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Emmanuelle Du Bouetiez Antoine Hermary Annie Pralong Jean-Michel Saulnier Martin Schmid Catherine Petit Pierre-Yves Péchoux Pierre Aupert Rapport sur les travaux de la mission de l'École française à Amathonte de Chypre en 1990 In: Bulletin de correspondance hellénique. Volume 115, livraison 2, 1991. pp. 751-787. Citer ce document / Cite this document : Du Bouetiez Emmanuelle, Hermary Antoine, Pralong Annie, Saulnier Jean-Michel, Schmid Martin, Petit Catherine, Péchoux Pierre-Yves, Aupert Pierre. Rapport sur les travaux de la mission de l'École française à Amathonte de Chypre en 1990. In: Bulletin de correspondance hellénique. Volume 115, livraison 2, 1991. pp. 751-787. http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bch_0007-4217_1991_num_115_2_6864

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Emmanuelle Du BouetiezAntoine HermaryAnnie PralongJean-Michel SaulnierMartin SchmidCatherine PetitPierre-Yves PéchouxPierre Aupert

Rapport sur les travaux de la mission de l'École française àAmathonte de Chypre en 1990In: Bulletin de correspondance hellénique. Volume 115, livraison 2, 1991. pp. 751-787.

Citer ce document / Cite this document :

Du Bouetiez Emmanuelle, Hermary Antoine, Pralong Annie, Saulnier Jean-Michel, Schmid Martin, Petit Catherine, PéchouxPierre-Yves, Aupert Pierre. Rapport sur les travaux de la mission de l'École française à Amathonte de Chypre en 1990. In:Bulletin de correspondance hellénique. Volume 115, livraison 2, 1991. pp. 751-787.

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bch_0007-4217_1991_num_115_2_6864

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RAPPORT SUR LES TRAVAUX

DE L'ÉCOLE FRANÇAISE À AMATHONTE

DE CHYPRE EN 1990

(Mission cofinancée par le Ministère des Affaires Étrangères)

En marge des recherches de terrain, les responsables des différents chantiers ouverts sur le site d'Ama- thonte ont pris une part importante dans la réalisation d'une exposition sur «Les travaux des missions archéologiques françaises à Chypre », puisque vingt-huit des trente-quatre panneaux concernaient les fouilles amathou- siennes et que l'ensemble a été composé et réalisé par notre architecte, Martin Schmid, et toute une équipe1. Cette exposition, présentée à VAmathus Beach Hôtel de Limassol en novembre 1990, y a été officiellement inaugurée par Son Excellence Monsieur Georges Vassiliou, Président de la République de Chypre. Elle a ensuite été transférée aux Instituts français de Nicosie, puis d'Athènes (février 1991). De là elle gagnera la France (Lyon en novembre; Toulouse en janvier 92; Bordeaux, où elle figurera lors de l'inauguration de la Maison de l'Archéologie, au début de 1993).

Signalons enfin que le Cahier 13 (sorti en juillet 1990), du Centre d'études chypriotes que dirige Olivier Masson, a été consacré à Amathonte au xix* siècle.

1. — La basilique de l'acropole

par Emmanuelle Du Bouetiez, Antoine Hermary, Annie Pralong, Jean-Michel Saulnier et Martin Schmid

Le Département des Antiquités ayant bien voulu affecter son équipe de restaurateurs à la dépose et à la restauration des opus sectile de la basilique, il a été décidé de mener dans les zones concernées (nef centrale, sanctuaire et nef Sud) une fouille jusqu'au rocher, dont l'objet était double : détecter la présence de remaniements dans la basilique et dégager les états antérieurs éventuellement associés au temple. La fouille a par ailleurs permis de mettre au jour de nouveaux blocs du temple remployés dans les fondations des murs des nefs centrale et Sud, et de constater l'utilisation de nombreux remplois de champlevé dans Y opus sectile.

(l) Yvonne Rizakis, Vanna Hadjimichali, Sylvie Hartmann, W. Phelps, Evi Platanitou, Nikos Sigalas, Anna Touchais et Litsa Trouki.

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752 Ε. DU BOUETIEZ, A. HERMARY, A. PRALONG, J.-M. SAULNIER ET M. SCHMID [BCH 115

Α Μ Α Τ Η Ο Ν Τ Ε » ; V Ι / ,-, SANCTUAIRE D'APHRODITE

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PALEOCHRETIEN ROMAIN HELLENISTIQUE

Fig. 1. — Le sanctuaire d'Aphrodite et la basilique, éch. 1 :400.

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1991] TRAVAUX DE L'ÉCOLE FRANÇAISE À AMATHONTE EN 1990 753

Par ailleurs, May Tourna a continué de travailler sur la céramique paléochrétienne, et Catherine Abadie a expertisé la céramique romaine tardive du site. Lene Skafte-Skov est venue seconder Martin Schmid pour les relevés architecturaux.

La fouille sous la nef centrale, le sanctuaire et la nef Sud a mis en évidence la stratification suivante, de bas en haut :

1. le rocher, avec des traces d'occupation; 2. un épais remblai ; 3. un ensemble de couches destinées à la préparation des sols pavés d'opus sedile et de dalles de marbre.

A. Les structures antérieures à la basilique (plan, fig. 1)

Un ensemble de murs d'orientations semblables à celles des murs du temple a été mis au jour. Ils semblent dessiner le plan d'un même bâtiment.

On voit l'empreinte d'un grand mur A Nord-Ouest/Sud-Est (largeur : 0,65 m, longueur : 5,50 m), prolongeant un grand seuil (fig. 2) avec un trou de crapaudine (niveau : 86,17 ; dimensions : 1,20 X 0,65 m), sur lequel est posée transversalement la fondation du stylobate Nord de la nef centrale.

Sous la nef Sud, le rocher a été entaillé pour permettre la fondation d'un mur Β Sud-Ouest/Nord-Est, entièrement pillé (largeur : 0,48 m, longueur : 6,30 m) (fig. 3).

Au Nord-Est, sous l'abside centrale, on distingue un mur C Sud-Est/Nord-Ouest, dont il reste quelques pierres en place (niveau : 87,13, longueur restituée : 6,80 m), de largeur semblable à celle du mur Β (0,45 m).

Au Nord du mur B, un dallage est partiellement conservé (niveau moyen : 87,07) (fig. 4). A 1,24 m de l'extrémité encore clairement visible du mur pillé Β se trouve un escalier de trois marches, les

deux premières étant taillées dans le rocher et la troisième restituée, qui aboutit à un palier de niveau semblable à celui du dallage (fig. 5). On note que la hauteur totale de l'escalier équivaut à la différence de niveau (0,90 m) entre le dallage et le sol de terre argileuse jaune, qui était probablement associé au seuil trouvé sous la nef centrale, et qu'une entaille pratiquée dans la deuxième marche est alignée sur le parement Est du mur B. Dans le mur d'échiffre, au Nord de l'escalier, était remployé un grand bassin en calcaire à cupule centrale et canal d'évacuation (AM 1937, dimensions conservées : 51,5 X 52 cm, diamètre de la cupule : 17 cm, profondeur : 7 cm, niveau supérieur : 86,68) (fig. 6).

A la jonction du sanctuaire et de la nef centrale apparaissent les restes de deux murs perpendiculaires, de même orientation que les murs B et C.

B. Les fondations de la basilique (par Martin Schmid)

Les fondations des murs Sud, Ouest et Nord de la nef centrale (fig. 7-9) qui s'appuient sur le rocher sont constituées de blocs remployés du Temple d'Aphrodite. Ces réemplois proviennent principalement des parties hautes de l'édifice. Deux blocs sont sans doute des éléments d'encadrement de porte, un autre est une dalle porte-colonne. L'on reconnaît les blocs les plus caractéristiques qui ont été numérotés, dans les fondations du :

1) Mur Sud a) des blocs d'architraves de longueurs variables placés tête en bas (blocs 1 à 6) ; b) un bloc porte-colonne incomplet (7) qui porte les traces délimitant une portion de cercle dont le rayon

est comparable à celui d'un fragment de chapiteau nabatéen, couronnement de colonnes jumelées, trouvé près du rempart médian de l'acropole par P. Aupert et P. Leriche (BCH 113 [1989], p. 884, fig. 43) et à celui d'une base de colonnes jumelées, remployée dans la tour 2 du même rempart. Ce bloc 7 est une dalle porte-colonne du type sans doute engagé pouvant faire partie du décor intérieur du Temple ;

c) un bloc incomplet (8) qui pourrait être un élément d'encadrement de porte qui comporte 3 fasces identiques à ceux d'un bloc entier remployé dans l'abside Sud et d'un autre remployé dans les fondations Nord (13).

2) Mur Ouest a) 2 blocs biseautés (9) et (10) de hauteur 0,54 m, correspondant à la hauteur de l'assise du chapiteau

nabatéen (partie inférieure). Le bloc (9) long de 1,78 m comporte des biseaux qui soulignent un faux carreau entouré de boutisses, le bloc 10 est partiellement retaillé dans sa partie supérieure ;

b) un bloc (11) dont le lit d'attente comporte un trou de goujon et un trou de pince ainsi qu'un encastrement pour crampon ;

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754 EpWJ BOUETIEi^ A. HERMARY, A. PRALONG, J.-M. SAULNIERJET M. SCHMID [BCH 1,15

Fig. 2. — Seuil sous la nef centrale (mur A). Fig. 3. — Mur B, sous la nef sud.

Fig. 4. — Dallage au Nord du mur B. Fig. 5. — Escalier, sous la nef Sud.

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Fig. 6. — Bassin à cupule (AM 1937).

Fig. 7. — Basilique, fondations de la nef centrale : élévation du mur Nord (1 : 75).

Fig. 8. — Idem : élévation du mur Ouest (1 : 75).

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Fig. 9. — /<fem : élévation du mur Sud (1 : 75).

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756 Ε. DU BOUETIEZ, A. HERMARY, A. PRALONG, J.-M. SAULNIER ET M. SCHMID [BCH 115

OUEST

c) un bloc de corniche à denticules (12) qui provient du long côté du Temple et dont le lit de pose est inscrit de lettres de mise en place des blocs.

3) Mur Nord a) un élément provenant sans doute d'un encadrement de porte (parastade) (13) qui comporte 3 fasces

surmontés d'une moulure ; b) un bloc orthostate (14) dont le lit d'attente est pourvu d'un trou de goujon et d'un trou de pince; c) un bloc (15) aux points biseautés de hauteur 0,65 m, comparable à la hauteur de l'assise du chapiteau

nabatéen (partie supérieure) d'un bloc de corniche 16 provenant du long côté du Temple visible par sa face de joint et posé tête en bas.

Seul un démontage des fondations permettrait d'identifier les autres blocs visibles et donnerait des informations plus complètes pour les blocs mentionnés ci-dessus.

C. Le remblai

Au moment de la construction de la basilique, une fois construits les murs de fondation, l'espace intérieur a été comblé par un remblai d'environ 1 m d'épaisseur, de composition très hétérogène.

En voici les couches principales, en partant du rocher (fig. 10) : Une couche de terre brune et de petites pierres a livré quatre monnaies — trois romaines (ive s.), une

hellénistique (niveaux 86,12-86,30). Elle représente soit le fond du remblai, soit une couche d'abandon (3 D 13); L'essentiel du remblai (épaisseur moyenne : 0,40 à 0,70 m) est constitué de pierres, dont quelques-unes sont

des fragments de blocs du Temple taillés, de tuiles et de céramique, ainsi que de quelques déchets de taille de plaques de marbre (3 D 11);

On note sous l'angle Sud-Ouest du sanctuaire la présence d'une petite poche contenant de nombreux fragments de verre de vitre et une grande quantité de tesselles de mosaïque murale paléochrétienne (niveau 86,61-86,91) (2 D 17).

D. Les couches destinées à la préparation des sols de la basilique

a) Dans le sanctuaire — Couche de plâtre régulière, plane, soigneusement posée et stérile (épaisseur : 5 cm environ). On note une interruption à la corde de l'abside, qui révèle une pose en deux temps. Cette couche supporte le soubassement du chancel et a un peu débordé sur le remblai de la nef centrale. Elle régularise l'aspect chaotique du remblai,

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1991] TRAVAUX DE L'ÉCOLE FRANÇAISE À AMATHONTE EN 1990 757

TERRE ARGILEUSE JAUNE TERRE ORISE

SSSSS PLATRE _____ MORTIER GRIS

PAVEMENT EN OPUS SECTILE TERRE ARGILEUSE JAUNE . PLATRE

V "^ REMBLAI PIERRES «TERRE OOOO RAOER 000— >

Fig. 10. — Coupe longitudinale restituée.

mais on s'explique mal sa présence, étant donné qu'elle n'existait pas dans la nef centrale et qu'elle ne portait aucune empreinte sur sa surface (2 D 11-2 D 12).

— Couche de terre argileuse jaune (épaisseur : 4 à 10 cm). Comme pour la couche précédente, on observe une séparation entre l'abside et le sanctuaire. Une grande quantité de céramique, quelques déchets de marbre, ainsi qu'une intaille hellénistique (fig. 11) ont été retrouvés (2 D 09-2 D 10).

— Radier recouvert d'une fine couche de mortier gris-noir. Il est constitué de grosses pierres de 25 à 45 cm de longueur, de forme grossièrement paralléiépipédique, posées de chant, et remploie parfois des moellons taillés (2 D 03).

— Au-dessus, une ou plusieurs couches de plâtre (épaisseur : 4 à 10 cm), dans lesquelles on distingue toujours une séparation entre l'abside (2 D 07) et le reste du sanctuaire (2 D 02-2 D 04).

— Mortier qui a scellé Vopus sectile de l'abside et le dallage de marbre du sanctuaire (épaisseur : 5^an environ). Il contient du tuileau pilé rosé et une forte charge de cailloutis noir (2 D 01-2 D 05).

b) Dans la nef centrale — Très fine couche de plâtre (moins d'1 cm), représentant un niveau de piétinement (3 D 08). — Sur le remblai, se trouve directement posée une couche argileuse jaune (épaisseur : 4 cm environ),

contenant quelques fragments de marbre et de céramique (3 D 07). — Couches grises enrobant le radier (3 D 06), qui résultent, semble-t-il, de la décomposition du mortier

coulé dans le radier (3 D 04). — Radier, constitué ici de petites pierres de 10 à 20 cm de longueur, posées de chant de façon régulière,

dense et soignée (3 D 05) (fig. 12). Des bandes Nord-Sud, larges de 0,45 m en moyenne, étaient séparées par une bande Est-Ouest plus étroite (0,20 m).

— Couche argileuse jaune (épaisseur : 5 cm environ), régulièrement posée sur toute la surface de la nef (3 D 03). Elle correspond à la couche de plâtre 2 D 02-04-07 du sanctuaire et de l'abside.

— Mortier (épaisseur : 5 à 9 cm environ) scellant le pavement. Légèrement rosé, il contient quelques tessons et de petits déchets de taille de marbre (3 D 02).

c) Dans la nef Sud — Couche jaune-blanche, souvent composite (5. 05, niveau supérieur 87 à 87,20), posée sur les structures

antérieures. — Mortier sous le radier, avec quelques fragments de céramique et deux tesselles de mosaïque (5. 04). — Radier (niveau 87,10-87,30), avec une pente Est-Ouest marquée (0,30 m en 4 m) (5. 03). Il est constitué

de bandes Nord-Est larges de 0,40 m, séparées verticalement par des bandes de 0,15 m en moyenne, et horizontalement par une bande Est-Ouest de 0,15 m environ.

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758 Ε. DU BOUETIEZ, A. HERMARY, A. PRALONG, J.-M. SAULNIER ET M. SCHMID [BCH 115

Fig. 12. — Radier dans la nef centrale.

Fig. 11. — Intaille hellénistique.

— Mortier noir liant le radier et le recouvrant (5. 02). — Mortier rosé épais (plus de 5 cm), très dur, avec beaucoup de tuileau et de cailloutis, collé au radier, qui

a servi à la fixation de Vopus sectile (5. 01). Notons que seule la partie Est de cette nef présentait une stratigraphie complète.

d) Dans les absides Abside de l'annexe Nord — Couche de terre jaune, posée sur le rocher (11. 4, niveau 87,35 à 87,60). — Radier (11. 3), constitué de moellons posés dans la terre jaune, et recouvert d'un mortier noirâtre de

mauvaise qualité (beaucoup de charbon de bois) (niveau 87,70). — Mortier rosé, pulvérulent, très caillouteux à sa base, inégalement conservé (11. 1).

Abside Nord — Couche jaune avec quelques tessons (6. 03, niveau 87,30). — Radier de bonne qualité, composé de pierres assez grosses (6. 02, niveau 87,45). — Mortier gris-rose, très fin, très caillouteux à sa base (6. 01, niveau 87,50). — Signalons que la base de Pédicule situé dans cette abside est creusée dans le rocher.

Abside centrale — Gypse dur, sans matériel (2 D 11). — Couche pulvérulente jaune, avec de nombreux nodules de plâtre (2 D 10, niveau 87,20 en moyenne). — Radier très irrégulier, fait avec des pierres de 15 X 20 cm environ, mêlées de déchets de taille de marbre

et de pierres du temple, de petites pierres remplissant les vides (niveau 87,45).

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1991] TRAVAUX DE L'ÉCOLE FRANÇAISE À AMATHONTE EN 1990 759

Fig. 13. — Préparation de la dépose.

— Plâtre presque pur (2 à 5 cm épaisseur), directement posé sur le radier (2 D 07). — Couche noire pulvérulente (2 D 06). — Mortier légèrement rosé, très caillouteux à la base, et recouvert d'une fine couche de plâtre (2 D 05). L'espace compris entre le synthronon et l'abside était constitué d'un bourrage de petites pierres irrégulières

posées sur des blocs plus importants, reposant eux-mêmes sur des pierres de taille moyenne prises dans du mortier (quelques tessons).

s Abside Sud

La succession des couches est semblable à celle constatée dans l'abside Nord.

2. — Dépose d· Vopum moctll* et d·· placages muraux

par Annie Pralong

Cette opération a été menée par l'équipe des restaurateurs du Service des Antiquités de Chypre, dirigée par Georgios Tapakorotès et généreusement mise à la disposition de la mission française par Monsieur A. Papa- georghiou, Directeur des Antiquités. Elle s'est déroulée en deux phases : la dépose proprement dite, menée sur le terrain pendant 4 semaines, et l'ultime nettoyage du revers des panneaux déposés au musée archéologique de Limassol pendant 3 semaines.

Technique de dépose Commencée dès les premiers jours du mois, l'opération de dépose s'est poursuivie jusqu'au 26 avril 1990.

Elle comprenait 6 phases successives (fig. 13). Tout d'abord on a entoilé les panneaux avec une fine mousseline

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760 ANNIE PRALONG [BCH 115

fixée au pavement par une colle fabriquée sur place avec un mélange chauffé de gomme arabique, de miel et de vinaigre. Après séchage, cette gaze a été recouverte d'une toile de jute, encollée de la même manière, portant les lignes de séparation de panneaux aux dimensions déterminés en fonction du poids maximum susceptible d'être soulevé. Ces panneaux avaient été préalablement numérotés de manière à préparer la future opération de restauration du pavement. Ainsi la nef centrale a été découpée en 85 panneaux, la nef et l'abside Sud en 16, l'abside centrale en 4, l'abside Nord en 3 et l'extrémité orientale de la première annexe Nord en 5, soit au total 113 panneaux. Après séchage sous tôle — en effet le séchage au soleil entraîne une fragilisation de la surface supérieure de l'entoilage qui devient cassable — , les panneaux ont été séparés les uns des autres, détachés du mortier à l'aide d'une barre à mine, retournés, grossièrement débarrassés du mortier les fixant au sol et transportés dans la cour du musée archéologique de Limassol où ils ont été étalés pour permettre leur étude. Matériel déposé

Quatre matériaux entrent dans la composition du pavement enlevé : le marbre, un marbre blanc veiné de gris, certainement de Proconnèse, mais aussi un marbre plus blanc, plus fin, dont la provenance n'est pas définie, du marbre gris foncé et du marbre noir ; puis du calcaire oolithique jaune, très fréquemment utilisé dans les pavements d'opus sectile aussi bien à Chypre que sur la côte de l'Anatolie (Cilicie ou Antiochène), qui proviendrait de carrières situées dans le Nord de l'île ; puis de fines pièces en schiste noir, très fragile, se délitant facilement ; enfin, des morceaux de terre cuite, à pâte fine rouge fin, apparentée aux tuiles du type IV de la basilique 2 (fig. 14).

La nef centrale, avec ses 15 panneaux en forme de tapis uniformes, encadrés par des bandeaux de marbre ou de calcaire, fournit l'échantillonnage le plus riche aussi bien dans la forme et la taille des modules employés que dans les combinaisons rencontrées (fig. 15). Certaines sont classiques et largement répandues dans le monde méditerranéen8, d'autres semblent plus spécifiquement chypriotes, en particulier tous les motifs construits avec des hexagones4 (panneaux 3, 6, 8 et 14) ou des octogones à côtés concaves. Chaque tapis fait intervenir le plus souvent 2 types de modules (panneaux 1, 2, 4, 7, 9, 10, 11, 12, 13), quelquefois 3 (panneaux 5, 6, 8, 14, 15), une seule fois 4 (panneau 3), avec, pour toute variante, un changement dans le matériau utilisé pour un même module, généralement de couleur différente : marbre à la place de la brique ou du calcaire. Chaque panneau semble original, car les artisans ont joué sur la taille des éléments et les effets de couleur pour créer une impression de diversité en n'utilisant que 8 motifs : hexagones allongés associés à des carrés posés sur la pointe6 (panneaux 4, 10, 13) ; hexagones réguliers et losanges· (panneaux 1, 2, 7, 12) identiques deux par deux (1 et 7 ; 2 et 12); octogones à quatre côtés concaves et disques (panneaux 11 et 15). Un motif conçu à partir d'hexagones réguliers à deux côtés concaves est utilisé trois fois ici (panneaux 3, 6 et 14), dont une (3) avec des erreurs dans la pose des modules7; seuls trois motifs ne se rencontrent qu'une fois (panneaux 5, 8, 9).

La nef Sud, les absides et la partie orientale de la première annexe Nord présentaient un sol très délabré fait de motifs à deux modules. La nef Sud devait posséder 4 à 5 panneaux différents, mais seul le tapis voisin de l'abside a été conservé : il est composé d'octogones de calcaire et de petits carrés de marbre ; le panneau suivant est encore lisible par les empreintes laissées (hexagones allongés et carrés). En revanche, les empreintes conservées plus à l'Ouest sont trop abîmées pour justifier des propositions plausibles. Les absides présentaient des lambeaux faits d'octogones réguliers (abside centrale) ou allongés (absides Sud et Nord). Seule l'extrémité orientale de la première annexe Nord, légèrement surélevée, présentait un dallage en parfait état composé d'hexagones allongés et de carrés (fig. 16).

(2) F. Hadjichristophi, BCH 113 (1989), p. 878. (3) Cf. F. Guidobaldi et A. Guiglia Guidobaldi, Paoimenli marmorei di Roma dal IV al IX secolo (1983),

p. 262-349. Ce type d'opus sectile est qualifié de «géométrique à petits éléments», p. 327-328. (4) Cf. le pavement du Baptistère d'Ayios Philon (J. du Plat Taylor, A. H. S. Megaw, RDAC 1981,

pi. XXXVIII), celui de l'église d'Episkopi (S. Young, «The Médiéval Manor and the Sugar Industry of Cyprus», dans Archaeological Guide to the Ancient Kourion and the Akrotiri Peninsula [1982], fig. 121, p. 155).

(5) Cf. F. Guidobaldi, dans Marmi antichi, problemi d'impiego, di restauro e d'identificazione, Studi Miscel- lanei 26 (1981-1983), fig. 26-f, p. 212. En Antiochène, cf. le pavement de la salle cruciforme de Daphné-Yakto (J. Lassus, Anlioch-on-lhe-Orontes II [1938], fig. 45, p. 125).

(6) F. Guidobaldi, Studi Miscellanei 26, fig. 26-d. Voir aussi J. Lassus, op. cit., fig. 43, p. 124. (7) II n'est pas question ici de relever les anomalies ou irrégularités des modules dont l'intérêt se limite aux

indications fournies sur leur technique de fabrication et les pratiques de pose des éléments.

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1991] TRAVAUX DE L'ÉCOLE FRANÇAISE À AMATHONTE EN 1990 761

Fig. 14. — Vue aérienne de la basilique prise en 1984.

Fig. 15. — Nef centrale de gauche à droite et de haut en bas : panneaux 1 à 6; 7 à 11 ; 12 à 15.

Fig. 16. — Vue aérienne de Vopus seclile de l'annexe Nord.

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762 ANNIE PRALONG [BCH 115

La conservation des panneaux est variable : si l'on exclut les panneaux mutilés par les destructions subies au cours des siècles, il semble qu'elle soit liée à l'épaisseur (fig. 17) des modules et à la technique de pose. Dans la nef centrale, les panneaux majoritairement composés de modules de calcaire (panneaux 1, 3, 6, 14) ont moins bien résisté au temps que le tapis de la nef Sud scellé dans un mortier beaucoup plus épais comme les empreintes voisines permettent de l'apprécier.

Le champlevé Le travail proprement archéologique sur Yopus sectile a pris en compte l'ensemble des panneaux, que les

éléments mis au jour soient décorés ou non. La quasi totalité du matériel examiné est en marbre et provient de placages muraux — dont la grande majorité n'est pas décorée — , mais on a aussi découvert quelques fragments de plaques de chancel en calcaire qui avaient été réutilisés dans les bandeaux séparant les panneaux de la nef centrale.

L'examen des éléments de marbre non décorés a montré que l'épaisseur des placages muraux retaillés variait de 0,6 à 4 cm, avec une nette prédilection pour 1,4, 1,8 et 2,5 cm. Sont apparus aussi des modules dont l'épaisseur varie jusqu'à 25 % (par exemple 2,2/2,9 cm ; 2,6/3 cm) et qui proviennent d'un autre type de matériel — plinthes, bases-socles ou mobilier liturgique — qu'il n'est pas possible d'identifier.

L'accent a été mis sur l'analyse et la photographie de toutes les pièces portant un revers décoré, généralement suivant la technique du champlevé, chaque pièce sélectionnée étant simultanément dessinée à l'échelle par S. Hartmann 8. Environ 90 éléments ont été découverts, répartis sur les panneaux dans la moitié orientale de la nef centrale (panneaux 4, 9, 10, 11, 13 et 15), dans la nef Sud, les absides et l'extrémité orientale de l'annexe Nord. Le nettoyage du revers des éléments a permis de trouver trace de mastic coloré — noir et surtout rouge — sur plus de la moitié des fragments de champlevé.

Le décor des fragments, parfois non identifiable parce que trop fragmentaire, se répartit entre les motifs végétaux, comme les feuillages, vrilles et grappes de raisins ou fleurs stylisées, et géométriques, déjà répertoriés sur le site ou à Chypre même, en particulier à Kourion ou à Ayios Philon*. Il est certain qu'aucun panneau à décor figuré — représentation humaine ou animale — comme en a livré Antioche ou même Chypre n'a été trouvé10. Les motifs géométriques11, les plus nombreux, se présentent sous la forme de tapis (de losanges ou de carrés) ou de cercles concentriques inscrits dans un rectangle et décorés de carrés ou de triangles s'amenuisant vers le centre (fig. 18). L'un des intérêts de cette campagne aura été la mise au jour de plusieurs fragments provenant de panneaux avec un chrisme inscrit dans un rectangle (fig. 19), dont on a pu retrouver des fragments manquants parmi les déchets de taille découverts lors de la fouille (fig. 20). Trois chapiteaux de pilastres ont été détachés : deux d'entre eux (AM 1933, 1934) décoraient de manière visible le sol de l'abside de l'annexe Nord (fig. 16), tandis qu'un autre, très fragmentaire, était inclus dans un des bandeaux de la nef centrale12. Dépose de placages muraux

La dépose des vestiges des placages muraux a succédé à la fouille et à cette occasion, nous sous sommes plus particulièrement attachés à deux secteurs : a) l'abside centrale et le mur Est de la basilique ; b) le stylobate Nord.

a) Deux informations ont été tirées de cette opération. La première a trait à la technique de pose de ce revêtement mural. Les plaques de marbre de Proconnèse, larges de 45 à 65 cm, sont collées au mur avec un

(8) Une vingtaine de pièces, détachées de leur mortier, avaient déjà été vues et rapidement dessinées par Elpida Papayannacou en 1988.

(9) Voir à ce sujet S. Boyd, «The Décorative Program of the Champlevé from the Episcopal Basilica at Kourion in Cyprus», Actes du xie Congrès International d'Archéologie Chrétienne (Lyon-Vienne ..., Septembre 1986) (1989), p. 1821-1840. J. du Plat Taylor, A. H. S. Megaw, BDAC 1981, pi. XLI, 2-c, 5 et 6 et p. 231.

(10) Pour Antioche, cf. R. Stillwell, Antioch-on-the-Oronles III : Excavations 1937-1939 (1941), pi. 20,21,24,25; pour Chypre, cf. la représentation de Daniel dans la fosse aux lions conservée au Musée médiéval de Limassol et provenant de Lapithos, (M. Solomidou-Ieronymidou, RDAC 1989, p. 167-170 et pi. XLV); pour Amathonte, rappelons la plaque avec panthère trouvée lors de la campagne de fouilles de la basilique de 1984 (J. M. Saulnier, BCH 109 [1985], fig. 20, p. 979).

(11) Cf. les deux panneaux remployés contre le mur Est de la première annexe Nord, au Sud de l'abside circulaire, A. Pralong, J. -M. Saulnier, BCH 110 (1986), fig. 29-30, p. 895.

(12) A rapprocher du chapiteau de pilastre de la Cathédrale de Kourion (cf. Ch. Delvoye, dans Rapport du xv' Congrès International d'Études byzantines [1976], fig. 1, pi. 1).

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1991] TRAVAUX DE L'ÉCOLE FRANÇAISE À AMATHONTE EN 1990 763

Fig. 17. — Revers de 3 panneaux. Fig. 18. — Nef centrale : détail d'une partie du panneau 10.

Fig. 19. — Reconstitution d'un panneau avec chrisme (dessin S. Hartmann).

Fig. 20. — Élément iïopus sectile complété par un déchet de taille.

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764 ANNIE PRALONG [BCH 115

plâtre très fin et calées sur d'étroites petites plaques posées horizontalement. Dans la partie Nord du mur, elles reposent sur la couche 2D 09, sous le radier (niveau 87,30), tandis qu'au Sud elles ont été placées sur le radier, à un niveau plus élevé (87,42), grâce à quatre gros moellons de forme cubique (fig. 21), assez bien taillés, posées contre le mur et faisant partie du radier. Cette différence entre les niveaux de base des placages, et leur relation avec le radier peuvent être expliquée par la simultanéité des opérations de fabrication des sols et du décor mural : la pose du radier a dû commencer au Sud et se terminer au Nord, tandis que les maçons ont procédé à la pose des placages muraux suivant un circuit inverse. Cette simultanéité des opérations de pose des sols et du décor mural, qu'il faut sans doute interpréter comme la preuve d'une volonté de faire vite, est illustrée par la découverte, sur le radier de la nef Sud, d'un petit récipient en céramique rempli de peinture bleue qui a éclaté en tombant sur cette surface dure et a laissé se répandre le liquide jusqu'à la couche inférieure.

D'autre part une inscription (AM 1932) peinte en rouge (fig. 22) a été découverte dans l'abside, sur la première plaque de marbre (13 cm de hauteur et 16 cm de largeur) placée au Nord. Elle a été conservée grâce à son séjour dans le plâtre de fixation de la plaque. Elle compte deux lignes de texte en lettres cursives encadrées sans doute par des croix. Compte-tenu de l'état de conservation du texte18, la lecture n'est pas assurée mais il semble possible de proposer la restitution suivante :

t KY(pte) 6 Θ(εός) Τ(ής) Θ(εοτόχου) t t Κ(ύριε) (6) Θ(εός) t

Ce formulaire est attesté, sous une forme beaucoup plus développée qu'ici, dans une inscription peinte de Ténos14 et attribuée par son éditeur à l'époque paléochrétienne. Certes il ne s'agit là que d'une première suggestion rappelant l'existence, en d'autres lieux, sur d'autres supports — à Ténos, il s'agit des parois d'une caverne — d'inscriptions peintes en rouge avec une graphie assez proche.

b) La dépose des restes de placages conservés le long du stylobate Nord et le démontage du radier ont permis d'apporter des précisions sur l'aménagement de l'angle Nord-Est de la nef centrale, entre le stylobate et la clôture du sanctuaire. Il est apparu que la construction de ce qui devait certainement être un petit ambon maçonné 15 avait précédé la pose du radier, tout comme l'édification de la clôture du sanctuaire, et avait donc été prévue dans le plan initial du monument. Quant aux placages qui tapissaient de façon continue le stylobate Nord, l'ambon et la face occidentale de la clôture du sanctuaire, ils avaient été installés après la pose du radier, suivant un scénario identique à celui qui a été décrit pour la partie Nord-Est du sanctuaire (fig. 23).

Provenance du champlevé Comme on vient de le lire dans la présentation de la stratigraphie de la nef centrale (voir supra, p. 756-759),

une seule phase a été repérée dans l'érection de la nef centrale et de la nef Sud de la basilique ; aucune réfection des sols n'a été constatée, même si certaines irrégularités dans la construction des fondations ou incohérences dans les techniques de pose des placages muraux ont pu faire illusion. Le terrain de la zone destinée à recevoir la basilique avait été nettoyé jusqu'au rocher ce qui, à Chypre, n'est pas original1·. En revanche le remploi, dans un monument construit ex nihilo, de matériel sculpté pose la question de sa provenance ". Selon toute vraisemblance, les artisans maçons ont cherché au plus près le matériel dont ils avaient besoin. Au sommet de l'Acropole, un seul bâtiment connu à ce jour pouvait le leur offrir : le temple d'Aphrodite. Sans doute abandonné au milieu du me siècle, comme le propose A. Hermary18 à la suite de la trouvaille d'une monnaie de Philippe

(13) Je remercie Sharen Taylor, restauratrice de la mission, qui a immédiatement consolidé l'inscription. (14) Cf. D. Feissel, BCH 104 (1980), n° 38, p. 498 et fig. 6, p. 499. Signalons les nombreux témoignages

tracés à la peinture rouge, bleu foncé, noir ou blanche livrés par le sol d'opus sectile de la basilique de Soloi (cf. J. des Gagniers, Tran Ταμ Τινη, Soloi, Dix ans de campagnes de fouilles, 1964-1974 [1985], p. 47). Je remercie G. Kiourtzian à qui je dois la lecture proposée.

(15) Aucun ambon identique ne semble attesté à ce jour, néanmoins on peut faire des rapprochements avec l'un des deux ambons de l'octogone de Philippes (E. Kourkoutidou-Nikolaïdou, XXXI Corsi di Cultura sull'Arte Bavennate e Byzanlina [1984], fig. 19-20) et celui du sanctuaire d'Abu Mina (P. Grossmann, Abu Mina [1989], fig. 32B, p. 128 et 133).

(16) A. H. S. Megaw, BDAC 1981, p. 211, l'avait constaté dans les fouilles d'Aghios Philon, à Carpasia. (17) Cette pratique très classique, a été démontrée pour l'église d'Episkopi où furent remployés des pla

cages sculptés en champlevé provenant de la basilique de Kourion : cf. S. Boyd, xi' Congrès d'Archéologie Chrétienne (cité note 9).

(18) BCH 112(1988), p. 871.

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1991] TRAVAUX UE L'ÉCOLE FRANÇAISE À AMATHONTE EN 1990 765

Fig. 21. — Détail de la pose du placage mural. Fig. 23. — Base de l'ambon vu vers le Nord.

Fig. 22. — Inscription peinte en rouge (AM 1932) trouvée dans l'abside.

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766 PIERRE AUPERT ET PIERRE LERICHE [BCH 115

l'Arabe sous l'effondrement du mur d'échiffre Nord, le temple aurait connu une nouvelle vie, comme l'atteste le remblai situé au Sud-Ouest du monument, dans lequel a été mise au jour de la céramique datée au plus tôt du milieu du ive s. 19. De nombreux indices conduisent à identifier la réfection de l'édifice avec sa transformation en église : la nouvelle orientation de l'accès au monument, ainsi que la date de ce changement fournie par la céramique, comme le matériel trouvé dans le négatif des murs Nord et Ouest du temple dont les blocs furent récupérés pour la construction de la basilique — céramique tardive et tesselles de mosaïques murales. Ce serait la deuxième transformation de ce type attestée à Chypre, après celle du temple de Zeus à Salamine *·. De là à considérer que le décor mural remployé dans le pavement de la basilique provient du temple, il n'y a qu'un pas à franchir. Cette hypothèse21 n'est pas contredite chronologiquement par la présence d'un décor en marbre sculpté en champlevé, puisque celui-ci est attesté à Chypre au début du ve s., voire même un peu plus tôt22. Malheureusement l'histoire du temple et la longévité de cette phase finale28, avant sa transformation en carrière par les constructeurs de la basilique, ne nous sont pas connues et la connaissance du site ne permet ni d'infirmer ni de confirmer cette hypothèse : actuellement, aucun monument susceptible d'avoir reçu un tel décor n'est connu sur l'acropole et le dépeçage du temple, à la suite de l'édification de la basilique, a entraîné le démontage des murs jusqu'aux fondations, ainsi que la détérioration de la krépis : c'est dire si les chances de trouver une confirmation archéologique directe sont minces.

3. — Le palais

par Thierry Petit

La fouille au chantier du palais n'a pu avoir lieu en 1990. Toutefois, une courte campagne d'étude du matériel s'est déroulé du 20 au 30 juin. T. Koielj, architecte, a effectué les derniers relevés et dressé le plan. Th. Petit a poursuivi l'étude architecturale du bâtiment d'époque classique, de la stratigraphie des différents états, ainsi que de la céramique grecque d'importation (à figures noires, à figures rouges, à vernis noir et engobe). Le matériel a été classé et répertorié.

Plusieurs publications sont actuellement sous presse ou en préparation sur l'historique et la stratigraphie de cet ensemble architectural, sur le matériel épigraphique, et sur l'histoire du royaume d'Amathonte aux époques archaïque et classique.

4. — La muraille

par Pierre Aupert et Pierre Leriche

Conduite par Pierre Aupert et Pierre Leriche, avec l'assistance de Claire Balandier, la campagne a duré cinq semaines (du 21/05 au 22/06) et a porté sur deux points : le chantier 4, où l'on a continué l'exploration de la porte Sud-Ouest, et le chantier 5, au Nord de l'acropole, à l'endroit où l'aqueduc parvient dans la ville basse.

(19) A. Hermary, BCH 114 (1990), p. 989. (20) Le plan du site de Salamine (G. Argout, O. Calllot, B. Helly, Salamine de Chypre XI, Une résidence

byzantine, * L'huilerie» [1980], fig. 1 p. 2) montre l'implantation de l'église, attribuée aux ve-vie s., dans le temple, sans doute détruit à la suite des tremblements de terre qui ont ravagé la ville en 342 et 352. Voir la chronologie et l'argumentation proposée par les fouilleurs dans G. Argout et al., RDAC 1975, p. 140-141.

(21) Cette hypothèse a été présentée au Symposium des Études Byzantines organisé par A. Bryer, à l'Université de Birmingham sur le thème «The Sweet Land of Cyprus», les 25-28 mars 1991.

(22) Cf. S. Boyd, loc. cit., p. 1840, n. 22 : l'auteur rappelle que le plus ancien champlevé daté de l'île provient d'Ayios Philon mais mentionne néanmoins un fragment publié par Sotiriou qui pourrait dater de la fin du iV s. s'il provient bien de la basilique Saint-Épiphane de Salamine.

(23) Faudra-t-il se résoudre, faute d'arguments tangibles, à invoquer les tremblements de terre qui ont ravagé cette partie du monde durant la première moitié du vie s., comme on l'a fait pour la basilique de Soloi?

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1991] TRAVAUX DE L'ÉCOLE FRANÇAISE À AMATHONTE EN 1990 767

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Fig. 24. — Plan du chantier 4. (T. Koielj).

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768 PIERRE AUPERT ET PIERRE LERICHE [BCH 115

I. Le chantier 4 (flg. 24-26)

Les travaux ont porté essentiellement sur la zone occidentale, à l'Ouest de M7, ainsi qu'au Sud, en bordure de la route. Le secteur a subi dans les dernières décennies une série de perturbations : établissement de deux niveaux de route asphaltée sur 0,80 m d'épaisseur, avec des tracés divergents; percement d'une tranchée parallèle à la route actuelle pour le passage d'une canalisation d'eau, et d'une autre, plus ancienne, parallèlement à la route antérieure; remblaiement de la zone au Nord de la route sur 0,80/90 m.

Il faut donc à chaque sondage effectuer des dégagements au bulldozer. Malgré ces conditions peu favorables, ces sondages ont apporté des précisions sur la topographie antique de la zone. 1. Le mur Ml

Le sondage Sud et celui du Nord ont été établis sur le prolongement théorique du tracé du grand mur Ml. Dans le sondage Sud (flg. 27), une fosse d'arrachage paraît témoigner de l'existence de ce mur. Au fond, subsiste en effet un lit de galets concrétionnés (à 1,05/1,40 m sous le niveau de la route moderne), qui peut en constituer la fondation. Dans ce même sondage est apparu un mur M 19 A et B, auquel sont associés, au Nord une sorte de dallage et, au Sud, un sol de mortier de chaux. Il faudra en préciser la fonction en étendant la fouille.

Dans le sondage Nord (fig. 28), effectué en grande partie à la pelle mécanique en raison d'une épaisse pierraille de destruction dont un sondage antérieur nous avait révélé l'existence, est apparu ce qui semble constituer un autre vestige de ce mur 1. La face verticale de la corniche comporte en effet des traces de maçonnerie liée à l'argile avec, au sommet, des restes de mortier. Deux blocs, au fond du sondage, témoignent sans doute du pillage et invitent à poursuivre en profondeur l'an prochain.

Dans l'immédiat, il est satisfaisant de pouvoir rattacher avec quelque vraisemblance le mur 6 à la grande muraille Ml du bord de mer, que nous datons de l'époque hellénistique ancienne. L'ensemble s'inscrit donc, avec le port, parmi les premières réalisations ptolémaïques dans l'ex-royaume.

2. Les murs M 8 et M10 Le dégagement de la zone centrale (flg. 24-26) a permis de constater que M8 et M 10 se poursuivent jusque

M7 et qu'ils sont reliés par une tranchée d'arrachage juste avant d'y parvenir. Il existait donc là un mur transversal, qui a sans doute été pillé lors de l'édification de M7 (un grand bloc à bossage apparu sous ce mur — flg. 26 à dr. — lui appartient peut-être), et qui marquait la limite inférieure du dispositif (ou de l'une de ses terrasses), que nous estimions l'an dernier être une rampe, mais qui désormais suscite l'interrogation. Il convient donc maintenant de rechercher, au niveau de Ml disparu, ou en contrebas, soit la porte qui donnait accès à cette rampe (ou la suite de celle-ci), soit les éléments d'une autre identification.

3. Le mur M7 Ce mur appartient à un système différent, qui a déclassé la «rampe» M8/M10 (laquelle a elle-même succédé

à M1/M6). Nous l'avions daté du ive s. ap. J.-C. au plus tôt l'an dernier. Le matériel retrouvé cette année sous son sol de fonctionnement invite à descendre jusqu'au vie s. ap. J.-C. Il a disparu dans la zone Sud, sans doute en raison des perturbations signalées plus haut. A l'Est et parallèlement à M7, est apparue la crête d'un mur M20, qui reste à dégager.

4. Mil Ce mur d'analemma a été dégagé jusqu'à son pied, ce qui a fait apparaître un nouveau bloc du retour Ε de

M6, dont l'extension reste à définir. Conclusion

L'importance des remblais, antiques puis modernes, dans cette zone en forte déclivité ralentit les travaux. Le chantier mérite toutefois un effort particulier : c'est d'une part le premier qu'aperçoivent les visiteurs qui montent vers l'acropole et sa mise en valeur ne peut qu'être favorablement perçue ; c'est aussi, du point de vue scientifique qui nous intéresse bien entendu au premier chef, l'endroit où toutes les activités défensives de la ville ont visiblement laissé des traces, du vie s. av. J.-C. au vne s. ap. J.-C. La présence de la rampe tardive fait en outre espérer celle du dispositif d'entrée contemporain de M6, c'est-à-dire celui qui, à l'époque hellénistique ancienne, commandait à la fois l'accès à la ville basse et celui à l'acropole.

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Fig. 25. — Vue aérienne du chantier 4, vers le Nord (cliché P. Aupert).

Fig. 26. — Zone centrale du chantier 4, vers l'Est.

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Fig. 27. — Chantier 4, sondage Sud; mur 19A, ancre et canalisation moderne; vers le Nord-Est.

Fig. 28. — Chantier 4, sondage Nord ; vers le Nord-Ouest.

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1991] TRAVAUX DE L'ÉCOLE FRANÇAISE À AMATHONTE EN 1990 771

Fig. 29. — Chantier 5 au début de la fouille ; vers le Sud.

Fig. 30. — Idem, à la fin de la fouille.

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772 PIERRE AUPERT ET PIERRE LERICHE [BCH 115

II. Le chantier 5 Le problème de l'existence d'une muraille autour de la ville basse se pose avec acuité depuis le repérage

d'une éventuelle fortification des môles du port et conditionne évidemment l'ampleur de notre étude. Or, notre attention avait été depuis longtemps attirée, à l'Ouest de l'ensellement qui sépare le bas de

l'acropole de la colline où la ville basse s'étage jusqu'à la mer, par un abrupt couronné d'un mamelon inattendu (lig. 29) et au pied duquel s'entrevoyaient quelques vestiges de maçonnerie au mortier, différenciables des murets de terrassement modernes. C'est là à la fois la limite entre la ville haute et la ville basse, celle entre la ville et la nécropole Nord et, enfin, le point d'aboutissement de l'aqueduc. Le terrain étant devenu disponible pour la fouille, nous nous sommes donc attachés à expliquer cette anomalie du paysage.

De fait, nous avons trouvé là, sous le mamelon, une courtine M1-M4, une tour Β et, au pied de l'abrupt, une autre tour, A (fig. 30-31). L'ensemble présente manifestement plusieurs phases, dont il est toutefois difficile de déterminer la succession.

La muraille M1-M4 est renforcée par une tour massive Β et précédée d'un proteichisma ou d'un analemma M2-M3, avec zone de circulation entre les deux systèmes. Le blocage de la courtine est lié à l'argile. L'ensemble est installé sur une crête, le parement Nord, en beaux blocs à bossage (fig. 32), vers l'extérieur de la ville, repose sur son sommet, tandis que le parement Sud, en petits blocs liés à l'argile, est fondé sensiblement en contrebas (fig. 33), où l'on a dégagé son sol de fonctionnement, en terre argileuse battue. L'état de conservation est mauvais, surtout au Nord. Le mur M2 a subi une poussée qui l'a fait basculer vers l'Ouest dans la pente, ce qui a nécessité la construction d'un renfort M2 bis. La courtine se prolonge à l'Est de la tour B, en M4, dans une direction où il faudra certainement rechercher la porte Nord de la ville. La tour Β est en petit appareil assez grossier lié à l'argile. L'élément important de la défense dans ce secteur est représenté par la tour A, trapézoïdale, en même appareil que le parement Nord de Ml et implantée au pied de l'abrupt, très en avant du rempart ancien (fig. 34). On y pénétrait, au Sud, par une porte, dont il reste la fondation de seuil.

Chronologie Une fosse-dépotoir a été trouvée sous la couche d'argile jaune liée à ces constructions (fig. 30, à g. de la tour

A). Elle recèle une masse considérable de céramique de toutes sortes, y compris d'importation (fig. 35) et quelques figurines. L'un des tessons porte des signes syllabiques (fig. 36). L'ensemble date du vie s. av. J.-C. au plus tard, à l'exception de quelques rares tessons hellénistiques. La situation stratigraphique de cette poche par rapport aux constructions environnantes n'a pu être encore établie.

Nous ignorons de même si le moyen appareil pseudo-isodome du parement Nord de Ml n'est pas un ajout sur un noyau antérieur, contemporain, par exemple, de la tour B. Dans le sol d'usage du pied de la tour A, on a recueilli une anse d'amphore du ue s. av. J.-C, et dans la tranchée de fondation, un fragment de plat local à pied annulaire évasé, dont la datation, flottante, ne dépasse toutefois pas la toute fin du ive s. av. J.-C. On remarque du reste combien l'appareil ressemble à celui de la muraille marine du chantier 4, Ml, datée de la haute époque hellénistique. Le nettoyage du proteichisma M2-3 a fourni les mêmes indices chronologiques, sans que l'on puisse toutefois déterminer, dans ces maçonneries très lâches et très détériorées, si le matériel est recueilli dans le liant du blocage ou dans la couche de destruction. Enfin, nous n'avons pu déterminer si la tour B, dont l'appareil diffère complètement de celui de la courtine Ml et de la tour A, est antérieure ou postérieure à celles-ci.

Le dernier état révèle un abandon complet de la fonction défensive. Le rempart avait déjà commencé à s'écrouler lorsque l'on installe, contre la face Sud de Ml, un important four à chaux, FI (fig. 37) ouvert d'abord à l'Est, puis au Sud et dont le plan de fonctionnement est constitué par une masse de décombres provenant de la muraille. Dans sa propre couche de destruction, nous avons recueilli du matériel du vne s. ap. J.-C.

III. L'alimentation hydraulique de la ville

Nous sommes ici à proximité immédiate de l'entrée de l'aqueduc dans la ville et la fouille de la couche de destruction a partout fourni des fragments de tubes en terre cuite de gros diamètre. L'un d'eux porte une lettre d'une inscription avant cuisson : B, peut-être précédé du L du mot «année». On se rappelle que la prospection du royaume avait fourni l'an dernier, dans le secteur au Nord-Est d'Ayios Tykhonas en contrebas d'un aqueduc rupestre, un fragment de tube inscrit L B- ADRI(anou), «an II d'Hadrien», cf. BCH 114 (1990), p. 1028-1030.

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1991] TRAVAUX DE L'ÉCOLE FRANÇAISE À AMATHONTE EN 1990 773

Fig. 31. — Vue aérienne du chantier 5; vers le Sud-Ouest (cliché P. A. ).

Fig. 32. — La courtine Ml à dr. et la tour Β au fond. M2/M3 au premier plan; vers l'Est.

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Fig. 33. — Parement Sud de Ml ; couche de destruction à dr. ; dernier sol d'usage au fond du sondage ; vers le Nord/Nord-Est.

Fig. 34. — Tour A ; vers 1 Ouest/Sud-Ouest.

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1991] TRAVAUX DE L'ÉCOLE FRANÇAISE À AMATHONTE EN 1990 775

Fig. 35. — Fragment de vase orientalisant Fig. 36. — Tesson avec inscription syllabique d'importation égéenne (90. 58. 1 ; vie s). (90. 50. 9).

Or, les dimensions et la gravure de la lettre trouvée cette année sont identiques à celles du fragment fourni par la prospection. Nous avons donc là la preuve que le réseau hydraulique repéré dans la campagne au Nord (voir infra) est bien le même que celui qui aboutit dans la ville basse et que ce dernier — ou du moins une phase importante de son aménagement — est dû à Hadrien.

Conclusion Les vestiges de murailles du chantier 4 et le caractère stratégique de ce secteur d'entrée Ouest à la fois de la

ville basse et de l'acropole, invitent à poursuivre la fouille, dans le but de dégager la porte hellénistique et de retrouver le retour du rempart classique attesté en bord de mer.

Les importantes découvertes du chantier 5 assurent quant à elles définitivement de l'existence d'une muraille autour de la ville basse. Elles signalent en outre deux phases de construction importantes, qu'il reste à préciser encore, mais qui correspondent certainement à deux moments-clés de l'histoire de la ville. Il reste donc à mieux dégager les sols, à préciser ou assurer les datations et à s'enquérir du mode de jonction de l'ensemble, à l'Ouest, avec la falaise de l'acropole. Quant à l'abandon, il semble ici antérieur à celui de cette dernière : à la différence du chantier 4, nous n'avons pas de fortification tardive. La menace arabe ne paraît donc pas avoir entraîné à défendre la ville basse, ou du moins sa partie Nord : les fortifications tardives dégagées par M. Loulloupis sur l'agora pourraient donc n'avoir concerné que cette zone précise.

Cette existence d'une muraille en ville basse entraîne par ailleurs à reconsidérer le grand pan de mur sis au Sud-Est et dont la fouille de 1978 n'avait pu déterminer la nature, théâtre ou muraille, par manque de maîtrise des terrains avoisinants : nous projetons donc d'étendre la fouille dans ce secteur, après avoir demandé la réquisition de ces terrains.

La limite Nord de la ville est maintenant bien marquée. Un fragment de stèle funéraire a du reste été découvert au pied de la tour A et une tombe a été repérée au pied de l'abrupt, non loin du mur 4. Nous avons enfin de sérieuses indications sur la présence d'une porte dans le prolongement Est de M4, à proximité du point d'entrée de l'aqueduc en ville : la fouille devrait donc être également étendue à cette zone.

5. — La campagne de prospection

par Catherine Petit, Pierre- Yves Péchoux et Pierre Aupert

La campagne s'est déroulée du 22 septembre au 21 octobre 1990 et a été suivie d'une dizaine de jours de travail sur le matériel dans les réserves. L'équipe, encadrée par Catherine Petit et Pierre- Yves Péchoux, était

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776 CATHERINE PETIT, PIERRE-YVES PÉCHOUX ET PIERRE AUPERT [BCH 115

Fig. 37. — Four à chaux 1 ; vers le Sud-Est. Fig. 38. — Fragment de canalisation inscrite (90. 53. 1).

constituée de Claire Balandier, Jean-Paul Cazes, Martine Charageat, Hervé Gaillard, Jean Gugole, Catherine Péchoux et Muriel Rives. Christine Dieulafait s'est plus particulièrement occupée des mines et a préparé la publication de la céramique tardive. Laurence Maranbat, du laboratoire de Géologie du Quaternaire de Bordeaux I, est venue recueillir des échantillons pour analyse pollinique, en les prélevant dans les couches datées du site, ainsi que dans un sondage de 3,5 m de profondeur creusé à la pelle mécanique dans les alluvions historiques de la rivière de Stenomata. Tony Kozelj, aidé de Manuela Kozelj, a commencé les relevés des vestiges localisés dès la campagne de 1988. Pierre Aupert, enfin, a assuré la coordination de la mission, poursuivi la recherche d'inscriptions, étudié le tracé de l'aqueduc et participé à l'étude du matériel.

Stuart Swiny nous a fait, comme d'habitude, profiter de ses compétences en matière de matériel préhistorique et nous l'en remercions vivement.

I. Prospection (Catherine Petit, Pierre- Yves Péchoux)··

La prospection a porté sur la bande méridionale de la zone choisie pour cette enquête systématique : du niveau d'Ayios Tykhonas au Nord, la mer au Sud et entre les routes vers Parekklisha à l'Est et vers Armeno- khori à l'Ouest, soit quelque 550 ha (fig. 39).

Les découvertes ont été particulièrement abondantes, comme on pouvait s'y attendre au voisinage immédiat de la capitale : 52 sites sur un total de 159 zones où l'on a recueilli du matériel, et cette densité explique que l'ensemble de la surface prévue n'a pu être totalement exploré dans le temps imparti.

1. Les sites néolithiques L'occupation assez dense du territoire à l'époque néolithique se confirme. Quatre établissements ont en

effet été localisés (66, 68, 81, 98). Ils datent de la période céramique (Combed Ware se rattachant à la culture de Sotira) et l'un d'eux comporte un atelier de débitage du silex, où nous avons recueilli un outillage de gros module. Deux autres gisements de moindre étendue, caractérisés par la présence d'éclats de taille et d'outils lacunaires, ainsi que par l'absence de vaisselle en pierre ou en céramique, signalent deux autres aires de débitage de moindre importance (60 et 80).

(24) Erratum : la photographie de la fig. 70, dans notre rapport du BCH 114 (1990), p. 1030, ne correspond pas à la légende. Elle représente des contrepoids de pressoir à huile, qui avaient déjà été présentés dans le BCH précédent, p. 897 (site n° 5).

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1991] TRAVAUX DE L'ÉCOLE FRANÇAISE À AMATHONTE EN 1990 777

Eglise Ayia Marina

Méditerranée

V_/ Gisement archéologique φ Village actuel ··· Limites de prospection en 1988-1989

Limites de prospection en 1990 -H

Fig. 39. — Carte de la zone prospectée depuis 1988 (C. Petit).

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778 CATHERINE PETIT, PIERRE-YVES PÉCHOUX ET PIERRE AUPERT [BCH 115

Au sommet de l'étroite colline de Yerokhoraphies, des déblais autour d'une fosse (n° 76) témoignaient d'une fouille clandestine (fig. 40). Comme ils contenaient du matériel néolithique, le Service archéologique chypriote nous a invités à effectuer une fouille de sauvetage. Le tamisage a fourni de nombreux tessons de bouteilles et bols du type de Sotira à nouveau, de Coarse Ware dont une marmite de l'Age du Fer, des haches dont trois en miniature, des perles, des coquillages marins, des silex et des broyeurs. De multiples fragments de torchis, dont certains sont bien conservés (fig. 41), ressemblent aux fragments de toiture en terrasse trouvés à Khirokitia 25. La fosse elle-même a été remblayée en l'attente d'une véritable fouille, impossible cette année. Un premier nettoyage a montré qu'elle est en partie creusée dans les bancs de calcaires flexurés vers le Sud et qu'elle est sans doute précédée par un couloir de ce côté. L'ensemble évoque les structures souterraines de Philia-Drakos8·, dont la fonction reste problématique.

L'Age du Bronze demeure toujours aussi curieusement absent du paysage amathousien : parmi plus de 5500 tessons numérotés cette année, un seul relève de cette époque. Il provient du site 65, occupé à l'Age du Fer. 2. Les habitats

Quatre habitats de grandes dimensions ont été repérés : 74, 75, 78, 92. Certains présentent encore des contrepoids de pressoir. Leur occupation varie dans le temps, mais est importante pour trois d'entre eux à l'époque hellénistique, puis aux vie/viie s. ap. J.-C. L'ère classique n'est représentée que sur des sites de moindre importance : 86, 89, 97.

Un habitat mineur, 65, qui a produit le seul tesson de l'Age du Bronze recueilli en trois ans de prospection, présente un spectre chronologique étendu : du Géométrique à l'époque classique, puis aux ve/vie s. ap. J.-C.

Deux de ces habitats, 74 et 75, sont situés en bordure Nord des nécropoles Ouest et Nord et représentent un cas particulier de contact et peut-être de concurrence entre la campagne et l'extension des cimetières péri- urbains. Du reste, la ville elle-même paraît s'être développée hors les murs et sa frange Nord est partagée entre une nécropole centrale, enserrée entre ce qui constitue sans doute de véritables faubourgs au Nord-Est de la ville basse (105-106) et au Nord-Ouest de Stenomata (102-103).

Ailleurs, seul le site de Jiladha (82) présente une association entre traces d'habitat et tombe.

3. Les silos Comme l'an dernier, des batteries de silos ont été découvertes : 63, 64, 100. Les deux premières, 63 et 64,

sont à l'écart de tout habitat repérable sous la végétation actuelle. La dernière, 100, est située sur le plateau d'Anémos, riche en autres vestiges. Enfin, 64 se trouve sur le rebord d'un abrupt très difficile d'accès. L'ensemble tendrait donc à confirmer qu'il s'agit de caches de réserves alimentaires. 4. L'exploitation du calcaire

En des secteurs variés, nous avons relevé des traces d'extraction du calcaire : Plèvres n° 88, Anemos n° 95, Jiladha n° 83... Outre les cinq fours à chaux déjà connus à l'Est d'Anémos, nous avons repéré un four n° 79 à Kombinarka et un autre, 87, en bordure Ouest de la route vers Armenokhori. Leur bon état de conservation et leur faible remblaiement indiquent qu'il s'agit de constructions récentes ayant pu servir voilà quelques années encore.

5. Les sanctuaires Au Nord-Est d'Armenokhori, à Lazaridhes (site 58), autour d'une source n° 59 que la tradition orale

présente comme sacrée et de puits sur lesquels nous reviendrons ci-dessous, nous avons recueilli, avec un matériel qui date du Néolithique au Byzantin, deux fragments de figurines, dont une épaule de statue demi- grandeur nature : il ne s'agit donc pas d'un matériel de tombe, mais d'offrandes de sanctuaire.

Il en va de même pour un site, n° 91 , au-dessus de Dhoxamenes, et du vaste réservoir que nous avons découvert là (v. infra) : les fragments de figurines, au nombre de 20, comportent une partie de tête grandeur nature (fig. 42) d'époque archaïque. Parmi les autres, on remarque des têtes très stylisées (fig. 43), des cornes et deux torses féminins. Au sommet de l'épaulement sur lequel gisent ces vestiges, ainsi que des tessons de chronologie étendue du Géométrique au vne s. ap. J.-C, quelques blocs taillés, remployés dans une bergerie

(25) Cf. A. Le Brun, BCH 108 (1984), p. 931 et fig. 127, et dans L'anthropologie 91 (1987), n° 1, p. 292. (26) Cf. BCH 90 (1969), p. 515 et Watkins, dans Archéologie vivante II, 3 (1969), p. 34-35.

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1991] TRAVAUX DE L'ÉCOLE FRANÇAISE À AMATHONTE EN 1990 779

Fig. 40. — Fosse néolithique n° 76; vers l'Ouest.

Fig. 41. — Fragment de torchis 90. 571.

Fig. 42. — Fragment de tête en terre cuite 90. 605. 19.

Fig. 43. — Tête de figurine 90. 605. 4.

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780 CATHERINE PETIT, PIERREtYVES PÉCHOUX ET PIERRE AUPERT [BCH 115

moderne ou épars aux alentours, et des traces d'aménagement des affleurements calcaires peuvent signaler une construction antique.

6. Les réservoirs A Dhoxamenes, donc, le versant Est d'un col d'interfluve est entaillé par une construction, n° 90, d'environ

35 X 20 m, de forme sub-rectangulaire, du moins dans son aspect actuel (fig. 44), l'arrondi d'un des angles pouvant s'expliquer par l'aménagement d'un mur de terrasse moderne. Le mur de soutènement correspondant à sa face antérieure paraît s'étendre loin de part et d'autre des murs de refend. Aux dires du propriétaire, il est impossible de planter des arbres en cet endroit en raison de la présence d'un épais radier. Les vestiges de murs, rendus mieux visibles par un incendie récent, sont liés par un mortier très résistant. La présence de fragments de canalisations, de bassins et d'un déversoir en calcaire confirment l'identification comme réservoir, tandis que de multiples fragments de placage en marbre, les restes d'une colonne et d'un chapiteau en calcaire, ainsi qu'une très forte concentration de tuiles, montrent qu'il ne s'agissait pas seulement d'un dispositif utilitaire, mais d'une construction élaborée, dont on se demande dans quelle mesure elle n'est pas à mettre en relation avec le sanctuaire que nous venons d'évoquer et qui est situé quelque 150 m à l'Ouest.

Un captage anglais du milieu du siècle dans le ravin voisin, distant d'une centaine de mètres et aujourd'hui à sec, désigne l'origine probable de l'alimentation antique de ce vaste bassin.

Le matériel recueilli date en grande majorité de l'Hellénistique au vne s. ap. J.-C. et l'ensemble donne l'impression d'une construction d'époque impériale.

Le reste de la campagne est parsemé d'installations mineures : à Laxia tou Antoniou, sur le prolongement vraisemblable de l'aqueduc d'Amathonte, il subsiste 3,45 m d'une paroi de citerne n° 72. Un puits n° 96 à Anemos et des puits modernes au Nord-Ouest de l'acropole pourraient reprendre des installations antiques.

7. Les sources d'Armenokhori En bordure Nord du plateau d'Armenokhori, le long de la route vers Ayia Marina, à 350 m du village, un

captage moderne scelle une cavité de la corniche d'où s'écoule une source permanente. Une trentaine de mètres en contrebas, des vestiges d'une citerne antique (n° 56, fig. 45) à côté d'un réservoir moderne montrent que cette source était en usage dans l'antiquité.

Quelque 350 m à l'Est/Sud-Est, au lieu-dit Lazaridhes, une autre source n° 59 sourd également en permanence et les quatre puits qui l'exploitent sont toujours en eau. Une légende veut qu'elle soit en relation avec la chapelle d'Ayios Georgios, à mi-chemin entre elle et la source précédente. De cette chapelle (n° 57) aujourd'hui disparue, il subsiste un tronçon de mur, parmi des vestiges antiques : blocs taillés, fragment de colonne en calcaire bréchique, tuiles, céramique hellénistique et proto-byzantine. La tradition orale véhiculée par les habitants de Parekklisha (les originaires d'Armenokhori résident dans le Nord de l'île depuis une quinzaine d'année) fait de cet ensemble de sources et de puits l'origine de l'alimentation en eau d'Amathonte : nous verrons ci-dessous qu'il peut effectivement en aller ainsi.

Rappelons enfin que la découverte, à proximité de cette source, des deux figurines déjà évoquées vient étayer l'hypothèse d'un culte lié à l'eau, qui aurait pu persister à l'époque chrétienne sous le patronage de Saint Georges.

8. Tombes et nécropoles L'extension des nécropoles Nord et Ouest a pu être précisée. Le versant Sud d'Anemos (fig. 39,C), notam

ment, et non sa seule frange littorale, paraît occupé presque aux deux tiers par des tombes. La nécropole Nord (fig. 39, Β et D), enserrée, nous l'avons vu, entre des habitats, s'étend au Nord le long du vieux chemin vers Ayios Tykhonas, jusqu'à proximité du village, où une douzaine de tombes ont été découvertes et fouillées lors de l'élargissement de la route. Il s'agit donc très certainement d'un chemin antique.

Mais on trouve également des tombes septentrionales à l'écart de ce chemin, dont l'une n° 73 à côté de la citerne 72, qui jalonne un parcours d'aqueduc. Un site 69, sur le versant à l'Est du chemin d'Ayios Tykhonas (versant Sud de Mouttes) est ambigu : il s'agit d'un abri sous roche muni d'une porte aménagée dans le roc ; il a pu être utilisé comme tombe, mais aussi à d'autres fins qui nous échappent en l'absence de fouille.

Deux figurines pourraient signaler aussi la présence de tombes sur le rebord Est du ruisseau d'Ayios Tykhonas, au Nord de l'autoroute. Au Nord du faubourg Nord-Est de la ville basse, on trouve encore une tombe n° 77 à 100 m de l'habitat 75 : est-elle isolée dans sa catégorie? Signale-t-elle une extension de la nécropole ou le passage d'une autre voie?

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Fig. 44. — Réservoir de Dhoxamenes ; vers l'Est/Nord-Est.

Fig. 45. — Citerne n° 56.

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CATALOGUE DES SITES

Site 56 57

58 59 60 61 62 63 64 65

66

67 68 69 70 71 72 73 74 75 76 77 78 79 80 81 82 83 84 85 86 87 88 89 90

91 92 93 94 95 96 97 98 99 100 101 102 103 104 105 106 107 A Β C D Ε

Nature du gisement Citerne Église St-Georges. Bergerie Monument antique Sanctuaire Source et puits Atelier de débitage de silex Nécropole Aqueduc Silos Silos Habitat?

Atelier débitage silex habitat Tombes Habitat Grotte aménagée Bisse Nécropoles Citerne Tombe Habitat Habitat Habitat? (fosse) Tombe Habitat Four à chaux Atelier de débitage de silex Habitat Habitat Carrière Tombe Tombe ? Habitat Four à chaux Carrière Habitat? Réservoir zone 505 Sanctuaire Habitat Tombe Tombe Carrière Puits Habitat Habitat Tombe Silos Tumuli Habitat Habitat Aqueduc Habitat Habitat Habitat Amathonte Zone nécropole Nord Nécropole d'Anémos Nécropole Nord, zone Kambos Habitat, zone Kambos

Extension

50x25

50x50

50x50

40x50

200 X 100

30x25 50x25

100 χ 100 75x50

125x75

20x20 40x25 30x25

30x25 50x30

20x20 35x20 70x50

150 χ 175 75x50

50x30 50x25

20 χ 15 30x25

75x50 20x20 50x30

250x200 250x250 500 χ 150 150 X 150

Chronologie du maté

Hell. ép. imp. ve-vne xme-xixe CG CC Hell. ive-vie

Néolithique

Époque impériale

Age du Bronze CG-CA-CC ve-vie Néol. CG CC Hell début Emp. ive-vie CA-CC Hell. Néolithique

CA CC Hell. Imp. CG-Hellénistique

Hell. ive-vne Impérial-vne Néol. Age du Fer

Hell .-vne XIVe

Néolithique Néol. CG-CA Hell.

CC-Hellénistique CC Hell.-vii'

CC Hell. ivMrii* Impérial CC-Hell. vie-vne CG-Hell. Imp.-viie CG-CA Hell.-VIIe CG-CC-Hell. ve-vne Hellénistique

CA-Hell. ve-vie · Néol. CC-Hell.

CA-CC-Hell. IVe-VIIe

Hell .-viie ap. , CA-vne ap. , Néolithique

CG- Impérial CG-CA ive-vne CG-vne ap. CA-vne ap.

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1991] TRAVAUX DE L'ÉCOLE FRANÇAISE À AMATHONTE EN 1990 783

Fig. 46. — Fragment Fig. 47. — Fragment de canalisation de terre cuite 90. 587. 297. inscrite 90. 655. 14.

9. Découvertes remarquables Parmi les objets recueillis, signalons quelques anses d'amphores hellénistiques timbrées et, sur le site

néolithique n° 81, qui a fourni également beaucoup de matériel plus tardif (CG, CA, CC, Hell. ), un fragment de terre cuite (fig. 46) représentant, soit une partie d'édifice ou de niche où seraient disposées des galettes, soit une petite scène de genre, analogue, mais sans parallèle exact encore, à celles que l'on trouve parfois dans les mobiliers funéraires. Une pièce de Philippe l'Arabe, en excellent état, provient du faubourg Nord-Est de la ville basse. Des fragments de conduits en terre cuite portent des inscriptions encore inexpliquées : par exemple Dh/PA (fig. 47). Un fragment de tube en terre cuite porte, inscrit avant cuisson, L I et ce qui pourrait être un alpha, dans une écriture ressemblant à celle de la canalisation hadrianique : s'agirait-il d'une production de l'an XX d'Hadrien et de l'attestation, donc, d'une seconde intervention sur le réseau lors du règne de cet empereur?

Enfin, parmi les énigmes figurent les trois tumuli n° 101 du sommet d'Anemos, anormaux dans ce paysage de crête, mais dont la fonction et l'origine échappent, à moins qu'il ne s'agisse des déblais d'une fouille clandestine...

H. Origine et trace de l'alimentation hydraulique de la ville (P. Aupert, P.-Y. Péchoux ; fig. 25) P. Aupert avait, dès 1975, recueilli des fragments de tubes en terre cuite de gros module le long du

soubassement d'aqueduc d'axe méridien visible dans la nécropole Nord de la ville. L'an dernier, la prospection a montré la présence de tuyaux semblables, dont celui marqué et daté de l'an II d'Hadrien, en contrebas du bisse (conduite creusée dans le roc) creusé dans le calcaire, n° 26 au Nord-Est d'Ayios Tykhonas. Enfin, cette année s'est confirmé le fait que l'on trouve ce type de matériel dans des champs en interfluves d'où le charruage les extrait, entre des vallonnements et loin de corniches recreusées ou de canalisations ouvertes à éléments taillés dans le calcaire. Il ne faut donc pas rechercher l'adduction d'eau, comme cela s'est fait récemment pour l'aqueduc à pente naturelle d'Argos", en suivant les courbes de niveau : nous sommes en effet ici en présence d'une conduite forcée, qui franchit les dénivellations en siphon, sans autre ouvrage d'art que des bassins d'échappement, et dont la seule contrainte réside en la différence de niveau entre la source et l'aboutissement connu, à la porte Nord de la ville, à 52 m d'altitude.

Nous n'avons donc pu prendre en compte que trois éléments : les deux segments de bisses connus jusqu'à présent, les concentrations de tuyaux en terre cuite, ce que seule permet une prospection systématique, et les sources possibles, taries aujourd'hui ou non.

(27) P. Aupert, BCH 113 (1989), p. 722-731.

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Illustration non autorisée à la diffusion

784 CATHERINE PETIT, PIERRE-YVES PÉCHOUX ET PIERRE AUPERT [BCH 115

ο α \s\ Χ _.. φ

Source Bassin Tubes Tube Aqueduc Bisse ( 26 & 62 )

A Β C D Ε F

Laxla tou Antoni Pirtakhares Kremmi Sieloumarka Pefroso Ohoxamenes

Pig. 48. — Réseau d'alimentation hydraulique d'Amathonte; tracé et hypothèses de tracé des aqueducs; 1:25000 (P. Aupert).

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1991] TRAVAUX DE L'ÉCOLE FRANÇAISE À AMATHONTE EN 1990 785

/. Les provenances Nord™ En partant de la porte Nord de la ville basse et en suivant l'aqueduc sur le versant Sud de Laxia tou Antoni

où on le perd, on rencontre, dans son prolongement, la citerne 72 à l'altitude de ± 62 m. Mais des concentrations de tubes et une trace rectiligne décelable sur les photographies aériennes en contrebas à l'Est signalent que le flux suivait un cheminement plus proche de l'ancien chemin vers Ayios Tykhonas. La citerne constitue donc un dispositif ou parallèle, ou chronologiquement différent, ou encore le relai d'un approvisionnement en provenance de l'Ouest, sur lequel nous reviendrons. Au Nord/Nord-Est, on trouve des tubes dans la zone 90. 566, au droit de laquelle la canalisation peut donc avoir franchi le ruisseau. Le repère suivant, au Nord-Est d 'Ayios Tykhonas, est la zone 90. 510 et le bisse 62, à la cote 84 m. Les terrasses qui marquent le versant Sud de Pirtakharis sont ensuite parsemées de fragments de tubes (dont celui daté d'Hadrien an II). Elles sont dominées par le bisse 26 (126 m) et par la citerne 25. La suite est à rechercher sur les sites 33 et 32 (136 m), où la concentration de tubes est impressionnante. Là, deux provenances possibles. La plus proche est le ravin dénommé significativement «Vryses» et où, d'après des témoignages sûrs, l'eau coulait encore en permanence dans les années 50/60. Son exploration n'a pu être effectuée cette année et nous ne savons pas s'il s'y trouve un captage antique. La seconde — non exclusive de la première bien entendu — nous mène à Kremmi, au site 37 (136 m également), puis sur le versant Est de Sieloumarka (142 m). On ne trouve plus ensuite qu'un fragment isolé, 90. 612, sur le versant Est de Petroto, vers 174 m. Dès lors, la provenance pourrait être la source 59 et la source près de la citerne 56, situées à 250 m d'altitude. Le seul cheminement possible, en effet, si l'on a fait contribuer ces sources à l'alimentation de la ville, passe par un contournement par l'Est du plateau d'Armeno- khori. Il faudra donc explorer à nouveau ce parcours pour tenter d'y repérer des vestiges de canalisation.

2. Une alimentation Nord-Ouest A Dhoxamenes, «les citernes», lieu-dit au nom encore une fois révélateur, le grand réservoir 90 et le

sanctuaire voisin que nous avons mentionnés ci-dessus apparaissent isolés. Le tout ressemble donc à un captage, placé sous le patronage d'une divinité et suivi d'un bassin de mise en charge d'un hydragogue, dont la destination ne peut guère être qu'Amathonte. Coté à 80 m, ce bassin peut, techniquement, alimenter la citerne 75, cotée à 62 m et elle-même destinée à éviter toute entrée d'air dans le siphon qui franchit la dépression de la nécropole Nord et remonte sur la crête Nord de la ville basse. Les jalonnements que constituent pour nous les découvertes de tubes font toutefois curieusement défaut entre ces deux dispositifs. Ici aussi, un complément de prospection s'impose donc.

III. Épigraphie et sites hors secteur (Pierre Aupert)

Les recherches ont abouti à la découverte de quelques nouvelles inscriptions. Ce sont principalement des cippes funéraires : à Pyrgos, ceux d'un Palaios et d'une (A)ch(i)le(ia ?), avec aussi une colonnette-support à dix pans; à Moutayiaka, ceux d'un Apollonidès, d'un Ariston et d'une Dimitrin Dimitriou; à Amathonte même, dans la nécropole Nord où il était remployé dans la margelle d'un puits, le cippe d'un Apollonios, fils d'Emous, nom rare d'origine égyptienne (flg. 49). Mais, surtout, la surveillance de la rénovation de la maison Lambrou, anciennement de Kyriakos Argyrou, à Ayios Tykhonas, a permis de redécouvrir, sous l'enduit d'un chambranle de fenêtre (flg. 50), l'un des textes les plus longs que nous connaissions à Amathonte, d'où il provient sans aucun doute : la fin d'un décret de l'an X du règne de Claude, sous la prêtrise de Poplios et d'Apollonios et les «paranymphies» d'Ariston fils de Quintos et Rhodon fils d'Hegesion. Ce texte était connu par Le Bas-Wadding- ton (8823), Sakellarios (Kypriaka, p. 58) et Perdrizet (BCH 20, p. 351-353). Cette redécouverte permet d'améliorer les lectures de nos prédécesseurs. La «paranymphie» est une fonction que Perdrizet met en relation avec les hiérogamies du culte d'Héra, lequel est attesté par une autre inscription (LBW 2822) lue également dans une maison d 'Ayios Tykhonas, mais non encore retrouvée.

Enfin, cette recherche d'inscriptions a entraîné jusqu'à l'ancienne église de Pyrgos, où gît un chapiteau corinthien de belles dimensions (flg. 51) et un cippe anépigraphe, puis à celle d'Ayia Marina, au Sud-Est du

(28) Les numéros à deux chiffres indiquent des sites, ceux à trois chiffres des zones à matériel épars ou réduit.

ιβ

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786 CATHERINE PETIT, PIERRE- YVES PÉCBOUX ET PIERRE AUPERT [BCH 115

Fig. 49. — Cippe d'Apollonios, fils d'Ëmous.

Fig. 51. — Chapiteau dans le cimetière de Pyrgos.

Fig. 50. — Inscription LBW 8823 redécouverte à Ayios Tykhonas.

village, où se trouve une base de colonne, mais où surtout le champ en contrebas de l'édifice contient un gisement néolithique n° 107 (hors fig. 39) sans doute pré-céramique, recelant des haches, de grands silex et des broyeurs.

Conclusion

Les abondants résultats de l'enquête de cette année sont particulièrement intéressants sur deux points : le passage entre la ville et la campagne, avec la mise en lumière de faubourgs et d'extensions inconnues des nécropoles, et de notables avancées dans notre connaissance de l'alimentation hydraulique de la ville. Il faut y joindre la confirmation d'une certaine densité de peuplement à l'époque néolithique et de la complète lacune de celui-ci au Chalcolithique et à l'Age du Bronze.

L'an prochain, il faudra donc achever au Sud-Est l'exploration de la zone et fouiller la fosse néolithique 76.

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1991] TRAVAUX DE L'ÉCOLE FRANÇAISE À AMATHONTE EN 1990 787

Un complément d'exploration serait également souhaitable en dehors de la zone, sur certains secteurs menacés par une urbanisation croissante, liée à un important développement touristique : une boîte de nuit à l'architecture agressive vient d'être édifiée à une cinquantaine de mètres de la porte Ouest de la ville, signe qu'une législation insuffisante ne parvient pas à protéger ne fût-ce que l'environnement immédiat du site ; partout on trace des routes, prélude à l'envahissement progressif des collines par des résidences ; les constructeurs remblaient, plutôt que de creuser et de s'exposer à l'intervention du Service archéologique, et ceux qui creusent évacuent leurs remblais dans des décharges sauvages en plein secteur de nécropoles ; l'insuffisance des services collecteurs d'ordures ménagères provoque par ailleurs des décharges de ce type jusque dans les endroits les plus reculés de la campagne ; enfin, la présence humaine sans cesse croissante, les aménagements de routes et la prolifération des voitures à quatre roues motrices entraînent un surcroît de fouilles clandestines. Nous avons donc eu, à maintes reprises, l'impression que notre entreprise constituait la dernière chance d'obtenir des informations historiques sur les abords de la capitale.