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Razi.lawami' (Traité Sur Les Noms Divins)

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  • rituel

  • TRAIT SUR LES NOMS DIVINS

    (Les 99 plus beaux noms d' Allh)

  • Distribu par : La Librairie de l'Orient (El-Bouraq ditions) 18, rue des Fosss Saint Bernard Paris V

    Tl.: 01-40-51-85-33. Fax : 01-40-46-06-46.

    --face l'Institut du Monde Arabe--Site Web : www .orient-lib.com E-mail: [email protected]

    Dar Al-Bouraq Site Web: www.albouraq.com E-mail: [email protected]

    B.P. 13/5384 -Beyrouth-Liban 1421-2000

    Tous droits de reproduction, d'adaptation ou de traduction, par quel-que procd que ce soit, rservs pour tous pays sans l'autorisation de l'diteur.

    ISBN 2-84161-111-6

  • Fakhr ad-Dn AR-RZ

    TRAIT SUR LES NOMS DIVINS

    Lawmi' al-bayyint fi al-asm' wa al-ift (Le Livre des Preuves clatantes sur les Noms et les Qualits)

    Introduction, traduction et annotations par Maurice Gloton

    Prfac par Pierre Lory

    Les ditions Al-Bouraq Beyrouth-Liban

  • ditions Al Bouraq Hritage Spirituel

    Autres ouvrages de la Collection

    1. Enseignements soufis, AbdelQader al-Tn, (1996) 2. Textes sur le jene - extraits des fotht -,Ibn Arab,- Traduction et

    annotations de Charles-Andr Gilis, (1996) 3. Pomes mtaphysiques, Emir AbdelQader l'Algrien. - Traduction et

    annotations de Charles-Andr Gilis, (1996) 4. Les rvolutions et les cycles, lkhwn al-Safa, (1996) 5. Le livre des Chatons des Sagesses, Ibn Arab (2 tomes)- Traduction

    ingrale, annotations et commentaire de Charles-Andr Gilis, (1997-1998)

    6. L'Imam Khomeyni, un gnostique mconnu du xrme sicle, Christian Bonaud, (1997)

    7. Ocans de Misricorde, Sheikh Nazim An-naqshabandi, Traduction et annotations de AbdelWadoud Bour (1998)

    8. Vie et enseignements du Cheikh Ahmadou Bamba, Didier Hamoneau, (1998)

    9. Le Soufisme, la ralit de la religion, Hazrat Nader Shah Angha, (1999) 10. Guide du disciple Tidjaani aspirant la perfoction, Cheikh lbrahima

    Sail, (1999) 1l.La prophtie, la saintet et leurs fruits, Cheikh lbrahima Sali, (1999) 12.Secrets of the Fast - according to the Shaykh al-Akbar Ibn Arab,-

    Translated and lntroduced by Charles-Andr Gilis, (2000) l3.Le Secret des Secrets, Abd alQadir al-Tn, Traduction et annotations

    de AbdelWadoud Bour (2000)

  • TABLEAU SYNOPTIQUE DES LETTRES ARABES

    Formes Trans- Valeur Noms Isoles criptions Numrique Remarques Orientale hamza !' , attaque vocalique, explosive

    alif \ 1 voyelle longue b' ..,. b 2 t' t 400

    th' ..::. th 500 interdentale comme dans le mot anglais

  • PRFACE

    Depuis une cinquantaine d'anne, la pense musulmane est sortie de l'oubli et de la mconnaissance dans laquelle, par longue habitude, la culture occidentale l'avait relgue1 Les travaux des orientalistes comme de savants orientaux eux-mmes commencrent tre plus largement diffuss, et 1' on mit en valeur en un premier temps les domaines ou la culture musulmane avait pu avoir un impact' sur l'Europe latine au Moyen ge, comme la philosophie ou les sciences, ou bien l o le comparatisme entre les deux cultures pouvait jouer (thologie scolastique, mystique; architecture, etc.) ; c'tait une ma-nire de relier ces donnes l'histoire connue de la pense philosophi-que et thologique en Occident. Puis l'originalit, les caractres spci-fiques des productions des auteurs musulmans ont t plus recherchs, et l'on a tent de prsenter l'closion de systmes de pense en Islam tels qu'ils se pensaient eux-mmes; ainsi le droit musulman, ou la dogmatique hanbalite, sans vritable contrepartie dans la culture chr-tienne mdivale, furent-,ils leur tour l'objet de publications suivies. Mieux connue, la pense musulmane devenait ainsi accessible dans ce qui lui tait le plus propre. La prsente traduction des Lawmi' al-bayyint de Fakhr al-Dn al-Rz, Trait sur les Noms Divins, corres-pond d'une certaine manire un troisime stade de l'accs la connaissance des doctrines religieuses de l'Islam: celui de la dcou-verte de dimensions proprement universelles de ses dmarches tholo-giques. Non que Rz expose un systme de pense de type syncr-tiste : nous avons affaire avec lui un thologien sunnite classique,

    1 Nous ne visons bien sr pas ici la recherche spcialise dans le domaine de l'islamologie, qui avait pris son essor ds le dbut du XIX 0 sicle, mais les ouvrages, expositions, diffusions musicales, etc. relevant du domaine commun accessible au grand public cultiv.

  • 12 TRAIT SUR LES NOMS DIVINS

    tout fait orthodoxe2. Sa pense reste dans le droit fil de la foi majori-taire au sein de la communaut musulmane. Le thme abord dans ce trait relve en outre d'une problmatique strictement musulmane : la question de l'interprtation des Noms Divins drive en effet directe-ment des questionnements de l'exgse coranique et de la grammaire arabe. Comme l'crivait Daniel Gimaret dans la somme qu'il a consa-cre rcemment la question : Pour le non-musulman, une te11e [tude] a, je crois, un intrt supplmentaire, celui de reprsenter, peut-tre, la meilleure voie d'approche pour une intelligence en pro-fondeur de la religion islamique. L'Islam est fondamentalement tho-centrique; son credo est l'affirmation du Dieu unique, rvl Mu-hammad. La question essentielle, ds lors, est de savoir qui est ce Dieu de Muhammad ; et cela, ce sont Ses noms qui peuvent le mieux nous le dire, les qualificatifs que les musulmans Lui appliquent, et la faon dont ils les comprennent 3. Cependant, la dmarche adopte par l'auteur nous introduit dans un espace de pense avec lequel des lec-teurs de tous les horizons pourront se sentir en familiarit, et o la rflexion pourra se dvelopper dans maintes directions. Le ton adopt par Rz y est pour quelque chose. Infatigable dialecticien, Rz, n'abandonne aucun thme de rflexion sans avoir puis toutes les questions qui pourraient se poser leur endroit. Le lecteur y reste donc sur le terrain commun de l'argumentation logique, mme si le recours l'argument d'autorit- citation commente du Coran ou du hadth-y est frquent4. Exigeant dans ces dmonstrations, Rz fut un esprit avide de science et non brid par les prjugs5.

    2 Nous employons ce terme par commodit, malgr son caractre impropre. En toute rigueur, aucune instance n'a autorit pour affirmer que les Musulmans qui professent par exemple le chiisme ou une doctrine rationalisante de type mu 'tazilite se situent en marge de la foi droite. Il serait en fait plus adquat de dsigner l'Islam sunnite comme simplement majoritaire

    3 Les noms divins en Islam, Paris, Cerf, Patrimoines, 1988, p.9. 4 A noter que la dmarche de Rz reflte celle de maint thologien de l'poque

    classique, et s'inspire de celle de ses devanciers. Pour ce texte prcisment, D.Gimaret (op. cit. pp.28-30) signale combien il doit au Maqsad al-asn de Ghazl (m. 1111 ).

    5 Notons par exemple son intrt rel et rflchi pour les sciences dites occultes (astrologie, formes diverses de magie) qui rvlent une curiosit et une indpendance d'esprit assez rare.

  • PRFACE 13

    Mais si nous entendons souligner l'aspect universel du propos de ce livre, c'est en fait dans une autre perspective. La question des Noms Divins, nous le disions, est a priori un thme spcifique la pense musulmane. Sous la plume de Rz toutefois, la problmatique s'largit. Laissant au lecteur le plaisir de dcouvrir toute la richesse de la dialectique doctrinale souleve, nous nous bornerons signaler quelques exemples parmi d'autres qui intressent directement la r-flexion vivante dans toute aire religieuse quelle qu'elle soit :

    - La question philosophique et thologique de la porte du langage est un premier cas. Les humains utilisent des mots pour dsigner leurs objets de perceptions, laborer et changer leurs estimations. Mais quel est le rapport rel entre le terme prononc ou crit, et 1' objet concret ou intellectuel auquel il se rapporte ? Le problme, dj ardu en lui mme, se complique ds lors qu'il se rapporte aux domaines mtaphysiques (philosophie premire, thologie dogmatique, mysti-que). Quelle ralit atteignent les mots des discours dans ce domaine? Peuvent-ils devenir des instruments de pense, de connaissance, dans le cadre d'une foi un Dieu transcendant et inaccessible ? Certes, la pense musulmane courante rpond promptement : les croyants peu-vent utiliser pour dsigner Dieu et dcrire ses modes de manifestations les mots mmes que Dieu a transmis dans Sa Rvlation. C'est ce qui justifie notamment l'utilisation, liturgique comme thologique, des quatre-vingt dix-neuf Noms Divins dont il est question dans le prsent texte. Dieu S'est rendu accessible par Sa Parole, il est par consquent loisible et mme obligatoire de s'adresser Lui en utilisant ces paroles sacres. Mais le problme est finalement repouss un peu plus loin sans tre rsolu sur le fond : ce qui vaut pour le langage coranique au sens strict vaut-il pour les autres termes de la langue arabe, et a fortio-ri pour ceux des langues autres que 1' arabe ? Dieu, remarquent les thologiens comme les mystiques, a cr le monde par Sa Parole. On peut donc infrer une homologie gnrale entre la Parole cratrice et le discours coranique. Mais les deux plans sont nanmoins bien loigns l'un de l'autre. C'est avec toute l'habilet du thologien rompu aux spculations philosophiques et imprgn galement de la ferveur des Sou fis que Rz va tenter de situer l'articulation entre les Noms (di-vins) et les noms du langage humain. Son approche en ce domaine intresse tout un pan de la pense humaine

    \

  • 14 TRAIT SUR LES NOMS DIVINS

    - Le chapitre IX sur la prire individuelle rsume lui aussi, en un petit volume, une question thologique qui au fond intresse tous les systmes religieux monothistes. Le Dieu crateur est aussi omnis-cient, omnipotent. Dans Sa sagesse, Il sait l'avance mieux que les hommes o se trouve leur bien et quels sont leurs besoins rels. Il connat en outre leur destin final de bienheureux ou de rprouv. Dans une telle perspective religieuse, quelle fonction peut bien rester la prire individuelle, et notamment la prire de demande ? La question vise bien sr ici non pas la prire rituelle quotidienne (salt), culte de pure adoration et d'action de grce, mais bien l'oraison individuelle dite du''. Or cette dernire a toujours t trs populaire en Islam sun-nite. Fakhr al-Dn al-Rz justifie son institution par des rfrences textuelles au Coran et aux hadths. Mais il pointe aussi un aspect vcu essentiel dans la vie humaine, celle du dsir. L'homme ne peut rien obtenir de prcieux qu'il n'ait fortement dsir, et il ne peut rien dsi-rer rellement qu'il n'ait clairement formul. La prire individuelle n'est donc plus prsente ici comme une action destine inflchir ventuellement le bon vouloir de Dieu, mais bien veiller 1 'me hu-maine des aspirations essentielles qui, leur tour, la rendront apte devenir le rceptacle d'une Prsence transcendante ; laquelle lui garan-tira 1' immortalit, si tel tait le destin trac par la Providence.

    - Dans d'autres passages galement Rz consacre tout son talent guider la pense du lecteur depuis des considrations purement doctri-nales vers les zones plus dlicates de la spiritualit. Ainsi les chapitres VI et VII, traitant de la remmoration des Noms Divins (dhikr). Par une subtile exgse des donnes scripturaires, il indique la voie trace par cette remmoration. Celle-ci n'est pas la simple rptition psitta-ciste de formules de pit censes porter des bndictions de par leur simple prononciation. Le croyant rcitant qui se rapproprie la Parole divine en nonant les Noms Divins se tient devant le Tout Autre, il s'institue comme sujet parlant la fois distinct de Dieu- puisque c'est lui qui profre les paroles en tant qu'homme- et uni Lui, puisqu'il reproduit le verbe rvl. Ainsi, il se constitue en tant que personne autonome, mais lie Dieu par un lien de servitude ('ubdiyya). Ce faisant, le croyant unifie aussi ses propres facults humaines, il les rassemble et les harmonise. Le Verbe divin qu'il prononce n'est pas sans effet sur le rcitant, dont la personne se transforme progressive-

  • PRFACE 15

    ment la suite de cette manducation prolonge de la Parole et qui d'une certaine manire s'unira- intentionnellement du moins - Dieu. La lecture des notices concernant chaque Nom Divin, dans la seconde partie de l'ouvrage, viendra illustrer les propos prsents ainsi dans la partie introductive.

    Ceci dit, Rz se borne dans le prsent trait faire uvre de thologien crivant pour un public assez vaste. Certes, nous 1 'avons signal, lui-mme manifestait d'indniables tendances mystiques; il cite souvent des grands matres du soufisme, ou des remarques de son propre chef allant en ce sens. Mais son ouvrage ne s'engage pas en profondeur dans les voies de la mystique. C'est l'un des mrites de l'introduction de M.Gloton de rappeler la porte de la spculation et de la mditation sur les Noms Divins dans la littrature soufie, et chez Ibn 'Arab tout particulirement. Dans la perspective akbarienne, la manifestation des Noms Divins devient la cl de vote d'un ample systme doctrinal et mystique se situant bien au-del des considra-tions strictement thologiques. Il tait important d'en rendre compte, ne serait-ce qu'aBusivement.

    Enfin, il nous faut rendre hommage ici au travail de M.Maurice Gloton, qui dborde largement celui de la simple traduction, patiente, persvrante, d'un texte assez technique portant sur des notions, des noms dj tellement polysmiques en arabe que des traits entiers ont d leur tre consacr ds le Moyen ge. L'utilit de son introduction mettant en perspective les thmes traits par Rz, comme celle de ses commentaires introductifs partiels, enrichissent de beaucoup 1 'accs un texte dont les enjeux rels pourraient parfois chapper au lecteur franais non spcialis ; cet ouvrage constitue en ce sens un apport net la constitution d'un corpus islamologique de langue franaise.

    Pierre Lory

  • PRFACE

    Au nom d'Allh, le Tout-Misricordieux, le Trs-Misricordieux.

    Seul Allh m'accorde la grce propice. C'est Lui que je m'en re-mets et c'est vers Lui que je reviens.

    L'Imm incomparable, Fakhr ad-Dn Ab 'Abd-Allh Muhammad b. 'Umar al-Khatb ar-Rz qu'Allh sanctifie son esprit- a dit :

    La louange est Allh qui rend perplexes les cogitations (ajkr) devant les principes des lumires de Sa Grandeur (Kibriy') et de Son impntrabilit (amdiyya), Lui qui droute les spculations (anzhr) en mal de scruter les secrets de Son Inaccessibilit ( 'izza) et de Sa Singularit (jardniyya), Lui qui a fait tmoigner eux-mmes les tres crs de la perfection de Sa Puissance dterminante (qudra) et de Sa Fonction divine (ulhiyya), Lui dont tous les lments constituant les cieux et la terre, font allusion l'enveloppement de Sa Science et la Majest de Sa Sagesse.

    Que l'action de grce soit sur le Prophte de la Misricorde, Mu-bammad, sur sa Famille, ses Compagnons et les personnes de sa Mai-son.

    Allh - exalt soit-il - m'a certes fait l'honneur de m'approcher de son excellence, le sultan vnrable, savant et juste, Bah' ad-Dn, le soleil de l'Islam et des Musulmans, le plus sagace des rois, le plus quitable des sultans, Ab al-Mu'ayyad Sm b. 'Amad b. Mas'd al-I:Iusayn. - Qu'Allh embellisse de perfections de toutes sortes les assi-ses de son royaume et qu'Il lui accorde un bonheur sans restriction dans les deux Demeures. Qu'Il me mette d'entre ceux qui s'empressent mriter son estime et sa protection et qui se rangent sous son ten-dard. Qu'il me fasse parvenir aux termes des tres en qute spirituelle et aux confins des buts assigns l'me par la considration excellente qu'il me tmoigne. En vertu de l'ensemble de ces bienfaits magnifiques et de ces dispositions insignes, qu'Allh - exalt soit-Il - m'accorde

  • 18 TRAIT SUR LES NOMS DIVINS

    l'assistance gracieuse de composer au mieux ce commentaire sur Ses Noms (asm ') et Ses Qualits (ift). Qu'Il m'assiste de Sa Grce pour russir convaincre de la vrit de l'exgse prsente (dans ce livre) sur les descriptions (nu' t) et les symboles (simt) (qui Lui sont pro-pres).

    J'ai donc compos ce trait que j'ai intitul : Le livre des preuves clatantes sur le commentaire des noms et des qualits d'Allh (law-mi' al-bayyint fi al-asm' wa al-ift).

    Cet ouvrage comprend trois parties ordonnes. La premire traite des principes et des prolgomnes (ji al-mabd' wa al-muqaddimt), la deuxime prsente les Noms excellents et constitue le but principal du prsent livre (ji al-maqid wa al-ghyt), la troisime se compose des appendices et complments (ji al-lawbiq wa al-mutammimt).

  • INTRODUCTION

    NOTICE BIOGRAPHIQUE SUR FAKHR AD-DN AR-RZ

    Mul;lammad Ab 'Abd Allh Mul;lammad Ibn 'Umar Ibn al-I:Jusayn Ibn I:Jasan Ibn 'Al surnomm Fakhr ad-Dn, la gloire de la Religion, naquit Rayy, le vingt-cinq Rama

  • 20 TRAIT SUR lES NOMS DIVINS

    celle d'Ibn Sin2, l'Avicenne des latins, dont il commenta plusieurs ouvrages et auquel il emprunta certains aspects doctrinaux fondamen-taux. Il aborda l'alchimie sans grand succs. Il connaissait bien lam-decine, l'astrologie, la physognomonie (jirs), la gomtrie et la min-ralogie et composa sur ces disciplines plusieurs traits qui firent long-temps autorit.

    Cet homme de culture encyclopdique, ouvert, toutes les connais-sances de l'poque tait servi merveilleusement par une mmoire fi-dle et prcise qui faisait la grande admiration de ses contemporains. Son Jugement et sa dmarche logique rigoureuse et mthodique contriburent faire imposer ses vues en matires thologique et phi-losophique et l'aidrent triompher aisment de ses adversaires prin-cipaux : les Mu 'tazilites3 et les Karramites4.

    2 Ibn Sn (Ab 'Ai I:Iusayn ibn 'Abd Allh) est n Afshana prs de Boukhara en 370/980 et mort en 428/1037 prs de Ramadan. Caractre prcoce et encyclop-dique, il matrisait les disciplines suivantes : grammaire, gomtrie, physique, mde-cine, jurisprudence, thologie, philosophie. Cf Henry Corbin, Histoire de la Philoso-phie Islamique, Paris, 1964. Cf. Ibn Sn, Livre des Directives et Remarques, traduc-tion avec introduction et notes par A.M. Goichon, Paris, 1951. Cf. Henry Corbin, Avicenne et le Rcit visionnaire, Paris, 1979 (seconde dition).

    3 Les Mu'tazilites reprsentent une Ecole musulmane de tendance rationaliste qui prit naissance dans la premire moiti du Ile sicle de l'Hgire Basra et se dvelop-pa trs rapidement Bagdad et dans l'univers islamique de l'poque.

    L'origine du nom mu'tazilite est controverse. Leur doctrine repose sur cinq th-ses principales: 1) L'Unit divine (taw~d) transcendante et ngation des Qualits divines distinctes de l'Essence. 2) La Justice divine ('adl), libre arbitre et libert. 3) La promesse et la menace ou le sort des croyants dans la vie future. 4) La situation intermdiaire (al-manzila bayna al-manzilatayn) entre la Foi et l'incrdulit. 5) L'ordre divin de faire le bien et d'interdire le mal (al-amr bi al-ma 'rf wa al-nahy 'an al-munkar).

    Pour l'expos complet sur cette Ecole Cf. Albert N. Nader: Le Systme philoso-phique des Mu 'tazila, Beyrouth, 1956 et Louis Gardet et M.M. Anawati : Introduc-tion la Thologie musulmane, Paris, 1948.

    Pour faciliter l'expos de Rz sur les aspects doctrinaux des diffrents reprsen-tants de l'Ecole Mu'tazilite, nous donnons ci-aprs le nom des principaux d'entre eux avec la date de leur mort, sur deux tableaux synoptiques, l'un concernant la branche de Basra et l'autre celle de Bagdad.

    1 -Branche de Basra (cf. fin de l'introduction) 2- Branche de Bagdad (cf. fin de l'introduction)

  • INTRODUCTION 21

    Son loquence tait clbre. Sa voix chaleureuse communiquait l'motion religieuse et lui-mme avait le don des larmes qui passait dans son auditoire. Cette facilit s'exprimer tait encore releve par une rare habilet trouver des preuves sur tous les sujets qu'il traitait en public ou dans ses crits, ce qui confondait et mortifiait souvent ses adversaires. Malgr ses dons exceptionnels qui Je mettaient loin la tte de ses contemporains, il restait prudent en traitant les questions touchant au droit canon, la thologie et la philosophie et savait pleurer sur ses fautes et ses erreurs ainsi qu'en tmoignrent certains de ses contemporains dont le clbre soufi, Mul).y ad-Dn Ibn 'Arab surnomm le Sheikh al-Akbar, le Matre le plus grand5, qui lui fit par-venir une ptre dont nous prsenterons le contenu plus loin.

    Sa voix tait chaude, vibrante et puissante comme sa personne dont la stature, sans tre trs grande impressionnait.

    A Hrat, o il passa une grande partie de sa vie et o il s'teignit, les notables de la ville, les grands docteurs en diverses sciences assis-taient ses prdications. n avait la confiance de la plupart des gens qui

    4 Cette Ecole tire son nom de son fondateur Ab 'Abd Allh Mul:mmmad b. Kar-rm n Nsbur dans la premire moiti du IIVIV- sicle et mort en 255/870. On ne connat sa doctrine que par des hrsiologues tels que Baghdd, thologien ash 'arite et Sarn'n.

    Il disait que Dieu est une substance (jawhar). Sa tendance anthropomorphiste lui faisait interprter trs concrtement les versets de Coran dans lesquels Dieu est dcrit avec des membres ou des caractristiques des tres crs d'o, selon lui, la localisa-tion de Dieu et de Son Trne. Les partisans de cette cole sont dnomms les Corpo-ratistes ou Anthropomorphistes (mujassma). V. 'Abd al-Qhir al-Baghdd, Kitb al-farq bayna al-firaq, Le Caire s.d. p. 202 sq. ; et aussi Michel Allard: Le Pro-blme des Attributs divins, Beyrouth, 1965, pp. 321-328.

    5 Mul;ly ad-Dn Ab 'Abd Allh Mul;tammad Ibn 'Ai Ibn Mul;tammad Ibn al-'Arab al-I:Itim at-T' naquit Murcie le 27 ramaln 56017 aot 1165 et mourut Damas le 28 rabi'a II 638/16 novembre 1240. Il ne doit pas tre confondu avec le traditionaliste n Sville Ab Bakr Mul;lamrnad Ibn 'Abd Allh (468/!076 -543/1148). Son oeuvre immense traite de toutes les sciences religieuses islamiques depuis celles de la Loi exotrique (shar') jusqu' celles de la Vrit essentielle (haqq) et de la Voie spirituelle ou mystique (tarqa). Citons ses ouvrages les plus clbres: Les Ouvertures spirituelles mecquoises (al-Futht al-makkiyya), Le livre des Chatons des Sagesses (al-Fuu al-hikam), traduit intgralement, annot et comment par Charles-Andr Gilis, d. Albouraq-Librairie de l'Orient, 1997-1998. Osman Yahia a recens dans son Histoire de la Classification de l'uvre d'Ibn 'Ara-b, plus de 800 titres dont 550 seraient encore existants.

  • 22 TRAIT SUR LES NOMS DIVINS

    reconnaissaient en lui un homme d'une intelligence exceptionnelle et d'un savoir hors pair. Lorsqu'il voyageait, il avait une suite impres-sionnante de savants, disciples en toutes sciences qui l'accompa-gnaient, trois cents, dit-on l

    Son pre, prdicateur Rayy, tait docteur de la Loi religieuse se-lon l'cole d'interprtation de l'Imm a1-Shfi'6 et d'obdience tho-logique ash'arite7 Selon l'usage frquent l'poque, il enseigna les sciences religieuses ses deux fils, Fakhr al-Dn et Rukn al-Dn, l'an qui montra fort peu de dispositions pour 1' tude mais beaucoup de jalousie pour son frre cadet.

    Rz, dans son trait intitul ta~l al-~aqq, l'acquisition de la vri-t, justifie la science qu'il reut par tradition en remontant jusqu' l'Imm al-Shfi'. Il sera amen pourtant rejeter certains points doc-

    6 Al-Shfi' (1501767-204/820), est le fondateur d'une des quatre Ecoles de droit canon qui porte son nom : l'Ecole d'interprtation shafi 'te. Il est l'auteur des traits al-Umm et al-Risla. Il fut un spcialiste du droit mais aussi du J:Iadith et innova une science du droit fond sur des principes abstraits appele depuis ul al fiqh dont les rgles et les lois particulires sont les branches (jur ').

    7 L'Ash'arisme du nom de son fondateur Ab al-I:Jasari 'Al b. Isma'l b. Ab Bishr al-Ash 'ar n Basra en 260/873 et mort en 324/936 Bagdad. Il commena par suivre l'Ecole mu'tazilite jusqu' quarante ans. A la suite d'une transformation intrieure, il se spara de cette cole pour enseigner une voie moyenne entre elle et celle des littralistes attachs la lettre de la Sunna. Il crivit de nombreux ouvrages dont les plus connus sont : Maqlt al-Islmiyyin, Kitb al-Ibna, al-Risla il Ahl al-Tajr, al Rislafi Istibsn al-lfawqfi 'ilm al-Kalm, Kitb al-Luma'.

    Sa doctrine est un quilibre entre le rationalisme des Mu'tazilites et le littralisme des gens de la Tradition. Cet quilibre se retrouve chez lui dans la position moyenne qu'il professa entre la transcendance et l'immanence de Dieu et les anthropomor-phismes qui Le dcrivent. Cette voie modre qui donna un si grand essor sa doc-trine se retrouve expose chez lui dans les trois difficults thologiques majeures : le problme des Qualits divines, celui de la Parole divine incre ou/et cre, celui du libre arbitre et de la prdestination. Voir ce sujet l'introduction et chapitre neuf. Il existe des ouvrages qui traitent de la doctrine ash'arite. Citons celui de Michel Al-lard : Le Problme des Attributs divins dans la Doctrine d'Al-Ash 'ar et de ses pre-miers grands disciples, Beyrouth 1965.

    Rz et l'ascendance de sa ligne thologique ash 'a rite directe : Diy al-Dn Abl-al-Qasm, son pre, disciple de Sulayman ibn Nr al-Anar, disciple de Irnn al-Haramayn Ab al-Ma'l al-Juwayn (m. 478/1085) qui fut le disciple de Ab 'Ishq Isfar'n (m. 418/1027), Ab al-J:Iasan al-Bhili qui fut disciple de Ab al-J:Iasan 'Allbn Ism'il al-Ash'ar.

  • INTRODUCTION 23

    trinaux et d'interprtation de ses deux illustres prdcesseurs : l'Imm al-Shfi' en Droit et Ab al-I:Iasan al-Ash'ar en Thologie, pour adopter quelquefois le point de vue des Mu'tazilites ou des philoso-phes tel que Ibn Sn et prsenter ses propres perspectives doctrinales originales.

    A la mort de son pre, il eut deux Matres clbres, Al-Kaml as-Samnan en Droit et al-Majd ad-Din al-Jl en Thologie et en Philo-sophie8. Ce dernier fut un discple de al-I:Imid Ghazl9 . Rz suivit Majd al-Jl un certain temps dans les voyages qu'il fit Margha o il fut appel prcher et enseigner.

    Selon l'usage, il entreprit de voyager aprs avoir achev son cycle complet de formation religieuse et philosophique.

    On le retrouve Khwarazm disputant avec les Mu'tazilites. Devant l'hostilit de ceux-ci, il fuit et retourne Rayy.

    Ensuite, il partit en Transoxiane10 vers 580/1184, toujours dbattant de questions thologiques dlicates avec des reprsentants de diffren-tes coles doctrinales : Mu 'tazilites, Karramites et Matridites 11 .

    8 Signalons que Majd ad-Dn al-Jl fut le matre non seulement de Fakhr ad-Dn Rz mais aussi du clbre Shihb ad-Dn Ya]:ly Suhraward appel le Sheikh al-Ishrq, n en Iran en 54911155 et mystrieusement mort dans la citadelle d'Alep en 58711191. Il fut le fondateur de l'Ordre des Ishrqiyyn. V. Henry Corbin : En Islam iranien (tome II) Sohraward et les Platoniciens de Perse, Paris, 1978. De plus, Majd ad-Dn fut disciple du clbre Ab Ijmid Ghazl (45011056-50111111). Ce matre en thosophie islamique forma Rz la philosophie d'Avicenne.

    9 Ab Ijmid Ghazl, naquit au Khorassan, prs de Ts en 450/1056. C'est lors-qu'il tait tudiant qu'il rencontra le clbre Imm al-Ijaramayn, Ab al-Ma'l al-Juwayn ash'arite qui devint son matre. Il enseigna Bagdad. Aprs une crise mys-tique intrieure, il quitta cette ville et sa situation pour suivre la voie des Soufis pen-dant dix ans. Il voyagea Damas, Jrusalem, en Egypte, La Mecque. Il revint en-suite Nishpour quelques annes o il enseigna et mourut Ts en 501/1111. Son ouvrage le plus clbre est l'I~y' 'Ulm al-Dn, la Vivification des Sciences de la Religion, vritable somme thologique d'obdience ash'arite dans laquelle il situe le Taawwuf sa vritable place d'honneur.

    10 V. Fathalla Kholeif A study on Fakhr al-Dn al-Rz and his controversies in Transoxiana, Beyrouth, 1966.

    11 Ab Manr Mul).ammad ibn Mul).ammad al-Mturd al-Samarqand, mort en 333/944 fut le chef ponyme de cette Ecole. On ne connat toutefois que fort peu de choses sur ce personnage qui naquit Samarkande. Son oeuvre matresse, actuelle-

  • 24 TRAIT SUR LES NOMS DIVINS

    Des contacts s'tablirent, son retour Rayy, avec le gouverneur de Ghazna, Shihb ad-Dn al-Ghrn qui le reut avec beaucoup de considration et d'honneur au point de lui faire construire une cole o il put enseigner. TI dut lutter contre les Karramites, avec succs dans un premier temps, en faisant revenir l'orthodoxie, le frre du gouver-neur, Ghiyth ad-Dn, l'arrachant ainsi leur emprise.

    Rz retourne au Khursn en 58411188 et bnficie du patronage du roi 'Ali ad-Dn Tukush. TI devint le prcepteur de son fils Mul).am-mad, Quand celui-ci parvint au trne la mort de son pre, l'influence de Rz grandit.

    TI voyagea, dit-on, aux fides en passant par Samarkande et finit par s'tablir Hrat en 60011203 o il passa le reste de sa vie. TI acquit l de nombreux biens. Sa renomme devint telle qu'on l'appelait le Sheikh al-Islm.

    Son orthodoxie sunnite, de tendances ash'arites et shfi'tes, tant en matire de thologie que de jurisprudence, lui avait attir des ennemis acharns parmi les Mu 'tazilites, les Karramites et, quelquefois, les Matridites. Certains de ses adversaires, jaloux de son succs et de son emprise auprs des grands et du peuple, tentrent des meutes contre lui. On l'accusa mme d'encourager la philosophie aristotlicienne dans ses crits et dans ses paroles. Jusqu' sa mort, il eut combattre, sans relche, les adversaires de la Tradition orthodoxe .

    Le testament qu'il dicta sur son lit de mort est une vritable pro-fession de foi et constitue un tmoignage de total abandon Dieu. TI y justifie son approche des disciplines de la Loi sacre.

    ment disponible est son Kitb al-Taw~id prsent par Fathalla Kholeif Edition, Beyrouth, 1970.

    Sa doctrine considre comme orthodoxe diffre nanmoins sur des points importants de l'Ecole ash'arite. En droit canon il appartenait l'Ecole de Ab J:Infa persan comme lui, de tendance librale et rationnelle.

    Les diffrences doctrinales thologiques avec l'Ecole ash'arite rsident surtout dans la qulification des actes de l'homme qui lui est attribue. Maturd affirmait aussi que le Fidle peut dire : Je suis vraiment croyant, sans prciser : si Dieu veut . Dieu ne punit point les obissants. Les Mturdite sont considrs comme des gens de la Tradition et du J:Iadth : les Ash'arites le sont dans l'Occident de l'Islam, les Mturdites dans l'Orient. Le principal reprsentant de cette Ecole est le clbre Najm ad-Dn J:Iafs an-Nasafi (m. 537/1142) dont la 'Aqda est encore ensei-gne dans les grandes Mosques avec les oeuvres de Jurjn, Ij et Taftzn.

  • INTRODUCTION 25

    ll s'teignit le mardi premier de Shawl, jour de la fte de la Rup-ture du Jene, l'an 606/1209 soixante ans Hrt o sa tombe est toujours vnre12.

    SON UVRE CRITE L'oeuvre crite de Rz, laisse la postrit est considrable. Cer-

    tains de ses contemporains faisaient entendre, non sans quelque ma-lice, qu'une partie de son immense fortune venait de l. Mme si cette insinuation est fonde, un auteur mdiocre, cette poque, ne pouvait composer une telle somme sans que les lecteurs ou les auditeurs n'eus-sent reconnu la porte d'une telle oeuvre.

    Les ouvrages qu'il composa traitent de la plupart des disciplines scientifiques de son temps : thologie (kalm), droit canon (fiqh), thique ( 'ilm al-akhlq ), philosophie (l;ikma ou falsafa), grammaire, rhtorique, commentaire du Coran (tafsr), mdecine, astrologie, go-mtrie, physiognomonie, chirognomonie, le tout notre connaissance actuelle reprsentant plus de cent titres dont certains sont de vritables sommes : son immense commentaire du Coran constitue lui seul trente-deux gros volumes.

    En dehors de ce grand commentaire coranique intitul Maftil; al-Ghayb, Les Cls du Mystre, qui abonde en questions thologiques, ses traits les plus connus sur le Kalm sont les suivants :

    - Al-' ar ba 'n fi ul al-dn, Quarante questions sur les principes de la Religion ;

    - Ass al-taqds qui traite de la transcendance et de l'immanence de Dieu;

    - Al-ma'limfi ul al-dn traitant de diverses questions tholo-giques controverses ;

    - Al-mabal;ith al- 'imdiyya fi al-matlib al-mu' adiyya

    12 Pour plus de dtails sur la biographie et bibliographie de Rz, on peut consul-ter : Encyclopdie de l'Islam Fakhr al-Dn al-Rz, Fathalla Kholeif :A Study on Fakhr al-Dn al-Rz and his controversies in Tansoxiana, Beyrouth, 1966. Ibn Hajar al-Asqaln et Al).mad Ibn 'Al : Lisn al-Mizn, Hyderabad 1330/1912, Ibn al-Qif, Jaml al-Dn Ab al-~asan 'Al Ibn Ysuf : Tarikh al-lfukam', Leibzig 1320/1902, al-afad all). al-Dn-Khall Ibn Aybak : Al-Wfi bi al-Wafayt, Da-mas, 1959.

  • 26 TRAIT SUR LES NOMS DIVINS

    - Al-ma~l - Al-mu~aal, prcis de mthode et de somme thologique - Lawmi' al-bayynt fi shar~ asm' Allh al-~usn wa al-ift,

    trait qui fait l'objet de la prsente traduction.

    PRSENTATION DU TRAIT Un grand nombre de connaissances encyclopdiques de Rz s'ex-

    prime dans le trait sur les Noms et les Qualits de Dieu. Les ques-tions qu'il aborde, les points doctrinaux des diffrentes coles qu'il analyse, sont ceux qui n'ont cess d'tre dbattus et controverss en thologie et en philosophie islamiques.

    Sa mthode, quasi rgulire, revient prsenter les questions doc-trinales des coles les plus opposes d'une manire claire, loyale et fort bien analyse. Souvent, il donne son propre point de vue sur maintes questions controverses en s'cartant des positions officiellement ad-mises comme orthodoxes par la Communaut. Quelquefois, devant des aspects non vidents de difficults thologiques capitales, telle que la cration et l'ternit du monde, il ne tranche pas et se contente d'exposer les prises de positions des principales interprtations, qu'elles soient considres comme orthodoxes ou non par la thologie ash'arite officielle. Nous aurons l'occasion de constater de nombreuses fois sa mthode ouverte et disponible d'interprtation et d'expos.

    Les lecteurs familiariss avec la thologie islamique ne manqueront pas d'tre surpris par la manire assez inhabituelle de Rz de traiter et d'illustrer certaines questions thologiques.

    Certes, nous retrouvons, tout au long de cet immense trait fort complet, la manire gnrale d'aborder les thmes thologiques avec la mthode de raisonnement, inaugure trs tt par les Mu 'tazilites, pre-miers thologiens de l'Islam et dveloppe par al-Ash'ar, al Mturd et leurs disciples. Mais Rz gnralise l'analyse rationnelle dans ses exposs sans toutefois ngliger la preuve d'autorit pralable : le Co-ran, la Sunna prophtique et le Consensus communautaire. Il russit donner beaucoup d'attrait ce trait en y introduisant des considra-tions subtiles sur chaque Nom divin et des sentences de Matres du Taawwuf qui font de cet ouvrage non seulement un manuel thologi-que mais aussi un livre de pit et d'thique religieuse qui prdisposent

  • INTRODUCTION 27

    l'me l'attitude spirituelle convenable pour qu'elle se pare des Quali-ts divines.

    Ces dernires considrations soulvent une question. L'ptre que le Soufi Mul).y ad-Dn Ibn 'Arab fit parvenir Fakhr ad-Dn Rz, par l'intermdiaire d'un ami commun non identifi, a-t-elle eu une in-fluence sur le comportement intrieur de Rz et la composition du prsent trait 13 ?

    Dans cette courte ptre, Ibn 'Arab s'adresse Rz en ces termes: ... Je viens de prendre connaissance d'un de tes ouvrages et de voir l'assistance qu' Allh t'a accorde dans l'exercice de ta facult imagina-tive (al-quwwatu-l-mutakhkhyyilah) et de ton excellente cogitation (al-fikr) ... Or, j'ai t inform par l'un de tes frres en qui j'ai confiance et qui a les meilleures intentions ton gard qu'il t'a vu un jour pleurer et, qu'en t'en demandant la raison, ainsi que les autres personnes pr-sentes, tu leur as rpondu : Il s'agit d'un point de doctrine que je pro-fessais depuis trente ans et qui, en ce moment, m'est apparu diffrent de ce que je pensais. Et tu pleuras encore et ajoutas : Or, il se peut que l'claircie que j'ai eue maintenant ne vaille pas mieux que ce que j'avais pens jusqu'ici. Mais alors qu'as-tu donc, mon frre, rester dans cette impasse et ne pas entrer dans la voie des exercices et des efforts spirituels ...

    L'ptre serait lire entirement et mditer. Il semble, d'aprs l'introduction que Michel Vlsan a consacre cette lettre avant de la traduire Que l'effet de cette correspondance a t assez positif et que Rz s'est intress effectivement aux questions initiatiques vers la fin de sa vie. Mais dans l'tat prsent de nos renseignements, nous ne pos-sdons aucun document manant de Rz lui-mme, ni d'autres auteurs qui claire un peu les rapports de ce savant avec le Cheikh al-Akbar ..

    Cette ptre daterait, d'aprs les dductions fondes de Michel Vl-san, de l'anne 599 ou 600, poque des premiers voyages que Mul).y ad-Dn Ibn 'Arab fit au Proche- Orient. Or le trait sur les Noms di-vins fut achev par Rz en 595 selon la prcision qu'il en fit lui-mme la fin de l'ouvrage. Il est donc possible que la mention d'Ibn 'Arab d'un trait de Rz qui lui a plu concerne celui-l. Dans l'tat actuel des

    13 Pour le contenu de cette ptre, sa traduction et son commentaire v. Michel Vlsan: Eptre adresse l'Imm Fakhru ad-Dn ar-Rz par le Cheikh al-Akbar Muf:ty ad-Dn Ibn 'Arab in Etudes Traditionnelles n5 366 et 367, Paris, 1961.

  • 28 TRAIT SUR LES NOMS DIVINS

    connaissances biographiques et bibliographiques sur Rz, nous ne pouvons faire que cette hypothse et remarquer une fois encore le style et la teneur du Trait sur les Noms divins trs diffrents de la manire habituelle de l'auteur.

    Au Vf sicle de l'Hgire, les positions thologiques sont fixes et les diffrentes tendances, reprsentes par des Ecoles prcises, se sont exprimes. Rz arrive au milieu du Vf sicle de l'Hgire dans l'Orient de l'Islam, l'Iran, et l'Afghanistan actuels, alors que les plus grands thologiens, philosophes, mdecins, savants en toutes les disci-plines connues de l'poque, ont affirm des positions fondamentales exprimant les diffrents courants qu'on rencontre dans toutes les Reli-gions.

    L'Islam, plus qu'aucune autre Tradition, postule un monothisme rigoureux, affirme l'existence d'un Dieu unique transcendant et dont la meilleure formulation reste, avec la shahda : nul dieu ador sinon Dieu, la sourate dite de la Puret transcendante, al-lkhl que Rz commentera d'une manire pntrante plusieurs fois dans le prsent trait. Voici une traduction de cette sourate : Dis ! Lui Allh (est) un. Allh, le Soutien universel impntrable. Il n'engendre pas et n'est pas engendr. Il n'a pas d'quivalent (Coran CXII).

    Devant une telle expression de l'Unit transcendante divine dta-che de toutes relations mme universelles, excluant toute autre ralit que celle d' Allh, le Riche absolu qui se passe de tous les tres, selon l'expression coranique, les premiers thologiens affirment 1 'Essence divine (dht) et nient qu'Elle ait des Qualits (ift) distinctes d'Elle. Cette tendance foncire du Kalam primitif dtermina un mode fonda-mental de la pense religieuse des premiers sicles islamiques: mdi-tation sur un Dieu dtach du Monde, qui exige aussi un profond d-tachement des ralits contingentes. La premire forme labore de cette attitude sera reprsente par l'Ecole Mu 'tazilite dont les thmes principaux de rflexion seront repris par les coles postrieures.

    A l'oppos de cette cole affirmant la transcendance de Dieu et la ngation des Qualits distinctes de 1 'Essence, les Jahmistes14 et les

    14 Les disciples de Jahm, Ibn Safwn furent appels les Jahmistes. Jahm b. Saf-wn fut mis mort en 1281754 comme hrtique pour sa doctrine anthropomorphi-que extrme. Il niait l'ternit du Ciel et de l'Enfer, le libre arbitre pour affirmer la contrainte divine. L'homme selon lui, n'a ni puissance, ni acquisition.

  • INTRODUCTION 29

    Karramites mettront l'accent sur l'immanence divine avec tous les abus que cette perspective doctrinale pousse l'excs a pu engendrer ds son laboration et par la suite au cours des quelques premiers sicles de l'Hgire. Le fondement de leur conception anthropomorphique de Dieu repose, l'vidence, sur de nombreux versets coraniques et sur des l)adths mentionnant des qualits ou des comportements propres l'homme, dcrivant Dieu avec des attributs des tres crs tels que les mains, les pieds, le rire, la tristesse, l'assise de Dieu sur le Trne et d'autres encore.

    ll fallut la venue de Ab al-I:Iasan al-Ash 'ar, au IIf sicle de l'H-gire, pour adopter une voie moyenne qui essaya de concilier, avec plus ou moins de succs, ces deux positions extrmes et qui tint compte des deux aspects transcendant et immanent de Dieu, Dieu en Lui-mme dans Son Essence et Ses Attributs, Dieu en rapport avec Sa manifesta-tion ou Son Existence.

    Cependant, ces diffrentes coles, qu'elles mettent l'accent sur la transcendance ou l'immanence de Dieu unique et singulier ou qu'elles envisagent les relations de l'homme ou de la manifestation tout entire avec Dieu, ne russiront que rarement faire natre l'aspiration pro-fonde et totale vers le Dieu qu'elles dcrivent d'une manire trop ra-tionnelle. Le Taawwuf viendra apporter le correctif ncessaire, sp-cialement avec deux illustres de ses reprsentants contemporains de Rz, et trs diffrents de style. ll s'agit de Mul)y ad-Dn Ibn 'Arab dont nous avons dj mentionn l'ptre qu'il adressa Rz et de Jall ad-Dn Rm15.

    Dans le cadre de son trait sur les Noms et les Qualits de Dieu, Rz est amen citer les personnages les plus reprsentatifs de ces diffrentes coles thologiques et prsenter, d'une manire plus ou moins labore, des aspects de leur doctrine. Qu'il approuve ou non certaines de leurs positions doctrinales, il soumettra au lecteur un ex-pos prcis et fidle de celles-ci sans y mler de passions polmiques. n aura toujours la seule proccupation de la vrit.

    Trs tt, pour des besoins largement apologtiques et pour soutenir les thmes de leur Religion en face du Judasme et surtout du Chris-

    15 Jall ad-Dn Rm, fondateur de J'ordre des Mevlevis ou Derviches tourneurs, naquit Balkh en 60311207 et mourut Konia en 672/1273.

  • 30 TRAIT SUR LES NOMS DIVINS

    tianisme, les Thologiens de l'Islam durent utiliser les mmes ressour-ces de l'argument logique et du raisonnement labor que leurs adver-saires ou prsums tels.

    Devant cette ncessit de prouver le bien-fond de l'Islam, rvl, voire mme sa supriorit sur les autres formes religieuses, les formu-lations premires des Traditionalistes en matire de l).adths, les codifications des Juristes et les commentaires du Coran faits exclusivement d'aprs les dires du Prophte Mul).ammad, ne suffirent plus. Trop de thmes, capitaux ou accessoires, du Coran que la Tradition prophtique, appele Sunna, n'avait jamais abords ou n'avait fait qu'esquisser, trop de points doctrinaux et juridiques apparurent la conscience nouvelle de la Communaut et de ses reprsentants qualifis. Ces thmes peuvent, pour l'essentiel, se ramener ceux que les premiers thologiens codifieront dans leurs sommes thologiques, c'est--dire, cinq aspects fondamentaux qui seront repris et complts ultrieurement par les Matres et que nous rcapitulons ci-dessous:

    1 -Monothisme ou reconnaissance de l'Unit divine (tawbd) qui comprend:

    -L'Existence ou 1 'tre de Dieu (wujd), - les Noms (asm'), les Qualits (ift) et les Actes (af'l) de

    Dieu; leur ralit par rapport l'Essence divine (dht) et l'Uni-vers manifest,

    -le nombre de Noms et de Qualits, -les diverses catgories de Noms et de Qualits, - le Non-manifest ('adam ou ghayb), l'existence (wujd), le

    Manifest, les corps, le mouvement, la cause, le mode, etc., - la ncessit (wujb), la contingence (budth), la possibilit

    (imkn). 2- La Justice divine ( 'adl) et l'eschatologie qui comprend :

    - le bien et le mal ou thique, - la prdestination ou libre-arbitre, - la libert et la volont, la constitution de l'homme et son atti-

    tude devant Dieu, la Loi rvle, la cration, - le Paradis et l'Enfer.

    3 - Les Noms et les Statuts (al-asm' wa al-abkm) qui compren-nent:

    - la foi et l'incroyance,

  • INTRODUCTION

    - la nature du bien - les principes de la Tradition.

    4 - Le problme de l'Autorit et du Gouvernement : - Califat, Prophtologie, Immat.

    31

    5 - L'Ordre du bien et l'interdiction du mal. Comportements des re-prsentants de la Communaut et de chaque musulman vis--vis de celle-ci.

    ll ressort de ces cinq thmes majeurs que les thologiens attachent une importance considrable aux questions relevant de l'Essence, des Noms et des Qualits de Dieu puisqu'elles touchent tous les probl-mes fondamentaux soulevs par la Rvlation coranique.

    Prenons quelques exemples de Noms divins parmi ceux que Rz commente:

    Les deux Noms al-Ral;mn, al-Ral;m, le Tout-Misricordieux, le Trs-Misricordieux et leur qualit commune: la Misricorde, obli-gent considrer le problme de l'Amour divin pour Ses cratures et rciproquement.

    Le Nom al-Malik, le Souverain-Matre, soulve la question dlicate de l'assujettissement de la crature Dieu.

    Le Nom al- 'Adl, le Juste a trait au problme de la prdestination et du libre-arbitre, etc.

    C'est pourquoi ce trait de Rz reprsente lui seul une petite somme thologique dont la matire ne sera classe qu'en fonction de l'ordre d'numration des Noms divins selon la squence de leur litanie traditionnelle fort droutante pour la logique. C'est dire qu'il ne faut pas s'attendre un enchanement rigoureux des thmes thologiques. Cette constatation fera apercevoir un autre attrait de ce trait, celui de laisser au lecteur l'tude et la consultation de ce livre de base dans un ordre qui n'est pas ncessairement celui de sa pagination mais qui peut relever du got du moment spirituel.

    Le trait sur les Noms divins que nous soumet Rz est certaine-ment le plus labor de ceux qui furent crits avant lui.

    Tous les thologiens musulmans, nous l'avons vu, quelle que soit leur cole d'appartenance, attachent une grande importance l'tude des Noms et des Qualits de Dieu bien qu'elle ne reprsente qu'un des thmes majeurs des donnes thologiques. Certains prdcesseurs il-lustres composrent, avant Rz, des traits sur les Noms divins dont certains, introuvables, ne sont connus que par des citations d'auteur.

  • 32 TRAIT SUR LES NOMS DIVINS

    Citons parmi les traits clbres celui de Bayhaq (ob. 458 h)16 et celui de Ghazal (ob. 50111111).

    Pourtant, l'ouvrage de Rz est plus intressant pour plusieurs rai-sons.

    D'abord, il donne une tude doctrinale la plus complte possible sur l'Essence, le Nom et la Qualit.

    Ensuite, il aborde, dans la premire partie, et d'une manire inhabi-tuelle chez un thologien, les questions touchant au dhikr (invocation ou rminiscence), au fikr (mditation religieuse), au Nom suprme (!sm a 'zham), la du '' ou invocation spontane. Dans la deuxime partie du trait, les considrations fines qu'il dveloppe sur le pronom Huwa (Lui), sur le nom Allh et sur la Shahda (la formule de la re-connaissance de l'Unit divine: nul dieu ador sinon Dieu), apportent beaucoup de rflexions nouvelles.

    Enfin, dans la troisime partie de l'ouvrage, Rz analyse chaque Nom divin selon un plan quasi rgulier qui facilite l'accs cette diffi-cile matire et sa comprhension. Le plan qu'il utilise est le suivant :

    1 - Citation du ou des versets coraniques dans lesquels le Nom comment est situ

    2- Chaque fois qu'il est ncessaire, il recherche la signification pr-cise que le Nom divin prend dans la langue en fonction de 1' tymologie et de l'usage.

    3 - Analyse thologique du Nom en vertu de ces deux premires sources d'autorit: le Coran et la langue arabe. Les Matres musul-mans savent et sentent qu'il n'est pas possible de dissocier ces deux sources d'autorit puisque la Rvlation divine s'effectue dans cette langue sacre, elle-mme dj rvle au Prophte Ismal selon ce qu'assurent certaines traditions17 Le lien entre Parole divine rvle et

    16 Ab Bakr Mmad al-J:Iusayn al-Bayhaq naquit dans le Khursn en 384/994 et mourut en 458/1006. Il est surtout connu pour son Trait sur les Noms et les Quali-ts: Kitab al-Asm' wa al-ift, dition du Caire 1358/1939.

    17 On rapporte de 'Abd ar-Ral;lmn Ibn I:Iasana que le Prophte a dit: Isml (le Prophte) a reu la rvlation de cette langue arabe par inspiration intime (in Suyt).

    'Al le Calife, tenait ce }.ladth du Prophte : Le premier tre dont la langue ait prononc l'arabe explicite est Ismi1 alors qu'il tait un enfant de !4 ans (in Suy-t).

  • INTRODUCTION 33

    arabe sacr :est trop vident pour ,qu.'Un'Savant en sciences religieuses ne fasse appel une analyse de cette langue sacre pour parfaim la connaissance de la Parole rvle. . .. ,

    ,;4- Compoutement,duserviteurparrapportceNom; '~. 5 - Paroles des Docteurs et Matres soufis s rapportant au Nom

    tudi.

    ;;

    *

    * *

    C'.est l'occ;:tS;ion de l'anqlysesqr les Noms. et)es Qualits.qu;e les : Thplogiens .islamiques . dvelopprent leur. doctrine sur Di~u, . sur YEss~nce .divine,. Ses Attributs. et .Ses relations 0Ptologiql}es ;ayec l'Univers dans son princjpe et dans son ~xistence. T:roi.s Ecoles;. fort ; dif;frent~s f:ie tendcmes,. ;preJldr:ont. naiss;ance .: . _ . - CeUe, de,s M,u 'tazilites qui, affirment l'Es.senc~ livi11e pour. ni~r qu'Elle ait des Qualitsdistinctes d'Elle ..

    - G~lle, etes. r~ qhm.ites et; {fes J{arr~mit~s qui affirment Viwmanence et .Yanthropomorpbisme au sujet de J)iew selon la. ralit cpncr~te des symboles traditionnels. :, - :Celle des Ash~

  • 34 TRAIT SUR LES NOMS DIVINS

    que tout serviteur de Dieu et de Ses Noms excellents peut en faire dans sa vie spirituelle.

    Essayons de pntrer dans ce domaine difficile o intuition et d-voilement initiatique pourront donner une approche immdiate et ad-quate de la Ralit divine.

    Tous les tres ont l'intuition de l'Essence divine dont on ne peut rien dire si ce n'est en mode de ngation absolue. Elle n'est pas ce que les cratures sentent, imaginent et comprennent. Elle chappe donc toute investigation. Pour cette raison, le Prophte a dit : Ne mditez ni sur l'Essence divine, ni sur le Dcret prdtermin.

    Si les tres ne peuvent nier sincrement l'Essence inconditionne c'est que, rien ne pouvant sortir d'Elle, ni entrer en Elle puisqu'Elle est infinie et ternelle, ils ne sont rien d'autre qu'Elle et que, sans Elle, ils ne seraient ni dans le Principe, ni dans la Manifestation universelle.

    Ceux qui affirment uniquement la transcendance de Dieu restent dans cette vidence exclusive et immdiate qui les a entrans nier toute ralit dtermine en dehors de cette Essence.

    Ici, rside pour eux une premire contradiction. Lorsque les Mu 'tazilites acceptent les Qualits divines, ils soutiennent qu'elles sont identiques l'Essence et non distinctes d'Elle et ternelles comme Elle. Or, cette conception introduit dj des distinctions in-compatibles avec l'absolue indtermination de l'Essence car, selon le l).adth : Allh tait seul et rien avec Lui. Pour rsoudre ce pro-blme, apparemment insoluble au niveau thologique, il faudra la perspective doctrinale des Thophanies (tajalliyyt) ou des Prsences hirarchiques fonctionnelles (~atjart) labore par Mul).y ad-Dn Ibn 'Arab.

    Ces thologiens mu'tazilites ne pourront pas sortir de leur appr-hension ngative de l'Essence divine. Pour comprendre quelque chose du degr fonctionnel des Noms excellents et des Qualits di-vines, il faut envisager en Dieu-mme une premire autodtermination (ta'ayyun) qu'on ne peut faire que par rapport nous, non Lui qui se passe de tout en Son Essence Une et qui n'admet aucune participation dans Sa simplicit, ni aucune distinction dans Son absoluit Cette premire autodtermination qui sous-entend des distinctions ontologi-ques restera un profond mystre que seule la ralisation spirituelle intgrale peut faire assentir par voie de dtachement de toute dtermi-

  • INTRODUCTION 35

    nation et non par approche analytique ncessairement conditionne. C'est pourquoi le non-tre propre l'Essence est Son propre Mystre qui la concerne absolument, sans aucune participation possible.

    Pour passer de cette Essence qui dfie toute description mme ngative, qui refuse toute qualification mme reiJe, sa premire autodtermination qui permet d'envisager des rapports ontologiques, nous n'avons que des arguments d'autorit, par exemple, ce clbre l}.adth quds dont on ne connat pas de transmission rgulire et qui donnera naissance, trs tt dans le Taawwuf, une laboration doc-trinale trs riche: J'tais un Trsor cach et Je n'tais pas connu. Or J'ai aim tre connu. Je crai donc les cratures et Je les fis connatre par Moi. Alors elles Me connurent.

    Si, chez les Thologiens, l'Amour d'Allh pour Ses cratures ou de Ses cratures pour Lui, n'est pas ni, il ne sera jamais prsent comme ncessaire la cration, ni considr comme principe salvateur. C'est la reconnaissance de l'unit divine qui sauve l'tre cr mais il doit s'agir alors d'une reconnaissance effective qui concerne tout l'tre et non seulement du simple tmoignage qu'il y a nul dieu ador sinon Dieu.

    Au degr ultime de l'Essence, Dieu est envisag comme Soi (huwa) et comme l'Ipsit (huwiyya). Le Trsor cach relve de l'Unit divine (al;adiyya) indivise et sous-entend une premire Richesse dont on ne prcise rien sinon qu'elle est.

    Le passage ontologique et fonctionnel du Soi au Moi (an ou anniyya) demeure le Mystre profond, mystre qui est le propre de tout passage la limite , mystre qui est inscrit dans le trfonds de chaque tre ou essence ('ayn) et qui l'incite, lors de sa rintgration en Dieu, dpasser sa limitation existentielle sans autre motivation que l'attrait irrsistible vers l'Essence inconditionne puisqu'il n'est que cela ultimement.

    Pourtant le passage une limite fonctionnelle et ontologique, appa-remment infrieure en rang, qui provoque l'apparition d'une premire distinction et de la multiplicit subsquente, est bien ressenti par les Thologiens comme une difficult conceptuelle qui dtermine chez eux deux positions doctrinales diffrentes dj prcises dans la Philo-sophie grecque par ses deux reprsentants minents mais antinomi-ques : Platon et Aristote.

  • 36 TRAIT SUR LES. NOMS DIVINS

    - Ct?itte ilifficult s'expt:ime ainsi:: en' termes thologiques : le monde est-:ilc_terne~ o~ a~tf'il commen tre;? le Crateur (al-Khliq}: est~il ternel mi:st"il apparu .avec; :le ;:temps poun .:dterminer la cration ? Pr.oblme insoluble, .en; thologie et qui laissera ,Rz perplexe ainsi qu'ihl'ex:primera dans unbeaupassage'dljl;. Trait. Seule la mtaphysi"' que ;du :'Faawwuf.avec ta per,spective des, Thophanies, concernant aussi bienJ'Rxistence:universelle.q.ue;celledes tres, rsoudra ce prO:-: bl~me contradictoire aur niveau}thologique-:. _ 1

    Allh;. dans 1 son: Essence inconditionne (dht), n'est ni connu; ni connaissable.; Il n'est ni dtermin,, ni limit, n'a: ni commencement, ni fin;;.: . . ' .'

    Allh, dans Sa Fonction divine {ulhiyya OR. ilhiyya),'.celle qui, concerne: Sa description;( waf) et Sa manifestation (zhithir); II' est :(Jlus seulementdssence; il estaussi,leDieu.qu!on .adre'(i~h);.et:qui .est seuidigne .d'adoration. alors: que 1 'Essence ne peut :li tre, .: .

    :Cettepremire discontinuit.,logiq'u.et ont61ogique:e.ntre Essence et Fonction divine est Ulli mystre:irrtgral ;qui; 0blige, pourH~n copt.,. prendre quelque chose, enyisager un commencement ontologique dans la Fonction divine par rapport l'Essence inconditionne et a'X\ essenc:es dtemtines, .mme. si cette Fonction ne es:se -d:tm. 1 tout

    ' ' ' " - ' ' ' -~ , ' ,; - _, ' ~ ' - - ' ' -~ ' ,. -~ ' , .- ,_, > -~_;, ~ '

    jaw~s pour:les ~tres qui ~Pntco,nceJ11.s. :p~r. elle .. : . , :', , 1: Cette, premire :

  • - 'INTRODUCTION 37

    '':Cependant, 1'hologiens etSoufis orthodoxes ne sonLpaspant11js.,: te& puisqu'ils 4ffirinent:une .discontinuit itrduetible et substantielle entfre,Dieu.et le Mtinde~:AHh:s'.passantdes rnorides dans:Sa:richesse, seloJi1l'expressiot1 coranique: .' - : ; ; ' ' .", '.:lls :nsont,pas .davantagem0nist:s.car ils rconnaissel'lt lesQi'elix

    aspects d la RaHti V e;xistence :Une; :du; Dieu :uni:qu.e et le :monde qui est Je liem>> universel de Sa manifesta t-i on.1Seul AJ lh a 'Ftre rer (i/J;aqq); les tres adventices ne: sont queptivationd'tre viita:bh~ bien' que leurJ existence ne soit:paSi :une pure 'illU~ion. Ils :Qnt le statut d'tres; possibles qui dvviennent ncessaires. par la Ncessit. divine' (wujd)' dans: le :monde\ de: la cont.ingence. L1tre.: (wt:~jai' tant Un, les tres dans TExistence de Dieu' ne sont qu'SonHpiphanhr dans Ses :s.upports

    d~apparition .(mazh'ir}; L'autre que~nieu n'est.pas :rellehinpu1isqu'il' y :a Ntti rdiu ador'sinondj)feU d'aprs l'tl.OlYc'vJ: de l'UFI'itJclivitr:' Les tres qui expriment les Noms divins ne multiplient.pasJ'Unitud:e de.I?tre divin; Hnes'agirapourlefrdle"qui se soumet Dieu;: que' de

    ree0nnatre!cette.Uni1idt}:J'tretlivin.:Ji: :Maisl ~~tr~ .Qi.el1, 'ct,an~ .$~ fqf1c:i8ri

  • 38 TRAIT SUR LES NOMS DIVINS

    degr ontologique, une relle corrlation, l'un ne pouvant tre sans l'autre, le vassal exige le Suzerain, le Dieu ador demande un adora-teur sur qui porte la Fonction divine. Toute la doctrine de l'immanence divine (tashbh) dans le Taawwuf est fonde sur cette corrlation du Seigneur avec le serviteur, le Seigneur tant le propre Nom divin qui concerne le serviteur qui l'exprime alors adquatement. Or, l'Essence divine exclut de tels rapports Seigneur/serviteur, ignore la manifesta-tion, annihile toute connaissance. C'est donc au niveau du Moi divin et de tous les Noms qu'TI implique que le 1;tadth, si souvent cit, trouve s'appliquer : Qui connat son me, connat son Seigneur , ou en-core: qui se connat tomme serviteur parfait ('abd Allh), reconnat son Seigneur et celui qui reconnat cette corrlation totale a trouv son paradis et est vritablement un tre qui se soumet ou muslim la V o-lont de son propre Seigneur. L'tre intgral est ainsi Seigneur-serviteur et rciproquement.

    Cet aspect doctrinal capital permet de mieux comprendre pourquoi le nom Seigneur (Rabb) est exclu de la squence traditionnelle des noms excellents. C'est que le Seigneur est toujours envisag en terme d'annexion ou de corrlation. Le Seigneur de tous les tres possibles synthtise l'ensemble des Seigneurs de tous les serviteurs ; ll est la somme intgrant tous les Noms concernant les ralits ontologiques et divines des serviteurs, chacun de ceux-ci en exprimant et en rali-sant un aspect. Tel sera le thme du chapitre immense qu'Ibn 'Arabi consacre aux Noms divins et qu'il envisage en rapport avec le servi-teur de chacun de ceux-l. Par exemple, chaque tre est serviteur du Tout-Misricordieux ('abd al-RaiJmn), serviteur du Tout-Puissant ('abd al-Qadr), etc. mais jamais il ne sera serviteur du Seigneur ('abd al-Rabb). TI peut seulement tre le serviteur de son propre Sei-gneur. C'est ainsi qu'on dira dans l'invocation : Tout-Misricordieux (y Ral;mn) sans l'article universel al. On ne pourra dire, si ce n'est abusivement : Seigneur, mais : notre Seigneur (ya rabban), cela revient dire : Allh ! puisque le Nom Allh, dans sa Fonction, rassemble tous les autres Noms synthtiquement et indi-visiblement, ceux-l se substituant ainsi Lui.

    Une consquence indirecte de cette corrlation est l'atomisme ash'arite ou la doctrine de la cration rcurrente et toujours originelle

  • INTRODUCTION 39

    (khalq jadd ou tajdd) dans l'Ecole du Sheikh Mul;ly ad-Dn Ibn 'Arab.

    Dans cette optique doctrinale, le serviteur ne cessera de raliser, dans le lieu thophanique qui lui est propre, les possibilits impliques dans son Seigneur et cela chaque instant dans et par lExpir-lnspir ou Respir du Tout-Misricordieux (najas al-Raf;mn). Si Allh n'tait ontologi-quement Celui-qui-ne-cesse-d'tre-toujours Crateur (khallq), l'tre cr s'anantirait instantanment sans possibilit de se renouveler dans des formes semblables. ll ne subsiste donc que par la subsistance d'Allh.

    Allh, ne cessant d'tre Crateur et Pourvoyeur, produit la Cration dans un instant ontologique toujours prsent. Les tres rpercutent, comme un cho, cet instant mtaphysique, dans les lieux thophani-ques de l'Existence universelle. La Parole divine qui, par l'Impratif existentiateur de Dieu, met tous les possibles dans le monde de la contingence, se propage dans ces supports thophaniques en rfractant cette Parole ordonnatrice primordiale et principielle en autant de paro-les distinctes et aussi innombrables que les lieux mmes o se produit la Manifestation universelle. Si l'Ordre divin de propager les choses devait cesser un seul instant, les tres crs s'anantiraient instantan-ment. En fait, ce sont les supports de manifestation qui freinent, limi-tent ou conditionnent l'Acte divin crateur. Toute chose tant prissa-ble sauf Sa (ou sa) Face, (Coran XXVIII, 88) il en rsulte que chaque tre manifest finit par s'anantir pour ne cesser dfinitivement d'tre qu'au moment imparti par Dieu. Cependant, l'Acte crateur tant ins-tantan, continu et permanent comme le Crateur Lui-mme, la cra-tion entire qui est Son effet, ne peut pas plus cesser d'exister que cet Acte divin existentiateur.

    Dans l'Atomisme ash'arite, seuls les accidents (a'rif) se renouvel-lent chaque instant, les substances ou quiddits gardant une certaine stabilit. Ibn 'Arab corrigera cette interprtation rationnelle de la r-alit contingente en tendant aux quiddits, faites d'un ensemble d'ac-cidents, cette notion de cration rcurrente. Accidents et substances ne sont que des modifications apparentes de 1 'Existence unique d'Allh. lls n'ont ni plus ni moins de ralit que les vagues de l'ocan mues par le Souffle divin ou que les lettres traces par le Calame suprme d'une encre unique. Seules la mer ou l'encre subsistent rellement et dura-

  • 40 TRAIT SUR LES NOMS DIVINS

    blement. Cet,Qan .ou/cette Encre uoique:ou, neore cette E,xisten(.);e indiffrencie, mais modifie illusoirement sans pourtant tre affecte par les existants:; n'e.st pas autre .qu~Allhe:twisag p:;tr rapport rSes .manifestations,. ::, :. '. . , , :

    Les. Spirituels. musulmans tireront,. tout naturellement, de c~tte doc-trine,. la. consquence de 1 'impernlnence de toute: 'Chose hormis Dieu. lls mettront Yacce.nt s:1.1r le dtac.Jlement mthodique: progressif ,et tQt~l .des choses contingentes po)Jr .que l'tre e,.r puisse s:'teindr:e, vrifiant par dvoilement directql,le. l'Ac~ .di yin cratet:lf'.St le seul agenteffel!>-tif. L'Atomisme ash'arite, sous son aspect thologique rationnel, ,reste ,un;e position. d:octrjnale incomplte qui J).e peuntansformer seule 1 'me du. croyant, Il.lui .. fa11dra Je. correctif .de la. perspective spirituelle: e.t :ini, tiaque du TaawW;uf, , .l

    Ces .. aperu,doc!r~nau,x vont maint~na~tnous ,permettre~ de. ~i~:u)( C()mpr,enqre., l.es 'not~()llS que recouvrent Jes ~~J;llleS Essenqe, Nom et :Q,ua1it.qu,e. .. noll$.avon~.sou:ye!lturH~~~s claJ:l,~,le;.cours deE~ne intr9, duction .et queR va.,~udi.e,rtout flU long,du. trait et spciale~eqt au d~pu,t cie .la pre.~i~~e partie: . . . _ ~ , , , Ges trois termes te,chniqu~s ont f4 eJJ;lpl_oy~. par les .Matres. des diffrente,s_E~ol~scr~~e.manire ~uanc~ et parfois dans d.~sns .dif-fre,nts~ A l'intrie~n;. qe ,haq~e -,cql~,,-_es w~es. nqt~qns;reo~v,e,ut .~e . aseptions varies, .. quelque,f~is ~.me. con~ra1i~tqires:' syl on . qU:y l'.on se rf,re aux points qe vue smant~que, g~arr,n1;1aticat logique,, cosrpologique, thpl

  • INTRODUCTION 41

    preinte ind~lhile, Dans cette. acception; le nom est l'expression d'un. sens intelligible;

    En ralit, les deux interprtations se compltent et font entrevoir les deux aspects de toute ralit : son principe ou:ce qu'elle est en soi et ~onexpressi()n ou mod~ de manifestation. . . . .

    ,. U, .~st r~marC}Uer,, d'()f~S et dj, que ,seljeterme i{lirz~ pluriel (JS" m', el)i rne11tionn. dans Je Corar1 t la Sunna prophtique. . . . .

    JCes deux sources_ fondamentales. i-slamiques seront le pqlnt de, d-part de toutes les rflexio~s des mtaphysicjeps, tb.ologien.s et phi.lo~ sophes pour laborer les aspects essentiels 4elel1r doctrine sur les ~ows (livh1s. Us s fondent prin;ipaleme,nt suries versets mentionnant les Noms exc;ellents tels, gue, :, pis l lnvqquez Aqh p~~; invoq'utt?. ie.

    iout-Misric~rdieux (r{lJ:zmdn); quelque soit c~que ~ousinvoquz;' Lui sofl,t_les Noms excelll;nts (Con;m XVII, 110),

    . 'Ce,s N()rnS ;exc~llents ~u .I?~fahs,, m~ntiqpns '~n de nombreux en-droits du. Cqran, seront 1,wmrs .par la Tradition _dans ,tll1e sguence qui a fait,

  • 42 TRAIT SUR LES NOMS DIVINS

    tous les noms en nombre infini et Seigneur des Seigneurs. Chez Ibn 'Arab, ils seront de pures relations et non des ralits en soi.

    LA QUALITE (IFA) Dans la perspective des Philologues, la qualit (ifa) est une sorte

    de nom qui dcrit l'essence ou la quiddit dont on ne peut rien dire ou rien connatre sans la description des qualits ou caractristiques qu'elle comporte. Cette description est appele waf, l'acte de dcrire, mot de la mme racine que ifa.

    Le terme ism est coranique alors que celui de ifa ne l'est pas et ne se trouve pas davantage dans la sunna prophtique. C'est pourquoi certains thologiens dont Ibn I:Iasm refuseront d'appliquer ce terme Allh.

    Si, du point de vue des catgories du langage, les Grammairiens sont d'accord pour dire que les noms sont le principe des qualits et qu'ils sont plus excellents qu'elles qui ne constituent que des mots d-rivs de ces noms mmes, du point de vue des Thologiens, le pro-blme se complique du fait de l'utilisation du vocable technique : ifa dans des acceptions trs nombreuses.

    C'est ainsi que certains appellent: Noms divins les quatre-vingt-dix-neuf Noms parfaits bien qu'ils soient des noms drivs, donc des qualits selon les Grammairiens. Par exemple, le Nom divin : Savant ('alm) drive du nom verbal 'ilm, science, le fait ou l'acte de savoir. 'Alm qui est l'un des quatre-vingt-dix-neuf Noms excellents retenus par la Tradition, est compris comme un Nom en Thologie et comme une qualit en grammaire alors que 'ilm (science) est un nom verbal en grammaire et une Qualit divine en thologie.

    Cette apparente divergence d'appellation vient du fait que les sour-ces d'autorits religieuses, Coran et Sunna, ne mentionnent pas le terme ifa qui s'est impos chez les Grammairiens pour dcrire les aspects de l'essence, de la substance ou de la quiddit et pour prciser ainsi les catgories logiques du langage. L vocable ifa s'est impos chez les Thologiens pour affirmer que celui qui est dcrit par ce nom possde la qualit correspondante comme dans l'exemple prcit, le Savant, Nom divin, possde la Science, Qualit divine.

    Une autre difficult vient s'ajouter au problme dj dlicat de la qualification divine en thologie : celle de considrer le terme ifa

  • INTRODUCTION 43

    aussi bien comme attribut ou pithte que comme qualit par un pro-cd de style.

    Par exemple : dans la phrase nominale : Allh est savant, le nom Allh est sujet (ibtid ') et le mot Savant qui pourrait tre un nom, est ici adjectif qualificatif attribut (khabar). Dans la phrase suivante : Allh est Celui qui possde la science, le mot science est une qualit divine (ifa), non un attribut, mais c'est toute la seconde partie de la phrase : Celui qui possde la Science, qui doit tre considre comme ifa.

    n rsulte de ces deux perspectives que, chez le grammairien et le thologien, le nom en tant que vocable sera toujours distinct du nom-m, jamais identique. Mais, quand le nom sera considr comme re-prsentant la ralit mme d'un tre et son Seigneur comme dans la perspective d'Ibn 'Arab, ainsi que nous l'avons vu plus haut, ou celle de Bqilln, thologien ash 'arite, ce nom est identique u nomm puisque le nom reprsente alors la ralit mme de l'tre dans son prin-cipe divin.

    Ces rflexions sommaires feront mieux comprendre les premiers chapitres du Trait de Rz consacrs au nom, au nomm, la dno-mination, aux diffrentes catgories de noms et de qualits et aux di-verses positions doctrinales leur sujet.

    Les quelques points doctrinaux que nous venons de prsenter n'puisent pas, tant s'en faut, la richesse du Livre sur les Noms divins de Rz. Cette introduction avait surtout pour but de souligner des difficults thologiques relles. Nous aurons l'occasion de remarquer l'existence d'autres questions dlicates auxquelles la Thologie isla-mique (Kalm) n'apporte pas de solutions dfinitives et pleinement satisfaisantes.

    La prsente traduction est faite d'aprs l'dition gyptienne de 1400-1980, 365 pages, dite au Caire par Th 'Abd al-Ra'f Sa'd, partir d'un manuscrit dat de l'an 952 H.

    Nous avons consult aussi les ditions suivantes : - Edit par Arnn al-Khnj, Le Caire, 1323-1905, 270 pages. - Edit par les Imprimeries Al-Sharqyya, Le Caire, 1333-1914, 266

    pages. - Edit par Th 'Abd al-Ra'f Sa'd, Le Caire, 1396-1976, 368

    pages.

  • TRAIT SUR LES 'NOMS DIVINS

    ;Le, manuscrit 'Be:.tlfn '2223f.,;.

    Brhhe.:. B'iigdad.;

    + ;; }a:"ra~B.I!~rb~-... (23(?.(&511 . ~: ;: ;.,, ;. '

    Mul:wmmm.l R Ahd Allh Al-lskl (:!~{)/854)

    Bishr B. al-Mu 'timar . ; (2!?1Jl2~);

    Ab Ms. ai-Murdr (226/841)

    1

    'h; B. al~Haytham ;al.fi ,.

    t Ja'farfi. M_~~'bash~h~F

    (234/849)

    r A\> a\-l:fusayn al-;Khayyt

    c,Jl . ~ .1-~ &I-qfuim:lli-B.alaklt_ ai~K~:~'N . . . . . (3191931)' '

    Ahmad B. AbiDu'd . (2401854)

    . ; _'

  • PREMIRE PARTIE

    PRINCIPES (MABDI') ,. ... A

    ET PROLEGOMENES (MUQADDIMAT)

  • PRSENTATION DU CHAPITRE PREMIER

    Pour prouver que nom, nomm et dnomination sont trois notions distinctes, toute l'argumentation de Rz est fonde sur la diffrence existant entre ces t~is termes dans la grammaire et l'analyse logique ainsi qu'en thologie. C'est le mme raisonnement, trs labor, que Ghazl fera dans son Trait sur les Noms divins pour prouver la dis-tinction entre ces trois notions. Rz le suivra bien que les partisans de l'cole qu'il reprsente - et il a surtout en vue Bqilln, ash'arite comme lui - professent l'identit du nom et du nomm.

    Le raisonnement avanc par Rz pour prouver cette distinction tant fond, il faut que Bqilln se place un autre point de vue, celui de la ralit du nom qui n'est pas autre que le nomm. En effet, dans son existence ultime, chaque tre est un nom divin qu'il exprime par-faitement et dont il est le serviteur. Mais alors, dans cette perspective diffrente et raliste, les noms dont il s'agit n'ont plus grand rapport avec la grammaire et la logique conventionnelle bien qu'il subsiste toujours une relation ncessaire entre le principe, cause ou seigneur, l'effet ou serviteur et leur expression logique. Cette difficult rsolue d'une manire assez voisine par Ibn 'Arab, est du mme ordre logique et ontologique que celle souleve propos de la Parole divine incre et cre ainsi que nous aurons l'occasion de le voir dans d'autres par-ties du trait de Rz.

    Avec une logique rigoureuse, Rz a tt fait de rfuter les argu-ments de ceux qui identifient nom et nomm car ils s'en tiennent l'aspect purement logique de la question et non l'aspect ontologique de l'unit de l'tre en soi et de sa manifestation phmre. Ils tombent

    alors sous le coup de la contradiction logique. Pourtant, si le nom d'un tre en soi est sa ralit permanente et est

    ainsi identique au nomm, le nom sera distinct du nomm dans la ma-nifestation de cet tre qui apparat, sous le nom ou l'ensemble de noms qui lui conviennent en propre. Ainsi, la Parole divine non compose

  • 48 TRAIT SUR LES NOMS DIVINS

    en Dieu -bien qu'ayant un nombre infini d'aspects, celui des tres pos-sibles qu'elle exprimera par l'Impratif ou l'Acte pur divin -a un mode d'expression dans l'Existence universelle qui ne sera jamais identique son essene_Jjl~s

  • CHAPITRE PREMIER

    DU NOM (ISM), DU NOMM (MUSAMM) ET DE LA DSIGNATION

    (TASMIYA OU DNOMINATION)

    Selon la position doctrinale des partisans de notre Ecole (min qawl a~bin), il est tabli que le nom est identique au nomm mais diff-rent de la dnomination.

    Les Mu'tazilites soutiennent que le nom n'est ni le nomm, ni la d-signation.

    L'option du Cheikh al-Ghazl est que nom, nomm et dsignation sont trois notions distinctes. C'est ce que je considre moi-mme comme vrai.

    1- PREMIRE POSITION DOCTRINALE: LE NOM EST DIFFRENT DU NOMM

    Sache-le ! Professer que le nom est identique, ou non, au nomm oblige dfinir pralablement ce qu'est la ralit de chacun des trois termes: nom, nomm et dnomination. En effet, l'assentiment (tadq) doit tre prcd par la reprsentation (taawwur) de ce sur quoi et par quoi le jugement est port (mhiyyat al-ma~km 'alayhi wa al-ma~km bihi).

    Nous pouvons alors prciser: Si le nom est l'expression d'un voca-ble qui dsigne une chose que J'on a pose, il en rsulte que la connais-sance ncessaire ('ilm cjarr) obtenue par ce nom n'est pas (celle ralise) par le nomm.

    Si, d'autre part, le nom dsigne cette chose mme et le nomm aus-si, le sens de la proposition que nous avons formule plus haut, sa-voir que le nom est identique au nomm, revient celui-ci : la chose est identique la chose. Or, cette conclusion est l'une de celles que les tres de spculation intellectuelle ( 'uqal ') ne peuvent contester. II est donc bien tabli que la contradiction (khilf) apparaissant en cette question (ainsi prsente) provient du fait que l'assentiment n'est pas

  • 50 TRAIT SUR LES NOMS DIVINS

    prcd par la reprsentation ou conception (contrairement la logi-que). Cet argument devrait suffire en la matire !

    Les Intellectuels ( 'uqal ') s'entendent pour ne pas faire de ce sujet une question contradictoire.

    Cependant, ce point comporte une finesse (daqqa) sur laquelle s'appuie celui qui dit: le nom est identique au nomm, savoir que les Intellectuels sont d'accord (pour dire) que 1) le vocable donn au nom (lafzh al-ism) (dans la grammaire) est lui-mme un nom en fonction du sens que l'on veut indiquer sans impliquer toutefois un temps d-termin. 2) Or, il ne fait pas de doute que le vocable reu par le nom est de la sorte. Il rsulte de ces deux prmisses (muqaddimatayn) que le nom est dsign par le nom et que, dans ce cas particulier, nom et nomm sont une seule et mme chose assurment, bien qu'il y ait une difficult en l'espce : savoir que le nom d'une chose se trouve rap-port elle-mme. Or la relation d'une chose elle-mme est illogi-que ; il est donc impossible qu'une seule et mme chose soit un nom qui la dsigne elle-mme (car elle est diffrente du nom qui la nomme). Telle est la conclusion qui s'impose sur cette question.

    Mais revenons au propos initial pour prciser ceci : Celui qui avance que le nom est diffrent du nomm donne plusieurs raisons.

    Premier argument (!Jujja) Les Noms d'Allh sont nombreux tandis que le Nomm n'est pas

    ainsi. Il en rsulte que le nom est diffrent du nomm. Nous pouvons affirmer que les Noms d'Allh sont nombreux pour

    trois raisons : 1 - La premire en vertu de cette parole divine : A Allh les Noms

    excellents (al-asm' al-J:tusn). Invoquez-Le par eux (Coran VII, 180).

    2 - La deuxime selon cette nouvelle prophtique : Certes, Allh a quatre-vingt-dix-neuf Noms (cent moins un. Allh est Impair (witr) et aime l'impair. Celui qui les numre entre au Paradis) (ln Tirmid-h).

    3 - La troisime d'aprs ce verset: Allh, Nul dieu sinon Lui. A Lui les Noms les plus beaux (Coran XX, 8).

    Or, il y a accord sur le fait que le Nomm par ces Noms n'est pas multiple de sorte qu'il est certain que les Noms le sont, non le Nomm, et qu'ils sont ncessairement distincts du Nomm.

  • PRINCIPES ET PROLGOMNES 51

    Si quelqu'un objectait: Nous n'admettons pas que les Noms sont multiples et les versets et les l).adths que vous citez (en l'occurrence) se rapportent une multiplicit de dnominations, et non pas de noms, nous reconnatrons (ajoute-t-il) que les Noms sont nombreux sans tou-tefois admettre que le Nomm soit Un. En effet, la comprhension (mafhm) que l'on a du Crateur (khliq) implique qu'Il doive raliser la cration, celle du Sustanteur (rziq) accorder la subsistance ; or, il existe une diffrence dans l'intelligibilit qu'on a de ces deux noms.

    Nous rfuterons les deux aspects contenus dans cette objection l'aide des arguments suivants :

    1 - Rponse au premier aspect a) Le Coran et les nouvelles prophtiques affirment l'existence de

    noms nombreux bien que les contestataires expliquent que la dnomi-nation n'est pas le Nomm et que les noms mentionns dans ces con-textes laissent entendre qu'il s'agit de la dnomination. Or, cette objec-tion est contraire l'vidence.

    b) Il faut comprendre par le terme dnomination : donner un nom au Nomm. Or, si le nom devait tre le nomm, le nom qui lui est donn indiquerait que la chose ainsi dnomme ft pose pour elle-mme, ce qui n'a pas de sens !

    c) Les lments significatifs, en l'occurrence sont trois : 1 - la chose dsigne, 2 - les termes propres qui l'expriment, 3 - l'tablissement de ces derniers pour faire connatre les sens pr-

    cis qu'ils contiennent ou qu'on a poss par convention (bi al-wacj' wa al-itil~ ).

    La chose elle, est bien le nomm. Or, si le nom devait signifier la chose mme, il n'y aurait nulle diffrence entre l'existence de la chose et le nom utilis pour la dsigner, ce qui n'a pas de sens 1

    2 - Rponse au second aspect Le nom Crateur n'est pas donn en fonction des cratures mais

    cause de la ralit dont elles proviennent. De mme, le nom Pourvoyeur n'est pas tabli en raison de la subsistance mais bien

    1 Sauf si le nom est la ralit ontologique d'un tre car alors il s'identifie lui, le nom tant l'tre lui-mme.

  • 52 TRAIT SUR LES NOMS DIVINS

    cause de la ralit qui la produit. D'autre part; i1 est vident que ce qui produit cration et .subsistance est une seule et mme ralit de sorte qu'il apparat que le Nomm par (les deux noms) Crateur et

    Pourvoyeur~> estaussi une seule etunique ralit. Deuxime argument Quand nous formulons : inexistant (ma' dm ), ni (marlji), ngation

    (salb), non-affirmation (l-thubt), non~ralit (l-ta~aqquq), tous ces termes sont bien des noms que l'on '+poss mais dont les. ralits d-nommes sont inexistantes en sorte que le nom n'est pas le nomm sans aucun doute.

    Troisime argument Les philologues (ahl al-lugha) sont d'accord pour dire que les mots

    (kalim) reoivent une triple classification: le nom (ism), le verbe (fi'l) et la particule (~arj).

    Le nom est un mot (kalima) etle mot estee que l'on prononce (al-maljzh bih).

    Le nomm, lui, est la chose mme et sa ralit (~aqqa). Le terme prononc (lafzh) et la signification ou significat (ma'n)

    sont caractriss chacun selon un aspect qui n'est pas celui de l'autre. En fonction du terme (lafzh), on dira de la chose qu'elle est un acci-

    dent ( 'aratf), un son (awt), un tat (~l), dans un lieu et sans pem1a-nence, que le mot qui l'exprime se compose de lettres distinctes, qu'il est arabe ou hbreux.

    En fonction du sens, on dira que la chose est de tel genre, qu'elle subsiste par soi, qu'elle est qualifie par les accidents ou la perma-nence.

    Comment viendrait-il donc l'esprit de tout tre intelligent d'affir-mer que le nom est le nomm ?

    Quatrime argument Allh nous ordonne de L'invoquer par Ses Noms dans le verset sui-

    vant (dj mentionn) : A Allh les Noms excellents. Invoquez-Le par eux (Coran VII, 180). Or, la ralit gui est invoque est diffrente de celle par laquelle l'invocateur demande. Il faut donc que le nom soit diffrent du nomm.

  • PRINCIPES ET PROLGOMNES 53

    Cinquime argument On dit qu'un tel donne un nom telle chose. Mais, si le nom tait

    identique au nomm, on arriverait signifier que cette chose est pose pour elle-mme, ce qui est absurde.

    La proposition : la dnomination n'est pas identique au nom exprime que la dsignation permet d'tablir le terme pour connatre ce qu'est le nomm en cause. Donner un nom au nomm est diffrent de ce nom mme comme ilfaut comprendre que l'acte de mettre en mou-':'ement (un objet) est diffrent du mouvement lui-mme.

    II - SECONDE POSITION DOCTRINALE

    1) EXPOS DES SIX ARGUMENTS DE CEUX QUI PROFESSENT QUE NOM ET NOMM SONT IDENTIQUES

    Premier argument Les versets suivants : Glorifie le Nom de ton Seigneur le plus su-

    blime (Coran LXXXVII, 1), Glorifie le Nom de ton Seigneur magni-fique (Coran LV, 74) et Bni soit le Nom de ton Seigneur dtenteur de la Majest et de la Gnrosit (Coran LIV,. 78), comportent, en substance, l'Ordre de clbrer la Gloire du Nom d'Allh et suggrent l'intelligence que Celui qui est digne d'tre glorifi est Allh - qu'TI soit exalt - et nul autre.

    Deuxime argument Par le verset suivant : Vous n'adorez en dehors de Lui que des

    noms que vous qvez donns, vous et vos pres (Coran XII, 40), Allh informe que ceux-l adoraient des noms et que ce peuple n'adorait que ces idoles (dhawt). Cette parole coranique fait donc ressortir l'identit du nom et du nomm.

    Troisime argument Si le nom d'une chose devait se rfrer au vocable qui y fait allu-

    sion, il faudrait qu'Allhn'et aucun nom dans le Sans commencement

  • 54 TRAIT SUR LES NOMS DIVINS

    puisque dans la Pr-Eternit, il n'existe ni vocable, ni personne pour en prononcer. Or ceci est faux2.

    Quatrime argument Lorsque quelqu'un dit : Mul;lammad est le Messager d'Ailh, si le

    nom Mul;lammad n'tait pas Mul;lammad lui-mme3 celui qui a t qualifi par le Message divin (risla) n'aurait pas t Mul;lammad, ce qui, de toute vidence, est faux.

    De mme, dans la parole divine suivante : Prissent les deux mains de Ab Lahab (Coran CX, 1), si le nom Ab Lahab n'tait pas Ab Lahab lui-mme, celui qui est qualifi par le blme serait autre que AbLahab.

    De mme aussi, lorsqu'un homme dit sa femme nomme lfafa : Jfafa (tu es) rpudie, l'assertion que le nom n'est pas identique au nomm implique que la rpudiation porte sur une autre femme que Jfafa. En consquence, il faut que la rpudiation ne concerne pas Jfaja, mais une telle situation n'est pas fonde.

    Cinquime argument Dans le vers suivant de Labd : Advienne que pourra alors que le nom de la Paix est sur vous

    l'expression le nom de la Paix signifie la Paix mme. Il faut donc que le nom soit le nomm lui-mme.

    2Dans l'Eternit, la ralit des noms existe comme vrit permanente (a 'yn th-bita) que le Seigneur exprimera par identification et le serviteur par imitation et soumission.

    3Car Mul~ammad n'est pas seulement un nom propre s'appliquant un tre mais aussi un nom driv. En grammaire, il est un participe passif et un nom de lieu. En tant que tel, le nom Mul).arnmad signifie : Celui qui est rendu louang et aussi Celui qui est le lieu de la louange, la louange tant elle-mme la proclamation des perfec-tions d'une ralit. Sans ce rapport, tous les tres raliseront plus ou moins la qualit divine de louange selon le verset suivant: A Allh la Louange (Coran I, 2).

    Dans le Taawwuf, le nom donn un tre reprsente la ralit que cet tre est appel reconnatre comme sa vrit permanente ou sa qualit dominante. Il doit donc s'identifier lui et en connatre le contenu vritable qui est lui-mme essentiel-lement.

  • PRINCIPES ET PROLGOMNES 55

    Sixime argument Le sens de cet exemple donn par Sbawayh: Les verbes (af'l)

    sont des formes drives d'un vocable pour former des noms nou-veaux est le suivant: Il est vident que les mots nouveaux (en ques-tion) qui sont des noms verbaux (madir) proviennent de ralits dsignes (musammayyt), et non de vocables. Cette constatation in-dique que le jugement port par Sbawayh, savoir que les verbes sont des formes drives d'un vocable pour former des noms nou-veaux veut dire que ces noms sont drivs d'un vocable pour donner des nomms nouveaux.

    2) RPONSE CES SIX ARGUMENTS Pour tablir la preuve, la mthode pralable consiste bien conce-

    voir la ralit du sujet (mawq ')et de l'attribut (nw~unl). Si, en raison de l'obtention de cette preuve, on entend que le voca-

    ble exprimant la chose est identique celle-ci, on part d'une erreur puisque l'argument avanc est rationnellement inadmissible.

    Si, d'autre part, l'on veut dire que le nom est identique cette chose et que le nomm est aussi identique elle, votre proposition : l nom est identique au nomm exprime ds lors que la chose en soi est identique elle-mme4 (dht al-shay' huwa nafs dhtihi). Or, il est bien vident que cet argument n'est pas valable pour fonder Ja preuve.

    Si encore, on veut prciser que votre proposition : le nom est identique au nomm implique une interprtation diffrente des deux prcdentes, il faut bien poser la question pour que la preuve en d-coule avec vidence.

    Exposons maintenant les rponses dtailles chacun de ces six ar-guments.

    4 Pourtant, s'il faut entendre par nom, la ralit ou vrit essentielle dans le contexte coranique, cela revient dire : Glorifie la ralit essentielle de ton Seigneur car le nom, dans ce cas, n'est pas encore une catgorie grammaticale ou logique mais l'essence mme de l'tre qui devra exprimer une ralit essentielle dans la manifesta-tion.

  • 56 TRAIT SUR LES NOMS DIVINS

    Rponse au premier argument Elle comporte deux aspects principaux (eux-mmes subdiviss

    pour tenir compte de certaines nuances) 1 - Premier aspect

    Les deux versets cits plus haut : Glorifie le Nom de ton Seigneur le plus sublime (Coran LXXXVII, 1) et : Bni soit le Nom de ton Seigneur, dtenteur de la Majest et de la Gnrosit (Coran LV, 78) font ressortir que le nom n'est pas identique au nomm pour trois rai-sons

    a) Le verset : Glorifie le Nom de ton Seigneur, met en vidence la totale relation du nom au Seigneur. Or, de principe, la relation d'une chose elle-mme est impossible.

    b) Si le Nom d'Allh- Gloire Lui et exalt soit-Il- devait tre le Seigneur lui-mme, il faudrait qu'il n'y et aucune diffrence entre ce verset : Glorifie le Nom de ton Seigneur et les deux propositions suivantes Glorifie le Nom de ton Nom et Glorifie ton Seigneur de ton Seigneur. C'est parce que la diffrence (entre nom et nomm) est d'une vidence premire que nous savons que le Nom du Seigneur est diffrent du Seigneur mme.

    c) Les tenants de notre Ecole (a~bun) professent que la manire d'arriver la connaissance des Noms d'Allh est arrte par tradition (tawqfj), non par la raison ( 'aql) tandis que celle conduisant la connaissance du Seigneur (rabb) est tablie par la raison non par tradi-tion. Or, cette manire exige que le nom ne soit pas le nomm5.

    5Rz relve implicitement ici la diffrence fonctionnelle entre le nom Allh qui est la ulhiyya ou ilhiyya, c'est--dire la Fonction divine qui comprend l'ensemble de tous les Noms excellents et la rubbiyya ou Fonction seigneuriale qui implique les noms de chaque existant envisag sous le rapport de la servitude ou vassalit. Or, dans cette dernire Fonction, il existe autant de noms du Seigneur qu'il y a de servi-teurs, chacun exprimant la ralit ou nom qui lui est propre en son Seigneur et sa manifestation dans les tres assujettis. Ces noms aussi nombreux que les tres eux-mmes ne peuvent tre arrts par Tradition. C'est pourquoi le Seigneur d'un servi-teur sera le nom mme qui le caractrise. Mais alors l'argumentation de Rz n'est pas fonde.

    La premire tymologie du mot ism S.M.W. (voir chap.2) permet d'ailleurs de considrer le nom du Seigneur comme l'aspet transcendant de Sa ralit. La seconde drivation du mot ism, celle venant de W.S.M. se rfre plus prcisement l'expression de cette mme ralit dans la manifestation.

  • PRINCIPES ET PROLGOMNES 57

    Ces trois raisons confirment que les deux versets prcits invalident la doctrine (madhhab) de ceux qui professent (l'identit du nom et du nomm).

    2 - Second aspect Nous rpondrons ceux qui veulent commenter le verset : Glorifie

    le Nom de ton Seigneur le plus sublime qu'on peut le faire de deux faons:

    - la premire : l'ordre de clbrer la puret transcendante et la sain-tet du Nom d'Allh ;

    - la seconde : le nom est moyen d'union (ila). Le verset implique alors l'ordre de clbrer la Gloire d'Allh Lui-mme- Exalt soit-Il.

    (Reprenons en dtail chacune de ces deux interprtations.) A- Premire interprtation : l'Ordre de clbrer la puret transcen-

    dante et la saintet du Nom d'Allh. Les commentateurs font ressortir que la glorification (tasbl;) des Noms d'Allh comportent plusieurs (six) significations.

    a) Clbre la transcendance ou la puret (tanzh) de tonSeigneur en excluant tout autre nom que le Sien (qui pourrait tre mentionn) en sorte que l'on doive se refuser d'invoquer autre qu'Allh par un de Ses Noms. Les Associateurs polythistes (mushrikn) donnaient une idole le nom al-Lt et Musaylima l'imposteur se faisait appeler le mi-sricordieux du Y mana (en Arabie). Ils nommaient leurs idoles dieux (liha). Allh en dit: A-t-il fait des dieux un Dieu (ilh) unique ? (Coran XXXVill, 5).

    b) On entend par la Glorification de Ses Noms l'impossibilit, en les commentant, d'affirmer quelque chose qu