’imposition ;– même si l’option offerte aux contribuables est complexe et devra être faite sans avoir connaissance du chiffre d’affaires qui sera effectivement réalisé, le dispositif projeté ne méconnaît pas le principe constitutionnel de clarté et d’in-telligibilité de la norme, compte tenu notamment de la connaissance, par les intéressés, de leur revenu fiscal de référence.

Les contribuables domiciliés fiscalement en France bénéficient, sous certaines conditions, d’une réduction d’impôt sur le revenu égale à 24  % des intérêts d’emprunt qu’ils ont contractés pour acquérir, dans le cadre d’une opération de reprise, une fraction du capital d’une société non cotée sur un marché régle-menté. A été jugé conforme à la Constitution un projet ayant pour objet d’abais-ser, de 50 à 25 % au moins des droits de vote, le seuil de détention minimal du capital dans la société reprise. En effet, bien que ce nouveau taux n’implique plus l’exigence d’un contrôle de cette société ou la détention d’une minorité de blocage, il ne méconnaît pas le principe d’égalité devant l’impôt compte tenu, d’une part, de l’objectif poursuivi par le législateur et visant à faciliter la trans-

130 Activité consultative

mission d’entreprises dans des conditions permettant d’assurer leur pérennité et la stabilité de leur actionnariat et, d’autre part, de l’ensemble des autres condi-tions requises pour bénéficier de cette réduction d’impôt.

Lois de validation

Saisi d’un article du projet de loi de finances rectificative pour 2008, qui modi-fie pour l’avenir les règles d’évaluation de la valeur locative, pour l’établisse-ment de la taxe foncière sur les propriétés bâties, des établissements industriels mentionnés à l’article 1499 du code général des impôts, ce projet revenant sur l’interprétation qui avait été faite par le Conseil d’État statuant au contentieux dans une décision no 286307 du 7 juillet 2006, le Conseil d’État a disjoint la dis-position du projet d’article procédant à la validation législative des impositions établies jusqu’en 2008, en contrariété avec cette jurisprudence. Il a estimé, en premier lieu, que cette validation ne repose pas sur un motif d’intérêt général suffisant autorisant le législateur à faire obstacle aux effets de décisions de jus-tice à venir, dès lors, d’une part, que les pertes de recettes fiscales invoquées par le Gouvernement concernent un nombre limité de collectivités territoriales et, d’autre part, que le nombre des réclamations susceptibles d’être déposées par les contribuables avisés de la jurisprudence précitée n’est pas tel qu’il risquerait de perturber l’activité du service des impôts et de la juridiction administrative. Outre le défaut de conformité à la Constitution de la validation envisagée, le Conseil d’État a relevé, en second lieu, que les contribuables concernés pour-raient, à bon droit, se prévaloir, sinon d’une créance, à tout le moins d’une « espérance légitime », au sens que donne de ces mots la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, d’obtenir la décharge d’impositions établies en contrariété avec la jurisprudence précitée. Par suite, étant titulaires d’un bien, au sens des stipulations de l’article premier du protocole no  1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des liber-tés fondamentales, ces contribuables pourraient utilement invoquer la mécon-naissance de ces stipulations par la loi de validation. En l’absence de motifs d’intérêt général suffisant, le Conseil d’État a estimé que cette méconnaissance résulterait, a fortiori, de l’absence de motifs impérieux d’intérêt général justi-fiant l’intervention du législateur.

Lutte contre les « paradis fiscaux »

Le Conseil d’État a admis que l’amende pour méconnaissance de l’obligation déclarative des comptes ouverts, utilisés ou clos à l’étranger, soit substantiel-lement augmentée lorsque cette obligation déclarative concerne un État ou un territoire qui n’a pas conclu avec la France une convention d’assistance admi-nistrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscale permettant l’accès aux renseignements bancaires. Toutefois, il a estimé que cette amende fiscale ne pouvait être fixée à un tel niveau (10 000 euros), sans que soit prévue par la loi une gradation permettant de tenir compte, notamment, du montant de l’éva-sion fiscale permise par le défaut de déclaration, ainsi que des motivations de ce dernier. Par suite, il a introduit une disposition permettant de proportionner cette amende en fonction de l’ampleur et de la gravité de l’infraction commise.

131Section des finances

Redevances

Saisi d’un article de projet de loi de finances rectificative instaurant une rede-vance minière en Guyane, le Conseil d’État a relevé que la possibilité ouverte aux seules petites et moyennes entreprises de déduire de la redevance, dans la limite de 45 %, certains investissement environnementaux révèle une différence de traitement entre entreprises caractérisant une rupture du principe d’égalité qui n’est pas justifiée eu égard à l’objet de la mesure, les préoccupations écolo-giques devant concerner toutes les entreprises.

Rescrit fiscal

Le Conseil d’État a donné un avis favorable à un projet de modification de l’article L. 80 B du livre des procédures fiscales, dont le 3° prévoit la possibi-lité de provoquer une prise de position de l’administration, pour faire échec à tout rehaussement d’une imposition primitive, sur l’appréciation que celle-ci a porté sur une situation de fait au regard du texte fiscal (crédit impôt-recherche). Il a estimé que la faculté donnée au contribuable de saisir de cette question un « organisme chargé de soutenir l’innovation » désigné par décret en Conseil d’État, dont l’avis lierait l’administration fiscale quant à l’appréciation du carac-tère scientifique et technique du projet de recherche envisagé, ne porte atteinte à aucun principe de valeur constitutionnelle. Il a considéré, qu’en dépit de la cir-constance que cet organisme puisse être une personne privée, les dispositions du projet de loi ne méconnaissent pas le principe d’égalité devant l’impôt, eu égard, d’une part, à la garantie représentée par la désignation de cet organisme par décret en Conseil d’État et, d’autre part, à la portée limitée de l’avis rendu, qui réserve à l’administration fiscale le soin d’apprécier toutes les autres conditions posées par l’article 244 quater B pour bénéficier du crédit impôt-recherche.

Rétroactivité

Lors de l’examen des modifications apportées à l’article 238 bis AB du code général des impôts relatif à la déduction fiscale en faveur des entreprises qui achètent des œuvres originales d’artistes vivants pour les exposer au public ou des instruments de musique, le Conseil d’État a estimé que la remise en cause de la déduction, lorsque les conditions de la déductibilité ne sont plus rem-plies, ne doit pas s’opérer à titre rétroactif. L’obligation de réintégrer, au résultat imposable de l’exercice au cours duquel ces conditions ne sont plus satisfaites, le total des sommes qui ont été légalement déduites pendant la période où la déductibilité était justifiée serait contraire au principe de sécurité juridique

Système commun de taxe sur la valeur ajoutée

Ont été disjointes les dispositions d’un projet d’article fiscal prévoyant l’appli-cation du taux réduit de 5,5 % de TVA à la fourniture de chaleur produite à partir de la biomasse, de la géothermie, des déchets ou d’énergie de récupération, au motif que, en méconnaissance de l’article 5-2 de la directive 2006/112/CE du

132 Activité consultative

Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun sur la TVA, il n’avait pas été procédé, au jour où le Conseil d’État a examiné le projet d’article, à l’in-formation préalable de la Commission européenne, qui doit se prononcer sur l’existence d’un risque de distorsion de concurrence. En effet, la décision de la Commission n’est réputée positive qu’à l’expiration d’un délai de trois mois à partir de la réception par elle de l’information.

Taxe foncière sur les propriétés non bâties

Saisi d’un projet d’article ayant pour objet d’offrir aux collectivités territoriales la possibilité d’instituer une exonération de la taxe foncière sur les propriétés non bâties des terrains agricoles exploités selon le mode de production biolo-gique, le Conseil d’État a considéré que cet avantage, dès lors qu’il est consenti aux seuls propriétaires des terres exploitées selon ce mode de production, qu’ils en soient ou non les exploitants, n’est pas compatible avec le principe d’égalité devant les charges publiques. Dès lors, il a inséré dans le code rural une dis-position imposant aux propriétaires, dans le cas où les terrains ouvrant droit à l’exonération de la taxe foncière ainsi prévue sont donnés à bail, l’obligation de rétrocéder aux preneurs l’intégralité de l’avantage fiscal accordé.

Organisation et gestion de l’administration

Établissement public

L’assemblée générale, au rapport de la section, a délibéré d’une demande d’avis du ministre des affaires étrangères et européennes portant sur la question de savoir si, au regard notamment de l’incompatibilité des fonctions gouverne-mentales avec l’exercice de tout emploi public ou de toutes activités profes-sionnelles et de l’autonomie reconnue à l’Agence française de développement (AFD) en tant qu’établissement financier spécialisé, il est légalement possible de confier directement au ministre chargé de la coopération la présidence du conseil d’administration de cet établissement public.

133Section des finances

Statistiques

Entre le 1er  janvier et le 31 décembre 2008, la section a tenu 101 séances et examiné 299 textes.

9 affaires relevant de sa compétence ont été examinées par la commission per-manente et 15 textes ont été soumis à l’assemblée générale.

Tableau 1Répartition par nature des textes examinés

2004 2005 2006 2007 2008

Lois 74 60 48 67 62Ordonnances 18 17 5 4 13Lois du pays 4 5 7 5 6Décrets réglementaires 219 289 333 260 191Décrets individuels, arrêtés et décisions 0 0 0 0 0Remises gracieuses 49 34 35 58 21Avis 5 3 6 5 6Total 369 408 434 399 299

Tableau 2Répartition par ministère d’origine des textes examinés

Ministère d’origine

Loi

s

Ord

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nces

Loi

du

pays

Déc

rets

glem

enta

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Tota

l

Affaires étrangères 51 1 3 - - 1 56Affaires sociales - - 3 - - - 3Agriculture - - 2 - - - 2

Budget 4 - 13 - 21 2 40Commerce et artisanat - - 9 - - - 9Consommation 1 1 8 - - - 10Culture et communication - - 2 - - - 2Défense - - 44 - - - 44DOM-TOM - 1 6 - - - 7Écologie - - 2 - - - 2Économie 4 10 59 - - 1 74Éducation nationale - - 6 - - - 6Enseignement supérieur et recherche (18/05/07) - - 3 - - - 3Equipements et transports - - 2 - - - 2Fonction publique 1 - - 15 - - 1 17Intérieur - - - 3 - - - 3Intérieur, outre-mer (créé depuis le 18/05/07) - - - 5 - - 1 6Justice - - - 4 - - - 4Premier ministre 1 - - 3 - - - 4Santé - - - 4 - - - 4Transports - - - 1 - - - 1Total 62 13 6 187 0 21 6 299

134 Activité consultative

Tableau 3Répartition par matière des textes examinés

Matières 2008

Accords internationaux 51Assurance 8Collectivités territoriales hors FPT 1Commerce, industrie, intervention de la puissance publique 28Comptabilité publique 9Consommation 16Contributions, taxes 21Crédit, banque, instruments financiers, monnaie 28Débets 21Défense 4Douanes 2FP 95Marchés et contrats 2Pensions 2Pouvoirs publics 11Total 299

Tableau 4Délais d’examen des projets de loi, d’ordonnance et de décrets réglementaires

Moins de15 jours

De 15 joursà 1 mois

De 1 moisà 2 mois

Plus de2 mois

Total

Projets de loi 5 14 35 8 62Projets d’ordonnance 2 1 8 2 13Projets de décret 29 30 62 70 191

135Section des travaux publics

Section des travaux publics

Au cours de l’année 2008, la section des travaux publics a tenu 77 séances et examiné 168 textes et 2 demandes d’avis publiés dans le présent rapport. Parmi ces textes, 7 projets de lois et 155 projets de décrets réglementaires. Le nombre de textes examinés est ainsi en diminution sensible par rapport aux deux années précédentes. Ce chiffre ne traduit toutefois que très imparfaitement l’activité de la section ; en effet certains textes, particulièrement longs et délicats, telle la loi portant engagement national pour l’environnement, ont impliqué un travail et un nombre de séances et de rapporteurs correspondant à l’examen de plusieurs textes. Ce phénomène apparaît clairement si l’on rapproche l’évolution du nombre des séances de 2007 à 2008 (– 10  %) de celle du nombre de textes (– 33  %). Il convient également de relever que certains textes lourds ont mobilisé la section alors que le Gouvernement a finalement décidé leur report (code des transports).

La diminution du nombre de textes examinés touche particulièrement les décrets réglementaires. Cette diminution sectorielle traduit pour une part l’achèvement de plusieurs cycles de rédaction de décrets d’application de grandes lois : lois relatives à l’agriculture, à l’environnement (décrets relatifs notamment à l’eau) et à l’énergie nucléaire en particulier. Les lois votées par le Parlement ou exa-minées par la section en 2008 devraient amorcer de nouveaux cycles. Elle est pour une autre part la conséquence de processus de concertation ou de réorga-nisation de l’administration centrale de l’État : ainsi le déroulement du Grenelle de l’environnement et la réorganisation des administrations de l’équipement, des transports et de l’environnement se sont traduits par une baisse sensible des saisines concernant ces secteurs pendant le premier semestre 2008 puis par un afflux de textes législatifs et réglementaires plus ou moins volumineux à traiter dans l’urgence à la fin du second semestre.

Les principaux points de droit sur lesquels la section s’est prononcée au cours de cette année sont résumés ci-dessous.

Actes

Compétence

■ Compétence territoriale – Dérogation au profit des préfets

À deux reprises, la section a examiné des projets de décret du Premier ministre confiant à certains préfets de département ou de région des missions excé-

136 Activité consultative

dant leur champ géographique de compétence tel qu’il est défini par le décret no 2004-374 du 29 avril 2004 qui est un décret en Conseil des ministres.

1° Dans le cas du projet modifiant le décret no 94-894 du 13 octobre 1994 rela-tif à la concession et à la déclaration d’utilité publique des ouvrages utilisant l’énergie hydraulique, décret qui institue une fonction de préfet coordonnateur et en définit les compétences et que le décret du 29 avril 2004 n’a pas entendu abroger, la section a admis la légalité du décret qui lui était soumis et qui se bor-nait à modifier les critères permettant de déterminer, pour chaque concession, le préfet coordonnateur.

2° En revanche, saisie d’un projet de décret modifiant le décret no 2007-1167 du 2 août 2007 relatif au permis de conduire et à la formation à la conduite des bateaux de plaisance à moteur et le décret no 91-731 du 23 juillet 1991 relatif à l’équipage et à la conduite des bateaux circulant ou stationnant sur les eaux intérieures, la section a relevé que les dispositions du décret du 2 août 2007 qui donnent une compétence interrégionale à six préfets, notamment pour la déli-vrance des titres de conduite, sont dérogatoires au décret du 15 janvier 1997 et ne relèvent pas des décisions pour lesquelles le décret du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets prévoit la possibilité d’attribuer à un préfet une compé-tence interrégionale ou interdépartementale.

Les nouvelles dispositions prévues pour l’achèvement de la transposition de la directive 2005/36 du 7 décembre 2005 ayant pour effet d’étendre les missions pour lesquelles ces six préfets disposaient, en vertu du décret du 2 août 2007, d’une compétence territoriale à caractère dérogatoire, la section a estimé que cette extension des compétences allait au-delà du simple prolongement de la compé-tence dérogatoire instituée à leur profit par les dispositions initiales du décret et, donc, qu’elle ne pouvait intervenir que par décret en Conseil des ministres.

Ces exemples conduisent la section à inviter le Gouvernement à vérifier si les règles de compétence fixées par les décrets du 15 janvier 1997 et du 29 avril 2004 ne devraient pas être amendées pour permettre d’attribuer à certains pré-fets, dans des cas plus fréquents et plus diversifiés qu’actuellement, des pou-voirs de coordination ou de décision excédant leur ressort géographique. Cette réflexion accompagnerait utilement les efforts de l’État en matière de rationali-sation de structures administratives déconcentrées.

■ Domaine respectif de la loi et du règlement

1° Lors de l’examen d’un projet de décret relatif aux redevances perçues par les offices de l’eau des départements d’outre-mer, la section a renoncé à compléter le projet et à prévoir des dispositions organisant une procédure de réclamation contre l’assujettissement aux redevances ou contre le montant de ces dernières ou de remise de celles-ci faute pour le législateur d’avoir posé les principes d’une telle procédure et d’avoir renvoyé au pouvoir réglementaire le soin d’en préciser les modalités.

2° En revanche elle a relevé l’existence d’une base légale suffisante pour :– donner un caractère réglementaire au plan départemental de protection et de gestion des ressources piscicoles qui organise la gestion des ressources pisci-coles en eau douce dans l’article L. 434-4 du code de l’environnement ;– réglementer le transfert de déchets radioactifs ou de combustible nucléaire usé ; dans le premier cas, cette base est constituée par les articles L. 541-40 et

137Section des travaux publics

L. 5 41-4 du code de l’environnement ; dans le second, par les articles L. 1331-2 du code de la défense et L. 1333-2 et L. 1333-4 du code de la santé publique ;– prévoir l’inscription obligatoire des sociétés d’experts fonciers et agricoles et d’experts forestiers sur la liste professionnelle prévue à l’article L.  171-1 du code rural dans les dispositions de l’article 1er de la loi du 29  novembre 1966 relative aux sociétés civiles professionnelles et de l’article 3 de la loi du 31 décembre 1990 relative aux sociétés d’exercice libéral ;– régler de façon différente les conditions de maintien du service à l’abonné en cas d’impayés d’électricité ou de téléphone en application de l’article L. 115-3 du code de l’action sociale et des familles.

■ Transfert de compétences ou de propriété de l’État aux collectivités territoriales

Lors de l’examen d’un projet de décret modifiant certaines dispositions relatives aux sociétés d’aménagement régional, la section a été conduite à examiner la portée de l’article 36 de la loi no 2004-609 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales qui permet aux régions, à leur demande, de devenir propriétaires des biens situés sur leur territoire et concédés par l’État aux socié-tés d’aménagement régional et, plus précisément, la question de savoir si cet article emporte un transfert de biens ou un transfert de compétence de l’État à la région.

Si en transférant à la région la propriété des biens que l’État avait concédés aux sociétés d’aménagement régionales, l’État transfère également la compétence liée à l’aménagement, l’entretien et la gestion de ces biens (alinéa 2 du I de l’article 36), la loi dans le quatrième alinéa du même article spécifie que « les transferts sont réalisés à titre gratuit et ne donnent lieu au paiement d’aucune indemnité, droit, taxe, salaire ou honoraire ». Par ailleurs, aucun transfert de personnel de l’État aux régions n’est prévu, les sociétés d’aménagement régio-nal qui sont des sociétés d’économie mixte, disposant de leur personnel propre.

Dans ces conditions, la section a considéré que l’on se trouvait en présence d’un simple transfert de propriété et que, par suite, l’avis du comité des finances locales requis par l’article L. 1211-4-1 du code général des collectivités territo-riales n’avait pas à être pris.

Procédure consultative

■ Consultations obligatoires

Deux dossiers ont donné l’occasion de préciser certains cas de consultation obligatoire.

Lors de l’examen du projet de loi relatif au transfert aux départements des parcs de l’équipement et à l’évolution de la situation des ouvriers des parcs et ate-liers il a été estimé que la consultation du Conseil supérieur de la fonction publique de l’État, qui n’était obligatoire que sur celles des dispositions du projet relatives à la situation des personnels, ne pouvait dispenser le Gouver-nement, par application de l’article 2 du décret no 82-450 du 28 mai 1982, de consulter le comité technique paritaire ministériel sur les autres dispositions du texte, qui sont relatives aux « problèmes généraux d’organisation des ser-

138 Activité consultative

vices » et aux « conditions générales de fonctionnement des services » au sens des dispositions de l’article 12 du décret no 82-452 du même jour.

De même, lors de l’examen du projet de décret modifiant le décret relatif aux redevances d’utilisation du réseau ferré national, il a été estimé que la consulta-tion du Conseil de la concurrence était nécessaire sur le fondement de l’article L. 410-2 du code de commerce dès lors que le projet de décret tendait à modifier en profondeur un régime de redevances pour services rendus, perçues par un service public industriel et commercial exploitant une infrastructure essentielle, qui peut être assimilé à une réglementation en matière de prix.

■ Régularité des consultations

La section a également dû rappeler certaines règles relatives à la composition et à la régularité de la consultation d’organes collégiaux.

Comme les années précédentes, la section a rappelé au Gouvernement que la légalité d’une prorogation des mandats des membres composant une instance consultative était subordonnée à la condition que ces mandats ne soient pas encore échus à la date de la prorogation et que cette prorogation devait être fon-dée sur des motifs d’intérêt général suffisant et d’une durée cohérente avec ces motifs. Elle a également rappelé qu’un avis, pour être régulier, devait émaner de l’organe collégial lui-même et non de son président.

De manière plus inhabituelle, elle a dû relever l’irrégularité d’une consulta-tion individuelle écrite ou orale des membres de l’instance collégiale ou d’une consultation par voie électronique lorsqu’un tel mode de consultation n’est pas prévu par les textes statutaires relatifs à l’organisme en cause ou, lorsque prévu, il ne permet pas d’assurer la collégialité de la délibération.

Par ailleurs, les difficultés rencontrées par l’administration dans la constitu-tion des organes consultatifs et dans l’obtention d’avis régulièrement émis ont conduit la section à inviter le Gouvernement à prévoir des mandats d’une durée suffisante lorsque la procédure de désignation des membres de l’instance est complexe (Haut Conseil des biotechnologies) et à prévoir dans certains cas des modalités de consultation adaptées à l’urgence.

Commande publique

Exception « in house »

À l’occasion de l’examen du projet de loi relatif à la création de l’Agence de services et de paiement et de l’Établissement national des produits de l’agri-culture et de la mer, l’assemblée a estimé que les règles d’organisation et les missions confiées à l’Agence, qui se substituait notamment au CNASEA, carac-térisaient entre l’établissement et l’État une relation in house au sens de la juris-prudence de la CJCE Teckal Srl du 18 novembre 1999 (C-107/98) de nature à écarter l’obligation de mise en concurrence dans les relations entre l’État et son établissement public mais qu’il n’en était pas de même entre les collectivités territoriales et les autres établissements publics et cet établissement.

139Section des travaux publics

Publicité et mise en concurrence – Concession d’autoroutes

Lors de l’examen du projet de décret approuvant la convention de concession passée entre l’État et la société ALICORNE, attributaire de la concession de l’autoroute A 88, la section a relevé que, bien que cette société ne soit pas une société à capitaux majoritairement publics et ne doive pas par suite, ainsi que l’a indiqué l’assemblée générale du Conseil d’État dans un avis du 16 mai 2002 sur les contrats d’exploitation des installations commerciales sur les aires de ser-vice situées sur le réseau autoroutier (no 366305), être regardée comme un orga-nisme de droit public au sens du droit communautaire, cela n’a pas pour effet de soustraire la passation de ses marchés attribués à des entreprises tierces à une procédure de publicité préalable. D’une part, les articles 63 et 64 de la directive 2004/18, applicables aux concessionnaires de travaux, imposent des règles de publicité aux marchés de travaux passés par les concessionnaires qui ne sont pas des pouvoirs adjudicateurs, comme le faisait d’ailleurs la directive précédem-ment applicable, la directive 93/37, dans son article 3. Les concessionnaires de travaux qui ne sont pas des pouvoirs adjudicateurs doivent, lorsque le montant des travaux attribués à des entreprises tierces est supérieur à 5,278 millions d’eu-ros, appliquer des règles de publicité prévues à l’article 64 de la directive. D’autre part, l’article 11 de la loi du 3 janvier 1991 relative à la transparence et à la régu-larité des procédures de marchés et soumettant la passation de certains contrats à des règles de publicité et de mise en concurrence impose des obligations plus larges aux concessionnaires de travaux qui ne sont pas pouvoirs adjudicateurs, puisque l’obligation de publicité définie par le décret auquel il est renvoyé (le titre Ier du décret du 31 mars 1992) s’applique à tous les contrats passés, et non pas seulement aux contrats de travaux. Ce n’est que si les marchés sont attribués à des entreprises liées que cette obligation ne trouve pas à s’appliquer.

Commerce, industrie et interventions économiques de la puissance publique – Organisation des activités économiques – Portée des règles communautaires et professions réglementées

Aide d’État – Qualification et notification

Saisie d’un décret relatif au développement de la desserte gazière et aux exten-sions des réseaux publics de distribution de gaz naturel qui définit les conditions dans lesquelles une contribution financière peut, en application de l’article 36 de la loi du 7 décembre 2006 relative au secteur de l’énergie, être versée au gestion-naire du réseau par les autorités concédantes de distribution de gaz naturel en cas de nouvelle desserte gazière ou d’extension d’un réseau de distribution sur le terri-toire de communes déjà desservies, la section a estimé qu’il n’était pas nécessaire de notifier préalablement ce texte à la Commission européenne dans la mesure où le régime d’aide ainsi institué veille à compenser exclusivement l’exécution d’obligations de service public dont ces gestionnaires ont été chargés.

140 Activité consultative

En l’espèce, la section a vérifié que le régime institué par le projet de décret qui lui était soumis, permettait le respect des quatre conditions posées par la Cour de justice des Communautés européennes dans son arrêt Altmark du 24 juillet 2003 (C-280/00) qui juge que des subventions publiques visant à compenser des charges d’intérêt général échappent à la qualification d’aide d’État.

Autorités de régulation et autorités administratives indépendantes

Examinant le projet de loi relatif à l’organisation des transports ferroviaires et collectifs ainsi qu’à la sécurité des transports, qui transpose les directives com-munautaires ouvrant ce secteur à la concurrence et instituant une Commission de régulation ferroviaire, le Conseil d’État a admis le choix retenu par le Gou-vernement d’instituer une autorité administrative indépendante sans personna-lité morale et dotée d’un collège unique.

Professions réglementées – Accès – Reconnaissance des qualifications professionnelles

L’examen de plusieurs textes a conduit la section à rappeler les limites à respec-ter, au regard du droit communautaire, dans la définition des conditions d’accès aux professions réglementées en ce qui concerne tant les nationaux que les res-sortissants d’autres États de la Communauté.

Lors de l’examen du projet d’ordonnance portant transposition de la directive no 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 rela-tive à la reconnaissance des qualifications professionnelles, le Conseil d’État a rappelé que :– la notion d’activités réglementées au sens de cette directive ne s’applique qu’aux activités exercées à titre professionnel ;– les conditions posées par les États membres à l’exercice de ces professions dans le cadre de la libre prestation de service doivent respecter les objectifs définis par la directive ;– les restrictions imposées par les États membres pour l’exercice de ces pro-fessions, soit dans le cadre de la liberté d’établissement, soit dans le cadre de la libre prestation de service, doivent, outre le respect de ces objectifs, être fondées sur un motif d’intérêt général suffisant.

Ainsi, à l’occasion de l’examen de ce projet, la section a constaté que la légis-lation française posait dans certains cas des règles d’incompatibilité d’exercice de certaines activités professionnelles dont la justification n’était pas évidente et qui n’existaient pas dans les autres États membres.

En ce qui concerne la règle d’incompatibilité entre l’activité de contrôleur tech-nique de la construction et toute activité de conception, d’exécution ou d’exper-tise d’un ouvrage posée par le code de la construction, la section a relevé que les articles 5 et 7 de la directive 2005/36/CE, qui énoncent de façon limitative les conditions auxquelles, dans le cas d’une profession réglementée, la liberté de prestation de service effectuée à titre occasionnel pouvait être subordonnée, ne permettaient pas d’imposer le respect de cette incompatibilité aux profession-

141Section des travaux publics

nels établis dans un autre État membre et souhaitant effectuer des prestations dans le cadre de la liberté de prestation de service. La section a en outre invité le Gouvernement a effectuer une étude comparée des systèmes de nature à assurer l’indépendance des contrôleurs de la construction existant dans les autres États membres et des garanties qu’ils apportent quant à la fiabilité des contrôles avant d’envisager une modification législative.

Dans la même perspective, saisie d’un premier projet de décret relatif aux devoirs professionnels des experts fonciers et agricoles, la section n’a pu accepter certaines des règles d’accès à cette profession qui y étaient prévues, un décret ne pouvant, au motif d’éviter une concurrence déloyale, imposer des restrictions excessives à l’entrée dans une profession, soit aux anciens stagiaires ou salariés des professionnels déjà installés, soit aux anciens fonctionnaires ou agents publics. À l’occasion de l’examen d’un second projet de décret relatif notamment à l’exercice de cette profession par les ressortissants communau-taires dans le cadre de la liberté d’établissement, la section a attiré l’attention du Gouvernement sur la rigidité du dispositif d’établissement annuel de la liste de ces experts et sur sa difficile compatibilité avec les délais imposés par la direc-tive 2005/36/CE à l’octroi des autorisations d’établissement aux ressortissants qui les sollicitent.

Établissements publics et ports

Lors de l’examen du projet de loi portant réforme portuaire qui comportait prin-cipalement deux volets, la transformation des ports autonomes en « grands ports maritimes » et le transfert des activités d’outillage aux entreprises de manuten-tion, le Conseil d’État a estimé que les « grands ports maritimes » se distinguant des ports autonomes par le recentrage de leurs missions sur les prérogatives de puissance publique par opposition à la fourniture aux usagers de services à caractère industriel et commercial, par l’interdiction, sauf dans des cas excep-tionnels, d’exploiter les outillages nécessaires aux opérations de manutention et de stockage liées aux navires, par une organisation administrative nouvelle comportant un conseil de surveillance et un directoire complétée par des organes de concertation avec les représentants de la place portuaire et par la propriété du domaine public portuaire à l’exception du domaine public naturel, constituaient, du fait notamment du changement substantiel de spécialité et des modifications des règles constitutives, une nouvelle catégorie d’établissements publics jus-tifiant leur création par la loi.

La disparition de l’exploitation des outillages de manutention comme élément du service public portuaire a été admise sans que la loi apporte aux usagers du port d’autres garanties relatives aux conditions dans lesquelles les services cor-respondants, devenus purement concurrentiels, leur seront fournis, que celles résultant de l’application du droit de la concurrence et du contrôle que le port exercera à travers la conclusion avec les opérateurs de « conventions de termi-nal » valant autorisation d’occupation du domaine public.

Il a été également considéré que les principes de la domanialité publique ne faisaient pas obstacle à la cession à des entreprises privées des outillages de

142 Activité consultative

manutention portuaires situés sur le domaine public ou des droits réels qui leur sont attachés lorsqu’ils ont un caractère immobilier.

Il n’a pas été nécessaire de trancher la question portant sur le point de savoir si l’opération combinée de cession des outillages portuaires aux entreprises de manutention et de transfert à celles-ci des personnels qui les exploitent constituait un transfert d’activité au sens de la directive 2001/23/CE du Conseil du 12 mars 2001 concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d’entreprises, d’établisse-ments ou de parties d’entreprises ou d’établissements ou, à tout le moins, au sens de l’article L. 1224-1 du code du travail, dans la mesure où le projet comportait en tout état de cause des dispositions spéciales se substituant à celles des articles L. 1224-1 et L. 1224-2 du code du travail et apportant aux salariés des garanties supplémentaires et précisait que l’article L. 1233-60 demeurait applicable.

Libertés publiques

Lors de l’examen d’un projet de décret portant création du système d’informa-tion juridique (SIJ) au ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, la section a relevé que la loi no 78-17 du 6 janvier 1978, dans sa rédaction issue de la loi no 2004-801 du 6 août 2004, ne soumettait à autorisation par décret en Conseil d’État que certains traitements informatisés mentionnés à ses articles 26 et 27, les autres traitements relevant selon le cas d’un régime de déclaration ou d’autorisation par la commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) ou par arrêté ministériel. Un traitement tel que celui présenté au Conseil d’État relevait du décret en Conseil d’État en application du I de l’article 27 de la loi, dans la mesure où il portait sur des données parmi lesquelles figure le numéro d’inscription des personnes au répertoire national d’identification des personnes physiques (NIR) et que le II de ce même article ne trouvait pas à s’appliquer dès lors que le traitement en cause comporte également des données relatives à la santé des personnes au sens du I de l’article 8 de la loi. Sur le fond, l’usage du NIR dans le traitement en cause, relatif à la gestion de l’indemnisation des accidents impliquant un véhi-cule terrestre à moteur, est apparu pertinent s’agissant des accidents corporels.

En revanche, la section a disjoint les dispositions du projet relatives à l’auto-risation de modules portant sur diverses fonctions juridiques exercées par le ministère (traitement des contentieux civil, pénal et administratif, des procé-dures disciplinaires, des marchés publics, etc.) qui ne nécessitaient pas l’utili-sation du NIR et ne relevaient pas à un autre titre d’une autorisation par décret en Conseil d’État.

En effet, l’article 6 de la loi du 6 janvier 1978 prévoit qu’un traitement ne peut porter que sur des données collectées pour des finalités déterminées et que ces données doivent être adéquates, pertinentes et non excessives au regard des fina-lités pour lesquelles elles sont collectées. L’objectif du SIJ, qui est de doter le ministère d’un outil de pilotage de la fonction juridique, ne constitue pas une finalité déterminée au sens de la loi qui justifierait par lui-même et de façon générale la collecte de données personnelles relatives par exemple à la santé ou aux infractions pénales.

143Section des travaux publics

Nature et environnement

Compatibilité des concessions minières et de la préservation de la nature

La section, tout en donnant un avis favorable à la concession pour une durée limitée à cinq ans et un périmètre limité de l’exploitation d’amendements cal-caires marins (Maërl) à Lost-Pic au Nord de la Bretagne, a rappelé au Gouver-nement la nécessité d’assurer, à terme rapproché, la protection absolue de ce milieu en application des directives communautaires et des codes de l’environ-nement et de l’urbanisme.

Police générale et police spéciale – Articulation de ces pouvoirs avec les objectifs de la directive du 21 mai 1992

Répondant à une demande d’avis du Gouvernement relative à la mise en œuvre du plan de restauration et de conservation de l’ours brun dans les Pyrénées, la section a examiné les moyens d’action dont pouvaient user les autorités inves-ties des pouvoirs de police pour assurer la protection des personnes et des biens face aux risques d’accidents ou de déprédations commises par des ours (avis no 381.725 du 29 juillet 2008, page 320).

Procédures d’enquête publique

Outre l’examen du projet de loi portant engagement national pour l’environ-nement mentionné dans la partie consacrée à l’assemblée générale, la section a eu l’occasion de se prononcer à plusieurs reprises sur la mise en œuvre de l’article 7 de la charte de l’environnement.

Examinant un projet de décret relatif à la concession et à la déclaration d’utilité publique d’ouvrages utilisant l’énergie hydraulique elle a relevé la nécessité et l’existence en l’espèce d’une base législative pour instituer et définir les moda-lités d’organisation d’une enquête publique lorsque cette dernière est destinée à assurer la participation du public à l’adoption d’une décision publique ayant une incidence sur l’environnement (loi du 16 octobre 1919).

L’examen de l’article 1er de la loi pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés lui a donné l’occasion de se prononcer sur un dispositif adapté à l’urgence de mise à disposition du public des modifications du plan local d’urbanisme.

Par ailleurs, l’examen du projet de loi de pays relatif au code minier de la Nouvelle-Calédonie a permis à la section de relever que le droit des citoyens d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement, issu de l’article 7 de la Charte de l’environnement, qui a valeur constitutionnelle, s’impose au législateur néo-calédonien dans ses domaines de compétences. Les articles du projet de loi relatifs aux procédures

144 Activité consultative

d’enquête publique précédant la délivrance, respectivement, des concessions minières et des autorisations de travaux d’exploitation, ne pouvaient donc, sauf à être entachés sur ce point d’incompétence négative, renvoyer à un arrêté du Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie la définition des conditions et des limites dans lesquelles doit s’exercer ce droit qui doivent donc être définies par la loi du pays. En outre, la section a attiré l’attention des auteurs du projet sur la nécessité de préciser ce dernier pour faire apparaître les conditions dans lesquelles la commission minière communale et le comité local d’information permettent au public, pour ce qui les concerne, d’exercer son droit à être informé et à participer à l’élaboration des décisions publiques relatives à des activités minières ayant un impact sur l’environnement.

Enfin, l’examen de plusieurs décrets déclarant l’utilité publique de projets d’in-frastructures a conduit la section à rappeler au Gouvernement la nécessité de prendre le décret prévu à l’article L. 122-3 du code de l’environnement pour déterminer l’autorité administrative de l’État compétente en matière d’en-vironnement chargée de donner son avis sur les études d’impact incluses dans les dossiers soumis à enquête publique. Cette nécessité est d’autant plus pres-sante que la réorganisation des administrations centrales de l’État a conduit à inclure au sein d’un même ministère les administrations compétentes en matière d’environnement et des administrations maîtres d’ouvrage.

Procédures de protection ou de mise en valeur

Plusieurs dossiers ont donné à la section l’occasion de préciser la portée et les critères d’attribution de plusieurs types de classements.

À l’occasion de l’examen du projet de décret portant déclassement partiel de la forêt de protection de Montferrier, la section a rappelé que ce classement, dont l’objet est d’assurer le maintien des terres sur les pentes, de prévenir les ava-lanches ou l’érosion ou encore, dans la périphérie des grandes agglomérations, de concourir au bien-être de la population, est incompatible avec l’implantation d’une station de ski ou avec une urbanisation du site ainsi classé ; le constat, en l’espèce, de la création ancienne d’une station de ski sur le site de la forêt de Montferrier en dépit de cette protection l’a donc conduite à admettre le déclas-sement partiel de la forêt. La section a par ailleurs donné un avis favorable au classement de la forêt de Rambouillet, qui constitue le plus important classe-ment en forêt de protection après celui de la forêt de Fontainebleau, admettant la modification à la marge du périmètre soumis à enquête dès lors que cette modification était justifiée au regard de l’objet du classement et ne remettait pas en cause l’économie générale de ce dernier.

Lors de l’examen du projet de classement en réserve naturelle nationale de Rochechouart-Chassenon, la section a relevé que les mesures spécifiques de protection du milieu naturel qui peuvent être prévues par le décret de création doivent être strictement limitées à ce qui est nécessaire pour assurer la conser-vation des éléments qui font l’objet du classement et eux seuls.

L’examen des projets de classement, au titre de l’article L. 341-1 du code de l’environnement, des sites de « Bois le Prêtre » en Meurthe-et-Moselle et du Vallon du Verger dans la Creuse en raison de leur intérêt historique a permis à la section de préciser sa doctrine sur ce critère de l’intérêt « historique » : dans

145Section des travaux publics

le premier cas, où le site recèle de nombreux témoignages des combats qui se sont déroulés pendant la guerre de 1914-1918, la section a retenu ce carac-tère comme unique critère du classement. Dans le second, elle a estimé que le seul fait que les gorges du Verger abritent un manoir ayant appartenu à Émile de Girardin, député et homme de presse, époux de Delphine Gay, muse des cénacles romantiques, ne suffisait pas à justifier son classement au titre de l’in-térêt historique ; elle l’a admis en revanche au titre de son caractère pittoresque.

La section, saisie d’un projet de décret portant classement de la commune de Carcassonne (Aude) comme station balnéaire n’a pu donner son accord à ce projet. Elle a considéré que si on ne pouvait, par principe, réserver le classement en station balnéaire aux stations littorales, les ressources aquatiques permettant de prétendre à un tel classement devaient avoir une ampleur suffisante pour offrir l’ensemble des services et activités caractérisant une activité balnéaire, ce qui n’était pas le cas de Carcassonne. Il y a d’ailleurs lieu de relever la multipli-cation récente des projets de classement de communes comme station balnéaire, qui s’explique par le lien existant entre ce classement et la faculté pour la com-mune d’accueillir un casino. Ce lien ne saurait toutefois conduire à admettre le classement de communes ne répondant pas à cette notion.

Outre-mer

L’examen de plusieurs projets de textes ou demandes d’avis a donné l’occasion à la section de préciser les limites respectives des compétences de l’État et des compétences des collectivités d’outre-mer.

Nouvelle-Calédonie

L’examen d’un projet de loi du pays relatif au code minier de la Nouvelle-Calédonie, dont le Conseil d’État était saisi par le président du Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie en application des dispositions de l’article  100 de la loi no 99-209 du 19 mars 1999 organique relative à la Nouvelle-Calédonie, a permis à la section d’éclairer ce Gouvernement tant sur les limites des compétences entre l’État et les autorités de Nouvelle-Calédonie que sur les compétences respectives de ces autorités.

1° Sur le premier point, la section a constaté que le projet de loi du pays fixait la réglementation applicable au chrome, au nickel et au cobalt et qu’il était ainsi relatif à une matière correspondant à la compétence attribuée à la Nouvelle-Calédonie par le 11° de l’article 22 de la loi organique du 19 mars 1999, dans laquelle une loi du pays peut, aux termes du 6° de l’article 99 de la même loi, intervenir. Elle a cependant admis que ce projet puisse définir à ses articles L. 112-5 à L. 112-10, les conditions de transmission des titres miniers par legs ou héritage et d’exercice des droits conférés par ces titres aux héritiers. Bien qu’affectant le droit de propriété, ces dispositions se rattachent principalement à la réglementation minière ; leur institution, en Nouvelle-Calédonie ne relève, dès lors, pas de la compétence maintenue à l’État en ce qui concerne le droit civil par le 4° du III de l’article 21 de la loi organique faute pour la Nouvelle-

146 Activité consultative

Calédonie d’avoir jusqu’à présent sollicité le transfert de cette compétence dans les conditions fixées par l’article 26 de cette loi.

La section a également estimé qu’en définissant, à son article L.  131-1, les caractères du droit de propriété conféré à son titulaire par une concession minière et, à son article 122-2, par un permis de recherche, le projet de loi du pays était resté dans les limites de la dérogation ouverte en matière minière par l’article 552 du code civil qui permet à la réglementation minière de déroger au principe en vertu duquel la propriété du dessus emporte la propriété du dessous.

2° Sur le second point, la section a relevé que l’article 40 de la loi organique, en vertu duquel, d’une part, la réglementation relative notamment au nickel, au chrome et au cobalt est fixée par le Congrès, d’autre part, les décisions d’ap-plication de cette réglementation sont prises par délibération de l’assemblée de province, n’a pas entendu priver le Gouvernement de Nouvelle-Calédonie du pouvoir qui lui est, par ailleurs, reconnu par l’article 126 de la même loi organique, d’édicter, sur habilitation du congrès, les mesures réglementaires nécessaires à la mise en œuvre des lois du pays. Elle en a déduit que le projet de loi pouvait légalement renvoyer à des délibérations de l’assemblée de province concernée le soin de prendre, en application de la réglementation qu’il fixe, les décisions individuelles et les actes non réglementaires et habiliter, à son article L.  161-1, le Gouvernement à prendre les arrêtés réglementaires détaillant, notamment, les modalités d’organisation et de déroulement des procédures de délivrance des titres miniers ou la composition des dossiers de demandes d’ou-verture des travaux de recherche ou d’exploitation, sans méconnaître les compé-tences reconnues aux provinces en matière minière par le législateur organique.

La section a relevé, en revanche, que les dispositions combinées des articles 20, 21 et 22 de la loi organique, donnaient compétence aux provinces en matière de réglementation des carrières. Ainsi la compétence en matière de réglementation de l’exploitation des gisements de minerais diffère selon que le gisement est exploité sous le régime des mines ou sous celui des carrières.

Enfin la section a estimé que le législateur néo-calédonien n’était pas compétent pour abroger les décrets du 13 novembre 1954 portant réforme du régime des substances minérales dans les territoires d’outre-mer, au Togo et au Cameroun et 22 janvier 1973 fixant les conditions à remplir par les personnes physiques et morales pour pouvoir exercer une activité minière dans les territoires de la Nou-velle-Calédonie, de la Polynésie française, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Wallis-et-Futuna ni l’ordonnance du 23 décembre 1982 relative à la réglementa-tion minière en Nouvelle-Calédonie qu’en tant qu’ils concernaient la Nouvelle-Calédonie et les substances régies par la nouvelle législation.

Concernant le plan d’aménagement et de développement durable de Mayotte, la section a rappelé que la notion d’« espaces bâtis existants » en continuité des-quels peuvent être prévues des zones d’extension de l’urbanisation, ne pouvait s’entendre, au sens des dispositions de l’article L.  146-4 du code de l’urba-nisme, applicables sans dérogation ni adaptation à Mayotte, que des zones déjà habitées et agglomérées, caractérisées par une densité significative de construc-tions. Elle ne saurait s’entendre d’« espaces à dominante habitat » qui caractéri-sent des zones d’habitat diffus.

147Section des travaux publics

Polynésie française – Wallis-et-Futuna

Saisie d’un projet d’ordonnance pris sur le fondement de l’article 74-1 de la Constitution et dont l’objet était de rendre applicables, respectivement, en Poly-nésie française et à Wallis-et-Futuna les dispositions de l’article L. 412-1 du code de l’environnement ainsi que le dispositif pénal prévu par le 3° de l’article L. 415-3 du même code, nécessaires à la mise en œuvre par la France de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sau-vage menacées d’extinction ouverte à Washington le 3 mars 1973, applicable dans ces collectivités, la section a :

1° En ce qui concerne la Polynésie française, admis que la mise en œuvre des stipulations de cette convention, qu’elle a analysée comme entraînant des prohi-bitions à l’importation et à l’exportation relevant de l’ordre public, pouvait être rattachée aux compétences réservées à l’État par le 6° de l’article 14 de la loi organique no 2004-192 du 27 février 2004, d’une part, et que, pour l’application et au sens de cette convention, la notion d’« introduction d’un spécimen sauvage en provenance de la mer » pouvait être assimilée à une activité de commerce international, d’autre part. Toutefois, elle a été d’avis que l’extension des articles du code de l’environnement métropolitain, autorisée par cette analyse, ne pou-vait, sous peine de caractériser un empiétement des compétences dévolues à cette collectivité, comprendre les activités mentionnées à l’article L. 412-1 et au 3° de l’article L. 415-3 de ce code qui ne constituent ni une importation, ni une exportation ou réexportation, ni une introduction au sens de ladite convention et a, pour ce motif, réservé les compétences de la Polynésie française en matière de commerce intérieur et de droit de la consommation en ce qui concerne la production, la possession, la détention, la cession à titre onéreux ou gratuit et le transport des spécimens des espèces protégées par cette convention.

2° En ce qui concerne Wallis-et-Futuna, admis que la mise en œuvre des sti-pulations de cet accord international de commerce pouvait être rattachée aux compétences réservées à l’État par l’article 7 de la loi no 61-814 du 29 juillet 1961 en matière non seulement de relations extérieures mais aussi de douanes et de respect de l’ordre public. Toutefois, elle a, pour les mêmes motifs que ceux énoncés ci-dessus, réservé les compétences de Wallis-et-Futuna en matière de commerce intérieur en ce qui concerne la production, la possession, la détention, la cession à titre onéreux ou gratuit et le transport des spécimens des espèces protégées par cette convention.

Poste et télécommunications – Téléphonie mobile – 4e licence – Égalité de traitement des titulaires de licence / Domaine public – Redevance

La section des travaux publics a été conduite à se prononcer, dans le cadre d’une demande d’avis du ministre de l’économie, des finances et de l’emploi, sur les conditions financières dans lesquelles pouvait être attribuée une 4e licence de téléphonie mobile de « troisième génération » (avis no  381.124 du 22  janvier 2008, page 308).

148 Activité consultative

Statistiques

Entre le 1er janvier et le 31 décembre 2008, la section a tenu 77 séances et exa-miné 170 textes. 11 textes ont été soumis à l’assemblée générale.

Tableau 1Répartition par nature des textes examinés

2004 2005 2006 2007 2008

Lois 18 24 17 9 7Ordonnances 14 19 11 2 4Lois du pays - - 1 - 2Décrets réglementaires 136 174 226 245 155Décrets individuels, arrêtés et décisions 26 29 33 - -Remises gracieuses - - - - -Avis 1 7 3 2Total 195 253 291 258 170

Tableau 2Répartition par ministère d’origine des textes examinés

Ministère d’origine (classement par ordre alphabétique)

Loi

s

Ord

onna

nces

Loi

du

pays

Déc

rets

glem

enta

ires

Déc

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êtés

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Tota

l

Agriculture - - - 19 - - - 19DOM-TOM - - 2 - - - - 2Écologie - 4 - 117 - - 1 122Économie - - - 14 - - 1 15Immigration (créé depuis le 18 mai 2007) - - - 1 - - - 1Intérieur, outre-mer (créé depuis le 18/05/07) 2 - - 2 - - - 4Premier ministre 5 - - 2 - - - 7Total 7 4 2 155 0 0 2 170

149Section des travaux publics

Tableau 3Répartition par matière des textes examinés

Matières 2008

(Aucune) 2Agriculture 16Autoroutes et routes 13Construction, urbanisme et logement 22Défrichements 1Divers 4Eaux 8Énergie (élect., hydro., therm., nucléaire) 16Environnement, nature 16Hydrocarbures 6Industrie et recherche – Entreprises 4Mer 1Mines et carrières 2Outre-mer 1Parcs et réserves 1Planification – Administration 8PTT 6Rivières – canaux 3Sites 6Tourisme 6Transports aériens 3Transports maritimes et fluviaux 15Transports terrestres 10Total 170

Tableau 4Délais d’examen des projets de loi, d’ordonnance et de décrets réglementaires

Moins de 15 jours

De 15 jours à 1 mois

De 1 mois à 2 mois

Plus de 2 mois

Total

Projets de loi 1 2 3 1 7Projets d’ordonnance 1 1 2 - 4Projets de décret 13 18 69 55 155

151Section sociale

Section sociale

La section sociale a tenu 97 séances en 2008, soit le même nombre qu’en 2007. Elle a examiné 165 texte et 1 demande d’avis portant sur la question de savoir si les maîtres d’enseignement privé sous contrat sont électeurs et éligibles aux conseils des prud’hommes. Cette activité à un niveau nettement plus élevé qu’au cours des années précédentes (85 séances en 2006 et 82 en 2005) s’ex-plique par une longueur et une complexité croissantes des projets de loi et d’or-donnance examinés. La diminution du nombre de projets de décret soumis à la section (145 en 2008 contre 178 en 2007) n’a ainsi compensé que partiellement la charge accrue induite par les autres textes, ajoutée à la charge exceptionnelle de la recodification de la partie réglementaire du code du travail.

L’augmentation très sensible du nombre des textes présentés en urgence a été une difficulté pour la section, bien que les ministères concernés aient mené avec elle un travail constructif pour limiter les urgences absolues aux cas les plus justifiés. Il faut d’ailleurs noter que certaines urgences sont paradoxales : par exemple, c’est parce qu’un très important retard avait été pris dans la transposi-tion de directives que l’examen des textes nécessaires est devenu urgent.

La section a examiné plusieurs projets de loi importants issus de négociations nationales interprofessionnelles en application de l’article L. 1 du code du tra-vail (modernisation du marché du travail, rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail), ou réorganisant des pans entiers de la politique sanitaire et sociale (réforme de l’hôpital et de l’administration territoriale du système de santé, généralisation du revenu de solidarité active).

Elle a procédé, en début d’année, après l’examen de la partie législative du nou-veau code du travail en 2007, à celui de la partie réglementaire de ce code, qui est entré en vigueur dans son ensemble le 1er mai 2008.

Elle a été conduite au cours de l’année 2008 à examiner un grand nombre de projets de décret d’application de lois votées depuis le début du quinquennat. Deux difficultés méritent d’être évoquées :

le souci légitime d’une prompte application de la loi a parfois conduit le Gou-vernement à saisir le Conseil d’État de projets de décret d’application de lois non encore promulguées, parfois même non encore définitivement votées ou en cours d’examen par le Conseil constitutionnel. La section a fait valoir au Gou-vernement que le Conseil d’État ne pouvait rendre son avis sur un texte régle-mentaire qu’à la condition que sa base législative soit certaine, ce qui implique d’attendre que la loi en cause soit promulguée ;

la mise au point d’un projet de loi peut s’avérer difficile, voire conduire à une rédaction inappropriée, si les principaux projets de décret d’application, n’ont pas fait l’objet d’une réflexion préalable suffisante au moment de la rédaction du projet de loi.

152 Activité consultative

La section a eu à donner un avis sur plusieurs ensembles de projets de textes relatifs à la même matière, et notamment sur :– la réforme des régimes spéciaux de retraite ;– la mise sur le marché de médicaments ;– les conditions d’exercice de professions médicales ou paramédicales, la libre circulation des travailleurs au sein de l’Union européenne et la liberté d’instal-lation, concernant notamment les professions médicales et pharmaceutiques ;– les conseils des prud’hommes, les réformes de la carte des conseils des prud’hommes, de l’indemnisation des conseillers prud’hommes et de la forma-tion des conseillers prud’hommes ;– le régime de la protection judiciaire des majeurs.

La coordination entre ces groupes de textes peut être améliorée. Ainsi, lors de l’examen du projet de décret relatif au recouvrement des cotisations dues au titre des régimes de protection sociale agricole, la section a recommandé que dans le cas où le Gouvernement décide d’appliquer des réformes similaires au régime général de la sécurité sociale et à d’autres régimes, ces réformes inter-viennent simultanément et que les textes devant être soumis à l’avis du Conseil d’État lui soient présentés en même temps.

Consultations obligatoires

La section a rencontré des difficultés récurrentes, lors de l’examen des projets de textes qui lui étaient soumis, pour disposer à temps de l’avis des organismes dont la consultation est rendue obligatoire par des dispositions législatives ou, plus souvent, réglementaires. Elle a attiré l’attention du Gouvernement sur le caractère particulièrement contraignant dans certains cas ou trop imprécis dans d’autres de la rédaction des dispositions créant des obligations de consultation.

La section suggère aussi que les dispositions relatives aux consultations obliga-toires rendent possible l’émission d’un avis dans un délai raisonnable. Pour cela, il est possible de prévoir que l’avis demandé est réputé donné à partir d’un délai fixé à l’avance, ou encore qu’une formation restreinte permanente puisse être rendue compétente pour donner en dehors des réunions plénières, un avis sur les projets urgents.

En outre, comme il est suggéré par le Premier ministre dans la circulaire du 8 décembre 2008 relative à la modernisation de la consultation, « les nouvelles pratiques sociales et les technologies de l’information permettent désormais d’organiser des consultations et concertations sans nécessairement recourir à la création d’instances administratives, conseils ou commissions ».

La nécessité de la consultation préalable de la Commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations a fait l’objet d’un examen attentif. En premier lieu, les dispositions de l’article L. 518-7 du code monétaire et finan-cier, telles qu’interprétées par la jurisprudence du Conseil d’État 1 conduisent

1 - CE, 6 septembre 2006, Syndicat des mines et de l’énergie CGT (no 276075).

153Section sociale

à la regarder comme obligatoire dès lors que la mise en œuvre de dispositions d’un régime de protection sociale exige le concours de la Caisse et que les conditions de son intervention sont modifiées. Les modifications récentes de l’organisation de certains régimes a parfois conduit à l’obligation d’une telle consultation, même dans le cas où le rôle de la Caisse était inchangé. Dans le même sens, la section a estimé, à propos d’un projet de décret relatif aux mesures de protection des majeurs, pour lesquelles la caisse prête son concours, que la consultation de sa commission de surveillance est obligatoire pour ce seul motif, même si l’incidence en termes de charge est faible.

Outre-mer

Départements d’outre-mer

La section sociale n’a pu procéder à la recodification des dispositions du code du travail relatives au Fonds pour l’emploi dans les départements d’outre-mer (FEDOM) qu’en ôtant à ces dispositions toute portée au regard de la loi de finances et en limitant sa portée à un état annuel des interventions en faveur de l’emploi dans les départements d’outre-mer, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon. En effet, il résulte des dispositions de la loi organique relative aux lois de finances que la détermination de la structure des missions et programmes du budget de l’État relève du domaine exclusif de la loi de finances et qu’il n’appartient dès lors ni au décret ni même à une loi ordinaire, d’enjoindre au législateur financier de rattacher des crédits à un département ministériel déterminé.

L’article L.  5112-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi du 13 février 2008 relative au service public de l’emploi, dispose que dans chaque région, un conseil régional de l’emploi est présidé par le préfet de région et comprend notamment des représentants des organisations professionnelles d’employeurs et de travailleurs. Lors de l’examen des dispositions du projet de décret d’application de cet article, la section sociale n’a pu valider la représen-tation dans ce conseil, dans les régions d’outre-mer, des seules organisations régionales affiliées à des organisations reconnues représentatives au niveau national et interprofessionnel. L’appréciation au niveau régional de la représen-tativité des organisations syndicales ne fait pas l’objet de dispositions législa-tives ou réglementaires et n’est donc pas contrainte par le caractère représentatif au niveau national des organisations en cause. Or, dans les régions d’outre-mer, les organisations syndicales qui ont les meilleurs résultats aux élections profes-sionnelles ne sont pas nécessairement rattachées à une confédération au niveau national. Dès lors, la composition de ces conseils dans les régions d’outre-mer devait être telle que toutes les organisations, dont la représentativité au niveau régional pouvait être appréciée au terme d’une enquête de représentativité dili-gentée par le préfet, aient la possibilité d’y participer.

154 Activité consultative

Nouvelle-Calédonie

Saisi d’un projet de loi du pays de Nouvelle-Calédonie, la section sociale a estimé qu’il y avait lieu par ce projet de fixer le régime des décisions impli-cites de rejet des réclamations par la Caisse de compensation des prestations familiales, des accidents du travail et de prévoyance des travailleurs (CAFAT), qui est un organisme de sécurité sociale. En effet, il résulte des dispositions combinées des articles 21 et 41 de la loi no 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations que le rejet implicite résultant du silence gardé par l’administration pendant deux mois ne concerne que les demandes et réclamations portées devant l’État et ses établis-sements publics. L’organisme de sécurité sociale en cause étant un organisme de droit privé, ces dispositions ne lui sont pas applicables et une disposition expresse est donc nécessaire.

Sur les compétences respectives de l’État et de la Nouvelle-Calédonie, la sec-tion sociale a observé que la loi organique du 19 mars 1999 relative à cette col-lectivité ne confie aucune compétence à l’État en matière de protection sociale. Il en résulte que le législateur organique a entendu confier à la Nouvelle-Calé-donie la détermination des règles et des instruments juridiques nécessaires à la mise en œuvre d’une politique de protection sociale. Les dispositions d’un pro-jet de loi du pays qui prévoient la récupération sur succession de certaines aides, bien qu’affectant le droit des successions, constituent un élément de la politique de la Nouvelle-Calédonie d’aide aux personnes atteintes de handicap et aux personnes âgées dépendantes et, à ce titre, se rattachent au droit de la protection sociale. Leur institution ne relève dès lors pas de la compétence maintenue à l’État en ce qui concerne le droit civil.

Aide et action sociale

Décret relatif à la grille AGGIR

Lors de l’examen du projet de décret modifiant l’annexe 2-1 du code de l’action sociale et des familles sur les critères utilisés pour le remplissage de la grille dite AGGIR, la section sociale a été conduite à regarder comme normatives, malgré les apparences, les dispositions qui définissent et fixent les modalités concrètes de mise en œuvre de la cotation en A, B et C pour chacune des 17 variables de la grille AGGIR permettant de coter le degré de perte d’autonome des personnes dépendantes.

Décrets relatifs à la prestation de compensation pour l’enfant handicapé

La section sociale a estimé que le pouvoir réglementaire ne pouvait restreindre le droit d’option prévu par l’article L. 245-1 du code de l’action sociale et des familles entre le complément de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé

155Section sociale

et la prestation de compensation en ne prévoyant l’exercice de cette option qu’à la date d’échéance de l’allocation ou à l’occasion de la révision prévue en cas d’évolution du handicap ou des facteurs ayant déterminé les charges prises en compte pour le calcul de l’allocation. En outre, elle a été conduite à rappeler que les éventuelles difficultés de récupération des sommes indûment versées des deniers publics ne constituaient pas à elles seules un motif d’intérêt général de nature à justifier une rupture d’égalité selon qu’il est fait usage ou non de la procédure d’urgence prévue par l’article L. 245-2 du même code qui prévoit dans ce cas l’attribution de la prestation à titre provisoire pour un montant fixé par décret.

Décrets relatifs à la protection juridique des majeurs

La réforme initiée par la loi du 5 mars 2007 2 devait entrer en vigueur au 1er jan-vier 2009 : la loi a prévu que, passée cette date, aucune des anciennes mesures de tutelle ou de curatelle ne pouvait être prise. Il était dès lors important que tous les textes d’application interviennent avant la fin de l’année 2008. La sec-tion a constaté que l’administration chargée de préparer ces décrets avait fait toute diligence en ce sens, ce qui a permis la publication effective des textes avant l’échéance fixée, à l’exception de l’un d’entre eux.

Leur examen a conduit la section à rappeler des obligations consultatives liées aux personnes morales sollicitées par le mode de gestion des dispositifs nou-veaux mis en place, et notamment celle de la Commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations et celle de la Commission consultative de l’évaluation des normes du Comité des finances locales.

Elle n’a en outre pas pu donner un avis favorable à une disposition – quel qu’ait été son mérite – attribuant au président du conseil général la compétence pour conclure avec le majeur protégé le contrat d’accompagnement social personna-lisé. En effet, dès lors que l’article L. 271-1 du code de l’action sociale et des familles énonce que le contrat est conclu entre l’intéressé et le département et que l’article L. 3211-1 du CGCT attribue au conseil général – et non à son pré-sident – la compétence pour « régler les affaires du département » et qu’aucune disposition spécifique ne permet de fonder la compétence de son président, c’est bien le conseil général qui est compétent. En outre, les dispositions de l’article L. 3221-9 du CGCT qui se bornent à énoncer que « le président du conseil géné-ral exerce en matière d’action sociale les compétences qui lui sont dévolues par le code de l’action sociale et des familles » ne sauraient être regardées comme habilitant le pouvoir réglementaire à introduire dans ce code des règles relatives à la compétence du président du conseil général, qui relèvent de la loi en appli-cation de l’article 34 de la Constitution.

Par ailleurs, pour limiter le nombre de mesures exercées par le mandataire judi-ciaire à la protection des majeurs d’une part, par le délégué aux prestations familiales d’autre part, le Gouvernement avait retenu, afin de ne pas nuire à la qualité des prestations fournies, deux moyens différents pour chacune de ces

2 - Loi no 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs.

156 Activité consultative

deux catégories de professionnels. Cette différence de traitement a été regardée comme contraire au principe d’égalité en raison de la grande proximité entre les activités de l’un et de l’autre et un même mode de limitation a été préconisé par la section, que le Gouvernement a adopté.

Santé

L’examen des textes relatifs à la fonction publique hospitalière a été, au cours de l’année 2008, transféré à la nouvelle section de l’administration 3. Les deux sections ont adopté des modalités d’organisation pour assurer la continuité de la jurisprudence et de la doctrine du Conseil d’État en la matière. Les textes relatifs à la fonction publique hospitalière examinés au début de l’année par la section sociale n’ont pas appelé d’observation particulière.

Décret portant code de déontologie des masseurs-kinésithérapeutes

Le projet de décret relatif au code de déontologie des masseurs-kinésithéra-peutes comportait plusieurs dispositions relatives aux modalités d’exercice de la profession, notamment celles portant sur la limitation du nombre des cabinets secondaires, d’associés ou de collaborateurs salariés, qui s’analysent comme des « restrictions quantitatives » et qui constituent un ensemble de règles nou-velles auquel l’exercice de la profession sera désormais soumis.

La section a estimé par suite que ce projet est un « projet de texte réglementaire instituant un régime nouveau ayant directement pour effet (…) de soumettre l’exercice d’une profession ou l’accès à un marché à des restrictions quantita-tives » au sens de l’article L. 462-2 du code de commerce qui doit faire l’objet d’une consultation préalable du Conseil de la concurrence. Les compétences de la nouvelle « Autorité de la concurrence » étant définies au même article dans les mêmes termes, une telle obligation demeure à son égard.

Décret portant code de déontologie des sages-femmes

Saisie d’un projet de décret modifiant l’article R. 4127-318 du code de la santé publique afin d’autoriser les sages-femmes à pratiquer, sous certaines condi-tions, des actes d’acupuncture, la section sociale lui a donné un avis favorable sous la réserve d’une modification permettant d’assurer sa conformité aux stipu-lations des articles 39 et 47 du traité instituant la Communauté européenne. Le projet du Gouvernement soumettait la possibilité de pratiquer des actes d’acu-puncture à la possession d’un titre, en l’absence de dispositions particulières de la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles. La section

3 - Arrêté du 4 juillet 2008, pris en application de l’article R. 123-3 du code de justice adminis-trative.

157Section sociale

sociale a estimé que la condition de titre devait pouvoir être satisfaite non seu-lement par la possession d’un diplôme d’acupuncture, délivré par une université de médecine française et figurant sur une liste arrêtée par les ministres chargés de la santé et de l’enseignement supérieur, mais aussi par la possession d’un titre de formation équivalent autorisant la sage-femme à pratiquer ces actes dans un autre État membre de la Communauté européenne ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen.

Décret relatif aux autorisations d’exercice et d’usage du titre d’ostéopathe

La section sociale a dû disjoindre, lors de l’examen du projet de décret relatif aux autorisations d’exercice et d’usage du titre d’ostéopathe, des disposi-tions relatives aux conditions d’exercice liées aux connaissances linguistiques ainsi que celles organisant la libre prestation de service. En effet, si l’article 75 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades a donné une large habi-litation pour prendre par voie réglementaire les dispositions relatives à la recon-naissance des diplômes permettant à des professionnels de santé et ostéopathes à titre exclusif d’exécuter certains actes ainsi que pour organiser leur formation, le champ de cette habilitation ne permet pas au Gouvernement de prendre par décret toutes dispositions relatives à l’exercice de cette activité.

Elle observe que des professions réglementées dans le secteur paramédical ne font l’objet d’aucune disposition législative. Dans ce cas, l’absence de base légale ne peut permettre de prendre par la voie réglementaire l’ensemble des dispositions nécessaires à la transposition de la directive 2005/36/CE du Parle-ment européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles.

Ordonnance et décrets transposant des directives relatives aux produits de santé

La section a constaté que ces textes de transposition étaient difficiles à élaborer, compte tenu à la fois de la technicité de la matière et de l’existence d’une juris-prudence assez développée des juridictions nationales et de la CJCE.

Sécurité sociale

La section sociale a examiné des projets de décrets en matière de sécurité sociale, dont les principaux sont ceux relatifs aux régimes spéciaux de retraite.

Décrets relatifs aux régimes spéciaux de retraite

La réforme des régimes spéciaux de retraite, qui ne nécessitait pas de disposi-tion législative, a pu se faire entièrement par décret. En effet, la section sociale a constaté que, compte tenu de l’habilitation donnée au pouvoir réglementaire

158 Activité consultative

par l’article L.  711-1 du code de la sécurité sociale, le Gouvernement avait compétence pour définir par voie de décret l’organisation de sécurité sociale des régimes spéciaux de retraite. Elle a confirmé, lors de l’examen du projet de décret portant réforme du régime spécial de la SNCF, que la loi du 21 juillet 1909 relative aux conditions de retraite du personnel des grands réseaux de chemins de fer d’intérêt général, la loi du 28 décembre 1911 complétant les dis-positions de la précédente et le décret-loi du 19 avril 1934 modifiant le régime des retraites des chemins de fer ont été abrogés par des textes successifs et ne pouvaient dès lors constituer la base légale de ce régime. Bien entendu, cette abrogation ne saurait avoir aucun effet sur la légalité d’éventuels décrets pris en application de ces lois. Il est en effet de jurisprudence constante 4 que l’abro-gation d’un texte n’a pas pour effet de priver de validité les décrets antérieurs.

Lors de l’examen du projet de décret relatif au régime spécial de retraite et de prévoyance des clercs de notaires, il a été estimé que l’habilitation donnée par l’article L. 711-1 précité autorise le Gouvernement à prévoir des règles de pres-cription applicables au capital décès différentes de celles prévues par le code civil.

Une autre question relative à la base législative s’est posée pour le régime spé-cial de retraite des industries électriques et gazières. La délégation donnée au pouvoir réglementaire par l’article 47 de la loi no 46-628 du 8 avril 1946 pour déterminer par décret « le statut du personnel retraité et pensionné des entre-prises » n’a pas été abrogé par l’article 17 de l’ordonnance du 4 octobre 1945 devenu l’article L. 711-1 du code de la sécurité sociale 5, ce qui donne un double fondement au pouvoir réglementaire pour ce régime de retraite. La coexistence de ces deux habilitations législatives implique que soient cumulées les obliga-tions procédurales imposées par chacune d’elles. Si, en l’espèce, elles renvoient toutes deux à des décrets simples, il y a lieu, en tout état de cause, de procéder sur ces décrets à la consultation préalable des organisations syndicales les plus représentatives du personnel des IEG prévue par le seul article 47 de la loi du 8 avril 1946.

Les projets de décret relatifs aux régimes spéciaux de retraite de la SNCF et de la RATP proposés par le Gouvernement comportaient des renvois à des articles du statut du personnel de ces deux entreprises, alors qu’il s’agit d’actes à caractère réglementaire non publiés au Journal officiel pris par le conseil d’ad-ministration de chaque entreprise sous réserve d’une approbation ministérielle. La section sociale a estimé qu’il serait porté atteinte à la hiérarchie des normes si des règles édictées par décret relatives aux retraites pouvaient être modifiées indirectement par un organe qui n’est titulaire du pouvoir réglementaire que par délégation. La portée d’un décret ne peut pas être déterminée par des décisions prises par un conseil d’administration exerçant le pouvoir réglementaire qui lui a été délégué. La section sociale a proposé de viser les textes qui constituent la base légale du statut du personnel de chaque entreprise et de publier sous la forme d’annexe aux décrets les dispositions en cause lorsqu’elles concernent des règles essentielles, notamment les régimes indemnitaires entrant dans l’as-

4 - CE 11 février 1907, Ministre de l’agriculture c/ Sieur Jacquin, au recueil.5 - CE, Ass., 10 juillet 1996, URSSAF de la Haute-Garonne (no 131678).

159Section sociale

siette de la pension. De ce fait, les articles correspondant du statut du personnel ne pourront avoir une incidence sur le régime spécial de retraites que si le décret lui-même est modifié.

La question de la suppression des « âges couperet » 6 a conduit la section sociale à apprécier dans quelle mesure la fixation de telles limites a un rapport avec les conditions d’exercice d’une profession déterminée ou, au contraire, a le caractère d’une discrimination par l’âge, désormais prohibée par la directive européenne relative à la mise en œuvre de l’égalité des chances 7. La CJCE juge cependant de façon nuancée que l’interdiction des discriminations par l’âge ne s’oppose pas à ce qu’une réglementation fixe une limite d’âge, « dès lors que celle-ci est objectivement et raisonnablement justifiée dans le cadre du droit national, par un objectif légitime relatif à la politique de l’emploi et au marché du travail et que les moyens mis en œuvre pour réaliser cet objectif d’intérêt général n’apparaissent pas inappropriés et non nécessaires à cet effet » 8. En outre, le recul de la limite d’âge générale fragilise les limites spéciales fixées pour telle ou telle profession.

Enfin, lors de l’examen des dispositions du projet de décret relatif au régime spécial de retraite du personnel de la RATP, la section sociale a disjoint une dis-position prévoyant la suspension du droit à pension de réversion du conjoint sur-vivant en cas de déchéance de son autorité parentale, qu’elle a regardé comme une sanction sans rapport avec l’objet du droit à pension de réversion, dès lors que la déchéance avait nécessairement pour conséquence la substitution d’un tuteur au conjoint survivant pour percevoir la pension de réversion propre aux enfants mineurs. Sur le recouvrement des cotisations dues au titre des agents placés en position de disponibilité spéciale auprès d’employeurs publics ou pri-vés, elle a été conduite à rappeler le principe d’interdiction des voies d’exécu-tion de droit commun à l’encontre des personnes publiques.

Décret relatif à l’expérimentation d’une caisse commune de sécurité sociale

Le projet de décret dont la section sociale a été saisie et qui a été soumis à la consultation obligatoire des organismes nationaux de sécurité sociale omettait d’inclure, dans le conseil de la caisse commune de sécurité sociale, les repré-sentants des travailleurs indépendants, prévus par l’article L. 216-5 du code de la sécurité sociale. La section sociale a considéré que la question de la compo-sition du conseil et même plus précisément de la représentation des employeurs et travailleurs indépendants qu’impose la loi était effectivement soulevée dans la version soumise à consultation même si la réponse apportée par le Gouverne-ment n’y était pas adéquate. Estimant qu’une nouvelle consultation ne s’impo-

6 - On désigne par « âge couperet » un âge déterminé auquel le départ en retraite est systématique en raison d’une disposition législative ou réglementaire.7 - Directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du *** relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail.8 - Arrêt CJCE du 16 octobre 2007, Palacios de la Villa.

160 Activité consultative

sait pas, conformément à la jurisprudence de l’assemblée du contentieux 9, elle a pu donner un avis favorable au projet de décret.

Décret relatif au recouvrement des cotisations sociales des personnes non salariées des professions agricoles

Saisie d’un projet de décret relatif au recouvrement des cotisations sociales des personnes non salariées des professions agricoles, la section sociale a disjoint la disposition prévoyant qu’en cas de cessation d’activité en cours d’année les cotisations sont exigibles pour l’année entière. Cette disposition, qui n’est ni une simple règle de recouvrement ni une mesure d’organisation des régimes de sécurité sociale agricole, mais qui a pour effet de supprimer pendant plusieurs mois tout lien entre cotisations et prestations, porte atteinte à un principe fon-damental de la sécurité sociale et relève par suite du domaine de la loi en vertu de l’article 34 de la Constitution.

Décret sur la gouvernance de la Caisse nationale militaire de sécurité sociale

À l’occasion de l’examen de ce décret, présenté au rapport non du ministre chargé de la défense mais du ministre chargé de la sécurité sociale, la section sociale a estimé qu’en vertu des dispositions de l’article L. 713-23 du code de la sécurité sociale le décret en Conseil d’État, prévu à l’article L. 713-21 du même code pour fixer les modalités d’organisation et de fonctionnement de la Caisse nationale militaire de sécurité sociale, doit être pris sur le rapport des « ministres intéressés ». Au regard de ces dispositions, elle a ensuite estimé que ni le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, chargé notamment de suivre l’exécution de la loi de financement de la sécurité sociale et responsable de l’équilibre général des comptes sociaux, en vertu de l’article 1er du décret no 2007-1003 du 31 mai 2007, ni la ministre de la santé, de la jeu-nesse, des sports et de la vie associative, ne devaient être regardés comme des « ministres intéressés ». En effet, les dispositions du décret examiné n’ont, en tout état de cause, qu’un impact limité sur les finances publiques et n’ont ni pour objet ni pour effet d’affecter la nature, le niveau ou la qualité des prestations d’assurance maladie offertes par la caisse ou son action sanitaire et sociale. En revanche, elle a estimé que le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, chargé, aux termes de l’article 1er du décret no 2007-1000 du 31 mai 2007, d’élaborer et de mettre en œuvre « les règles relatives à la gestion administrative des organismes de sécurité sociale » devait être regardé comme un « ministre intéressé » au sens de l’article L. 713-23 du code de la sécurité sociale, dès lors que les dispositions du décret en cause modifient les compé-tences et la composition du conseil d’administration de cette caisse.

9 - CE, Ass., 23 octobre 1998, Union des fédérations CFDT des fonctions publiques et assimilées (no 169797).

161Section sociale

Décret relatif aux ressources prises en compte par les organismes débiteurs des allocations familiales

Examinant un projet de décret relatif aux ressources prises en compte par les organismes débiteurs des allocations familiales, la section sociale s’est interro-gée sur le respect par les modifications apportées aux conditions dans lesquelles est opérée une évaluation forfaitaire de ces ressources tant du principe d’égalité que des stipulations de l’article 1er du 1er protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et de l’article 14 de cette convention, applicables dès lors que les allocations familiales sont des biens au sens de ces stipulations 10. Elle a admis qu’au regard du motif d’intérêt général poursuivi par la mesure – ne pas appliquer le système d’évaluation forfaitaire aux bénéficiaires de moins de 25 ans ayant de faibles ressources –, de la situation particulière des personnes concernées – en deçà du seuil du bénéfice du RMI et du rattachement fiscal aux parents – et du caractère proportionné du dispositif, le dispositif ne méconnaît ni le principe d’égalité, ni les stipulations de la CEDH.

Décret sur les modalités d’attribution de la contribution sociale généralisée aux régimes obligatoires d’assurance maladie

La section sociale a estimé que le projet de décret, qui fixe les modalités de majoration des ressources réparties entre les différents régimes obligatoires d’assurance maladie en application de l’article L. 139-1 du code de la sécu-rité sociale ne peut être légalement pris qu’après avis de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie (UNCAM). Par son objet, il est en effet au nombre des « projets de décrets relatifs à l’assurance maladie » au sens du 5° de l’ar-ticle L. 182-2 du code de la sécurité sociale, qui fixe le champ de consultation obligatoire de l’UNCAM sans que puisse avoir une incidence la circonstance qu’il ne relèverait d’aucune des compétences reconnues à l’UNCAM par les dispositions de cet article.

Travail, emploi, formation professionnelle

Saisine des partenaires sociaux avant toute réforme

L’article L. 1 du code du travail dispose : « Tout projet de réforme envisagé par le Gouvernement qui porte sur les relations individuelles et collectives du travail, l’emploi et la formation professionnelle et qui relève du champ de la négocia-tion nationale et interprofessionnelle fait l’objet d’une concertation préalable avec les organisations syndicales de salariés et d’employeurs représentatives

10 - CE, Ass., 5 mars 1999, Rouquette (no 194658 et no 196116).

162 Activité consultative

au niveau national et interprofessionnel en vue de l’ouverture éventuelle d’une telle négociation. / À cet effet, le Gouvernement leur communique un document d’orientation présentant des éléments de diagnostic, les objectifs poursuivis et les principales options. / Lorsqu’elles font connaître leur intention d’engager une telle négociation, les organisations indiquent également au Gouvernement le délai qu’elles estiment nécessaire pour conduire la négociation. »

Le Conseil d’État a rendu en 2008 comme en 2007 (voir rapport public 2008, page 135) plusieurs avis sur l’obligation d’une telle concertation avant de le saisir de projets de réforme. Compte tenu de la rédaction de l’article L. 1, le Conseil d’État s’est fondé sur les trois critères cumulatifs suivants :– les modifications apportées au droit existant sont-elles suffisamment impor-tantes pour pouvoir être qualifiées de réforme au sens de l’article L. 1 ?– le projet recouvre-t-il les relations individuelles et collectives de travail, l’em-ploi et la formation professionnelle, c’est-à-dire, pour l’essentiel, le périmètre du code du travail ?– le projet relève-t-il du champ de la négociation nationale et interprofession-nelle ?

En application de ces critères, le Conseil a estimé, selon les cas, que la saisine des partenaires sociaux aux fins de négociation préalable était ou non nécessaire.

Cas où l’invitation à la négociation est nécessaire.

Il s’agit notamment des grandes réformes en matière de relations du travail, qui ont effectivement été précédées, sur invitation du Gouvernement, par une négo-ciation nationale et interprofessionnelle :– le projet de loi relatif à la modernisation du marché du travail, qui a été pré-cédé de l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008 ;– et le projet de loi portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail, qui a été présenté après l’adoption de la position commune par plusieurs organisations d’employeurs et de salariés le 9 avril 2008.

Cas où l’invitation à la négociation préalable n’est pas nécessaire.

Trois motifs permettent de se dispenser de cette invitation.

1° Il ne s’agit pas d’une réforme :– certains projets ne modifient pas de manière durable l’état du droit positif, notamment le projet de loi pour le pouvoir d’achat, sur le déblocage de la parti-cipation ou sur les conditions de rachat des heures de RTT. Il en a été de même pour le projet de loi dit « TEPA » qui ne faisait qu’anticiper la mise en œuvre d’une mesure déjà décidée sur la majoration des heures supplémentaires dans les PME ;– le projet de loi relatif à la lutte contre les discriminations se bornait à complé-ter la transposition d’une directive ;– il en est allé de même en matière de formation professionnelle pour une simple mesure de lissage au profit des entreprises de l’effet financier du passage des seuils de 10 et de 20 salariés.

2° La réforme ne porte pas sur les relations du travail, l’emploi ou la formation professionnelle :– les exonérations fiscales et sociales ne relèvent pas, par principe, du champ de l’article L. 1, même si la politique de l’emploi à laquelle elles contribuent rentre dans ce champ ;

163Section sociale

– les projets qualifiés de réforme par le Gouvernement mais dont les dispo-sitions relatives au droit des relations du travail, de l’emploi et de la forma-tion professionnelle, seules susceptibles de faire l’objet d’une négociation, ne constituent qu’un aspect mineur et ne sont pas suffisamment substantielles pour être qualifiées elles-mêmes de réforme : le Conseil d’État s’est prononcé en ce sens lors de l’examen du projet de loi de modernisation de l’économie sur des exonérations fiscales liées au plan d’épargne d’entreprise.

3° La réforme ne relève pas de la négociation nationale et interprofessionnelle :– la suppression de l’autorisation préalable des heures supplémentaires par l’inspecteur du travail – un régime de police administrative – est sans doute une réforme importante, mais elle ne relève pas de la négociation collective et se trouve donc hors du champ défini par l’article L. 1 du code du travail ;– les projets de réforme en matière de santé et de sécurité au travail ne relevaient pas de la négociation nationale et interprofessionnelle, dès lors qu’ils compor-taient la fixation unilatérale d’obligations pour les employeurs – le décret relatif au contrôle du risque chimique sur les lieux de travail – ou organisaient des consultations préalables dont l’État juge utile de s’entourer – décret créant le Conseil d’orientation des conditions de travail ;– des dispositions qui présentent un caractère sectoriel et ne relèvent donc pas du champ de la négociation interprofessionnelle mais seulement le cas échéant de la négociation de branche, comme celles du projet de loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs, expressément limité à une branche professionnelle.

Le Conseil d’État n’a pas encore eu à se prononcer souvent sur les modalités d’application de l’article L. 1 et notamment sur la teneur du document d’orien-tation et le délai laissé à l’expression d’une volonté de négociation, voire à la négociation elle-même. Il a eu toutefois à apprécier la teneur du document d’orientation par lequel le Gouvernement avait saisi les partenaires sociaux d’une réforme de la démocratie sociale, et notamment de l’avenant à cette sai-sine relative au temps de travail. Il a considéré que le document d’information, d’ailleurs complété par le Gouvernement dans un second temps, était suffisam-ment précis. Dès lors que l’objet affiché de la réforme était de modifier la part respective de la loi et de l’accord collectif, le Gouvernement pouvait, sur la base d’une telle saisine, remplacer des pans entiers de dispositions relatives au temps de travail par des dispositions renvoyant à la négociation d’entreprise, subsidiairement à la négociation de branche, et doublement subsidiairement au décret. Il résulte des dispositions de l’article L. 1 que la négociation d’une stipu-lation en cette matière dans la position commune du MEDEF, de la CGT et de la CFDT en date du 9 avril 2008 ne lie en rien le Gouvernement quant au fond de la réforme. Enfin, le Conseil d’État n’a pas eu à statuer sur les modalités dans lesquelles s’exprime – ou ne s’exprime pas – la volonté des partenaires sociaux d’engager des négociations sur le projet de réforme dont ils sont saisis.

La section a examiné de nombreux projets de décret relatifs aux relations du travail et à l’emploi, à commencer par le décret de recodification de la partie réglementaire du code du travail 11.

11 - Sur la recodification de la partie législative, voir le rapport public 2008, pages 140 à 142.

164 Activité consultative

Décret de recodification du code du travail

Le Conseil d’État saisi du projet de décret relatif à la partie réglementaire du code du travail, a pu constater l’important travail effectué par la mission de recodification mise en place par le ministère du travail, dans le prolongement de celui qui a été effectué sur la partie législative.

La recodification a fait apparaître que des mesures législatives étaient rendues nécessaires soit par des oublis soit par des imprécisions dans la partie législative du code telle qu’elle résulte de l’ordonnance du 12 mars 2007 et de la loi du 21 janvier 2008. En ce qui concerne les quelques dispositions de nature législa-tive qui n’ont pas été recodifiées dans le nouveau code et qui ne relèvent pas du domaine du règlement, et notamment les articles L. 444-9 et L. 620-12 du code actuel, le Conseil d’État a invité le Gouvernement à en prendre l’initiative, dans le cadre d’un prochain projet de loi.

Le Conseil d’État a constaté, sans pouvoir y remédier, que les dispositions réglementaires nécessaires à l’application de certaines dispositions législa-tives n’avaient pas été prises et que le délai raisonnable accordé par la juris-prudence pour les prendre était largement dépassé. Cette carence concerne par exemple l’agrément des organismes qui assurent la formation économique et sociale des responsables et militants syndicaux (art. L. 2145-2), le service auprès duquel est déposé le procès-verbal de constat de désaccord en cas d’échec d’une négociation (art. L. 2242-4), ou encore le financement des institutions sociales des entreprises dans le cas où les sommes mises à disposition du comité d’en-treprise ne permettent pas d’assurer leur financement normal (art. R. 2323-34). Il a également noté l’absence de dispositions applicables aux stagiaires dans le chapitre IV du titre II du livre VI de la partie IV sur les actions du médecin du travail. Alors que le champ d’application de la partie législative, constitué de l’ensemble des travailleurs au sens de l’article L. 4111-5, s’entend des salariés et des stagiaires, la partie réglementaire correspondante ne peut se borner à édicter des règles pour les seuls salariés.

La section a observé que l’article D. 141-7 du code du travail (ancien) prévoit – dans la branche des hôtels, cafés et restaurants – le calcul du salaire dit « SMIC hôtelier » sur la base d’une durée hebdomadaire d’équivalence de 43 heures pour les cuisiniers, de 52 heures pour les veilleurs de nuit et de 45 heures pour les autres personnels. Cette disposition doit être regardée comme implicitement abrogée en droit du travail par l’effet du décret no 2004-1536 du 30 décembre 2004 fixant la durée du travail dans cette branche à 37  heures ou 39  heures selon les catégories de personnel. Cependant elle continue d’être utilisée pour le calcul des cotisations de sécurité sociale dans cette branche, sur le fonde-ment d’une jurisprudence constante de la Cour de cassation (2e ch. civile) « que cette base minimale de rémunération soit ou non appliquée ». Le Conseil d’État n’a, par suite, pas recodifié mais maintenu en vigueur cet article. Il invite le Gouvernement à introduire dans le code de la sécurité sociale les dispositions rendues nécessaires, le cas échéant, par le maintien d’une telle interprétation, avant d’abroger cet article.

Le Conseil d’État a supprimé à l’article D. 5213-53 une disposition de l’article R. 323-73 (ancien) qui réservait aux seules personnes handicapées âgées de 45 ans au plus l’octroi de la subvention d’installation aux fins de l’exercice d’une

165Section sociale

activité indépendante prévue à l’article L. 5213-12, dès lors que ce critère d’âge n’est pas pertinent au regard de l’objet de la mesure. Si le ciblage des mesures d’aide à l’emploi sur des tranches d’âge déterminées n’a pas nécessairement le caractère d’une discrimination par l’âge, tant au regard du principe d’égalité que par l’application combinée de l’article  14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et de l’ar-ticle 1er de son premier protocole additionnel, la limite fixée par cet article à 45 ans a bien ce caractère dès lors que le besoin de reclassement professionnel d’une personne handicapée se pose dans les mêmes termes que ces personnes aient ou non atteint l’âge en cause. Il a également procédé à la disjonction de plusieurs dispositions illégales qui instauraient des conditions d’âge pour diri-ger un centre de formation d’apprentis (art. R. 6233-23) ou exercer la fonction de maître d’apprentissage (art. R. 6261-9), ou qui instituaient des règles par-ticulières de non-cumul d’activité pour les directeurs de centre de formation d’apprentis (art. R. 6233-27), dispositions qui, à supposer qu’elles aient pu être justifiées au regard des principes constitutionnels et conventionnels d’égalité ou de non-discrimination, n’auraient pu être édictées que par la loi.

Le Conseil d’État a disjoint pour subdélégation illégale la disposition qui pré-voyait que, pour les établissements de santé, sociaux et médico-sociaux, les règles applicables à certaines installations sanitaires pouvaient être adaptées par un arrêté conjoint des ministres chargés du travail et de la santé (R. 4228-12, alinéa 3). L’article L. 4111-2 autorise, en effet, l’adaptation des dispositions de la quatrième partie du code mais seulement par « décret pris, sauf disposition particulière, en Conseil d’État ». Or, le livre II ne comporte aucune disposition particulière sur les lieux de travail.

Sur le terrain de la réciprocité des accords internationaux, il a constaté que la mention des autres États parties à l’Espace économique européen et, le cas échéant, celle de la Confédération suisse, ne pouvait qu’être reproduite à l’iden-tique dans la recodification, faute de certitude sur l’adoption des directives ainsi transposées, par le comité mixte s’agissant des États parties à l’accord sur l’Es-pace économique européen autres que ceux membres de l’Union européenne ou de la Communauté européenne, ou par un accord bilatéral s’agissant de la Confédération suisse. Il s’agit notamment de dispositions en matière d’autori-sation de travail des étrangers (art. R. 5221-1), de détachement transnational de travailleurs (art. R. 1262-9), de salaire de référence pour l’indemnisation du chômage (art. R. 5422-3) ou de mise en place d’un comité d’entreprise dans une société européenne (art. D. 2352-15). Il a invité le Gouvernement à mettre en place un dispositif de suivi de l’adoption des directives en cause par ces États et, par suite, du champ d’application des dispositions transposées en droit interne.

Décret d’application de la loi sur la continuité du service public dans les transports

Lors de l’examen du projet de décret relatif à l’application de la loi no 2007-1224 du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs et fixant les règles d’organisation et de déroulement de la négociation préalable au dépôt d’un préavis de grève, le Conseil d’État s’est interrogé sur le champ de la consultation des organisa-tions syndicales représentatives. Il a estimé que l’obligation de consultation

166 Activité consultative

préalable des organisations syndicales représentatives des employeurs et des salariés des entreprises et régies de transport terrestre sur ce projet de décret mentionnée à l’article 1er de la loi ne saurait exclure les organisations qui ont conclu préalablement un accord de branche ou d’entreprise sur ce sujet, alors même que la branche ou l’entreprise se trouve de ce fait par application de la loi en dehors du champ d’application du décret. En effet, cette entreprise ou cette branche peut être à nouveau soumise aux dispositions réglementaires prévues pour la négociation préalable si l’accord signé cesse de produire ses effets pour un motif quelconque.

Décrets relatifs aux conseils des prud’hommes

Lors de l’examen de la réforme de la carte judiciaire pour les conseils des prud’hommes, la section a attiré l’attention du Gouvernement sur le problème posé au regard de l’accès des justiciables par l’une des fermetures envisagées. Une distance géographique excessive séparant les justiciables du Conseil des prud’hommes – en l’occurrence un trajet aller et retour de 260  km et d’une durée approximative de quatre heures entre l’ancien et le futur conseil ou entre l’ancien conseil et le futur conseil de rattachement – constitue une erreur mani-feste d’appréciation. Il a donc proposé au Gouvernement, qui l’a suivi, de ne pas retenir cette suppression.

Saisi d’un projet de décret relatif à la formation des conseillers prud’hommes, le Conseil d’État a constaté que ses dispositions, dont l’objet était de reconduire le dispositif de formation des conseillers prud’hommes élus en 2002 jusqu’aux nouvelles élections prud’homales reportées au mois de décembre 2008, com-portaient des effets rétroactifs. Dès lors, il n’a pu donner un avis favorable à ce projet qu’en modifiant ses dispositions de façon à en supprimer le caractère rétroactif. Le Conseil d’État a estimé que ni les dispositions législatives qui pro-longent le mandat des conseillers prud’hommes ni celles qui étendent les possi-bilités de formations offertes aux conseillers prud’hommes salariés, ne peuvent être regardées comme habilitant le pouvoir réglementaire à prolonger l’effet d’un agrément donné par l’autorité administrative à un organisme de formation pour une durée limitée et qui est devenu caduc.

Décret relatif au Haut Conseil du dialogue social

La section, saisie d’un projet de décret d’application de la loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail, a considéré que ce décret ne pouvait limiter aux seules organisations représen-tatives les organisations syndicales de salariés potentiellement représentées au Haut Conseil du dialogue social, dès lors que l’article L. 2122-11 du code du travail, issu de la loi précitée, prévoit que cet organisme comprend des représen-tants d’organisations syndicales de salariés nationales et interprofessionnelles sans limiter aux seules organisations syndicales représentatives la présence au sein du Haut Conseil. Elle a par suite admis la disposition réglementaire pré-voyant cinq représentants des organisations syndicales de salariés, sans pré-cision supplémentaire, et mentionnant que les membres du Haut Conseil du dialogue social sont nommés par le Premier ministre. A contrario, la section

167Section sociale

a constaté que les dispositions du même article prévoient que le Haut Conseil du dialogue social comprend des représentants d’organisations d’employeurs représentatives au niveau national, ce qui a pour conséquence de ne pas limiter la représentation des employeurs aux seules organisations les plus représentatives.

Par ailleurs, l’article L. 2122-11 mentionné ci-dessus dispose que le Haut Conseil du dialogue social comprend notamment des représentants du ministre chargé du travail. Bien que puisse être discutée la compétence du législateur pour déci-der que le Gouvernement est représenté par un ministre nommément désigné au sein d’un organisme consultatif, la loi limite, en l’absence d’engagement d’une procédure de déclassement de cette disposition, à ce seul ministre la représen-tation du Gouvernement au sein de ce conseil et ne rend pas possible la dési-gnation de représentants d’autres ministres, même si les décrets d’attribution de ceux-ci leur donnent compétence en matière de relations du travail et de politique sociale.

Décret relatif au temps de travail

Le Conseil constitutionnel a censuré dans la loi du 20 août 2008 portant réno-vation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail 12 l’incompétence négative du législateur qui n’avait pas fixé la durée de la contrepartie obliga-toire en repos qu’il créait en lieu et place du repos compensateur obligatoire. Compte tenu d’un autre motif de sa décision 13, la censure à laquelle il a procédé a redonné un caractère pérenne aux dispositions provisoirement maintenues en vigueur du repos compensateur obligatoire en tant qu’elles fixent la durée de la contrepartie obligatoire en repos due à raison des heures supplémentaires effectuées, dans les conditions prévues par l’article 18 de la loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail. Or, le projet de décret portant diverses mesures relatives au temps de travail, qui modifie notamment les dispositions pénales sanctionnant la méconnaissance des dispositions relatives au temps de travail pour tenir compte des modifica-tions résultant du titre II de la loi précitée, retirait la référence aux articles rela-tifs au repos compensateur obligatoire des dispositions pénales en cause, sans y rétablir la mention du IV de l’article 18 de la loi précitée qui fixe la durée de la contrepartie obligatoire en repos. La section a considéré que, ce faisant, le Gouvernement méconnaissait la décision précitée du Conseil constitutionnel. Elle a donc rétabli les sanctions pénales en cas de méconnaissance de la durée de la contrepartie obligatoire en repos telle que fixée par le IV de l’article 18 de la loi du 20 août 2008.

12 - Décision du Conseil constitutionnel no 2008-568 DC du 7 août 2008.13 - Il a regardé comme une atteinte excessive aux situations contractuelles le maintien pendant un an seulement des clauses des accords antérieurs en matière d’heures supplémentaires : voir la rubrique « Assemblée générale et commission permanente » du présent rapport.

168 Activité consultative

Décret relatif à l’organisation du service public de l’emploi

La loi du 13 février 2008 relative au service public de l’emploi a notamment procédé à la fusion en une seule institution innommée, qui est en réalité un éta-blissement public à caractère administratif, de l’ANPE, des Assedics et d’une partie de l’UNEDIC. Le Conseil d’État avait considéré que cette restructuration, dont la loi fixait assez précisément le cadre, devait être précédée de la consul-tation des comités d’entreprise de l’UNEDIC et de chacune des Assedics, en application de l’article L.  432-1 alinéa  2, devenu l’article L.  2323-15 du code du travail, aux termes duquel « le comité d’entreprise est saisi en temps utile des projets de restructuration et de compression des effectifs » 14. Il émet un avis sur l’opération projetée et ses modalités d’application. Saisi du projet de décret d’application de cette loi, la section a estimé que les mêmes comités d’entreprise n’avaient pas à être consultés spécifiquement sur ce projet de texte, mais qu’il y avait lieu de poursuivre la consultation sur les différents éléments du processus de restructuration engagé par la loi précitée, qu’ils nécessitent un texte réglementaire, des conventions avec d’autres organismes ou qu’ils relèvent de simples décisions de l’instance de préfiguration créée par la loi. En l’espèce, il a été vérifié que ce processus se poursuivait dans les conditions normales.

Décret relatif à la durée du travail du personnel navigant affecté à des opérations aériennes civiles d’urgence par hélicoptère

La section n’a pas examiné le projet de décret relatif à la durée du travail du personnel navigant affecté à des opérations aériennes d’urgence par héli-coptère. Ce décret reprenait pour l’essentiel le contenu d’un accord collectif de branche étendu mais comportait des dispositions qui n’avaient pas toutes la même portée  : les unes, relatives aux heures d’équivalence, relevaient du pouvoir réglementaire, d’autres, relatives à la durée maximale du temps de per-manence ou du temps de vol, reprenaient les stipulations de l’accord en adap-tant les dispositions législatives et réglementaires du code du travail, d’autres, relatives au décompte des heures supplémentaires sur une période supérieure à la semaine, relevaient d’un accord d’entreprise ou d’établissement, le décret ne présentant qu’un caractère subsidiaire, d’autres enfin ne reprenaient pas les stipulations de l’accord. Dans ces conditions, la section a indiqué au Gouver-nement qu’il ne lui était pas possible de faire figurer dans un même décret des dispositions dont la portée au regard des stipulations de l’accord collectif était différente et notamment des dispositions qui, eu égard à l’existence d’un accord, n’ont pas à être prises par décret. En effet, selon les dispositions récentes des articles 18 à 20 de la loi du 20 août 2008 15, le contingent annuel d’heures sup-plémentaires, les conditions d’accomplissement des heures au-delà du contin-gent, les conventions de forfait en heures et en jours sur l’année et la répartition des horaires sur une période supérieure à la semaine relèvent désormais de la

14 - Rapport public 2008, page 54.15 - Loi no 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail.

169Section sociale

conclusion d’un accord d’entreprise, ou à défaut d’un accord de branche, et sub-sidiairement d’une disposition réglementaire. Mais d’autres questions relatives au temps de travail, comme le repos hebdomadaire par exemple, restent fixées par des dispositions réglementaires, auxquelles ne peut déroger un accord que si la loi le prévoit et qui ne peut être un accord d’entreprise que si l’accord de branche le rend possible. Quant aux astreintes et aux équivalences, seul un texte normatif peut les prévoir.

Décret relatif à l’information des travailleurs sur les risques pour leur santé et leur sécurité

La section a été conduite à compléter les dispositions du projet de décret relatif à l’information des travailleurs sur les risques pour leur santé et leur sécurité. En effet, alors même que le délai de transposition de la directive en cause était expiré et que la France avait été condamnée pour manquement par la CJCE, le projet ne comportait pas de dispositions particulières pour les mines et les entreprises de transport à statut.

Or, le champ d’application de la quatrième partie du code du travail exclut cer-taines activités, en application de l’article L. 4111-4 qui dispose : « Ne sont pas soumises aux dispositions de la présente partie  : / 1° Les mines et carrières ainsi que leurs dépendances ; / 2° Les entreprises de transport dont le person-nel est régi par un statut. / Toutefois, ces dispositions peuvent leur être rendues applicables en tout ou partie par décret ». La seule modification des disposi-tions de la quatrième partie du code n’épuise donc pas totalement l’obligation de transposition. Des dispositions étendant les obligations d’information pré-vues par le projet de décret à ces activités ont donc été ajoutées.

Décret relatif au Conseil d’orientation sur les conditions de travail

Lors de l’examen du projet de décret relatif au Conseil d’orientation sur les conditions de travail, qui se substitue à la fois au Conseil supérieur de la pré-vention des risques professionnels et à la Commission nationale d’hygiène et de sécurité du travail en agriculture, le Conseil d’État a complété le projet du Gouvernement par des dispositions transitoires et d’entrée en vigueur, afin de prévenir tout vide juridique entre la publication de ce décret et l’installation du nouveau conseil et d’éviter une double consultation pour les projets de textes déjà soumis à la consultation des anciens organismes.

Décret sur les équipements de travail et équipements de protection individuelle

La directive 2006/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 mai 2006 révise certaines dispositions relatives aux équipements de travail et aux équipe-ments de protection individuelle doit être transposée.

170 Activité consultative

La section s’est interrogée sur la possibilité de transposer une réglementa-tion particulière sur les « quasi-machines », introduite par le g de l’article 1er de cette directive, mais formellement inexistante dans le champ défini aux articles L. 4311-1 et L. 4311-2 du code du travail. Or, cette directive définit les quasi-machines dans son article 2 comme un « ensemble qui constitue presque une machine, mais qui ne peut assurer à lui seul une application définie », par exemple un système d’entraînement. Elle précise que « la quasi-machine est uniquement destinée à être incorporée ou assemblée à d’autres machines ou à d’autres quasi-machines ou équipements en vue de constituer une machine à laquelle la présente directive s’applique ». La section a cependant admis qu’elles pouvaient être regardées comme comprises dans l’une des catégories d’équipe-ments de travail de l’article L. 4311-2, dont la rédaction doit être interprétée à la lumière de l’ancien article L. 233-5 du code du travail. Elle a, en outre, consi-déré que l’article L. 4311-7 permet de transposer par la voie réglementaire les dispositions particulières aux quasi-machines, dès lors qu’il renvoie à un décret en Conseil d’État la détermination des équipements de travail et des moyens de protection soumis aux obligations de sécurité définies à l’article L. 4311-1.

Décret sur l’hébergement des salariés agricoles

La section a été conduite à disjoindre des dispositions d’un projet de décret rela-tif à l’hébergement des travailleurs saisonniers agricoles. Elles avaient pour objet, pour les travaux de vendanges, d’assouplir de façon sensible les condi-tions minimales d’hygiène et de confort dans ces locaux d’hébergement. Ainsi, elles prévoyaient notamment qu’en cas d’hébergement collectif, la superficie minimale dans les pièces destinées au sommeil serait pratiquement diminuée de moitié. Le Gouvernement n’a pas fourni d’explications sur l’intérêt général qui justifierait, au regard du principe d’égalité, le traitement particulier ainsi réservé aux salariés employés aux travaux de vendanges.

Le Conseil d’État s’est aussi interrogé, en comparant les normes envisagées avec celles admises par d’autres réglementations pour des hébergements pro-visoires, sur la question de savoir si la diminution envisagée de la protection due aux travailleurs agricoles ne porte pas une atteinte directe à l’objectif de valeur constitutionnelle consistant à ce que toute personne dispose d’un loge-ment décent 16.

16 - V. la décision du Conseil constitutionnel 2004-503 DC du 12 août 2004, considérant 21.

171Section sociale

Statistiques

Entre le 1er janvier et le 31 décembre 2008, la section a tenu 97 séances et exa-miné 166 textes.

2 affaires relevant de sa compétence ont été examinées par la commission per-manente et 6 textes ont été soumis à l’assemblée générale.

Tableau 1Répartition par nature des textes examinés

2004 2005 2006 2007 2008

Lois 23 23 15 12 11Ordonnances 8 21 5 3 6Lois du pays 1 5 5 1 3Décrets réglementaires 139 186 185 178 145Décrets individuels, arrêtés et décisions 151 58 73 17 -Remises gracieuses - - - - -Avis 0 1 2 0 1Total 322 294 285 211 166

Tableau 2Répartition par ministère d’origine des textes examinés

Ministère d’origine

Loi

s

Ord

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nces

Loi

du

pays

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glem

enta

ires

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s

Tota

l

Agriculture - - - 7 - - - 7Budget 1 - - 9 - - - 10Défense - - - 1 - - - 1Écologie - - - 3 - - - 3Économie 2 - - 8 - - - 10Immigration - - - 1 - - - 1Intérieur, outre-mer - 3 - - - - - 3Justice - - - 3 - - - 3Premier ministre - - - 2 - - - 2Santé 3 2 1 49 - - - 55Travail 5 1 2 62 - - 1 71Total 11 6 3 145 - - 1 166

172 Activité consultative

Tableau 3Répartition par matière des textes examinés

Matières 2008

Autres affaires sociales 31Fonction publique hospitalière 9Juridictions : prud’hommes 3Santé publique – Hors fonction publique hospitalière 39Sécurité sociale 33Travail, emploi et formation professionnelle 51Total 166

Tableau 4Délais d’examen des projets de loi, d’ordonnance et de décrets réglementaires

Moins de15 jours

De 15 joursà 1 mois

De 1 moisà 2 mois

Plus de2 mois

Total

Projets de loi 4 5 2 - 11Projets d’ordonnance 1 2 2 1 6Projet de décret 24 44 49 28 145

173Section de l’administration

Section de l’administration

La section de l’administration, créée par l’article  11 du décret no  2008-225 du 6 mars 2008, a été mise en place au mois de juillet 2008. Son champ de compétence couvre, d’une part, l’ensemble des questions relatives aux statuts des fonctionnaires civils et militaires et des agents publics non titulaires ainsi qu’à la gestion des ressources humaines de l’État et des autres collectivités publiques, d’autre part, les affaires relevant du ministère de la défense, enfin, les affaires relatives à l’organisation et à la gestion non financière des administra-tions, ce qui concerne, donc, la commande publique, la propriété des personnes publiques, la procédure administrative non contentieuse, les relations avec les usagers, les simplifications administratives, la réforme de l’État et des services publics et la création de catégories de personnes publiques, à l’exception des collectivités territoriales.

Depuis sa création, la section de l’administration s’est réunie à 27 reprises.

Elle a examiné 3 projets de loi dont 2 soumis ensuite à l’assemblée générale et 1 examiné en commission permanente, un 1 projet d’ordonnance et 65 projets de décret.

Au-delà des problèmes de fond et des aspects juridiques propres aux textes qu’elle a examinés, la section de l’administration a été amenée à résoudre cer-taines questions de principe ou d’interprétation.

Commande publique

Obligation d’information dans le cadre des marchés de haute technologie

Examinant le projet de décret relatif aux modalités d’application de l’article 26 de la loi no 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie pour la passation des marchés publics de haute technologie avec des petites et moyennes entreprises innovantes, la section de l’administration a donné un avis favorable à une disposition instituant une nouvelle obligation d’information pesant sur les collectivités territoriales et les entreprises privées chargées d’un service public lorsqu’elles passent des marchés publics régis par le dispositif créé par l’ar-ticle 26 de la loi no 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie. La section a estimé que cette disposition réglementaire ne méconnaissait pas les articles 34 et 72 de la Constitution dès lors qu’elle était impliquée par la réali-sation de l’évaluation dont le principe est exigé par le IV de l’article 26 précité.

174 Activité consultative

Prérogatives des pouvoirs adjudicateurs

La section de l’administration a examiné un projet de décret modifiant diverses dispositions régissant les marchés soumis au code des marchés publics et aux décrets pris pour l’application de l’ordonnance no 2005-649 du 6 juin 2005 rela-tive aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non sou-mises au code des marchés publics.

La section a retiré de la nouvelle rédaction proposée de l’article 125 du code des marchés publics, rendant à nouveau applicables les dispositions de contrôle financier issues de l’ancien décret no  64-4 du 6  janvier 1964 qui avaient été abrogées, la mention du texte législatif spécial qui était cité dans ce texte régle-mentaire. Ces dispositions réglementaires, autorisant l’État et ses établissements publics administratifs à exercer des contrôles détaillés auprès de leurs cocon-tractants pour s’assurer des justifications des sommes facturées, n’ont en effet pas à être assorties d’une base législative spécifique. Elles constituent des préro-gatives financières des personnes publiques en cause, justifiées par leur position de pouvoir adjudicateur, et entrent dans le domaine réglementaire comme l’en-semble des dispositions relatives aux marchés publics. Les contraintes pouvant résulter de ces dispositions pour les entreprises titulaires de marchés publics ne sont pas à ranger au nombre des obligations civiles et commerciales visées à l’article 34 de la Constitution puisqu’elles sont l’effet, non d’une règle unilaté-rale, mais d’un contrat.

UGAP

La section de l’administration a adopté un projet de décret modifiant le décret no 85-801 du 30 juillet 1985 relatif au statut et au fonctionnement de l’UGAP, dont l’une des dispositions autorise l’UGAP, centrale d’achat limitant jusqu’à pré-sent ses interventions aux marchés passés pour l’État, ses établissements publics administratifs, les collectivités territoriales et les établissements publics qui en relèvent, à étendre son activité notamment à des contrats conclus par des opéra-teurs économiques privés agissant au service des personnes publiques par l’effet de partenariats public-privé, de baux emphytéotiques administratifs ou de mis-sions globales de conception, construction et maintenance de bâtiments publics.

La section a considéré que cette extension de compétences, pour rester com-patible avec la spécialité conférée à l’UGAP par voie réglementaire, devait toutefois être limitée aux seuls achats effectués par ces entités privées en vue de réaliser les contrats et missions qui les relient au service public. En effet, l’extension de l’intervention de l’UGAP à l’ensemble des achats d’entreprises de travaux publics ou de services n’ayant de liens avec le service public que pour une faible partie de leur activité serait contraire au principe de spécialité et nécessiterait l’intervention d’une loi instaurant une nouvelle catégorie d’établis-sements publics, distincte de celle à laquelle appartient l’UGAP.

En outre, il a été rappelé que dans cette activité déployée au service d’interve-nants économiques privés l’UGAP était tenue par l’ensemble des principes et règles du droit de la concurrence et devait s’abstenir de toute mesure, relative par exemple à la prise en compte de ses coûts et à la facturation de ses services, susceptible de la placer en situation d’abus de sa position dominante.

175Section de l’administration

Défense nationale

Compétence respective de la loi et du pouvoir réglementaire en matière d’organisation de la défense nationale

L’examen du projet de loi portant dispositions relatives à la gendarmerie et du projet de loi de programmation militaire a permis au Conseil d’État de préciser les conditions d’application de l’article 34 en matière de défense.

Le projet de loi de programmation militaire procédant à une redéfinition de l’organisation gouvernementale, le Conseil d’État a estimé que touchent aux principes fondamentaux de l’organisation générale de la défense nationale au sens de l’article 34 de la Constitution et, par suite, relèvent de la loi :

1° La définition de la politique de défense ainsi que la définition de la stratégie de sécurité nationale, laquelle vise à répondre aux menaces et risques suscep-tibles d’affecter la vie de la Nation, notamment en ce qui concerne la protection de la population et l’intégrité du territoire, et ne saurait, à ce titre, être conçue et mise en œuvre indépendamment de la politique de défense.

2° La détermination des responsabilités des ministres chargés de la préparation et de la mise en œuvre de la politique de défense et des éléments de la stratégie de sécurité nationale qui n’en sont pas dissociables, à savoir :– la préparation, la mise en condition d’emploi et la mobilisation des forces armées en vue de répondre aux agressions armées ;– la contribution des forces armées en vue de pourvoir à la sécurité intérieure et à la sécurité civile ;– la sécurité intérieure et la sécurité civile qui concourent à la défense et à la sécurité nationale ;– le renseignement extérieur, le renseignement d’intérêt militaire et le rensei-gnement intérieur ;– l’action diplomatique au service des priorités de la stratégie de sécurité natio-nale et de la politique de défense ;– la responsabilité du ministre de la justice chargé d’assurer en toutes circons-tances la continuité de l’activité pénale et l’exécution des peines ;– l’action des ministres à compétence économique (économie, budget, trans-ports, énergie, industrie) en vue d’assurer la sécurité économique du pays, la surveillance des flux financiers et le contrôle douanier ainsi que la mobilisation des ressources nationales ;– les responsabilités du ministre chargé de la santé, en ce qui concerne le volet sanitaire de la planification interministérielle de défense et de sécurité nationale en cas d’agressions armées ou d’attentats.

3° La détermination des compétences du Conseil de défense et de sécurité natio-nale et du Premier ministre en ce qui concerne la réponse aux crises majeures résultant d’agressions armées ou d’attentats.

4° Le rôle dévolu au Conseil de défense et de sécurité nationale dans le domaine du renseignement tant extérieur qu’intérieur.

176 Activité consultative

En revanche, selon le Conseil d’État, touche à l’organisation de la défense mais n’affecte pas les principes fondamentaux de la défense, la règle selon laquelle le ministre de la défense est chargé de la prospective de défense, de l’anticipation et du suivi des crises intéressant la défense, de la politique industrielle et de recherche et de la politique sociale propres au secteur de la défense. Ces dif-férents énoncés, qui constituent la déclinaison, dans des domaines particuliers, des responsabilités du ministre de la défense, relèvent du pouvoir réglementaire.

Enfin, quoique relevant de la stratégie de sécurité nationale, les dispositions régissant les compétences des ministres chargés de la santé et de l’environne-ment en matière de prévention et de protection contre les catastrophes naturelles et les risques sanitaires, c’est-à-dire contre des risques ne résultant pas d’agres-sions, ne se rattachent pas à la défense et ne sont pas davantage indissociables de celle-ci. Il appartient, par suite, au seul pouvoir réglementaire de fixer les règles dans ce domaine.

S’agissant de la gendarmerie, le Conseil d’État a considéré qu’en égard aux mis-sions militaires de la gendarmerie nationale et au statut militaire des gendarmes, la redéfinition des missions de la gendarmerie, le transfert de celle-ci au minis-tère de l’intérieur et le placement de la gendarmerie nationale sous l’autorité du ministère de l’intérieur touchent aux principes fondamentaux de l’organisation générale de la défense nationale. Il en va ainsi en particulier de l’énoncé de la mission de renseignement et d’information des autorités publiques, qui se rat-tache tant aux opérations extérieures auxquelles la gendarmerie nationale parti-cipe qu’à la défense opérationnelle du territoire.

Par ailleurs, la vocation des réservistes de la gendarmerie nationale à servir prioritairement dans des missions opérationnelles touche aux principes fonda-mentaux de l’organisation générale de la défense nationale et, par suite, relève de la loi.

Conseil de défense et de sécurité nationale

Le Conseil d’État a estimé que les termes de l’article 15 de la Constitution, qui mentionnent « les conseils et comités supérieurs de la défense nationale », visent de façon générique la catégorie des conseils qui, eu égard à leur objet, doivent être présidés par le Chef de l’État et ne font pas d’obstacle à ce que le projet de loi de programmation militaire adopte l’appellation de « conseil de défense et de sécurité nationale ».

Direction politique et stratégique de la réponse aux crises majeures

Le Conseil d’État a estimé ne pas pouvoir donner son accord à une disposition du projet de loi de programmation militaire qui prévoyait que « la direction politique et stratégique de la réponse aux crises majeures relève du Président de la République et du Premier ministre ». Cette disposition est apparue en effet incompatible avec la Constitution et serait de surcroît inapplicable. Afin néan-moins de conserver le principe d’un pilotage de la gestion des crises majeures au plus haut niveau de décision, une disposition a été insérée par le Conseil

177Section de l’administration

d’État à l’article L. 1111-3 du code de la défense, aux termes de laquelle « les décisions en matière de (…) direction politique et stratégique de la réponse aux crises majeures sont arrêtées en Conseil de défense et de sécurité nationale ».

Régime des priorités de transport

Saisie d’un projet de décret modifiant le code de la défense, la section de l’ad-ministration s’est interrogée sur le fondement législatif du régime des priorités défini dans un nouvel article R.  *. 1336-15 qui précise que « les régimes de priorité, qui permettent notamment l’arrêt d’activités en cours, sont établis par les ministres chargés des transports et de l’équipement suivant les directives gouvernementales ».

Elle a constaté que le nouvel article était la reprise, sous une forme rénovée, de l’article R. */ 1336-30 qui prévoyait un régime de priorités de transport dès la mise en garde, la mobilisation générale ou dans les autres cas prévus à l’article L. 1111-2.

Elle a estimé que ce régime des priorités était fondé sur l’article L.  1141-2 qui dispose d’une part que « dans les cas prévus à l’article L. 1111-2, un seul ministre est responsable, pour chacune des grandes catégories de ressources essentielles à la vie du pays, telles que matières premières et produits indus-triels, énergie, denrées alimentaires, transports, entreprises de travaux publics et de bâtiments, télécommunications, des mesures à prendre pour satisfaire au mieux les besoins des ministres utilisateurs », d’autre part que « les mêmes ministres assurent la répartition des ressources dont ils sont responsables. » Par suite le pouvoir réglementaire est compétent pour définir les modalités d’un régime de priorités en matière de transport, défini par le ministre des transports et s’imposant aux opérateurs économiques.

La section a estimé en second lieu qu’en matière de transports et d’infrastruc-tures, le lien entre les impératifs de la défense, les exigences de la sécurité éco-nomique et les besoins de l’ordre public était très étroit et justifiait le recours à la notion de « mesures de défense et de sécurité ».

Ainsi, alors que le projet de loi de programmation militaire consacre la notion nouvelle de défense et de sécurité nationale, la section a estimé possible de rete-nir la notion de « défense et de sécurité » sans attendre l’adoption de cette loi.

Réquisitions

La section de l’administration saisie d’un projet de décret relatif à certaines dis-positions réglementaires de la deuxième partie du code de la défense (décrets en Conseil d’État et décret simple), lui a donné un avis favorable sous réserve de précisions apportées dans la détermination des sanctions pénales prévues en cas de refus d’obtempérer à un ordre de réquisition.

La section a ainsi, par l’ajout de la mention « en temps de paix » aux articles R. 2236-1 et R. 2236-2 qui prévoient des sanctions pénales en cas de refus d’ob-tempérer à un ordre de réquisition militaire, limité au temps de paix le champ

178 Activité consultative

des sanctions, de façon à tenir compte des sanctions pénales par ailleurs prévues par l’article L. 2236-4 pour le temps de guerre.

Sur un plan plus général, la section a appelé l’attention du Gouvernement sur les vides juridiques révélés par les travaux de codification en matière de sanctions pénales pour divers refus d’obtempérer à des mesures de réquisition. Il n’existe ainsi aucune sanction pénale de caractère législatif pour les entraves aux réqui-sitions militaires en temps de paix et pour les entraves aux réquisitions pour les besoins généraux de la nation en temps de guerre.

Secret de la défense nationale

Le Conseil d’État a examiné les dispositions du projet de loi de programmation militaire tendant à compléter le code pénal et le code de la défense afin de com-bler le vide juridique constaté par son avis no 374.120 du 5 avril 2007 (Rapport public 2008 p. 251) sur les conditions de déroulement des perquisitions dans des lieux où sont susceptibles de se trouver des informations couvertes par le secret de la défense nationale ou lorsque sont découverts, de façon fortuite, des documents classifiés.

Le Conseil d’État s’est attaché à vérifier que le dispositif proposé permettait de concilier les objectifs constitutionnels de recherche des auteurs d’infractions pénales et de sauvegarde des intérêts fondamentaux de la nation, condition qui, en l’espèce, lui est apparue satisfaite par le projet du Gouvernement. Il a admis, en outre, dans son principe, l’institution d’une procédure de classification de certains lieux strictement délimités. En revanche a été disjointe une disposition prévoyant que les travaux du Conseil de défense et de sécurité nationale seraient couverts par le secret de la défense nationale. Le Conseil d’État a estimé en effet que cette classification par détermination de la loi pourrait être interprétée comme ne permettant pas d’assurer la conciliation nécessaire entre les deux objectifs constitutionnels précités, dès lors qu’une éventuelle déclassification n’aurait pu résulter que de la loi elle-même.

Fonctionnaires et agents de l’État

Base légale de recrutement dérogatoire

Saisi d’un projet de décret modifiant le décret no 90-393 du 2 mai 1990 portant statut particulier du corps de l’inspection générale des affaires sociales, visant à instaurer une nouvelle voie d’accès au grade d’inspecteur général des affaires sociales, le Conseil d’État (section de l’administration), a estimé que le Conseil supérieur de la fonction publique de l’État n’avait pas à être consulté.

Le recrutement au grade des inspecteurs de 2e classe des affaires sociales s’ef-fectuant parmi les anciens élèves de l’ENA, la question s’est posée de savoir si les dispositions de l’article 10 de la loi no 84-16 du 11 janvier 1984 portant dis-positions statutaires relatives à la fonction publique de l’État étaient applicables en l’espèce.

179Section de l’administration

Bien que cet article dispose : « En ce qui concerne les membres des corps recru-tés par la voie de l’École nationale d’administration, des corps enseignants et des personnels de la recherche, des corps reconnus comme ayant un caractère technique, les statuts particuliers pris en la forme indiquée à l’article 8 ci-des-sus peuvent déroger, après avis du Conseil supérieur de la fonction publique de l’État prévu à l’article 13 ci-après, à certaines des dispositions du statut général qui ne correspondraient pas aux besoins propres de ces corps ou aux missions que leurs membres sont destinés à assurer, notamment pour l’ac-complissement d’une obligation statutaire de mobilité », l’article 24 de la loi no 84-16 du 11 janvier 1984 précitée précise : « Les statuts particuliers de cer-tains corps figurant sur une liste établie par décret en Conseil d’État, peuvent, par dérogation aux dispositions du présent chapitre, autoriser, selon des moda-lités qu’ils édicteront, l’accès direct de fonctionnaires de catégorie A, ou de fonctionnaires internationaux en fonction dans une organisation internationale gouvernementale chargés de fonctions équivalentes à celles qui sont confiées aux fonctionnaires de catégorie A, à la hiérarchie desdits corps. »

Le décret no 85-344 du 18 mars 1985 portant application de l’article 24 de la loi précitée énumère en annexe les corps concernés. Parmi ceux-ci figure le corps de l’inspection générale des affaires sociales.

La section a estimé que la source de la dérogation est, en ce qui concerne l’accès au corps de l’inspection générale des affaires sociales, constituée par l’article 24 de la loi no 84-16 du 11 janvier 1984 précitée.

Comités techniques paritaires ministériels et organisation gouvernementale

Le décret du 19 juin 2007 relatif à la composition du Gouvernement a conduit à la création de trois nouveaux « départements ministériels » au sens et pour l’application du décret no 82-452 du 28 mai 1982 correspondant aux services et corps relevant respectivement de l’autorité du ministre chargé de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, du ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité et du ministère chargé de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative.

Or selon l’avis no 380.693 du 18  juillet 2007 du Conseil d’État (section des finances) et sauf circonstances particulières, le Gouvernement disposait d’un délai raisonnable de l’ordre de six mois courant à compter de l’intervention du décret du 19 juin 2007 pour se conformer au principe de participation et tirer les conséquences de la nouvelle organisation gouvernementale sur l’architecture des différents comités techniques paritaires ministériels (CTPM).

La section de l’administration a cependant donné un avis favorable à un projet de décret prorogeant jusqu’au 16 mai 2010, au plus tard, le mandat des CTP relevant des ministères chargés des affaires sociales, de la jeunesse et des sports et de la vie associative.

Après avoir relevé que le délai de six mois susmentionné était expiré s’agissant des trois CTPM couverts par le projet de décret examiné, la section de l’ad-ministration a estimé que l’avis du 18 juillet 2007 ne faisait pas obstacle à la prorogation demandée dans la mesure, d’une part, où les CTPM pourraient se

180 Activité consultative

réunir en formations communes et où, d’autre part, le périmètre consolidé de ces trois CTPM correspondait, pour l’essentiel, au périmètre des deux dépar-tements ministériels constitués par les services et corps placés sous l’autorité respective du ministre chargé du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité et du ministre chargé de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative. En effet les seuls services couverts par les trois CTPM mais ne relevant plus du périmètre des deux départements ministériels susmentionnés sont les services de la délégation générale à l’emploi et à la formation profes-sionnelle et les services de la délégation aux droits des femmes, soit 300 agents environ sur un effectif consolidé de plus de 35 000 agents. L’écart très limité ainsi constaté entre les périmètres des départements ministériels concernés et ceux des CTPM existants n’est pas tel qu’il puisse être regardé comme portant atteinte aux principes rappelés par l’avis du 17 juillet 2007 et en particulier au principe de participation.

Quant au report au 16 mai 2010 du terme des trois CTPM actuels, il est apparu justifié par la nécessité d’éviter de procéder, d’ici la fin 2008, à des élections professionnelles dans les deux départements ministériels concernés alors que, d’une part, le Gouvernement a décidé de modifier sur le plan général le calen-drier des élections professionnelles dans la fonction publique et que, d’autre part et en tout état de cause, la création des autorités régionales de la santé pré-vue le 1er janvier 2010 devrait conduire à modifier profondément la composition du CTPM placé auprès du ministre chargé de la santé. Ce motif est apparu à la section un motif d’intérêt général suffisant justifiant la prorogation envisagée.

Durée du travail

Saisie du projet de décret relatif aux obligations de service des personnels ensei-gnants du premier degré, la section de l’administration a relevé que ce décret, qui précise les obligations de service des enseignants du primaire est de nature statutaire et devait être pris « le Conseil d’État entendu ». L’organisation de la semaine scolaire, qui n’est pas de nature statutaire, relève, en revanche, du décret simple.

Par suite, le décret relatif à l’organisation de la semaine scolaire et celui qui précise les obligations de service des enseignants, s’ils participent à l’organi-sation générale de l’enseignement primaire, relèvent, toutefois, de fondements juridiques distincts.

Égalité de traitement

À l’occasion de l’examen d’un projet de décret modifiant le statut particulier du corps de conception et de direction de la police nationale, la section de l’administration a disjoint les dispositions dispensant les commissaires de police intégrés dans ce corps en application de l’article L. 4139-2 du code de la défense, ainsi que les commissaires en position de détachement dans le corps, de l’obligation de mobilité exigée des autres membres du corps pour pouvoir être promus au grade de commissaire divisionnaire.

181Section de l’administration

La section a relevé que l’obligation de mobilité en cause, préalable à la promo-tion, avait une finalité fonctionnelle, destinée à faire exécuter par les commis-saires, au cours même de leur carrière au sein du corps, des activités différentes. Au regard de ces formalités, les conditions d’entrée dans le corps et les cir-constances que certains anciens militaires auraient pu exercer, dans leur corps d’origine, des activités pouvant se rapprocher de certaines de celles des com-missaires de police, sont sans portée.

La section a donc estimé qu’il n’existait pas de justification à la dispense envi-sagée, au regard de l’objectif de sa mobilité, et elle a, s’agissant plus particu-lièrement des militaires intégrés dans le corps des commissaires, regardé cette dispense comme portant atteinte à l’égalité de traitement à laquelle ont droit les fonctionnaires appartenant au même corps.

Libre circulation des travailleurs

La section de l’administration a considéré qu’est compatible avec le principe de libre circulation des travailleurs, posé par le traité instituant la Communauté européenne, le fait pour un statut d’emploi de réserver son accès aux fonction-naires des corps recrutés par la voie de l’École nationale d’administration ou parmi les fonctionnaires appartenant à un corps ou à un cadre d’emploi de la catégorie A dont l’indice brut terminal est supérieur à 1015. En effet, ces dispo-sitions n’établissent pas de discrimination automatique dès lors que la nouvelle rédaction de l’article 5 bis du titre I du statut général de la fonction publique issue de l’article 10 de la loi 2005-884 du 26 janvier 2005 a établi principe de l’ouverture a priori des corps. La question de conventionalité n’est susceptible de se poser qu’au stade du contrôle, in concreto et au cas par cas, de l’accès à tel ou tel emploi régi par le statut d’emploi en cause.

Principe de participation

Le principe de participation énoncé dans le huitième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 est mis en œuvre par l’article 9 de la loi no 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, qui prévoit que les fonctionnaires participent, par l’intermédiaire de leurs délégués siégeant dans les organismes consultatifs, à l’organisation et au fonctionnement des services publics, à l’élaboration des règles statutaires et à l’examen des décisions individuelles relatives à leur carrière.

Ce principe de participation trouve notamment à s’appliquer au travers des comités techniques paritaires. Mais il ne crée pas un monopole de représenta-tion au profit de ces comités paritaires. Ainsi, sans préjudice des compétences des comités techniques paritaires, peuvent être engagés en dehors du cadre formel des comités techniques paritaires mais avec les délégués du personnel désignés par les organisations syndicales, siégeant dans le comité compétent, des négociations dépourvues de toute obligation conclusive. Par suite un projet de décret modifiant le décret no 2002-634 du 29 avril 2002 relatif au compte épargne-temps peut prévoir que la détermination des dates des jours de congé fait l’objet d’une négociation avec les organisations syndicales représentées au sein du comité technique paritaire compétent.

182 Activité consultative

Obligation de consultation des comités techniques paritaires

Examinant un projet de décret relatif à la direction générale de l’administra-tion et de la fonction publique, la section de l’administration a relevé que cette direction générale ne comporte pas de services déconcentrés et est transférée au ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique alors qu’elle est à ce jour rattachée aux services du Premier ministre.

Dès lors, la section a considéré comme obligatoire la consultation du comité technique paritaire ministériel des services du Premier ministre et celle du comité technique paritaire central de l’administration centrale du ministère de l’économie, de l’industrie et de l’emploi et du ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

Examinant, par ailleurs, le projet de décret relatif à la situation statutaire de cer-tains fonctionnaires de la direction générale de l’administration et de la fonction publique et des instituts régionaux d’administration, la section a observé que ce texte posait le principe de l’intégration des fonctionnaires appartenant au corps des adjoints administratifs et techniques, des secrétaires administratifs et des attachés d’administration des services du Premier ministre, affectés à la direction générale de l’administration et de la fonction publique ou dans les ins-tituts régionaux d’administration, dans les corps correspondants du ministère de l’économie, de l’industrie et de l’emploi et du ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Dès lors, seule la consultation du comité technique paritaire ministériel du corps d’accueil, en l’espèce celle du comité technique paritaire ministériel unique au ministère de l’économie, de l’industrie et de l’emploi et au ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique, était obligatoire.

Corps propre d’un établissement public

Actuellement, si l’article L.  122-4 du code forestier prévoit que le directeur général de l’ONF nomme à tous les emplois, sous réserve des dispositions par-ticulières applicables à certains emplois dont la liste est déterminée par décret, les attachés d’administration du ministère de l’agriculture et de la pêche, régis par le décret no 2006-1155 du 15 septembre 2006, sont nommés et gérés par le ministre.

La section a examiné un projet de décret qui remplace le corps des attachés administratifs de l’Office national des forêts, corps propre de cet établissement public, par celui des attachés d’administration de l’Office national des forêts qui sera régi par les dispositions du décret no 2005-1215 du 26 septembre 2005, sous réserve d’adaptations liées aux spécificités de cet établissement public. Compte tenu des dispositions du décret no 2008-370 du 18 avril 2008 organisant les conditions d’exercice des fonctions, en position d’activité, dans les adminis-trations de l’État, la section a estimé nécessaire de préciser, d’une part, que les attachés d’administration de l’Office national des forêts qui bien qu’appartenant à un corps propre de l’office sont des fonctionnaires de l’État relevant de ce décret, peuvent également exercer leurs fonctions en position normale d’activité au sein de l’administration centrale, des services déconcentrés, des services à compétence nationale et dans les établissements publics de l’État relevant du

183Section de l’administration

ministère chargé de l’agriculture et des autres ministères, d’autre part, que leur affectation dans ces services est prononcée par décision du directeur général de l’Office national des forêts après avis conforme de l’autorité compétente de l’administration d’accueil.

Personnels enseignants titulaires de médecine générale

L’article L. 952-23-1 du code de l’éducation dispose : « Les membres du per-sonnel enseignant titulaire et non titulaire de médecine générale exercent conjointement les fonctions d’enseignement, de recherche et de soins en méde-cine générale. Ils consacrent à leurs fonctions de soins en médecine générale, à l’enseignement et à la recherche la totalité de leur activité professionnelle, sous réserve de dérogations qui peuvent être prévues par leur statut. Ils exercent leur activité de soins en médecine générale et ambulatoire. Pour leur activité d’enseignement et de recherche, ils sont soumis à la juridiction disciplinaire mentionnée à l’article L. 952-22. »

À l’occasion de l’examen du projet de décret portant dispositions relatives aux personnels enseignants titulaires et non titulaires de médecine générale, la sec-tion de l’administration s’est interrogée sur la nature de l’habilitation permet-tant à ce statut particulier de déroger à certaines dispositions du statut général de la fonction publique (loi du 13 juillet 1983 et loi du 11 janvier 1984).

Elle a relevé, d’une part, que les personnels enseignants de médecine générale mentionnés à l’article L. 952-23-1 du code de l’éducation, sont régis par la loi du 13 juillet 1983 et d’autre part, que ces personnels ne sont pas soumis aux dispositions de la loi du 11 janvier 1984 parce qu’ils ne sont pas recrutés sur des emplois permanents à temps complet de l’État, enfin que, les statuts particuliers de professeur des universités de médecine générale et de maître de conférence des universités de médecine générale, fixés par le présent projet de décret en Conseil d’État en vertu de l’article L. 952-23-1 du code de l’éducation, trouvent leur seul fondement dans la loi du 8 février 2008 dont est issu cet article.

De cette analyse il résulte selon la section que le projet de décret n’avait pas à être soumis au Conseil supérieur de la fonction publique de l’État car les dérogations qu’il prévoit sont fondées non sur l’article 10 de la loi du 11 janvier 1984 mais sur la loi du 8 février 2008 elle-même.

En outre, selon la section, il apparaît que le législateur a entendu habiliter le décret à adopter les dispositions statutaires applicables à cette catégorie d’ensei-gnants universitaires en respectant les principes constitutionnels et les principes généraux de valeur législative applicable à ces personnels, la loi du 13 juillet 1983 (à l’exception de son article  25) ainsi que les dispositions de l’article L. 952-23-1 du code de l’éducation.

La section a donc disjoint une disposition du décret prévoyant l’application de la loi du 11 janvier 1984.

184 Activité consultative

Fonctionnaires et agents des collectivités territoriales

Échelonnement indiciaire des cadres d’emplois et des emplois

L’article 140 de la loi no 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statu-taires relatives à la fonction publique territoriale, qui prévoit qu’« un décret en Conseil d’État détermine, en tant que besoin, les conditions d’application de la présente loi », constitue le fondement de la compétence du Gouvernement pour prendre les mesures indiciaires relatives à la fonction publique territoriale. Aucune dérogation au principe posé par cet article de loi n’existe en matière de fixation de l’échelonnement indiciaire applicable aux cadres d’emplois et emplois de la fonction publique territoriale et la section estime que la matière ne peut donc être renvoyée à un décret simple.

Transfert de fonctionnaires de l’État

La section de l’administration a examiné un projet de décret relatif aux condi-tions d’intégration, de détachement et de classement dans les cadres d’emplois de la fonction publique territoriale des fonctionnaires de l’État en application des dispositions de la loi no 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales. Elle n’a toutefois pas pu retenir une disposition relative au classement, dans les cadres d’emploi de la fonction publique territoriale, des fonctionnaires ayant précédemment été détachés dans un emploi fonctionnel au sein de l’État. En vertu des dispositions du décret no 2005-1727 du 30 décembre 2005 fixant les conditions d’intégration dans les cadres d’emploi de la fonction publique territoriale des fonctionnaires de l’État, inchangées sur ce point, le classement de ces agents est fixé en tenant compte de l’indice que leur conférait l’emploi de détachement, plus favorable que celui correspondant à leur grade d’origine. Le projet du Gouvernement prévoyait cependant de limiter le béné-fice de ce classement dans leur nouveau cadre d’emplois à la période durant laquelle, au sein de leur collectivité territoriale de rattachement, les agents en cause continueraient d’exercer les fonctions entrant dans la définition de leur ancien emploi fonctionnel.

La section a relevé que cette disposition se heurtait à deux objections ;– elle rompait avec le principe suivant lequel le classement reconnu à un fonc-tionnaire lors de son intégration dans un corps ou cadre d’emplois se fonde sur sa situation à la date de son intégration et ne peut être remis en cause en raison de circonstances ultérieures tenant aux fonctions occupées ;– elle renvoyait à l’autorité territoriale, à l’occasion d’un changement d’affecta-tion du fonctionnaire, l’appréciation du maintien ou non du niveau de qualifica-tion et de responsabilité ayant justifié sa nomination dans un emploi fonctionnel de l’État, suscitant des difficultés d’interprétation, et des freins à la mobilité.

185Section de l’administration

Congés de maladie, longue maladie et de longue durée

Les droits statutaires des fonctionnaires territoriaux en congé de maladie, de longue maladie et de longue durée sont fixés par l’article 57 de la loi no 84-53 du 26 janvier 1984, lequel définit les périodes pendant lesquelles le fonctionnaire a droit au maintien de son plein traitement et celles pendant lesquelles est versé un demi-traitement. Ces droits statutaires étant épuisés, le fonctionnaire doit être mis à la retraite.

Saisie d’une disposition d’un décret ayant pour objet de prescrire le maintien du demi-traitement au fonctionnaire reconnu définitivement inapte en attendant que soit prononcée sa mise à la retraite, la section de l’administration a estimé que cette disposition était une mesure de pure gestion destinée à éviter une interruption de traitement du fonctionnaire durant le délai d’instruction de son dossier de retraite. Par suite cette règle – analogue à celles en vigueur pour la fonction publique de l’État et la fonction publique hospitalière – ne revêt pas un caractère statutaire dérogeant aux conditions fixées par l’article 57 précité (ce qui aurait motivé sa disjonction) mais relève bien de la compétence du décret en Conseil d’État lequel est chargé, en vertu de l’article 140 de la loi précitée du 26 janvier 1984, de déterminer en tant que de besoin les conditions d’applica-tion de cette même loi.

Militaires et personnels civils de la défense

Garanties fondamentales accordées aux militaires

La création d’un pécule d’incitation à une seconde carrière au profit des mili-taires déterminé en fonction de la solde perçue en fin de service ne revêt pas un caractère statutaire et n’affecte pas davantage le droit à pension des militaires. C’est un complément de rémunération des services rendus par les militaires pendant leur activité, lequel revêt par suite un caractère indemnitaire.

Il appartient au pouvoir réglementaire d’instituer un tel avantage. La circons-tance que celui-ci soit versé aux militaires après l’admission à la retraite ne change pas la nature indemnitaire du pécule et ne contrevient à aucune disposi-tion du code des pensions.

Ne touche pas à une garantie fondamentale une disposition prévoyant que les militaires de la gendarmerie bénéficieront d’un classement indiciaire spéci-fique, complété éventuellement de conditions particulières en matière de régime indemnitaire. En effet si le principe de la rémunération constitue une garantie fondamentale des fonctionnaires civils et militaires au sens de l’article 34 de la Constitution, l’aménagement des déroulements de carrière, les modalités d’éta-blissement des traitements et le principe de l’attribution des indemnités relèvent de la compétence du pouvoir réglementaire.

Il en est de même de l’obligation d’occuper un logement concédé par nécessité absolue de service, qui ne se rattache à aucune des matières que l’article 34 de la Constitution réserve à la loi. L’obligation d’occuper le logement concédé par

186 Activité consultative

nécessité absolue de service trouve son fondement, soit dans les obligations définies par les statuts particuliers des corps, soit, dans le silence des statuts particuliers, dans l’article R* 93 du code du domaine de l’État. Dans les deux cas, elle ne relève pas de la compétence du législateur.

Le Conseil d’État a, en revanche, considéré que tel n’était pas le cas de l’obli-gation de logement en caserne à laquelle sont assujettis tous les militaires de la gendarmerie durant toute leur carrière et qui touchent tant aux garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires militaires qu’aux principes fon-damentaux de l’organisation générale de la défense nationale. Cette seconde obligation a donc été substituée à l’obligation d’occuper le logement concédé qui avait été au préalable disjointe du projet de loi.

Conseil supérieur de la fonction militaire

Le projet de loi portant dispositions relatives à la gendarmerie nationale qui, tout en maintenant le statut militaire des gendarmes, transfère au ministre de l’in-térieur l’autorité sur la gendarmerie, redéfinit ses missions et précise certaines obligations statutaires auxquelles sont soumis les militaires de la gendarmerie, n’a pas à être soumis au Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM).

Ce projet, en dépit des questions de principe qu’il soulève, ne concerne en effet que la seule gendarmerie nationale. Il ne peut donc être regardé comme posant « des questions de caractère général relatives à la condition et au statut des militaires » au sens du 2e alinéa de l’article L. 4124-1 du code de la défense défi-nissant la compétence du CSFM, laquelle ne porte que sur les éléments consti-tutifs de la condition de l’ensemble des militaires. Le projet de loi ne peut pas davantage être regardé comme un projet de texte d’application du statut général des militaires ayant une portée statutaire au sens du 2e alinéa du même article.

Cependant, le Conseil d’État a relevé que le 3e alinéa du même article L. 4124-1 disposait que les conseils de la fonction militaire dans les armées ou les for-mations rattachées « étudient toute question relative à leur armée, direction ou service concernant les conditions de vie, d’exercice du métier militaire ou d’or-ganisation du travail ». Il a estimé que cette disposition énonçait une obligation de consultation sur les questions ainsi définies. Par la suite le Conseil d’État s’est assuré que le conseil de la fonction militaire de la gendarmerie avait été mis à même de discuter des questions posées par le projet de loi lesquelles tou-chent aux conditions de vie, d’exercice du métier et d’organisation du travail des militaires de la gendarmerie.

En revanche, le projet de loi de programmation militaire, qui comporte, dans la version du Gouvernement, l’institution d’un pécule d’incitation à une seconde carrière pour les militaires, devait être soumis, ainsi qu’il l’a été, au CSFM. L’institution de ce pécule de fin de carrière, ouvert aux militaires de toutes les armées, constitue, en effet, une question générale intéressant la condition militaire.

187Section de l’administration

Aumôniers militaires

La section de l’administration, examinant le projet de décret portant statut parti-culier des aumôniers militaires relève que ce statut, comme d’ailleurs celui fixé par le décret no 2005-247 du 16 mars 2005 qu’il entend abroger et remplacer, comporte d’importantes dérogations par rapport au statut général des militaires. Premièrement les aumôniers sont des ministres des cultes ayant un statut de contractuel de droit public alors qu’ils n’assument pas une mission de service public. Deuxièmement ces contractuels, d’un type particulier, sont couverts par le statut des militaires alors qu’ils sont déliés des deux obligations principales pesant sur des membres des forces armées, à savoir l’obligation d’assurer par la force des armes, la défense de la patrie et l’obéissance hiérarchique. Troisiè-mement, enfin, leur contrat ne se rattache à aucune des catégories de contrats énumérés à l’article L.  4132-5 du code de la défense (officiers sous contrat, militaires engagés, militaires commissionnés).

La section estime qu’eu égard à la nature de ces dérogations, le statut des aumô-niers militaires ne peut se fonder sur l’article L. 4111-2 du code de la défense. Si cet article dispose que les statuts particuliers des militaires, fixés par décret en Conseil d’État « peuvent déroger aux dispositions du présent livre, qui ne répondraient pas aux besoins propres d’un corps particulier, à l’exception de celles figurant au titre II et de celles relatives au recrutement, aux conditions d’avancement et aux limites d’âge », le statut particulier des aumôniers déroge aux obligations s’imposant aux militaires en vertu du titre II du statut général des militaires ainsi qu’aux règles régissant le recrutement. Par suite ce statut particulier ne peut être regardé comme un statut dérogatoire pris en application de l’article L. 4111-2.

La section estime que ce statut particulier constitue, à lui seul, un statut spécial très largement dérogatoire, dont le fondement doit être recherché, d’une part, dans les dispositions combinées des lois du 8 juillet 1880 et du 9 décembre 1905 instituant les aumôneries, d’autre part, dans les dispositions du statut général des militaires garantissant le libre exercice des cultes (article L. 4121-2), enfin, dans les dispositions du code de la défense mentionnant les limites d’âge des aumôniers militaires (article L. 4139-16).

La section relève, à cette occasion, que les dispositions de l’article L. 4121-2 du code de la défense, lequel reprend les dispositions issues de l’article 7 de la loi du 13 juillet 1972 et pose le principe du libre exercice des cultes dans les enceintes militaires et à bord des bâtiments de la flotte, doivent être regardées comme ayant abrogé les dispositions restrictives de la loi du 8 juillet 1880 qui subordonnaient le service des aumôniers militaires au temps de guerre ou, pour le temps de paix, à certaines conditions de lieux. Cette analyse s’inscrit, tout en la complétant, dans la ligne de la position adoptée par le Conseil d’État dans un avis des sections réunies des finances et de l’intérieur du 16 janvier 1963 (avis no 285.881).

La section de l’administration a relevé, enfin, que le projet de statut définit la mission particulière des aumôniers militaires ainsi que leur situation tant à l’égard de la hiérarchie militaire qu’à l’égard de leur culte, sans toutefois pré-ciser formellement que ces militaires sont soustraits à l’obligation de défendre

188 Activité consultative

la patrie par les armes et à l’obligation d’obéissance hiérarchique qui pèsent sur l’ensemble des militaires.

La section de l’administration n’a toutefois pas jugé utile de compléter explici-tement, sur le premier point, le projet du Gouvernement, dans la mesure où la dérogation à l’obligation de défendre la patrie par les armes résulte de la mis-sion cultuelle confiée aux aumôniers militaires, mission d’ailleurs reconnue et protégée par les articles 24 et 28 ainsi que par les articles 36 et 37 des première et deuxième Convention de Genève du 12 août 1949.

Sur le second point et afin de clarifier la situation des aumôniers au regard de la hiérarchie militaire, la section réintroduit les dispositions de l’article 10 du décret précité du 16 mars 2005 qui précisent le régime particulier des aumô-niers, lesquels ne peuvent recevoir d’ordres que des commandants de formation administrative et sont soustraits à la hiérarchie des grades.

Fonctionnaires de la DGSE

La section estime que les décrets portant dispositions statutaires applicables aux corps de la direction générale de la sécurité extérieure entrent immédiatement en vigueur, à la date de leur signature, mais doivent être notifiées aux agents intéressés de façon complète et individuelle pour leur être opposables, dès lors qu’en vertu de la loi ils ne sont pas publiés au Journal officiel.

Ouvriers de la défense

Le Conseil d’État a estimé que, dans son ensemble, le régime de rémunération des ouvriers de l’État revêt un caractère réglementaire.

La création d’une indemnité de départ volontaire au profit des ouvriers du ministère de la défense, laquelle est un complément de rémunération des ser-vices rendus par ces ouvriers durant leur activité, relève par suite du pouvoir réglementaire. Le Conseil d’État a donc disjoint du projet de loi de programma-tion militaire une disposition instituant une telle indemnité.

Par ailleurs, le Conseil d’État a donné son accord à une disposition du projet de loi de programmation militaire prévoyant la mise à disposition d’ouvriers de l’État, d’une part, auprès de filiales détenues à partir du seuil de 33 % par une entreprise nationale au moment de la constitution de ladite filiale, et, d’autre part, auprès des filiales détenues majoritairement par une entreprise nationale mais en dehors des cas de transferts d’activité.

Il a estimé que ni le statut des ouvriers de l’État, ni aucun principe de droit ne faisaient obstacle à ce que les personnels fussent mis à disposition d’entre-prises non détenues majoritairement par l’État et n’assurant pas de mission de service public. Ces personnels n’ont pas en effet la qualité de fonctionnaires publics et, par suite, le principe rappelé par l’avis du Conseil d’État no 355255 du 18 novembre 1993 ne trouve pas à s’appliquer.

189Section de l’administration

Organisation et gestion des services publics

Établissements publics nationaux à caractère administratif

La section a examiné la procédure de création des cercles et foyers militaires lesquels sont des établissements publics à caractère administratif se rattachant à la catégorie des CROUS.La section de l’administration a admis que le Premier ministre puisse, par décret en Conseil d’État, déléguer au ministre de la défense son pouvoir de création d’établissements publics se rattachant à une catégorie existante, dès lors que cette délégation était strictement encadrée.Il a ainsi été prévu que la possibilité de création par arrêté sera applicable aux cercles et foyers ayant vocation à couvrir les besoins d’une garnison ou d’unités en opération, sous réserve que leurs statuts soient définis en conformité avec les dispositions réglementaires du code de la défense relatives aux cercles et foyers. En dehors de ces cas, la création des cercles et foyers devra continuer de s’opérer par décret.

Services à compétence nationale

Lors de l’examen d’un projet de décret modifiant le décret no  97-1195 du 24 décembre 1997 qui précise les décisions administratives individuelles rele-vant de la compétence des services déconcentrés du ministère de l’économie et des finances et non de celle du préfet, par dérogation au principe posé par le décret no 97-34 du 15 janvier 1997 de compétence de droit commun de ce dernier, la section de l’administration s’est interrogée sur la possibilité de men-tionner dans ledit décret, à côté de décisions confiées aux chefs des services déconcentrés dudit ministère, les décisions individuelles confiées à un chef de service à compétence nationale. En effet, l’article 2 du décret no 97-34 du 15 jan-vier 1997 ne prévoit que deux types de dérogation à la compétence du préfet, celles au bénéfice du ministre (1° de l’article 2) et celles au bénéfice d’autorités qu’elles énumèrent (2° de l’article 2), qui ont la caractéristique commune d’ap-partenir, hormis les maires, à la catégorie des services territoriaux déconcentrés.La section de l’administration a néanmoins admis de faire figurer les chefs de service à compétence nationale parmi les autorités auxquelles le pouvoir de prendre des décisions individuelles est reconnu au titre du 2° de l’article 2 sus-mentionné. Le décret no 97-34 du 15 janvier 1997 n’a pu traiter des services à compétence nationale, qui n’ont été créés que par le décret no 97-464 du 9 mai 1997 et ces services constituent une déconcentration fonctionnelle, qui se traduit normalement par une délégation de pouvoir. Sauf à estimer que cette délégation de pouvoir à une autorité autre que le préfet, si elle porte sur des décisions indi-viduelles, suppose un décret de même niveau que le décret no 97-34, c’est-à-dire un décret en Conseil d’État et en conseil des ministres, une lecture littérale de ce décret no  97-34, conduit, par une interprétation du dispositif dudit décret conforme à l’objectif qu’il poursuit, à admettre que les chefs des services à compétence nationale peuvent être assimilées aux autorités mentionnées au 2° de l’article 2 de ce décret qui couvre le cas des décisions individuelles qui ne sont attribuées ni aux préfets, ni aux ministres.

190 Activité consultative

Propriétés des personnes publiques

Protection des propriétés publiques et privatisations

Examinant le projet de loi de programmation militaire, le Conseil d’État a supprimé la mention prévoyant l’application du titre III de la loi no 86-912 du 6 août 1986 relative aux modalités d’applications des privatisations en ce qui concerne le transfert au secteur privé des filiales constituées ou acquises par la SNPE. Cette disposition était susceptible de priver de garanties légales l’exi-gence constitutionnelle de protection des propriétés publiques en faisant obs-tacle à l’application du titre II de la loi du 6 août 1986 pour le transfert de la filiale dénommée SNPE – Matériaux énergétiques, alors que, compte tenu de son importance, cette filiale doit être regardée comme un actif essentiel de la SNPE dont le transfert au secteur privé constitue le prolongement de celui de la SNPE et doit relever par conséquent de la même procédure.

Convention d’utilisation

La section de l’administration a examiné un projet relatif aux modalités de l’uti-lisation des immeubles domaniaux par les services de l’État et ses établisse-ments publics. Alors que ce texte prévoit en ce qui concerne les immeubles ayant fait l’objet d’une procédure d’affectation ou d’une attribution à titre de dotation antérieurement à l’entrée en vigueur de ce décret, un délai de cinq ans pour la conclusion de conventions d’utilisation, la section a disjoint une dispo-sition aux termes de laquelle : « Les immeubles qui n’ont pas fait l’objet de cette convention sont cédés selon les formes prévues pour l’aliénation du domaine immobilier de l’État », cette disjonction étant fondée tant sur des motifs juri-diques que sur des considérations de bonne administration. S’agissant des éta-blissements publics de l’État auxquels celui-ci a attribué à titre de dotation un ou plusieurs immeubles pour leur permettre d’accomplir la mission de service public dont ils sont chargés, la décision de l’État de céder ces immeubles au motif que les conventions d’utilisation n’auraient pu intervenir, pour une raison ou pour une autre, dans le délai de cinq ans, aurait pu se révéler contraire, d’une part, au principe de continuité du service public, d’autre part, à l’autonomie reconnue aux établissements publics, lesquels sont dotés d’un conseil d’admi-nistration dont les compétences ne peuvent être ignorées.

D’une façon générale, cette disposition aurait fait de la cession de l’immeuble la conséquence nécessaire du défaut de conclusion de la convention d’utilisation normalement prévue. Or l’éventail des raisons pouvant expliquer qu’une telle situation se produise est a priori large et il ne paraît pas de bonne administra-tion que l’État se lie à ce point à l’avance dans la gestion de son patrimoine, notamment en ce qui concerne le domaine public. Enfin par son caractère unila-téral, cette mesure aurait pu dans certains cas, se révéler gravement inéquitable notamment dans le cas où le retard pris dans la conclusion de la convention n’aurait pas été imputable à l’administration utilisatrice de l’immeuble visé.

191Section de l’administration

Statistiques

Entre le 1er juillet et le 31 décembre 2008, la section a tenu 27 séances et exa-miné 69 textes.

Une affaire relevant de sa compétence a été examinée par la commission perma-nente et 2 textes ont été soumis à l’assemblée générale.

Tableau 1Répartition par nature des textes examinés

2008

Lois 3Ordonnances 1Lois du pays 0Décrets réglementaires 65Décrets individuels, arrêtés et décisions 0Remises gracieuses 0Avis 0Total 69

Tableau 2Répartition par ministère d’origine des textes examinés

Ministère d’origine

Loi

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Ord

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Loi

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pays

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Tota

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Affaires étrangères - - - 1 - - - 1Affaires sociales - - - 2 - - - 2Agriculture - - - 1 - - - 1Budget - - - 6 - - - 6Défense 1 - - 15 - - - 16Économie - - - 7 - - - 7Éducation nationale - - - 4 - - - 4Enseignement supérieur et recherche - - - 1 - - - 1Fonction publique - - - 5 - - - 5Industrie - - - 1 - - - 1Intérieur, outre-mer 1 1 - 11 - - - 13Justice - - - 1 - - - 1Premier ministre 1 - - 3 - - - 4Santé - - - 5 - - - 5Transports - - - 1 - - - 1Total 3 1 - 65 - - - 69

192 Activité consultative

Tableau 3Répartition par matière des textes examinés

3-a/ Répartition des textes par matière selon la classification retenue, avant transfert, par les sections de l’intérieur, des finances, et sociale

Matières 2008

Défense 16Domaine 3Fonction publique 24Fonction publique hospitalière 4Fonction publique territoriale 7Marchés et contrats 6Pouvoirs publics 9Total 69

3-b/ Répartition des textes par matière selon l’arrêté de répartition des compétences entre section du 4 juillet 2008 du Vice-président du Conseil d’État (classement dans l’ordre de présentation du bilan de section)

Matières 2008

Organisation et gestion des services publics 9Propriétés des personnes publiques 3Commande publique 6Défense nationale 9Militaires et personnels civils de la défense 7Fonction publique 8Fonction publique de l’État 16Fonction publique territoriale 7Fonction publique hospitalière 4Total 69

Tableau 4Délais d’examen des projets de loi, d’ordonnance et de décrets

Moins de 15 jours

De 15 jours à 1 mois

De 1 mois à 2 mois

Plus de 2 mois

Total

Projets de loi 2 - 1 - 3Projets d’ordonnance 1 0 0 0 1Projet de décrets 8 14 33 10 65

193Récapitulatif des statistiques pour 2008

Récapitulatif des statistiques pour 2008

Tableau 1Vue d’ensemble de l’activité des sections administratives

Sect

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atio

n

Tota

l

Lois 19 62 7 11 3 102Ordonnances 8 13 4 6 1 32Lois du pays 1 6 2 3 - 12Décrets réglementaires 152 191 155 145 65 708Décrets individuels, arrêtés, décisions 266 0 - - - 266Remises gracieuses - 21 - - - 21Avis 5 6 2 1 - 14Total 451 299 170 166 69 1 155

Tableau 2Évolution de l’activité consultative au cours des cinq dernières années

2004 2005 2006 2007 2008

Lois, ordonnances et lois du pays 194 238 153 124 146Décrets réglementaires 669 839 933 859 708Décrets individuels, arrêtés, décisions, remises gracieuses

417

292

308

269

287

Avis 12 21 17 16 14Total 1 292 1 390 1 411 1 268 1 155

195Mise en œuvre de l’article 88-4 de la Constitution

Mise en œuvre de l’article 88-4 de la Constitution

En application des dispositions de l’article 88-4 de la Constitution dans sa ver-sion antérieure à la promulgation de la loi constitutionnelle no  2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République, le Conseil d’État, conformément aux dispositions de la circulaire du Premier ministre du 22 novembre 2005, a rendu 154 avis du 1er janvier au 25 juillet 2008.

Il avait été saisi à 238 reprises au cours de la même période de l’année précédente.

Compte tenu des délais impartis au Conseil d’État pour se prononcer, tels qu’ils résultent de la circulaire susmentionnée, chacun des 154 projets d’actes communautaires a été examiné, en moyenne, en 6 jours et, parmi ces derniers, 81 textes ont fait l’objet d’une procédure d’examen en urgence à raison d’une adoption imminente au niveau communautaire (les avis ont alors été rendus, en moyenne, en moins de 48 heures).

La section des travaux publics a été sollicitée pour rendre un avis à 60 reprises, la section des finances a examiné 54 textes (dont 12 projets relatifs à la politique étrangère et de sécurité commune), la section de l’intérieur, 30 textes et la sec-tion sociale, 10 textes.

Certaines propositions d’actes de la Communauté européenne et de l’Union européenne méritent d’être mentionnées :

1° Propositions de règlement du Conseil :– établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct en faveur des agriculteurs dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs ; proposition de règlement du Conseil modifiant les règlements (CE) no 320/2006, no 1234/2007, no 3/2008 en vue d’adapter la politique agricole commune ; proposition de règlement por-tant modification du règlement (CE) no  1698/2005 concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) ; COM (2008) 306 final ;– relatif au statut de la société privée européenne ; COM (2008) 396 final ;– modifiant le règlement (EURATOM, CECA, CEE) no  549/69 déterminant les catégories des fonctionnaires et agents des Communautés européennes aux-quelles s’appliquent les dispositions des articles 12, 13 deuxième alinéa et 14 du protocole sur les privilèges et immunités des communautés ; COM (2008) 305 final.

2° Proposition de décision du Conseil :– relative à la migration du système d’information Schengen (SIS1+ ) vers le système d’information Schengen de la deuxième génération (SIS II) ; COM (2008) 196 final ;

196 Activité consultative

3° Propositions de directive du Conseil :– relative à la mise en œuvre du principe d’égalité de traitement entre les per-sonnes sans distinction de religion ou de convictions, de handicap ou d’orienta-tion sexuelle ; COM (2008) 426 final [impact potentiel sur la loi no 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations] ;– modifiant la directive 2006/112/CE du Conseil relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée en vue de lutter contre la fraude fiscale liée aux opérations intercommunautaires.

4° Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) no 1798/2003 en vue de lutter contre la fraude fiscale liée aux opérations intra-communautaires ; COM (2008) 147 final.

5° Propositions de décision du Parlement européen et du Conseil :– relative à l’effort à fournir par les États membres pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre afin de respecter les engagements de la Communauté en matière de réductions de ces émissions jusqu’en 2020 ; COM (2008) 17 final ;– instituant un programme communautaire pluriannuel visant à protéger les enfants lors de l’utilisation de l’internet et d’autres technologies de communi-cation COM (2008) 106 final ;– relative à la coordination des procédures de passation de certains marchés publics de travaux, de fournitures et de services dans les domaines de la défense et de la sécurité ; COM (2007) 766 final ;– simplifiant les conditions des transferts de produits liés à la défense dans la Communauté ; COM (2007) 765 final.

6° Propositions de directive du Parlement européen et du Conseil :– facilitant l’application transfrontière de la législation dans le domaine de la sécurité routière ; COM (2008) 151 final ;– relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables ; COM (2008) 19 final ;– relative au stockage géologique du dioxyde de carbone et modifiant les direc-tives 85/337/CEE et 96/61 CE du Conseil ainsi que les directives 200/60/Ce, 2001/80/CE, 2004/35/CE, 2006/12/CE et le règlement (CE) no  1013/2006 ; COM (2008) 18 final [vocation à intégration dans le code minier et le code de l’environnement] ;– modifiant la directive 2003/87/CE afin d’améliorer et d’étendre le système communautaire d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre ; COM (2008) 16 final ;– modifiant la directive 2005/35/CE relative à la pollution causée par les navires et à l’introduction de sanctions en cas d’infractions ; COM (2008) 134 final.

197Mise en œuvre de l’article 88-4 de la Constitution

Les graphiques suivants font apparaître le bilan statistique de l’année 2008 concernant l’examen des propositions d’actes européens transmises pour avis au Conseil d’État :

Répartition des textes selon leur nature

Répartition selon les sections administratives

L’article 43 de la loi constitutionnelle no 2008-724 du 23 juillet 2008 de moder-nisation des institutions de la Ve République (JORF du 24  juillet 2008, page 11890) modifie l’article 88-4 de la Constitution qui dispose désormais que : « Le Gouvernement soumet à l’Assemblée nationale et au Sénat, dès leur transmis-sion au Conseil de l’Union européenne, les projets ou propositions d’actes des Communautés européennes et de l’Union européenne » et ce, indépendamment de la portée législative ou réglementaire desdits actes communautaires.

Cette nouvelle rédaction a eu pour effet de mettre fin à compter du 1er mars 2009 à la saisine du Conseil d’État dans le cadre de la mise en œuvre de l’article 88-4 dans sa version antérieure au 25 juillet 2008.

Il convient cependant de rappeler que le Conseil d’État peut toujours être saisi d’une demande d’avis sur un projet ou une proposition d’acte communautaire, sur la base de la circulaire du Premier ministre du 30 janvier 2003 qui définit les modalités d’application, dans le cadre des négociations communautaires, de la procédure prévue à l’article L. 112-2 du code de justice administrative. Toute-fois, le Gouvernement n’a pas sollicité, en 2008, l’avis du Conseil d’État sur des projets d’actes européens dont le contenu serait, notamment, susceptible d’être contraire à des principes de valeur constitutionnelle.

Enfin, il convient de noter que l’article 39 de la Constitution issu de la révision constitutionnelle devrait désormais permettre aux assemblées parlementaires de solliciter l’avis du Conseil d’État sur les propositions de lois et, dans ce cadre, le Conseil d’État pourrait contribuer à la sécurité juridique des dispositions légis-latives prises au regard du cadre européen.

Non législatif : 44(28,6 %) Sans objet au regard

du partage loi-règlement : 0Législatif : 110

(71,4 %)

Travaux publics : 60 (39 %)

Finances : 53(35 %) Sociale : 10

(6,5 %)Intérieur : 30 (19,5 %)

199

Rapport d’activité

Activité de la section du rapport et des études

201Exécution des décisions de la juridiction administrative en 2008

Exécution des décisions de la juridiction administrative en 2008

Le code de justice administrative énonce dans ses articles L. 911-1 à L. 911-10, R 921-1 à R. 921-8 et R. 931-1 à R. 931-9 les dispositions applicables à l’exécution des décisions rendues par les juridictions administratives. L’article R. 921-8 prescrit à chaque président de tribunal administratif et à chaque prési-dent de cour administrative d’appel de rendre compte au président de la section du rapport et des études du Conseil d’État, à l’issue de chaque année, des dif-ficultés d’exécution qui leur ont été soumises. La section relève la fiabilité des éléments transmis, globalement, par les juridictions. Toutefois, comme par le passé, elle regrette d’avoir à constater que certaines, fort peu nombreuses, ne semblent pas accorder à ce court compte rendu annuel suffisamment d’impor-tance, en particulier par l’envoi d’une analyse, même succincte, des dossiers traités.

On trouvera ci-après une synthèse des activités à caractère juridictionnel ou non juridictionnel exercées au cours de l’année par l’ensemble des juridictions de l’ordre administratif en vue de pourvoir à l’exécution des décisions de justice qu’elles ont rendues, étant observé que, comme les années précédentes, ne sera pas évoqué ici l’exercice du pouvoir d’injonction que confèrent au juge admi-nistratif les dispositions des articles L. 911-1 et L. 911-2 du code susmentionné.

Les évolutions constatées en 2008

Les statistiques agrégées pour 2008 font apparaître une légère croissance du nombre des saisines de l’ensemble des juridictions en vue de l’exécution de leurs décisions par rapport à l’année précédente  : 1 917 affaires enregistrées en 2008, contre 1 867 en 2007. Le nombre de saisines du Conseil d’État est en baisse. Par ailleurs, le nombre des demandes d’éclaircissement adressées à la section du rapport et des études du Conseil d’État a été de 8 en 2008, soit un chiffre qui s’inscrit dans la moyenne des années précédentes (9 en 2005 puis 7 en 2006 et 13 en 2007), mais toujours inférieur au « pic » enregistré en 2004 (21 affaires).

Le nombre des affaires réglées, en phase administrative ou en phase juridiction-nelle, du fait de l’activité des tribunaux administratifs et des cours administra-tives d’appel est stable (1 685 affaires réglées en 2008 contre 1 669 en 2007). La diminution des affaires enregistrées par la section du rapport et des études a permis de régler un nombre d’affaires égal à celui des enregistrements.

202 Activité de la section du rapport et des études

Considérations sur la gestion des procédures d’exécution

Cette année encore, l’examen de l’activité de la juridiction administrative en matière d’exécution des décisions de justice confirme la tendance au règlement en phase non juridictionnelle d’une grande majorité d’affaires. Pour la section du rapport et des études, les affaires trouvent leur solution dans le cadre de la procédure non juridictionnelle d’aide à l’exécution et, pour les tribunaux et les cours, dans celui de la phase non juridictionnelle de la procédure prévue à l’ar-ticle L. 911-4 du code de justice administrative. Cette évolution favorable est d’ailleurs soulignée par de nombreux présidents de juridiction. Un président de cour administrative d’appel souhaiterait que la règle qui impose, dans les cours et les tribunaux administratifs, le passage automatique d’une affaire en phase contentieuse à l’expiration d’un délai de six mois de phase administrative soit assouplie. Une réflexion pourrait effectivement être engagée sur ce point, même si cette position n’est pas unanimement partagée par les chefs de juridictions.Le recensement des remarques émanant des chefs de juridiction montre l’émer-gence d’un problème nouveau, lié à la multiplicité des procédures susceptibles d’être ouvertes de manière simultanée au sujet d’une même affaire. En effet, les cours administratives d’appel peuvent être saisies en même temps de trois pro-cédures au moins relatives à un même contentieux : appel de la décision au fond, demande de sursis à exécution du jugement et demande d’exécution, assortie le cas échéant d’une demande d’astreinte. La complexité d’une affaire peut encore s’accroître dans le cas où le jugement au fond a été précédé d’une décision de suspension prise en référé, assortie elle-même d’une injonction dont le requérant demande l’exécution, dans l’hypothèse où la décision au fond ne conclut pas à l’annulation de l’acte dont la suspension a été décidée en référé. Cette situation ne peut être regardée comme généralisée, elle n’en est pas moins délicate pour les juridictions qui la connaissent, comme la section du rapport et des études du Conseil d’État l’a elle-même relevé dans une réponse à une demande d’éclaircis-sement portant, précisément, sur la combinaison de plusieurs décisions au fond, assorties d’injonctions et de demande d’aides à l’exécution (voir ci-dessous).Au-delà, cette année encore, plusieurs questions récurrentes ressortent des obser-vations des chefs de juridiction. La première concerne, comme en 2007, le règle-ment des condamnations pécuniaires, et en particulier le versement par l’État des frais irrépétibles cité par un grand nombre d’entre eux, alors que, sur ce point, la décision de justice ne devrait soulever aucune difficulté d’application. La per-sistance de ce problème est particulièrement dommageable, car elle est à l’origine à la fois d’un encombrement inutile des juridictions et d’une dégradation réelle de l’image de l’autorité publique qui semble dans l’incapacité de faire face à ses obli-gations. Les juridictions rappellent, dans ce cas de figure, au requérant comme aux administrations les règles relatives à la procédure de paiement forcé.Le deuxième sujet de préoccupation est toujours celui de la part, dans l’ensemble des procédures d’exécution, des affaires touchant au contentieux de la fonction publique  : la part des affaires de cette nature est manifestement excessive au regard de ce que représente ce contentieux dans l’ensemble des décisions rendues par le juge administratif. La cause semble en résider à la fois dans la réticence de certaines administrations à exécuter spontanément et complètement des décisions de justice défavorables parce qu’il s’agit d’une matière sensible du point de vue de

203Exécution des décisions de la juridiction administrative en 2008

la gestion de leurs services et dans la durée de la procédure juridictionnelle. La sec-tion du rapport et des études a en effet constaté que, du fait de cette durée, l’agent atteint fréquemment l’âge de la retraite ou a été muté dans une autre administra-tion, ce qui renforce la difficulté à assurer l’exécution de la décision définitive.

Enfin, outre le maintien à un niveau élevé des contentieux relatifs aux étran-gers, il faut noter la confirmation, dans plusieurs juridictions, d’une forte pro-portion d’affaires relatives au permis de conduire – et notamment aux pertes de points ou aux retraits de permis. À cet égard, plusieurs juridictions notent la très grande difficulté d’obtenir l’exécution complète de certaines décisions – en particulier le rétablissement des points affectés au permis de conduire, lorsque est seule annulée la décision ordonnant au conducteur de restituer son permis de conduire et alors même que cette annulation est fondée sur le caractère illégal des retraits de points antérieurement pratiqués.

Comme les années précédentes, certaines affaires dont le Conseil d’État, les cours administratives d’appel et les tribunaux administratifs ont eu à connaître, au stade de l’exécution des décisions juridictionnelles qu’ils ont rendues, ont présenté de réelles difficultés.

La section du rapport et des études a été saisie d’une affaire exemplaire, qui a permis de préciser à nouveau les règles applicables au versement des inté-rêts moratoires. Le Conseil d’État a été saisi par une société aux fins d’assurer l’exécution d’un arrêt rendu par lui-même le 25 février 2004. Par cette dernière décision, le Conseil d’État avait confirmé la restitution d’impôt sur les sociétés à laquelle prétendait la société. Cette restitution, en application de l’article L. 208 du livre des procédures fiscales, devait être assortie d’intérêts moratoires. En outre, en application de l’article L. 313-3 du code monétaire et financier, le taux des intérêts était majoré de 5 points à l’expiration d’un délai de deux mois à comp-ter du jour où la décision de justice prononçant une condamnation pécuniaire était devenue exécutoire. Compte tenu de l’ancienneté de l’affaire, l’application de ces dispositions a permis de déterminer les sommes dues à la société en cause, soit 13 226 150,79 euros au titre des impositions à restituer et 11 390 192 euros au titre des intérêts de retard, montant arrêté au 15 octobre 2004. L’État s’est acquitté d’une première somme de 13 226 150,79  euros le 15  octobre 2004, d’une deuxième de 11 390 192 euros le 3 août 2005 et enfin d’une troisième de 170 615,59 euros le 18 novembre 2005 ; l’État estimait avoir entièrement exécuté l’arrêt du Conseil d’État du 25 février 2004.

Toutefois, la section du rapport et des études, qui a été suivie en cela par la section du contentieux, a relevé, faisant application de l’article 1254 du code civil en vertu duquel « le débiteur d’une dette qui porte intérêt ou produit des arrérages ne peut point, sans le consentement du créancier, imputer le paiement qu’il fait sur le capital par préférence aux arrérages ou intérêts », qu’à défaut d’acceptation par la société concernée de l’imputation des versements de l’administration par priorité sur le principal, l’application de cet article implique que le premier versement a consisté, en premier lieu, principalement en un paiement des intérêts moratoires dus et, pour le solde seulement, en un paiement partiel du principal. Dans ces conditions, les versements suivants ne permettaient pas d’effacer la dette de l’État, ce qui a conduit le Conseil d’État, par décision du 16 avril 2008, à prononcer une astreinte jusqu’à l’exécution complète de la décision de justice, consistant en un nouveau versement de plus de 400 000 euros, somme qui aurait été économisée par l’application régulière, dès l’origine, des règles de versement des intérêts.

204 Activité de la section du rapport et des études

La section du rapport et des études a été saisie d’une affaire qui illustre un para-doxe surprenant dans la législation relative à l’entrée et au séjour des étran-gers en France. M. B., citoyen algérien, est entré en France en janvier 2001 en compagnie de son épouse et de ses trois enfants. Le dernier enfant du couple est né en France, dans une commune où s’était installé et où était décédé en 1973 le père de M. B. et où celui-ci avait précédemment vécu. En décembre 2002, le préfet a refusé la délivrance du titre de séjour demandé par M. B., puis a décidé la reconduite à la frontière de M. B. et a fixé l’Algérie comme pays de destination. M. B. a demandé l’annulation de cette décision devant le tribunal administratif, puis a déféré au Conseil d’État le jugement du tribunal rejetant sa demande. Par un arrêt de janvier 2005, le Conseil d’État a annulé le jugement du tribunal admi-nistratif et l’arrêté préfectoral décidant la reconduite à la frontière au motif que celle-ci portait une atteinte disproportionnée au droit de M. B. au respect de sa vie privée et familiale. M. B. a saisi, en août 2007, le Conseil d’État d’une demande d’exécution sous astreinte de cette décision. La section du rapport et des études n’a pu que constater qu’en application des articles L. 512-1 et L. 512-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), qui disposent : « Si l’arrêté de reconduite à la frontière est annulé, (…) l’étranger est muni d’une autorisation provisoire de séjour jusqu’à ce que l’autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas », que l’exécution de la décision de justice impliquait que le préfet munisse M. B. d’une autorisation provisoire de séjour avant de se prononcer à nouveau sur son droit à titre de séjour. Toutefois, elle n’a pu que relever une difficulté particulière en l’espèce, liée au fait que M. B. avait, tout en en contestant la légalité devant le juge administratif, obtempéré à l’arrêté préfec-toral après le rejet de sa demande par le tribunal administratif et était retourné en Algérie. Or, l’article L. 311-1 du CESEDA, qui dispose que « tout étranger âgé de plus de dix-huit ans qui souhaite séjourner en France doit, après l’expiration d’un délai de trois mois depuis son entrée en France, être muni d’une carte de séjour », implique que la délivrance d’une carte de séjour telle que l’autorisation provisoire de séjour ne peut intervenir que si l’étranger est présent sur le territoire français depuis trois mois. Par définition, M. B. ne pouvait satisfaire à ces conditions. La section a dû constater, ce qui est très insatisfaisant, que, dans ces conditions, la demande de M. B., en tant qu’elle portait sur la délivrance d’un titre de séjour temporaire, était sans objet ; seul le réexamen de la situation de l’intéressé pouvait être exigé de l’administration, ce que la section du contentieux a ordonné par une décision d’octobre 2008. Par ailleurs, la délivrance d’un visa d’entrée en France, qui obéit à une autre législation, étant une mesure étrangère à l’exécution de la décision du Conseil d’État, ne pouvait être ordonnée par le Conseil d’État. Même si, en l’espèce, le Gouvernement a, en définitive mais de son propre chef et sans lien juridique avec la décision de justice, indiqué son intention de délivrer un visa à M. B., ce qui pourrait lui permettre, dans les faits, de voir la décision de justice rendue à son profit exécutée, la section ne peut que regretter un état du droit, d’ailleurs également relevé par des tribunaux administratifs et des cours adminis-tratives d’appel, dans lequel il est plus difficile à un étranger qui a obtempéré à une décision de reconduite à la frontière d’obtenir l’exécution de la décision de jus-tice annulant cette dernière, que s’il était demeuré irrégulièrement sur le territoire national. Cet aspect de la loi, qui ne peut qu’inciter les étrangers ayant fait l’objet d’un arrêté de reconduite à la frontière à refuser d’y satisfaire, devrait être revu.

Enfin, il convient de signaler que deux importantes affaires, qui avaient forte-ment mobilisé la section, ont connu un épilogue au cours de l’année 2008. Dans

205Exécution des décisions de la juridiction administrative en 2008

la première, la section avait été saisie, dans le cadre des missions qui lui incom-bent au bénéfice de la section du contentieux, d’une requête de syndicats natio-naux de pharmaciens et biologistes praticiens hospitaliers et praticiens hospitaliers universitaires, tendant à obtenir la liquidation de l’astreinte prononcée par une décision du 27 juillet 2005 du Conseil d’État rendue à leur demande. Par cette décision, le Conseil d’État a annulé le rejet implicite opposé par le Premier ministre à la demande des requérants tendant à ce que soient pris les décrets d’application nécessaires à l’exécution des articles 64 et 65 de la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002. Sur la demande de la section du rapport et des études, le Pre-mier ministre avait pris, le 23 mai 2006, un premier décret modifiant le précédent décret du 24 février 1984 portant statut des personnels enseignants et hospitaliers des centres hospitaliers et universitaires, qui ne répondait que partiellement aux obligations incombant au Gouvernement pour exécuter la décision de justice. Sur proposition de la section du rapport et des études, la section du contentieux a donc prononcé la liquidation provisoire de l’astreinte par décision du 13 juillet 2007. À la suite des nouvelles démarches entreprises, le Premier ministre a pris, le 2 avril 2008, les décrets nécessaires et la section du contentieux a prononcé la liquidation définitive de l’astreinte en la limitant aux effets de sa décision du 13 juillet 2007, constatant l’exécution complète de la décision du 27 juillet 2005.

La seconde affaire portait sur l’exécution, par un organisme d’habitations à loyer modéré, de décisions de justice impliquant la cession, par cet organisme, d’un terrain à une société privée, comme suite à l’annulation, par le juge administratif, en février 2003, d’une décision de préemption de ce terrain prise illégalement. Par une décision de décembre 2004, le Conseil d’État avait décidé qu’une astreinte était prononcée à l’encontre de l’office public d’HLM de la ville de Pantin, s’il ne justifiait pas avoir, dans les deux mois suivant la notification de ladite déci-sion, proposé à la société requérante de lui céder le terrain, à un prix tirant les conséquences des modifications substantielles apportées à ce bien depuis l’exer-cice de la préemption. Par une nouvelle décision de mars 2006, le Conseil d’État avait constaté que l’organisme d’HLM n’avait pas rempli ses obligations et avait prononcé la liquidation provisoire de l’astreinte – pour un montant de plus de 45 000 euros. Devant le refus persistant de l’organisme d’exécuter la chose jugée, la section du rapport et des études avait saisi la section du contentieux d’une nou-velle demande de liquidation de l’astreinte, mais également rappelé à l’organisme la possibilité de rendre cette affaire publique dans le cadre du rapport annuel du Conseil d’État. En définitive, la section a été informée, le 22 décembre 2008, de l’exécution complète de la décision de justice. Mais il aura fallu six ans après son édiction pour clôturer une affaire dont l’exceptionnelle durée révèle un véritable refus de la part d’une institution publique d’appliquer une décision de justice, ce qu’il faut regarder comme inacceptable.

Demandes d’éclaircissement adressées à la section du rapport et des études en 2008

En 2008, la section du rapport et des études a traité 8 demandes d’éclaircis-sement en application des dispositions de l’article R.  931-1 du code de jus-tice administrative. C’est un chiffre qui se situe légèrement au-dessous de la moyenne constatée ces dernières années, où il a varié de trois, en 2003, à 21

206 Activité de la section du rapport et des études

en 2004 – ce score demeurant, toutefois, une exception au regard des chiffres constatés depuis lors.Les questions relatives à la procédure, et notamment à la recevabilité des demandes d’éclaircissement, semblent dorénavant moins fréquentes. Il a cependant été nécessaire de rappeler à diverses occasions que seul le prési-dent d’un établissement public – et non le directeur général – a compétence pour saisir le Conseil d’État d’une demande d’éclaircissement. Il faut, en ce domaine, à nouveau mentionner la part significative des questions touchant aux contentieux de la fonction publique, qu’elles concernent des situations individuelles ou des situations collectives, liées en règle générale aux consé-quences à tirer de l’annulation par le juge administratif d’actes réglementaires – tableau d’avancement par exemple. On relèvera également la part croissante des demandes d’éclaircissement émanant des collectivités territoriales, par rapport à celles présentées par les administrations centrales. Cette tendance, qui se dessine depuis 2006, semble se confirmer. Deux affaires méritent une mention particulière.La première affaire illustre la tentation, pour certaines administrations ou collectivités, de saisir le Conseil d’État d’une demande d’éclaircissement, soit dans le but – illusoire – de mettre en contradiction la section du rapport et des études avec la section du contentieux en l’amenant à prendre position, au travers de questions portant sur l’exécution de la décision, sur des points tranchés au contentieux, soit à des fins de simple conseil juridique, alors qu’il n’entre évidemment pas dans les prérogatives de la section de dispenser de tels conseils. Une chambre de commerce et d’industrie, exploitante d’un aéroport important, a saisi la section du rapport et des études d’une demande d’éclaircissement sur les mesures à prendre en vue de l’exécution d’une déci-sion de mai 2008 par laquelle le Conseil d’État a annulé les tarifs homolo-gués de la redevance « passager » applicables à une aérogare de cet aéroport à compter du 1er juin 2006 puis du 1er janvier 2007, au motif de leur faiblesse au regard des tarifs pratiqués dans les autres aérogares. Les questions por-taient, tout à la fois, sur les conditions d’établissement rétroactif de nouveaux tarifs applicables pour les périodes considérées, sur la manière d’appliquer au mieux les possibilités de modulation tarifaire et sur les risques de mise en cause, dans l’hypothèse de l’application rétroactive de tarifs plus élevés que ceux pratiqués à l’époque, de la responsabilité de la puissance publique.La section du rapport et des études a répondu, de manière volontairement syn-thétique, que l’exécution de la décision précitée impliquait, en effet, néces-sairement que la chambre de commerce et d’industrie édicte rétroactivement de nouveaux tarifs correspondant à la redevance « passager » applicables aux années  2006 et  2007 en respectant la procédure prévue par les lois et règlements en vigueur, et qu’elle en perçoive le versement ; que la fixation de ces nouveaux tarifs devait tenir compte des principes énoncés aux articles L. 224-2 et R. 224-2 du code de l’aviation civile, d’ailleurs rappelés par la décision du Conseil d’État ; et que les règles générales d’engagement de la responsabilité de la puissance publique étaient, bien évidemment, applicables dans cette affaire.Une demande d’éclaircissement présentée par une commune a permis de mettre en lumière les conséquences possibles d’une utilisation trop systématique, par le juge des référés, des pouvoirs d’injonction qui lui sont ouverts en cas de suspension d’une décision administrative. En l’espèce, le maire de la

207Exécution des décisions de la juridiction administrative en 2008

commune de C. a saisi, au nom de la commune, en juin 2008, la section du rapport et des études d’une demande d’éclaircissement concernant les consé-quences à tirer des termes d’un jugement d’un tribunal administratif du 30 avril 2008. Par ce jugement, le tribunal a annulé un arrêté du 19 janvier 2006, par lequel le maire avait rejeté la demande d’autorisation de construire présentée par M. D. au motif que celle-ci ne respectait pas les dispositions réglementaires en vigueur, et assorti son jugement d’une injonction faite au maire de réexami-ner la demande présentée par M. D. En conséquence de ce jugement et de cette injonction, le maire devait statuer à nouveau après une nouvelle instruction sur la demande de permis de construire déposée par le requérant, dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement.Or, saisi par M. D., parallèlement à sa demande d’annulation de l’arrêté, d’une demande de suspension de la décision de refus qui lui avait été opposée, le juge des référés du même tribunal avait, le 12 juillet 2006, suspendu le refus de permis de construire et enjoint au maire de réexaminer, dans un délai de deux mois, la même demande de M. D. En application de cette première injonc-tion, le maire avait procédé à un nouvel examen de la demande de permis de construire et pris une nouvelle décision négative le 20 septembre 2006. Cette nouvelle décision négative n’ayant pas été contestée par le pétitionnaire, elle était donc devenue définitive. Le maire souhaitait être éclairé sur les modalités d’exécution du jugement, estimant qu’il avait déjà réexaminé la demande de M. D. et qu’il ne pouvait prendre une nouvelle décision sur une demande déjà réexaminée.La section a relevé qu’en droit, la décision juridictionnelle prise en référé présente un « caractère provisoire » jusqu’à ce qu’il soit statué sur le recours en annulation présenté parallèlement à la demande de référé. Elle n’a donc d’effet juridique qu’en attente de la décision prise sur le fond de l’affaire et elle cesse d’en produire dès lors qu’il a été statué sur le recours au fond, et que, à compter de son prononcé, le jugement du tribunal administratif s’est substitué entièrement à l’ordonnance initiale. Dans ces conditions, et quel que soit le caractère tout à fait regrettable de cette situation pour la commune, la section du rapport et des études n’a pu que constater que le jugement du tribunal administratif impliquait que le maire statue, à nouveau, sur la demande de permis de construire de M. D.En l’espèce, l’injonction prononcée par le juge des référés a donc interféré avec la décision prise, ensuite, sur le fond, par le tribunal. Il convient donc d’attirer l’attention des juges des référés sur la nécessaire prudence avec laquelle il leur faut répondre aux demandes d’injonctions qui leurs sont présentées à l’appui de demandes de suspension en référé de décisions administratives, notamment, comme en l’espèce, de décisions de rejet.

208 Activité de la section du rapport et des études

Statistiques

Tableau 1Évolution de l’activité de la section du rapport et des études en matière d’exécution des décisions de la juridiction administrative

2004 2005 2006 2007 2008

Affaires enregistrées 224 171 168 152 335(séries : 216)

Affaires réglées 208 177 159 161 336(séries : 216)

Affaires en cours 50 51 47 38 37

Tableau 2Détail des demandes d’aide à l’exécution et des procédures d’astreinte

2004 2005 2006 2007 2008

Aides à l’exécution(dont demandes d’éclaircissement)Autres saisines

187(21)

142(9)

127(7)

107(13)

7

85(8)5

Procédures d’astreinte(dont liquidations d’astreinte)

37(16)

29(11)

41(9)

38(6)

245 (séries : 216)(11)

Total 224 171 168 152 335 (séries : 216)

Tableau 3Détail de l’activité de la section du rapport et des études en matière d’exécution des décisions de la juridiction administrativeAffaires en cours au 1er janvier 2008 38Affaires enregistrées au cours de l’année 335 (séries : 216)Affaires traitées dans le cadre de l’aide à l’exécution(dont réponses à des demandes d’éclaircissement)

80(7)

Affaires traitées dans le cadre de la procédure d’astreinte(dont liquidation d’astreinte)

256 (séries : 216)(11)

Total des affaires traitées en 2008 336 (séries : 216)Affaires en cours au 1er janvier 2008 37

Tableau 4Demandes d’aide à l’exécution devant les juridictions administratives au cours de l’année 2008

Conseil d’État Cours administratives d’appel

Tribunaux administratifs

Total

Saisines 120 (hors séries) 549 1 245 1 914Affaires réglées 121 (hors séries) 459 1 226 1 806

209Exécution des décisions de la juridiction administrative en 2008

Tableau 5Évolution de l’activité des tribunaux administratifs et cours administratives d’appel en matière d’exécution des décisions de la juridiction administrative

2004 2005 2006 2007 2008

Tribunaux administratifsAffaires enregistrées 898 908 1174 1192 1 245Affaires réglées 793 759 879 1187 1 226Cours administratives d’appelAffaires enregistrées 488 450 549 523 549Affaires réglées 361 406 483 482 459

211Études et diffusion des travaux du Conseil d’État

Études et diffusion des travaux du Conseil d’État

L’activité d’étude en 2008

Parmi les missions qui incombent au Conseil d’État, les études réalisées à la demande du Premier ministre occupent une place importante. À travers elles, la fonction consultative du Conseil d’État se traduit par une réflexion approfondie sur des sujets variés, en vue d’éclairer suffisamment en amont l’orientation des politiques publiques et l’élaboration des textes ou de préparer une réforme. Ces études, qui sont publiées par la Documentation française, constituent à la fois une source d’information synthétique, une aide à la décision pour le Gouverne-ment et une contribution au débat public.

Les projets d’étude sont élaborés au sein de groupes de travail spécialement constitués autour de membres du Conseil d’État avec le concours de person-nalités extérieures (représentants des administrations, universitaires, élus terri-toriaux, professionnels), dont la composition garantit à la fois un haut niveau d’expertise et une confrontation suffisante de points de vue. Ces groupes défi-nissent librement leur méthode d’approche du sujet. Leur rapport est soumis à l’approbation de l’assemblée générale du Conseil d’État.

Deux études ont été adoptées par l’assemblée générale du Conseil d’État et publiées en 2008 : « Le droit de préemption » et « Les recours administratifs préalables obligatoires » (La Documentation française).

Un groupe de travail chargé, à la demande du Premier ministre, d’une étude relative aux lois de bioéthique a été installé au mois de mai 2008, et un groupe d’étude relatif à la question des archives a été installé au mois de novembre 2008.

Enfin, le Conseil d’État a lui-même pris l’initiative de constituer un groupe d’étude en juillet 2008 sur le thème « Coûts, efficacité et qualité de la justice », lequel poursuivra ses travaux en 2009.

212 Activité de la section du rapport et des études

La diffusion des travaux du Conseil d’État et de la juridiction administrative

Pour la cinquième année consécutive, la section du rapport et des études s’est efforcée de mieux faire connaître les travaux du Conseil d’État et la vie de la juridiction administrative en organisant des manifestations publiques, des conférences scientifiques et des colloques, dont le programme figure sur le site internet du Conseil d’État. Elle contribue ainsi à renforcer les liens entre l’insti-tution, les milieux académiques et les praticiens.

Le cycle de rencontres sur le droit public économique, lancé en 2007 sous le nom d’« Entretiens du Palais Royal », s’est poursuivi en 2008 par l’organisation de 3 Entretiens à destination des administrations et des directions juridiques d’entreprises, des professionnels du droit, avocats, fiscalistes et magistrats, et de la doctrine.

Le 15  mars 2008, s’est tenu le premier Entretien du Palais Royal, à l’École nationale d’administration, sur le thème  : « Les aides d’État », en partenariat avec les principaux acteurs dans ce domaine. Les débats ont porté sur l’examen de la compatibilité des aides d’État avec le droit communautaire, à la lumière de la jurisprudence Altmark, en tenant compte des réformes récentes concernant la procédure de déclaration préalable de ces aides et de la répartition des compé-tences entre la Cour de justice des Communautés européennes, la Commission européenne et les États membres. Ils ont également porté sur la répartition des compétences entre la Commission et les État membres, sur les rapports entre fiscalité et aides d’État, et sur la récupération des aides d’État illégalement ver-sées. La richesse de cet échange d’expériences a permis de faire le point sur la manière dont les institutions, nationales comme européennes, appréhendent et s’adaptent à la notion et aux procédures en matière d’aides d’État.

Le Conseil d’État a consacré son deuxième Entretien du Palais Royal à la ques-tion  : « Quels contrôles pour les concentrations d’entreprises – Actualité et perspectives », le 20 juin 2008, à Paris. Ce colloque a permis d’aborder l’utilité et l’efficacité économique du contrôle des concentrations, ses modalités d’orga-nisation dans une Europe partageant les rôles entre la Commission européenne et les autorités nationales de concurrence, et l’enrichissement des techniques de contrôle et de prévention, en cohérence avec celles du contrôle des pratiques anticoncurrentielles. Il a réuni à la tribune, mais aussi dans la salle, un large public de spécialistes  : représentants d’entreprises publiques et privées, orga-nisations professionnelles, avocats spécialisés, universitaires, mais également fonctionnaires en charge des affaires de concurrence et de contrôle des concen-trations au sein des administrations nationales et institutions communautaires et membres des juridictions administratives ainsi que la presse spécialisée.

Le troisième Entretien du Palais Royal s’est tenu le mardi 16 décembre 2008, à Paris, pour aborder le thème : « Contrat de partenariat, marché public adapté, délégation de service public… Que choisir et comment choisir ? » Cet Entre-tien a proposé aux collectivités publiques ainsi qu’aux opérateurs économiques et financiers et leurs conseils de faire le point sur les risques, les opportunités et les évolutions des contrats complexes, notamment sur les partenariats public/privé, et d’échanger leurs expériences avec d’autres personnalités (universi-

213Études et diffusion des travaux du Conseil d’État

taires, magistrats, membres du Conseil d’État…). L’intervention d’un représen-tant de la Commission européenne en ouverture de la journée a été l’occasion d’éclairer le public français sur les intentions de l’Union européenne concer-nant les contrats complexes. Le débat a permis d’entendre et d’apprécier les aspirations tendant à une simplification des nombreux dispositifs actuellement en vigueur en France, afin de diminuer l’insécurité juridique. Enfin, les témoi-gnages de sénateurs, d’architectes et d’avocats sont venus enrichir les discus-sions à la tribune.

Le Conseil d’État a également organisé, le 20  mai 2008 au Conseil écono-mique et social (CES), un colloque sur le thème : « Le droit de préemption et la relance des politiques d’aménagement et d’habitat », en partenariat avec les principaux acteurs dans ce domaine. Le thème de ce colloque a permis de reve-nir sur les propositions du groupe d’étude constitué, à la demande du Premier ministre, sur « Le droit de préemption ». Les deux premières tables rondes de la matinée ont permis de mettre en débat la définition, les objectifs et la vocation du droit de préemption ainsi que les garanties attachées à son usage. Les tables rondes de l’après-midi ont abordé plus largement les autres outils des politiques foncières (outils de planification et institutions, puis procédures, financement et ressources humaines nécessaires à la mise en œuvre de ces politiques). Le ministre du logement et de la ville, Christine Boutin, a clos les débats, pré-sentant son projet de loi de mobilisation pour le logement et les perspectives d’action du Gouvernement en matière de politique d’aménagement, notamment de politique foncière. Le colloque a réuni bon nombre de professionnels de l’immobilier et de la construction, des notaires et des avocats, des universitaires spécialisés, des représentants des propriétaires, mais également des fonction-naires en charge des affaires d’urbanisme au sein des administrations nationales et des collectivités territoriales, des membres des juridictions administratives et judiciaires, ainsi que la presse spécialisée.

Enfin, à l’occasion de la Présidence française de l’Union européenne, le Conseil d’État a organisé un colloque, les 9 et 10 octobre 2008, sur « Le juge en Europe et le droit communautaire de l’environnement », en partenariat avec la Commission européenne et le Conseil national des barreaux. Au cours de cet événement inscrit dans le programme de la Présidence française de l’Union européenne, plus de cent juges et avocats des vingt-sept États membres sont venus partager leur expérience du droit de l’environnement dans leur pays et en Europe. L’événement a permis d’identifier les thèmes prioritaires pour les actions de formation en droit de l’environnement et de renforcer le dialogue des juges. Il a permis également de faire le point sur le droit communautaire de l’environnement et les priorités de la Présidence française en la matière. Cette conférence marque également le démarrage du programme de coopération entre les juges nationaux lancé par la Commission européenne. La manifestation, qui s’est tenue sur deux jours, a également mobilisé les avocats, les entreprises, les organismes de défense de l’environnement, les universitaires, et les fonction-naires spécialisés.

Comme de tradition, les considérations générales du rapport public 2008 du Conseil d’État qui ont porté sur « Le contrat, mode d’action publique et de production des normes » (paru à la Documentation française), ont fait l’objet d’une présentation à des publics nombreux et variés.

215Action internationale de la juridiction administrative

Action internationale de la juridiction administrative

L’année 2008 a été marquée par une réforme de l’organisation des activités internationales au sein du Conseil d’État

Une évolution de l’organisation interne des activités de coopération internatio-nale au sein du Conseil d’État a eu lieu au cours de l’année 2008.

Jusque-là ces activités étaient dissociées en deux pôles :– la cellule de coopération internationale, faisant partie de la section du rap-port et des études (SRE). Cette cellule, dirigée par un conseiller d’État assisté de deux agents, avait vocation à connaître des questions bilatérales ;– le secrétariat général, traitant à part des questions multilatérales, suivait celles-ci via le secrétariat de l’Association internationale des hautes juridic-tions administratives (AIHJA), association internationale de hautes juridictions administratives chargées du contrôle juridictionnel de l’administration, fondée en 1983. En sont membres 66 juridictions auxquelles s’ajoutent 12 juridictions ayant le statut d’observateur. L’AIHJA a son siège à Paris, au Conseil d’État, et son secrétaire général est en vertu d’un usage ininterrompu depuis sa création le secrétaire général du Conseil d’État français. Le Vice-président du Conseil d’État est l’un des vice-présidents de l’association. L’autre important vecteur de coopération multilatérale est l’Association des Conseils d’État et juridictions administratives suprêmes de l’Union européenne dont le siège est à Bruxelles et dont le secrétariat général est confié, également en vertu d’une pratique constante, au secrétaire général du Conseil d’État belge.

Cette dissociation était pour le moins paradoxale, les dimensions bilatérale et multilatérale de l’action internationale du Conseil d’État étant en réalité très imbriquées, et ne permettait pas de tirer le meilleur parti des synergies pouvant exister entre les unes et les autres. Au surplus, le réseau des correspondants étrangers constitué grâce à ces deux types d’activités se recoupe dans une large mesure.

Ces deux pôles ont été regroupés au sein d’une entité plus étoffée demeurant rattachée à la SRE. Ainsi a été instituée le 1er mars 2008 une délégation aux relations internationales. Qui a connu au cours de l’année une montée en puis-sance graduelle. Depuis la fin du mois de novembre, elle est regroupée sur un

216 Activité de la section du rapport et des études

même site et peut fonctionner avec la totalité des moyens humains qui lui sont dédiés. Elle est dirigée par un conseiller d’État, qui consacre l’essentiel de son activité à ses fonctions de délégué aux relations internationales et qui prend désormais en charge la totalité des activités internationales. Toutefois, le secré-taire général du Conseil d’État conserve la fonction de secrétaire général de l’AIHJA, tout en l’exerçant désormais en collaboration avec le délégué aux rela-tions internationales.

Les institutions européennes ont occupé une place essentielle dans les activités de coopération internationale

Dans le contexte de la Présidence française de l’Union européenne, il était logique que l’Europe et le droit européen dans ses différentes composantes se voient reconnaître une place importante.

Les relations entre le Conseil d’État et le Cour européenne des droits de l’homme ont été marquées par deux manifestations majeures. En mai, la Cour de Strasbourg a accueilli une délégation d’une vingtaine de membres de la sec-tion du contentieux, qui ont suivi une série d’exposés sur l’organisation et le fonctionnement de la juridiction européenne et ont été admis à suivre le dérou-lement de deux audiences. En novembre ce fut au tour du Conseil d’État d’ac-cueillir une délégation composée du président Jean-Paul Costa et de sept juges de la Cour. À cette occasion a été organisée une table ronde permettant aux membres de la Cour et du Conseil d’État d’échanger leurs vues sur divers sujets d’actualité jurisprudentielle et d’autres thèmes d’intérêt commun. Une attention particulière a été portée à la question des rapports entre l’ordre constitutionnel et l’ordre conventionnel dans la protection des libertés et droits fondamentaux. Les membres de la délégation ont assisté à une séance de jugement des 4e et 5e sous-sections réunies, l’article R. 731-4 du code de justice administrative per-mettant aux juges, y compris de nationalité étrangère, d’assister à un délibéré.

À l’occasion d’une visite à Paris d’une délégation du Parlement européen venue s’informer sur les conditions d’organisation de la présidence française, le Conseil d’État a reçu fin juin une quinzaine de membres et de hauts fonc-tionnaires de la commission des affaires juridiques de cette assemblée. La table ronde a notamment permis au Vice-président de présenter l’organisation et les missions du Conseil d’État ; les plus récents développements de la jurispru-dence du Conseil d’État en matière d’application du droit communautaire ont été exposés aux parlementaires européens.

Le Vice-président du Conseil d’État figure au nombre des juristes appelés à prendre part au Forum européen de la justice, qui a commencé ses travaux en mai et qui regroupe sous les auspices de la Commission européenne un groupe res-treint de représentants des gouvernements et d’experts chargés de conduire une réflexion prospective sur l’évolution de la justice dans l’espace communautaire.

217Action internationale de la juridiction administrative

Les échanges bilatéraux avec les juridictions étrangères ont été soutenus

Europe

L’année 2008 a été marquée par des échanges fructueux avec les juridictions allemandes. Un temps fort en a été l’accueil au Conseil d’État au mois de septembre d’une délégation d’une trentaine de juges de la Cour fédérale des finances de Munich, conduite par son Vice-président. Les missions et l’organi-sation du Conseil d’État leur ont été présentées, l’accent étant mis sur la fonc-tion consultative et plus particulièrement le rôle de la section des finances dans la préparation de la loi de finances et l’élaboration de la règle de droit fiscal. Ont également été analysés la place et l’organisation du contentieux fiscal devant la juridiction administrative française, ainsi que les pouvoirs du juge de l’impôt en France. Le séminaire de travail s’est achevé par un échange de vues consa-cré, d’une part, à la procédure des questions préjudicielles adressées à la Cour de justice des Communautés européennes en matière fiscale et, d’autre part, à l’incidence de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme en droit fiscal.

Un juge à la Cour administrative fédérale de Leipzig a effectué un stage de deux semaines au Conseil d’État. A également été accueillie une délégation de vingt-six magistrats de Rhénanie-Palatinat, conduite par le Premier président et le Procureur général près la cour d’appel de Zweibrücken. Une délégation d’administrateurs du Bundestag a également été reçue pour une visite et un exposé sur le Conseil d’État.

Le tribunal administratif de Strasbourg pour sa part approfondi les relations qu’il entretient avec les juridictions allemandes, en l’occurrence les tribunaux administratifs de Fribourg et de Karlsruhe ainsi que la cour administrative d’ap-pel de Mannheim.

Le dialogue engagé depuis plusieurs années avec les juristes du Royaume-Uni a été poursuivi. Le Vice-président a été invité à intervenir lors de la conférence annuelle de l’assemblée générale de l’Association des juristes franco-britan-niques qui s’est tenue à Paris. Lady Justice Arden, juge à la Royal Court of Appeal de Londres et responsable de la coopération internationale pour l’en-semble des juridictions d’Angleterre et du Pays de Galles, a effectué une visite d’étude d’une semaine au Conseil d’État.

Les échanges avec l’Ukraine ont été particulièrement denses. Effectuant une visite officielle à Paris au mois de juin à l’invitation de son homologue français, le ministre ukrainien de la justice a été reçu au Palais Royal par le Vice-prési-dent. De nombreux échanges de membres du Conseil d’État et de la Cour admi-nistrative supérieure d’Ukraine, pour des visites ou séminaires de travail dans les juridictions d’Île-de-France ou à Kiev, ont eu lieu en prélude au lancement d’un appel d’offres européen prévu pour 2009 dans le cadre des programmes de coopération juridique et judiciaire financés par la Communauté européenne.

218 Activité de la section du rapport et des études

La ministre de la justice de Croatie a été reçue au Palais Royal pour une visite de travail notamment consacrée au rôle joué par le Conseil d’État dans la trans-position des directives communautaires et l’application du droit européen. Cinq membres du Conseil d’État se sont rendus à Split à l’occasion des journées juridiques franco-croates, consacrées cette année à l’étude des questions liées à la propriété publique.

Le ministre de la justice de Slovénie ainsi que le Président de l’Assemblée natio-nale du Monténégro ont également été reçus par le Vice-président.

L’année 2008 a marqué en outre le point de départ d’une collaboration avec la Cour administrative suprême de Finlande. Le Vice-président a reçu en novembre son président ainsi qu’un membre de la Cour spécialiste de droit communau-taire. Les missions et l’organisation des juridictions administratives finlandaise et française ont fait l’objet d’une présentation réciproque. Des échanges sur les questions liées au dialogue entre le juge national et le juge communautaire sont intervenus à cette occasion.

Le Vice-président, accompagné d’une délégation du Conseil d’État, a été reçu à Madrid par le Conseil d’État d’Espagne pour un séminaire de travail consacré à la fonction consultative et à la transposition du droit communautaire.

Afrique du Nord – Proche et Moyen-Orient

Le Vice-président a effectué en novembre une visite en Algérie à l’invitation de la présidente du Conseil d’État algérien. La délégation de membres du Conseil d’État l’accompagnant comprenait notamment le Président de la cour adminis-trative d’appel de Marseille, juridiction entretenant des relations de coopéra-tion étroites avec le Conseil d’État algérien. Il a été décidé qu’un programme pluriannuel de coopération serait établi courant 2009 entre les deux Conseils d’État. Quelques mois auparavant, le Conseil d’État avait accueilli une visite de travail d’une délégation de membres du Tribunal des conflits algérien conduite par son président.

En décembre, le Vice-président a reçu le Premier président de la Cour suprême du Maroc qui effectuait sa première visite à l’étranger depuis sa prise de fonc-tions. Une délégation de hauts magistrats chérifiens l’accompagnait. Un membre du Conseil d’État a prêté son concours à la tenue d’une formation organisée au profit de juges par l’Institut supérieur de la magistrature marocaine.

L’année a été également marquée par la reprise d’une coopération active avec le Conseil d’État du Liban. Trois de ses jeunes magistrats ont été accueillis au Conseil d’État pour un stage de plusieurs semaines. Le président du Conseil d’État, le Premier président de la Cour de cassation et d’autres hauts magis-trats ont également été reçus au Palais Royal en prélude au lancement, dès jan-vier 2009, d’un programme de formation de magistrats administratifs libanais devant durer plusieurs mois et animée par trois experts français, membres de la juridiction administrative.

Une importante délégation du Conseil d’État d’Égypte, visitant plusieurs pays d’Europe occidentale, a été reçue en juin au Conseil d’État ainsi qu’à la cour administrative d’appel et au tribunal administratif de Paris. Un conseiller d’État s’est rendu au Caire à l’automne à l’occasion d’un séminaire international orga-

219Action internationale de la juridiction administrative

nisé sous les auspices de cette juridiction et consacré aux problèmes d’exécu-tion des décisions de justice.

D’autres actions de coopération ont été réalisées par accueil de délégations ou envoi d’experts dans d’autres pays de la région (Arabie Saoudite, Koweït, Syrie, Irak).

Asie – Océanie

L’année a été marquée par la première visite en Chine du Vice-président depuis sa prise de fonctions, à l’occasion de la première réunion du réseau ID franco-chinois à Pékin. Les réseaux ID (Internationalisation du Droit) réunissent des juristes français et étrangers, et permettent ainsi aux universitaires, juges, hauts fonctionnaires et professionnels du droit d’échanger sur les dimensions spécifi-quement juridiques des enjeux de la mondialisation et de l’internationalisation. Si des réseaux de ce type existaient déjà avec les États-Unis et le Brésil, la ren-contre de Pékin a marqué la première réunion bilatérale franco-chinoise.

Co-présidée par Mme Delmas-Marty, professeur au Collège de France, et le pro-fesseur Gao, doyen émérite de la faculté de droit de l’université normale de Pékin, cette rencontre a eu pour le thème le contrôle de l’administration. Les débats ont été riches et ont traité essentiellement de l’introduction du droit inter-national dans le droit interne, du contrôle exercé sur les activités de police, de la prévention de la corruption et du contentieux disciplinaire dans la fonction publique. La prochaine session du réseau ID franco-chinois devrait probable-ment avoir lieu à Paris à la fin de l’année 2009 ou au début de l’année 2010 autour du thème : « Protection de l’identité, protection de la propriété ».

Le Conseil d’État a accueilli une délégation de trente directeurs généraux d’administration chinois. Ont été exposées lors de cette rencontre l’organisa-tion, les missions et les méthodes du Conseil d’État. Le directeur du Centre de recherche en constitutionalisme de l’université politique et de droit de Pékin a en outre été reçu au Conseil d’État, pour un entretien sur la participation publique dans les projets d’urbanisme. Enfin et tout au long de l’année, un nombre consé-quent de délégations chinoises en visite en France ont été accueillies tant au Conseil d’État que dans des cours et tribunaux administratifs.

Le Vietnam a aussi occupé une place importante dans la collaboration engagée avec les juridictions asiatiques. Le ministre de la justice a été reçu au Palais Royal ainsi qu’une délégation de la commission des lois de l’Assemblée natio-nale vietnamienne quelques mois plus tard. Un membre du Conseil d’État a participé en qualité d’expert à un séminaire organisé à Hanoï sur la codification du droit.

Les liens très anciens et étroits entre les Conseils d’État de France et de Thaïlande ont été illustrés en 2008 par l’accueil au Palais Royal de plusieurs délégations de magistrats et de fonctionnaires.

Ainsi que cela se produit chaque année, le Conseil d’État a reçu de nombreuses visites de délégations de parlementaires, de fonctionnaires et de professionnels du droit originaires de nombreux pays asiatiques, notamment la Corée, le Japon et l’Indonésie.

220 Activité de la section du rapport et des études

S’agissant de l’Australie, le président de la cour administrative d’appel de Ver-sailles a été l’invité d’honneur de la conférence annuelle de l’Australian Ins-titute of Judicial Administration. Il a prononcé une conférence sur la justice administrative française et a pris part à un séminaire comparant les expériences française et australienne en matière de contentieux administratif.

Amériques

L’année 2008 a été notamment marquée par l’approfondissement des relations nouées de longue date entre les Conseils d’État de France et de Colombie. Plu-sieurs missions d’experts français à Bogota ont permis au Conseil d’État d’ap-porter son concours notamment à l’élaboration d’un nouveau code de procédure.

Le Vice-président et plusieurs membres du Conseil d’État ont participé au sémi-naire organisé en juillet à Paris par le réseau ID franco-américain (cf. ci-dessus) auquel participait notamment un juge à la Cour suprême des États-Unis.

À l’instar de ce qui se pratique avec des délégations d’autres régions du monde, le Conseil d’État a reçu de nombreuses visites de délégations de magistrats, fonctionnaires, universitaires et étudiants provenant de nombreux États améri-cains, qu’ils soient de tradition juridique anglo-saxonne ou continentale.

Afrique – Madagascar

Le Président de la section des travaux publics du Conseil d’État s’est rendu en visite à Madagascar à l’occasion de l’installation de la nouvelle cour suprême malgache, qui a été suivie d’un séminaire juridique. Une délégation de l’École nationale de la magistrature malgache, conduite par sa directrice, a été reçue au Conseil d’État dans le cadre d’un voyage d’études consacré à la formation des juges.

Les échanges avec l’Afrique ont été très soutenus au cours de l’année 2008. Le Palais Royal a accueilli de nombreux stages de magistrats africains (Burkina-Faso, Cameroun, République du Congo, Mali, Niger) souhaitant se familiariser avec les méthodes de traitement du contentieux. Des visites thématiques ont aussi été organisées ; ainsi le Conseil d’État a accueilli un représentant de la Commission de lutte contre la corruption du Congo désireux de se familiari-ser avec le contentieux électoral. On notera en outre que le Conseil d’État a reçu la visite de personnalités d’Éthiopie, notamment le Président de l’UEDP-MEDHIN (United Ethiopian Democratic Party-Medhin) qui souhaitait s’infor-mer de l’organisation de la justice administrative française et du fonctionnement du Conseil d’État. Plusieurs misions d’assistance juridique ont été enfin effec-tuées dans différents État africains par des membres du Conseil d’État.

221Action internationale de la juridiction administrative

Le Conseil d’État a activement participé aux travaux des deux associations jouant le rôle de forum dans les échanges multilatéraux entre les juridictions administratives suprêmes

L’Association internationale des hautes juridictions administratives (AIHJA)

L’association tient, par cycles de trois ans, deux conseils d’administration et un congrès.

Le rendez-vous majeur de l’année 2008 a été la réunion du conseil d’adminis-tration qui s’est tenue à Vilnius à l’invitation de la Cour administrative suprême de Lituanie. À cette occasion, l’AIHJA a accueilli trois nouveaux membres  : la Cour administrative supérieure d’Ukraine, la Cour suprême du Chili et le Tribunal suprême de justice du Venezuela. Le conseil d’administration a permis d’arrêter le canevas des thèmes devant être abordés lors du prochain congrès qui doit avoir lieu à Sydney au printemps 2010. Ce premier congrès organisé par une juridiction membre de l’AIHJA et appartenant à un pays de Common Law traitera en particulier des convergences et divergences pouvant exister en matière de contrôle juridictionnel de l’administration entre les systèmes de droit se rattachant aux modèles anglo-saxon ou continental.

L’Association des Conseils d’État et juridictions administratives suprêmes de l’Union européenne

Le XXIe colloque et l’assemblée générale de l’association ont eu lieu en juin à Varsovie. Les membres de l’association se sont en particulier penchés sur la question des conséquences de l’incompatibilité de décisions administratives et juridictionnelles nationales devenues définitives et des jugements devenus éga-lement définitifs qui sont rendus par les juridictions européennes.

C’est sous le double patronage de l’Association et de la Commission européenne (Direction générale de l’environnement) que s’est tenu à Paris en octobre un colloque international consacré à l’application du droit communautaire de l’en-vironnement par le juge national, organisé par le conseil d’État (section du rap-port et des études).

L’association a, à l’initiative du Conseil d’État, organisé à Bruxelles fin janvier un séminaire dont le thème était  : « Le juge administratif et le droit commu-nautaire de l’environnement ». Une attention particulière a été portée à l’ac-cès à la justice en matière environnementale, au nouveau régime de réparation des dommages environnementaux issus de la directive 2004/35/CE, aux effets juridiques du dispositif Natura 2000 et aux besoins de formation des juges de l’environnement.

222 Activité de la section du rapport et des études

Le Conseil d’État et plusieurs autres juridictions administratives ont participé au programme d’échanges de magistrats organisés conjointement par l’Asso-ciation et le Réseau européen de formation judiciaire. Ce programme a permis à des magistrats appartenant à des juridictions suprêmes de pays européens de venir passer chacun deux semaines au Conseil d’État et dans d’autres juridic-tions d’Île-de-France. Le Conseil d’État a ainsi accueilli le Président de la divi-sion du contentieux du Conseil d’État des Pays-Bas ainsi que des magistrats d’Allemagne, d’Espagne, de Grèce et de Roumanie. Ce même programme a donné lieu à l’accueil de juges de différents États européens dans les cours administratives d’appel de Bordeaux, Lyon, Marseille et Paris, et dans les tri-bunaux administratifs d’Amiens, Marseille, Orléans, Paris, Pau, Toulouse et Versailles. Des magistrats administratifs français ont pu être accueillis pour des stages dans des juridictions homologues en Allemagne, Autriche, Roumanie, Lituanie, Espagne, Finlande, Lettonie et République Tchèque.

Ces échanges sont fructueux et enrichissants, autant pour ceux qui reçoivent que pour ceux qui sont reçus. Il convient cependant de noter que le Réseau européen de formation judiciaire a fait savoir de manière abrupte et sans préavis au cours de l’automne qu’il interrompait le financement de ces échanges. Cette annonce a semé une grande perturbation dans l’organisation des stages de magistrats. Certains y ont renoncé et d’autres n’ont pu donner suite à leur projet qu’en trou-vant en interne in extremis d’autres possibilités de financement. La pérennité de ces échanges n’est donc à ce stade pas assurée ; il serait assurément regrettable qu’ils soient durablement remis en cause par une défaillance des sources de financement communautaires.

La juridiction administrative a approfondi ses partenariats avec les organismes français de coopération juridique

Le Conseil d’État est membre de droit de la Fondation pour le droit continental qui a été reconnue d’utilité publique en 2007. Cette association vise à promou-voir le droit continental en mettant en valeur les caractéristiques qui en font non un handicap, mais bien un atout favorisant le développement économique. Améliorer sa connaissance et sa diffusion permet de renforcer sur la scène éco-nomique internationale la place des acteurs juridiques se rattachant à la tradition du droit continental. La Fondation est très impliquée dans les activités de tra-duction des textes et décisions publiés sur Legifrance ; a ainsi été réalisée sous ses auspices en 2008 une traduction complète en langue arabe du code de justice administrative. Elle s’est également attachée cette année à devenir un acteur important du projet d’Union pour la Méditerranée et à renforcer sa coopération avec des pays émergents tels que la Chine, l’Inde ou le Brésil.

Le Conseil d’État travaille aussi en liaison étroite avec ACOJURIS (Agence de coopération juridique internationale), association qui a pour fonction de déve-lopper des actions de coopération juridique et judiciaire, dans le cadre d’appels d’offres et de programmes multilatéraux mis en œuvre aussi bien par l’Union européenne, la Banque mondiale, la Banque interaméricaine de développement et d’autres contributeurs internationaux.

223Activité de la délégation au droit européen du Conseil d’État

Activité de la délégation au droit européen du Conseil d’État

La cellule de droit communautaire, créée en 1998, a été transformée à la fin de l’année 2008 en délégation au droit européen. Elle a assuré, au titre de l’année 2008, une charge de travail substantiellement accrue par rapport aux années précédentes. Elle n’a pu le faire qu’avec le concours précieux de l’assistant de justice et des stagiaires qui ont été étroitement associés à l’accomplissement de ses différentes missions.

En premier lieu, le nombre de questions juridiques posées à la délégation a été multiplié par deux, pour s’établir désormais à plus de 1 000. Toujours plus diversifiés sont les organismes, administrations ou autres institutions à la saisir. La nature et la portée de ces questions impliquent souvent des réponses com-plexes et la délégation a été saisie de très nombreuses questions portant sur des problèmes techniques ou rédactionnels relatifs à la transposition des normes communautaires ou à leur meilleure insertion dans un ordre juridique national préexistant. En effet, la Présidence française du Conseil de l’Union européenne, à compter du 1er  juillet 2008, a occasionné, au cours du premier semestre de l’année 2008, une importante activité normative, aux fins d’assurer ou d’ache-ver la transposition de l’ensemble des normes communautaires non encore insé-rées dans l’ordre juridique national.

De multiples questions ont également porté sur la qualification juridique de régimes susceptibles d’être regardés comme constitutifs d’aides d’État et l’en-semble des procédures ou de mécanismes permettant d’éviter ou de différer leur notification à la Commission européenne (outre les procédures classiques traditionnellement évoquées dans le bilan d’activité de la cellule de droit com-munautaire, la délégation a été saisie de plusieurs questions portant sur la portée et l’interprétation du règlement général d’exemption par catégorie de la Com-mission européenne du 6 août 2008). La délégation a eu également à connaître de la poursuite du contentieux noué depuis près de 20 ans par la SIDE contre le Centre d’exportation du livre français (CELF).

Outre la technique même de transposition des normes communautaires, l’inter-prétation de ces normes a fait l’objet d’un nombre substantiel de questions ; il en a été ainsi, notamment, de la directive 2005/36 du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, dont trois sections admi-nistratives ont eu à connaître, de l’ensemble des textes communautaires relatifs aux professions réglementées, de la directive relative aux services de paiement dans le marché intérieur, et de la 3e directive relative à la lutte contre le blan-chiment de capitaux. La ratification par la France du traité de Lisbonne et les perspectives désormais ouvertes à cet égard ont également constitué un foyer de

224 Activité de la section du rapport et des études

questions sur l’interprétation des stipulations de ce traité, de ses protocoles et de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne…

Des questions beaucoup plus complexes ont été posées, exigeant souvent un lourd investissement. Elles concernent, notamment :– l’interprétation de la directive recours et de la jurisprudence de la Cour de justice pour ce qui est de l’intérêt à agir d’une entreprise évincée d’une procé-dure de marché public, aux fins de saisir le juge des référés précontractuels ;– la possibilité d’introduire, dans un projet de loi concernant des OPCVM non réservés à certains investisseurs, le système du plafonnement des rachats (« gates »), et celui du cantonnement des actifs non liquides, alors que la direc-tive OPCVM du 20 décembre 1985 ne prévoit que la suspension pure et simple ;– en matière de taxe sur la valeur ajoutée, les critères à mettre en œuvre pour déterminer si la reprographie est une livraison de biens ou une prestation de services, au regard de la 6e directive TVA du 17 mai 1977 ;– la conformité au droit communautaire, notamment à la libre circulation des marchandises et à la directive 2001/37 du 5 juin 2001, d’un article interdisant de manière générale et absolue la vente des « cigarettes bonbon » ;– la qualification juridique du revenu de solidarité active au regard du droit communautaire ;– la possibilité de subordonner le versement, à des ressortissants communau-taires, de prestations sociales à une condition de résidence effective minimale sur le territoire français ;– le recours à la dérogation dite du « in house » pour des marchés de prestations de services conclus pour la certification des comptes des établissements publics de santé (CJCE Teckal, 18 novembre 1999) ;– la prise en compte par le droit communautaire du critère de l’expérience acquise par les soumissionnaires lors de l’évaluation des offres ;– l’interprétation de la notion communautaire d’activité économique pour cha-cune des branches d’activité d’un établissement de santé ;– la faculté, en application de la directive 2004/18 du 31 mars 2004, de ne pas soumettre les missions de service public assurées par les établissements de santé aux obligations procédurales de droit commun en matière de marchés publics ;– le recours à la jurisprudence Télaustria de la CJCE du 7 décembre 2000 pour les concessions de services conclues pour certains secteurs particuliers de l’ac-tivité hospitalière, telles les urgences ;– les modalités spécifiques d’application du régime des aides d’État aux éta-blissements de santé ;– les conditions d’élaboration, au regard de ce régime, des tarifs des établisse-ments de santé ;– l’interprétation de l’article 86 § 2 du TCE, aux fins de déterminer si plusieurs projets de dispositions législatives ou réglementaires étaient susceptibles d’être regardés comme conférant un droit exclusif ou spécial et, corrélativement, l’ap-plication de la jurisprudence Altmark de la CJCE du 24 juillet 2003 ;– l’applicabilité des critères de convergence du pacte de stabilité et de crois-sance aux dispositions d’un projet de loi de programmation des finances publiques, notamment au regard de l’article 10 du TCE ;– la validité, au regard de la liberté de prestation de services, d’un monopole conféré au Pari mutuel urbain ;– à de multiples reprises, la délégation a été saisie de questions portant sur l’interprétation et sur la portée des prescriptions de la directive 98/34 imposant

225Activité de la délégation au droit européen du Conseil d’État

la communication préalable de toute nouvelle norme technique projetée par un État membre ;– la compatibilité avec le droit communautaire de la fiscalité sur les jeux et paris, notamment en ligne ;– le contrôle non seulement de la constitutionnalité des lois de validation, mais également celui de leur validité au regard des stipulations de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, notamment du concept « d’espérance légitime » dégagé par la Cour ;– la notion de discrimination à rebours, notamment postérieurement à la déci-sion du 6 octobre 2008 du Conseil d’État statuant au contentieux (Compagnie des architectes en chef des monuments historiques et autres) (Rec. p. 702) ;– l’application du principe selon lequel, dès lors qu’une directive a procédé à l’harmonisation des mesures nécessaires, à la réalisation de son objectif spéci-fique, la dérogation relative à la protection de la santé publique, figurant à l’ar-ticle 30 TCE, ne trouve plus à s’appliquer (importations intracommunautaires de produits de santé nécessaires à l’assistance médicale à la procréation) ;– la validité, au regard du droit communautaire, des dispositions législatives et réglementaires nationales relatives à l’urbanisme commercial ; – la limitation de l’applicabilité de l’article 6 § 1 de la CEDH en matière fis-cale ;– l’applicabilité de l’article 6 § 1 CEDH à un organisme professionnel à carac-tère non juridictionnel ayant compétence pour infliger des sanctions à ses membres violant les règles déontologiques de la profession ;– la répartition des compétences en matière de visas au sein de l’Union euro-péenne et aux modifications apportées à cet égard par le Traité sur le fonction-nement de l’Union européenne ;– les règles procédurales juridictionnelles, notamment aux fins de préciser pour chaque affaire, les phases procédurales d’instruction (communications mise en état, clôture d’instruction…) ainsi que l’ensemble des effets qui s’attachent à chacun des actes juridictionnels arrêtés par le juge.

Enfin, en raison de la crise des marchés financiers, la délégation a été conduite à examiner l’ensemble des communications de la Commission européenne des mois d’octobre et novembre 2008 relatives soit au régime de garantie des sys-tèmes bancaires nationaux des États membres, soit au « Cadre communautaire temporaire pour les aides d’État destinées à favoriser l’accès au financement dans le contexte de la crise économique et financière actuelle » pour permettre au Conseil d’État d’examiner dans les meilleures conditions l’ensemble des projets qui lui ont été soumis en urgence, notamment le premier projet de loi de finances rectificative pour 2008 et le projet de loi de finances rectificative pour 2009.

En deuxième lieu, le bulletin de la « cellule de droit communautaire » a été, au cours de l’année 2008, adressé, mensuellement et régulièrement, non seu-lement aux membres du Conseil d’État, des cours administratives d’appel et des tribunaux administratifs mais, de plus en plus à des juridictions suprêmes communautaires, des membres de la Cour de cassation, des universitaires, des services juridiques des ministères, des autorités administratives indépendantes. Désormais assorti de liens hypertextes, le bulletin comprend une nouvelle partie V consacrée à l’analyse des principaux arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme.

226 Activité de la section du rapport et des études

En troisième lieu, la délégation au droit européen a accueilli trois fois plus de délégations ou personnalités qu’elle le faisait au cours des années précédentes et elle a continué d’exercer un rôle important dans la formation de nombreux étudiants effectuant des stages au Conseil d’État.

En quatrième lieu, elle a été associée étroitement aux autres activités de la sec-tion du rapport et des études. Tout d’abord, celles du rapporteur général de la section, d’une part, pour l’élaboration des développements européens des consi-dérations générales du rapport annuel 2009 et, d’autre part, pour l’élaboration des « dossiers du participant » à l’occasion des différents colloques ou Entretiens organisés par la Conseil d’État en 2008. Ensuite, celles du délégué aux relations internationales, pour l’accueil de juridictions européennes ou de juridictions suprêmes nationales et l’élaboration, à cet effet, de dossiers de documentation.

En cinquième et dernier lieu, le délégué au droit européen s’est efforcé de mieux faire connaître le rôle et l’apport du Conseil d’État, qu’il statue au consultatif ou au contentieux, dans l’application du droit communautaire ou du droit issu du Conseil de l’Europe ; en présentant des interventions dans des universités ou instituts ; en représentant le Vice-président du Conseil d’État dans plusieurs colloques ou réunions de travail ; en participant à plusieurs réunions interminis-térielles relatives soit aux suites à réserver à l’étude du Conseil d’État de 2003 « Collectivités territoriales et obligations communautaires », soit aux modalités d’applicabilité du droit communautaire outre-mer, soit encore plus générale-ment à la simplification et à l’amélioration du droit ultramarin ; en rédigeant, pour le compte du Conseil d’État, plusieurs articles relatifs notamment à la place du droit communautaire dans les études et rapports du Conseil d’État, au droit européen dans la fonction consultative du Conseil d’État et à la veille juridique fiscale communautaire du Conseil d’État. Enfin, en entretenant un échange constant de réflexions ou d’informations portant tout à la fois sur le fond du droit et sur les sources documentaires relatives à l’évolution du droit communautaire, européen et national, notamment avec la Cour de justice et le Tribunal de première instance des Communautés européennes, avec les délé-gations parlementaires pour l’Union européenne, l’observatoire européen de la Cour de cassation, le Secrétariat général pour les affaires européennes et la direction des affaires juridiques du ministère des affaires étrangères.

227

Rapport d’activité

Activité du centre de formation

de la juridiction administrative

229Bilan des formations

Bilan des formations

Cette année a été marquée par la création du Centre de formation de la juridic-tion administrative (CFJA), placé auprès du secrétaire général, dont la direction a été confiée à un magistrat. L’objectif qui a été assigné à ce centre, pour 2009, et qui a connu un début de réalisation, est non seulement de développer la for-mation pour les quatre publics de la juridiction administrative  : membres et agents du Conseil d’État, magistrats et agents des tribunaux administratifs et des cours administratives, et de rendre la formation plus pratique, mais aussi, d’être au plus près des attentes des agents. Ainsi, le développement de la forma-tion doit être un outil pour répondre aux exigences professionnelles liées aux missions de conseil, de juge et de gestionnaire de la juridiction administrative.

Formation initiale des conseillers de tribunal administratif et de cour administrative d’appel

Deux stages de formation initiale de conseillers de tribunal administratif et de cour administrative d’appel ont été organisés  : le premier, du 1er  avril au 30 septembre, comptait 40 stagiaires issus de l’ENA, du tour extérieur et du détachement, le deuxième, du 1er octobre 2008 au 30 mars 2009, regroupe 34 conseillers, issus du concours de recrutement complémentaire et du détache-ment. Au total, 74 magistrats ont suivi ou suivent le stage de formation initiale en 2008. Soit une augmentation du plan de charge de près de 20 %.

Le programme de chaque stage, dont le contenu est établi sous la supervision de M. Edmond Honorat, président de la 2e sous-section de la section du conten-tieux, a subi cette année une profonde évolution destinée à renforcer le caractère pratique de ces stages, l’objectif étant de placer les stagiaires au plus près du cœur de leur futur métier de magistrat.

Si le programme des conférences à thèmes (140 heures), dispensées aux deux promotions, n’a pas subi d’évolutions notables, le travail dans des « chambres de formation » (39 heures) où sont traités en travaux pratiques des dossiers conten-tieux a, en revanche, subi un remaniement afin que soient traités des dossiers plus récents, de façon mieux coordonnée avec le programme des conférences. De même, afin de sensibiliser les stagiaires à la notion de gestion de stock, les dossiers à traiter leur ont été remis, pour l’essentiel avant fin décembre. Enfin, pour la première fois, seront organisées des formations fictives de jugement avec le traitement de dossiers prélevés sur le stock vivant du tribunal adminis-

230 Activité du centre de formation de la juridiction administrative

tratif de Melun. Ces formations seront présidées par des présidents de chambre de cette juridiction.

La participation aux travaux des sous-sections de la section du contentieux du Conseil d’État a également fait l’objet d’un cadrage plus précis avec le président de la section, afin que les jeunes magistrats tirent le meilleur parti, pour leurs fonctions futures, de leur passage au Conseil d’État.

Le stage en juridictions a été porté d’une semaine à deux semaines, d’une part, pour permettre de sensibiliser les stagiaires au rythme « de quinzaine » de tra-vail des tribunaux administratifs, d’autre part, afin que les magistrats en for-mation puissent, plus aisément, être « mis en situation » avec leurs collègues sur des audiences de reconduite à la frontière et des séances de commissions administratives.

Pour la deuxième promotion, les stages en administrations destinés à mieux faire connaître aux stagiaires l’administration et son environnement, ont été définis avec plus de précisions afin que les futurs magistrats fassent le lien entre le travail de l’administration et le travail du juge. De même, le choix des admi-nistrations a été diversifié, l’objectif étant de mieux « normer » cette démarche et, ainsi, de créer un véritable partenariat avec les services de l’administration active

Enfin, pour cette promotion, les travaux de groupe ont porté sur l’environnement, le droit au logement et les modifications en matière de droit de l’urbanisme. La restitution de ces travaux s’est tenue sous la présidence du coordonnateur de la formation initiale des magistrats en présence du secrétaire général adjoint du Conseil d’État. Ainsi, il a été précisé d’une part, que les quatre rapports seront diffusés à toutes les juridictions par la mise en ligne sur le réseau Intranet des juridictions administratives et, d’autre part, que les stagiaires seraient associés aux réflexions conduites tant au niveau du Conseil d’État, que des tribunaux ou cours administratives sur les thèmes de leurs travaux de groupe.

Formation continue des magistrats des juridictions administratives

Le programme de formation continue a été élaboré à partir des réponses à un questionnaire envoyé dans toutes les juridictions et aussi en tenant compte des demandes formulées par les magistrats. Ce programme, approuvé par le Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, s’or-ganise autour des thèmes suivants :– stages de réflexion ;– actualisation des connaissances juridiques ;– adaptation à de nouvelles fonctions ;– maîtrise de l’outil informatique ;– formations linguistiques ;– participation aux stages organisés par divers organismes.

Au total, pour une offre de 100 jours de formation, 560 magistrats sur 776 ins-crits ont participé à une formation d’une durée moyenne de 1,5 jours.

231Bilan des formations

Sur les 28 stages programmés en dehors des formations aux langues et à la bureautique, pour l’année 2008, 20 stages ont été réalisés. Ils ont été principale-ment animés par des membres du Conseil d’État et des juridictions administra-tives. Ils ont réuni, avec les stages proposés par l’ENM et l’ENA (10 modules demandés au total), 374 magistrats, alors que 569 d’entre eux avaient fait acte de candidature soit un taux de présence d’environ 74 %.

En cours d’année, afin de répondre au mieux aux attentes de ce public, des formations hors catalogue ont été organisées ou pris en charge à la demande, pour 110 magistrats inscrits, dont 94 ont effectivement suivi la formation. Les plus notables sont le module « Méthodologie de l’indemnisation du préjudice en matière de responsabilité hospitalière : les dispositions de l’article L 376-1 du code de sécurité sociale interprétées dans l’avis Lagier et les premières applica-tions contentieuses », qui a rassemblé 56 personnes, et la formation de 17 chefs de juridiction à la communication audiovisuelle.

Les formations linguistiques ont notablement augmenté, avec la prise en charge de frais d’inscription de 49 magistrats (contre 21 l’année précédente), qui vien-nent s’ajouter aux 21 magistrats parisiens qui sont associés aux cours dispensés au Conseil d’État. Ainsi, la formation linguistique s’est accrue de 70 %.

Au-delà de cette augmentation, pour la première fois, des cours collectifs ouverts aux membres du tribunal administratif de Versailles ont été organisés par la Cour administrative d’appel de Versailles avec le recrutement d’un pro-fesseur d’anglais.

Enfin, les formations bureautiques ont attiré effectivement 41 magistrats.

Formation des agents de greffe des juridictions administratives

� Sur les 49 stages prévus au programme de l’année 2008, 37 stages ont été programmés par le Centre de formation de la juridiction administrative ; ils ont recueilli 656 candidatures et ont été suivis par 577 agents, contre 515 inscrits et 445 participants pour 40 stages en 2007 soit une augmentation de 30 %.

Ces stages relèvent de trois thèmes principaux :

1° L’accueil des agents nouvellement nommés : d’une durée de 5 jours par session (trois en 2008), ce stage, dont le but est de faire connaître la juridiction administrative et de donner les connaissances de base sur l’activité juridiction-nelle, a été suivi par 71 participants contre 70 en 2007.

2° La découverte du droit administratif et l’actualisation des connaissances juridiques : ces 15 stages d’une ou deux journées selon le cas, ont été suivis au total par 293 agents (en 2006, nous avons eu 9 stages et 260 participants). Cette catégorie de stages ne se limite pas au contentieux mais constitue également une ouverture sur certaines branches du droit. Dans ces stages ont particulièrement été demandés et suivis les stages relatifs à l’actualité du contentieux (54 agents), au droit des étrangers (34 agents) et au contentieux électoral (27 agents).

232 Activité du centre de formation de la juridiction administrative

3° L’adaptation à de nouvelles fonctions ou le perfectionnement : ces forma-tions s’adressent à ceux qui connaissent un changement de fonction ou une évo-lution de leurs fonctions : 12 stages ont été organisés à ce titre pour 108 agents (en 2007, nous avions eu 13 stages et 104 participants).

Dans ces formations d’adaptation, un point plus précis doit être fait sur la for-mation à la procédure administrative contentieuse, laquelle est réalisée sur site. Cette formation composée de 5 modules (enregistrement, instruction, mise au rôle et notification, contentieux spécifiques, gestion de stock) aura permis la formation au total de 453 personnes sur l’année 2008.

� À ces formations organisées par le bureau des formations, il convient d’ajou-ter les actions organisées par la direction des systèmes d’information du Conseil d’État pour la formation aux divers logiciels informatiques : ces formations se déroulent au Conseil d’État mais aussi dans les juridictions.

Au total, les formations aux différents logiciels bureautiques et applications informatiques ont été suivies par 252 participants tous personnels et juridictions confondus, ce qui confirme la baisse enregistrée depuis 2006 (750 en 2006 et 490 en 2007). Les agents de greffe ont été 70 à suivre une formation informa-tique ou bureautique en 2007 (245 en 2006).

Formation des membres du Conseil d’État

� Elle comprend d’abord la formation initiale des nouveaux membres :– une formation initiale est organisée pour les nouveaux arrivants affectés pour la première fois à la section du contentieux, deux fois par an, d’une part, au printemps, lors de l’arrivée des nouveaux auditeurs à la sortie de l’ENA, d’autre part, à l’automne. Cette formation de base permettant l’apprentissage des premiers dossiers, comprend 15 conférences complétées par des formations à la recherche documentaire et au Poste rapporteur (soit au total 38 heures). En 2008, 18 membres ont bénéficié de cette formation. Ce cycle est complété par un bilan individualisé effectué par le CFJA, permettant de recenser d’autres besoins en formation ;– une formation initiale est proposée lors de la première affectation en section administrative. Elle est organisée généralement au cours du 2e trimestre ainsi qu’au mois de septembre. Elle comprend trois conférences de présentation pour faciliter l’apprentissage des premiers dossiers, complétées par des conférences sur le droit de l’outre-mer et sur la codification (soit au total 10 heures) ; 18 membres en ont bénéficié en 2008.

� Dans le cadre de la formation continue des membres du Conseil d’État, ont été organisées :– deux conférences sur les principaux mécanismes du contentieux électoral, en juin et en décembre (soit au total 6 heures) en vue de préparer le traitement du contentieux issu des élections municipales ;– trois conférences sur la TVA au dernier trimestre.

Enfin les membres du Conseil d’État ont bénéficié de cours de langues organisés par le CFJA (14 membres) ainsi que de formations bureautiques (8 membres).

233Bilan des formations

Formation des agents du Conseil d’État

� Sur les 33 stages prévus au programme de l’année 2008, 21 ont été organisés par le CFJA. Ils ont recueilli 387 candidatures et ont été suivis par 309 agents.

Ces stages relèvent de trois domaines principaux :

1° La connaissance du Conseil d’État et de la juridiction administrative : un stage d’accueil est organisé sur deux jours et demi pour les nouveaux arri-vants tandis que des conférences permettent aux agents de mieux connaître les différents aspects de l’activité consultative et juridictionnelle du Conseil d’État. De plus, l’effort engagé en 2007 pour mieux faire connaître les institu-tions européennes s’est poursuivi en 2008 avec une présentation des juridictions européennes.

2° La découverte du droit administratif et actualisation des connaissances juridiques.

3° La formation aux métiers du Conseil d’État : la nouveauté a été la mise en place d’une formation au management, adaptée au niveau d’encadrement (chefs de service, chefs de bureau et adjoints d’un chef de bureau).

Le CFJA a également organisé une préparation aux examens professionnels, mise en place dès l’annonce du calendrier des épreuves, et a continué de dispen-ser des cours de langues (principales langues vivantes européennes).

� À ces formations organisées par le CFJA, il convient d’ajouter :– les actions organisées par la direction des systèmes d’information pour les différents logiciels bureautiques et informatiques : la participation est légè-rement supérieure (173 en 2007 et 218 en 2008) ;– les actions de formation dispensées par des organismes extérieurs  : on constate une nette progression du nombre d’actions (12 en 2007 et 61 en 2008) et du nombre de participants (21 en 2007 et 103 en 2008). Les principaux domaines concernés ont été, cette année, les ressources humaines (avec plu-sieurs stages sur le management, adressés à plusieurs catégories de public), les marchés publics et la sécurité.

234 Activité du centre de formation de la juridiction administrative

Statistiques

Tableau 1Formation continue des magistrats administratifs

Intitulé du stage

Dur

ée d

u st

age

(jou

rs)

Nom

bre

de

par

tici

pant

s

Nom

bre

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ours

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form

atio

ns/a

gent

s

STAGES INSCRITS AU CATALOGUE

1 – Stages de réflexionLe contrat, mode de production de normes et procédé d’action publique (rapport public du Conseil d’État 2008)

1 15 15

La Cour de justice des Communautés européennes 1 9 9Le travail parlementaire 1 8 8Le dispositif français de lutte contre les discriminations 1 5 5

2 – Actualisation des connaissances juridiquesL’actualité jurisprudentielle (contentieux général) 1 22 22L’actualité du contentieux fiscal 1 21 21L’actualité du droit communautaire 1 20 20L’actualité du droit du séjour et de l’éloignement des étrangers 1 27 27Le contentieux électoral 1 24 24L’actualité des référés administratifs 1 15 15L’actualité du droit de l’urbanisme 1 29 29L’actualité du droit de l’environnement 1 23 23L’actualité du droit de la fonction publique 1 20 20L’actualité du droit des marchés publics 1 45 45L’actualité du droit des propriétés publiques 0,5 6 3

3 – Adaptation à de nouvelles fonctionsDevenir vice-président de tribunal administratif 1,5 13 19,5La procédure d’appel 2 26 52Le contentieux fiscal : le contentieux du recouvrement 1 15 15Le contentieux fiscal : les principes de la fiscalité directe et indirecte des entreprises

1 17 17

4 – Maîtrise de l’outil informatique et recherche documentaire

Initiation informatique 1 4 4Word 2000 : initiation 1 1 1Word 2000 : perfectionnement 1 17 17Excel 2 8 16Utilisation du réseau Internet et des fonctionnalités d’Outlook 0,5 11 5,5

235Bilan des formations

5 – Formations linguistiquesAnglais (12 juridictions) 6,3 43 270,9Espagnol (2 juridictions) 3,3 2 6,6Italien (2 juridictions) 5 2 10Allemand (1 juridiction) 2,5 1 2,5Russe (1 juridiction) 3,3 1 3,3

6 – Stages organisés par l’École nationale de la magistrature ouverts à la participation de magistrats administratifsLes incidents dans l’exécution du contrat 2 1 2Immigration irrégulière et réponses pénales 3 4 12Bioéthique et droit 5 1 5L’adoption internationale 4 2 8Le Conseil constitutionnel et les droits fondamentaux 2 4 8

7 – Stages organisés par l’École nationale d’administrationRevue et évaluation des politiques publiques 2 1 2Préparer sa mobilité 1,5 1 1,5Total stages proposés au catalogue 92,4 666 464

STAGES NON INSCRITS AU CATALOGUE

Méthodologie de l’indemnisation du préjudice en matière de responsabilité hospitalière

1 56 56

Média training des chefs de juridiction 0,5 17 8,5Dual Screen Acrobat (bureautique) 1 18 18Colloque « Entretien du Palais Royal » 2 1 2Forum « Comment concilier performance, orientation client et service public »

2 2 4

Colloque sur le bilan de la mise en œuvre de la loi DALO 1 2 2

Total stages hors catalogue 7,5 96 90,5

TOTAL STAGES 99,9 560 855,3

D’autres stages prévus dans l’offre de formation n’ont cependant pas été organisés en 2008, notamment : pour la partie « Stages de réflexion » : Initia-tion à la théorie du droit ; La Cour européenne des droits de l’homme ; La jus-tice administrative en Grande-Bretagne ; Le juge administratif dans la société contemporaine ; pour la partie « Adaptation à de nouvelles fonctions » : Forma-tion à la rédaction de textes juridiques ; Le contentieux fiscal : mise à jour des connaissances à l’attention des magistrats nouvellement affectés au contentieux fiscal ; Le contentieux fiscal : la comptabilité des entreprises - principes géné-raux ; Le contentieux fiscal : la procédure fiscale administrative et contentieuse ; pour la partie « Maîtrise de l’outil informatique et recherche documentaire » : Les outils de la recherche documentaire ; Le Poste rapporteur ; Power point ; pour la partie « Stages organisé par l’ENM » : L’assurance ; La protection effec-tive de l’environnement : la mise en œuvre de la convention d’Aarhus ; Famille d’origine étrangères et pratiques judiciaires ; Etre magistrat outre-mer ; pour la partie « Stages organisés par l’ENA » : Motiver les équipes ; Intelligence écono-mique et administration ; Accéder à de nouvelles responsabilités d’encadrement.

236 Activité du centre de formation de la juridiction administrative

Tableau 2Formation continue des agents des greffes

Thèmes de formation

Dur

ée d

u st

age

(j

ours

)

Nom

bre

de

par

tici

pant

s

Nom

bre

de j

ours

f

form

atio

n/ag

ents

1 – Accueil des agents nouvellement nommésStage d’accueil des agents nouvellement nommés 5 25 125Stage d’accueil des agents nouvellement nommés 5 22 110Stage d’accueil des agents nouvellement nommés 5 24 120

2 – Découverte du droit administratif et actualisation des connaissancesLes bases du droit et du contentieux administratifs 1 11 11L’organisation de la justice en France 1 6 6Le juge administratif et les juridictions européennes (CJCE et CEDH) 1 25 25Le traitement d’un dossier contentieux 1 10 10Le traitement d’un dossier contentieux (CAA de Bordeaux) 1 13 13Le droit électoral 2 27 54L’actualité du contentieux administratif 2 35 70L’actualité du contentieux administratif (CAA de Marseille) 1 19 19Le droit fiscal (initiation) 1 13 13Le droit fiscal (approfondissement) 1 15 15Le droit des étrangers et les nouvelles procédures d’éloignement du territoire

2 34 68

Le droit de la fonction publique 1 12 12Le droit de l’urbanisme 1 22 22L’aide juridictionnelle 1 28 28Les procédures de référé 1 23 23

3 – Adaptation à de nouvelles fonctions et perfectionnementLe greffier en chef 8 3 24L’assistant du contentieux 3 17 51Le greffier de chambre en cour administrative d’appel 3 9 27Le greffier de chambre dans un tribunal administratif 3 9 27Travailler dans un greffe de cour administrative d’appel 3 10 30Travailler dans un greffe de tribunal administratif 3 13 39

4 – Travailler dans un greffe (sur site) – Voir tableau « Formation à la procédure administrative contentieuse (voir tableau ci-après « Formation à la procédure administrative contentieuse »)L’enquête publique 1 20 20La gestion budgétaire et les marchés publics 1 13 13Le correspondant informatique : formation initiale 3 2 6Le documentaliste 3 2 6Formation au progiciel Ex Libris 2 1 2

237Bilan des formations

5 – Maîtrise de l’outil informatiqueAccess initiation 4 3 12Dual Screen 1 1 1Excel Initiation 2 11 22Excel Perfectionnement 2 20 40Outlook 1 8 8Word Initiation 2 10 20Word Perfectionnement 2 9 18Outils de contrôle de gestion – perfectionnement 1 8 8

6 – Préparation aux concours administratifsPréparation au concours de conseiller de tribunal administratif et de cour administrative d’appel

2 5 10

7 – Stages hors catalogue de formationBâtir et suivre le budget de sa juridiction 2 11 22L’étude d’un dossier fiscal (TA de Dijon) 1 10 10L’aide juridictionnelle (CAA de Marseille) 1 6 6L’asile et le droit commun des étrangers en France (TA de Toulouse) 1 12 12

TOTAL STAGES 89 577 1178

Formation à la procédure administrative contentieuse

Durée du stage (jours)

Nombre de participants

Nombre de jours formation/agents

1 – Travailler dans un greffeEnregistrement 1 54 54Instruction 1 53 53Mise au rôle 0,5 52 26Notification 0,5 65 32,5

2 – Contentieux spécifiquesÉlections 0,5 35 17,5OQTF/RAF 0,25 50 12,5Référés 0,25 50 12,5Suivi d’exécution 0,25 8 2Enquêtes publiques 0,25 8 2

3 – Gestion de stock 0,5 52 26

4 – Poste rapporteur 0,5 26 13

Total 5,5 453 251

238 Activité du centre de formation de la juridiction administrative

Tableau 3Formation des membres du Conseil d’ÉtatMembres nouvellement affectés à la section du contentieux

Conseillers d’État

Maîtres des requêtes

Auditeurs Administrateurs civils en mobilité/magistrats, etc.

Total

Janvier/février 1 - - 3 4Avril 1 - 4 4 9Septembre 1 1 - 3 5Total 3 1 4 10 18

Membres nouvellement affectés en section administrative

Conseillers d’État

Maîtres des requêtes

Auditeurs Administrateurs civils en mobilité/magistrats, etc.

Total

Avril-mai 1 3 3 7 14Septembre 1 - - 3 4Total 2 3 3 13 18

Tableau 4Formation continue des agents du Conseil d’État

Thèmes de formation

Dur

ée d

u st

age

(jou

rs :

j ;

heur

e : h

)

Nom

bre

de

part

icip

ants

Nom

bre

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jour

s fo

rmat

ion/

agen

ts

1 – Stages d’accueilStage d’accueil des agents récemment nommés 2,5 j 12 21Stage d’accueil des nouveaux assistants de justice 5 j 8 36

2 – ConférencesLes juridictions européennes : la CJCE 2 h 24 8Les juridictions européennes : la CEDH 2 h 23 7,5L’actualité jurisprudentielle du Conseil d’État 1 h 30 21 5L’activité consultative du Conseil d’État et les fonctions d’un secrétariat de section administrative

1 h 30 27 7,5

3 – Stages de découverte du droit administratif et actualisation des connaissances juridiquesLes bases du droit et du contentieux administratifs 1 j 12 12L’organisation de la justice en France 1 j 4 4Le traitement d’un dossier contentieux 2 j 4 8Le droit fiscal (initiation) 1 j 7 7Le droit fiscal (perfectionnement) 1 j 3 3Le droit de l’urbanisme 1 j 3 34 – Formation aux métiers du Conseil d’ÉtatInitiation à la démarche métier (autour du RIME) (*) 1 h 30 94 23,5La gestion budgétaire et les marchés publics 1 j 9 9Le droit de la fonction publique 1 j 15 15

5 – Stage sur les grandes filières de métiersLa rédaction d’une correspondance administrative (*) 3 h 5 2,5Le management d’une équipe (chefs de service) (*) 2 j 13 22Le management d’une équipe (chefs de bureau) (*) 2 j 14 27Le management d’une équipe (chefs de bureau) – formation complémentaire

1 j 5 5

Le management d’une équipe (adjoints des chefs de bureau) (*) 2 j 6 8,5Total 309 238,5

239Bilan des formations

Stages informatiques

Dur

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age

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j ; h

eure

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Nom

bre

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ion/

agen

ts

1 – Stages métier

Les nouveaux outils de la recherche documentaire 3 h 16 8Skipper : gestion des dossiers 3 h 11 5,5Skipper Perfectionnement 3 h 14 7Accord LOLF 5 j 1 5Virtualia 1 j 30 30Fidel 3 h 30 52 30Isa 3 h 30 10 2,5Solon 3 h 30 5 3Total stages métier 139 91

2 – Stages bureautiquesAccess Initiation 4 j 4 16Double écran ½ j 8 4Excel Initiation 2 j 14 28Excel Perfectionnement 2 j 23 46Outlook 2000 1 j 5 5Word Initiation 2 j 7 14Word Perfectionnement 2 j 14 28Word spécifique (sections administratives) 2 j 4 8Total stages bureautiques 79 149Total 218 240

D’autres stages prévus dans l’offre de formation n’ont cependant pas été organisés en 2008, notamment  : pour la partie « Conférences »  : Le rapport annuel ; pour la partie « Stages de découverte du droit administratif et actualisa-tion des connaissances juridiques » : L’actualité du contentieux administratif ; pour la partie « Stages sur les grandes filières de métiers »  : La rédaction de notes pour le service ; Les nouveaux outils informatiques et documentaires du Conseil d’État ; pour la partie « Stages informatiques - Stages métier » : Info-centre ; India LOLF ; Cognos ; pour la partie « Stages informatiques - Stages bureautiques » : Access Perfectionnement.

Cours de langues Inscrits (en octobre 2008)

Anglais 18Allemand 4Espagnol 2Italien 5Russe 1Total 30

241

Rapport d’activité

Activité de la Mission permanente d’inspection

des juridictions administratives

243Mission permanente d’inspection des juridictions administratives

Mission permanente d’inspection des juridictions administratives

L’année 2008 a marqué, pour la mission permanente d’inspection des juridic-tions administratives, l’amorce d’un profond renouveau de ses activités et de ses missions : du fait même du rôle de contrôle et d’animation du réseau des juridictions administratives que lui confèrent les articles L. 112-5, R. 112-1 et R. 231-4 du code de justice administrative, elle ne pouvait, en effet, rester à l’écart du mouvement de réforme de la juridiction administrative initié par les orientations présentées par le Vice-président du Conseil d’État au printemps de cette même année 2008.

Bilan des missions d’inspection des juridictions administratives

La première manifestation de ce renouveau a porté sur l’activité d’évaluation proprement dite de la mission.

Sans aucunement renoncer à ses inspections périodiques traditionnelles, qui l’auront amenée à visiter en 2008 selon les modalités habituelles deux cours administratives d’appel (Lyon et Douai) et huit tribunaux administratifs (Tou-louse, Marseille, Grenoble, Pau, Caen, Nantes, Nancy et Paris), la mission a engagé une réflexion en profondeur sur les objectifs, le déroulement et les suites de ces inspections.

Après une phase initiale de recueil d’informations méthodologiques auprès de la plupart des grands corps ou grandes missions d’inspection de différents ministères, la mission a constitué un groupe de travail, composé de membres du Conseil d’État, de magistrats des tribunaux et des cours ainsi que de personna-lités qualifiées ; ce groupe a établi la première version d’un guide méthodolo-gique de l’inspection qui précisera, tant à l’intention des membres de la mission qu’à celle des magistrats des juridictions inspectées, les principes et les règles de conduite régissant la préparation des inspections, leur déroulement sur place, le contenu du rapport et l’exploitation de ses conclusions.

Ce guide, dont certaines propositions ont été mises en œuvre à titre expérimen-tal dès la fin de 2008, sera appliqué dans son intégralité dès les premières ins-pections conduites au début de l’année 2009. On doit en attendre davantage de rigueur dans la collecte des informations et l’analyse des situations, davantage de précision dans la formulation de recommandations et davantage d’efficacité et de transparence dans la mise en œuvre de ces recommandations.

244 Activité de la Mission permanente d’inspection des juridictions administratives

L’objectif est de faire en sorte que les rapports d’inspection soient, plus que par le passé, des outils de pilotage des tribunaux et des cours, utiles tant pour les chefs de juridiction eux-mêmes que pour les autorités et services du Conseil d’État. À cet égard, un lien semble devoir être établi entre les rapports d’inspec-tion et, d’une part, les conférences de gestion ainsi que, d’autre part, les projets de juridiction.

S’agissant des conférences de gestion, le chef de la mission, sans y participer directement, a fait en sorte pour la première fois que le secrétaire général du Conseil d’État et le secrétaire général des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel disposent, avant de les tenir, des préconisations des rap-ports d’inspection récents portant sur les juridictions concernées. Dans l’avenir, la rédaction, à la fin de rapports, de recommandations plus précises devrait à la fois faciliter et enrichir ce rapprochement.

Quant aux projets de juridiction, dont la première version sera élaborée en 2009, la mission compte les intégrer aux documents de référence qu’elle utilise pour évaluer l’organisation et le fonctionnement des cours et des tribunaux qu’elle inspecte.

Au travers de l’ensemble de ces initiatives, la mission compte s’affirmer comme un acteur majeur du réseau des juridictions administratives ; sa connaissance du terrain, nourrie par des visites régulières dans les juridictions, son indépendance vis-à-vis du gestionnaire constituent autant d’atouts qu’il lui appartiendra de faire fructifier à l’avenir.

Un autre signe important de renouveau de la mission a consisté dans le lance-ment, à l’initiative du Vice-président, d’études horizontales, thématiques, qui doivent permettre d’étudier de manière approfondie et globale des sujets d’inté-rêt commun à l’ensemble des juridictions ou à un groupe d’entre elles.

Il s’agit d’exploiter les compétences de la mission pour disposer d’un certain nombre d’informations et de propositions susceptibles d’être utilisées par les pouvoirs publics dans l’évaluation ou la conduite de réformes touchant la jus-tice administrative, à l’image de ce qui se pratique déjà pour les grands corps d’inspection et de contrôle.

La première de ces études, menée en 2008, a porté sur le nombre optimal de magistrats rapporteurs que devraient comporter les chambres des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ; le choix de ce sujet est significatif de la portée que le Vice-président a entendu donner à l’extension du champ de compétence de la mission : il s’agit en effet d’un sujet qui comporte de multiples enjeux, en termes de qualité de la justice, d’effectifs, et donc d’or-ganisation, des juridictions et de déroulement de carrière des magistrats et qui, à ces divers titres, s’avère particulièrement complexe et controversé.

Pour le traiter, la mission a constitué là encore un groupe de travail, composé de membres du Conseil d’État, de chefs de juridiction et de magistrats occupant ou ayant occupé les différentes fonctions principalement concernées par cette étude ; le groupe a naturellement procédé à l’audition des organisations syndi-cales de magistrats.

Les conclusions auxquelles cette étude a abouti se révèlent nuancées, surtout en ce qui concerne les tribunaux administratifs, dans lesquels de nombreux paramètres viennent contrebalancer ou relativiser les avantages respectifs des

245Mission permanente d’inspection des juridictions administratives

différentes formules envisageables. Mais si aucune recommandation nette ne résulte de ces travaux, il ne fait guère de doute que ceux-ci seront utiles dans le cadre de l’élaboration des projets de juridiction, dont l’objectif est précisément de définir la stratégie de chaque juridiction au regard des circonstances locales de tous ordres (volume des entrées, structure du stock, effectif disponible, aide à la décision…).

Ces premières manifestations de renouveau des interventions de la mission prendront une ampleur nouvelle lorsque l’adoption des projets de loi et de règle-ment modifiant le code de justice administrative aura profondément rénové le cadre juridique dans lequel elle est amenée à intervenir. Un aspect particulière-ment attendu de ces textes concerne la possibilité d’associer à l’ensemble des activités de la mission, y compris donc les inspections de juridiction, des pré-sidents du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d’ap-pel : cette association constitue autant un symbole de l’unité de la juridiction administrative qu’une perspective de renforcement indispensable des effectifs de la mission, particulièrement sollicités par les nouveaux modes d’intervention de celle-ci.

D’ores et déjà, la mission a pu compter en 2008 sur le renfort de M. Blaise Simoni, ancien président du tribunal administratif de Melun, maintenu en acti-vité à la cour administrative d’appel de Paris dont le président a bien voulu le mettre à la disposition de la mission pour le temps utile à l’animation des groupes de travail dont il a été traité plus haut. Le succès de cette initiative préfi-gure le moment où la mission fera collaborer des membres du Conseil d’État et des magistrats du corps des tribunaux et des cours sur un pied complet d’égalité pour le grand profit de la juridiction tout entière.

Bilan de la participation à la gestion du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel

Parallèlement à la conduite de ces démarches novatrices, le chef de la mission permanente qui, en vertu des dispositions de l’article L. 232-2 du code de justice administrative, est membre du Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, qu’il préside de plein droit en cas d’empêche-ment du Vice-président du Conseil d’État, a continué à être associé à la gestion du corps des magistrats, au travers des avis qu’il est amené à rendre sur diverses mesures touchant au déroulement de carrière des membres de ce corps et, plus encore peut-être, au travers des diverses tâches de sélection qu’il est amené à remplir.

Parmi ces dernières, la présidence du jury du concours de recrutement complé-mentaire, que le chef de la mission exerce de droit en vertu de l’article R. 233-8 du code de justice administrative, appelle un commentaire particulier, dès lors que cette année, le jury ne s’est pas estimé en mesure de pourvoir la totalité des emplois offerts au concours ; cette situation, nouvelle au regard des évolu-tions récentes, a appelé de la part du jury un certain nombre de réflexions sur l’articulation du concours avec les autres modes de recrutement du corps. Les

246 Activité de la Mission permanente d’inspection des juridictions administratives

propositions de réforme qui résultent de ces réflexions seront soumises aux pou-voirs publics en vue d’un arbitrage : il paraît essentiel, en effet, que le corps des magistrats soit assuré, dans les années qui viennent, d’un recrutement suffisant en nombre et en qualité pour faire face aux missions de plus en plus lourdes qu’il doit assumer.

Le chef de la mission a également continué à assurer l’instruction des réclama-tions individuelles adressées au Conseil d’État par des justiciables mécontents de certains aspects du déroulement des procédures devant les tribunaux et les cours ; ces réclamations, qui concernent dans leur très grande majorité des délais d’instruction ou d’inscription au rôle d’une audience jugés excessifs, ont été au nombre de plus de soixante en 2008. Cinq décisions du Conseil d’État statuant au contentieux allouant une indemnité en réparation de la durée excessive d’une procédure ont été, par ailleurs, adressées à la mission.

Enfin, les groupes de travail chargés d’établir ou de mettre à jour des outils informatiques d’aide à la décision (« bibliothèques de paragraphes ») ont pour-suivi leur activité sous la direction du chef de la mission ; deux bibliothèques actualisées ont ainsi été mises en ligne en 2008, l’une sur le contentieux des titres de séjour, l’autre sur celui des permis de conduire à points, soit deux contentieux dont le traitement s’avère particulièrement lourd dans de nombreux tribunaux administratifs.

247

Rapport d’activité

Activité des tribunaux administratifs et des cours

administratives d’appel

249L’activité des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel

L’activité des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel

L’activité des tribunaux administratifs en 2008

Les tribunaux administratifs ont, en 2008, enregistré 181 815 affaires nouvelles en données brutes et 176 313 affaires nouvelles en données nettes des séries, soit une progression, respectivement, de 3,80  % et de 3,70  % par rapport à l’année 2007. Ce taux de progression des entrées est à peu près le double de celui constaté en 2007. Il reste néanmoins plus modéré que les taux de progres-sion constaté dans les années précédentes, a fortiori si l’on fait abstraction de l’impact exceptionnel, en 2008, du contentieux électoral, en dehors duquel la progression des affaires enregistrées est seulement de 1 %.

Hormis le cas particulier du contentieux électoral, qui représente un peu plus de 5 000 affaires, la quasi-stabilité du reste du contentieux recouvre des évolutions contrastées selon les matières. Pour s’en tenir aux plus importantes en volume, en données nettes, sont en hausse le contentieux de la fonction publique (+ 9 %), le contentieux de l’urbanisme et de l’aménagement (+ 2 %), le contentieux des marchés et des contrats administratifs (+ 7,5 %) et enfin, le contentieux du loge-ment (+ 16 %). Au sein de ce dernier contentieux, le nombre des affaires enre-gistrées au titre du droit au logement opposable reste encore assez modeste (855 affaires enregistrées, dont 650 sur Paris, Versailles et Cergy-Pontoise).

Sont en revanche en baisse : le contentieux fiscal (– 2,4 %), le contentieux des mesures de police (– 2,7 %), le contentieux du travail (– 7,2 %), les affaires rela-tives aux droits des personnes et aux libertés publiques (– 11,4 %), ou encore le contentieux des travaux publics (– 12,8 %).

On relèvera également la baisse du contentieux des étrangers (– 3,5 %), qui intervient après des années de croissance vigoureuse, ayant entraîné un dou-blement du nombre d’affaires dans ce contentieux entre 2002 et 2007. Au sein de ce contentieux, celui des arrêtés de reconduite à la frontière, après avoir diminué de 30 % en 2007, diminue encore de 12 % ; désormais, plus de 50 % de ce contentieux a trait aux refus de titres de séjour assortis d’une obligation de quitter le territoire français.

Les tribunaux administratifs présentent, comme toujours, des situations très contrastées quant à l’évolution du nombre d’affaires enregistrées. Certains tribu-naux ont été confrontés à une forte hausse de leurs entrées : Nancy (+ 21,4 %), Rouen (+ 14,3 %), Pau (+ 13,6 %), Montpellier (+ 12,4 %), ou encore Besançon (+ 10,9 %), Amiens (+ 10,8 %) et Poitiers (+ 9,6 %). En revanche, certains tribu-naux administratifs ont connu une diminution sensible du nombre de leurs entrées : Bastia (– 9 %), Clermont-Ferrand (– 5 %) ou Orléans (– 4,9 %) par exemple.

250 Activité des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel

Affaires réglées

Les tribunaux administratifs ont jugé, en 2008, 192 109 affaires en données brutes et 183 811 affaires en données nettes des séries, soit une progression, respectivement, de 5,18 % et 5,03 % par rapport à l’année 2007, poursuivant ainsi leur effort, à un rythme comparable, voire légèrement supérieur, à celui de l’an dernier. Cette nouvelle progression doit moins à celle de l’effectif réel moyen des juridictions, qui n’augmente que très légèrement, qu’à la poursuite de la progression du nombre d’affaires réglées par magistrat, passé de 262 en 2007 à 275 en 2008.

Grâce à cet effort soutenu, le ratio des affaires traitées sur les affaires enregis-trées dépasse pour la seconde année consécutive le taux de 100 %. Il s’établit, en données nettes, à 104,3 % en 2008 contre 103 % en 2007. Il convient toutefois de relever que les tribunaux administratifs présentent des situations contras-tées. Certains sont encore loin de juger autant d’affaires qu’ils n’en enregistrent comme par exemple Toulouse (89,6 %), Dijon (91 %), Poitiers (92,5 %) et Bor-deaux (95 %). D’autres ont redressé une situation critique : c’est ainsi que, pour l’ensemble formé des quatre tribunaux administratifs franciliens, ce ratio est passé de 93 % en 2007 à 110,7 % en 2008.

Le nombre d’affaires traitées par les tribunaux administratifs au titre de la pro-cédure de référé-suspension tend à se stabiliser en 2008 (10 593 en données nettes), alors qu’il avait diminué de 8 % en 2007. En revanche, le nombre d’af-faires réglées au titre de la procédure de référé-liberté a progressé, tout comme en 2007, de plus de 8 % (1 741 affaires en 2008). Ces deux procédures repré-sentent 6,71 % du total des affaires traitées par les tribunaux administratifs –  soit respectivement 5,76 % pour le référé-suspension et 0,95 % pour le référé « liberté ».

Affaires en instance et délais

La croissance soutenue du nombre d’affaires jugées, associée à la relative stabi-lisation du nombre d’affaires enregistrées, a permis de réduire le nombre d’af-faires en instance, au 31 décembre, de 3,8 % (198 791 en données nettes, contre 206 676). Néanmoins, cette réduction du nombre d’affaires en instance n’a pas permis de réduire le stock des affaires d’une ancienneté supérieure à deux ans, qui représente encore, comme en 2007, 25 % du stock total.

Du fait de la réduction du stock et de l’accroissement de la capacité de jugement, le délai prévisible moyen de jugement continue de diminuer très sensiblement : il s’établit au 31 décembre 2008 à 12 mois et 29 jours contre 14 mois et 4 jours en 2007 (données nettes). Le délai moyen constaté continue également de diminuer, pour se situer à un peu moins de 16 mois. Il convient de noter en revanche que le délai moyen constaté pour les affaires ordinaires (c’est-à-dire hors référés, hors affaires dont le jugement est enserré dans des délais particuliers et compte non tenu des ordonnances) reste supérieur à deux ans (2 ans et 2 mois) et se dégrade même légèrement. Mais cela témoigne aussi du règlement par certains tribunaux administratifs des affaires les plus anciennes qu’ils avaient en stock.

251L’activité des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel

Perspectives

Il serait sans doute par trop optimiste, s’agissant des entrées, de prolonger les courbes de croissance modérée constatées en 2007 et 2008. On doit s’attendre à une croissance importante du contentieux du droit au logement opposable, quoique ciblée dans quelques tribunaux administratifs. Par ailleurs, l’application de la loi du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active, qui aboutira notamment à transférer aux tribunaux administratifs le contentieux de l’actuel RMI, qui était traité par des commissions départementales d’aide sociale, entraînera une progression sensible des entrées en 2009, et surtout en 2010.

Tribunaux administratifs : Affaires enregistrées, affaires traitées et affaires en instance au 31 décembre (évolution 2008-2007)

Affaires enregistrées

Données brutes Données nettes

En 2007 En 2008 Évolution 2008-2007

En 2007 En 2008 Évolution 2008-2007

TA de métropole 170 086 175 552 + 3,21 165 343 170 242 + 2,96 %TA d’outre-mer 5 079 6 263 + 23,31 4 671 6 071 + 29,97 %Total 175 165 181 815 + 3,80 170 014 176 313 + 3,70 %

Affaires traitées

Données brutes Données nettes

En 2007 En 2008 Évolution 2008-2007

En 2007 En 2008 Évolution 2008-2007

TA de métropole 177 961 186 413 + 4,75 % 170 376 178 480 + 4,76 %TA d’outre-mer 4 684 5 696 + 21,61 % 4 635 5 331 + 15,02 %Total 182 645 192 109 + 5,18 % 175 011 183 811 + 5,03 %

Affaires en instance

Données brutes Données nettes

En 2007 En 2008 Évolution 2008-2007

En 2007 En 2008 Évolution 2008-2007

TA de métropole 213 731 202 991 – 5,03 % 200 247 191 624 – 4,31 %TA d’outre-mer 6 885 7 468 + 8,47 % 6 429 7 167 + 11,48 %Total 220 616 210 459 – 4,60 % 206 676 198 791 – 3,82 %

Tribunaux administratifs : Délais moyens de jugement en 2008Données brutes

Données nettes

Délai prévisible moyen d’élimination des affaires en stock 1a 1m 4j 1a 0m 29jDélai moyen de jugement des affaires de l’enregistrement à la notification – dit « délai constaté global » 1a 3m 14j 1a 2m 22j

Délai moyen de jugement des affaires de l’enregistrement à la notification (hors référés – procédures d’urgence) 1a 4m 20j 1a 3m 28j

Délai moyen de jugement des affaires de l’enregistrement à la notification (hors référés – procédures d’urgence et hors affaires dont le jugement est enserré dans des délais particuliers)

1a 8m 19j 1a 7m 28j

Délai moyen de jugement des affaires de l’enregistrement à la notification (hors référés – procédures d’urgence et hors affaires dont le jugement est enserré dans des délais particuliers et compte non tenu des ordonnances) – dit « délai constaté pour les affaires ordinaires »

2a 3m 25j 2a 3m 15j

252 Activité des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel

Tribunaux administratifs : Stock et flux sur la période du 1er janvier au 31 décembre 2008 (données nettes, juridictions classées dans l’ordre alphabétique)

Entrées Sorties Stock

Total Évolution 2008-2007

Total Évolution 2008-2007

Total Évolution 2008-2007

Amiens 3 554 + 10,82 % 3 528 + 4,63 % 3 577 + 0,79 %Bastia 1 330 – 8,97 % 1 393 – 11,61 % 810 – 12,72 %Besançon 2 073 + 10,91 % 2 156 – 7,90 % 1 373 – 6,02 %Bordeaux 5 904 + 4,27 % 5 604 + 10,38 % 7 765 + 4,03 %Caen 2 920 + 6,22 % 2 892 + 4,48 % 1 865 + 1,75 %Cergy-Pontoise 13 854 – 0,71 % 15 504 + 32,30 % 19 944 – 8,11 %Châlons-en-Champagne 2 807 + 8,63 % 2 866 + 3,28 % 3 124 – 1,95 %Clermont-Ferrand 2 051 – 4,96 % 2 214 – 9,56 % 1 320 – 11,05 %Dijon 2 893 + 2,19 % 2 631 – 12,62 % 2 644 + 10,44 %Grenoble 5 856 – 2,98 % 5 660 – 8,28 % 10 118 + 2,34 %Lille 8 029 – 2,31 % 8 032 + 3,32 % 6 491 + 0,19 %Limoges 1 566 + 5,17 % 1 901 + 10,52 % 1 346 – 20,36 %Lyon 8 083 – 2,00 % 7 785 – 9,97 % 7 878 + 6,14 %Marseille 8 649 + 4,58 % 9 156 – 17,38 % 7 285 – 7,77 %Melun 9 624 + 0,93 % 9 218 + 1,62 % 11 013 + 3,67 %Montpellier 6 045 + 12,40 % 6 909 – 5,81 % 5 485 – 13,61 %Nancy 2 674 + 21,38 % 2 676 + 14,75 % 1 729 – 0,58 %Nantes 7 421 + 6,44 % 7 617 + 0,57 % 8 898 – 1,97 %Nice 7 096 + 2,32 % 7 850 – 4,33 % 7 388 – 34,60 %Nîmes 4 067 + 8,08 % 4 369 + 7,93 % 2 924 – 8,77 %Orléans 4 378 – 4,85 % 5 121 + 8,75 % 4 318 – 16,19 %Paris 20 297 + 1,92 % 24 777 + 18,87 % 25 815 – 15,07 %Pau 2 800 + 13,59 % 2 890 + 15,05 % 3 048 – 2,90 %Poitiers 3 112 + 9,58 % 2 877 – 6,07 % 2 455 + 10,84 %Rennes 5 404 + 0,88 % 5 465 – 2,04 % 6 871 – 0,71 %Rouen 3 838 + 14,26 % 4 181 + 1,36 % 4 152 – 7,59 %Strasbourg 5 685 – 3,45 % 5 461 – 5,63 % 6 322 + 1,98 %Toulon * 484 240 3 391

Toulouse 5 305 + 4,70 % 4 752 + 7,90 % 7 993 + 6,83 %Versailles 12 443 + 0,92 % 12 755 + 23,74 % 14 282 – 2,05 %Total métropole 170 242 + 2,96 % 178 480 + 4,76 % 191 624 – 4,31 %Basse-Terre 1 230 – 1,68 % 1 062 – 10,91 % 2 181 – 13,07 %Cayenne 617 + 11,98 % 549 – 10,29 % 636 + 12,17 %Fort-de-France 754 + 4,58 % 697 – 12,55 % 1 073 + 5,92 %Mata-Utu 28 + 100,00 % 18 – 74,65 % 20 + 100,00 %Nouvelle-Calédonie 415 + 33,01 % 392 + 22,88 % 204 + 15,25 %Polynésie française 740 + 67,42 % 698 + 40,44 % 268 + 19,11 %Saint-Barthélemy 16 8 206Saint-Denis et Mamoudzou 2 171 + 60,10 % 1 827 + 63,13 % 2 222 + 18,51 %Saint-Martin 63 40 326Saint-Pierre-et-Miquelon 37 + 54,17 % 40 + 48,15 % 31 – 41,51 %Total outre-mer 6 071 + 29,97 % 5 331 + 15,02 % 7 167 + 11,48 %Total général 176 313 + 3,70 % 183 811 + 5,03 % 198 791 – 3,82 %

* Ouverture du tribunal le 3 novembre 2008.

253L’activité des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel

L’activité des cours administratives d’appel en 2008

Affaires enregistrées

Après l’augmentation considérable du nombre d’affaires enregistrées par les cours administratives d’appel en 2007 (+ 24,6 % en données brutes ; + 26 % en données nettes), l’année 2008 se caractérise par une progression plus modérée : + 10,5 % en données brutes (29 733 affaires nouvelles) et + 4,70 % en données nettes (27 802 affaires nouvelles).Cette augmentation modérée résulte de la poursuite d’une croissance très vive des entrées jusqu’au mois de mai 2008, suivie, à compter du mois de juin, d’une inversion des courbes, le nombre des affaires enregistrées mois par mois en 2008 se situant depuis systématiquement à un niveau légèrement inférieur à celui constaté le même mois en 2007.Cette augmentation modérée recouvre par ailleurs des situations extrêmement contrastées d’une cour administrative d’appel à l’autre. Deux cours connaissent encore une croissance très vive : celle de Paris (+ 26,3 % en données nettes) et celle de Versailles (+ 24,5 % en données nettes). Celle de Nantes continue de connaître une évolution très contrastée due au contentieux des naturalisations (diminution des entrées nettes de 26,6 % par rapport à 2007, après une crois-sance de 90 % en 2007). Les évolutions constatées dans les autres cours sont plus modérées, avec des taux d’évolution compris entre – 4 % et + 7 %.À rebours de cette augmentation modérée, les baisses les plus significatives ont trait (hors cas particulier du contentieux du droit des personnes et des libertés publiques, dont la diminution de 62,1 % reflète essentiellement la fin d’un afflux exceptionnel de contentieux des naturalisations devant la cour de Nantes) au contentieux des marchés publics et des contrats (– 14,3 %). Les progressions les plus importantes concernent, en volume et en données nettes, le contentieux des mesures de police (+ 55,6 %) à raison principalement du contentieux relatif au retrait du permis de conduire, et celui des étrangers (+ 19,2 %). Au sein du contentieux des étrangers, la part du contentieux des arrêtés de reconduite à la frontière ne cesse de se réduire (– 30 %), tandis que le contentieux des refus de titre de séjour assortis d’une obligation de quitter le territoire français a plus que doublé. Au total, le contentieux des étrangers représente 48,9 % des affaires enregistrées dans les cours administratives d’appel, ce taux atteignant même 62,5 % à Paris et 67 % à Versailles.Avec 27 802 affaires nouvelles, le volume des entrées reste particulièrement élevé, représentant quasiment le double des entrées constatées en 2004. La croissance modérée constatée cette année ne doit donc pas cacher les évolutions de longue période, qui restent importantes.

Affaires régléesLe nombre des affaires jugées par les cours administratives d’appel s’établit, en données brutes, à 27 485, et en données nettes à 27 235, soit une progression respectivement de 3,8 % et 5,3 % par rapport à l’année 2007. Cette progres-sion significative (notamment au regard de la stabilité constatée en 2007) est le

254 Activité des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel

résultat combiné d’une nouvelle amélioration du nombre d’affaires traitées par magistrat (109,24 affaires en 2008 contre 105,9 en 2007) et d’une légère aug-mentation de l’effectif réel moyen présent dans les cours.

Cet effort a permis aux cours d’approcher l’équilibre, sans toutefois l’atteindre complètement. Le « taux de couverture » (ratio affaires jugées / affaires enregis-trées), pour l’ensemble des cours, s’améliore en effet légèrement (98 % en 2008 contre 97 % en 2007, en données nettes), mais sans atteindre 100 %.

À l’instar des tribunaux administratifs, les cours administratives présentent des situations contrastées. Certaines présentent un taux de couverture très posi-tif qui permet de réduire considérablement le stock, notamment les cours de Bordeaux (137,6 %) et de Lyon (120,33 %). D’autre en revanche, comme par exemple Versailles (82,9 %) et Paris (84,5 %), n’ont pas encore rétabli l’équi-libre souhaitable.

Affaires en instance et délais

Le nombre d’affaires réglées restant inférieur à celui des affaires enregistrées, le stock des affaires en instance a légèrement progressé (28 825 affaires en ins-tance en 2008, en données nettes, contre 28 062 en 2007, soit une progression de 2,7 %). En revanche, le mouvement d’assainissement du stock des affaires en instance s’est poursuivi : le nombre d’affaires dont l’ancienneté est supérieure à deux années a ainsi diminué de 38 % en 2008 ; ces affaires ne représentent plus que 6,3 % des affaires en instance, contre un peu plus de 12 % en 2007.

Malgré la légère augmentation du stock, le délai prévisible moyen de jugement a, du fait de l’augmentation de la capacité de jugement, diminué de 12 jours par rapport à 2007 pour s’établir en 2008 à 1 an et 21 jours.

Attestant de l’assainissement du stock, le délai moyen constaté diminue encore et s’établit désormais à moins de 1 an 2 mois et 8 jours. Il en va de même pour le délai moyen constaté pour les affaires ordinaires, qui s’établit aux alentours de 1 an 4 mois et 25 jours.

Cours administratives d’appel : Stock et flux sur la période du 1er janvier au 31 décembre 2008 (données brutes, juridictions classées dans l’ordre alphabétique)

Entrées Sorties Stock

Total Évolution 2008-2007

Total Évolution 2008-2007

Total Évolution 2008-2007

Bordeaux 3 324 22,9 % 4 005 25,2 % 3 142 – 17,6 %

Douai 2 180 7,8 % 1 969 8,3 % 1 693 16,0 %

Lyon 2 921 – 2,1 % 3 425 0,1 % 3 849 – 11,6 %

Marseille 5 298 3,5 % 4 548 14,6 % 8 119 10,3 %

Nancy 1 863 1,5 % 1 807 – 16,9 % 1 874 3,7 %

Nantes 3 506 – 7,5 % 2 852 – 25,2 % 2 558 44,3 %

Paris 6 502 26,6 % 5 458 4,8 % 5 797 21,9 %

Versailles 4 139 25,0 % 3 421 19,2 % 3 886 22,5 %

Total général 29 733 10,5 % 27 485 3,8 % 30 918 8,5 %

255L’activité des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel

Cours administratives d’appel : Stock et flux sur la période du 1er janvier au 31 décembre 2008 (données nettes, juridictions classées dans l’ordre alphabétique)

Entrées Sorties Stock

Total Évolution 2008-2007

Total Évolution 2008-2007

Total Évolution 2008-2007

Bordeaux 2 863 7,5 % 3 940 25,6 % 2 683 – 28,4 %

Douai 1 958 – 2,6 % 1 967 9,0 % 1 464 0,3 %

Lyon 2 819 – 3,5 % 3 392 3,5 % 3 733 – 12,0 %

Marseille 5 097 0,2 % 4 511 15,6 % 7 909 8,1 %

Nancy 1 863 2,3 % 1 803 – 13,5 % 1 874 3,7 %

Nantes 2 723 – 26,6 % 2 825 – 21,6 % 1 685 1,7 %

Paris 6 400 26,3 % 5 413 6,9 % 5 650 20,2 %

Versailles 4 079 24,5 % 3 384 19,1 % 3 827 22,1 %

Total général 27 802 4,7 % 27 235 5,9 % 28 825 2,7 %

Cours administratives d’appel : Délais moyens de jugement en 2008

Données brutes

Données nettes

Délai prévisible moyen de jugement des affaires en stock 1a 1m 15j 1a 0m 21j

Délai moyen de jugement des affaires de l’enregistrement à la notification dit « délai constaté global » 1a 2m 7j 1a 2m 8j

Délai moyen de jugement des affaires de l’enregistrement à la notification (hors référés – procédures d’urgence) 1a 2m 10j 1a 2m 11j

Délai moyen de jugement des affaires de l’enregistrement à la notification (hors référés – procédures d’urgence et compte non tenu des ordonnances) – dit « délai constaté pour les affaires ordinaires »

1a 4m 25j 1a 4m 25j

257

Rapport d’activité

Activité des juridictions spécialisées

259Cour nationale du droit d’asile

Cour nationale du droit d’asile

En 2008, pour la Cour nationale du droit d’asile, les événements marquants ont été les suivants :

Le décret no  2008-702 du 15  juillet 2008 relatif au droit d’asile a transposé la directive du 1er décembre 2005 relative à des normes minimales. Il dispose notamment que « l’étranger est informé du caractère positif ou négatif de [la] décision dans une langue dont il est raisonnable de penser qu’il la comprend ». Le sens de la décision est traduit par la Cour en 21 langues, ce qui couvre plus de 90 % des langues parlées par les requérants. Il consacre également la nou-velle appellation de la juridiction dans la partie réglementaire du code de l’en-trée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA).

À compter du 1er décembre 2008, la condition d’entrée régulière en France n’est plus exigée pour l’octroi de l’aide juridictionnelle (article 93 de la loi no 2006-911 du 24 juillet 2006) 1.

La baisse du nombre des recours constatée depuis plusieurs années s’est consi-dérablement ralentie en 2008. La diminution du nombre de décisions pronon-cées est directement corrélée à cette baisse, mais surtout à la progression du nombre des affaires renvoyées à une audience ultérieure.

La cour a poursuivi la résorption du stock de dossiers en instance, donnant la priorité aux dossiers les plus anciens.

Pour la première fois depuis longtemps, le taux des décisions de l’Office faisant l’objet d’un recours devant la cour a diminué. Par ailleurs, le taux d’annulation des décisions de l’OFPRA par la juridiction est en hausse.

S’agissant du fonctionnement de la Cour et de son organisation, le Premier ministre a confié au conseiller d’État Jacky RICHARD l’examen des conditions d’une réforme à la CNDA. Les grandes orientations du rapport ont été validées :– transfert à compter du 1er  janvier 2009 de la gestion budgétaire et des per-sonnels de la CNDA au Conseil d’État et rapprochement des deux institutions ;– création, en 2009, de dix emplois de magistrats permanents.

Le décret no 2008-1481 du 30 décembre 2008 concrétise la réforme souhaitée par le Premier ministre pour ce qui concerne les évolutions de gestion de la juridiction en modifient le CESEDA et fixe à trois ans le mandat des présidents des formations de jugement.

1 - Les demandes ont été multipliées par trois sur le seul mois de décembre 2008.

260 Activité des juridictions spécialisées

Recours

En 2007, 87,5 % des décisions de l’OFPRA refusant d’accorder le statut de réfugié avaient fait l’objet d’un recours devant la juridiction. En 2008, le taux de recours est de 81,2 %. Il s’agit de la première baisse enregistrée depuis plusieurs années.

La baisse des recours

21 636 recours ont été enregistrés en 2008, contre 22 676 en 2007 et 30 501 en 2006. La baisse des entrées en 2008 par rapport à l’année précédente, de 4,6 %, est faible comparée à celle des trois exercices précédents. Au second semestre 2008, les recours sont en hausse de + 2,3 % par rapport au premier semestre.

Recours enregistrés

Les recours en rectification d’erreur matérielle et les recours en révision repré-sentent 0,8 % de l’ensemble des recours.

L’âge moyen des requérants est de 31 ans et 45 % d’entre eux ont entre 20 et 30 ans. Un peu plus de 66 % sont des hommes. Toutefois, cette donnée varie fortement d’un pays à l’autre. Dans six des vingt premiers pays 2, les femmes représentent la moitié ou plus des requérants mais dans quatre autres, elles sont sous-représentées 3.

2 - Russie (49 %), Arménie (48 %), Chine (53 %), Mali (54 %), Azerbaïdjan (56 %) et Nigeria (54 %).3 - Bangladesh (4 %), Mauritanie (14 %), Algérie (17 %) et Pakistan (7 %).

Entrées en 2008 Entrées en 2007 Tendance linéaire des entrées en 2008Nombre de réexamen

1 576

1 960

2 101

1 658 1 714 1 685

1 830

1 529

1 881 1 813

1 713

2 1762 0881 977

2 052

2 082 2 129

1 872

2 017

1 6401 803 1 774

1 512

1 734

412 376 427 365 388 385 397 334 439 450 457

584

0

500

1 000

1 500

2 000

2 500

janvier février mars avril mai juin juillet août septembre octobre novembre décembre

261Cour nationale du droit d’asile

Les demandes de réexamen

Après avoir baissé en 2007 (22 %), la part de demande de réexamens augmente, atteignant 23,2 %. Leur nombre dépasse légèrement celui de 2007.

L’évolution des recours par nationalité ou résidence

La décroissance du nombre de recours ne concerne qu’une partie des pays d’origine des requérants. En effet, si la demande reste concentrée sur quelques pays – les vingt premiers représentent plus de 87 % des recours et sont, à l’exception du Kosovo et du Mali, les mêmes qu’en 2007 –, les évolutions ont été inégales et sans rapport évident avec les situations de ces pays. Les baisses les plus fortes concernent les Turcs (– 12,3 %), les Congolais de République démocratique du Congo (– 14,1 %), les Haïtiens (– 40 %) et les Chinois (– 60,7 %). Si le nombre des requérants serbes diminue (– 40,9 %), cette diminution est à mettre en rapport avec l’identification des requérants kosovars à la suite de la reconnaissance internationale du Kosovo.

La demande sri-lankaise (+ 2 %) reste la première source de recours devant la Cour.

Pour d’autres pays, la demande est au contraire en augmentation : c’est le cas de la Russie (+ 42,1 %), de l’Arménie (+ 23 %), du Bangladesh (+ 53,5 %), et plus encore du Kosovo (+ 346,2 %) pour la raison indiquée ci-dessus, et le Mali (+ 1113,9 %). L’évolution de la demande malienne est la conséquence du changement de position de l’OFPRA qui ne reconnaît plus la qualité de réfugié aux parents s’opposant à la pratique de l’excision mais accorde la protection subsidiaire à l’enfant mineur, lorsque aucun des parents n’a de titre de séjour.

Répartition des entrées par pays de nationalité ou d’origine

Arménie 8,5 %

Rép. dém. du Congo 7,2 %

. .

Bangladesh 7,0 %Serbie 5,3 %

Mauritanie 2,9 %

Russie 9,0 %

Sri Lanka11,7 %

Autres 32,1 %

Guinée 3,6 %

Congo 3,1 %

Turquie 9,6 %

262 Activité des juridictions spécialisées

Activité juridictionnelle

Les décisions

En 2008, la Cour a tenu 1 883 audiences collégiales contre 1 997 en 2007. Elle a rendu 25 067 décisions en 2008, contre 27 242 en 2007, soit une diminution de 8 %. Celle-ci s’explique comme en 2007, par la baisse du nombre des recours et l’augmentation du nombre d’affaires renvoyées à une audience ultérieure.

Le taux global d’annulation de décisions de l’OFPRA est en hausse (25,3 %). Celui des annulations prononcées en formations collégiales atteint 29,9 %.

Les décisions aboutissant à la reconnaissance du statut de réfugié représentent 20,7 % de l’ensemble des décisions, contre 17,8 % en 2007, et celles octroyant la protection subsidiaire correspondent à 4,5 % de l’ensemble des décisions ; cette part a plus que doublé (2,1 % en 2007, 1,3 % en 2006 et 0,57 % en 2005).

Évolution de la part des annulations

2 491 2 559

2 1822 314

1 670

2 304

1 962

77

2 047

2 747

1 925

2 7892 839 2 9282 976

2 550 2 635

2 190

2 328

199

2 006

2 650

2 178

1 775

-12,3% -12,6%

-26,7%

-9,3%

-36,6%

5,2%

-15,7%

-61,3%

2,0%3,7%

-11,6%

57,1%

0

500

1 000

1 500

2 000

2 500

3 000

3 500

janvier février mars avril mai juin juillet août septembre octobre novembre décembre-80,0%

-60,0%

-40,0%

-20,0%

0,0%

20,0%

40,0%

60,0%

80,0%

2008 2007 Évolution

14,9% 14,1%

17,8%20,7%

0,6%

1,3%

2,1%

4,5%

0,0%

5,0%

10,0%

15,0%

20,0%

25,0%

2005 2006 2007 20080,0%

0,5%

1,0%

1,5%

2,0%

2,5%

3,0%

3,5%

4,0%

4,5%

5,0%

Annulations et reconnaissance du statut de réfugiés Annulations et octrois de la protection subsidiaire

263Cour nationale du droit d’asile

Répartition des décisions

Ord

onna

nces

Ord

onna

nces

no

uvel

les

For

mat

ions

co

llégi

ales

Tota

l

Par

t da

ns le

s

déci

sion

s

A –

Rej

ets,

sist

emen

ts

et n

on-l

ieux

1 – Irrecevabilités 1 153 0 49 1 202 4,8 %2 – Désistements 244 0 258 502 2,0 %3 – Non-lieux 65 0 47 112 0,4 %4 – Radiations, avis et autres 5 0 18 23 0,1 %5 – Manifestement infondés 0 2 407 0 2 407 9,6 %6 – Rejets au fond 0 0 14 490 14 490 57,8 %A – Sous-total 1+ 2+ 3+ 4+ 5+ 6 1 467 2 407 14 862 18 736 74,7 %

B –

Ann

ulat

ions 7 – Annulations et octrois statut 0 0 5 199 5 199 20,7 %

8 – Annulations et octrois PS 0 0 1 132 1 132 4,5 %B – Sous-total 7+ 8 0 0 6 331 6 331 25,3 %Total A + B 1 467 2 407 21 193 25 067 100 %Part dans les décisions 5,9 % 9,6 % 84,5 % 100 %

Les rejets prononcés par les formations collégiales sont stables et constituent la plus grande part des décisions, 14 539 (58 % de l’ensemble des décisions et 80,3 % de l’ensemble des rejets). Les rejets par ordonnances représentent 14,2 % du total des décisions et 19,7 % de l’ensemble des rejets.

La diversité des taux d’annulation selon les pays reflète la situation des requé-rants au regard des critères de la Convention de Genève, du CESEDA et de la jurisprudence. Par exemple, le taux d’annulation des requérants sri lankais est de 49,9 % et comporte 43,1 % de protections subsidiaires 4. Pour les requérants chinois, le taux d’annulation est faible (2,3 %).

Répartition des décisions par pays de nationalité ou d’origine

4 - CNDA, SR, 27 juin 2008, Kulendrarajah.

Congo 3,6%

Guinée 3,3%

Haïti4,4%Bangladesh 4,6%

Russie 6,4%

Arménie6,8%

Serbie 7,0%

Rép. dém. du Congo 9,0%

Sri Lanka 9,2%

Turquie10,3%

Autres 35,3%

264 Activité des juridictions spécialisées

Les missions foraines

La juridiction a effectué une mission foraine en Guadeloupe (3 formations de jugement, 369 dossiers audiencés). Le statut de réfugié ou la protection subsi-diaire ont été reconnus dans 9,5 % des recours.

Les renvois

Le taux moyen annuel de dossiers ayant fait l’objet d’un renvoi atteint 29,4 % (plus de 8 000 affaires) pour 28,5 % en 2007 et 24,4 % en 2006. Contrairement aux années précédentes, ce taux n’a pas été affecté par des grèves.

Taux de renvois

Une étude portant sur un échantillon de 182 audiences a permis de déterminer les principaux motifs de renvoi.

Renvois du 15 mars au 15 avril 2008

29,6%28,7%

28,1% 28,3% 28,1%

29,9%

32,5%

29,0%29,2%

27,7%28,8%

33,3%

15%17%19%21%23%25%

27%29%31%33%35%

janvier février mars avril mai juin juillet août sept. oct. nov. déc.

Avocat indisponible28,9%

Convocation irrégulière 1,7%

Lié à une demande d'aidejuridictionnelle ou demande à l'audience d'un avocat, d'un interprète 2,5%

Défaut d'interprète2,8%

Absence du requérant sans motif

2,6%

Heure tardive14,4%

-Réouverture de l'instruction et jonction 16,2% Absence du requérant pour motif médical

ou autre motif sur justi�cation 27,8%

Autres 3,0%

265Cour nationale du droit d’asile

Les ordonnances

Les ordonnances du président, dites « classiques » (irrecevabilités manifestes non susceptibles d’être couvertes en cours d’instance, non-lieux et désiste-ments), représentent 5,9  % des décisions (1 467 décisions en 2008, 1 977 en 2007). Les ordonnances dites « nouvelles » (recours ne présentant aucun élé-ment sérieux susceptible de remettre en cause les motifs de la décision de l’OF-PRA), prises à l’issue d’une séance entre le président ou un des vice-présidents de la Cour et un rapporteur ayant étudié le dossier, sont au nombre de 2 407 ordonnances, en 2008. Elles représentent 15,5 % de l’ensemble des décisions contre 20,2 % l’année précédente.

Les auxiliaires de justice

Le taux d’intervention des avocats est en augmentation. Dans 72,4 % des dos-siers enrôlés, un avocat s’est constitué pour 61,4 % en 2007. La généralisation de l’aide juridictionnelle depuis le 1er décembre 2008 5 devrait avoir pour consé-quence une augmentation du taux de constitution.

Pourvois en cassation

En 2008, 76 décisions ont fait l’objet d’un pourvoi en cassation devant le Conseil d’État, dont 14 émanaient du Directeur général de l’OFPRA. Après admission, le Conseil d’État a jugé 13 décisions de la Cour dont 5 ont été annulées.

Délai de traitement des recours

Le Vice-président du Conseil d’État a rappelé (Projet annuel de performance du programme no  165, Conseil d’État et autres juridictions administratives) que « la préoccupation principale de la juridiction administrative demeure les délais de jugement ». La CNDA désormais rattachée au Conseil d’État utilise les mêmes indicateurs que les juridictions administratives du programme no 165 de la loi de finances.

Le délai prévisible moyen correspond à la CNDA au nombre de dossiers en stock en fin d’année divisé par la capacité annuelle de jugement durant l’année.

Délai prévisible moyen (PAP)

2006 2007 2008

Stock au 31/12/n 28 598 24 027 20 596Sorties cumulées en n 29 154 27 251 25 067

11 mois et 23 jours 10 mois et 17 jours 9 mois et 25 jours

5 - Article 93 de la loi no 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration.

266 Activité des juridictions spécialisées

Le délai moyen constaté des décisions collégiales correspond à la somme des délais de jugement de toutes les affaires « ordinaires » réglées durant l’année divisée par le nombre de dossier de ce type réglés au cours de l’année.

Délai moyen constaté des décisions collégiales (PAP)

2006 2007 2008

11 mois et 12 jours 13 mois et 8 jours 15 mois et 6 jours

L’écart entre les résultats résulte de la nature de l’indicateur. Le premier se fonde sur une prévision à partir d’un stock. Le second est une constatation de réalisation affectée par l’ancienneté des dossiers jugés.

La cour étudie, en la structurant, l’ancienneté moyenne du dossier à la date de la décision ce qui permet d’apprécier le cycle des recours ainsi que l’impact des très vieux dossiers sur le délai moyen.

Ancienneté des dossiers à la date de la décision

Nombre de dossiers

Part Ancienneté cumulée en jours

Part Part exprimée en mois

Soit un délai moyen

par dossier

Moins de six mois 6 024 24,0 % 606 865 5,9 % 0 mois et 23 jours

3 mois et 9 jours

De six à moins de neuf mois

3 060 12,2 % 688 575 6,7 % 0 mois et 27 jours

7 mois et 11 jours

De neuf mois à moins d’un an

3 179 12,7 % 1 002 321 9,7 % 1 mois et 9 jours

10 mois et 10 jours

D’un an à moins d’un an et demi

5 429 21,7 % 2 470 170 23,9 % 3 mois et 7 jours

14 mois et 28 jours

D’un an et demi à moins de deux ans

4 520 18,0 % 2 835 712 27,4 % 3 mois et 21 jours

20 mois et 18 jours

Deux ans et au-delà 2 855 11,4 % 2 737 385 26,5 % 3 mois et 17 jours

31 mois et 15 jours

Total 25 067 100,0 % 10 341 028 100,0 % 13 mois et 16 jours

13 mois et 16 jours

La répartition selon leur date d’enregistrement des recours jugés, par effet de miroir avec celle des dossiers en instance, permet de rendre compte du travail de résorption des dossiers en instance mené depuis un peu plus de deux ans. Ainsi, sur 25 067 dossiers, les 2 855 dossiers de plus de deux ans représentent un quart de l’ancienneté soit 3 mois et 17 jours.

Dossiers en instance

Pour les dossiers en instance, la cour utilise aussi un nouvel indicateur : la pro-portion d’affaires en stock enregistrées depuis plus d’un an. Il correspond au nombre de dossiers enregistrés depuis plus d’un an divisé par le nombre total de dossiers en instance.

267Cour nationale du droit d’asile

Proportion d’affaires en instance selon ancienneté (PAP)

2006 2007 2008

Plus d’un an 22,2 % 34,6 % 24,8 %Plus de deux ans 4,4 % 4,6 % 3,0 %

La juridiction, qui a dû corriger son stock 2007 à 24 027 afin de tenir compte d’environ 1 200 recours qui n’avaient pas été enregistrés du fait des vacances judiciaires, a 20 596 dossiers en instance au 5 janvier 2009.

Évolution du nombre de dossiers en instance

2005 2006 2007 2008

Nombre de dossiers en instance. Il s’agit de « photographies » de l’état du stock.

27 247 28 598 24 027 20 596

L’ancienneté moyenne des dossiers est passée de 10 mois et 10 jours en 2007 à 8 mois et 13 jours.

Dossiers en instance selon l’année d’enregistrement du recours

Avant 2004

2005 2006 2007 2008 Total

Nombre de recours 16 43 543 4 463 15 531 20 596Part 0,1 % 0,2 % 2,6 % 21,7 % 75,4 % 100,0 %Part des dossiers avec avocat 93,8 % 86,0 % 92,1 % 81,7 % 50,2 % 58,3 %

Par rapport à 2007, les dossiers enregistrés avant n-3 ne représentent plus que 0,3 % de l’ensemble contre 0,9 % et ceux enregistrés en n-2, 2,6 % contre 3,2 %.

Aide juridictionnelle

En 2008, le Bureau d’aide juridictionnelle établi près la juridiction a enregistré 3 468 demandes (contre 4 275 en 2007) soit une baisse de 18,87 %, et prononcé 6 209 décisions définitives (soit – 45,5 % par rapport à 2007).

Les admissions à l’aide juridictionnelle sont de 1 202 (2 255 en 2007, soit – 46,7 %).

0

10 000

20 000

30 000

40 000

50 000

60 000

1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008

268 Activité des juridictions spécialisées

Activité du bureau d’aide juridictionnelle en 2008

Le pic de décembre correspond à l’abandon de l’exigence de l’entrée régulière sur le territoire comme condition d’obtention de l’aide 6.

Jurisprudence de la Cour

D’un point de vue jurisprudentiel, le juge de l’asile poursuit sa réflexion sur les champs d’application respectifs des protections auxquelles se réfère la loi depuis la réforme de l’asile en 2003 : le statut de réfugié et la protection qui lui est subsidiaire, et sur les conditions de leur mise en œuvre.

Les décisions des formations de jugement se sont traduites par des avancées sur le plan procédural. Sur le fond, elles ont pris en compte de nouveaux acteurs de protection et ont apporté des précisions sur les conditions de mise en œuvre de la protection définie par la Convention de Genève. La juridiction de l’asile a été amenée à se prononcer sur des cas très particuliers d’exclusion de la protec-tion, au regard des responsabilités politiques ou professionnelles des intéressés. Enfin, la protection subsidiaire a connu de nouveaux développements, axés en particulier sur la définition des situations de violence généralisée résultant d’un conflit armé (VII-4).

La procédure d’asile

La Cour a rappelé sa compétence lorsque l’Office a statué sur la demande d’asile d’une personne à laquelle le renouvellement de l’autorisation provisoire de séjour a été refusé, et qui a été interpellée pour remise aux autorités italiennes en vue d’un examen de sa demande d’asile 7.

6 - Article 93 de la loi no 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration.7 - CNDA, 11 janvier 2008, 577915, Al Arifi.

270 294236 243 224

264225 234

285 280

206

707

74

142

76112

65111

6336

67

181

61

214231 238189

173187

178

155176

106

195

323

300

100

200

300

400

500

600

700

800

janvier février mars avril mai juin juillet août sept. oct. nov. déc.

Demandes Admissions Rejets et désistements

269Cour nationale du droit d’asile

Elle a précisé les conditions de notification de la décision du directeur géné-ral de l’OFPRA, à l’égard d’un demandeur placé dans un centre de rétention administrative 8.

Elle a également relevé que lorsque le directeur général de l’OFPRA forme un recours en révision contre l’une de ses décisions, sur la base d’informations transmises par une autorité tierce, il lui appartient de procéder à des vérifica-tions complémentaires pour fonder sa propre opinion quant à la réalité de la fraude 9, qui conditionne la recevabilité d’un tel recours. Sur ces bases, il appar-tient à la cour de déterminer le point de départ du délai de deux mois pour intro-duire un tel recours.

Dans le cadre d’une demande de réexamen, elle a estimé que l’appréciation por-tée par le juge de la reconduite à la frontière, selon laquelle le requérant serait exposé à de graves discriminations en cas de retour dans son pays, ne la lie pas juridiquement, en raison des différences d’objet et de cause du litige, et alors même que la décision portait sur une pièce nouvelle produite après l’examen par la CNDA 10 . De plus, elle ne juge pas contraire au principe d’impartialité, la participation à la formation de jugement d’un membre ayant déjà siégé lors de l’examen du précédent recours 11.

Enfin, les motivations de ses décisions reflètent davantage la confrontation des déclarations des intéressés aux informations géopolitiques recueillies lors de l’instruction 12.

La notion de protection

Aux termes des dispositions de l’article L. 713-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), « les persécutions prises en compte dans l’octroi de la qualité de réfugié et les menaces graves pouvant donner lieu au bénéfice de la protection subsidiaire peuvent être le fait des autorités de l’État, de partis ou d’organisations qui contrôlent l’État ou une partie subs-tantielle du territoire de l’État, ou d’acteurs non étatiques dans les cas où les autorités définies à l’alinéa suivant refusent ou ne sont pas en mesure d’offrir une protection.

Les autorités susceptibles d’offrir une protection peuvent être les autorités de l’État et des organisations internationales et régionales ».

8 - CNDA, 14 novembre 2008, 628482, Kry.9 - CNDA, 29 février 2008, 591275, Directeur général de l’OFPRA.10 - CNDA, 9 janvier 2008, 607063, Asci.11 - CNDA, 2 avril 2008, 595357, Jekumar.12 - Par exemple, CNDA, 15 décembre 2008, 617082, Nkikiasala Lubelo, où il est fait référence aux informations du Bureau des Nations unies pour les droits de l’homme en République démo-cratique du Congo. Autre exemple : la Cour se livre à une analyse de l’action des LTTE (Tigres libérateurs de l’Eelam tamoul) au Sri Lanka  : « En raison de l’ampleur de ses activités et de ses réseaux financiers et militaires, notamment dans la zone de l’océan indien, de sa capacité à frapper des cibles politiques et militaires de premier plan, y compris en dehors du territoire sri-lankais, et du contrôle de type quasi étatique qu’elle exerce sur certaines zones du pays, l’or-ganisation LTTE dispose des moyens matériels et humains lui permettant d’agir sur la scène inter-nationale » (CNDA, SR, 27 juin 2008, Mathivannan).

270 Activité des juridictions spécialisées

La Cour s’est interrogée sur les autorités susceptibles d’être prises en compte, au regard des événements récents survenus en Ossétie du Sud 13, ou au Kosovo nouvellement indépendant 14, et elle a rappelé les conditions d’application des lois sur la nationalité, notamment en Afghanistan et en Érythrée 15.

Enfin les sections réunies de la cour ont estimé que la protection prévue par la Convention de Genève devait s’appliquer, lorsque cesse la protection ou l’as-sistance assurée par un organisme ou une institution des Nations unies autre que le Haut Commissaire des Nations unies pour les réfugiés, dès lors que ces personnes ne bénéficient d’aucune autre protection 16.

Les cas d’exclusion

Des exactions massives commises par le passé continuent de justifier l’exclu-sion de la protection par la CNDA.

Au titre de l’article 1Fa de la convention

Au Rwanda, la cour a estimé qu’elle avait des raisons sérieuses de penser qu’un médecin gynécologue, membre du Mouvement démocratique rwandais (MDR), s’était rendu coupable d’un crime contre l’humanité, au sens des instruments internationaux, en raison de ses responsabilités administratives locales, notam-ment au sein d’un comité de sécurité, des conditions d’exercice de ses fonctions, de son niveau intellectuel et social, de sa connaissance de la véritable nature des événements, et de l’absence de sincérité de ses déclarations  17.

La cour estime également qu’il existe des raisons sérieuses de penser qu’un pro-fesseur qui a dirigé une école ayant servi de base à l’entraînement de militaires hutus, dans les années précédant le génocide, s’est rendu lui-même coupable du crime de complicité de génocide 18.

Relèvent du crime de guerre, les activités d’un collaborateur ayant apporté un concours actif à la police de Prizren pendant la guerre du Kosovo  19.

Au titre de l’article 1Fc de la convention

La Cour a exclu du bénéfice des dispositions protectrices de la loi, l’ancien président d’Anjouan, Mohamed Bacar. Le dossier établissait que des membres des Forces armées anjouanaises (FGA), se sont rendus coupables d’exactions contre la population civile sous son régime et que parmi les violations des droits de l’homme constatées, figurent des actes de tortures, d’arrestations et de déten-tions arbitraires, d’exécutions extrajudiciaires, d’atteinte à la liberté d’expres-sion et de penser, des extorsions d’argent, de saccage et de l’usage d’armes à feu

13 - CNDA, 14 novembre 2008, 614573, Tigiev.14 - CNDA, 3 avril 2008, 584799, Mlle Ahmeti.15 - CNDA, 6 octobre 2008, 588222, Hosseini : s’agissant des conditions de reconnaissance de la nationalité afghane ; ou érythréenne : CNDA, 24 novembre 2008, 625666, Mlle M. 16 - Cf. article 1er D, 2e alinéa de la Convention de Genève : CNDA, SR, 14 mai 2008, 493412, Assfour.17 - CNDA, 21 février 2008, 527349, M. MUNYEMANA.18 - CNDA, 9 avril 2008, 552782, Kanyarutoki.19 - CNDA, 16 avril 2008, 555328, Dzaferi.

271Cour nationale du droit d’asile

contre des civils ; qu’il existe des raisons sérieuses de penser que le requérant, en raison de ses fonctions de chef d’État et de chef des FGA, s’est rendu cou-pable, en les couvrant de son autorité, d’agissements contraires aux buts et aux principes des Nations unies  20.

Les actions terroristes menées par les unités terrestres et maritimes des Tigres libérateurs de l’Eelam tamoul au Sri Lanka (LTTE), décidées au plus haut niveau de l’organisation, et qui ne sauraient trouver de justification dans la légi-timité du but politique recherché, peuvent être qualifiées d’actes contraires aux buts et principes des Nations unies. Dès lors, un ingénieur naval engagé dans l’une des unités d’élite de la branche militaire des LTTE, a, à tout le moins, apporté un concours actif à la préparation logistique et technique de missions à caractère terroriste  21.

La protection subsidiaire

La reconnaissance de la menace grave que constitue la peine de mort (article L. 712-1a du CESEDA) demeure exceptionnelle 22.

La cour confirme que sont constitutifs de risques de traitements inhumains ou dégradants 23, les risques liés à des affaires de droit commun, à l’exercice d’une fonction ou d’une profession, ou certains types de violences infligées aux femmes 24. Elle exerce son contrôle sur la proportionnalité des peines encourues 25.

Au delà, les formations de jugement de la Cour prennent davantage en compte la situation de personnes vulnérables non protégées par les autorités : il en est ainsi dans le cas d’un enfant contraint à des travaux forcés 26 ou d’une jeune femme handicapée, menacée par des trafiquants de drogue 27.

La CNDA a estimé que la situation prévalant aujourd’hui en Tchétchénie ne peut être assimilée à une situation de violence généralisée résultant d’un conflit armé 28.

Mais la jurisprudence la plus novatrice réside dans la qualification de la situa-tion prévalant au Sri Lanka. Les sections réunies de la cour ont en effet estimé, d’une part, que les populations civiles n’étaient pas victimes d’exactions mas-sives en raison de leur seule origine tamoule, écartant ainsi le bénéfice de la Convention de Genève pour ce motif, et d’autre part, que certaines régions du nord et de l’est du pays étaient en proie à une situation de violence généralisée,

20 - CNDA, 3 décembre 2008, 629222, Bacar.21 - CNDA, SR, 27 juin 2008, Mathivannan, précité.22 - CNDA, 5 juin 2008, 553588, Rashid : condamnation pénale prononcée à tort dans des condi-tions non respectueuses des droits de la défense.23 - Article L. 712-1b du code.24 - Par exemple, un interprète menacé par des trafiquants : CNDA, 2 avril 2008, 601228, Avdoyan ; une femme victime de violences conjugales : CNDA, 3 avril 2008, 584799, Mlle Ahmeti.25 - CNDA, 27 juin 2008, 623320, Bouadjel.26 - CNDA, 3 avril 2008, 601859, Nadjiougou.27 - CNDA, 17 juin 2008, 575253, Mlle Pavlyuk.28 - CNDA, 10 décembre 2008, 628765, Massaev.

272 Activité des juridictions spécialisées

résultant d’un conflit armé interne au sens de l’article L 712-1c du CESEDA 29. Dans ce contexte, notamment, un civil exerçant la profession d’électricien pour une entreprise de télécommunications, et effectuant de nombreux déplacements dans les zones affectées par le conflit, établit, en raison de ses activités profes-sionnelles, être exposé dans son pays à la menace grave, directe et individuelle contre sa vie ou sa personne, qui conditionne l’application des dispositions susvisées  30.

29 - CNDA, SR, 27 juin 2008, B. et Kulendrarajah.30 - Cf. en ce sens, CNDA, sections réunies, Kulendrarajah précité.

273Commission centrale d’aide sociale

Commission centrale d’aide sociale

La Commission centrale d’aide sociale a été saisie en 2008 d’un nombre de dossiers en diminution sensible par rapport au nombre de dossiers enregistrés en 2007. Cette diminution a présenté de grandes différences selon les types d’aides :– le contentieux de la couverture maladie universelle (CMU) complémen-taire a enregistré une baisse de 22 dossiers ;– le contentieux de l’aide sociale aux personnes âgées a diminué de 19 dos-siers ;– le nombre de dossiers de RMI a décru de 154 (– 18,14 %) alors qu’il avait connu en 2007 une très forte augmentation (+ 43,90 % par rapport à l’année 2006) ;– le contentieux relatif au domicile de secours a également baissé (66 dossiers contre 93 en 2007) ;– le nombre de dossiers relatifs à l’aide sociale aux personnes handicapées a suivi la même tendance : 39 dossiers contre 41 en 2007.

La Commission centrale d’aide sociale a tenu 151 audiences en 2008, avec une diminution volontaire des audiences en CMU, afin de s’adapter au nombre de dossiers entrants, mais avec une très nette augmentation des audiences pour le contentieux RMI, le nombre de rapporteurs mobilisés pour cette seule forme d’aide étant pratiquement identique au nombre de rapporteurs affectés pour l’ensemble des autres formes d’aides.

Le nombre d’affaires jugées a connu également une évolution différente selon les formes d’aides :– CMU complémentaire : 446 dossiers (419 en 2007) ;– aide sociale aux personnes âgées : 289 dossiers (375 en 2007) ;– RMI : 1 042 dossiers (+ 21,16 % par rapport à 2007) ;– domicile de secours : 127 dossiers (69 en 2007) ;– aide sociale aux personnes handicapées : 43 dossiers (65 en 2007) ;– allocation personnalisée d’autonomie : 122 dossiers (47 en 2007) ;

Ainsi, malgré la complexité croissante des dossiers RMI, le nombre d’affaires jugées a progressé de 21,16 %.

Compte tenu des efforts déployés par tous les membres de la juridiction et par les agents de son greffe, qui ont récupéré une partie de la gestion du RMI, en contrepartie de la diminution des dossiers des autres formes d’aides, les résul-tats de l’année 2008 peuvent être considérés comme positifs.

Si le rythme des audiences se maintient et si le nombre de rapporteurs peut encore être augmenté, début 2009 devraient être jugés des dossiers RMI enre-

274 Activité des juridictions spécialisées

gistrés en 2008. L’important retard dans cette forme de contentieux se résorbe rapidement.

La revalorisation des indemnités des membres de la juridiction, qui est interve-nue en avril 2008, a permis de dynamiser les rapporteurs.

On ne saurait pour autant considérer la situation comme vraiment satisfaisante. Beaucoup d’affaires ne viennent pas devant la Commission centrale d’aide sociale parce que les commissions départementales d’aide sociale tardent à les inscrire à leurs propres rôles, ou parce que les décisions des commissions dépar-tementales d’aide sociale n’offrent pas prise à un appel aux yeux de justiciables désorientés par leur défaut de motivation. Beaucoup d’affaires enregistrées à la Commission centrale d’aide sociale tardent à être jugées faute de diligence des commissions départementales d’aide sociale qui ne transmettent pas des dossiers complets, ou parce que des conseils généraux tardent à répondre ou ne répondent pas aux suppléments d’instruction. La réforme des commissions départementales d’aide sociale préconisée par le rapport public du Conseil d’État de 2004 et à laquelle il n’a pas encore été donné suite reste indispensable pour assurer une justiciabilité digne de ce nom en matière d’aide sociale.

275Cour nationale de la tarification sanitaire et sociale

Cour nationale de la tarification sanitaire et sociale

La cour nationale de la tarification sanitaire et sociale est une juridiction admi-nistrative spécialisée qui connaît des litiges relatifs aux décisions par lesquelles les autorités publiques allouent des ressources aux établissements de santé et aux établissements et services sociaux ou médico-sociaux, publics ou privés. Elle statue en appel sur les affaires jugées en première instance par cinq tribu-naux interrégionaux de la tarification sanitaire et sociale.

Ces juridictions ont connu une importante réforme visant à en renforcer les garanties d’impartialité, conformément aux préconisations de l’étude du Conseil d’État sur « l’avenir des juridictions spécialisées dans le domaine social » publiée en avril 2004, afin de rendre leur composition et les règles de leur fonc-tionnement compatibles avec les principes généraux applicables à toutes les juridictions et les exigences de l’article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Cette réforme a été réalisée par l’ordonnance no 2005-1088 du 1er septembre 2005 et son décret d’application no 2006-233 du 21 février 2006. Les nouvelles dispositions ont été intégrées dans le code de l’action sociale et des familles.

Pour heureuses qu’elles soient, ces réformes ont eu pour effet de suspendre l’activité de ces juridictions pendant plusieurs années et de créer une situation préoccupante quant au stock d’affaires en instance d’être jugées et aux délais de jugement. S’agissant spécialement de la Cour nationale, qui avait déjà accumulé un stock de près de 500 requêtes en instance lorsqu’elle a cessé de fonctionner en décembre 2003, dans l’attente de la réforme, ce stock s’est élevé jusqu’à 688 affaires au 31 décembre 2006.

L’activité de la Cour nationale a pu reprendre en 2007, en tenant quatre séances de jugement, permettant de régler 55 affaires et surtout en mettant à jour l’ins-truction des dossiers anciens, ce qui a pu se traduire par le règlement de 275 affaires par des ordonnances du président. Néanmoins, il restait à juger 388 affaires au 31 décembre 2007, dont de nombreuses affaires très anciennes et rarement susceptibles de relever d’ordonnances.

En 2008, le nombre de séances de jugement a pu être porté à six, permettant de juger 80 affaires. Le nombre d’affaires réglées par ordonnance s’étant élevé à 82 et celui des requêtes nouvelles étant de 33, le stock au 31 décembre 2008 a été réduit à 259, dont 104 requêtes enregistrées depuis plus de quatre ans.

Diverses mesures ont été prises pour permettre à la Cour de résorber son retard à compter de 2009. Le décret no 2008-1164 en date du 13 novembre 2008 a per-mis de nommer plusieurs présidents suppléants et d’augmenter le nombre des

276 Activité des juridictions spécialisées

commissaires du Gouvernement. Des dispositions ont été prises pour accroître la disponibilité des rapporteurs. L’ensemble de ces mesures permettra de dou-bler le nombre de séances de jugement de sorte que, dès la fin de l’année 2009, le stock pourrait être abaissé à un nombre d’affaires inférieur à 100, correspon-dant à un délai prévisible moyen de jugement voisin d’une année.

277Section des assurances sociales du Conseil national de l’ordre des médecins

Section des assurances sociales du Conseil national de l’ordre des médecins

Attributions et missions

Les attributions et missions des sections des assurances sociales de l’ordre national des médecins résultent des dispositions du code de la sécurité sociale notamment des articles L. 145-1 et L. 145-2 et R. 145-1 et suivants. Ces juri-dictions connaissent, en première instance, des plaintes formées essentiellement par les organismes d’assurance maladie, des caisses de mutualité sociale agri-cole et les autres organismes assureurs à raison de fautes, abus, fraudes et tous faits intéressants l’exercice de la profession relevés à l’encontre des médecins, des masseurs-kinésithérapeutes et des infirmiers. Elles peuvent prononcer à leur encontre les sanctions énumérées à l’article L.  145-2 du code de la sécurité sociale.

En première instance, les plaintes sont examinées par des sections des assu-rances sociales des conseils régionaux de l’ordre des médecins ; les appels sont formés devant la section des assurances sociales du Conseil national de l’ordre des médecins ; les pourvois en cassation relèvent de la compétence du Conseil d’État.

Bilan d’activité

Quelques points intéressant le fonctionnement de ces juridictions sont à signaler.

1° Malgré la création d’ordres distincts pour les masseurs-kinésithérapeutes et les pédicures-podologues, les sections des assurances sociales de l’ordre des médecins doivent, pour ne pas augmenter les délais de jugement, continuer à connaître du contentieux du contrôle technique concernant ces professions. En effet, les juridictions distinctes compétentes tardent à être constituées par les nouveaux ordres.

Dans un certain nombre d’instances, les masseurs-kinésithérapeutes en cause contestent systématiquement la composition actuelle de la juridiction devant laquelle ils comparaissent, qui ne comprend qu’un assesseur représentant leur profession.

278 Activité des juridictions spécialisées

2° Alors que pour les chambres disciplinaires, soumises jusqu’alors à des règles procédurales en partie communes à celles applicables aux sections des assu-rances sociales, un décret en Conseil d’État du 29 mars 2007 est intervenu pour clarifier la procédure à suivre, les sections des assurances sociales restent sou-mises aux textes anciens, notamment aux dispositions du décret du 26 octobre 1948. Un projet de décret a été préparé, en liaison avec le Conseil national de l’ordre des médecins, pour introduire la même indispensable clarification pour les sections des assurances sociales, mais pour des raisons inexplicables les services du ministère responsable n’en ont pas encore saisi le Conseil d’État, malgré les demandes qui leur sont réitérées.

Ce serait pourtant une amélioration notable, simplifiant le travail des secré-tariats communs aux chambres disciplinaires et aux sections des assurances sociales des conseils régionaux de l’ordre des médecins, qui, actuellement, doi-vent appliquer des règles différentes qui ne se justifient pas.

3° Le code de la sécurité sociale a prévu dans son article R. 145-23 une dispo-sition particulière permettant au plaignant, lorsque sa plainte n’a pas été jugée dans un délai d’un an, de saisir directement la section des assurances sociales du Conseil national de l’ordre des médecins. Alors que cette procédure devrait rester exceptionnelle puisqu’elle a pour effet de supprimer un degré de juridic-tion, tel n’a pas été le cas dans au moins trois régions, à plusieurs reprises, sans justification sérieuse.

279Chambre disciplinaire nationale de l’ordre des chirurgiens-dentistes

Chambre disciplinaire nationale de l’ordre des chirurgiens-dentistes

Attributions et missions

La chambre disciplinaire nationale de l’ordre des chirurgiens-dentistes est l’ins-tance nationale d’appel des décisions des chambres disciplinaires de première instance établies à l’échelon régional.

Ces juridictions disciplinaires, qui sont visées respectivement aux articles L. 4122-3 et L. 4124-1 et suivants du code de la santé publique, statuent sur les plaintes dirigées contre les chirurgiens-dentistes et formées essentiellement par les conseils départementaux de l’ordre agissant de leur propre initiative ou à la suite de plaintes formées notamment par les patients. Le code de déontologie des chirurgiens-dentistes figure aux articles R. 4127-201 et suivants du code de la santé publique.

Les sanctions infligées par ces juridictions sont l’avertissement, le blâme, l’in-terdiction temporaire, avec ou sans sursis, d’exercer la profession de chirurgien-dentiste – cette interdiction ne pouvant excéder trois ans – et la radiation du tableau de l’ordre.

Bilan d’activité

Chambres disciplinaires de première instance : 171 décisions rendues en 2008

Chambre disciplinaire nationale : Affaires enregistrées, affaires traitées etb affaires en instance au 31 décembre 2008

La chambre disciplinaire s’est réunie 11 fois, en audience publique en 2008 ; elle a rendu 67 décisions.

Affaires enregistrées Affaires traitées Affaires en instance au 31 décembre

2007 63 71 73

2008 68 67 74

281Chambre de discipline du Conseil national de l’ordre des pharmaciens

Chambre de discipline du Conseil national de l’ordre des pharmaciens

Attributions et missions

L’ordre national des pharmaciens a notamment pour mission d’assurer le res-pect des devoirs professionnels (art. L. 4231-1 du code de la santé publique). Il doit ainsi veiller au respect, par chacun de ses membres, du code de déontologie pharmaceutique (art. R. 4235-1 à R. 4235-77). À ce titre, il dispose de chambres de discipline. Saisies d’une plainte à l’encontre d’un pharmacien, celles-ci peuvent prononcer, en cas de manquement déontologique ou en cas de faute professionnelle, l’une des sanctions disciplinaires prévues à l’article L. 4234-6 du code de la santé publique. La chambre de discipline du Conseil national, présidée par un conseiller d’État, est la juridiction d’appel des chambres de discipline de première instance siégeant au niveau des conseils régionaux (phar-maciens d’officine) ou centraux (autres pharmaciens).

Bilan d’activité

L’année 2008 a été marquée par un net accroissement (+ 29 %) du nombre des appels enregistrés, qui se portent à 108 contre 84 en 2007, surtout sensible dans les premiers six mois de l’année. Ceci s’explique par une reprise d’activité des chambres de discipline de première instance. En effet, pendant plus d’un an, du 1er mars 2006 au 25 mars 2007, ces dernières ont dû cesser de fonctionner dans l’attente de la nomination des magistrats de l’ordre administratif qui, en vertu de l’ordonnance no 2005-1040 du 26 août 2005, sont venus remplacer les magistrats de l’ordre judiciaire qui les présidaient jusqu’alors. Le nombre d’af-faires jugées est, lui, demeuré relativement stable (78 affaires en 2008 contre 84 en 2007, soit – 7 %). Au final, ceci se traduit par une augmentation du nombre d’affaires en instance (82 affaires en 2008 contre 52 en 2007, soit + 58 %) qui devra être résorbé progressivement au cours des prochaines années.

282 Activité des juridictions spécialisées

Jurisprudence

Plusieurs décisions de la chambre de discipline ont, en 2008, abordé des ques-tions de fond inédites ou donnant lieu à controverse. C’est ainsi qu’il a été jugé que le démembrement des parts sociales d’une SEL exploitant plusieurs labo-ratoires d’analyse, l’usufruit d’une très large majorité des parts revenant à une société non pharmaceutique, constituait un détournement des règles applicables aux SEL et induisait une perte d’indépendance des pharmaciens biologistes concernés.

Dans six décisions échelonnées tout au long de l’année, la chambre de disci-pline a précisé sa jurisprudence en matière de déconditionnement/recondition-nement des spécialités en vue de leur administration à des résidents en maison de retraite. Elle considère qu’il s’agit là d’une activité autorisée pour le phar-macien d’officine sur le fondement de l’article R. 4235-48 du code de la santé publique, dans la mesure où elle constitue une simple préparation des doses à administrer. Toutefois, cette activité ne peut être ni systématique ni généralisée ; elle doit respecter le principe du libre choix du pharmacien par le client et per-mettre d’assurer la traçabilité des médicaments ainsi reconditionnés.

Enfin, différents griefs se sont retrouvés dans plusieurs dossiers et ont donné lieu à condamnation : citons, à titre d’exemple, parmi les plus marquants, l’ou-verture de l’officine en l’absence de pharmacien ou la revente de médicaments non neufs, rapportés au préalable à l’officine par des clients dans le cadre de l’opération Cyclamed.

283Chambre de discipline nationale de l’ordre des sages-femmes

Chambre de discipline nationale de l’ordre des sages-femmes

Les attributions et missions de la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des sages-femmes et de la section des assurances sociales de l’ordre national des sages-femmes sont identiques à celles existantes pour l’ensemble des ordres médicaux.

À ce titre, la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des sages-femmes connaît en appel des décisions rendues par les chambres disciplinaires de 1re instance à la suite de plaintes dirigées contre les sages-femmes inscrites au tableau de l’ordre (art. L. 4122-3 du code de la santé publique). Saisie d’une seule affaire en 2008, celle-ci est toujours en stock au 31 décembre 2008.

Quant à la section des assurances sociales du Conseil national de l’ordre des sages-femmes, elle est juge d’appel des décisions rendues en première instance par les sections des assurances sociales des chambres disciplinaires de 1re ins-tance en cas de fraudes, abus, fautes et tous faits intéressant l’exercice de la profession commis par les sages-femmes à l’occasion des soins dispensés aux assurés sociaux (art. L.  145-2 du code de la sécurité sociale). Elle n’a eu à connaître d’aucune affaire en 2008.

285Chambre supérieure de discipline de l’ordre des vétérinaires

Chambre supérieure de discipline de l’ordre des vétérinaires

Attributions et missions

Les missions de la chambre supérieure de discipline de l’ordre des vétérinaires sont définies par le code rural. Ainsi les articles L. 242-5 et L. 242-6 dispo-sent que la chambre de discipline réprime tous les manquements des docteurs vétérinaires aux devoirs de leur profession ; elle a compétence pour tout ce qui concerne l’honneur, la moralité et la discipline de la profession.

Bilan d’activité

En 2008, la chambre supérieure de discipline de l’ordre des vétérinaires a sta-tué sur un nombre d’affaires équivalent à celui de l’année dernière (30 affaires contre 35). Il conviendra d’analyser l’année prochaine l’impact de l’absence de constitution de chambres régionales de discipline au cours du second semestre de l’année 2008, liée au renouvellement partiel des conseils régionaux, pour comptabiliser le nombre d’appels auprès de la chambre supérieure. Quatre affaires restent en stock au 31 décembre 2008.

Jurisprudence

Concernant l’évolution de la jurisprudence, la chambre supérieure a rendu plu-sieurs décisions rappelant aux vétérinaires la nécessité de respecter les règles établies en matière de pharmacie vétérinaire et relevant plus spécifiquement des dispositions du code de la santé publique. Dans ces affaires, les vétérinaires poursuivis ont été sanctionnés par une peine de suspension d’exercice ferme de trois à six mois.

Par ailleurs récemment, la chambre supérieure de discipline a confirmé une décision de sanction de suspension ferme d’exercice de la profession d’une durée d’un an sur le territoire régional du ressort du conseil de l’ordre dont dépend le vétérinaire poursuivi.

286 Activité des juridictions spécialisées

Les autres décisions confirment des sanctions de type « morales » adressées aux vétérinaires ayant commis des infractions au code de déontologie.

Enfin, la Cour européenne des droits de l’homme a rendu en mars une décision importante relative à l’impartialité objective et subjective des chambres de dis-cipline de l’ordre des vétérinaires.

Pour conclure, certaines affaires ont été portées devant le Conseil d’État pour lesquelles nous sommes, à ce jour, dans l’attente des décisions. Un observatoire disciplinaire est en train d’être mis en place afin que les personnes attraites aux chambres de discipline, le public, les élus de l’ordre puissent parfaire leur connaissance en matière de jurisprudence disciplinaire.

287Bilan statistique de l’activité des juridictions administratives spécialisées

Bilan statistique de l’activité des juridictions administratives spécialisées

2007 2008

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Juridictions socialesCour nationale de la tarification sanitaire et sociale

30 330 1 388 33* 162 259

Commission centrale d’aide sociale 1 837 1 800 1 074 2 009 2 006 1 077Commission supérieure des soins gratuits 4 4 0 4 4 2 0

Juridictions disciplinairesConseil national – ordre des médecinsSection disciplinaireSection des assurances sociales

254134

252141 3

80155 4

370164

335125

115162 5

Conseil national – ordre des chirurgiens-dentistesSection disciplinaireSection des assurances sociales

6380

7157

73 677

6857

6759

7475

Conseil national – ordre des pharmaciensChambre de disciplineSection des assurances sociales

8416

8427

528

10824

7814

8218

Conseil national – ordre des sages-femmesSection disciplinaireSection des assurances sociales

00

10

00

10

00

10

Chambre supérieure de discipline de l’ordre des vétérinaires

30 35 6 28 30 4

Chambre nationale de discipline des architectes 34 11 86 18 30 74Conseil supérieur de l’ordre des géomètres-experts

12 7 8 7 10 5

Haut Conseil du Commissariat aux comptes 5 19 3 17 7 7 8 13Chambre nationale de discipline de l’ordre des experts-comptables

12 18 21 9 14 16

Autres juridictionsCour nationale du droit d’asile 22 676 30 839 9 22 80310 21 636 25 067 20 596Commission spéciale de la taxe d’apprentissage 11 1 3 0 0 0 0

(1) Dont 275 ordonnances.(2) Décidions d’ordre (renvoi pour jugement sur le fond au cours régionales des pensions).(3) Dont 6 ordonnances.(4) Soit 142 dossiers en instance plus 13 en attente de notifications.(5) Soit 162 dossiers en instance plus 25 en attente de notifications.(6) Données théoriques : 83 ; données réelles : 73 (des décisions résultant de la jonction de plusieurs appels).(7) Dont une décision avant-dire droit.(8) Dont un désistement.(9) Données théoriques : 27 242 ; données réelles : 30 839 (dont 3 597 dossiers constituant les affaires sorties).10) Le stock au 31 décembre 2007 a été consolidé à 24027 afaires.(11) La commission spéciale de la taxe d’apprentissage fait l’objet d’un article prévoyant sa suppression.

289

Rapport d’activité

Avis du conseil d’État en 2008

291Avis du conseil d’État en 2008

Avis

Actes législatifs et réglementaires Procédure .....................................................................................................................293

� Assemblée générale – Avis no 380.902 du 10 janvier 2008

Collectivités territoriales Comptabilité publique et budget Domaine ........................................................................................................................294

� Section de l’intérieur – Avis no 381.088 du 25 mars 2008

Comptabilité publique et budget ...................................................................298

� Assemblée générale – Avis no 381.365 du 27 mars 2008

Contrats administratifs Fonctionnaires et agents publics ....................................................................303

� Section des finances – Avis no 381.097 du 11 mars 2008

Domaine Poste et Communications électroniques ...................................................308

� Section des travaux publics – Avis no 381.124 du 22 janvier 2008

Droits civils et individuels ..................................................................................313

� Section de l’intérieur – Avis no 381.374 du 1er avril 2008

Enseignement Marchés et contrats administratifs ..............................................................318

� Section de l’intérieur – Avis no 381.333 du 19 février 2008

Nature et environnement Police administrative Responsabilité de la puissance publique ..................................................320

� Section des travaux publics – Avis no 381.725 du 29 juillet 2008

Outre-mer Contributions et taxes Transports ...................................................................................................................323

� Section des finances – Avis no 381.644 du 2 septembre 2008

Outre-mer Pouvoirs publics .......................................................................................................325

� Section de l’intérieur – Avis no 382.018 le 21 octobre 2008

293Avis du conseil d’État en 2008

Actes législatifs et réglementaires Procédure

■ Assemblée générale – Avis no 380.902 du 10 janvier 2008Actes – Application dans le temps – Disparition – Abrogation – Abrogation d’un acte abrogateur – Effet – Remise en vigueur de l’acte abrogé – Absence – Conditions – Remise en vigueur implicite – Décret du 4 octobre 2004 et décret du 6 mai 1939 relatif au contrôle de la presse étrangère.Jugement – Effets d’une annulation – Annulation rétroactive d’un décret – Consé- quences.

Le Conseil d’État (section de l’intérieur), saisi par la ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales de la question de savoir si l’abroga-tion du décret du 6 mai 1939 relatif au contrôle de la presse étrangère a eu pour effet de remettre en vigueur les dispositions de l’article 14 de la loi du 29 juillet 1881 relative à la presse dans leur rédaction antérieure à l’intervention dudit décret-loi,

Vu la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ;

Vu le décret no 2004-1044 du 4 octobre 2004 portant abrogation du décret-loi du 6 mai 1939 relatif au contrôle de la presse étrangère ;

Est d’avis de répondre dans le sens des observations qui suivent :

1° Le décret du 6 mai 1939 relatif au contrôle de la presse étrangère, pris dans le cadre d’une habilitation législative résultant de la loi du 19 mars 1939 accor-dant au Gouvernement des pouvoirs spéciaux, a donné une nouvelle rédaction à l’article 14 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, abrogeant ainsi les dispositions initiales de cet article relatif au contrôle des publications étrangères. Le décret n’a pas été ratifié par le Parlement et a donc conservé une valeur réglementaire.

Par une décision du 7 février 2003, le Conseil d’État statuant au contentieux a jugé que les dispositions issues du décret du 6 mai 1939 étaient incompatibles avec les stipulations de l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et a, en conséquence, annulé le refus du Premier ministre d’abroger ledit décret et ordonné son abrogation.

En exécution de cette décision, le décret no  2004-1044 du 4  octobre 2004 a abrogé le décret du 6 mai 1939.

2° En raison de son caractère rétroactif, l’annulation contentieuse d’un texte qui en avait abrogé un autre a pour conséquence que le texte initial est réputé n’avoir jamais cessé de s’appliquer. En revanche, l’abrogation d’un texte abro-gateur n’est pas, par elle-même, de nature à faire revivre le texte initial. Pour remettre ce texte en vigueur, l’autorité compétente doit prévoir expressément qu’il redevient applicable.

Il convient seulement de réserver le cas où une disposition a pour seul objet d’abroger une disposition qui n’avait elle-même pas eu d’autre objet que d’abroger un texte. Dès lors que le seul effet utile d’une telle disposition est de rendre ce texte à nouveau applicable, elle peut être interprétée comme l’ayant

294 Avis du conseil d’État en 2008

implicitement remis en vigueur. Une telle manière de procéder doit cependant être évitée dans l’intérêt de la clarté de la norme de droit.

3° Eu égard aux règles qui viennent d’être rappelées, il y a lieu de constater qu’en abrogeant le décret du 6 mai 1939, le Premier ministre a mis fin à l’ap-plication des dispositions issues de ce texte mais n’a pas remis en vigueur les dispositions de l’article 14 de la loi du 29 juillet 1881 dans sa rédaction initiale.

Dès lors qu’elles relevaient du domaine de la loi à la date d’intervention du décret du 4 octobre 2004, ces dispositions n’auraient pu redevenir applicables que si elles avaient été édictées à nouveau par le législateur.

Au demeurant, une telle reprise se serait heurtée aux stipulations de l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des liber-tés fondamentales, dès lors que les dispositions en cause instituent un pouvoir d’interdiction de caractère général et absolu et ne précisent pas les motifs pour lesquels ce pouvoir peut s’exercer.

Collectivités territoriales Comptabilité publique et budget Domaine

■ Section de l’intérieur – Avis no 381.088 du 25 mars 2008Région – Loi n° 80-539 du 16 juillet 1980 (article 1er II) – Champ d’applica-tion – Collectivités territoriales et leurs établissements publics – Pouvoirs du Préfet – Inscription d’office d’une dépense ou création d’une ressource – Exé-cution d’un jugement passé en force de chose jugée – Vente d’immeuble.

Région – Vente de biens appartenant au domaine public – Déclassement préa-lable – Avis préalable du service des Domaines.

Exécution du budget – Pouvoirs de substitution du représentant de l’Etat à l’or-donnateur défaillant d’une collectivité territoriale – Modalités – Procédures – Cession d’un bien appartenant au domaine public.

Le Conseil d’État (section de l’intérieur), saisi par la ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales des questions suivantes, relatives à la mise en œuvre des pouvoirs conférés par le II de l’article 1er de la loi no 80-539 du 16 juillet 1980 au représentant de l’État lorsqu’une insuffisance de crédits fait obstacle à l’exécution par une collectivité territoriale d’une condamnation pécuniaire prononcée à son encontre par une décision juridictionnelle passée en force de chose jugée et que l’organe délibérant de la collectivité n’a pas donné suite à une mise en demeure de créer les ressources nécessaires :

1° S’agissant des modalités de cession d’un immeuble par le représentant de l’État :a) l’article L. 3111-1 du code général de la propriété des personnes publiques disposant que les biens du domaine public sont inaliénables et imprescriptibles, le représentant de l’État, lorsqu’il entend procéder à la vente de biens apparte-

295Avis du conseil d’État en 2008

nant au domaine public d’une collectivité territoriale, doit-il au préalable procé-der à leur déclassement afin de les faire entrer dans le domaine privé de celle-ci ?b) le représentant de l’État est-il tenu de respecter certaines des dispositions des articles L. 2241-1, L. 2542-26, L. 3213-2 et L. 4221-4 du code général des collectivités territoriales régissant les cessions d’immeubles ou de droits réels immobiliers par les collectivités territoriales, ou des articles L. 69 et R. 129 à R. 129-5 du code du domaine de l’État régissant la cession des biens mobiliers ou immobiliers de l’État ?c) le représentant de l’État peut-il signer l’acte de vente alors que celui-ci porte sur des éléments patrimoniaux dont les titres sont enregistrés au nom de la col-lectivité territoriale ?d) les délais de mandatement prévus au dernier alinéa de l’article 3-1 du décret no 81-501 du 12 mai 1981 pris pour l’application de la loi no 80-539 du 16 juillet 1980 sont-ils applicables lorsque l’inscription du crédit au budget de la collecti-vité territoriale correspond à une future cession d’actifs immobiliers ? Dans l’af-firmative, un commencement d’exécution des procédures de mise en vente dans ces délais peut-il être regardé comme suffisant à remplir l’obligation que cet ali-néa met à la charge de la collectivité et, le cas échéant, du représentant de l’État ?

2° Le représentant de l’État peut-il, dans le cadre des pouvoirs qui lui sont ainsi reconnus, non seulement faire inscrire un emprunt en recette dans le budget de la collectivité, mais également se substituer le cas échéant à l’ordonnateur défaillant pour souscrire ledit contrat au nom de la collectivité territoriale ? Plus largement, quelles sont les limites du pouvoir de substitution du représentant de l’État s’agissant de l’exécution d’actes qu’implique le budget de la collectivité mais relevant de la compétence de l’ordonnateur défaillant ?

3° Le représentant de l’État détient-il en vertu de la loi no 80-539 du 16 juillet 1980 les mêmes pouvoirs à l’endroit des établissements publics des collectivités territoriales et des groupements de collectivités territoriales ?

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;

Vu le code du domaine de l’État ;

Vu la loi no 80-539 du 16 juillet 1980 modifiée relative aux astreintes pronon-cées en matière administrative et à l’exécution des jugements par les personnes morales de droit public, notamment son article 1er ;

Vu le décret no 81-501 du 12 mai 1981 modifié pris pour l’application de la loi no 80-539 du 16 juillet 1980 relative aux astreintes prononcées en matière administrative et à l’exécution des jugements par les personnes morales de droit public et relatif à la section du rapport et des études du Conseil d’État, notam-ment son article 3-1 ;

Est d’avis de répondre dans le sens des observations qui suivent :

Le II de l’article 1er de la loi susvisée du 16 juillet 1980 dispose que :

« Lorsqu’une décision juridictionnelle passée en force de chose jugée a condamné une collectivité locale ou un établissement public au paiement d’une somme d’argent dont le montant est fixé par la décision elle-même, cette somme doit être mandatée ou ordonnancée dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de justice. À défaut de mandatement ou d’ordonnan-

296 Avis du conseil d’État en 2008

cement dans ce délai, le représentant de l’État dans le département ou l’autorité de tutelle procède au mandatement d’office.

« En cas d’insuffisance de crédits, le représentant de l’État dans le départe-ment ou l’autorité de tutelle adresse à la collectivité ou à l’établissement une mise en demeure de créer les ressources nécessaires ; si l’organe délibérant de la collectivité ou de l’établissement n’a pas dégagé ou créé ces ressources, le représentant de l’État dans le département ou l’autorité de tutelle y pourvoit et procède, s’il y a lieu, au mandatement d’office. »

Les modalités d’application de ces dispositions législatives sont précisées par le décret susvisé du 12 mai 1981. Aux termes des trois derniers alinéas de son article 3-1, applicables lorsque le représentant de l’État ou l’autorité chargée de la tutelle a mis l’organe délibérant de la collectivité territoriale ou de l’établis-sement public en demeure de créer les ressources nécessaires à l’exécution de la décision de justice :

« La collectivité locale ou l’établissement public dispose, pour se conformer à cette mise en demeure, d’un délai d’un mois qui doit être mentionné dans l’acte qui la notifie. Ce délai est porté à deux mois lorsque la dette est égale ou supé-rieure à 5 p. 100 du montant de la section de fonctionnement du budget de la collectivité locale ou d’un établissement public local.

« Lorsque la mise en demeure est restée sans effet à l’expiration de ces délais, le représentant de l’État ou l’autorité chargée de la tutelle procède à l’ins-cription de la dépense au budget de la collectivité ou de l’établissement public défaillant. Il dégage, le cas échéant, les ressources nécessaires soit en réduisant des crédits affectés à d’autres dépenses et encore libres d’emploi, soit en aug-mentant les ressources.

« Si, dans le délai de huit jours après la notification de l’inscription du crédit, la collectivité locale ou l’établissement public n’a pas procédé au mandatement de la somme due, le représentant de l’État ou l’autorité chargée de la tutelle y procède d’office dans le délai d’un mois. »

Ainsi que l’a jugé le Conseil d’État statuant au contentieux dans la décision no 271898 du 18 novembre 2005, le législateur a entendu, en édictant les dis-positions précitées du II de l’article 1er de la loi du 16 juillet 1980, donner au représentant de l’État, en cas de carence d’une collectivité territoriale, et après mise en demeure, le pouvoir de se substituer aux organes de cette collectivité afin de dégager ou de créer les ressources permettant la pleine exécution d’une décision de justice passée en force de chose jugée. Il appartient au représentant de l’État, sous le contrôle du juge, de prendre les mesures nécessaires en tenant compte de la situation de la collectivité et des impératifs d’intérêt général. Peut figurer au nombre de ces mesures la vente de biens appartenant à la collectivité, dès lors qu’ils ne sont pas indispensables au bon fonctionnement des services publics dont elle a la charge.

À l’expiration du délai de mise en demeure prévu à l’article 3-1 du décret du 12 mai 1981, le représentant de l’État devient donc compétent pour prendre des mesures entrant normalement dans les attributions de l’organe délibérant ou de l’organe exécutif de la collectivité. Toutefois, en l’absence même de disposi-tions législatives ou réglementaires le prévoyant, il lui appartient, afin d’assurer la conciliation entre l’intérêt qui s’attache à l’exécution des décisions de jus-

297Avis du conseil d’État en 2008

tice et le respect dû à la libre administration des collectivités territoriales, de mettre l’organe délibérant à même de donner un avis sur les mesures envisagées lorsqu’elles relèveraient normalement de sa compétence.

1° S’agissant de la cession d’un immeuble appartenant à la collectivité territo-riale défaillante :

a) Aux termes de l’article L.  2111-1 du code général de la propriété des per-sonnes publiques, applicable sous réserve de dispositions législatives spéciales, le domaine public de l’État, des collectivités territoriales et de leurs groupements, ainsi que des établissements publics, « est constitué des biens leur appartenant qui sont soit affectés à l’usage direct du public, soit affectés à un service public pourvu qu’en ce cas ils fassent l’objet d’un aménagement indispensable à l’exé-cution des missions de ce service public ». L’article L. 2141-1 du même code dis-pose qu’un bien « qui n’est plus affecté à un service public ou à l’usage direct du public, ne fait plus partie du domaine public à compter de l’intervention de l’acte administratif constatant son déclassement ». Et l’article L. 3111-1 prévoit que les biens du domaine public « sont inaliénables et imprescriptibles ».

Il résulte de ces dispositions législatives, auxquelles le II de l’article 1er de la loi du 16 juillet 1980 ne déroge pas, que les organes compétents d’une collectivité territoriale ne sauraient, pour dégager les ressources nécessaires à l’exécution d’une décision de justice, procéder à la cession d’un immeuble qui continue-rait de relever du domaine public. La cession n’est légalement possible que si l’organe compétent a préalablement mis fin à l’affectation de l’immeuble à un service public ou à l’usage du public et constaté son déclassement.

Les mêmes règles s’appliquent au représentant de l’État lorsqu’il se trouve substitué dans les attributions des organes de la collectivité territoriale à la suite d’une mise en demeure, non suivie d’effet, de dégager des ressources. Le pou-voir de substitution du représentant de l’État s’étend à la décision de mettre fin à l’affectation de l’immeuble à un service public ou à l’usage du public et à la constatation de son déclassement.

b) Aux termes du troisième alinéa de l’article L. 2241-1 du code général des col-lectivités territoriales : « Toute cession d’immeubles ou de droits réels immobiliers par une commune de plus de 2 000 habitants donne lieu à délibération motivée du conseil municipal portant sur les conditions de la vente et ses caractéristiques essentielles. Le conseil municipal délibère au vu de l’avis de l’autorité compé-tente de l’État. Cet avis est réputé donné à l’issue d’un délai d’un mois à compter de la saisine de ce service ». Des dispositions équivalentes figurent au premier alinéa des articles L. 3213-2 et L. 4221-4 du code général des collectivités territo-riales, qui prévoient, respectivement, que le conseil général et le conseil régional délibèrent, au vu d’un avis de l’autorité compétente de l’État, des cessions d’im-meubles et de droits immobiliers par le département et par la région.

Ces dispositions demeurent applicables lorsque le représentant de l’État se trouve substitué dans les compétences des organes d’une collectivité territoriale en application du II de l’article 1er de la loi du 16 juillet 1980. Toutefois, la déli-bération prévue par le code général des collectivités territoriales n’a pas dans ce cas une portée décisoire et ne lie pas le représentant de l’État mais revêt le caractère d’un avis.

298 Avis du conseil d’État en 2008

Il appartient donc au représentant de l’État d’inviter l’organe délibérant à se prononcer, au vu de l’avis du service des domaines, sur les conditions de la vente et ses caractéristiques essentielles. Tant l’avis de l’organe délibérant que la décision du représentant de l’État doivent être motivés.

Les articles R. 129 à R. 129-5 du code du domaine de l’État concernent exclu-sivement l’aliénation des immeubles relevant du domaine privé de l’État. Leurs dispositions ne sont donc pas applicables lorsque le représentant de l’État décide la cession d’un immeuble appartenant à une collectivité territoriale.

c) Le pouvoir de substitution du représentant de l’État s’étend, en tant que de besoin, à l’ensemble des actes nécessaires à la mise en œuvre des mesures qu’il a décidées, et notamment à la signature d’actes de vente.

d) Lorsque le représentant de l’État a décidé la cession d’un bien immobilier de la collectivité territoriale, il lui appartient, dès que le produit de cette cession a été encaissé, d’inscrire au budget de la collectivité un crédit du même montant ainsi que la dépense correspondant à l’exécution de la décision de justice. Si la collectivité n’a pas procédé au mandatement de la somme due dans le délai de huit jours après la notification de l’inscription du crédit, le représentant de l’État doit, en application du dernier alinéa de l’article 3-1 du décret du 12 mai 1981, y procéder d’office dans le délai d’un mois.

2° Lorsque les conditions de la substitution sont réunies, le représentant de l’État est compétent pour prendre toute décision ayant pour objet l’exécution de la déci-sion de justice, qui aurait pu légalement être prise par l’organe délibérant ou par l’organe exécutif de la collectivité. Ainsi qu’il a été dit, il lui appartient, en tant que de besoin, de prendre l’ensemble des actes nécessaires à la mise en œuvre des mesures qu’il a décidées, y compris les actes d’exécution du budget qui entrent dans les attributions de l’ordonnateur et que ce dernier s’abstiendrait d’accomplir.

Par suite, en cas de recours à l’emprunt, le représentant de l’État serait compé-tent tant pour inscrire l’emprunt en recette dans le budget de la collectivité que pour souscrire le contrat de prêt en lieu et place de l’ordonnateur défaillant.

3° Il résulte des termes même du II de l’article 1er de la loi du 16 juillet 1980 que ses dispositions concernent les collectivités territoriales et les établissements publics. Par suite, les groupements de collectivités territoriales dotés de la per-sonnalité morale et les établissements publics qui dépendent de ces collectivités entrent dans leur champ d’application.

Comptabilité publique et budget

■ Assemblée générale – Avis no 381.365 du 27 mars 2008Budgets – Loi de programmation des finances publiques – Conditions et contenu – Supports législatifs envisageables – Loi de programme – Loi de plan.

Le Conseil d’État, saisi par le Premier ministre de questions relatives à l’éla-boration d’un projet de loi de programmation des finances publiques pour la période 2009-2011, aux conditions et au contenu de cette programmation ainsi qu’aux supports législatifs envisageables,

299Avis du conseil d’État en 2008

Vu la Constitution ;

Vu le Traité instituant la Communauté européenne ;

Vu le Code de la sécurité sociale ;

Vu le Code général des collectivités territoriales ;

Vu la loi organique no  2001-692 du 1er  août 2001 relative aux lois de finances, ensemble la décision no 2001-448 DC du 25 juillet 2001 du Conseil constitutionnel ;

Vu la loi no  82-693 du 29  juillet 1982 portant réforme de la planification, ensemble la décision no 82-142 du 27 juillet 1982 du Conseil constitutionnel ;

Est d’avis de répondre dans le sens des observations qui suivent :

1° Le projet de loi envisagé par le Gouvernement comporterait, pour la période 2009-2011, une programmation en recettes, en dépenses et en solde de l’en-semble des finances publiques, c’est-à-dire de l’ensemble des « administrations publiques » au sens de la comptabilité nationale. Le champ de la programmation couvrirait ainsi, outre l’État, les organismes chargés de la sécurité sociale, les collectivités territoriales, les établissements publics à caractère administratif, le régime d’assurance chômage ainsi que les régimes complémentaires d’as-surance vieillesse des salariés, c’est-à-dire des personnes morales distinctes de l’État, à l’égard desquelles le Parlement intervient sur des bases juridiques et selon des procédures différentes.

Alors qu’en vertu du dix-neuvième alinéa de l’article 34 de la Constitution, les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l’État, le même article prévoit, d’une part, en son vingtième alinéa, que les lois de financement de la sécurité sociale déterminent les conditions générales de son équilibre financier et fixent, compte tenu de leurs prévisions de recettes, les objectifs de dépenses, d’autre part, en son quatorzième alinéa, que la loi détermine les prin-cipes fondamentaux de la libre administration des collectivités territoriales et de leurs ressources.

Par ailleurs si le législateur intervient pour fixer le cadre général de l’activité des autres services publics administratifs et leur affecter, le cas échéant, le produit d’impositions de toute nature, dans les conditions prévues par les articles 2, 34, 36 et 51 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), il ne fixe pas leur budget et ne leur assigne pas d’objectif de dépense.

L’hétérogénéité, sur le plan juridique, des données financières, notamment des charges, qui feraient l’objet de la programmation ne constitue pas, il est vrai, par elle-même, un obstacle de principe à l’établissement d’une programmation plu-riannuelle des finances publiques. On observera, d’ailleurs, que les articles 48, 50 et 52 de la LOLF ainsi que les articles LO. 111-4 et LO. 111-5-2 du code de la sécurité sociale prévoient d’ores et déjà, en vue d’assurer l’information et le contrôle du Parlement, le dépôt de différents rapports relatifs à l’évolution des prélèvements obligatoires, aux orientations des finances publiques ainsi qu’à leurs perspectives d’évolution pour au moins les quatre années suivant celle du dépôt du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il convient, toutefois, de relever la difficulté et les limites d’une programmation, même circonscrite à un horizon triennal, dès lors que sont en cause des crédits limitatifs, comme c’est en principe le cas des crédits du bud-

300 Avis du conseil d’État en 2008

get de l’État, des dépenses évaluatives, comme c’est le cas des dépenses de la sécurité sociale ou encore des charges dont l’État n’a qu’une maîtrise indirecte, comme c’est le cas des autres administrations publiques.

2° Selon les indications fournies au Conseil d’État, le projet de loi de program-mation comporterait trois volets. Le premier volet ferait apparaître, de façon indicative, la « trajectoire » précise d’évolution des finances publiques pour les trois ans. Le deuxième volet déterminerait, pour chaque année, des plafonds impératifs pour les différentes missions et pour l’ensemble du budget de l’État. Enfin, le troisième volet décrirait les orientations et les réformes structurelles à engager, dans les différents domaines des finances publiques, ce volet pouvant, en tant que de besoin, comporter l’énoncé de certaines règles de gouvernance des finances publiques.

Il convient, en premier lieu, de relever que le principe de l’annualité budgétaire, dont le Conseil constitutionnel a reconnu la valeur constitutionnelle en tant qu’il découle de l’article 47 de la Constitution et répond au double impératif d’as-surer la clarté des comptes de l’État et de permettre un contrôle efficace par le Parlement, impose comme l’a prévu la LOLF que la loi de finances se prononce chaque année sur l’ensemble des recettes et des charges de l’État afférentes à l’année suivante. Ce même principe fait obstacle à ce que le législateur, fût-il le législateur organique, confère un caractère impératif à des plafonds de dépenses établis pluriannuellement ou même prévoie que, sauf dispositions contraires de la loi de finances de l’année, de tels plafonds pluriannuels s’imposeront par eux-mêmes, année après année.

Il convient, en second lieu, d’observer que le principe, dégagé par la jurispru-dence du Conseil constitutionnel, selon lequel les énoncés non normatifs ne sauraient faire l’objet d’un vote au Parlement, sauf exception prévue par la Constitution elle-même, interdit de recourir à une loi ordinaire pour définir les orientations contenues dans la programmation. Seuls, en principe, les lois de programme, les lois de plan ainsi que les rapports annexés aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale sont susceptibles d’échapper à la prohibition des énoncés non normatifs.

3° Depuis l’abrogation de l’ordonnance no 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances et faute que la LOLF ait repris la dis-position relative aux lois de programme qui figurait dans cette ordonnance, la définition des lois de programme est purement constitutionnelle et résulte de l’avant-dernier alinéa de l’article 34 de la Constitution aux termes duquel les « lois de programme déterminent les objectifs de l’action économique et sociale de l’État ».

Il est vrai que le critère de la matière économique et sociale permet de couvrir un champ assez vaste de l’action de l’État et que l’action économique et sociale de l’État est largement conditionnée par les moyens financiers dégagés année après année à cet effet par le budget de l’État et par la sécurité sociale.

Mais force est de constater qu’une loi de programmation, telle que l’envisage le Gouvernement, d’une part définit des moyens et des ressources bien plus que des objectifs, d’autre part couvre l’ensemble des administrations publiques au sens de la comptabilité nationale ou du programme de stabilité et pas seulement l’État, enfin présente un caractère principalement financier qui ne correspond qu’imparfaitement à la notion d’action économique et sociale. Ainsi une loi de

301Avis du conseil d’État en 2008

programmation pluriannuelle des finances publiques pourrait difficilement être regardée comme déterminant « les objectifs de l’action économique et sociale de l’État » au sens de l’article 34 de la Constitution.

4° Le recours à une loi de plan, catégorie reconnue par le Conseil constitution-nel, paraît, en revanche, une voie mieux appropriée pour définir sur trois ans le cadre général et les orientations applicables à l’ensemble des finances des administrations publiques.

Si la loi de plan a pu, dans le passé, se voir assigner un objet large, touchant à de nombreux aspects du développement de la nation, rien n’interdit que son objet soit circonscrit à des actions stratégiques pour la vie du pays.

Si, par ailleurs, l’article 70 de la Constitution prévoit que les plans sont soumis au Conseil économique et social, cette disposition, pas plus que celles de l’or-donnance no 58-1360 du 29 décembre 1958 portant loi organique relative au Conseil économique et social, ne saurait être interprétée comme limitant l’objet des plans à la matière économique et sociale et excluant par suite de cet objet la matière des finances publiques. Si le Gouvernement entendait poursuivre dans cette voie et déposer un projet de loi de plan, il lui serait loisible de déroger, en tant que de besoin, aux dispositions de la loi no 82-653 du 29 juillet 1982 portant réforme de la planification, qui lui paraîtraient inappropriées à l’objet stricte-ment financier de la loi de plan portant programmation des finances publiques. En revanche, le Gouvernement devrait se conformer à l’exigence de consulta-tion du Conseil économique et social posée par l’article 70 de la Constitution.

5° En la forme, une telle loi de plan portant programmation des finances publiques, intervenant sur le fondement de l’article 70 précité, pourrait recevoir la qualification de « loi de plan », sans qu’il soit besoin que le titre de la loi men-tionne la catégorie juridique à laquelle elle se rattacherait. Quant à sa portée et à son contenu, une loi de plan pourrait comporter toutes prévisions, indications ou orientations permettant de caractériser l’évolution des finances publiques durant la période couverte ainsi que la ventilation des ressources et des charges entre les différentes catégories d’administrations publiques. Elle pourrait naturelle-ment, eu égard à son objet, intégrer ou reprendre tout ou partie des hypothèses et données économiques, budgétaires ou financières, qui ont vocation par ailleurs à figurer dans les rapports annuels prévus aux articles 48, 50 et 52 de la LOLF ainsi qu’aux articles LO. 111-4 et LO. 111-5-2 du code de la sécurité sociale.

S’agissant de l’État et ainsi qu’il a été dit ci-dessus, la description de l’évolu-tion des plafonds des différentes missions pourrait figurer dans une loi de plan portant programmation des finances publiques sans empiéter sur le domaine exclusif des lois de finances mais serait dépourvue de tout caractère impératif. Il en va de même de l’utilisation des surplus de recettes : la loi de programmation pourrait définir des orientations quant à l’affectation de surplus éventuels durant les trois ans mais ne pourrait pas fixer de règles en la matière, une telle compé-tence relevant exclusivement des lois de finances annuelles dans les conditions prévues au 10° du I de l’article 34 de la LOLF.

S’agissant de la sécurité sociale, une loi de plan portant programmation des finances publiques pourrait, afin d’expliciter l’évolution prévue pour les dépenses, définir les orientations qu’il paraîtrait souhaitable de faire prévaloir en l’espèce. Toutefois ces orientations ne pourraient s’imposer aux lois de finan-cement de la sécurité sociale qui, en vertu du C du I de l’article LO. 111-3 du

302 Avis du conseil d’État en 2008

code de la sécurité sociale, doivent déterminer, chaque année et de manière sincère, les conditions générales de l’équilibre financier de la sécurité sociale.

S’agissant, enfin, des collectivités territoriales, il convient de rappeler que le troisième alinéa de l’article 72-2 de la Constitution dispose que : « Les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales repré-sentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l’en-semble de leurs ressources. La loi organique fixe les conditions dans lesquelles cette règle est mise en œuvre », qu’aux termes de l’article LO. 1114-3 du code général des collectivités territoriales : « Pour chaque catégorie, la part des res-sources propres ne peut être inférieure au niveau constaté au titre de l’année 2003 » et qu’aux termes de l’article LO. 1114-4 du même code : « Si, pour une catégorie de collectivités territoriales, la part des ressources propres ne répond pas aux règles fixées à l’article LO. 1114-3, les dispositions nécessaires sont arrêtées, au plus tard, par une loi de finances pour la deuxième année suivant celle où ce constat a été fait. »

S’il apparaît possible qu’une loi de plan portant programmation des finances publiques fixe une règle d’indexation des concours financiers versés par l’État aux collectivités territoriales sur la norme d’évolution des dépenses de l’État, une telle règle ne saurait lier le législateur financier ou le législateur ordinaire, qui pourrait toujours y déroger. En tout état de cause, l’énoncé de la règle d’indexation devrait expressément réserver le cas où serait appelé à jouer le mécanisme de correction prévu à l’article LO. 1114-4 du code général des col-lectivités territoriales.

6° Dans l’hypothèse où le Gouvernement souhaiterait conférer un fondement organique à la programmation triennale des finances publiques, les habilitations données, par les dix-neuvième et vingtième alinéas de l’article  34 ainsi que par les articles 47 et 47-1 de la Constitution, au législateur organique de fixer le régime des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale permettraient de mettre en œuvre deux dispositifs :

a) Il pourrait être inséré, au titre V de la LOLF « De l’information et du contrôle sur les finances publiques » une disposition complétée par un texte de coordi-nation introduit à l’article LO. 111-4 du code de la sécurité sociale, prévoyant que serait joint, une fois tous les trois ans, au projet de loi de finances un rapport établissant une programmation triennale des finances publiques, ce rapport fai-sant l’objet d’un débat devant l’Assemblée nationale et le Sénat avant la mise en discussion du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale de l’année correspondant à la première année de la program-mation. Cette disposition organique, devrait, afin de préserver l’annualité bud-gétaire, explicitement prévoir que la programmation est établie sans préjudice des autres dispositions organiques régissant les lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale des années couvertes par la programmation.

ou

b) L’article 34 de la LOLF pourrait aussi être modifié, afin de prévoir le dépôt, tous les trois ans, d’une annexe au projet de loi de finances établissant, à titre indicatif, une programmation des finances publiques qui ferait apparaître, pour chaque année le montant de dépenses (y compris pour l’État une ventilation des dotations des différentes missions), le montant des recettes et le montant des besoins ou capacités de financement et exposant le contenu et l’impact

303Avis du conseil d’État en 2008

des mesures structurelles envisagées par le Gouvernement pour respecter la programmation.

Ces deux solutions présentent l’avantage de ne bouleverser ni la procédure, ni le calendrier de préparation du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

7° Si Le Gouvernement estimait opportun de disposer d’une loi spéciale cou-vrant l’ensemble des finances publiques, les habilitations au législateur orga-nique, prévues par les dix-neuvième et vingtième alinéas de l’article 34 de la Constitution ainsi que par les articles 47 et 47-1 de la Constitution, ne suffiraient pas à donner une base juridique adéquate au législateur organique. Il faudrait alors se fonder sur le dernier alinéa de l’article 34 de la Constitution, au terme duquel « les dispositions du présent article peuvent être précisées et complétées par une loi organique ». Sur cette base, une loi organique pourrait venir préci-ser et compléter l’avant-dernier alinéa du même article 34 afin de prévoir que des lois de programme peuvent intervenir afin d’établir une programmation des finances publiques. Toutefois, ainsi qu’il a été dit au 2° ci-dessus, cette loi de programme ne pourrait revêtir un caractère impératif liant le législateur finan-cier ni s’affranchir du principe constitutionnel de l’annualité.

8° Le présent avis, rendu à cadre constitutionnel constant, ne préjuge pas de la position que le Conseil d’État sera appelé à prendre lors de l’examen de l’ar-ticle 12 du projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République qui vient modifier l’avant-dernier alinéa de l’article 34 de la Constitution.

Contrats administratifs Fonctionnaires et agents publics

■ Section des finances – Avis no 381.097 du 11 mars 2008Agents contractuels – Reconduction du contrat pour une durée indéterminée – Loi du 26 juillet 2005 (article 20) – Notion de contrats successifs – Transfert d’une administration à une autre.

Le Conseil d’État (section des finances) saisi par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique d’une demande d’avis sur les ques-tions suivantes :

1° Faut-il considérer que des contrats conclus successivement au titre d’un département ministériel puis d’un autre sont des contrats successifs, dans la mesure où l’État ne constitue qu’une seule et même personne morale et donc un employeur unique ou, au contraire, y a-t-il lieu de considérer qu’un ministre recrutant un agent non titulaire dans le cadre de ses pouvoirs de chef de service n’engage que le seul département ministériel dont il a la charge ?

a) Dans l’hypothèse où il serait répondu qu’un contrat dans un nouveau minis-tère ferait naître une nouvelle période de six ans, y aurait-il lieu de faire excep-tion à cette lecture, et d’estimer que le contrat se poursuit ou que les contrats

304 Avis du conseil d’État en 2008

sont successifs, dans l’hypothèse où un agent aurait été recruté dans un service transféré sous l’autorité d’un ministre différent de celui qui l’avait recruté ?

b) La même question se pose pour les agents recrutés au sein de l’État ou de ses établissements publics administratifs en application de l’article 20 de la loi du 26 juillet 2005.

c) Doit-on prendre en compte la durée du contrat de droit privé en cours à la date du transfert pour le décompte de la période de six années permettant la reconduction du contrat pour une durée indéterminée ?

2° Le caractère successif des deux contrats au sens de l’article  4 précité de la loi du 11 janvier 1984 ne semble pas douteux lorsque le second est conclu pour remplir les mêmes fonctions ou faire face aux mêmes besoins que ceux ayant justifié le recrutement initial. Mais dans l’hypothèse où les fonctions exer-cées ne sont plus les mêmes, pour déterminer s’il s’agit de la reconduction du même contrat, faut-il retenir une approche fonctionnelle, par métier (familles ou filières), par niveau de responsabilité ou par qualification requise ou bien faut-il considérer qu’il existe autant de fonctions que de postes occupés par un agent non titulaire et par voie de conséquence estimer qu’une reconduction n’intervient que pour l’exercice de la fonction décrite dans le premier contrat ?

3° Dans le cas particulier du recrutement d’un agent non titulaire pour faire face à une vacance d’emploi, qu’en est-il de l’enchaînement de deux contrats pour faire face à deux vacances d’emplois différentes ?

4° Des contrats conclus successivement sur le fondement du 1° puis du 2° de l’article 4 de la loi du 11 janvier 1984 doivent-ils ou non être considérés comme successifs au sens de cet article ?

5° De la même manière, qu’en est-il de contrats conclus successivement sur le fondement du premier et du second alinéa de l’article 6 ? Et de contrats conclus successivement sur le fondement de ces deux articles ?

6° Enfin, comment considérer des contrats qui seraient conclus au-delà des durées maximales autorisées par l’article 6 de la loi du 11 janvier 1984 précitée (douze mois sur douze) et renouvelés sans interruption d’une année sur l’autre ? Peuvent-ils conduire à la reconduction dudit contrat pour une durée indétermi-née en dépit de l’illégalité des renouvellements ?

7° Doit-on considérer que dès lors qu’un laps de temps sépare deux contrats, ils ne sont pas successifs au sens de l’article 4 ou bien faut-il que ce laps de temps soit d’une durée suffisamment longue pour caractériser l’existence d’un nouveau recrutement ?

Vu la Constitution, notamment son article 88-1 ;

Vu la directive 1999/70 du Conseil du 28 juin 1999 concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée, ensemble l’arrêt C 212 /04 du 4 juillet 2006 de la Cour de justice des Communautés européennes ;

Vu la loi no 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État, notamment ses articles 4, 6 et 7 ;

Vu la loi no 2005-843 du 26 juillet 2005 portant diverses mesures de transposi-tion du droit communautaire à la fonction publique, notamment son article 20 ;

305Avis du conseil d’État en 2008

Vu le décret no 86-83 du 17 janvier 1986 modifié relatif aux dispositions appli-cables aux agents non titulaires de l’État pris pour l’application de l’article 7 de la loi no 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État, notamment ses articles 4, 6 et 7 ;

Est d’avis de répondre dans le sens des observations suivantes :

La directive 1999/70 du Conseil du 28 juin 1999 vise à mettre en œuvre l’ac-cord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée. Aux termes de la clause 5 de cet accord :

1° Afin de prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs, les États membres, après consultation des partenaires sociaux, conformément à la législation, aux conventions collec-tives et pratiques nationales, et/ou les partenaires sociaux, quand il n’existe pas de mesures légales équivalentes visant à prévenir les abus, introduisent d’une manière qui tienne compte des besoins de secteurs spécifiques et/ou catégories de travailleurs, l’une ou plusieurs des mesures suivantes :a) des raisons objectives justifiant le renouvellement de tels contrats ou relations de travail ;b) la durée maximale totale de contrats ou relations de travail à durée détermi-née successifs ;c) le nombre de renouvellements de tels contrats ou relations de travail.

2° Les États membres, après consultation des partenaires sociaux et/ou les par-tenaires sociaux, lorsque c’est approprié, déterminent sous quelles conditions les contrats ou relations de travail à durée déterminée :a) sont considérés comme « successifs » ;b) sont réputés conclus pour une durée indéterminée.

D’une part, il résulte des termes de l’article 4 de la loi du 11 janvier 1984 susvi-sée, dans sa rédaction issue de la loi no 2005-843 du 26 juillet 2005 transposant la directive, que les agents contractuels recrutés sur le fondement de cet article « sont engagés par des contrats à durée déterminée d’une durée maximale de trois ans. Ces contrats sont renouvelables, par reconduction expresse. La durée des contrats successifs ne peut excéder six ans » et que « si, à l’issue de cette période maximale de six ans, ces contrats sont reconduits, ils ne peuvent l’être que par décision expresse et pour une durée indéterminée ».

D’autre part, cette même mesure a été introduite par le décret no 2007-338 du 12 mars 2007 à l’article 6 du décret du 17 janvier 1986 pris pour l’application du premier alinéa de l’article 6 de la loi du 11 janvier 1984, relatif aux contrats à durée déterminée conclus pour occuper des fonctions qui, correspondant à un besoin permanent, impliquent un service à temps incomplet.

Il apparaît ainsi que, pour transposer la directive précitée, la France a mis en œuvre le b) du 1. de la clause 5 de l’accord-cadre. Il est ainsi approprié, au sens du 2 de la même clause, qu’elle détermine également sous quelles conditions les contrats ou relations de travail à durée déterminée sont considérés comme « successifs ».

La demande d’avis du Gouvernement doit ainsi être regardée comme relative à la transposition du a) du 2 de la clause 5 de l’accord-cadre et être examinée à la lumière de ces stipulations.

306 Avis du conseil d’État en 2008

Il résulte des termes des articles 4 et 6 de la loi du 11 janvier 1984 portant dis-positions statutaires relatives à la fonction publique de l’État qui, par déroga-tion au principe posé par l’article 3 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et selon lequel les emplois civils permanents de l’État ne peuvent être pourvus que par des fonctionnaires, prévoient les cas dans lesquels il peut être recouru aux services d’agents non titulaires, qu’il s’agit de répondre à un besoin d’organisation du service.

Il ressort par ailleurs des termes de l’accord-cadre, que l’utilisation des contrats de travail à durée déterminée basée sur des raisons objectives est un moyen de prévenir les abus et que, de même, des raisons objectives doivent justifier le renouvellement de tels contrats ou relations de travail ; il ressort en outre de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes que le recours au contrat à durée déterminée doit être justifié par l’existence d’élé-ments concrets tenant notamment à l’activité en cause et aux conditions de son exercice.

1° Ainsi, au sein de l’État, un contrat conclu au titre d’un département minis-tériel doit être considéré comme successif d’un contrat précédemment conclu au titre d’un autre département ministériel, sauf si les clauses, et en particu-lier l’objet de la mission et la nature des fonctions, sont modifiées de façon substantielle.

En revanche, dès lors que le nouveau contrat est conclu avec une autre personne morale, exception faite d’un transfert d’autorité ou de compétences organisé par les lois et règlements, ce contrat ne peut être regardé comme succédant au contrat initial.

a) Il résulte de ce qui précède que, dans l’hypothèse où un agent aurait été recruté dans un service transféré, postérieurement à la conclusion du contrat, sous l’autorité d’un ministre différent de celui qui l’avait recruté, et où l’objet même du contrat ne serait pas modifié, c’est le même contrat qui se poursuit.

b) Cette même analyse peut être transposée lorsque l’activité d’une entité éco-nomique employant des salariés de droit privé est reprise, par transfert, dans le cadre d’un service public administratif, par une personne publique qui est alors tenue de proposer à ces salariés, en application de l’article 20 de la loi du 26 juillet 2005, un contrat de droit public, à durée déterminée ou indéterminée selon la nature du contrat dont ils sont titulaires.

c) S’agissant de la prise en compte de la durée du ou des contrats, pour déter-miner la période à l’issue de laquelle un contrat à durée déterminée ne pourra être reconduit que sous la forme d’un contrat à durée indéterminée, il convient d’examiner si la nature des fonctions pour l’exercice desquelles l’agent aura été initialement recruté justifie le renouvellement du contrat sur le fondement, selon le cas, de l’article 4 ou de l’article 6 de la loi du 11 janvier 1984. Dans l’hypothèse d’une réponse positive, la période initialement accomplie, le cas échéant sous le régime de droit privé, doit être comptabilisée dans la période de six ans mentionnée, selon le cas, soit par l’article 4 de la loi, soit par l’article 6 du décret du 17 janvier 1986.

2° Il y a contrats successifs lorsque l’objet du renouvellement est d’exercer des « fonctions de même nature », ce qui implique, pour l’essentiel, que : 1) la nouvelle mission réponde à un besoin analogue à celui pour lequel l’agent a été

307Avis du conseil d’État en 2008

initialement recruté ; 2) les fonctions proposées soient d’un niveau comparable à celui des fonctions qu’il exerçait précédemment.

3° Lorsqu’un agent non titulaire est recruté pour faire face à des vacances d’em-plois déterminées, les contrats successivement conclus pour faire face à ces vacances différentes doivent être regardés comme une succession de contrats, au sens du droit du travail et de la jurisprudence de la Cour de cassation, et non comme des contrats successifs au sens de la directive.

Cette succession de contrats ne peut toutefois avoir pour effet de pourvoir dura-blement à un emploi permanent de l’administration concernée.

4° Des contrats conclus successivement sur le fondement du 1° puis du 2° de l’article  4 de la loi du 11  janvier 1984 peuvent être considérés comme suc-cessifs lorsque sont satisfaites les caractéristiques mentionnées au 2° du pré-sent avis, à savoir que le deuxième contrat réponde à un besoin analogue à celui qui a motivé la conclusion du premier contrat et que les fonctions propo-sées soient d’un niveau comparable à celui des fonctions que l’agent exerçait précédemment.

5° Les contrats conclus sur le fondement du premier, puis du second alinéa de l’article 6 de la loi du 11  janvier 1984 sont, compte tenu de leurs caractéris-tiques respectives en termes de durée, de nature substantiellement différente. Ils pourraient toutefois être considérés, aux cas particuliers, comme successifs, dès lors que les fonctions exercées seraient de même nature au sens du 2° du présent avis.

Cette même analyse peut être transposée aux contrats conclus successivement sur le fondement des articles 4 et 6 de la loi du 11 janvier 1984.

6° Aux termes de l’article 7 du décret du 17 janvier 1986, les contrats conclus en application du second alinéa de l’article 6 de la loi du 11 janvier 1984 ne peuvent excéder une durée totale, au cours d’une période de douze mois consé-cutifs, renouvellements compris, de six mois pour l’exercice de fonctions correspondant à un besoin saisonnier et de dix mois pour l’exercice de fonc-tions correspondant à un besoin occasionnel. En conséquence, des contrats qui seraient conclus au-delà des durées maximales autorisées pour l’application du second alinéa de l’article 6 de la loi du 11 janvier 1984, qu’ils soient renouvelés sans interruption d’une année sur l’autre ou non, sont illégaux.

Il n’existe, ni dans l’article 6 de la loi du 11 janvier 1984, ni dans l’article 6 du décret du 17 janvier 1986, de règle répondant à la question posée par le Gouver-nement. En l’absence de dispositions législatives ou réglementaires, l’illégalité des recrutements et des renouvellements a pour seule conséquence d’engager la responsabilité de l’administration, mais ne saurait avoir pour effet de pérenniser la situation des agents concernés.

7° La rédaction, tant de l’article  4 de la loi du 11  janvier 1984 que de l’ar-ticle 6 du décret du 17  janvier 1986, implique en principe une continuité du lien contractuel. Un laps de temps entre deux contrats caractérise une rupture de ce lien, sans que la durée de cette rupture puisse avoir une influence sur la qualification du deuxième contrat comme successif ou pas du premier. Il en va autrement s’il apparaît que l’intervalle entre deux contrats n’est qu’un mode d’organisation de la poursuite de la relation contractuelle.

308 Avis du conseil d’État en 2008

Le Conseil d’État (section des finances), tenant compte, d’une part, de l’objet, de la finalité et de l’effet utile de la directive susvisée, d’autre part des besoins particuliers de l’État quant au recours, pour pourvoir à des emplois publics, à des agents non titulaires sous contrat à durée déterminée, est en conséquence d’avis que, pour parfaire la transposition de la directive 1999/70/CE du 28 juin 1999, la notion de « contrats successifs » doit être précisée dans l’ordre juridique interne et définie comme un contrat faisant suite à un contrat initialement conclu entre les mêmes personnes et présentant les caractéristiques mentionnées au 2° du présent avis, à savoir l’exercice de fonctions analogues et d’un niveau com-parable à celles exercées précédemment.

Domaine Poste et Communications électroniques

■ Section des travaux publics – Avis no 381.124 du 22 janvier 2008Communications électroniques – Téléphonie mobile – 4° licence – Égalité de traitement des titulaires de licence – Domaine public – Redevance – Montant – Étalement du paiement.

Le Conseil d’État, saisi par le ministre de l’économie, des finances et de l’em-ploi de questions relatives aux modalités retenues pour l’attribution d’une 4e licence de téléphonie mobile de « troisième génération », et notamment des questions de savoir :1° Si on peut concevoir, sans porter atteinte au principe d’égalité, de faire bénéfi-cier le 4e opérateur sélectionné de conditions plus favorables sur le plan financier ?2° Si oui, quels sont les paramètres, notamment économiques, qui permettent de caractériser, de façon objective, la différence de situation entre les trois titulaires initiaux et le 4e entrant ? Comment apprécier si cette différence de traitement est proportionnée à la différence objective de situation ?3° Si la détermination de redevances différentes (plus basses ou à paiements différés) pour le 4e entrant peut constituer une réponse satisfaisante ?

Vu la directive 97/13/CE du 10 avril 1997 relative à un cadre commun pour les autorisations générales et les licences individuelles dans le secteur des services de télécommunications ;

Vu la directive 2002/20/CE du 7 mars 2002 relative à l’autorisation de réseaux et de services de communications électroniques ;

Vu le code du domaine de l’État ;

Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;

Vu le code des postes et des communications électroniques ;

Vu la loi no  86-1067 du 30  septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication ;

309Avis du conseil d’État en 2008

Est d’avis qu’il y a lieu de répondre aux questions posées dans le sens des observations suivantes :

Le Parlement européen et le Conseil ont adopté le 14 décembre 1998 une déci-sion en vue de l’introduction effective et simultanée au 1er  janvier 2002 des services de téléphonie mobile de troisième génération (3G). Le choix fait dès l’origine par le Gouvernement français a été de prévoir quatre autorisations pour l’établissement et l’exploitation d’un réseau 3G.

Le premier appel à candidatures lancé le 28 juillet 2000 a été partiellement infruc-tueux puisque sur quatre licences proposées, il n’en a été délivré que deux : l’une à France Telecom, l’autre à SFR. Ce résultat était notamment dû à un retournement de la situation économique des opérateurs et au montant élevé des redevances alors proposées. Le I de l’article 36 de la loi de finances pour 2001 prévoyait le versement d’une redevance de 32,5 milliards de F (4,955 milliards d’euros) par chaque opérateur, 50 % de cette somme devant être versée entre le 30 septembre 2001 et le 31 décembre 2002 et le solde faisant l’objet d’échéances annuelles.

Un deuxième appel à candidatures a été lancé le 29 décembre 2001, les condi-tions financières ayant été revues à la baisse et la durée des licences allongée de quinze à vingt ans pour tenir compte de l’évolution de la situation écono-mique. L’article 33 de la loi de finances pour 2002 prévoyait que la redevance se décomposerait en un premier versement, de 619 millions d’euros et une part variable versée chaque année, exprimée en pourcentage du chiffre d’affaires et fixée par le cahier des charges du nouvel opérateur à 1 %. À l’issue de cet appel, une troisième licence a été attribuée à Bouygues Telecom. Les mêmes condi-tions financières (versement d’une part fixe de 619 M€ la première année et d’une part variable de 1 % du chiffre d’affaires chaque année) ont été appliquées rétroactivement aux deux premiers opérateurs retenus.

Un troisième appel à candidatures a été lancé le 8 mars 2007 pour l’attribu-tion d’une quatrième licence de téléphonie mobile selon les mêmes modalités financières que celles faites aux trois autres opérateurs. L’autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) a rejeté, le 9 octobre 2007, la seule candidature reçue, celle de la société Free Mobile, au motif qu’elle ne respectait pas les conditions minimales d’autorisation d’utilisation de fréquences. La société ne s’était pas engagée à respecter l’obligation d’assurer le versement de la part fixe de la redevance dans les conditions définies par l’ar-ticle 36 modifié de la loi de finances pour 2001 et le dossier ne fournissait pas d’éléments permettant d’établir la capacité financière de la société à faire face durablement aux obligations résultant des conditions d’exercice de l’activité.

Le Gouvernement s’interroge en conséquence sur la possibilité de procéder à la modulation des conditions financières pour le quatrième entrant par rapport aux trois titulaires actuels de licence et, en cas de réponse positive, sur les conditions et les limites de cette modulation.

Sur la question de savoir si le 4e opérateur peut bénéficier de conditions plus favorables sur le plan financier que les trois premiers opérateurs  :1° Aux termes de l’article L. 2124-26 du code général de la propriété des per-sonnes publiques, qui a repris à l’identique l’article 22 de la loi du 30 septembre 1986, « L’utilisation, par les titulaires d’autorisation, de fréquences radioélec-triques disponibles sur le territoire de la République constitue un mode d’oc-cupation privatif du domaine public de l’État ». Il s’ensuit que les redevances

310 Avis du conseil d’État en 2008

exigées des titulaires de telles autorisations constituent non des impositions ou des redevances pour services rendus, mais des redevances pour occupation du domaine public.

Le montant de ces redevances est légalement déterminé en fonction de l’avan-tage procuré au titulaire de l’autorisation par le droit qui lui est concédé, ainsi qu’en dispose l’article L. 2125-3 du code général de la propriété des personnes publiques qui a repris en l’élargissant la règle énoncée à l’article R. 56 du code du domaine de l’État et aux termes duquel  : « Toute occupation du domaine public est assujettie au paiement d’une redevance qui tient compte des avan-tages de toute nature procurés au titulaire de l’autorisation. »

La délivrance de l’autorisation crée, dès son intervention, le droit pour son bénéficiaire de se voir attribuer les fréquences nécessaires à l’exercice de son activité. Elle lui confère donc un « avantage » valorisable. Ainsi que l’a constaté le Conseil d’État dans son avis du 6 juillet 2000, la règle sus-énoncée ne fait pas obstacle à ce que la redevance soit déterminée de façon forfaitaire pour l’en-semble de la période d’autorisation et soit payée selon un échelonnement non strictement proportionnel à la durée d’utilisation effective du domaine, pourvu que la somme actualisée des redevances qui seront exigées selon l’échéancier indiqué corresponde au montant global actualisé de ladite redevance. L’éche-lonnement de ces versements peut tenir compte de l’avantage immédiat lié à l’autorisation.

2° La directive 97/13/CE du 10  avril 1997 et la décision 128/1999/CE du 14  décembre 1998 relatives à l’utilisation du spectre radioélectrique pour la prestation de services de télécommunications, qui ont laissé une grande marge de manœuvre aux États pour définir les procédures et conditions d’utilisation du spectre radioélectrique, indiquent que si un État membre choisit la procédure d’octroi de licences et limite le nombre de licences susceptibles d’être attri-buées, alors les licences devront être octroyées « selon des procédures ouvertes, non discriminatoires et transparentes », et « sur la base de critères de sélec-tion objectifs, non discriminatoires, transparents, proportionnés et détaillés » (articles 9 et 10 de la directive). Ces dispositions ont été reprises à l’identique par la directive 2002/20/CE du 7 mars 2002 aujourd’hui en vigueur.

L’article L. 42-1 du code des postes et communications électroniques pris sur ce fondement fait obligation à l’ARCEP d’attribuer les autorisations d’utilisation des fréquences radioélectriques « dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires ». L’article L. 42-2 du même code précise que lorsqu’il n’est possible d’attribuer qu’un nombre limité d’autorisations et que plusieurs candidats devront être départagés, la sélection des titulaires d’autorisation se fait par appel à candidatures.

3° L’application de conditions financières identiques à celles retenues pour la délivrance des trois licences précédentes ayant conduit à ce qu’aucun candidat ne se montre intéressé pour acquérir la 4e licence de téléphonie mobile UMTS disponible, le Gouvernement souhaite proposer des conditions financières plus favorables pour le titulaire de la 4e licence afin de susciter des candidatures et de favoriser une diversification des offres.

Dès lors qu’est en cause une autorisation administrative permettant l’entrée d’un opérateur sur un même marché concurrentiel, celui des services de téléphonie mobile de « troisième génération », le principe d’attribution de cette autorisation

311Avis du conseil d’État en 2008

dans des conditions non discriminatoires est applicable. Selon la jurisprudence communautaire, une discrimination consiste dans l’application de règles diffé-rentes à des situations comparables ou dans l’application de la même règle à des situations différentes. Le principe de non-discrimination impose donc de ne pas traiter de manière identique des situations différentes. En revanche, l’exis-tence de différences objectives de situation est un premier motif qui permet de ne pas traiter ces situations de manière identique. Ainsi que l’ont souligné la Cour européenne de justice dans l’arrêt Connect Austria du 22  mai 2003 (affaire C-462/99) et le Tribunal de première instance des Communautés euro-péennes dans l’arrêt Bouygues SA et Bouygues Telecom SA du 4 juillet 2007 (affaire T-475/04), les redevances imposées aux différents opérateurs doivent être « équivalentes en termes économiques » ce qui implique de ne pas les sou-mettre à des « critères rigides pour autant qu’elles se tiennent dans les limites découlant du droit communautaire » mais de « vérifier la valeur économique des licences concernées en tenant compte, notamment, de l’importance des dif-férents faisceaux de fréquences attribués, du moment de l’accès au marché de chacun des opérateurs concernés et de l’importance de pouvoir présenter une offre complète de systèmes de télécommunications mobiles ».

Mais des différences de situation ne sont pas seules susceptibles de justifier une différence de traitement. Le cadre réglementaire européen d’attribution des licences en matière de télécommunications conduit à prévoir que les critères d’at-tribution, s’ils doivent être objectifs, transparents, non discriminatoires et propor-tionnels, doivent aussi « tendre à la réalisation des objectifs de l’article 8 de la directive cadre 2002/21/CE », c’est-à-dire promouvoir la concurrence et le mar-ché intérieur et favoriser les intérêts des ressortissants de l’Union européenne », ainsi que l’a relevé la Commission européenne dans sa décision du 20 décembre 2007 concernant l’attribution de la troisième licence UMTS par la République Tchèque en citant l’article 13 de la directive 2002/20/CE dite « autorisation ». La fixation du montant des redevances peut donc prendre également en compte l’ob-jectif d’amélioration de la situation de la concurrence sur le marché concerné. Les conditions posées pour un nouvel entrant ne peuvent donc être plus incita-tives que celles qui résulteraient de la simple duplication de celles faites aux trois titulaires actuels que s’il peut être démontré qu’il y a une différence de situation entre les opérateurs justifiant une différence de traitement pour rétablir l’égalité économique entre opérateurs, ou encore que ces conditions tendent à promouvoir une plus grande concurrence sur le marché concerné.

4° Divers éléments conduisent à constater que la situation du 4e entrant sur le marché de la téléphonie mobile de 3e génération n’est pas la même que celle des opérateurs actuels.

Il est certes possible que sur certains points l’analyse économique de la situa-tion du nouvel entrant fasse apparaître des avantages. Le retard avec lequel le nouvel opérateur entrera sur le marché lui permettra de bénéficier du progrès technologique, de la baisse du coût des équipements 3G et des premiers retours d’expérience sur la demande. Il pourra en outre bénéficier des dispositions régle-mentaires récentes visant à fluidifier le marché, telles que l’introduction et la simplification de la portabilité du numéro mobile ou les dispositions relatives à la limitation des engagements de longue durée adoptées dans la loi du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs. Il pourra également, à partir d’un certain niveau de couverture de la population,

312 Avis du conseil d’État en 2008

disposer d’une prestation de gros d’itinérance nationale sur un réseau existant durant la phase de déploiement de son propre réseau. Enfin il n’est pas exclu que des candidats potentiels pour l’attribution d’une 4e licence UMTS puissent s’ap-puyer dès la délivrance de l’autorisation sur un réseau de clientèle existant dans le domaine de l’ADSL ou du câble et puissent conclure un accord de MVNO avec un opérateur de réseau de façon à offrir des services mobiles de détail, ce qui abaissera pour eux les coûts financiers d’entrée sur le marché.

Mais les circonstances économiques ont changé depuis l’attribution des trois pre-mières licences. Le quatrième opérateur entrant sera handicapé en termes de compé-titivité par rapport aux titulaires plus anciens. Contrairement aux opérateurs actuels, il ne disposera pas d’un réseau GSM existant, ni d’une base de clients mobiles comparable et ne pourra donc financer l’autorisation et le déploiement de la 3G en s’appuyant sur les seuls revenus issus de cette clientèle alors même qu’il aura à faire des investissements qui pourraient être importants en matière de constitution d’un réseau de distribution. Les conditions de marché sont moins favorables qu’en 2001 en raison d’un ralentissement de la croissance de la demande, d’une pression plus forte sur les revenus et des difficultés croissantes pour implanter des antennes en zones urbaines. Le marché est par ailleurs plus contraint en termes de chiffre d’affaires et de marge, en raison notamment de la baisse de la terminaison d’appel mobile et de la terminaison SMS ainsi que de la baisse des tarifs d’itinérance inter-nationale. Enfin, les perspectives de gain de parts de marché ne sont pas considé-rables, l’historique des différents marchés de la téléphonie mobile montrant que les nouveaux entrants ne rattrapent généralement pas les parts de marché des premiers opérateurs et la croissance de la demande étant moindre que dans la période passée.

Ces éléments montrent, d’une part, qu’il existe des barrières à l’entrée sur le marché concerné qui rendent la période de démarrage de l’activité envisagée cruciale et d’autre part, que l’avantage que pourrait retirer le quatrième opéra-teur de l’occupation du domaine public sera vraisemblablement inférieur à celui qu’il en aurait retiré en 2001.

D’autres éléments incitent par ailleurs à penser que la situation de la concurrence sur le marché de détail de la téléphonie mobile n’est pas optimale aujourd’hui en France. Les parts de marché de la téléphonie mobile sont stables, le taux de rota-tion des consommateurs est faible, le taux de pénétration de la téléphonie mobile en France est l’un des plus faibles en Europe [84 % de la population, contre 104 % sur la moyenne des États de l’Union européenne fin 2006 (EU-25)] et il n’y a pas eu de baisse sensible des prix depuis 2000. Ces éléments caractérisent une situa-tion de concurrence insuffisante sur le marché de détail de la téléphonie mobile qui justifient non seulement de favoriser l’entrée d’un quatrième opérateur mais aussi de permettre à celui-ci une présence durable sur le marché.

Dans ces conditions, il paraît possible, sans porter atteinte au principe de non-discrimination, d’accorder au 4e opérateur qui entrera sur un marché plus mature plusieurs années après ses principaux concurrents des modalités finan-cières différentes de celles retenues pour l’attribution des licences initiales, afin de rétablir une plus grande égalité entre opérateurs et de créer les conditions d’une meilleure concurrence sur le marché de la téléphonie mobile de détail, sous réserve que l’avantage qui en résultera pour le nouvel entrant reste pro-portionné aux handicaps à compenser et à ce qui est nécessaire pour améliorer durablement la situation de la concurrence sur le marché.

313Avis du conseil d’État en 2008

Sur la question de savoir si la détermination de redevances différentes (plusbasses ou à paiements différés) pour le 4e entrant peut constituer une réponse satisfaisante :

La fixation du montant des redevances implique des appréciations complexes d’ordre économique.

Telle qu’elle a été instituée par l’article 36 de la loi de finances pour 2001, modi-fiée par l’article 33 de la loi de finances pour 2002, la redevance est constituée d’une part fixe et d’une part variable en fonction du chiffre d’affaires. L’obliga-tion de verser immédiatement la part fixe peut constituer une barrière à l’entrée pour un nouvel opérateur.

Dans ces conditions, la première adaptation envisageable consiste à procéder à un étalement du paiement de la part fixe de la redevance du nouvel entrant sur une partie raisonnable de la durée de l’autorisation, justifiée par l’analyse d’un plan d’affaires pertinent pour l’activité économique concernée. Si, compte tenu du taux d’intérêt retenu, la somme actualisée des redevances qui seront exi-gées, était identique ou proche de la somme versée par les opérateurs existants, l’avantage consenti ne devrait pas être regardé comme excessif.

Si, en revanche, il apparaissait nécessaire d’aller plus loin pour parvenir à faire entrer durablement un 4e opérateur sur le marché de la téléphonie mobile de 3e génération, soit en réduisant le montant de la part fixe payée à l’entrée soit en retenant un taux d’actualisation plus bas, il appartiendrait au Gouvernement d’apporter des justifications économiques solides susceptibles d’établir que la différenciation de traitement ainsi faite n’est pas manifestement disproportion-née. Il lui appartiendrait également, le cas échéant, de s’interroger sur la qualifi-cation d’aide d’État de l’avantage ainsi consenti au 4e opérateur et d’en tirer les conséquences procédurales qui s’imposent.

Droits civils et individuels

■ Section de l’intérieur – Avis no 381.374 du 1er avril 2008Traitement automatisé et libre circulation des données à caractère personnel – Directive 95/46/CE du 24 octobre 1995 (article 11) – Loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 modifiée portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’ad-ministration et le public (article 14) – Réutilisation de ces données pour un usage autre que celui pour lequel elles ont été collectées – Modalités – Droit exclusif – fichier national des immatriculations.

Le Conseil d’État (section de l’intérieur), saisi par la ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales des questions suivantes :– Est-il possible, au regard de la Constitution et de la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère per-sonnel et à la libre circulation des données, d’autoriser la communication à l’« Association auxiliaire de l’automobile », pour son usage propre ou à des fins commerciales, et sans qu’ait été préalablement recueilli le consentement des intéressés, les informations à caractère personnel figurant dans les traitements

314 Avis du conseil d’État en 2008

automatisés de données relatives à la circulation des véhicules prévus par le code de la route ?– Dans l’affirmative, est-il possible, au regard de la directive 2003/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 novembre 2003 concernant la réutilisa-tion des informations du secteur public et de la loi no 78-753 du 17 juillet 1978 modifiée portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’adminis-tration et le public, qui procède à sa transposition, de réserver à cette association un droit d’exclusivité pour la réutilisation de ces informations en vue de contri-buer à l’organisation de campagnes de prospection commerciale ou de rappel de véhicules par les constructeurs automobiles ?

Vu la Constitution ;

Vu la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données ;

Vu la directive 96/9/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 1996 concernant la protection juridique des bases de données ;

Vu la directive 2003/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 novembre 2003 concernant la réutilisation des informations du secteur public ;

Vu le code de la route, notamment ses articles L. 330-1 à L. 330-8 et R. 330-1 à R. 330-5 ;

Vu le code de la propriété intellectuelle, notamment le titre IV du livre III de sa première partie ;

Vu la loi no  78-17 du 6  janvier 1978 modifiée relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés ;

Vu la loi no 78-753 du 17 juillet 1978 modifiée portant diverses mesures d’amé-lioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal, notamment le chapitre II de son titre Ier ;

Vu le décret no 2005-1755 du 30 décembre 2005 relatif à la liberté d’accès aux documents administratifs et à la réutilisation des informations publiques, pris pour l’application de la loi no 78-753 du 17 juillet 1978, notamment son titre III ;

Vu l’arrêté du 20  janvier 1994 portant création du fichier national des immatriculations ;

Est d’avis de répondre dans le sens des observations qui suivent :

L’enregistrement et la communication des informations relatives à la circula-tion des véhicules sont régis par les articles L. 330-1 à L. 330-8 et R. 330-1 à R. 330-5 du code de la route.

En application de ces dispositions est intervenu l’arrêté du 20 janvier 1994 por-tant création du « fichier national des immatriculations ».

Les informations figurant dans ce dernier proviennent des renseignements recueillis par les préfectures lors de l’établissement des certificats d’immatricu-lation et du fichier des véhicules volés.

Le fichier national des immatriculations est constitué d’un fichier central appelé « fichier national des automobiles » et de fichiers départementaux.

315Avis du conseil d’État en 2008

Sont enregistrées dans le fichier national des automobiles l’identification du titulaire du certificat d’immatriculation (nom, prénom, date de naissance ou rai-son sociale, commune de domicile et son code INSEE), l’identification du véhi-cule, des mentions spéciales propres au véhicule (volé, détruit, muté), ainsi que le code d’identification du pays d’achat dans le cas des importations effectuées directement ou indirectement par les particuliers.Sont enregistrés dans les fichiers départementaux (lorsqu’il s’agit d’une per-sonne physique) l’état civil du propriétaire et, le cas échéant, du locataire, son domicile, sa catégorie socioprofessionnelle, éventuellement le numéro d’exploi-tation agricole, la disponibilité du véhicule (inscription de gage, radiation d’ins-cription de gage, déclaration de vol, prescription d’immobilisation, prononcé d’une saisie, d’une opposition judiciaire ou du Trésor au transfert du certificat d’immatriculation, déclaration de destruction, avis de mutation ou d’exporta-tion et date de chacun de ces événements), l’identification et les caractéristiques techniques du véhicule, le retrait éventuel du certificat d’immatriculation, les dates du contrôle technique périodique obligatoire.L’« Association auxiliaire de l’automobile » regroupe des constructeurs et des importateurs français d’automobile. Ses statuts lui donnent pour objet la recherche et l’exploitation de toutes documentations, la gestion de tous ser-vices intéressant l’automobile, l’établissement, l’édition et la diffusion de toutes publications et la réalisation de toutes propagandes et publicités et, en général, de toutes opérations industrielles, commerciales et financières.I. Sur la première question :Ni l’« Association auxiliaire de l’automobile », ni les constructeurs ne sont au nombre des destinataires de données limitativement mentionnés à l’article L. 330-2 du code de la route.Par ailleurs, ainsi qu’il ressort en particulier du second alinéa de son article 13, la loi du 17 juillet 1978 n’autorise pas, par elle-même, la communication de don-nées publiques à caractère personnel, aux fins de réutilisation, sans l’accord des personnes concernées ou sans anonymisation préalable par l’autorité détentrice.Une disposition législative expresse s’impose donc pour rendre possible la com-munication des données personnelles en cause aux fins de réutilisation. Cette disposition devra respecter les exigences constitutionnelles et communautaires.A. Au regard de la Constitution, une disposition législative portant extension de la liste des destinataires fixée aux articles L. 330-2 à L. 330-5 du code de la route devrait respecter les principes suivants.Comme l’a jugé le Conseil constitutionnel (voir notamment no 2003-467 DC du 13 mars 2003, considérant 32), aucune norme constitutionnelle ne s’oppose de façon générale et absolue à l’utilisation de données à caractère personnel recueillies par une collectivité publique, pour un usage autre que celui pour lequel elles ont été collectées. Cette nouvelle utilisation méconnaîtrait toutefois les exigences résultant des articles 2, 4, 9 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 si, par son caractère excessif, elle portait atteinte aux droits ou aux intérêts légitimes des personnes concernées. L’application de ces principes donne lieu à une appréciation au cas par cas.En l’espèce, cette « pesée » conduit à une réponse distincte selon les divers usages envisagés par la saisine auxquels répond la communication aux tiers :– ne se heurte à aucune exigence constitutionnelle la communication des don-nées en cause, même sans l’assentiment des personnes concernées, en vue de

316 Avis du conseil d’État en 2008

permettre le rappel de véhicules par les constructeurs automobiles pour des rai-sons de sécurité ;– il en va de même de leur communication en vue de la réalisation de traite-ments statistiques ou d’études revêtant un intérêt économique, historique ou scientifique, pourvu que les résultats publiés ne fassent apparaître aucune infor-mation directement ou indirectement nominative et que les précautions idoines soient prises pour assurer la confidentialité des transmissions et des traitements ;– s’agissant des réutilisations à visée commerciale, le respect de l’intérêt légitime des personnes concernées exclut la communication des informations relatives aux gages grevant leurs véhicules, et, pour les autres catégories de don-nées à caractère personnel (nom, adresse personnelle, véhicules possédés…), conduit à assortir la communication d’une procédure permettant aux intéressés de faire connaître à tout moment leur opposition à la réutilisation et garantissant l’effectivité de cette opposition.

Est exclue, en raison des fonctions de souveraineté dont elles sont inséparables, la communication des données relatives aux infractions.

Enfin, en vertu du principe d’égalité, la communication à titre exclusif à un tiers ne serait justifiée que si elle était nécessaire à l’accomplissement de la mission d’intérêt public qui lui serait confiée et devrait, en tout état de cause, respecter les règles de la commande publique.

B. La réponse est la même au regard de la directive 95/46/CE du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation des données.

Le traitement ultérieur de données à caractère personnel à des fins historiques, statistiques ou scientifiques n’est pas incompatible avec les finalités pour les-quelles les données ont été auparavant collectées dans la mesure où les États membres prévoient des garanties appropriées, notamment pour empêcher l’uti-lisation de ces données à l’appui de mesures ou de décisions prises à l’encontre d’une personne (article 6 § 1 b).

Lorsque les données n’ont pas été collectées auprès de la personne concernée, les États membres doivent prévoir son information par le responsable du traite-ment dès l’enregistrement des données ou, si une communication de données à un tiers est envisagée, au plus tard lors de la première communication de don-nées. Cette obligation est toutefois écartée lorsque l’information de la personne concernée se révèle impossible ou implique des efforts disproportionnés ou si la législation prévoit expressément l’enregistrement ou la communication des données, en l’assortissant des garanties appropriées (article 11).

Tout en assurant l’équilibre des intérêts en cause et en garantissant une concur-rence effective, les États membres peuvent préciser les conditions dans lesquelles des données à caractère personnel peuvent être utilisées et communiquées à des tiers à des fins de prospection commerciale, à condition de permettre aux per-sonnes concernées de s’opposer, sans devoir indiquer leurs motifs et sans frais, au traitement des données les concernant (article 14 éclairé par le considérant 30).

Ne méconnaîtrait pas ces principes une disposition législative permettant des réutilisations de données comme celles envisagées par la saisine dès lors que sont prises :

317Avis du conseil d’État en 2008

– dans le cas de réutilisations à visée commerciale, les mêmes précautions que celles énoncées au I A afin de permettre aux personnes concernées de s’opposer à faire l’objet de démarchages ou de sondages ;– dans tous les cas, les mesures assurant le respect des règles communautaires relatives au traitement non discriminatoire des tiers intéressés par la réutilisa-tion des données publiques.

II. Sur la seconde question :

Dès lors qu’elle se borne à compléter les articles L. 330-2 et suivants du code de la route afin de permettre la communication aux tiers des données en cause à des fins statistiques, de rappel de sécurité ou de prospection commerciale, la disposition législative envisagée devra être mise en œuvre, comme il résulte de l’article 10 de la loi susvisée du 17 juillet 1978, dans le respect des dispositions du chapitre II de son titre Ier, qui transcrivent la directive 2003/98/CE du Parle-ment européen et du Conseil du 17 novembre 2003 concernant la réutilisation des informations du secteur public.

Il résulte de l’article 11 de cette directive, transposé en droit interne par l’ar-ticle 14 de la loi du 17 juillet 1978, que la réutilisation d’informations publiques ne peut faire l’objet d’un droit d’exclusivité accordé à un tiers, sauf si un tel droit est nécessaire à l’exercice d’une mission de service public (le bien-fondé de l’octroi d’une telle exclusivité faisant alors l’objet d’un réexamen périodique, au moins tous les trois ans).

En l’espèce, aucune mission de service public ne rend l’exclusivité nécessaire s’agissant des réutilisations à visée commerciale.

Les conditions de la réutilisation des données doivent être équitables, propor-tionnées et non discriminatoires.

Il conviendra en conséquence de porter clairement à la connaissance des tiers l’ensemble des conditions applicables.

Une licence type pourra préciser ces conditions, s’agissant en particulier de la responsabilité du bénéficiaire, de la bonne utilisation des informations, du respect de leur intégrité, ainsi que l’indication de leur source et de leur date de mise à jour.

Une redevance pourra être prélevée, dans les conditions prévues par les articles 15 et 16 de la loi du 17  juillet 1978 et dans le respect des règles de concurrence. Son tarif pourra être fonction de la nature de l’usage prévu.

318 Avis du conseil d’État en 2008

Enseignement Marchés et contrats administratifs

■ Section de l’intérieur – Avis no 381.333 du 19 février 2008Enseignement supérieur – Délivrance des diplômes – Diplôme national – Renonciation à sa délivrance – Montant des droits d’inscription – Liberté de fixation de leur montant – Conséquences sur les contrats en cours.

Le Conseil d’État (section de l’intérieur), saisi par le Premier ministre des ques-tions suivantes :1° Un établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel, et plus spécifiquement un grand établissement au sens de l’article L. 717-1 du code de l’éducation, peut-il légalement renoncer à délivrer des diplômes natio-naux, et disposer ainsi de la liberté de fixer le montant des droits d’inscription aux formations qu’il assure ?2° À supposer qu’une telle décision soit légale, quelles sont les conséquences que l’État pourrait ou devrait en tirer sur les modalités de financement de l’éta-blissement ?3° Cette décision constituerait-elle une modification substantielle de nature à justifier la rupture du contrat pluriannuel liant l’établissement à l’État ?

Vu le code de l’éducation, notamment ses articles L. 612-1, L. 613-1, L. 613-2, L. 711-1, L. 712-9, L. 717-1 et L. 719-7 ;

Vu la loi de finances no 51-598 du 24 mai 1951, notamment son article 48 ;

Vu le décret no 84-573 du 5 juillet 1984 modifié relatif aux diplômes nationaux de l’enseignement supérieur ;

Vu le décret no 2002-481 du 8 avril 2002 relatif aux grades et titres universi-taires et aux diplômes nationaux ;

Est d’avis de répondre dans le sens des observations qui suivent :

Un établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel au sens de l’article L. 711-1 du code de l’éducation est un établissement national d’enseignement supérieur et de recherche jouissant de la personnalité morale et de l’autonomie pédagogique et scientifique, administrative et financière. Il exerce les missions qui lui sont confiées par la loi.

Les grands établissements sont une catégorie d’établissement public à carac-tère scientifique, culturel et professionnel pour lesquels, aux termes de l’article L. 717-1 de ce code, des décrets en Conseil d’État fixent, en fonction de leur vocation principale et de leurs caractéristiques propres, les règles d’organisation et de fonctionnement qui peuvent déroger à certaines dispositions législatives de droit commun.

Aux termes de l’article L. 613-1 du même code, « L’État a le monopole de la collation des grades et des titres universitaires. / Les diplômes nationaux déli-vrés par les établissements sont ceux qui confèrent l’un des grades ou titres universitaires dont la liste est établie par décret (…) ». Cette liste a été établie, notamment, par le décret no 84-573 du 5  juillet 1984. En vertu de l’article 4 du décret no 2002-481 du 8 avril 2002, les établissements publics à caractère

319Avis du conseil d’État en 2008

scientifique, culturel et professionnel sont autorisés à délivrer, au nom de l’État, les diplômes nationaux par une décision d’habilitation prise dans les conditions fixées par la réglementation propre à chacun d’eux. Les droits d’inscription à ces formations sont fixés par arrêté du ministre chargé de l’enseignement supé-rieur et du ministre chargé du budget sur le fondement de l’article 48 de la loi de finances du 24 mai 1951.

L’article L. 613-2 ajoute que « les établissements peuvent aussi organiser, sous leur responsabilité, des formations conduisant à des diplômes qui leur sont propres ou préparant à des examens ou des concours » ; les droits d’inscription à ces diplômes sont alors libres. L’article 3 du décret du 5 juillet 1984 précise que les diplômes propres aux universités et autres établissements d’enseignement supérieur ne peuvent porter la même dénomination que les diplômes nationaux.

Il résulte de l’ensemble de ces dispositions législatives et réglementaires que les établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel ont vocation, à titre principal, à délivrer des diplômes nationaux. Il en va de même pour un grand établissement dès lors que le décret en Conseil d’État prévu par l’article L. 717-1 qui l’institue en a ainsi disposé.

La délibération d’un établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel qui requalifierait à l’identique ou, du moins, sans changement substantiel, un diplôme national qu’il a été habilité à délivrer, en diplôme propre, aux seules fins d’échapper à la réglementation des droits d’inscription prévue par la loi du 24 mai 1951 pourrait être regardée comme entachée d’un détournement de pouvoir de nature à justifier son annulation contentieuse.

Aux termes de l’article L.  711-1 du code de l’éducation, les établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel concluent avec l’État des contrats pluriannuels d’établissement fixant certaines obligations et pré-voyant la mise à disposition par l’État des moyens et emplois correspondants. Les établissements définissent leur politique de formation, de recherche et de documentation dans le cadre de la réglementation nationale et dans le respect de ces engagements contractuels ; ils rendent compte périodiquement de l’exécu-tion de leurs engagements.

D’une façon générale, il appartient aux signataires de ces contrats de prévoir les conséquences de la situation nouvelle résultant d’une rupture des engagements de l’une des parties.

La renonciation à la délivrance d’un diplôme national en cours de contrat pluriannuel donnerait lieu, en tout état de cause, à une renégociation, l’État pouvant, à cette occasion, modifier en conséquence les dotations en moyens et emplois mises à la disposition de l’établissement. De même, si, lors du renou-vellement du contrat, l’établissement renonçait à délivrer certains diplômes nationaux, l’État serait fondé à revoir les moyens et emplois mis à la disposition de l’établissement.

320 Avis du conseil d’État en 2008

Nature et environnement Police administrative Responsabilité de la puissance publique

■ Section des travaux publics – Avis no 381.725 du 29 juillet 2008Police générale et police spéciale – Pouvoirs de police des maires – Étendue – Police des ours – Articulation de ces pouvoirs avec les objectifs de la directive 92/43/CEE du 21 mai 1992 – Responsabilité des maires et des agents de l’Etat – Mise en jeu – Régimes de responsabilité.

Le Conseil d’État, saisi par le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’éner-gie, du développement durable et de l’aménagement du territoire des questions suivantes :

1° Quelles mesures peuvent prendre les maires lorsque la présence régulière ou épisodique d’un ours sur le territoire de la commune crée un risque pour la sécurité des personnes ? Les dispositions de la directive 92/43/CEE du 21 mai 1992, notamment de son article 12, et celles de l’article L. 411-1 du code de l’environnement, qui interdisent la « perturbation intentionnelle » des espèces protégées, font-elles obstacle à ce que soient conduites des actions d’effarou-chement destinées à éloigner l’animal des zones où sa présence fait courir un risque pour la sécurité des personnes ou des biens ?

2° Dans quelles hypothèses et sur quel fondement la responsabilité des agents de l’État ou celle des maires pourrait-elle être recherchée ou engagée en cas de dommages causés par un ours ou à celui-ci ? Quelles dispositions ou mesures seraient de nature, dans le respect du droit communautaire et des textes interna-tionaux, à limiter le risque d’engagement de la responsabilité de ces personnes ?

Vu la convention de Berne du 19 septembre 1979 relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe, notamment ses articles 6 et 9 et son annexe II ;

Vu la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conserva-tion des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, notam-ment ses articles 12 et 16 et son annexe IV ;

Vu le code de l’environnement, notamment ses articles L. 411-1 et L. 411-2 ;

Vu le code général des collectivités territoriales, notamment ses articles L. 2122-21, L. 2123-34, L. 2212-1 et L. 2212-2 ;

Vu le code pénal, notamment ses articles 121-3 et 223-1 ;

Vu le code rural, notamment son article L. 211-11 ;

Vu l’arrêté du 9 juillet 1999 fixant la liste des espèces de vertébrés protégées menacées d’extinction et dont l’aire de répartition excède le territoire d’un département ;

Vu l’arrêté du 23 avril 2007 fixant la liste des mammifères protégés sur l’en-semble du territoire et les modalités de leur protection ;

321Avis du conseil d’État en 2008

Est d’avis de répondre aux questions posées dans le sens des observations suivantes :

1° Aux termes de l’article 12 de la directive 92/43/CEE du 21 mai 1992 rela-tive à la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, « Les États membres prennent les mesures nécessaires pour instaurer un système de protection stricte des espèces animales figurant à l’annexe  IV point a), dans leur aire de répartition naturelle, interdisant : a) toute forme de capture ou de mort intentionnelle de spécimens de ces espèces dans la nature ; b) la perturbation intentionnelle de ces espèces, notamment durant la période de reproduction, de dépendance, d’hibernation et de migration ; (…) d) la dété-rioration ou la destruction des sites de reproduction ou des aires de repos… ». L’article 16 de la même directive prévoit que : « 1) À condition qu’il n’existe pas une autre solution satisfaisante et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle, les États membres peuvent déroger aux dispositions des articles 12, 13, 14 et de l’article 15 points a) et b) : (…) b) pour prévenir des dommages importants notamment aux cultures, à l’élevage, aux forêts, aux pêcheries, aux eaux et à d’autres formes de propriété ; c) dans l’inté-rêt de la santé et de la sécurité publiques, ou pour d’autres raisons impératives d’intérêt public majeur (…) ».

Pour la transposition de ces dispositions, les articles L.  411-1 à L.  411-4 et R. 411-1 et suivants du code de l’environnement confient aux autorités de l’État le pouvoir de décider, par dérogation et dans des conditions exceptionnelles, les opérations de destruction, de capture ou d’effarouchement visant l’ours, lequel figure sur la liste des mammifères protégés établie par l’arrêté du 23 avril 2007 qui a remplacé et abrogé l’arrêté du 17 avril 1981.2° Les pouvoirs de police spéciale attribués aux ministres et aux préfets ne font pas obstacle à l’exercice des compétences de police reconnues aux maires par la loi, notamment pour assurer la sécurité des personnes et des biens.Toutefois, eu égard au statut de protection et aux caractéristiques de l’ours brun dans le massif pyrénéen, les maires ne peuvent faire usage à son encontre ni des pouvoirs de police spéciale de destruction des animaux nuisibles prévus au 9° de l’article L. 2122-21 du code général des collectivités territoriales, l’ours ne pouvant être classé dans cette catégorie, ni des pouvoirs définis aux articles L. 211-11 et suivants du code rural pour traiter les animaux dangereux et errants, dès lors que l’ours dans son aire de répartition naturelle n’est la chose d’aucun propriétaire ou gardien auquel le maire aurait à se substituer.En revanche, les maires disposent, pour assurer la sécurité publique à l’égard de l’ours sur le territoire de leur commune, des pouvoirs de police générale que leur confère l’article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, notamment son 7° relatif à la divagation des animaux malfaisants ou féroces.3° Dans l’exercice de ces pouvoirs de police générale, les mesures que les maires peuvent édicter ne sauraient avoir ni pour objet ni pour effet de faire obstacle aux actions de protection de l’ours décidées par les autorités de l’État ni être incompatibles avec les obligations communautaires de la France. Elles doivent, en outre, être strictement nécessaires à la sécurité des personnes et des biens et proportionnées aux risques avérés. Il est admis que ces risques pour les personnes concernent pour l’essentiel les hypothèses peu fréquentes de ren-

322 Avis du conseil d’État en 2008

contres avec une ourse suitée par son ourson, de dérangements de l’ours dans son aire de repos ou de comportements atypiques de certains individus.Dans ce cadre, les principales mesures à prendre sont de prévention en coordi-nation avec les autres acteurs locaux et personnes publiques. Elles, devraient porter sur la diffusion la plus large des informations actualisées disponibles sur les comportements de l’ours, ses zones de préférence et ses déplacements. Elles devraient aussi concourir à la formation des personnes qui, du fait de leurs activités économiques ou de leurs pratiques de loisirs, sont davantage exposées à des rencontres fortuites avec le plantigrade.Les autorités décentralisées peuvent également user de leurs pouvoirs pour réglementer la circulation des véhicules et des promeneurs sur les voies dont elles ont la gestion, en fonction des zones repérées de présence de l’ours, des comportements physiologiques de l’animal et des périodes de plus grande fré-quentation du massif pyrénéen.En dehors de ces territoires de présence reconnue, peuvent être déterminés des espaces limités, par exemple aux abords immédiats des habitations, où les auto-rités de police auront à recourir, dans le respect des procédures coordonnées pré-vues à cet effet, à des actions d’effarouchement d’un ours pour l’éloigner. En cas d’échec de ces actions, il appartiendra au préfet ou aux ministres de recourir à des interventions destinées à neutraliser l’animal. Des dispositifs similaires peuvent être mis en œuvre dans les cas particuliers d’ours anormalement prédateurs sur des élevages protégés. Il devra toutefois être veillé à ce que le cumul de l’en-semble des mesures prises ne nuise pas à la conservation de l’espèce protégée.

Enfin, dans des situations exceptionnelles exigeant des réponses immédiates à des menaces imminentes et graves, il revient aux maires de prendre des disposi-tions ponctuelles, localisées et proportionnées visant à écarter le danger pour la sécurité des biens ou des personnes.

Sous réserve de l’appréciation des juridictions, les actions de cette nature parais-sent compatibles avec les objectifs de la directive. En effet, si les perturbations intentionnelles sont en principe interdites, il peut être dérogé à cette prohibition pour des motifs de sécurité publique, s’il n’existe pas d’autre solution satisfai-sante et à condition de ne pas nuire à la conservation favorable de l’espèce pro-tégée, ce qui implique, en l’état actuel de vulnérabilité de la population ursine dans les Pyrénées, que les autorités doivent, en cas d’élimination d’un individu, procéder à son remplacement par l’introduction d’un nouveau spécimen.

4° La responsabilité des personnes investies d’un pouvoir de police peut être recherchée devant le juge administratif pour faute simple résultant soit de l’il-légalité de décisions ou d’agissements contraires aux objectifs de protection de l’ours soit, à l’inverse, d’une carence à prendre les mesures nécessaires ou à faire appliquer les mesures prises, qu’il s’agisse de la protection de l’animal ou de la prévention des risques qu’il cause.

Toutefois, les agissements ou les carences du maire, d’un agent de l’État ou d’un établissement public, qui constituent des fautes de service, engagent la respon-sabilité de la collectivité publique au nom de laquelle ils exercent leurs attribu-tions, à savoir respectivement la commune, l’État ou l’établissement public. La responsabilité personnelle ne peut être recherchée que pour une faute personnelle détachable du service, hypothèse qui paraît, en l’espèce, devoir être assez rare.

323Avis du conseil d’État en 2008

En l’absence même de tout manquement des autorités compétentes, les dom-mages causés par l’ours et revêtant un caractère grave et spécial peuvent ouvrir droit à indemnisation, à la charge de l’État, sur le fondement de la responsabilité sans faute engagée pour rupture de l’égalité des citoyens devant les charges publiques.

5° La mise en jeu de la responsabilité pénale des élus et des agents publics peut être recherchée pour mise en danger d’autrui sur le fondement de l’article 223-1 du code pénal. L’infraction ne requiert pas de dommage réalisé mais seulement un dommage éventuel. Il suffit d’une faute non intentionnelle résultant d’une négligence, d’un manquement à une obligation particulière de prudence ou de sécurité. Selon l’article  121-3 du même code, est responsable pénalement la personne qui a créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n’a pas pris les mesures permettant de l’éviter.

Toutefois, l’imprévisibilité de l’ours, les aléas de ses déplacements et de ses rencontres et l’absence de maîtrise en droit comme en fait de l’élu ou de l’agent sur cet animal ne constituent pas des circonstances de nature à caractériser aisé-ment l’infraction.

Ainsi qu’il a été dit précédemment, l’exercice des compétences de police du maire en application de l’article L. 2212-2-7° du code général des collectivi-tés territoriales étant partagé avec les compétences des autorités de l’État, les missions lui revenant en propre sont réduites. L’élu dépend, pour remplir son obligation d’information, du concours de nombreux autres intervenants et de la disponibilité de données scientifiques difficiles à recueillir ; il doit, de surcroît, couvrir des activités diverses s’exerçant sur un vaste territoire.

Ainsi, l’obligation qui lui incombe d’assurer la sécurité vis-à-vis de l’ours est limitée dans son contenu et fortement conditionnée par des contraintes exté-rieures, ce qui devrait rendre difficile la démonstration d’une violation mani-feste de son obligation légale ou d’un défaut de diligences normales au sens de l’article L. 2123-34 du code général des collectivités territoriales.

6° Selon la jurisprudence constitutionnelle, un régime d’exonération totale de responsabilité serait contraire au principe d’égalité.

La recherche d’un régime limité de responsabilité pénale pour les élus en ce domaine, notamment par la définition d’obligations minimales, exposerait probablement les intéressés à des risques pénaux plus grands, sans compter les divers inconvénients qui s’attachent à l’existence d’un régime dérogatoire du droit commun.

Outre-mer Contributions et taxes Transports

■ Section des finances – Avis no 381.644 du 2 septembre 2008Droit applicable en Polynésie française – Répartition des compétences entre l’État et la Polynésie française – Transports aériens – Sécurité et sûreté de

324 Avis du conseil d’État en 2008

l’aviation civile – Compétence exclusive de l’État – Financement – Taxes et redevances pour services rendus.

Le Conseil d’État (section des finances) saisi, en application de l’article 175 de la loi organique no 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française, d’une demande d’avis présentée au tribunal administratif de la Polynésie française par le président de la Polynésie française ;

Vu la transmission, enregistrée au secrétariat du Conseil d’État le 26 mai 2008, de la demande d’avis du président de la Polynésie française portant sur la ques-tion suivante :

« La Polynésie française est-elle compétente pour instituer une taxe destinée à financer l’exercice de missions régaliennes déléguées en matière de police et sécurité de l’aviation civile ? »Vu la Constitution, notamment son article 74 ;Vu la loi organique no 2004-192 du 27 février 2004 modifiée portant statut d’au-tonomie de la Polynésie française ;Vu la loi organique no 2007-224 du 21 février 2007 portant dispositions statu-taires et institutionnelles relatives à l’outre-mer, notamment le 29° du I de son article 20 ;Vu le code de l’aviation civile ;Vu le code général des impôts, notamment son article 1609 quatervicies ;Vu le décret no 2007-432 du 25 mars 2007 relatif aux normes techniques appli-cables au service de sauvetage et de lutte contre l’incendie des aéronefs sur les aérodromes de Mayotte, des îles Wallis-et-Futuna, de Polynésie française et de Nouvelle-Calédonie, ainsi qu’à la prévention du péril animalier sur les aérodromes ;

Vu la décision du Conseil constitutionnel no 2007-1 LOM du 3 mai 2007 ;

Est d’avis de répondre dans le sens des observations qui suivent :

Aux termes de l’article 13 de la loi organique du 27 février 2004 susvisée : « Les autorités de la Polynésie française sont compétentes dans toutes les matières qui ne sont pas dévolues à l’État par l’article 14 et celles qui ne sont pas dévolues aux communes en vertu des lois et règlements applicables en Polynésie française. » Selon l’article 14 de cette loi organique : « Les autorités de l’État sont compétentes dans les seules matières suivantes : (…) 8° (…) police et sécurité concernant l’avia-tion civile ». Aux termes de l’article 140 de la même loi organique, modifié par la loi organique no 2007-1719 du 7 décembre 2007 : « Les actes de l’assemblée de la Polynésie française dénommées “lois du pays”, sur lesquels le Conseil d’État exerce un contrôle juridictionnel spécifique, sont ceux qui, relevant du domaine de la loi, soit ressortissent à la compétence de la Polynésie française en application de l’article 13, soit sont pris au titre de la participation de la Polynésie française à l’exercice des compétences de l’État dans les conditions prévues aux articles 31 à 36 (…) ». L’article 31 de la même loi organique ne mentionne pas la sécurité ou la sûreté concernant l’aviation civile parmi les compétences de l’État à l’exercice desquelles les institutions de la Polynésie française sont habilitées à participer.Il résulte de l’ensemble de ces dispositions que, en Polynésie française, d’une part, la sécurité et la sûreté en matière aérienne relèvent exclusivement de la compétence de l’État et, d’autre part, ainsi que l’a jugé le Conseil constitution-

325Avis du conseil d’État en 2008

nel dans sa décision du 3 mai 2007 susvisée, cette mission d’intérêt général demeure à la charge exclusive de l’État, lequel peut, afin de disposer d’une par-tie des ressources nécessaires, instituer des taxes, telle la taxe dénommée « taxe d’aéroport », créée par l’article 1609 quatervicies du code général des impôts et rendue applicable à la Polynésie française par l’ordonnance no 2006-482 du 26 avril 2006 portant adaptation en Polynésie française et en Nouvelle-Calé-donie de l’article 1609 quatervicies du code général des impôts, ratifiée par les dispositions du 29° du I de l’article 20 de la loi no 2007-224 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer.Ni les dispositions de l’article 31 de la loi organique du 27 février 2004 susvisée, ni aucune autre disposition de ce texte ne permettant à la Polynésie française de participer à la compétence de l’État en matière de sécurité et de sûreté aériennes, la Polynésie française ne peut exercer sa compétence fiscale en ces matières.Il appartient donc à l’État seul, de financer ces missions, telles que définies par les dispositions du code de l’aviation civile, notamment celles de son article L.  213-3, sur l’ensemble des aérodromes de la Polynésie française, comme sur ceux de métropole et des départements d’outre-mer, y compris les charges résultant de l’application des dispositions du décret no 2007-432 du 25 mars 2007 susvisé, applicable en Polynésie française.« Cependant, cet état du droit pourrait ne faire obstacle ni à ce que les exploi-tants d’aérodromes instituent des redevances pour services rendus ni à ce que la Polynésie française institue des taxes pour couvrir des dépenses leur incom-bant, sous la stricte réserve que ces redevances ou ces taxes soient, dans leur objet et leurs caractéristiques, étrangères à la sécurité et à la sûreté aériennes ou à toute autre mission d’intérêt général relevant par nature de l’État. »

Outre-mer Pouvoirs publics

■ Section de l’intérieur – Avis no 382.018 le 21 octobre 2008Droit applicable en Nouvelle-Calédonie – Répartition des compétences entre l’État et la Nouvelle-Calédonie – Lois de pays – Compétence pour déterminer des signes identitaires – Choix des signes identitaires (hymne et graphisme des billets de banque).

Le Conseil d’État (section de l’intérieur), saisi par le président du gouverne-ment de la Nouvelle-Calédonie en application de l’article 100 de la loi orga-nique no 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie d’un projet de loi du pays relatif à trois signes identitaires de la Nouvelle-Calédonie ;

Vu la Constitution, notamment son article 77 ;

Vu l’Accord sur la Nouvelle-Calédonie signé à Nouméa le 5 mai 1998 ;

Vu la loi organique no 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, notamment ses articles 5 et 99 ;

326 Avis du conseil d’État en 2008

Table des matièresFormule son avis dans le sens des observations suivantes :

Le projet de loi du pays soumis à l’examen du Conseil d’État met en œuvre les dispositions de l’article 5 et du 1° de l’article 99 de la loi organique du 19 mars 1999 en vertu desquelles le congrès de la Nouvelle-Calédonie a compétence pour déterminer librement, par des dispositions de loi du pays adoptées à la majorité qualifiée des trois cinquièmes de ses membres, des « signes identi-taires » permettant à la Nouvelle-Calédonie de « marquer sa personnalité aux côtés de l’emblème national et des signes de la République ».

Le Conseil d’État considère que le choix de l’hymne dont les paroles et la musique figurent en annexe du projet et de la devise mentionnée à l’article 2 de celui-ci ne méconnaît aucun principe ou règle de valeur constitutionnelle.

Il relève que l’article 3 a pour objet l’adoption de l’un des cinq signes identi-taires mentionnés dans l’Accord sur la Nouvelle-Calédonie signé à Nouméa le 5 mai 1998 (paragraphe 1.5), à savoir « le nom, le drapeau, l’hymne, la devise et les graphismes des billets de banque ». D’une part, il résulte de l’article 5 de la loi organique, lu à la lumière de l’Accord, qu’entre dans le champ d’applica-tion de la loi du pays adoptée à la majorité des trois cinquièmes des membres du congrès la détermination de tous les signes identitaires, y compris celui que constituent les graphismes des billets de banque. D’autre part, dans la mesure où la portée de l’article 3 est limitée à l’adoption de graphismes des billets de banque de la Nouvelle-Calédonie en vue de proposer aux autorités compétentes de l’État la mise en circulation de billets de banque comportant de tels gra-phismes figurant en annexe du projet, cet article répond à l’une des orientations définies dans l’Accord sans empiéter sur la compétence de l’État en matière de monnaie. En outre l’article 3 ne méconnaît aucun principe ou règle de valeur constitutionnelle.

327Table des matières

Table des matières

ÉditorialJean-Marc Sauvé, Vice-président du Conseil d’État .................................................7

I. Rapport d’activité

� Activité juridictionnelle ..................................................................................19

Section du contentieux .................................................................................................21Activité de la section .................................................................................................21Statistiques ...................................................................................................................24Jurisprudence ..............................................................................................................28

Actes législatifs et administratifs .............................................................................28Capitaux, monnaie, banques .....................................................................................30Communautés européennes et Union européenne....................................................30Contributions et taxes ...............................................................................................33Droit des détenus ......................................................................................................34Étrangers ...................................................................................................................35Fonctionnaires et agents publics ...............................................................................36Juridictions administratives et judiciaires ................................................................38Libertés publiques ....................................................................................................39Marchés et contrats administratifs – Commande publique ......................................40Procédure ..................................................................................................................42Propriété intellectuelle ..............................................................................................44Urbanisme et aménagement du territoire .................................................................45

Bureau d’aide juridictionnelle ..................................................................................47Bilan d’activité ...........................................................................................................47Statistiques ...................................................................................................................49

� Activité consultative ..........................................................................................51

Assemblée générale et commission permanente .................................................53Bilan d’activité ...........................................................................................................53

L’assemblée générale : une activité stabilisée ..........................................................53La commission permanente : une activité croissante ...............................................53

Remarques générales sur les conditions de saisine ...........................................54Délais d’examen .......................................................................................................54Consultations ............................................................................................................55Procédures préalables spécifiques ............................................................................56Omission des dispositions transitoires .....................................................................61

Éléments d’analyse ....................................................................................................61Réforme constitutionnelle et lois organiques prises pour leur application ..............61Lois de programme et lois de programmation..........................................................69Application de la Charte de l’environnement (article 7 sur l’information et la participation du public) .....................................................................................72Lois de finances ........................................................................................................73

Table des matières

328 Table des matières

Loi de financement de la sécurité sociale .................................................................75Lois ordinaires ..........................................................................................................75

Statistiques ...................................................................................................................83

Section de l’intérieur .....................................................................................................85Actes ..............................................................................................................................86

Domaine respectif de la loi et du règlement .............................................................86Enseignement – Enseignement supérieur – Délivrance des diplômes – Montant des droits d’inscription...............................................................................88Procédure consultative ..............................................................................................88

Collectivités territoriales ..........................................................................................90Attribution de nouvelles compétences......................................................................90Fonction publique territoriale ...................................................................................90Inscription d’office d’une dépense ...........................................................................91

Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique .....91Concurrence..............................................................................................................91

Droit pénal, juridictions, libertés publiques, régime des personnes ..............93Acquisition de la nationalité .....................................................................................93Droit au respect de la vie privée ...............................................................................93Droits des détenus ....................................................................................................94Droit pénal ................................................................................................................94Indépendance des médias .........................................................................................95Juridictions ...............................................................................................................96Police judiciaire ........................................................................................................97Principe de sécurité juridique ...................................................................................98Protection juridique des majeurs ..............................................................................98Régime des personnes ..............................................................................................99Traitements automatisés et protection des personnes ...............................................99

Établissements d’utilité publique .........................................................................101Associations et fondations ......................................................................................101Dons et legs ............................................................................................................104

Établissements publics ............................................................................................104Outre-mer ...................................................................................................................104Statistiques .................................................................................................................106

Section des finances .....................................................................................................109Actes ............................................................................................................................109

Applicabilité outre-mer ..........................................................................................109Autorités disposant du pouvoir réglementaire ........................................................110Catégories d’actes ...................................................................................................110Codification ............................................................................................................110Compétence ............................................................................................................111Ordonnances – Portée de l’habilitation ..................................................................111Procédure consultative ............................................................................................112

Budget et comptabilité ............................................................................................113Compte d’affectation spéciale ................................................................................113Dispositions pouvant figurer en loi de finances de l’année ....................................113Dispositions trouvant leur place en loi de finances rectificative ............................114Garantie de l’État....................................................................................................115Loi de règlement .....................................................................................................115Principes généraux du droit budgétaire ..................................................................116

329Table des matières

Conventions internationales ..................................................................................116Accords intervenant dans une matière législative ..................................................116Champ d’application territorial d’une convention internationale...........................117Contrôle de constitutionnalité des conventions internationales .............................118Notion d’engagement international, d’amendement et d’avenant ..........................118Obligations consultatives ........................................................................................119Réserves et déclarations interprétatives ..................................................................119Rétroactivité ...........................................................................................................120

Défense .......................................................................................................................120

Économie et finances ..............................................................................................121Aides d’État ............................................................................................................121Assurances ..............................................................................................................122Concurrence............................................................................................................122Consommation .......................................................................................................123Juridictions financières ...........................................................................................123Professions réglementées .......................................................................................123Spectacles, sports et jeux – Jeux en ligne – Ouverture à la concurrence ...............124Urbanisme commercial...........................................................................................124

Fonctionnaires et agents publics ..........................................................................125Agents non titulaires – Reconduction du contrat pour une durée indéterminée – Notion de contrats successifs .................................................................................125Autorités administratives indépendantes ................................................................125Comités techniques paritaires .................................................................................126Consultation – Conseil supérieur de la fonction publique de l’État .......................126Détachement ...........................................................................................................127Égalité de traitement des membres d’un même corps ............................................127Engagement de servir l’État ...................................................................................128

Impôts, taxes et redevances ...................................................................................128Compétence des agents des impôts ........................................................................128Compétence fiscale de la Polynésie française ........................................................128Droit de communication .........................................................................................128Impôt sur les revenus et les bénéfices .....................................................................129Lois de validation ...................................................................................................130Lutte contre les « paradis fiscaux » .........................................................................130Redevances .............................................................................................................131Rescrit fiscal ...........................................................................................................131Rétroactivité ...........................................................................................................131Système commun de taxe sur la valeur ajoutée ......................................................131Taxe foncière sur les propriétés non bâties .............................................................132

Organisation et gestion de l’administration.......................................................132Établissement public...............................................................................................132

Statistiques .................................................................................................................133

Section des travaux publics ......................................................................................135

Actes ............................................................................................................................135Compétence ............................................................................................................135Procédure consultative ............................................................................................137

Commande publique ...............................................................................................138Exception « in house » ............................................................................................138Publicité et mise en concurrence – Concession d’autoroutes.................................139

330 Table des matières

Commerce, industrie et interventions économiques de la puissance publique – Organisation des activités économiques – Portée des règles communautaires et professions réglementées ...................................................139

Aide d’État – Qualification et notification .............................................................139Autorités de régulation et autorités administratives indépendantes .......................140Professions réglementées – Accès – Reconnaissance des qualifications professionnelles ......................................................................................................140

Établissements publics et ports .............................................................................141Libertés publiques ....................................................................................................142Nature et environnement ........................................................................................143

Compatibilité des concessions minières et de la préservation de la nature ............143Police générale et police spéciale – Articulation de ces pouvoirs avec les objectifs de la directive du 21 mai 1992 ...................................................143Procédures d’enquête publique ..............................................................................143Procédures de protection ou de mise en valeur ......................................................144

Outre-mer ...................................................................................................................145Nouvelle-Calédonie ................................................................................................145Polynésie française – Wallis-et-Futuna ..................................................................147

Poste et télécommunications – Téléphonie mobile – 4e licence – Égalité de traitement des titulaires de licence / Domaine public – Redevance ..................................................................................................................147Statistiques .................................................................................................................148

Section sociale ................................................................................................................151Consultations obligatoires .....................................................................................152Outre-mer ...................................................................................................................153

Départements d’outre-mer ......................................................................................153Nouvelle-Calédonie ................................................................................................154

Aide et action sociale ..............................................................................................154Décret relatif à la grille AGGIR .............................................................................154Décrets relatifs à la prestation de compensation pour l’enfant handicapé .............154Décrets relatifs à la protection juridique des majeurs ............................................155

Santé ............................................................................................................................156Décret portant code de déontologie des masseurs-kinésithérapeutes .....................156Décret portant code de déontologie des sages-femmes ..........................................156Décret relatif aux autorisations d’exercice et d’usage du titre d’ostéopathe ..........157Ordonnance et décrets transposant des directives relatives aux produits de santé ....157

Sécurité sociale .........................................................................................................157Décrets relatifs aux régimes spéciaux de retraite ...................................................157Décret relatif à l’expérimentation d’une caisse commune de sécurité sociale .......159Décret relatif au recouvrement des cotisations sociales des personnes non salariées des professions agricoles ..................................................................160Décret sur la gouvernance de la Caisse nationale militaire de sécurité sociale .....160Décret relatif aux ressources prises en compte par les organismes débiteurs des allocations familiales ........................................................................................161Décret sur les modalités d’attribution de la contribution sociale généralisée aux régimes obligatoires d’assurance maladie .......................................................161

Travail, emploi, formation professionnelle .......................................................161Saisine des partenaires sociaux avant toute réforme ..............................................161Décret de recodification du code du travail ............................................................164Décret d’application de la loi sur la continuité du service public dans les transports ..................................................................................................165Décrets relatifs aux conseils des prud’hommes .....................................................166

331Table des matières

Décret relatif au Haut Conseil du dialogue social ..................................................166Décret relatif au temps de travail ............................................................................167Décret relatif à l’organisation du service public de l’emploi .................................168Décret relatif à la durée du travail du personnel navigant affecté à des opérations aériennes civiles d’urgence par hélicoptère .................................168Décret relatif à l’information des travailleurs sur les risques pour leur santé et leur sécurité ........................................................................................................169Décret relatif au Conseil d’orientation sur les conditions de travail ......................169Décret sur les équipements de travail et équipements de protection individuelle .....169Décret sur l’hébergement des salariés agricoles .....................................................170

Statistiques .................................................................................................................171

Section de l’administration .......................................................................................173Commande publique ...............................................................................................173

Obligation d’information dans le cadre des marchés de haute technologie ...........173Prérogatives des pouvoirs adjudicateurs .................................................................174UGAP .....................................................................................................................174

Défense nationale .....................................................................................................175Compétence respective de la loi et du pouvoir réglementaire en matière d’organisation de la défense nationale ...................................................................175Conseil de défense et de sécurité nationale ............................................................176Direction politique et stratégique de la réponse aux crises majeures .....................176Régime des priorités de transport ...........................................................................177Réquisitions ............................................................................................................177Secret de la défense nationale ................................................................................178

Fonctionnaires et agents de l’État ........................................................................178Base légale de recrutement dérogatoire ..................................................................178Comités techniques paritaires ministériels et organisation gouvernementale ........179Durée du travail ......................................................................................................180Égalité de traitement ...............................................................................................180Libre circulation des travailleurs ............................................................................181Principe de participation .........................................................................................181Obligation de consultation des comités techniques paritaires ................................182Corps propre d’un établissement public .................................................................182Personnels enseignants titulaires de médecine générale ........................................183

Fonctionnaires et agents des collectivités territoriales ...................................184Échelonnement indiciaire des cadres d’emplois et des emplois.............................184Transfert de fonctionnaires de l’État ......................................................................184Congés de maladie, longue maladie et de longue durée.........................................185

Militaires et personnels civils de la défense ......................................................185Garanties fondamentales accordées aux militaires .................................................185Conseil supérieur de la fonction militaire ..............................................................186Aumôniers militaires ..............................................................................................187Fonctionnaires de la DGSE ....................................................................................188Ouvriers de la défense ............................................................................................188

Organisation et gestion des services publics .....................................................189Établissements publics nationaux à caractère administratif ...................................189Services à compétence nationale ............................................................................189

Propriétés des personnes publiques .....................................................................190Protection des propriétés publiques et privatisations .............................................190Convention d’utilisation .........................................................................................190

Statistiques .................................................................................................................191

332 Table des matières

Récapitulatif des statistiques pour 2008 ..............................................................193

Mise en œuvre de l’article 88-4 de la Constitution ...........................................195

� Activité de la section du rapport et des études ...............................199

Exécution des décisions de la juridiction administrative en 2008 ..............201Les évolutions constatées en 2008 .......................................................................201Considérations sur la gestion des procédures d’exécution ............................202Demandes d’éclaircissement adressées à la section du rapport et des études en 2008 ..............................................................................................205Statistiques .................................................................................................................208

Études et diffusion des travaux du Conseil d’État ...........................................211L’activité d’étude en 2008 .....................................................................................211La diffusion des travaux du Conseil d’État et de la juridiction administrative ............................................................................................................212

Action internationale de la juridiction administrative ...................................215L’année 2008 a été marquée par une réforme de l’organisation des activités internationales au sein du Conseil d’État ...................................215Les institutions européennes ont occupé une place essentielle dans les activités de coopération internationale ...............................................216Les échanges bilatéraux avec les juridictions étrangères ont été soutenus ...217

Europe ....................................................................................................................217Afrique du Nord – Proche et Moyen-Orient ..........................................................218Asie – Océanie........................................................................................................219Amériques ..............................................................................................................220Afrique – Madagascar ............................................................................................220

Le Conseil d’État a activement participé aux travaux des deux associations jouant le rôle de forum dans les échanges multilatéraux entre les juridictions administratives suprêmes ................................................221

L’Association internationale des hautes juridictions administratives (AIHJA) ......221L’Association des Conseils d’État et juridictions administratives suprêmes de l’Union européenne ...........................................................................................221

La juridiction administrative a approfondi ses partenariats avec les organismes français de coopération juridique ..................................222

Activité de la délégation au droit européen du Conseil d’État ....................223

� Activité du centre de formation de la juridiction administrative .....................................................................................................227

Bilan des formations ...................................................................................................229Formation initiale des conseillers de tribunal administratif et de cour administrative d’appel .........................................................................229Formation continue des magistrats des juridictions administratives ...........230Formation des agents de greffe des juridictions administratives .................231Formation des membres du Conseil d’État .......................................................232Formation des agents du Conseil d’État .............................................................233Statistiques .................................................................................................................234

333Table des matières

� Activité de la Mission permanente d’inspection des juridictions administratives ...............................................................241

Mission permanente d’inspection des juridictions administratives ...........243Bilan des missions d’inspection des juridictions administratives ................243Bilan de la participation à la gestion du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel .........................................245

� Activité des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel .................................................................................247

L’activité des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel..............................................................................................................................249

L’activité des tribunaux administratifs en 2008 ...............................................249Affaires réglées .......................................................................................................250Affaires en instance et délais ..................................................................................250Perspectives ............................................................................................................251

L’activité des cours administratives d’appel en 2008 .....................................253Affaires enregistrées ...............................................................................................253Affaires réglées .......................................................................................................253Affaires en instance et délais ..................................................................................254

� Activité des juridictions spécialisées .....................................................257

Cour nationale du droit d’asile ...............................................................................259Recours .......................................................................................................................260

La baisse des recours ..............................................................................................260Les demandes de réexamen ....................................................................................261L’évolution des recours par nationalité ou résidence .............................................261

Activité juridictionnelle ..........................................................................................262Les décisions ..........................................................................................................262Les missions foraines .............................................................................................264Les renvois ..............................................................................................................264Les ordonnances .....................................................................................................265Les auxiliaires de justice ........................................................................................265

Pourvois en cassation ..............................................................................................265Délai de traitement des recours ............................................................................265Dossiers en instance ................................................................................................266Aide juridictionnelle ...............................................................................................267Jurisprudence de la Cour ........................................................................................268

La procédure d’asile ...............................................................................................268La notion de protection...........................................................................................269Les cas d’exclusion ................................................................................................270La protection subsidiaire ........................................................................................271

Commission centrale d’aide sociale .......................................................................273

Cour nationale de la tarification sanitaire et sociale .......................................275

Section des assurances sociales du Conseil national de l’ordre des médecins ..............................................................................................277

Attributions et missions ..........................................................................................277

334 Table des matières

Bilan d’activité .........................................................................................................277

Chambre disciplinaire nationale de l’ordre des chirurgiens-dentistes .....279Attributions et missions ..........................................................................................279Bilan d’activité .........................................................................................................279

Chambre de discipline du Conseil national de l’ordre des pharmaciens ...........................................................................................................281

Attributions et missions ..........................................................................................281Bilan d’activité .........................................................................................................281Jurisprudence ............................................................................................................282

Chambre de discipline nationale de l’ordre des sages-femmes ...................283

Chambre supérieure de discipline de l’ordre des vétérinaires ....................285Attributions et missions ..........................................................................................285Bilan d’activité .........................................................................................................285Jurisprudence ............................................................................................................285

Bilan statistique de l’activité des juridictions administratives spécialisées ......................................................................................................................287

� Avis du conseil d’État en 2008 ..................................................................289

Actes législatifs et réglementaires Procédure ...................................................................................................................293

Collectivités territoriales Comptabilité publique et budget Domaine .....................................................................................................................294

Comptabilité publique et budget ..........................................................................298

Contrats administratifs Fonctionnaires et agents publics ..........................................................................303

Domaine Poste et Communications électroniques ............................................................308

Droits civils et individuels .....................................................................................313

Enseignement Marchés et contrats administratifs .......................................................................318

Nature et environnement Police administrative Responsabilité de la puissance publique ............................................................320

Outre-mer Contributions et taxes Transports ..................................................................................................................323

Outre-mer Pouvoirs publics .......................................................................................................325