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1 RÉALITÉS INDUSTRIELLES MAI 2011 Éditorial Pierre Couveinhes A insi que nous le rappelle Jacques Batail dans son avant-propos, Platon, déjà, opposait la vertu à la richesse, considérant que ces deux valeurs étaient incompa- tibles entre elles. Aujourd’hui, il est fréquent de voir les entreprises accusées d’être seulement à la recherche de « superprofits », sans se soucier de la pollution de l’environnement, du gaspillage des ressources naturelles et de l’exploitation de leurs salariés au mépris des droits de l’Homme. Il existe cependant une autre voie : celle de la responsabilité des entreprises vis-à-vis de toutes leurs « parties prenantes » (employés, fournisseurs, clients…). Cette approche n’est pas nouvelle, elle non plus. Etienne Rolland-Piègue nous indique qu’au Japon, à l’époque Edo (XVII e au XIX e siècle), un acte de vente devait être conforme au principe de « l’avan- tage trilatéral » : il devait être bon à la fois pour le vendeur et pour l’acheteur, mais aussi pour la communauté. On trouve le reflet de la même préoccupation dans l’éthique du protestantisme, dans le catholicisme social (à la suite de l’encyclique Rerum Novarum du Pape Léon XIII), ou encore chez les saint-simoniens et leurs successeurs… Certes, comme Philippe d’Iribarne le montre dans son article, les attentes de la société à l’égard des entreprises, qui dépendent de facteurs culturels, varient beaucoup suivant le lieu. Néanmoins, il est devenu bien difficile, dans les pays occidentaux, de trouver une firme d’une certaine taille qui ne prétende poursuivre des objectifs sociétaux et/ou envi- ronnementaux. Nous ne pouvons que nous en réjouir, mais plusieurs questions se posent. La première de ces questions tient à la multiplicité et à la diversité des objectifs affi- chés par les entreprises : en matière environnementale, il peut s’agir de limiter les émis- sions de gaz à effet de serre, de réduire les consommations d’énergie ou de matières pre- mières, de développer le recyclage de certains produits… ; en matière sociétale, d’exclu- re certaines activités ou pratiques sociales jugées inadéquates, de soutenir des populations défavorisées ou des minorités (pour reprendre la typologie utilisée par Grégoire Postel- Vinay). Comment arbitrer entre ces divers objectifs parfois contradictoires ? Comment les intégrer dans la gestion quotidienne ? Comment choisir judicieusement les investis- sements ? Un grand avantage du management des entreprises sur la base du profit finan- cier est que celui-ci permet d’amalgamer de multiples préoccupations et de les décentra- liser auprès de toutes les entités de l’entreprise. Il est donc tentant de rechercher un indi- cateur synthétique reflétant les objectifs environnementaux et sociétaux, mais cela appa- raît bien difficile. Récemment, la Commission Stiglitz a renoncé à présenter un para- mètre unique résumant tous les aspects du progrès social, susceptible de compléter le 001-002 Edito_001-002 Edito 09/05/11 09:30 Page1

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1RÉALITÉS INDUSTRIELLES • MAI 2011

Éditorial

Pierre Couveinhes

Ainsi que nous le rappelle Jacques Batail dans son avant-propos, Platon, déjà,opposait la vertu à la richesse, considérant que ces deux valeurs étaient incompa-tibles entre elles.

Aujourd’hui, il est fréquent de voir les entreprises accusées d’être seulement à la recherchede « superprofits », sans se soucier de la pollution de l’environnement, du gaspillage desressources naturelles et de l’exploitation de leurs salariés au mépris des droits del’Homme.Il existe cependant une autre voie : celle de la responsabilité des entreprises vis-à-vis detoutes leurs « parties prenantes » (employés, fournisseurs, clients…). Cette approche n’estpas nouvelle, elle non plus. Etienne Rolland-Piègue nous indique qu’au Japon, à l’époqueEdo (XVIIe au XIXe siècle), un acte de vente devait être conforme au principe de « l’avan-tage trilatéral » : il devait être bon à la fois pour le vendeur et pour l’acheteur, mais aussipour la communauté. On trouve le reflet de la même préoccupation dans l’éthique duprotestantisme, dans le catholicisme social (à la suite de l’encyclique Rerum Novarum duPape Léon XIII), ou encore chez les saint-simoniens et leurs successeurs…Certes, comme Philippe d’Iribarne le montre dans son article, les attentes de la société àl’égard des entreprises, qui dépendent de facteurs culturels, varient beaucoup suivant lelieu. Néanmoins, il est devenu bien difficile, dans les pays occidentaux, de trouver unefirme d’une certaine taille qui ne prétende poursuivre des objectifs sociétaux et/ou envi-ronnementaux. Nous ne pouvons que nous en réjouir, mais plusieurs questions se posent.La première de ces questions tient à la multiplicité et à la diversité des objectifs affi-chés par les entreprises : en matière environnementale, il peut s’agir de limiter les émis-sions de gaz à effet de serre, de réduire les consommations d’énergie ou de matières pre-mières, de développer le recyclage de certains produits… ; en matière sociétale, d’exclu-re certaines activités ou pratiques sociales jugées inadéquates, de soutenir des populationsdéfavorisées ou des minorités (pour reprendre la typologie utilisée par Grégoire Postel-Vinay). Comment arbitrer entre ces divers objectifs parfois contradictoires ? Commentles intégrer dans la gestion quotidienne ? Comment choisir judicieusement les investis-sements ? Un grand avantage du management des entreprises sur la base du profit finan-cier est que celui-ci permet d’amalgamer de multiples préoccupations et de les décentra-liser auprès de toutes les entités de l’entreprise. Il est donc tentant de rechercher un indi-cateur synthétique reflétant les objectifs environnementaux et sociétaux, mais cela appa-raît bien difficile. Récemment, la Commission Stiglitz a renoncé à présenter un para-mètre unique résumant tous les aspects du progrès social, susceptible de compléter le

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PIB. Dans ces conditions, la solution la plus adéquate pour bien prendre en compte lesobjectifs sociétaux et environnementaux pourrait consister à les… monétariser. Une deuxième interrogation est liée au fait que la vertu (réelle ou feinte) des entreprisespeut valoir beaucoup d’argent : elle permet d’améliorer le climat social, de vendre pluscher, d’avoir accès au financement par des fonds « éthiques » ou « socialement respon-sables »… Il n’est donc guère surprenant que les firmes rivalisent d’efforts pour démon-trer leur attachement à des objectifs environnementaux et/ou sociétaux. Mais comments’assurer de la réalité, de la sincérité et de l’importance de leur engagement ? Une foisencore, la solution pourrait résider dans la normalisation. La norme ISO 26 000, quiapporte un cadre précis à la définition de la responsabilité sociale des entreprises (RSE)a été approuvée par soixante-douze pays (l’absence des Etats-Unis et de l’Inde étantcependant à déplorer). Des agences indépendantes, comme Vigeo, se sont spécialiséesdans la mesure de la maîtrise, par les entreprises, de leurs externalités environnementaleset sociales.« Gagne de l’argent d’abord, la vertu vient après », a écrit Horace dans une de ses épîtres ;aujourd’hui, l’inverse peut également être vrai !

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S o m m a i r eDE NOUVEAUX CHAMPS POUR LA PERFORMANCE DES ENTREPRISES : LES ENJEUX SOCIÉTAUX ET ENVIRONNEMENTAUX

1 ÉditorialPierre Couveinhes

6 Avant-propos : De nouveaux champs pour la performance des entreprises : lesenjeux sociétaux et environnementauxJacques Batail

La notion de performance et ses variations

18 Les cultures et les performances Philippe d'Iribarne

24 La responsabilité sociale des entreprises plébiscitée par les pays émergents(malgré ses ambiguïtés)Michel Doucin

33 La responsabilité sociale au Japon : de l’époque d’Edo à la norme ISO 26 000et à l’accident nucléairede FukushimaÉtienne Rolland-Piègue

La volonté politique nationale et l’approche macroéconomique

38 La dimension économique du Grenelle de l’EnvironnementMichèle Rousseau

46 La Commission sur la mesure des performances économiques et du progrès social, ses travaux et leurs suitesJean-Philippe Cotis

MAI 2011 - 23,00 € ISSN 1148-7941R É A L I T É SINDUSTR IELLES

UNE SÉRIE DES

ANNALESDESMINESFONDÉES EN 1794

Rédaction120, rue de Bercy - Télédoc 79775572 Paris Cedex 12Tél. : 01 53 18 52 68Fax : 01 53 18 52 72http://www.annales.org

Pierre Couveinhes, rédacteur en chef

Gérard Comby, secrétaire général de la série« Réalités Industrielles »

Martine Huet, assistante de la rédaction

Marcel Charbonnier, lecteur

Comité de rédaction de la série « Réalités industrielles » : Michel Matheu, président, Pierre Amouyel, Grégoire Postel-Vinay, Claude Trink,Bruno SauvalleJean-Pierre DardayrolPierre Couveinhes

Maquette conçue parTribord Amure

IconographeChristine de Coninck

Fabrication :Marise Urbano - AGPA Editions 4, rue Camélinat42000 Saint-ÉtienneTél. : 04 77 43 26 70Fax : 04 77 41 85 04e-mail : [email protected]

Abonnements et ventesEditions ESKA 12, rue du Quatre-Septembre75002 ParisTél. : 01 42 86 55 65Fax : 01 42 60 45 35

Directeur de la publication :Serge KebabtchieffEditions ESKA SA au capital de 40 000 €Immatriculée au RC Paris 325 600 751 000 26

Un bulletin d’abonnement est encartédans ce numéro pages 147-148.

Vente au numéro par correspondanceet disponible dans les librairies suivantes :Presses Universitaires de France - PARIS ; Guillaume - ROUEN ; Petit - LIMOGES ; Marque-page - LE CREUSOT ; Privat, Rive-gauche - PERPIGNAN ; Transparence Ginestet - ALBI ; Forum - RENNES ; Mollat, Italique - BORDEAUX.

Publicité J.-C. Michalondirecteur de la publicitéEspace Conseil et Communication2, rue Pierre de Ronsard78200 Mantes-la-JolieTél. : 01 30 33 93 57Fax : 01 30 33 93 58

Table des annonceursAnnales des Mines : 2e, 3e et 4e de couverture Illustration de couverture : L’un des projets de la RATP pour la station Osmose,station de métro intermodale et autosuffisante en énergie.© Foreign Office Architects, Londres.Photo © Gilles Rolle/REA

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Des outils de la performance sociétale et environnementale

54 Un engagement, des concepts et des méthodes pour une économie au service de l’Homme Michel Meunier et Daniel Luciani

59 La Global Reporting Initiative : vers la transparence des entreprisesTeresa Fogelberg

63 La performance responsable des entreprises : les auditer pour aider les progrès et les noter pour faciliter les choix des investisseursNicole Notat

69 La norme ISO 26 000 sur la responsabilité sociétale : une convergence prometteuse, malgré la diversité des sensibilitésChristian Brodhag

76 Des outils pour la responsabilité sociétale de l'entreprise François Fatoux

80 Le commerce a-t-il quelque chose à gagner à devenir équitable ? Pierre-François Couture

86 Les fonds éthiques et socialement responsables : des livres sacrés au capitalisme financierGrégoire Postel-Vinay

Des témoignages de dirigeants d’entreprise

93 Le Groupe La Poste à la recherche d'une performance globale Georges Lefebvre

99 France Télécom : de la gestion d’une crise à la création d’un nouveau sensMarc Fossier

103 L'éco-conception à la RATP Yves Ramette

108 Le Groupe EDF : des outils originaux pour une action environnementale à coût maîtriséPhilippe Huet et Claude Nahon

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115 Quand la démarche de développement durable de Danone s’auditePhilippe Hellich et Martial Vidaud

Conclusion

120 Éclairer les choix, évaluer leurs conséquences Charles Coppolani et Pascal Faure

130 Biographie des auteurs

136 Résumés étrangers

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Avant-propos

De nouveaux champs pour laperformance des entreprises :les enjeux sociétaux etenvironnementauxpar Jacques BATAIL*

La série Réalités Industrielles consacre son numéro de mai 2011 aux responsabili-tés sociétales et environnementales des entreprises. L’élaboration de ce numéro aexigé la mobilisation de personnalités très diverses : - Tout d’abord, il a semblé utile de disposer de regards qui sachent explorer lesfondements sociologiques de nos actions et les exemples étrangers ; - Des hauts fonctionnaires ont accepté de rendre compte de la politique nationa-le et de l’approche macroéconomique ;- Des personnalités venant de tous horizons ont bien voulu faire part de l'engage-ment et des concepts qui fondent leur action et présenter les outils mis en œuvre ;- Des dirigeants d'entreprise apportent un témoignage marqué par leur capacitéde synthèse et d'arbitrage face aux multiples aspects de la vie économique ;- Enfin, le Vice-président du Conseil général de l'industrie, de l'énergie et destechnologies et le Chef du Service du Contrôle général économique et financierévoquent quelques orientations permettant de penser que les enjeux sociétaux etenvironnementaux, en dépit de leur complexité intrinsèque et des passions qu'ilssuscitent, seront traités avec le maximum de pertinence.Le présent article a servi de « fil conducteur » à la conception du sommaire,ainsi que de « stimulus » pour provoquer certaines contributions.

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DES ENTREPRISES

* Président de la Section « Service public et marché » du Contrôle économique et financier (Ministères chargés de l'Economie et du Budget).

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Nous rappellerons, tout d’abord, quatre points :- La conception de la performance repose sur des fon-dements culturels ;- La conception de la performance s’appuie sur descourants doctrinaux et méthodologiques ;- La définition et la mesure de la performance s’ap-pliquent à des champs évolutifs qui intègrent deplus en plus les enjeux sociétaux et environnemen-taux ;- La montée en puissance de l’environnemental et dusociétal suscite des questions nouvelles, comme :« Quelles actions mener ? Avec quelles motivations, pourquels coûts, avec quels arbitrages ? Jusqu’où aller ?Comment définir les nouveaux indicateurs de perfor-mance et comment les crédibiliser ? Comment faire valoirles résultats ? »…Face à ces questions, nous utiliserons l’expérience dequelques entreprises pour esquisser certains premierséléments de réponse.

LA CONCEPTION DE LA PERFORMANCE REPOSESUR DES FONDEMENTS CULTURELS

• Toute conception de la performance repose sur desfondements culturels. Ceux-ci peuvent conduire à degrands succès…, mais aussi, parfois, à des fourvoie-ments.

En témoignent quelques aspects récents de la perfor-mance dans certains pays : la focalisation sur les résul-tats financiers (notamment sur des résultats financiersde court terme) ainsi que les modes de rémunérationassociés ont concouru à la crise financière qui a éclatéaux Etats-Unis en 2008 (1). • Il ne suffit pas de relever les dégâts qui peuventrésulter d’une conception de la performance à la foisexigeante, orientée vers les résultats financiers decourt terme et focalisée sur des intérêts particuliers.Plus généralement, il convient de se méfier d’uneconception de la mesure de la performance qui seraitpar trop envahissante et exclusive… Il existe en effet des valeurs qui sont fondamentalespour la performance des organisations, mais qui se prê-tent mal à la mesure et au « contrôle de gestion » : laconscience professionnelle, le sens du devoir, larecherche du bien collectif, le souci du long terme…Finalement, la mesure de la performance peut et doitcompléter ces valeurs. Mais si elle venait à les margina-liser, le management aurait beau multiplier les indica-teurs, il perdrait l’essentiel de son efficacité. Rappelonsà cet égard ce propos parfois attribué à Einstein : « Cequi compte ne peut pas toujours être compté ! ».

(1) Lorsque le Président de Citigroup, interrogé sur les risques liés aux « subprimes », répondait : « Tant que l’orchestre joue, il faut danser… »(Financial Times du 8 juillet 2008), on peut penser qu'il y avait là uneforme moderne du célèbre « Après nous, le déluge… » et une apprécia-tion gravement « court-termiste » de la performance.

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DE MULTIPLES COURANTS DOCTRINAUX ETMÉTHODOLOGIQUES MARQUENT LA DÉFINI-TION ET LA MESURE DE LA PERFORMANCE

• Le monde de l’entreprise connaît de multiples cou-rants doctrinaux et méthodologiques marquant la défi-nition et la mesure de la performance. Deux exemplespeuvent illustrer cette multiplicité :- Dans les années 1950, la démarche de « l’assurancequalité » a beaucoup progressé en Europe et a donnélieu au concept de « management par la qualité tota-le ». A partir de 1988, l’European Foundation forQuality Management a formalisé les meilleures pra-tiques sous la forme du « référentiel EFQM ». La per-formance s’apprécie par rapport à ce référentiel.- La démarche du « contrôle interne » a pu elle aussiêtre considérée comme essentielle. Des référentielsdu contrôle interne ont été définis au niveau inter-national comme en France (notamment parl’Autorité des marchés financiers). La démarche aévolué : alors qu’initialement, elle visait surtout àdétecter les « écarts de conformité » par rapport à desrègles et à assurer la qualité des comptes, elle s’estprogressivement ouverte à la recherche de l’efficacitéet de l’efficience.Face aux différentes écoles de pensée, les choix desentreprises s’inscrivent dans un contexte historique et

sectoriel. Ainsi, pour ce qui est des deux exemplesmentionnés :- La démarche de l’assurance qualité a tout particuliè-rement inspiré les grandes entreprises de la mécaniqueet de l’électronique (2) ; - La démarche du contrôle interne a souvent été privi-légiée par les entreprises qui interviennent sur les mar-chés financiers (les banques, les compagnies d’assuran-ce…) ou par celles qui sont présentes sur ces marchéspar le biais d’une cotation (3).• L’évolutivité des conceptions marque également lesorganismes qui sont proches de l’État et ce, malgré lastabilité dont celui-ci pourrait a priori semblerempreint.Certes, pour les organismes publics les plus prochesde l’État (ceux que l’on appelle aujourd’hui les « opé-rateurs de l’État », comme l’Office national des forêtsou Voies navigables de France), la conception de la

(2) Mentionnons, par exemple, un constructeur naval militaire qui seréfère au modèle EFQM et qui évalue ses progrès sur des axes comme« la primauté du client », « l'amélioration des processus », « l'efficienceéconomique », « l'adhésion des hommes », etc.

(3) Les entreprises de gestion d’actifs financiers mesurent, par exemple,les « dépassements » qui apparaissent nécessairement dans la gestionquotidienne par rapport aux « limites » qu’elles ont définies ; elles analy-sent alors l’origine, la durée et l’ampleur de ces dépassements, et mettenten place les dispositifs permettant une baisse des indicateurs d’écart(cette baisse constituant un élément notable de leur performance).

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performance reflète dans une certaine mesure la doc-trine et les méthodes relativement homogènes etconsacrées qui sous-tendent le budget de l’État : cesopérateurs sont désormais pris en compte dans les« projets annuels de performance » et dans les « rap-ports annuels de performance » qui sont associés aubudget dans le cadre de la « Loi organique relative auxlois de finances » de 2001 (la LOLF).Il reste que, depuis les tentatives de « rationalisa-tion des choix budgétaires » de la fin desannées 1970, l’État est passé par plusieurs phasesdoctrinales et méthodologiques. Dans ce contexte,la LOLF représente certes un espoir renouvelé etcrédible d’amélioration de la performance, mais lesméthodes sous-jacentes aux lois de finances ne sau-raient être considérées ni comme surgies ex nihilo,ni comme un aboutissement indépassable. Enoutre, même dans un cadre doctrinal et méthodo-logique fixé, les priorités, les objectifs et les indica-teurs évoluent : c’est ainsi que seulement 80 % desindicateurs de performance de la Loi de financespour 2009 étaient déjà présents dans la Loi definances pour 2008 [1].• Au total, un peu de relativisme semble de mise…Aucune démarche concrète ne doit être unidimen-sionnelle : par exemple, les entreprises qui cultivent laqualité totale ont en général développé divers outils decontrôle interne, et les entreprises marquées par lesprocédures du contrôle interne visent, bien entendu,la performance au-delà de ces procédures… De façongénérale, toute démarche qui serait enfermée dans une

seule logique risquerait de susciter des « angles morts »dangereux. Il apparaît ainsi nécessaire que les entre-prises restent sensibles à la complexité de la réalité etqu’elles sachent appréhender l’intérêt de visions com-plémentaires.

LA DÉFINITION ET LA MESURE DE LA PERFOR-MANCE S’APPLIQUENT À DES CHAMPS ÉVOLU-TIFS, QUI INTÈGRENT DÉSORMAIS DE PLUS ENPLUS LES ENJEUX SOCIÉTAUX ET ENVIRONNE-MENTAUX

• De longue date, certaines entreprises ont accordéune grande place à des indicateurs « physiques » deperformance ; c’est notamment le cas des entreprisespubliques à forte culture technique (par exemple, laSNCF est attachée à la performance constituée par laponctualité des trains).De fait, des indicateurs physiques ont souvent unintérêt intrinsèque. De plus, ils sont mobilisateurspour les personnels, qui souvent reconnaissent plusfacilement leur action dans des indicateurs portant surleur cœur de métier que dans des ratios financiers.• Toutefois, au fil du temps, les indicateurs écono-miques et financiers ont très généralement pris uneplace accrue :- La monétarisation a l’intérêt de fournir un dénomi-nateur commun pour une grande variété de phéno-mènes.

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- Elle facilite le passage d’une logique d’efficacité (oùl’on se préoccupe du résultat obtenu sans considéra-tion des moyens mis en œuvre) à une logique d’effi-cience (où l’on se préoccupe du bon rapport entre lesrésultats et les moyens).- Une introduction en bourse ou la nécessité d’em-prunts amènent à une grande vigilance sur certainsindicateurs économiques et financiers observés par lesmarchés.- Dans certains secteurs, la nécessité d’indicateurs éco-nomiques et financiers est accrue par le développe-ment de la concurrence et par les exigences avivées derentabilité qui en découlent (cf. France Télécom,EDF, La Poste...).• Enfin, montent en puissance des indicateurs envi-ronnementaux et sociétaux (ainsi que sociaux, si nousdifférencions ces derniers).Les entreprises peuvent ainsi choisir d’inclure dansleurs performances, par exemple, la diminution deleurs rejets de CO2 (qui relève de leur performanceenvironnementale), leurs progrès sur la voie de la pari-té professionnelle entre hommes et femmes (qui relè-ve de leur performance sociale) ou la participation deleur personnel à la vie politique ou associative de laCité (qui relève de leur performance sociétale).

LA MONTÉE EN PUISSANCE DU SOCIÉTAL, DUSOCIAL ET DE L’ENVIRONNEMENTAL SE MANI-FESTE DANS DE MULTIPLES CADRES PRIVÉS ETPUBLICS

• Les préoccupations sociétales, sociales et environne-mentales peuvent apparaître de façon endogène ausein des entreprises ou au sein des organisations qui ensont proches. Le Centre des jeunes dirigeants a, parexemple, développé la notion de « performance glo-bale » qui comprend « la performance économique »,« la performance sociale, qui pose la question de la placede l’humain dans l’entreprise », « la performance sociéta-le, qui pose la question de la place de l’entreprise dans lasociété », et « la performance environnementale, qui viseà réduire l’empreinte écologique de l’entreprise » [2]. Dupoint de vue terminologique, notons qu’un distinguoest ici opéré entre social, sociétal et environnemental.• Les préoccupations sociétales, sociales et environne-mentales ont également pu faire l’objet d’une théori-sation hors du monde de l’entreprise. Il sembled’ailleurs que l’expression « responsabilité sociale del’entreprise » (sur laquelle nous reviendrons plus loin)soit née dans un cadre universitaire (4).

• Enfin, il peut y avoir une forte volonté publique enfaveur de ces préoccupations. Cette volonté publiquepeut être illustrée à différents niveaux :- Au niveau de l’OCDE, mentionnons « les principesdirecteurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multi-nationales » établis en 1976, puis renouvelés en 2000.Ces principes visent à ce que les entreprises « contri-buent aux progrès économiques, sociaux et environne-mentaux en vue de réaliser un développement durable ».Dans l’expression « progrès social » sont en fait inclusde multiples aspects sociétaux (comme « élaborer etfaire observer des pratiques […] qui favorisent une rela-tion de confiance mutuelle entre les entreprises et les socié-tés dans lesquelles elles exercent leurs activités ») [4].- De la même manière, l’Union européenne promeutla « responsabilité sociale des entreprises » déjà men-tionnée. Ainsi, pour la Commission, « la responsabili-té sociale des entreprises (RSE) est un concept qui désignel’intégration volontaire par les entreprises de préoccupa-tions sociales et environnementales à leurs activités com-merciales et leurs relations avec leurs parties prenantes.Les entreprises ont un comportement socialement respon-sable lorsqu’elles vont au-delà des exigences légales mini-males et des obligations imposées par les conventions col-lectives pour répondre à des besoins sociétaux » [5]. Surle plan terminologique, on notera qu’ici le terme« social » inclut à la fois les aspects sociétaux et lesaspects environnementaux.- Dans le cadre national, signalons, par exemple, la loide 2010 qui a suivi le « Grenelle de l’environne-ment ». Dans le prolongement de la formulation pré-existante (celle de l’article L.225-102-1 du Code decommerce), cette loi a notamment prévu que pour lessociétés d’une certaine importance ou dont les titressont cotés, le rapport annuel à l’Assemblée généralecomprend des informations « sur la manière dont lasociété prend en compte les conséquences sociales et envi-ronnementales de son activité, ainsi que sur ses engage-ments sociétaux en faveur du développement durable ».• Quelles que soient les hésitations terminologiquessur l’articulation entre le social, le sociétal et l’envi-ronnemental, nous avons retrouvé dans les initiativesmentionnées le souci des valeurs collectives et du longterme, face à la tentation du « réductionnisme finan-cier » et du « court-termisme »…

LA MONTÉE EN PUISSANCE DU SOCIÉTAL ET DEL’ENVIRONNEMENTAL SUSCITE DE NOUVELLESQUESTIONS

• Il faut certainement se réjouir de la montée en puis-sance du sociétal et de l’environnemental, mais celle-ci suscite des questions du type : « Quelles actionsmener ? Avec quelles motivations, pour quels coûts, avecquels arbitrages ? Comment concilier les nécessaires per-formances opérationnelles, économiques et financièresavec les performances environnementales, sociales et

(4) Le terme est attribué à Howard Bowen, auteur de l’ouvrage « Socialresponsabilities of the businessman » (1953). Notons que H. Bowen étaitaméricain et que son ouvrage a été commandité par des églises protes-tantes [3] : sont ainsi attestés les courants altruistes, philanthropiques etreligieux qui marquent la société américaine, en sus de la focalisation surles intérêts particuliers et sur les résultats financiers de court terme.

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sociétales ? Jusqu’où aller ? » et aussi des questions trèspratiques, comme : « Comment construire un bon pro-gramme d’action ? Comment définir les nouveaux indi-cateurs de performance et comment les crédibiliser ?Comment faire valoir les résultats ? »…Nous allons maintenant esquisser quelques premierséléments de réponse à ces questions, sur la based’exemples que nous évoquerons succinctement (5).• Ces exemples sont souvent tirés de l’expérience degrandes entreprises publiques ou de grands opérateursdu service public (publics ou privés) ; les entreprisespubliques sont en effet à la charnière des préoccupa-tions des pouvoirs publics (qui sont particulièrementsensibles aux enjeux sociétaux et environnementaux)et des préoccupations du secteur privé (qui est parti-culièrement sensible aux enjeux économiques etfinanciers) ; de même, les opérateurs du service publicsont, par définition, soumis à des obligations qui ten-dent à les faire échapper à une logique purement mar-chande et qui trouvent naturellement leur prolonge-ment dans l’attention qu’ils portent aux enjeuxsociétaux et environnementaux. Les entreprises publiques et les opérateurs de servicepublic peuvent donc illustrer avec une acuité particu-

lière certaines contradictions, mais aussi certainsdépassements heureux de ces contradictions, certainsproblèmes mal résolus, mais aussi certaines solutionsexemplaires… Nous verrons toutefois que, bienentendu, la problématique des enjeux environnemen-taux et sociétaux intéresse également les entreprisesprivées, quelle que soit leur taille.

LES ARBITRAGES DOIVENT ÊTRE FAITS EN TOUTECONNAISSANCE DE CAUSE

Nous pourrions citer de nombreux exemples deconvergence des enjeux économiques et financiers,d’une part, et des enjeux sociétaux et environnemen-taux, d’autre part (l’« éco-conduite » concilie ainsi lespréoccupations environnementales et écono-miques…).Il n’en reste pas moins que la convergence générale despréoccupations ne semble pas être de ce monde...Ainsi, l’expérience de l’Office national des forêts faitapparaître certaines contradictions entre les fonctionséconomiques des forêts, leurs fonctions sociétales etleurs fonctions environnementales : la présence descerfs mérite d’être appréciée sur le plan environne-mental, mais lorsque les cerfs prolifèrent, leur goûtpour les jeunes pousses gêne la régénération des forêts(ce qui va notamment à l’encontre des objectifs éco-nomiques) et leurs divagations sur les routes mettent

(5) Les éléments de réponse ainsi proposés sont apparus notamment lorsde travaux menés en 2009 au sein du Service du Contrôle général éco-nomique et financier [1] ; ils ont été développés lors du colloque que leContrôle général a organisé le 1er février 2010 sur le thème « Les nou-veaux champs de la performance ; enjeux environnementaux et sociétaux :jusqu'où aller ? ».

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des vies humaines en danger (ce qui va à l’encontre del’objectif de permettre aux automobilistes citadins deprofiter de leurs promenades en forêt)… En cas decontradiction irréductible, il devient nécessaire d’arbi-trer (voir le schéma ci-dessus).Lorsqu’il faut arbitrer, il est souhaitable que les arbi-trages soient rendus sur de bonnes bases : à cet égard,la « monétarisation », bien loin de relever d’une foca-lisation exclusive sur les aspects financiers, permetd’éclairer les choix. En d’autres termes, la monétarisa-tion a pour effet que le calcul économique intègre deséléments sociétaux et environnementaux, à l’opposéd’un « réductionnisme financier » qui les exclut.Au final, la monétarisation peut être imposée par lesPouvoirs publics, ou choisie par l’entreprise :- Les Pouvoirs publics peuvent imposer une monéta-risation, par exemple sous la forme d’une taxe corres-pondant plus ou moins au coût des « externalitésnégatives » découlant de l’activité de l’entreprise. Ilspeuvent également agir par le biais de mécanismes demarché qui tendent, par exemple, à déterminer lecours d’un « droit à émettre du CO2 ».- L’entreprise peut choisir d’elle-même la monétarisa-tion. Elle peut ainsi introduire dans ses calculs d’opti-misation un prix correspondant à ses « externalités ».A tout le moins, elle peut évaluer le coût de ses résul-tats environnementaux et sociétaux (6).

En d’autres termes, faute de disposer des élémentsnécessaires à un calcul d’optimisation (qui dirait cequ’il faut faire), il semble à tout le moins opportun demieux fonder les décisions envisagées (en faisantapparaître le coût de ce que l’on envisage de faire et enrapportant ce coût aux résultats visés…).

LES ARBITRAGES DOIVENT PRENDRE EN COMPTELA DIMENSION TEMPORELLE

Pour que les arbitrages soient pertinents, soulignonsl’importance de prendre en compte la durée : certainsenjeux économiques et financiers, d’une part, et cer-tains enjeux sociaux, sociétaux et environnementaux,d’autre part, qui semblaient contradictoires dans l’im-médiat, peuvent à terme s’avérer compatibles, voireconvergents. Apparaît ainsi une vision « utilitaire » del’engagement social, sociétal et environnemental :« Certains, à la suite de l’économiste Milton Friedman,considèrent que la seule responsabilité sociale de l’entre-prise est d’accroître ses profits. Une telle conception appa-raît aujourd’hui réductrice et on pourrait même avancerl’hypothèse inverse, à savoir que la responsabilité socialede l’entreprise est (ou sera) une condition de l’augmenta-tion des profits […]. Les entreprises […] agissent et agi-ront en matière de développement durable et de respon-sabilité sociale d’entreprise non [pas] par philanthropie,mais par intérêt […]. De fait, l’entreprise [… inscritalors] ses actions dans des objectifs de performance àmoyen et long terme […] » [6].

(6) Il est, par exemple, difficile de déterminer la valeur de la biodiversité,mais il est réaliste et souhaitable d’essayer de déterminer le coût dechaque action entreprise en faveur de celle-ci.

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LES ACTIONS ENVIRONNEMENTALES ET SOCIÉ-TALES GAGNENT À S’INSÉRER DANS UNEDÉMARCHE STRATÉGIQUE ET SYSTÉMATIQUE

• Il ne suffit pas d’arbitrer au coup par coup… Unedémarche stratégique est souhaitable. Dans cet esprit,un groupe comme La Poste a largement explicité uneapproche qui exclut toute performance unidimen-sionnelle (par exemple, uniquement économico-financière), ainsi qu’une vision restreinte au courtterme ; corrélativement, ce groupe porte une grandeattention aux questions sociales et sociétales (commela parité entre hommes et femmes ou la diversité dansle recrutement), ainsi qu’aux préoccupations environ-nementales (avec des indicateurs comme la quantitéde CO2 rejeté dans l’atmosphère). Cette orientation du groupe La Poste sert directementson argumentation commerciale : ainsi, une présencesur tout le territoire qui va au-delà des seules exigenceséconomiques, ou bien la possibilité offerte à tous d’ac-céder à des services bancaires sous-tendent la cam-pagne publicitaire que la Banque postale a menée surle thème « La Banque postale, une banque pas commeles autres »... En outre, cette orientation est cohérenteavec la volonté stratégique de conserver les liens his-toriques de confiance avec la société française (onnotera que ces liens de confiance relèvent d’une néces-sité séculaire et doivent être préservés si l’on veut queles clients acceptent de confier leurs correspondancesen en payant l’acheminement par avance !). Enfin, la

recherche d’une performance globale constitue àLa Poste un précieux facteur d’identification, de cohé-sion et de mobilisation du personnel.• Par ailleurs, la dimension stratégique s’accompagneutilement d’une démarche systématique… La RATP arésolument développé une telle approche : dans ledomaine de l’environnement, sont ainsi inventoriées,mises en cohérence et hiérarchisées les actions sur lebruit, sur la réduction des consommations d’énergieou d’eau, sur la gestion des déchets…

L’ENTREPRISE PEUT AGIR SUR L’EXTÉRIEUR, MAISAUSSI À L’INTÉRIEUR D’ELLE-MÊME

Finalement, les exemples mentionnés aident à perce-voir les articulations complexes entre les préoccupa-tions tournées vers l’extérieur de l’entreprise (qui sontd’ordre sociétal et environnemental) et les préoccupa-tions tournées vers l’intérieur (qui sont d’ordre éco-nomique et social) :- L’action sociétale et environnementale confortel’image de l’entreprise et sert donc ses intérêts (y com-pris du point de vue économique) ;- L’action sociétale et environnementale de l’entrepri-se témoigne d’un engagement qui s’écarte d’unelogique strictement individualiste, corporatiste oucommunautariste… Ce faisant, cette action renforceet crédibilise le lien social au sein de l’entreprise elle-même et y favorise le développement d’un utile esprit

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d’équipe (en cela, l’engagement « à l’extérieur »constitue un facteur de changement « à l’inté-rieur »)…

LES POLITIQUES SOCIÉTALES ET ENVIRONNE-MENTALES DOIVENT ÊTRE MARQUÉES PAR DEMULTIPLES COHÉRENCES

L’exemple de La Poste a commencé à illustrer la cohé-rence souhaitable de la politique sociétale et environ-nementale avec les valeurs, les lignes d’action et l’ima-ge de l’entreprise.Mais une cohérence doit également être recherchéedans la gouvernance et la gestion : comme pour toutevolonté stratégique de l’entreprise, la volonté de per-formance sociétale et environnementale gagne à êtreportée par les instances dirigeantes et relayée par desmesures qui permettent d’assurer la cohérence desobjectifs tout au long des chaînes hiérarchiques. C’estainsi qu’au sein de La Poste, un accord social prévoitle calcul de la prime d’intéressement en fonction desrésultats économiques, puis module la prime en fonc-tion de six indicateurs (des indicateurs « de qualité etde performance » et « de développement responsable »).Par ailleurs, le mode de calcul de la part variable de larémunération du Président fait référence aux missionsde développement responsable (incluant les responsa-bilités sociales).

L’ÉLABORATION DES ACTIONS PEUT ÊTRE ENRI-CHIE DANS UN CADRE COLLECTIF

Signalons les travaux collectifs de diverses instances,où se partagent engagement, expériences et méthodes,comme le Centre des jeunes dirigeants d’entreprise,l’Observatoire sur la responsabilité sociétale des entre-prises, le Club « Développement durable » des entre-prises et établissements publics… Parfois, le caractère collectif d’une démarche permetnon seulement de partager les bonnes idées, mais ausside limiter le risque de distorsion de la concurrence ausein d’un secteur : en marge du sommet deCopenhague de décembre 2009, 20 opérateurs pos-taux sont ainsi convenus de réduire d’au moins 20 %leurs rejets de CO2 d’ici à 2020. L’intérêt d’une démarche collective est égalementillustré par l’action en faveur du véhicule électrique :dans le prolongement du « Grenelle de l’environne-ment », plusieurs grandes entreprises publiques fran-çaises se sont réunies pour concevoir un cahier descharges commun permettant, en 2010, un appel àconcurrence visant l’achat de 50 000 véhicules élec-triques ; le caractère collectif de la démarche, avec l’ef-fet de masse associé, était nécessaire pour commencerà faire émerger une offre satisfaisante.

L’ÉLABORATION DES ACTIONS PEUT ÊTRE ENRI-CHIE DANS UN CADRE PLURICATÉGORIEL

L’intérêt du travail collectif ne se limite pas au travailentre pairs : l’entreprise peut gagner à un travail avecdiverses « parties prenantes »… A cet égard, évoquonsl’action de la Française des Jeux en faveur du « jeu res-ponsable » ; cette action repose sur un travail collectifassociant diverses catégories d’experts ; pour viserl’ouverture à de nouvelles idées, ainsi que la pertinen-ce des actions et leur crédibilité, l’entreprise mobilisedes sociologues, des psychologues, des personnalitésde la société civile, etc. EDF a institutionnalisé desinstances comme un « Panel Développementdurable », un Conseil de l’environnement, un Conseilsociétal… Quelles que soient les modalités, on peutpenser que cette ouverture aux parties prenantes et àdes experts pluricatégoriels constitue une nécessité,afin d’éviter les deux écueils opposés que sont le défi-cit de compétence et la tendance technocratique.

LES ATTENTES SONT DIVERSES ET ÉVOLUENT

La question de la pertinence des actions et celle del’adhésion dont celles-ci peuvent bénéficier se posentde façon d’autant plus vive que les attentes, loin d’êtrefigées, sont diverses et évoluent… Une étude a mon-tré que parmi les responsables du développementdurable au sein des entreprises françaises, étaientactuellement considérés comme prioritaires desthèmes comme la réduction des dépenses d’énergie, laréduction des émissions de CO2, le traitement et lerecyclage des déchets, le respect des droits del’Homme et du droit du travail, la lutte contre les dis-criminations… [7]. Inversement, des thèmes commela sécurité des produits, la lutte contre la corruption etle partenariat avec les ONG semblent avoir connuune certaine érosion.

LES NOUVELLES PRÉOCCUPATIONS GAGNENT ÀÊTRE PRISES EN CONSIDÉRATION EN AMONT

• En tout état de cause, les nouvelles préoccupationsgagnent à être prises en considération en amont.Mentionnons l’exemple de l’éco-conception : laRATP conçoit désormais ses nouveaux bâtiments enprenant en compte des exigences énergétiques et envi-ronnementales qui augmentent le montant de l’inves-tissement, mais qui permettent de réaliser d’impor-tantes économies sur la durée de vie de ces bâtiments.De même, l’acquisition de matériel roulant a été pro-fondément repensée, avec des spécifications mieuxcalculées et des calculs économiques qui ont mieuxpris en compte l’ensemble de la vie des équipements

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(de leur achat jusqu’à leur démantèlement). En l’oc-currence, développement durable et performance éco-nomique ont pu être très opportunément conciliés. • La prise en considération en amont des nouvellespréoccupations peut aussi permettre de limiter lerisque que celles-ci ne surgissent brusquement dansun contexte de crise : quelle que soit l’appréciationque l’on porte sur les risques psychosociaux au sein deFrance Télécom, il semble que cette entreprise étaitmal préparée à la mise en cause brutale de ses modesde fonctionnement, telle qu’elle est apparue au débutde 2010. On peut noter qu’une fois franchi le gros dela tourmente, cette entreprise s’est dotée de meilleursoutils de mesure, de contrôle et d’action : desenquêtes ont été menées par des cabinets extérieurs,une Direction exécutive de la responsabilité socialed’entreprise a été créée... British Petroleum, quant à elle, pourrait illustrer unemise en cause dans le contexte d’une crise, non passociale mais environnementale : la marée noire surve-nue en 2010 dans le Golfe du Mexique. Une plusgrande sensibilité aux préoccupations environnemen-tales aurait probablement diminué le risque d’un acci-dent majeur chez BP, et donc celui de la chute consé-cutive de sa capitalisation boursière en 2010. A tout lemoins, elle aurait aidé BP à mieux gérer sa communi-cation de crise (7).

LES POLITIQUES ENVIRONNEMENTALES ETSOCIÉTALES PEUVENT PASSER PAR DES MODESD’ACTION ORIGINAUX ET SOPHISTIQUÉS

De nouvelles solutions doivent parfois être imagi-nées : par exemple, le « Fonds carbone » d’EDF finan-ce des projets visant à réduire les rejets de CO2 danscertains pays afin qu’EDF dispose de « droits àémettre » dans les zones couvertes par l’accord deKyoto. Ce dispositif a certes un coût important, maisil permet d’optimiser le coût de la réduction vouluedes rejets globaux. De même, EDF connaît depuis2005 la contrainte de payer des pénalités importantesou de susciter des économies d’énergie certifiées ; lemécanisme des économies certifiées permet d’at-teindre le résultat voulu tout en optimisant les moda-lités et le coût.

LES INDICATEURS DES PERFORMANCES ENVI-RONNEMENTALES ET SOCIÉTALES GAGNENTÀ ÊTRE BIEN DÉFINIS, VÉRIFIÉS, CRÉDIBILISÉS ETPARTAGÉS

C’est à l’œuvre que l’on reconnaît l’artisan : les décla-rations de bonnes intentions ne suffisent pas ; il fautdes résultats et il convient que ceux-ci soient recon-nus. C’est ainsi qu’EDF publie sur son site Internetses indicateurs du développement durable.L’entreprise est en outre évaluée par l’agence Vigeo.Signalons qu’au-delà des procédures qui sont prévuespar le nouvel article L. 225-102-1 du Code de com-merce et qui font intervenir les commissaires aux

(7) L’échec et l’interrogation consécutive sur les valeurs ne sont bienentendu pas propres aux entreprises. Mentionnons l’équipe de France defootball qui, dans le cadre de la Coupe du Monde de 2010, a connul’échec sur le plan sportif (avec son élimination rapide), sur le plan de laperformance économique et financière (avec un certain retrait des spon-sors) et, surtout, sur le plan sociétal (alors que la première raison d'êtred'une équipe nationale est sans doute sociétale, puisqu'une telle équipedoit rassembler une nation autour de certaines valeurs et fournir desexemples positifs aux jeunes).

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comptes, plus de la moitié des sociétés du CAC 40 etplus de 20 % de celles du SBF 120 ont fait vérifier etattester par un tiers, de façon volontaire, leurs don-nées sociales, sociétales et environnementales pourl’exercice 2005 [6].Plus récemment, EDF a entrepris de refondre sa bat-terie d’indicateurs en suivant les recommandations dela « Global Reporting Initiative » d’octobre 2006 (la« GRI 3 ») (8). Signalons aussi le rôle croissant de la normalisation.La norme ISO 26 000 a ainsi résulté, en 2010, d’unenégociation associant quatre-vingt-dix pays et diversescatégories de parties prenantes (Pouvoirs publics,entreprises, syndicats, associations…), et a définidivers critères d’appréciation en matière de responsa-bilité sociétale.

L’ÉTAT A UN RÔLE À JOUER POUR FAVORISERUNE BONNE PRISE EN COMPTE DES ENJEUXENVIRONNEMENTAUX ET SOCIÉTAUX

• Se pose tout d’abord la question de l’articulationentre l’État et les organismes publics. Saluons unerécente évolution : désormais, les lettres de missionaux dirigeants nouvellement nommés, ainsi que les« contrats d’objectifs et de moyens » ou les « contratsde service public », font souvent une place aux préoc-cupations sociétales et environnementales.• Mais l’action de l’État comporte de multiplesaspects qui vont au-delà de la sphère publique. Ainsi,la circulaire de décembre 2008 intitulée « Exemplaritéde l’État au regard du développement durable dans lefonctionnement de ses services et de ses établissementspublics » vise non seulement des progrès dans la sphè-re publique, mais aussi un effet d’entraînement horsde celle-ci. Lorsque l’État mandate la CommissionStiglitz-Sen-Fitoussi sur « la mesure de la performanceéconomique et du progrès social », il prépare certes l’en-richissement de son appareil statistique, mais il lance

(8) La « GRI 3 » fournit un référentiel non officiel, mais largementreconnu sur le plan international, pour ce qui est des indicateurs dudéveloppement durable. Ce référentiel a pour origine des travaux d’en-treprises, de syndicats, d’ONG et d’instances comme le Programme desNations Unies pour l’environnement.

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aussi un processus culturel tendant à ce que tousapprécient mieux les progrès réalisés sur la voie dudéveloppement durable. Le « Grenelle del’Environnement » comporte de très importantes dis-positions (obligatoires ou incitatives) s’appliquantdirectement à la sphère privée…De façon générale, il en va des thèmes sociétaux etenvironnementaux comme pour d’autres domaines :les Pouvoirs publics tendent à définir ou à acter (selonleur degré de volontarisme) les comportements licitesou souhaitables.

LA PRISE EN COMPTE DU SOCIÉTAL ET DE L’ENVI-RONNEMENTAL NE SAURAIT AMENER À NÉGLI-GER LA CONTRAINTE ÉCONOMIQUE

• Nous avons souligné que plus que par le passé, lemonde de l’entreprise prenait en compte les enjeuxsociétaux et environnementaux. Il reste que cette évo-lution ne saurait conduire à négliger la contrainte éco-nomique… Certes, nous avons vu que dans les cas lesplus favorables, les préoccupations environnementaleset sociétales de telle ou telle entreprise pouvaients’avérer convergentes avec ses préoccupations écono-miques. Toutefois, même dans cette hypothèse favo-rable, il faut encore tendre à l’optimisation du dispo-sitif (c’est-à-dire viser le meilleur résultat pour un coûtdonné, ou le moindre coût pour l’objectif retenu). Parailleurs, lorsqu’il n’y a pas convergence des préoccu-pations économiques, environnementales et socié-tales, il convient que la bonne évaluation de tous lesenjeux soit assurée afin que les arbitrages soient faitsde manière éclairée. Au total, sont requis de l’expertise, la compréhension desattentes, la capacité de faire des choix rationnels, le cou-rage nécessaire à la hiérarchisation des actions en fonc-tion de leur coût et de leur impact environnemental etsociétal réel, la possibilité de susciter l’adhésion malgré lestentations de l’affectivité et du court-termisme…• Il va de soi que la prise en compte des aspects éco-nomiques apparaît également nécessaire au niveaumacroéconomique : il est difficile d’imaginer qu’uneaction d’envergure en faveur du sociétal et de l’envi-ronnemental puisse être acceptée et conduite par unenation dépourvue des ressources nécessaires à sondéveloppement économique. A cet égard, les notionsde « développement durable » ou de « développementresponsable » englobent les préoccupations sociétaleset environnementales tout en laissant sa place à lavolonté économique de développement (9). Il semble

qu’il y ait là une condition nécessaire pour que les pré-occupations environnementales et sociétales ne soientpas mises à mal par la crise apparue en 2008, maissoient confortées (10).• Il s’agit là des premières leçons que nous pouvonstous facilement tirer des expériences d’ores et déjà dis-ponibles. Au vu des lacunes des connaissances scienti-fiques, de certains emballements médiatiques, de lavolatilité de certaines des préoccupations collectives,nous pouvons aussi penser qu’il s’agit des linéamentsd’un ensemble de doctrines, de méthodes et de pra-tiques qui restent encore à développer.Souhaitons que le présent numéro de RéalitésIndustrielles aide le lecteur à se forger une opinion et àaméliorer son action !

BIBLIOGRAPHIE

[1] Service du Contrôle général économique et finan-cier : Définir et mesurer la performance pour mieux pilo-ter l’action publique, ministères chargés de l’Economieet du Budget, Paris, novembre 2009.[2] Centre des jeunes dirigeants d’entreprise, Le guidede la performance globale, Éditions d’Organisation,Paris, 2004.[3] IGALENS (Jacques), RSE et développementdurable, in Le management ; fondements et renouvel-lements, ouvrage collectif, Éditions Scienceshumaines, Paris, 2008.[4] OCDE, Les principes directeurs de l’OCDE à l’in-tention des entreprises multinationales, Éditions del’OCDE, Paris, 2008.[5] Commission des Communautés européennes,« Communication de la Commission […] ; Faire del’Europe un pôle d’excellence en matière de responsa-bilité sociale des entreprises (COM (2006) 136final) », Commission européenne, Bruxelles, 2006.[6] HOARAU (Christian), Analyse et évaluationfinancières des entreprises et des groupes, Vuibert, Paris,2008. [7] TNS-Sofres, Baromètre du développement durable,étude annuelle réalisée pour le groupe La Poste, Paris,mars 2010.

(9) L’expression « développement durable » est souvent attribuée auRapport Brundtland (du nom de Mme Brundtland qui, à la suite d'unerésolution de l'Assemblée générale de l'ONU adoptée en 1983, a présidéla World Commission on Environment and Development et remis le rap-port Our common Future). Le développement durable y est définicomme « un développement qui répond aux besoins des générations pré-sentes sans compromettre la capacité des générations futures à répondre auxleurs » [3].

(10) Une vision du développement durable et de la responsabilité socié-tale intégrant pleinement les aspects économiques et financiers a étéillustrée à diverses reprises lors du colloque que le Service du Contrôlegénéral économique et financier a organisé en février 2010 sur les enjeuxsociétaux et environnementaux. Citons à cet égard Mme Lagarde,ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, qui a par exemplesignalé l'importance de la maîtrise des déficits dans le cadre de la perfor-mance sociétale : « La dimension sociétale signifie aussi prendre en comptenon seulement l'instant présent, mais également les entreprises et la sociétédans un temps plus long. Et c'est dans ce contexte de responsabilité sociétaleque nous engageons […] un combat contre les déficits publics. Cela peut apriori paraître un peu étrange, de rattacher la lutte contre les déficits publicsà la performance sociétale, mais je crois que cette lutte doit s'examiner àl'aune des responsabilités que nous avons à l'égard des générations futures ».

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Les cultures et les performances

La performance des entreprises ne peut s’apprécier dans l’absolu,indépendamment de l’époque et du lieu… Au-delà d’élémentsobjectifs liés au contexte des entreprises (la rentabilité moyenne ducapital, le poids de la législation environnementale…), la concep-tion de la performance dépend aussi, plus profondément et plussubtilement, de données culturelles.Chaque pays a en effet ses traditions, sa manière de définir les droitset les devoirs de chacun, et donc sa conception de la performancedes entreprises (ainsi, en France, le poids des concepts de statut etd’honneur dans la définition des relations sociales et de l’organisa-

tion du travail ou, aux États-Unis, la place prise par le désir du gain et lapassion pour le contrat « fair »…).L’observation des faits, dans le cadre de chaque culture, et une réflexionsociologique sur ce qui réunit et sépare les diverses cultures, dépassent lesimple cadre de l’enjeu académique : comprendre ce que peuvent être lesdiverses conceptions de la performance peut en effet ouvrir des perspectivesau plan national, aider la gestion des entreprises multinationales ou éclairerles négociations internationales.

par Philippe d’IRIBARNE*

LA NOTION

DE PERFO

RMANCE

ET SES VARIATIONS

Tant que l’on adopte une vision restreinte des per-formances d’une entreprise, en ne considérantque les profits qu’elle réalise, on peut avoir l’im-

pression de disposer d’un critère universel. En revanche,dès que l’on élargit la perspective, que l’on ne penseplus seulement aux responsabilités d’une entrepriseenvers ses seuls actionnaires, mais envers tous ceux queson action concerne (de son personnel à la société envi-ronnante), les choses se compliquent. Certes, en se pla-çant à un haut niveau d’abstraction, on peut continuerà adopter un discours à portée universelle, en parlant,par exemple, de souci du bien commun, de respect dela dignité du personnel ou de prise en compte de l’ave-nir de la planète. Mais dès que l’on rentre dans le

concret, il apparaît que les attentes des diverses partiesprenantes à l’égard de l’entreprise (et, corrélativement,les critères d’une performance sociétale) varient singu-lièrement en fonction du contexte culturel. De plus, élargir la réflexion sur la diversité des champsque l’on doit associer à l’idée de performance incite às’interroger sur les facteurs de la performance, y comprisau sens le plus étroit de la « création de valeur » pour l’ac-tionnaire. En effet, ce qu’une entreprise obtient de ceuxqui contribuent à son succès n’est pas indépendant de cequ’elle est prête à leur apporter en retour.

* Directeur de recherche au CNRS, Directeur de « Gestion et société ».

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PHILIPPE D’IRIBARNE

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L’ENTREPRISE ET SON PERSONNEL

La médiatisation des vagues de suicides qu’ontconnues plusieurs entreprises françaises, la montée despréoccupations liées à la qualité de la vie au travail, austress qu’elle suscite et au malaise dont elle est la sour-ce, conduisent à s’interroger sur la responsabilité desentreprises à l’égard de leur personnel. Que doivent-elles procurer à ceux et celles qu’elles emploient ? Unsalaire décent, bien sûr, mais aussi le sentiment d’êtrerespecté en tant que personne et en tant que tra-vailleur. Or, si le désir d’être respecté (dans son travailcomme dans tous les aspects de la vie sociale) paraîtuniversel, ce qui donne concrètement le sentiment del’être dépend intimement du contexte culturel. Eneffet, la vision concrète de ce que devraient être lesrapports entre une entreprise et son personnel dépendde ce contexte. Il suffit de comparer ce qu’il en est enFrance et aux Etats-Unis pour s’en faire une idée (1).Aux Etats-Unis, on se sent bien traité pour peu quel’on ait le sentiment de ne pas dépendre de la volontéd’autrui. La mise en place de rapports inspirés parl’image du contrat librement conclu entre partenaireségaux est perçue comme le moyen approprié d’at-

teindre cet objectif : dans une société régie par desrapports contractuels, autrui ne peut rien m’imposerpuisqu’il ne peut rien exiger de moi, si ce n’est ce àquoi j’ai consenti en ratifiant le contrat qui nous lie.Dans les entreprises, le découpage soigneux des res-ponsabilités conduisant à fixer à chacun des objectifsqu’il a pu négocier fait partie intégrante de la mise enœuvre d’un tel idéal. Chacun, étant maître de déter-miner la manière de s’y prendre pour répondre à lacommande qu’il doit satisfaire, peut avoir le senti-ment que personne d’autre que lui-même ne régit sonexistence. Ainsi, un subordonné américain affirmantque ceux qui travaillent pour une entreprise souhai-tent avant tout déterminer « comment ils viennent àbout de leur travail en se débrouillant tout seuls », com-mente : « La plupart des gens pensent qu’ils doivent êtrequelque peu maîtres de leur propre destin » (2). En France, la logique contractuelle est loin d’occuperla même place qu’aux Etats-Unis. En revanche, lesdevoirs associés à la place que l’individu occupe dans lasociété sont mis en avant. La référence au métier, àl’homme de métier ou encore à la grandeur du métiery est omniprésente. Celle-ci joue un rôle décisif dansl’affirmation du lien entre ce qui est vécu dans le quo-tidien et le refus d’une manière réputée servile d’êtreen rapport avec ceux qui, à un titre ou à un autre (un

(1) Cf. Philippe d’Iribarne, « La logique de l’honneur », Seuil, 1989, et« Penser la diversité du monde », Seuil, 2008. (2) Propos rapportés dans « La logique de l’honneur », p. 138.

« En France, les devoirs associés à la place que l’individu occupe dans la société sont mis en avant. La référence au métier, àl’homme de métier ou encore à la grandeur du métier y est omniprésente. » Ouvriers d’un atelier de nickelage-polissage.Photographie anonyme pour une carte postale, vers 1910.

© IM/KHARBINE-TAPABOR

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LA NOTION DE PERFORM

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supérieur, un client), sont en position de vous fairebénéficier de quelque avantage à la condition que vousen passiez par leurs exigences. Les relations d’autoritétendent à être mises en scène (à la fois dans la manièredont elles sont organisées en pratique et dans les for-mulations qui servent à les évoquer), de telle manièrequ’il devient possible de tenir à distance cette image dela soumission servile. On retrouve ainsi la forme d’au-tonomie qu’évoque Michel Crozier à propos des orga-nisations bureaucratiques : « Les subalternes […] n’au-ront jamais à s’incliner devant la volonté personnellehumiliante de quelqu’un ; ce qu’ils font, ils le font de leurpropre volonté et, en particulier, ils accomplissent leurtâche en dehors de toute obligation directe. Ils s’efforcentde montrer qu’ils travaillent non pas parce qu’ils y sontforcés, mais parce qu’ils choisissent de le faire» (3). AFrance Télécom, on a vu les conséquences négatives,sur le moral du personnel et sur sa fierté d’appartenirà l’entreprise (le sentiment de fierté est passé enquelques années de 95 % à 52 % chez les cadres et de96 % à 25 % chez les non cadres), d’un certain aban-don de cette logique de métier (4).Cet écart entre ces deux conceptions d’un bon rap-port entre une entreprise et son personnel se traduitde multiples manières. Citons le contraste entre lesfaçons dont une même entreprise peut exprimer sesvaleurs, selon qu’elle use de l’anglais (dans une pers-pective américaine) ou du français (5). La versionaméricaine affiche sans détour les obligations aux-quelles les membres de son personnel sont soumis.Chacun est présenté comme tenu d’appliquer lesrègles définies par l’entreprise : ce qui est exigé s’ins-crivant dans un rapport contractuel, son respect faitpartie de l’exécution du contrat. De son côté, l’en-treprise est tenue de définir précisément les obliga-tions auxquelles sont soumis ceux qui travaillentpour elle. Au contraire, la version française n’en finitpas de « prendre des gants ». Elle met en scène unesorte d’adhésion librement consentie. L’atténuationde l’obligation se fait notamment en passant de for-mules exprimant fermement la volonté de l’entrepri-se à des formules laissant une grande place à labonne volonté de chacun : « We want all of ouremployees to be key players in the formulation of theirown personal objective » [« Nous attendons de chaquecollaborateur qu’il joue un rôle déterminant dans l’éla-boration de ses propres objectifs »] ; « These rules shouldbe known by everyone in our organization and imple-mented consistently » [« Ces règles doivent êtreconnues, acceptées et appliquées de façon cohéren-

te »]. C’est que, dans la vision française des choses, lasource d’obligations perçue comme vraiment légiti-me est le sentiment que chacun a des devoirs associésà la position qu’il occupe dans l’entreprise, devoirsdont il a tendance à s’estimer le seul juge. Dans cesconditions, l’entreprise peut inviter, suggérer, propo-ser, susciter. Mais il lui est difficile de prétendreimposer. Si l’on élargit le cercle des pays que l’on considère, onobserve que partout la façon dont le pouvoir est exer-cé constitue un élément important de ce qu’une entre-prise apporte à son personnel, et donc de sa perfor-mance sociale (et, dans une certaine mesure,sociétale). Mais en même temps, la variété desconceptions relatives à cet exercice apparaît très gran-de. Ainsi, en Chine, le désir des individus d’être bientraités n’est pas moins important que celui exprimé enFrance ou aux Etats-Unis. Toutefois, la revendicationd’une forme d’autonomie n’est pas au cœur de leursattentes : ils sont en quête d’un « bon pouvoir », quisoit bienveillant et juste, prêt à informer et à écouter(même s’il n’entend guère débattre). On pourrait être tenté de dire que la manière de trai-ter le personnel n’a pas besoin d’être considéréecomme un domaine de responsabilité autonome dis-tinct d’une recherche d’efficacité productive. En effet,la motivation du personnel, qui est elle-même liée à lamanière dont celui-ci est traité, constitue un ingré-dient essentiel de cette efficacité. Mais une telle affir-mation, sans doute vraie dans le long terme, ne l’estpas forcément à court terme. Et si l’on veut éviter quele souci de ce court terme ne dissuade de donner l’im-portance qu’elle mérite à la manière dont le personnelest traité, mieux vaut considérer celle-ci comme undomaine en soi.

L’ENTREPRISE ET LE MONDE QUI L’ENTOURE

L’entreprise, et c’est là le fondement de sa performan-ce sociétale, a des responsabilités envers la société ausein de laquelle elle baigne. Le contenu de cette res-ponsabilité dépend, bien sûr, de la situation matériel-le des sociétés considérées, de l’état de leur système desanté, de leur système éducatif, de leurs infrastruc-tures... Il dépend également de la perception de laplace de l’entreprise dans la société, facteur qui met enjeu des éléments culturels.Quand, pour marquer l’an 2000, Danone a vouluassocier son personnel à son engagement en faveurd’une cause humanitaire en les invitant à verser,comme elle le faisait elle-même pour chacun d’eux,l’équivalent d’une heure de salaire, la réponse du per-sonnel a été très variable d’un pays à l’autre. « EnFrance, indique le responsable de l’opération, cetteopération a suscité plus de réticences que partout ailleurs,car la légitimité de l’entreprise à initier des actions quirelèvent habituellement du choix personnel de l’individu

(3) Michel Crozier, « Le phénomène bureaucratique », Seuil, 1963, p. 289.

(4) Enquête réalisée par l’institut Technologia à la demande conjointe dela Direction et des syndicats ; cf. Libération, 15 décembre 2009.

(5) On s’appuie ici sur des investigations menées en coopération avec lecimentier Lafarge concernant la mise en œuvre comparée des valeurs del’entreprise (exprimées dans ses « Principes d’action ») aux Etats-Unis, enFrance, en Chine et en Jordanie. Cf. Philippe d’Iribarne, L’épreuve des dif-férences, l’expérience d’une entreprise mondiale, préface de Bruno Lafont,Seuil, 2009.

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PHILIPPE D’IRIBARNE

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est beaucoup moins admise que dans d’autres sociétés oùl’entreprise apparaît, au contraire, comme apportant ungage de sérieux et de transparence» (6). On retrouve lemême type de réticences chez un cadre français inter-rogé sur la politique de son entreprise à l’égard de lasociété environnante : « Les Américains […] font beau-coup de soutien à des organisations caritatives, etc. ; c’estleur implication dans les communautés locales. On voitsouvent dans le journal interne le Directeur général quiva laver des voitures pour récolter de l’argent pour desbonnes causes. C’est très américain. Ils le font : ce n’est passimplement des paroles, ils le font effectivement. Maischez nous, ça n’a pas eu du tout de retombées ; le contex-te n’est pas le même, la culture n’est pas la même… Cheznous, ça ne passerait pas. » (7).C’est que les rapports entre l’entreprise et la sociétéenvironnante ne sont pas conçus de la même façondans les diverses cultures. Aux Etats-Unis, l’entrepri-se est vue comme élément d’une communauté (oud’un ensemble de communautés liées aux lieux oùelle est implantée). Cette appartenance implique unesorte de responsabilité diffuse, avec une dimensionaffective notable supposant une implication assezgénérale dans ce qui concerne ceux qui vous entou-rent. En France, au contraire, l’idée d’appartenance àune communauté est mal perçue. On trouve unetrace de cet écart quand on compare les deux versions(déjà citées) des valeurs d’une entreprise :« Contributing to building a better world for our com-munities » [« Contribuer autour de nous à laconstruction d’un monde meilleur »] / « Acting as res-ponsible members of our communities » [« Agir entant que citoyen responsable »]. Côté français, le termede « communauté » a été éliminé. Celui de « citoyen »suggère une appartenance à un ensemble politique,avec un statut, des responsabilités et des droits défi-nis par la loi, loin des liens émotionnels, de la res-ponsabilité diffuse et de la pression sociale qu’évoquele terme de communauté. Il est des pays où les attentes de la société environ-nante à l’égard des entreprises sont particulièrementfortes. Cela est bien apparu, par exemple, à l’occasiond’investigations réalisées dans la filiale mexicaine deDanone (8). Un projet destiné à aider des enfants endifficulté, « Construisons leurs rêves » (« Construyamossus sueños »), a été évoqué avec enthousiasme par lepersonnel (9). Au regard de ce projet, un opérateurs’exprime ainsi : « Danone Mexique ne se préoccupe passeulement de Danone, de la croissance de Danone auMexique en elle-même, mais aussi de la croissance dechacun en tant que travailleur, de la société dans laquel-

le se trouve l’usine, de la communauté au sein de laquel-le elle vit, c’est-à-dire, qu’il ne s’agit pas seulement de lacroissance de Danone, mais aussi, que la communautécroisse avec Danone ». Chaque membre du personnel ale sentiment que c’est lui qui aide, et pas seulementl’entreprise. « Tu aimes appartenir à une entreprise qui,en même temps que ses objectifs économiques, a une res-ponsabilité par rapport à la communauté [...]. Et, sansconteste, tout cela est différent de beaucoup d’entre-prises ». On trouve une référence constante à uneforme de réciprocité dans l’aide, de don et de contre-don, à l’intérieur d’un engagement mutuel : « Onaime appartenir à une entreprise qui, parallèlement à sesobjectifs économiques, a une responsabilité par rapport àla communauté. Ce n’est pas être philanthrope, mais si lacommunauté t’a donné autant, le moins que tu puissesfaire, c’est de lui rendre, de quelque manière, quelquechose de ce qu’elle t’a donné ».Par ailleurs, ce que l’entreprise apporte à ses clientsn’est pas étranger aux questions de responsabilitésociétale, avec leur dimension culturelle. Certes, ils’agit - partout - de vendre à un prix rémunérateur,mais l’implication de l’entreprise ne peut se résumer àce seul objectif. Ainsi, la conviction selon laquelle ilest de la responsabilité de l’entreprise d’éclairer sesclients au-delà des exigences que ceux-ci formulent,est particulièrement répandue en France. Citons lespropos d’un ingénieur technico-commercial : « Auprèsdes clients, nous avons l’aura du représentant de l’usine :nous sommes celui qui va résoudre tous leurs problèmes.Face à eux, je me sens un peu comme un médecin géné-raliste : je les écoute, ils se confient à moi, puis je dresseun diagnostic. Soit je peux régler moi-même leur problè-me, soit je les oriente vers un spécialiste, un collègue duGroupe, “pointu” sur le sujet » (10). De fait, parmi lespoints qui ont pu faire réagir de nombreux salariés deFrance Télécom face à certaines évolutions managé-riales, le sentiment d’être amenés à transgresser cedevoir de conseil, en vue d’une recherche de profits,n’a pas été le moins saillant : « La philosophie a toujoursété d’offrir à l’usager la meilleure solution pour lui,même si cela coûtait plus cher à l’entreprise. Aujourd’hui,certains salariés ont l’impression de ne plus servir lesclients, mais de les tromper », rapporte ainsi un ancienhaut cadre de l’entreprise (11).

(8) Philippe d’Iribarne, Croître ensemble au Mexique, in Le Tiers-mondequi réussit, Odile Jacob, 2003.

(9) Il s’agit de consacrer un certain pourcentage du chiffre d’affaires à unfonds d’aide à des enfants en difficulté.

(10) Propos rapportés par la revue de communication du groupe Usinor :Aciers, n°38, mars 1998.

(11) Propos rapportés par L’usine nouvelle, n°3160, 17 septembre 2009 : « France Télécom. Une mutation à marche forcée ».

(6) Bernard Giraud, « L’entreprise confrontée à sa responsabilité socia-le », Le Journal de l’Ecole de Paris du management, juillet-août 2000.

(7) Enquête réalisée chez Total à l’occasion de la mise au point de soncode de conduite ; Philippe d’Iribarne, « La légitimité de l’entreprisecomme acteur éthique en France et aux Etats-Unis », Revue française degestion, septembre-octobre 2002.

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LA NOTION DE PERFORM

ANCE ET SES VARIATIONS

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LES RESSORTS DE LA RESPONSABILITÉ SOCIÉTALE

Comme elle le fait pour le champ couvert par la res-ponsabilité sociétale de l’entreprise, la culture influen-ce dans le même temps les ressorts de ce sentiment deresponsabilité (ce qui incite à agir pour concrétisercette responsabilité et inspire l’esprit de l’actioncomme ses modalités). Nous avons commencé à évoquer les différences exis-tant entre la France et les Etats-Unis à propos du sen-timent d’appartenance à une communauté. Les diffé-rences entre les deux pays ne se limitent pas à ce seulpoint. Ainsi, si l’on compare les versions anglaise et françai-se des valeurs de l’entreprise Accenture, on remarqued’emblée que le « Stewardship » de la version origina-le est traduit en français par « Gestion responsable ».Ou encore, dans les valeurs de Jansen, la version amé-ricaine « We must maintain in good order the propertywe are privileged to use » devient « Nous devons entre-tenir les terrains, usines, bureaux dont nous avons lajouissance ». Le terme « Stewardship », qui évoquel’image du bon intendant, puise son sens dans uncontexte biblique : Dieu a confié le monde auxhommes et Il leur demandera des comptes sur leurgestion. « We are privileged to use » relève du mêmeregistre. Une telle référence est difficilement pensableen France, ce qui conduit à l’emploi d’expressionsbeaucoup plus neutres comme « gestion responsable »,« dont nous avons la jouissance ». En France, ce n’est pas le registre religieux qui estprésent, mais celui de l’obligation d’être à la hau-teur de la place que l’on occupe dans la société, detenir son rang. Prenons, par exemple, un documentde Suez-Lyonnaise des Eaux, « Les valeurs du grou-pe ». On y trouve des formules telles que : « Notreplace et notre ambition de leader mondial […] nousobligent à ne pas être seulement de bons professionnels,mais les meilleurs ». C’est « notre place et notre ambi-tion de leader mondial » (et non pas le souci derépondre aux attentes des clients) qui sont unesource d’obligations. Quand il s’agit de « ne pas êtreseulement de bons professionnels, mais les meilleurs »,ce qui est en question, ce n’est pas tant de triom-pher de la concurrence que de « tenir son rang ».Nous avons retrouvé cette conception du devoirdans les propos tenus par des managers françaisinvités à s’exprimer sur un projet de code deconduite du groupe Total : « Des sociétés de la taillede notre nouveau groupe, […] du fait qu’elles ont despouvoirs souvent plus grands que certains Etats, on neva pas se comporter de façon purement commerciale,en faisant comme la concurrence […]. Il est normalqu’on ait des règles qui soient un peu au-dessus. […]Il faut être à l’avant-garde de ce genre de sujets, et nepas suivre les autres ». La « taille du groupe », les« pouvoirs » qui lui sont liés, la grandeur qui lui estattachée appellent à en être dignes, ce qui est sour-

ce de devoirs. On ne saurait « se comporter de maniè-re purement [pour ne pas dire bassement] commercia-le », même si la concurrence, supposée être demoindre rang, peut « se le permettre ». Nombreuxsont les propos tenus allant dans le même sens ausujet des rapports aux clients ou dans d’autresdomaines : « Quand on arrive quelque part, on nepeut pas se contenter d’appliquer le droit du travaillocal, parce que nous sommes Total » ; « Il faut […]rappeler la taille du Groupe, le sens des responsabili-tés » ; « Nous avons aussi notre éthique de gentils-hommes ».

DU CONCEPT DE RESPONSABILITÉ À LA MESUREDE PERFORMANCES

Passer de l’idée de responsabilité à celle de perfor-mance va de soi dans un contexte américain où lanotion de responsabilité est intimement liée à cellede comptes à rendre en s’appuyant sur une appré-hension aussi précise que possible de ce que l’on aréalisé. Elargir son champ de responsabilité impliqueipso facto d’élargir le champ des comptes que l’ondoit rendre, et donc des indicateurs de performance,les KPI (key performance index), que l’on doit afficheren pouvant se flatter des performances qu’ils mesu-rent. Quand, au contraire, la notion de responsabili-té est plutôt liée à celle d’exigences internes à la per-sonne qui, à la limite, ne regardent qu’elle-même et àpropos desquelles il serait, en tout cas, malséantd’étaler le bien que l’on a fait, le passage de l’idée deresponsabilité à celle de performance fait davantagequestion. En France, l’honneur n’interdit pas de faire debonnes actions ; il incite par contre à ne pas trop enfaire état. Selon les propos d’un témoin ayant vécusous l’Ancien Régime : « Quand on était sage, c’étaitpar goût et sans faire le pédant ou la prude » (12). Denos jours, l’entreprise est difficilement perçuecomme ayant à afficher ses bonnes actions. Onobserve une forme de pudeur : « Nous avons desvaleurs très fortes, dans ce groupe, qui ne sont pas ren-dues dans le document [un projet de code de conduite].Mais, les valeurs, ce n’est pas quelque chose dont onparle, c’est implicite […]. Quand il s’agit de valeurs,cela va sans dire, cela ressortit à l’éducation profon-de ». Celui qui s’exprime ainsi a une idée très clairede cet implicite : « Les valeurs fortes et anciennes dugroupe ne sont pas communiquées […]. Ce n’est pas leprofit à n’importe quel prix. Il y a un souci profond dudéveloppement de la carrière de ses collaborateurs, dulong terme. Le groupe protège assez bien la veuve etl’orphelin… ». Mais si l’entreprise a une éthique, il

(12) Cité par Taine, Les origines de la France contemporaine (1875),Bouquins, Robert Laffont, 1986, p. 107.

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n’est guère convenable qu’elle l’affiche. « On ne voitpas ce code affiché dans le bureau [du président de l’en-treprise], alors que le président d’Exxon, lui, pourra lefaire ; il en a peut-être même l’obligation ! » ; « On adéjà été exposés à ce type d’affichage de valeurs, dansnos contacts avec les Etats-Unis, et on avait hésité àfaire notre propre version des valeurs [d’une des filialesdu groupe]. Mais, dans le contexte français, on ne l’a,finalement, pas fait ». Sont évoqués les risques d’ac-cusation de tartuferie qu’encourt celui qui met enavant ses intentions éthiques alors qu’il n’est pasirréprochable. « Il faut montrer que ce n’est pas ungadget, que ce n’est pas pour masquer […]. Il y aurades ricanements dans la presse et, en interne, des sou-rires en coin… ».Ces réticences françaises sont d’autant plus vives que,à la différence de ce que l’on observe aux Etats-Unis,l’éthique et l’intérêt ne sont pas vus, en France,comme faisant naturellement bon ménage. Si l’on regarde les codes d’éthique des entreprisesaméricaines (ou d’entreprises britanniques forte-ment marquées par l’influence américaine), l’éthiqueet la poursuite des intérêts sont intimement asso-ciées. Les questions de réputation fournissent unpont entre les deux domaines. Ainsi, ExxonMobilaffirme sur son site Internet : “A well-founded reputa-tion for scrupulous dealing is itself a priceless companyasset”. Fortune (13) affirme de son côté que “In toughtimes it’s all the more important to remember thatethics pay off in the end, and on the bottom line”. Ilparaîtra évident à un manager américain que “Ourability to succeed in business many times relies on ourreputation”. De plus, le succès dans les affaires four-nit les moyens de faire le bien ; dans sa présentationdes « BP’s business policies », après la fusion avecAmoco, le « Group Chief Executive » affirme d’en-trée de jeu : « A good business should be both competi-tively successful and a force for good ».On ne retrouve pas en France cette conviction selonlaquelle l’éthique et l’intérêt font naturellement bonménage. On y trouve plutôt le sentiment que c’esten acceptant de laisser de côté son intérêt que l’onpeut être à la hauteur de responsabilités qui relèventd’un tout autre registre. Comparons, encore unefois, les versions américaine et française des« Principes d’action » d’une entreprise que nousavons déjà mentionnée : “Our goal is to strengthenthis leadership position by being the best, through ourcommitment to be : the preferred supplier of our cus-tomers… [et ainsi de suite, pour les membres du per-sonnel, les communautés environnantes et les action-naires] « Notre objectif est de renforcer notre position deleader mondial en étant partout les meilleurs et dedevenir : le fournisseur privilégié de nos clients... [et

ainsi de suite pour les autres acteurs] »]. Le « through »de la version américaine évoque une vision intéresséedes bons rapports entretenus avec son entourage,rapports qui constituent un moyen de prospérer.Dans la version française, on n’a pas la même subor-dination : les deux objectifs sont juxtaposés (« et »).De bonnes relations sont présentées comme étantrecherchées pour elles-mêmes de manière désintéres-sée, et non comme un simple moyen en vue d’unefin intéressée. Il est peu honorable, en France, devoir dans de bonnes relations un simple moyen des’enrichir.

CONCLUSION

Le souci des entreprises d’agir de manière responsable,tant à l’égard de leur personnel qu’à celui du mondequi les entoure, les incite à être plus attentives auxattentes de l’un comme de l’autre. Tant que l’on estdans le ciel des idées, elles peuvent s’en tenir à des pro-pos très généraux, qui sont valides en tous temps et entous lieux : il est bon, partout et toujours, qu’uneentreprise ait du respect pour son personnel, qu’elle letraite décemment, qu’elle lui témoigne sa confiance etcherche à lui donner un travail qui ait du sens ; demême, il est bon qu’elle ait le souci du monde quil’entoure et qu’elle cherche à éviter de dégrader sonenvironnement matériel et à agir en faveur d’une viemeilleure. Mais dès qu’il s’agit d’incarner ces grandes idées, de lestraduire en actions concrètes dans chaque contexteparticulier, de préciser les orientations d’une organisa-tion du travail, d’une politique de ressourceshumaines ou d’actions de mécénat (en un mot, demettre les mains dans le cambouis de l’action quoti-dienne), on ne peut plus se contenter de ces idéesgénérales. Il faut prêter attention à ce qu’elles impli-quent, concrètement, dans chaque environnementsingulier. Que veut dire, dans la pratique, « faireconfiance », aux Etats-Unis ou en Chine ? Qu’est-cequ’un travail qui a du sens, en France, ou auMexique ? Il est difficile de répondre à ces questionsavec quelque pertinence si l’on n’a pas quelque idéedes singularités de chaque contexte culturel. Traditionnellement, la plupart des entreprises consi-dèrent que la compréhension de ces singularités nefait pas partie des compétences dont elles doivent dis-poser en leur sein. Changer cette situation, c’est-à-direaccéder à la compréhension des singularités cultu-relles, constitue sans doute un préalable pour que leurdésir d’agir, de façon responsable, se concrétise d’unemanière vraiment efficace.

PHILIPPE D’IRIBARNE

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(13) Kenneth Labich, « The new crisis in business ethics », Fortune,April 20, 1992.

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La responsabilité socialedes entreprises plébiscitéepar les pays émergents(malgré ses ambiguïtés)

La responsabilité sociale des entreprises (RES) présente des aspectsplus diversifiés que l'on ne pourrait le croire a priori, ce qui en faitun concept ambigu. De par ses origines multiples et intriquées (des origines philoso-phiques, utopistes, religieuses et paternalistes), mais aussi de par la

vision « utilitariste » qui s’attache à la RSE (la réduction de certains risques pourl'entreprise, qui serait, à terme, synonyme d’une maximisation des profits).Ces origines multiples interagissent avec des contextes et des besoins euxaussi divers : de nombreux pays émergents (comme la Chine, l'Inde ou leBrésil) voient dans la RSE le moyen de contenir une pression sociale et poli-tique découlant des fortes inégalités existant dans lesdits pays.D’où la complexité de l’interaction entre la RSE et les Pouvoirs publics. Lesentreprises, par le biais de la RSE, peuvent compenser certaines limites del’action publique. A contrario, les Pouvoirs publics disposent souvent de lapuissance et de la légitimité nécessaires pour leur permettre d’amener lesentreprises à participer à une meilleure régulation de la vie économique etsociale.

par Michel DOUCIN*

LA NOTION

DE PERFORMANCE

ET SES VARIATIONS

La responsabilité sociale des entreprises (ou RSE)est depuis quelques années l’objet d’un engoue-ment général. Sur tous les continents, des groupes

d’entreprises adhèrent au Pacte Mondial des NationsUnies (lancé par le Secrétaire général de l’ONU, KoffiAnan, en 1999) et, aujourd’hui, près de 6 000 groupessont engagés dans la RSE. En septembre 2010, la

norme de responsabilité sociétale ISO 26 000 a étéadoptée par un vote positif de 93 % des 90 Etats par-ticipants, exprimé par le biais des organismes de nor-

* Ambassadeur chargé de la bioéthique et de la responsabilité sociale desentreprises.

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MICHEL DOUCIN

RÉALITÉS INDUSTRIELLES • MAI 2011 25

malisation. Le Conseil des droits de l’Homme desNations Unies est en voie d’adopter des Principesdirecteurs pour les droits de l’Homme et les entre-prises, lesquels se voient promis une adoption à l’una-nimité des suffrages…Un tel enthousiasme pour les droits sociaux, environ-nementaux et humains (auquel participent les grandspays émergents) est rassurant, dans un monde quisemble généralement surtout emporté par la courseaux profits.Mais un malentendu ne se cache-t-il pas derrièrecette adhésion apparemment unanime au concept ?La définition généralement citée en Europe, celle dela Commission européenne qui considère la RSEcomme la démarche par laquelle « les entreprisesintègrent les préoccupations sociales, environne-mentales et économiques dans leurs activités et dansleurs interactions avec leurs parties prenantes surune base volontaire » (1), est-elle vraiment univer-selle ?Quelques indices permettent de douter de l’existenced’une conception simple et universelle de la RSE.En Chine, la RSE fait l’objet de directives gouverne-mentales s’adressant aux entreprises publiques et auxentreprises exportatrices aux fins de réaliser une« Société d’Harmonie » et d’améliorer l’image inter-nationale du pays. Le Gouvernement danois déclare,quant à lui, sur son site Internet, que la RSE est unemanière de définir une marque collective de qualitépour l’industrie nationale, dans l’objectif de conqué-rir de nouveaux marchés étrangers. En Inde, lesautorités encouragent la RSE en tant qu’outil pourcontenir des menaces de révoltes populaires, dont laglobalisation, amplificatrice des inégalités sociales,est porteuse. Les écoles de management anglo-saxonnes y voient, quant à elles, une nouvelle façonde traiter consommateurs, actionnaires, ONG, etc.,permettant d’anticiper les évolutions de leursattentes et de réduire les risques d’être l’objet decampagnes de dénigrement et, finalement, pourmaximiser les profits à terme … Il ne semble pas quel’on parle exactement de la même chose. Comments’y repérer ? Qu’est-ce qui pousse les pays émergentsà se rallier à un concept qu’ils soupçonnaient naguè-re de cacher une menace protectionniste à leurencontre ?Toutes ces interprétations ont en réalité un tronccommun, chaque branche correspondant aux diver-gences exprimées par les pays en fonction de leurexposition à des contextes sociaux, économiques etpolitiques différents. Un détour par l’histoire permet-tra de caractériser ce tronc, avant de repérer les diffé-rents surgeons auxquels il a donné naissance, en par-ticulier dans les pays émergents, qui sont autant denuances dans l’interprétation de la RSE.

AU COMMENCEMENT ÉTAIENT LES PHILOSOPHES

Les ouvrages qui présentent le concept de RSE citent,en général, quelques industriels qui, dans les années1930, puis dans les années 1950, touchés par la grâced’une éthique aux fondements chrétiens, auraientsoudainement décidé d’ajouter à leurs objectifs deprofit et de satisfaction de leurs actionnaires le bien dela société, l’équité et le bonheur de leurs employés. Unéconomiste, Howard R. Bowen, est cité comme lefondateur de sa forme théorisée, dans un livre (publiéen 1953) devenu célèbre, Social Responsibilities of theBusinessman. D’après lui, le fait que les grandes firmes« constituent les véritables centres de pouvoirs quidéterminent la vie des citoyens » est source de tensionsdans la société ; « la liberté unique de prise de décisionéconomique dont bénéficient des millions d’hommesd’affaires privés […] ne peut être justifiée que si elleest bonne pour l’ensemble de la société » (2) (3).Le fait que Social Responsibilities of the Businessman aitété écrit à la demande d’un comité d’étude du FederalCouncil of the Churches of Christ in America pourraitsuggérer à certains l’opinion que les pères de la RSEont cherché à sublimer les tourments que leursconvictions religieuses suscitaient dans leur âme : ilsétaient une minorité riche vivant du travail de genspauvres… ; quelque œuvre sociale serait donc denature à apaiser leur conscience. Cette idée mérite toutefois d’être replacée dans descadres historiques et géographiques moins exigus.Tout d’abord, une certaine parenté peut être repéréeentre la RSE et le courant utopiste qui s’est développéà l’aube du capitalisme (en Europe et en Amérique duNord), inspiré par les Lumières. Après l’expérience deClaude Nicolas Ledoux (avec la Saline Royale d’Arc-et-Senans), les idées de Charles Fourier, populariséesaux États-Unis par Albert Bisbane (auteur, en 1840,de Social Destiny of man), ont inspiré plusieursdizaines d’expériences (4). Une partie de ce qui seraappelé plus tard « RSE », à savoir la dimension « redis-tribution sociale », est alors déjà posée.

(1) Communication du 22 mars 2006.

(2) Social Responsibilities of the Businessman, pp. 6-7.

(3) D'ailleurs, quelques décennies auparavant (dès 1920), Max Weberécrivait que le capitalisme appelait des justifications d’ordre éthique oureligieux, résumées dans la notion d’« esprit du capitalisme ».

(4) Citons, par exemple, la communauté agricole de Pacon Mountains(1842), la communauté évangélique de Northampton fondée par lerévérend William Adams (1843), la communauté de Brook Farm(1844), la North American Phalanx (1843)… En Europe, Jean-BaptisteGodin, après avoir financé l'expérience du phalanstère de La Réunion deVictor Considérant, au Texas (1855), a entrepris, à partir de 1859, decréer un univers humaniste autour de son usine de Guise. A son achève-ment, en 1884, le Familistère, prospère, emploie 1 500 personnes etGodin lance une expérience similaire en Belgique, à Laeken. ThomasBata construit en 1931 la cité de Bataville, en Lorraine, qui offre à ses2 700 ouvriers de la chaussure, commerces, écoles, piscine et église.

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LA NOTION DE PERFORMANCE ET SES VARIATIONS

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LE MAL CONSIDÉRÉ « PATERNALISME »

Une autre filiation est celle de la tradition dite pater-naliste. Elle est l’héritière du catholicisme social, mar-qué par l’Encyclique Rerum Novarum de 1891. Cecourant a été très présent et persiste, dans l’Europe duNord (en particulier dans les industries minière etsidérurgique), ainsi qu’en Amérique latine. Les Eglisesprotestantes encourageront de nombreuses initiativessimilaires. En France, on cite volontiers les entreprisesMichelin, Auchan, Leclerc, Ouest-France, dont lesdirigeants manifestent un souci de dialogue avec leursemployés et d’effacement de la frontière entre capitalet travail par une politique d’intéressement… encontournant parfois l’intermédiaire syndical.Cette tradition s’est exprimée dans d’autres cultures.En Inde, Jamsetji Tata expliquait, en 1895 (vingt-et-un ans après la création du conglomérat qui porte sonnom), sa vision des choses dans les termes suivants :« Les intérêts des actionnaires étaient aussi les nôtreset la santé et le bien-être des employés étaient les fon-dations de notre prospérité durable » (5). Il avait mis

en place, pour ses employés et leur famille, une méde-cine du travail et des congés de maternité, construit etfinancé des écoles, des universités, des musées, deshôpitaux... Ces infrastructures étaient aussi accessiblesaux populations installées à proximité de ses usines.Car « chaque entreprise a une responsabilité spécialepermanente vis-à-vis des populations des territoiresoù elle est implantée et sur lesquels ses employés etleurs familles vivent. » (6)D’obédience religieuse zoroastrienne, Jamsetji Tataajoutait que la charité étant dégradante pour qui lareçoit, il fallait créer des coopératives favorisant l’ini-tiative individuelle. Il avait été formé en Grande-Bretagne, où il avait été à la fois impressionné par lesravages sociaux de la Révolution industrielle et attirépar les idées utopistes des milieux intellectuels qu’ilfréquentait. Cette « nouvelle culture industrielle »,lancée et cultivée par la famille Tata, et qui perdure

(5) The Creation of Wealth (R.M. Lala, Penguin Viking, p. XVII).

(6) Idem, p. 184-185.

« Après l’expérience de Claude Nicolas Ledoux (avec la Saline Royale d’Arc-et-Senans), les idées de Charles Fourier ont ins-piré plusieurs dizaines d’expériences. Une partie de ce qui sera appelé plus tard « RSE », à savoir la dimension ’’redistributionsociale’’, est alors déjà posée ». La répartition en nature des bénéfices au Familistère de Guise fondé par Jean-Baptiste Godin (1817-1888). Gravure de 1896.

© Coll.KHARBINE-TAPABOR

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aujourd’hui, a fait école en Inde, dans tous les secteursindustriels. Le paternalisme représente aujourd’hui une pratique decaractère relativement universel. Les fondations d’en-treprise existent sur tous les continents ; elles offrent àleurs salariés des services sociaux et financent desactions sociales au profit des « communautés » avec les-quelles les entreprises sont en relation. Au Brésil, parexemple, on évaluait à 174 millions d’euros (en 2009)leurs programmes, leurs priorités allant à l’éducation,au développement des communautés locales, à la santé,à la pratique du sport, à la formation professionnelle età l’alphabétisation (7). En Inde, une étude d’Ernst &Young (de juin 2010) portant sur quarante grandesentreprises indique que 55 % ont créé des fonda-tions qui privilégient l’éducation (85 % d’entre elles s’yconsacrent), puis la santé (67 %), le développementrural et le soutien social (57 %).Le modèle est plus développé dans les pays ayant optépour l’économie de marché. Face à la montée de lalutte des classes, à la fin du XIXe siècle, il importait demontrer que le capitalisme pouvait être humain etoffrir des réponses sociales aux conséquences de lapaupérisation. La crise de 1929 amena les premièresinterventions publiques dans l’économie aux Etats-Unis, et avec elles une réaction des milieux patronauxsoucieux d’éviter que le New Deal aille trop loin dansla « socialisation de l’économie » (une question jamaisépuisée, comme le montrent les accusations que por-tent aujourd’hui les « Tea Parties » à l’encontre de l’ad-ministration Obama). Puis, lorsque l’essor soviétiquedes années 1945-50 donna naissance à une vague denationalisations dans le monde entier, l’entreprisepaternaliste tint à souligner que ses solutions étaient,au plan social, de qualité au moins égale à celles desentreprises d’Etat. Ainsi, Tata s’enorgueillit d’avoiréchappé à la nationalisation, dans les années 1950,grâce à une grève de ses ouvriers, qui craignaient deperdre les avantages acquis dans le domaine social. Lesuccès de la pensée de Bowen se situe dans ce contex-te. L’histoire de la RSE accompagne, depuis le XIXe

siècle, celle des grandes crises politiques et écono-miques de la planète.

LE CHOC DE LA PUISSANCE DES ENTREPRISESTRANSNATIONALES

Ce n’est toutefois que dans les années 1970-80 que seproduit véritablement la construction d’un conceptde RSE qui prend son envol par rapport à la visionpaternaliste du management. A cette même époque seproduit la prise de conscience de l’apparition d’ac-teurs économiques privés qui échappent au contrôledes Etats du fait de leur poids économique et de leur

nature transnationale. La complicité d’entreprisesétrangères avec les auteurs de coups d’Etat dans plu-sieurs pays est, à l’époque, un révélateur brutal duphénomène. La réticence de l’entreprise UnionCarbide à reconnaître sa responsabilité dans la catas-trophe de Bhopal, en Inde (qui provoqua en 1984 ledécès d’au moins 20 000 personnes et des centainesde milliers de malades chroniques), est un autre choc.L’Organisation pour la Coopération et leDéveloppement Economique, reprenant le flambeaud’un projet de Code de bonne conduite qui avaitéchoué aux Nations Unies, adopte en 1976 desPrincipes directeurs pour les entreprises multinatio-nales. Ceux-ci affirment que « les entreprises peuventapporter des bénéfices tangibles aux pays du siègecomme aux pays d’accueil […] et jouer ainsi un rôleimportant dans la promotion du bien-être écono-mique et social [… ainsi que] surmonter les difficul-tés que leurs diverses opérations peuvent engendrer(liées notamment à leur puissance économique). »Une double responsabilité est ainsi posée par une ins-titution intergouvernementale : ne pas abuser de lapuissance pour mal agir et contribuer au bien-êtreéconomique et social.

UN MANAGEMENT NON PROPRIÉTAIRE ENQUÊTE DE LÉGITIMITÉ

Un second phénomène se produit, la financiarisationde l’économie. Elle se traduit par un poids grandissantde l’actionnariat et la séparation entre propriété et ges-tion. De nouvelles règles de gouvernance sont àinventer pour organiser la relation entre le manage-ment salarié et les nouveaux propriétaires, dont l’af-fectio societatis se limite souvent à un désir de fort ren-dement actionnarial. Le concept d’« attente de la société » (au-delà desactionnaires, les shareholders) conduit à la théorie des« parties prenantes », les stakeholders. L’économisteEdward Freeman définit ceux-ci en 1984 comme« n’importe quel groupe dont le comportement col-lectif peut affecter de manière directe le futur de l’or-ganisation, mais qui n’est pas sous son contrôledirect » (8). Les managers, distincts des propriétaires,ont à gérer la complexité des relations de l’entrepriseavec un ensemble de groupes aux attentes parfoisantagonistes. Sous la pression des économistes clas-siques, pour qui le « business of business is business »(Milton Friedman) (9), c’est-à-dire pour lesquels l’en-

(8) FREEMAN (R. E.), Strategic Management: A Stakeholder Approach,Pitman, Boston. - FREEMAN (R. E.) & REED (D. L.), “Stockholdersand Stakeholders: A New Perspective on Corporate Governance”,California Management Review, 25: 3, Spring, pp. 88-106, 1983-1984.

(9) « The social responsibility of business is to increase its profits », TheNew York Times Magazine, 13 septembre 1970.(7) Note du Consulat général de France à São Paolo (de mars 2010).

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treprise n’a d’autre vocation que de faire des profits, seconstruit peu à peu une vision managériale de la RSEarticulée autour de deux notions : la minimisation desrisques qui seraient attachés à une mauvais évaluationdes attentes des parties prenantes et l’optimisation dela performance globale, grâce à l’intégration intelli-gente de ces attentes. Le manager-salarié acquiert unelégitimité nouvelle dans l’exercice d’une fonctiond’arbitrage entre les intérêts divergents des partiesprenantes.

LA RSE UTILITARISTE

Dès lors, la RSE apparaît comme une forme de pilo-tage stratégique de l’entreprise permettant d’anticiperles évolutions des goûts des consommateurs ou lesréglementations sociales et environnementalesfutures, de susciter la motivation créatrice des salariéset de prévenir les atteintes à la réputation de l’entre-prise (et donc à sa valeur actionnariale). Elle donne àl’entreprise responsable un avantage comparatif. Danscette approche « utilitariste » de la RSE, l’éthique n’aplus guère de place. Cette conception rencontre un écho certain, y com-pris dans certains pays émergents. En Chine, lesPrincipes directeurs pour les entreprises publiques(promulgués en 2010 par l’Etat) retiennent huitprincipes méthodologiques, dont ceux « d’améliorerla capacité de réaliser des profits durables en privilé-giant des processus décisionnels scientifiques etdémocratiques, d’améliorer la qualité du produit et leservice dans un esprit de protection de l’intérêt desconsommateurs, seul chemin pour instaurer unebonne image et de promouvoir l’innovation indé-pendante et l’avancée technologique en accroissantl’investissement dans la recherche et le développe-ment » (10). Dès 2007, la norme CSC 9000 T a étéconçue pour l’industrie textile chinoise comme uneméthodologie pour préparer sa nécessaire mutationvers des créneaux de production à plus forte valeurajoutée ; elle explique aux industriels commentdélaisser leurs méthodes archaïques de managementau profit du développement de la prise de responsa-bilité et de la formation du personnel, qui sontsources de gains de productivité. Au Brésil,300 industriels de la canne à sucre poursuivant unobjectif de doublement de leurs surfaces plantéesd’ici à 2020 accompagnent d’un programme de« RSE » une mécanisation qui entraînera le licencie-ment des deux tiers des coupeurs, des coupeurs quise voient offrir des primes de productivité, des loge-ments améliorés, des formations à la sécurité, dessérums de réhydratation, des cours de gymnastique,

ainsi que des stages de recyclage (pour ceux quiseront licenciés). La corporation s’engage en outredans un programme d’élimination de la culture surbrûlis et de protection de la forêt. Avec la vision « utilitariste », un premier écart, net,s’effectue par rapport au tronc ancestral « paternalis-te » de la RSE : la sève de l’éthique et de la philan-thropie se fait discrète.

LA RSE MÉTHODE DE GESTION DES RISQUESSOCIAUX

L’un des mentors de la RSE en Inde, Arun Maira,membre de la Planning Commission et de nombreuxconseils d’administration, complète le raisonnementutilitariste en y ajoutant une dimension politique :« En Inde, l’entreprise se voit accorder par le gouver-nement davantage de libertés […], mais les gouverne-ments issus d’élections ne pourront continuer […]que si le peuple considère équitables le capitalisme etle développement fondé sur l’économie de marché »(11). Il établit un rapport entre les difficultés rencon-trées par des entreprises (telle Tata) pour acheteraujourd’hui les terrains nécessaires au développementde leurs implantations industrielles et la persistanced’une pauvreté de masse : la petite paysannerie préfè-re subsister sur ses maigres lopins de terre plutôt qued’aller grossir les masses désœuvrées et misérables desmégapoles. Il plaide pour un engagement des entre-prises, au côté des autorités publiques, dans la fourni-ture de services essentiels aux communautés qui lesentourent. L’entreprise, pour obtenir un « permissocial d’opérer » (comme disent certains théoriciens),se doit de considérer que parmi ses parties prenantesfigure l’ensemble de son environnement social. Celui-ci est porteur du risque fatal d’un rejet total si desactions sociales ne lui sont pas apportées par la puis-sance qui lui est le plus immédiatement accessible, àsavoir l’entrepreneur privé. Dans les principaux pays émergents, ceux où la crois-sance à deux chiffres produit un creusement vertigi-neux des inégalités, la même approche peut êtreobservée. En Chine, les lignes directrices pour lesentreprises publiques indiquent ainsi que la « mise enœuvre de la RSE est non seulement leur mission etleur responsabilité, mais aussi une attente ardente etune exigence du public ». Le modèle chinois de déve-loppement choisi depuis Deng Xiaoping, fondé surdes salaires très bas qui ne permettent pas de com-penser la disparition des systèmes de protection socia-le, provoque grèves et mouvements sociaux pardizaines de milliers chaque année. Se sentant menacéet ne voulant pas faire machine arrière dans sa marche

(11) ARUN (Maira), Transforming capitalism, Business leadership toimprove the world for everyone, 2008.

(10) Principes directeurs adressés aux entreprises publiques chinoisesdirectement reliées au gouvernement central, en matière de RSE,publiés par le CSR Research Center, Chinese Academy of Social Sciences.

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rapide vers le capitalisme, le Gouvernement chinoisvoit dans la RSE une issue possible à sondilemme politique : les entreprises doivent assumerleur part de la construction des filets de protection quipermettront d’éviter l’explosion redoutée. LaFondation de la Croix Rouge chinoise, associée à septministères, organise depuis 2007 un « Forum RSE »qui récompense par une remise de prix (retransmisepar la télévision) les entreprises dont la générositépour les causes humanitaires est jugée exemplaire.Consciente de la divergence entre philanthropie etutilitarisme, la norme ISO 26 000 (adoptée en sep-tembre 2010) a retenu une rédaction alambi-quée : « La philanthropie [...] peut avoir un impactpositif sur la société. Toutefois, il convient qu’elle nesoit pas utilisée par l’organisation comme un substitutà l’intégration de la responsabilité sociétale en sonsein », et « les investissements dans la société n’ex-cluent pas la philanthropie (dons, bénévolat et dona-tions, par exemple) ».

QUEL POUVOIR POUR LES « PARTIESPRENANTES » ?

En sus de l’opposition entre philanthropie et visionutilitariste, une autre ligne de clivage apparaît dansl’interprétation de la doctrine managériale de la RSEautour de l’implication des parties prenantes. R. E.Freeman propose, comme on l’a vu, de refonder lastratégie de l’entreprise autour de parties prenantes(12). Celles-ci peuvent être nombreuses : on peut dis-tinguer les parties prenantes internes (actionnaires,employés) et les parties prenantes externes ; parmi cesdernières, les institutionnels (autorités publiques,organisations professionnelles…), les parties pre-nantes économiques (les fournisseurs, clients, ban-quiers…) et les parties prenantes « éthiques »(ONG…). Dès lors, se pose la question du choix etdes modalités de collaboration avec telle ou telle deces parties prenantes.ISO 26 000 a figé un compromis fondé sur un motambigu, « dialogue ». Celui-ci « peut prendre plu-sieurs formes. […] Il peut se dérouler dans le cadre deréunions informelles ou formelles, sous diversesformes, telles qu’entretiens individuels, conférences,ateliers, audiences publiques, tables rondes, comitésconsultatifs, procédures régulières et structurées d’in-formation et de consultation, négociations collectiveset forums interactifs sur la Toile. Il convient que ledialogue avec les parties prenantes soit interactif ». Lechoix est vaste…

Si ce document a été adopté par un large consensus,plusieurs délégations ont fait entendre leurs réservessur les expressions « dialogue interactif » et « négocia-tions collectives ». Ce qui est en jeu est la mise en causede l’autorité patronale au profit d’un modèle de mana-gement participatif recherchant le consensus. Le cliva-ge sur ce sujet est accentué lorsque la partie prenanteenvisagée est un syndicat : le management européen aprogressivement accepté d’étendre le dialogue socialaux différents sujets englobés par la RSE, ainsi qu’enattestent les 86 « accords cadres internationaux » exis-tants, en très grande majorité européens (13).En revanche, on constate un refus massif de l’implica-tion syndicale en dehors du continent européen.

LE DÉVELOPPEMENT SOUTENABLE ET LA PLACEDES ETATS

Le Sommet de la Terre de Rio, dont on fêtera le ving-tième anniversaire en 2012, a affirmé dans sa résolu-tion finale que toutes les catégories d’acteurs consti-tuant la communauté humaine ont un rôle égal àjouer pour assurer la durabilité de notre planète. Cetengagement unanime a montré récemment seslimites, d’abord à Copenhague, puis à Cancun. A lafin de la négociation ISO 26 000, sous la menace d’unvote hostile de certains grands pays émergents, a dûêtre admis l’ajout d’une phrase notant l’existencede « différences sociétales, environnementales, juri-diques, culturelles, politiques […], ainsi que celle dedifférences de conditions économiques » entre lespays, entraînant une diversité des niveaux de respon-sabilité des entreprises dans le combat pour le sauve-tage de notre biosphère. Cette question du rôle des différents pays est liée àune autre : la RSE peut-elle se passer d’un encadre-ment par les Pouvoirs publics ? Une réponse ferme-ment hostile à un tel encadrement a été apportée, toutau long des dernières décennies du XXe siècle. C’étaitle corolaire du fameux « consensus de Washington »(14), qui imputait aux forces du marché des capacitésrégulatrices absolues. Ce dogme passait par pertes etprofits la plupart des fonctions assumées par les Etatsdu modèle européen. Or, quelques grandes crises, audébut du troisième millénaire, dont plusieurs étaientdues à l’emballement de marchés, ont fait naître l’idéeque les Etats n’étaient peut-être pas totalement illégi-times en tant que régulateurs, y compris dans ledomaine de la RSE.

(12) FREEMAN (R. E.), Strategic Management: A Stakeholder Approach,Pitman, Boston. - FREEMAN (R. E.) & REED (D. L.), “Stockholdersand Stakeholders: A New Perspective on Corporate Governance”,California Management Review, 25: 3, Spring, pp. 88-106, 1983-1984.

(13) Etude ORSE - Ministère des Affaires étrangères et européennes,parue en décembre 2010 (www.orse.fr).

(14) Corpus de mesures pour les économies très endettées appliqué parla Banque mondiale et le Fonds monétaire international à partir de1989 consistant en une réduction drastique des dépenses publiquesrecentrées sur les activités régaliennes des Etats et, corrélativement, enune privatisation et une libéralisation généralisées.

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Le fait de veiller à la véracité des informations don-nées par les entreprises sur leurs comportementssociaux et environnementaux qui contribuent à leurvaleur financière, pouvait, par exemple, présenter unintérêt pour la protection des actionnaires. Mettre enplace des systèmes de surveillance de leurs potentielsimpacts négatifs dans les pays où la législation estlaxiste, pouvait protéger les consommateurs. Etmême si les « parties prenantes » sont invitées au dia-logue par l’entreprise, il ne s’agira jamais que de sescontemporains et il manquera toujours les « généra-tions futures ». Or, ce sont les Etats qui peuvent lemieux exprimer les intérêts de ces dernières. La ques-tion du rôle régulateur des Etats dans la RSE a révé-lé un clivage entre, grosso modo, les pays à tradition dewelfare state ou à dirigisme économique, d’un côté, etles pays libéraux ou à gouvernance très faible, del’autre. Dans la première catégorie, on trouve une grande par-tie de l’Europe et des pays comme la Chine et l’Inde :les gouvernements de ces deux pays ont, par exemple,élaboré des normes sur la gouvernance de leurs entre-prises publiques et privées. Les bourses de Shanghai etShenzhen, mais aussi celles de Kuala Lumpur, deSingapour, de Johannesburg et de São Paolo, qui sontdes institutions sous tutelle publique, requièrent desentreprises cotées qu’elles publient des informationsextra-financières. Les autorités judiciaires de ces paysjouent aussi leur partie. Mérite d’être citée une déci-sion de la Haute Cour de l’Etat indien du Kerala de2006 : « L’Etat a le devoir de protéger les nappesphréatiques contre une exploitation excessive et soninaction à cet égard constitue une violation des droitsdu peuple garantis par l’article 20 de la Constitutionindienne ». Le gouvernement des Pays-Bas proclame,quant à lui, sur son site Internet CSRNetherlands : « De prime abord, la RSE semble rele-ver de la responsabilité du “monde de l’entreprise” ;néanmoins, le gouvernement, en mettant en œuvre lescadres juridiques ainsi que les investissements néces-saires au développement durable, à la participation età la cohésion sociale, joue un rôle déterminant dans cedomaine. » Dans la seconde catégorie, celle des pays moins inter-ventionnistes, citons la prudence de la « StratégieNationale pour la RSE » adoptée par le gouvernementallemand, le 6 octobre 2010 : l’objet de cette stratégieest « de définir un cadre qui vise d’abord à permettreaux forces du marché de se développer et, simultané-ment, de chercher à combiner la liberté d’initiativeavec une active pratique de la responsabilité ». Elleinsiste sur le caractère purement incitatif de son orien-tation.Car, autour de cette question, en rôde une autre : si laRSE a jusqu’ici été considérée comme de l’ordre de lasoft law puisque « volontaire », ne doit-on pas consi-dérer qu’il y a place aussi, dans sa promotion, pour desrègles obligatoires, comme celles que la France a ini-tiées avec l’obligation légale de reporting social et envi-

ronnemental, pour les plus grandes entreprises (laFrance ayant été suivie en cela par le Danemark, laMalaisie et quelques autres pays) ?En réalité, la frontière entre « volontarisme » et« contrainte » qui a structuré le discours sur la RSEdepuis ses origines tend à s’estomper. Certains Etats(non des moindres) franchissent le pas en présentantla RSE comme un mélange de genres. Les Principesdirecteurs chinois (précités) ont pour première exi-gence que soit pratiqué « un commerce légal et hon-nête en respectant les règlements, lois, conventions etrègles commerciales », et comme septième exigencecelle de « protéger les droits des travailleurs à travers lasignature et le respect d’un contrat de travail, du prin-cipe de non-discrimination et l’application desconventions collectives de représentation du person-nel » (des objectifs figurant tous dans des lois).

LES DÉSILLUSIONS DE LA « FIN DE L’HISTOIRE »

Si, au premier abord, la responsabilité sociale desentreprises paraît être un concept simple, une analyseplus fine fait donc apparaître bien des ambiguïtés,pour ne pas dire des contradictions. L’utilitarisme,plutôt penché sur le court et moyen terme, ne fait pasfacilement bon ménage avec le développementdurable ni avec la philanthropie. Pourquoi, dès lors,ce concept connaît-il un succès quasi universel ? Etpourquoi suscite-t-il cette vogue toute particulière,chez les grands pays émergents, d’habitude si méfiantsvis-à-vis de tout ce qui vient du « Nord » ?La réponse tient sans doute pour beaucoup aumoment de l’histoire de l’humanité que nous traver-sons, que certains appellent « la crise du capitalisme ».L’époque où la responsabilité sociale des entreprisesconnaît ce succès est, en effet, celle où se produisenttrois événements :- le premier de ces événements est la disparition de laplupart des régimes à économie dirigée (avec la chutedu mur de Berlin et les réformes de Deng Xiaoping,en Chine), ce qui laisse croire à l’avènement universelde l’économie de marché (voire, comme certains ontvoulu le croire, à une « fin de l’Histoire ») ;- le second est l’explosion des sociétés civiles organi-sées, partout dans le monde, qui revendiquent (etobtiennent) la reconnaissance de leur place, y comprisdans la définition d’orientations macro-sociales (lesconclusions de la déclaration finale de la conférencede Rio, tenue en 1992, qui reprennent très largementles propositions des ONG, en sont un exemple) ;- le troisième événement est, à la fin de la décennie2000, l’abandon du « consensus de Washington » parles institutions de Bretton-Woods, qui lancent desprogrammes de lutte contre la pauvreté dont ellesconfient la responsabilité à des Etats ; ceux-ci sontainsi réhabilités dans leur rôle économique et invités àcollaborer avec leur société civile.

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Ces trois événements dessinent un cadre politiquenouveau qui adresse un message fort aux entreprises.Elles sont invitées à profiter pleinement des nouveauxhorizons ouverts par la globalisation des marchés, touten prenant garde à ne pas en abuser, car de nouvellesforces sociales apparaissent, qui exerceront une vigi-lance en la matière. D’autre part, les Etats sont à larecherche d’une nouvelle gouvernance (aux niveauxnational et mondial), qui permettrait de contrebalan-cer les effets potentiellement pervers d’un marchéauquel ils ne voient pas d’alternative. Une bonne uti-lisation de la RSE, comprenant la mise en œuvre de lathéorie des stakeholders, leur apparaît susceptibled’aboutir à des compromis acceptables. De là découle l’apparition d’un nouveau (et dernier)rameau de la RSE, l’approche par le « bas de la pyra-mide », qui assigne aux entreprises une responsabilité,aux côtés des Pouvoirs publics, dans la lutte contre lapauvreté. Un des exemples les plus célèbres est le par-tenariat entre Danone et la Grameen Bank, auBengladesh, pour la production de yaourts enrichis ennutriments par de petites unités artisanales et leur dis-tribution par un réseau de femmes assumant simulta-nément d’autres fonctions sociales auprès de popula-tions très pauvres. Le déficit du « business case », dû autrès faible prix de vente, devrait à terme être pallié par

les revenus de la SICAV Danone Communities. Unautre exemple mérite d’être cité, car il est significatifd’une évolution vers le partenariat avec les Pouvoirspublics : en Inde, Edenred (ex-Groupe Accor) travaillegratuitement avec le Gouvernorat du Maharastrapour créer une carte biométrique infalsifiable qui per-mettra une meilleure distribution de l’aide alimentai-re aux pauvres et mettra fin aux fraudes (évaluées à40 % du total du budget mobilisé à cette fin). Despartenariats comparables existent aussi au Brésil etdans d’autres pays d’Amérique latine.De fait, la confiance du public a été considérablementaffaiblie par le chômage massif, les brutales évictionsde logements acquis à crédit, la fonte de la valeur del’épargne, etc. Le creusement des inégalités dans lespays en développement apparaît explosif (ainsi que lesrécents événements du Proche-Orient l’ont montré),de même que la persistance de jacqueries et de gué-rillas d’inspiration marxiste dans une dizaine de pays(dont l’Inde, où la rébellion naxaliste couvre près d’uncinquième du territoire). A l’exception des entreprisesde l’économie sociale, la gouvernance n’a que rare-ment été sérieusement infléchie par le dialogue avecles parties prenantes. Le dernier mot revient toujoursà un management tenu de produire des résultatsfinanciers convenant aux actionnaires.

« Un des exemples les plus célèbres est le partenariat entre Danone et la Grameen Bank, au Bengladesh, pour la produc-tion de yaourts enrichis en nutriments par de petites unités artisanales et leur distribution par un réseau de femmes assu-mant simultanément d’autres fonctions sociales auprès de populations très pauvres ». Franck Riboud, PDG de Danone avecMuhammad Yunus, fondateur de la Grameen Bank, lauréat du prix Nobel de la Paix 2006, Paris, le 22 avril 2010.

© Pascal Sittler/REA

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La RSE, avec ses interprétations diverses et diver-gentes, apparaît trop incertaine pour constituer unvéritable guide, précis et sûr, dans la mutation ducapitalisme que l’on observe sans en deviner la direc-tion finale. Il est frappant de constater que tout enl’invoquant, un nombre croissant de pays mettent enplace des règles obligatoires pour encadrer l’activitééconomique privée. La déception qui s’exprime vis-à-vis d’une responsabi-lité sociale exercée souverainement par les entreprisesavait d’ailleurs été annoncée par A. Bowen, le fonda-teur du concept : « Les problèmes économiques denotre société (des problèmes tels que l’instabilité, l’in-sécurité, l’injustice et le manque de satisfaction) nepeuvent pas être résolus en renvoyant simplement à laresponsabilité de l’entreprise ». D’où le besoin « dedévelopper un ensemble de standards généralementacceptés ou de règles que les hommes d’affaires sontsupposés respecter ».La nécessité de vraies règles internationales construi-sant un cadre universel est apparue dès les années1970, puis elle a rebondi, avec notamment la créa-tion du « Global Compact » (proposé par le Secrétaire

général des Nations Unies, Kofi Annan, lors duForum de Davos de 1999) et des Points de contactnationaux de l’OCDE, et elle connaît un regain trèsimportant aujourd’hui. Deux négociations interna-tionales en cours (au Conseil des droits de l’Hommedes Nations Unies et à l’OCDE), qui succèdent depeu à l’aboutissement d’ISO 26 000, ont précisé-ment cet enjeu. Le défi auquel elles sont confrontéesest la nécessité pour elles de converger avec les tra-vaux internationaux déjà existants (OIT, « GlobalCompact », ISO, Société Financière Internationale,GRI, etc.) et de construire un équilibre satisfaisantentre l’autorégulation collective privée et les régula-tions publiques. La France, dont la diplomatie est appréciée en raisonde ses positions non idéologiques sur un sujet tropsouvent abordé sous cet angle, joue un rôle importantdans les fora où ces négociations se déroulent. Le suc-cès de la large adhésion à la norme ISO 26 000,incluant plusieurs pays émergents importants, lui estlargement redevable. J’ai l’honneur de porter les cou-leurs de notre pays dans ces négociations. C’est unelourde, mais passionnante responsabilité.

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La responsabilité sociale des entreprises au Japon, de l’époque d’Edo à la normeISO 26 000 et à l’accidentnucléaire de Fukushima

Derrière une adhésion en apparence universelle au concept deResponsabilité sociale des entreprises (RSE) se cachent des différences d’ap-proche enracinées dans des traditions de pensée distinctes. Les valeurs japonaises de l’entreprise, qui remontent aux marchands de l’époqued’Edo et aux pionniers du capitalisme japonais de l’ère Meiji, ont toujours mis l’accentsur la diversité de ceux que l’on appelle aujourd’hui les « parties prenantes », c’est-à-dire de toutes les parties qui, au-delà des actionnaires, contribuent à la prospérité del’entreprise et doivent en partager les fruits. Importée d’Europe à partir de 2003, la RSE a fait l’objet d’une institutionnalisation rapi-de par des firmes japonaises soucieuses de se conformer aux standards mondiaux. LaRSE à la japonaise évoque peu les questions sociales (qui relèvent des valeurs japo-naises traditionnelles) ; elle privilégie les questions environnementales, la protection duconsommateur... Les ONG sont peu présentes au Japon et l’Etat se refuse à jouer unquelconque rôle directif, mais sa politique d’accompagnement est favorable à la RSEet devrait, par exemple, contribuer à la diffusion de la nouvelle norme ISO 26 000.Depuis mars 2011, une nouvelle phase s’est ouverte, lourde d’incertitudes : le trem-blement de terre le plus dévastateur de l’après-guerre et la situation de crise à la cen-trale nucléaire de Fukushima Daiichi devraient fondamentalement remettre en ques-tion les attentes des Japonais vis-à-vis de leurs entreprises et des Pouvoirs publics.

par Etienne ROLLAND-PIÈGUE*

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* Conseiller économique et financier à l'Ambassade de France au Japon.

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LES AUTEURS JAPONAIS FONT REMONTER L’ORI-GINE DE LA RSE À L’ÉPOQUE D’EDO (1600-1868)

Pour les colporteurs itinérants d’Ômi (une régionproche de Kyoto), qui bénéficient de la protection duShogun et établissent des réseaux commerciaux dansl’ensemble du Japon à l’époque d’Edo, l’acte de ventedoit être conforme au principe de « l’avantage trilaté-ral » (sanpô-yoshi) : il doit être « bon pour le vendeur »(urite yoshi), « bon pour l’acheteur » (kaite yoshi) et« bon pour la communauté » (seken yoshi). A titred’exemple, les marchands d’Ômi se rendaient dans laprovince de Dewa, au Nord-Ouest du Japon, pouracheter aux paysans de Mogami les fleurs de benibanaqui, une fois transformées, produisaient les colorantset les cosmétiques utilisés par les geishas du quartierde Gion, à Kyoto, contribuant ainsi à l’agrément deleurs clients : tout le monde y trouvait son compte etle souci de chacun de ces intérêts multiples était misen avant.

Plusieurs maisons de commerce (Itochû, Marubeni),chaînes de grands magasins (Takashimaya, Daimaru,Seibu) et groupes industriels (Kyocera, Toray) trou-vent leur origine dans ces familles de marchandsd’Ômi ; certaines ont gardé, dans leur charte d’entre-prise, une référence aux valeurs de l’époque d’Edo.

LORS DE LA RESTAURATION MEIJI (1868), LESFONDATEURS DU CAPITALISME NIPPON ÉTAIENTÉGALEMENT ANIMÉS PAR UNE RÉFLEXIONÉTHIQUE

Les premiers conglomérats industriels japonais ontadopté des principes qui reflétaient les valeurs de leursfondateurs et qui subsistent encore aujourd’hui, répé-tées qu’elles sont dans les « cérémonies du matin »

(chôrei) par lesquelles commence la journée de travaildans de nombreux ateliers et usines. Pour EiichiShibusawa, « père du capitalisme japonais » à l’originede la création de près de cinq cents entreprises et desix cents fondations ou établissements privés (dontl’université Hitotsubashi et la Maison franco-japonai-se, créée en 1924 avec l’ambassadeur Paul Claudel),l’entrepreneur doit à la fois cultiver la vertu (symboli-sée par les Analectes de Confucius, ou Rongô) et déve-lopper son sens des affaires (symbolisé par le boulier,ou soroban) : c’est la thèse de l’alliance entre Rongô etsoroban. Contrairement aux marchands de l’époqued’Edo, les capitaines d’industrie de l’ère Meiji, pour laplupart issus de la caste des samouraïs, mettent l’ac-cent sur la mobilisation des intérêts privés au servicede la puissance publique.

A CES VALEURS S’AJOUTE UNE AUTRE TRADI-TION JAPONAISE, CELLE DU SAVOIR-FAIREMANUFACTURIER

Ce savoir-faire, le monozukuri, plonge ses racines dansla tradition artisanale du Japon, dont certaines « mai-sons » ont plus de cinq cents ans : ainsi, l’atelier demenuiserie Kongô Gumi, spécialisé dans la construc-tion et l’entretien des temples et sanctuaires, estaujourd’hui dirigé par la trente-neuvième génération

Les marchands d’Ômi, des colporteurs itinérants qui ont uni-fié le marché japonais.

Eiichi Shibusawa, père du capitalisme japonais.

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de maîtres-artisans, mille quatre cents ans après sacréation (sans doute par un menuisier venu du royau-me de Paekje établi dans la péninsule coréenne). Al’art du travail bien fait, qui naît de la répétition desmêmes gestes, s’ajoutent des valeurs ancestrales quimettent en avant la frugalité, l’honnêteté, la diligenceet le respect de la parole donnée. La survie de l’entre-prise et sa pérennité passent avant la recherche du pro-fit. La doctrine du caveat emptor, qui défausse le fabri-cant d’une partie de sa responsabilité dans la qualitédu produit, ne s’applique pas dans le Japon tradition-nel, où l’engagement en faveur du client est total. Les valeurs du monozukuri se retrouvent dans lesentreprises créées au cours du XXe siècle, commeHonda, Toyota, Sony ou Canon, dominées par uneculture d’ingénieur qui valorise la prouesse technolo-gique et la satisfaction du client.

LA NOTION MODERNE DE RSE ÉMERGE DE LACONTRADICTION APPARUE ENTRE LES VALEURSAFFICHÉES ET LES PRATIQUES RÉELLES DESENTREPRISES

La période de haute croissance (qui débute à partir desannées 1950) voit se multiplier les cas de pollution etd’empoisonnement, dont le plus emblématique est lamaladie de Minamata qui frappe les habitants d’unebaie de la région de Kumamoto contaminée par dumercure. Les années 1970 sont celles de la prise deconscience des limites de la croissance. Trouvant leurorigine dans les campagnes anti-pollution et le mou-vement consumériste, les mouvements de citoyensremettent en cause la recherche effrénée du profit. Lapériode d’euphorie financière de la fin des années1980 stimule les activités de mécénat : la fédérationpatronale Keidanren crée un club pour les entreprisesqui consacrent plus de 1 % de leur bénéfice à la phi-lanthropie ; les achats d’œuvres d’art par les fonda-tions d’entreprises font grimper les prix des toilesimpressionnistes jusqu’à des niveaux astronomiques.

L’ANNÉE 2003 MARQUE UN TOURNANT

Une nouvelle vague de scandales met en lumière laduplicité d’entreprises qui n’hésitent pas à tromper leclient sur la qualité des marchandises ou à dissimulerdes informations compromettantes. Au pouvoirdepuis 2001, le gouvernement du Premier ministreJunichirô Koizumi impose un tournant à l’économie :le code de commerce est révisé pour permettre unmode de gouvernance d’entreprise inspiré du modèleaméricain, des investisseurs activistes commencent àquestionner les choix des dirigeants (qui n’avaient jus-qu’alors pas l’habitude de rendre des comptes à leursactionnaires) et l’investissement socialement respon-

sable fait son apparition. Au niveau international, unnombre croissant d’entreprises japonaises adhèrent auGlobal Compact des Nations Unies, la RSE est àl’agenda du sommet du G8 à Evian et la Commissioneuropéenne lance un processus multi-acteurs pourconcrétiser les principes adoptés dans la stratégie deLisbonne. De retour d’une mission d’étude enEurope, l’association des dirigeants d’entreprise japo-nais Keizai Dôyûkai publie un livre blanc sur la res-ponsabilité sociale des entreprises qui marque l’entréedu Japon dans l’ère de la « CSR » (Company SocialResponsibility). La CSR (c’est-à-dire la RSE) se consti-tue ainsi par l’importation de modèles occidentaux,notamment européens. Elle est toutefois marquée parquelques spécificités japonaises.

LA RSE TOUCHE DES ENTREPRISES JAPONAISESOÙ L’ATTENTION AUX DIVERSES COMPOSANTESDE LA COMMUNAUTÉ EST DÉJÀ TRÈS FORTE

Au-delà de l’intérêt de l’actionnaire, le managementdoit, conformément à la tradition japonaise, contri-buer au bien-être et à la prospérité des employés, desclients et fournisseurs et de la communauté dans sonensemble. Bien que les liens se soient distendus depuisvingt ans, les groupes d’entreprises (ou keiretsu) insè-rent l’entreprise dans un réseau de participations croi-sées, l’attachent à une banque principale et la rendentsolidaire des sous-traitants de premier et de secondrangs. La responsabilité vis-à-vis de ces parties pre-nantes consiste moins à leur rendre des comptes qu’àinclure leur bien-être dans les objectifs de l’entrepriseet à les protéger en mutualisant les risques.Etant donné l’attachement traditionnel des entre-prises japonaises aux diverses composantes de la com-munauté, la RSE importée d’Europe et des Etats-Unisn’apporte rien de bien nouveau pour ce qui est de l’at-tention apportée aux parties prenantes ; elle peutmême être considérée comme tendant à « déplacer lecurseur » en direction de l’actionnaire et de la créationde valeur en bourse.

LA DIMENSION SOCIALE DE L’ENTREPRISE JAPO-NAISE NE SE REFLÈTE GUÈRE DANS LA NOTIONMODERNE DE RSE

La dimension sociale de l’entreprise japonaise compor-te certes des forces, mais aussi des faiblesses… Du côtédes faiblesses, le Japon est souvent pointé du doigtpour le conformisme, l’absence de diversité et de créa-tivité, la pression exercée par le groupe au détrimentdes droits des individus, la place faite aux femmes (quisont souvent contraintes de choisir entre vie familialeet carrière) et, plus récemment, pour le développementdu travail précaire (qui recouvre désormais le tiers des

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emplois). Pour certains critiques, les heures supplé-mentaires non rémunérées s’apparentent à du travailforcé et violent les droits fondamentaux du travailleur.Du côté des forces, on peut mettre en avant la stabili-té offerte par l’emploi à vie, la vision de long terme,l’importance donnée à la formation continue, larecherche du consensus, un climat social apaisé per-mettant l’expression des salariés et de leurs syndicats, lacontribution des employés à la recherche de gains deproductivité, le faible écart de rémunération entrel’employé de base et le PDG… En tout état de cause, l’entreprise s’identifiant à sesemployés, les auteurs des CSR Reports ne ressententguère le besoin de rendre compte des aspects sociaux. Les données relatives aux ressources humaines sontconsidérées comme confidentielles et à l’usage stricte-ment interne de l’entreprise. Mises à part quelquesindications sur le quota de personnes handicapées, lenombre d’accidents du travail et la composition desconseils d’administration (invariablement masculinset composés quasi exclusivement de Japonais), cesrapports se contentent d’exposer de façon générale lapolitique des ressources humaines de l’entreprise. Onne trouve en général pas de données sur le turnover, lenombre d’étrangers employés, le pourcentage defemmes occupant des postes d’encadrement, lesconflits du travail ou les cas de violation du code deconduite de l’entreprise (harcèlement sexuel, etc.).Jusqu’à une date très récente, les entreprises ne se sen-taient pas concernées par la question des droits del’Homme, à l’exception très spécifique du « problèmedes Dôwa » (qui concerne les descendants de castesdiscriminées). Il n’existe pas, au Japon, d’ONG puis-santes capables d’exercer une pression sur l’entrepriseet les possibles violations des droits humains interve-nant dans la supply chain sont considérées comme endehors de la responsabilité de l’entreprise. Certes, unnombre croissant d’entreprises japonaises s’efforcent,depuis peu, de ménager un équilibre entre vie fami-liale et carrière. Mais la politique de lutte contre ladénatalité est encore considérée comme étant du res-sort exclusif de l’Etat et les entreprises japonaises sonttrès en retard sur leurs homologues européennes pourtout ce qui touche au rôle des femmes et à la place dela famille.

LES « CSR REPORTS » DES ENTREPRISES JAPO-NAISES PRIVILÉGIENT LA PROTECTION DE L’ENVI-RONNEMENT, L’INFORMATION DU CONSOMMA-TEUR ET LES ACTIVITÉS CITOYENNES ETPHILANTHROPIQUES

Les entreprises japonaises, qui ont adopté en masse lasérie de normes ISO 14 000, déclinent des objectifsde réduction de leur impact sur l’environnement.Elles sont également nombreuses à se conformer auxrègles de la « Global Reporting Initiative » pour mesu-

rer leur contribution au développement durable.Beaucoup de « CSR Departments » des groupes indus-triels japonais trouvent d’ailleurs leur origine dans lescellules créées pour intégrer l’environnement dans lastratégie de l’entreprise et les rapports qu’ils publientportent indifféremment pour titre « CSR Reports » ou« Sustainability Reports » (ou encore, mais de moins enmoins fréquemment, celui d’« EnvironmentalReports »). Proactives en matière d’environnement, les entreprisesjaponaises répugnent néanmoins à se voir imposer desrègles contraignantes et l’annonce, par le nouveaugouvernement issu des élections d’août 2009, d’objec-tifs ambitieux en matière de réduction des émissionsde gaz à effet de serre a provoqué une levée de bou-cliers dans le patronat nippon.

AU JAPON, LA DIFFUSION DE LA RSE PROCÈDED’UNE DÉMARCHE ESSENTIELLEMENT VOLON-TAIRE

Dans le débat entre la soft law volontaire et les règlesimposées par l’Etat, le Japon se situe résolument ducôté libéral. En général, les règles sont introduites auJapon par les entreprises qui ont été confrontées à laproblématique de la RSE dans le cadre de leurs activi-tés en Europe et aux Etats-Unis et dont le siège déci-de d’adopter une politique de RSE au niveau mon-dial. Les autres entreprises du secteur calquent alorsleur comportement sur ces pionniers et diffusent lesnouvelles pratiques selon un cycle PDCA (« plan-do-check-act »). Une fois les objectifs adoptés, l’exécutionsuit et les entreprises attachent une grande importan-ce à la notion de « compliance » (de « conformité »), cequi explique en partie leur réticence à s’engager surdes règles et des objectifs dont elles ne seraient pas enmesure de garantir le respect.

L’ETAT JAPONAIS ENCOURAGE LA PRISE ENCOMPTE DE LA RSE PAR LES PME

Les grandes firmes japonaises investissant à l’étrangersont en pointe dans l’adoption des normes internatio-nales ou la participation aux initiatives mondialesallant des principes directeurs de l’OCDE au « GlobalCompact » des Nations Unies. Un représentant deSony a, par exemple, participé aux travaux qui ontconduit, en 2010, à la nouvelle norme ISO 26 000. La problématique est différente pour les PME, jusqu’àprésent restées en marge des activités de RSE telle quecelle-ci est maintenant conçue. Les PME devront, parexemple, réaliser des efforts pour prendre en comptela norme ISO 26 000, même si celle-ci est un outild’orientation davantage qu’un cadre strict et ne pré-voit pas de mécanisme de certification par des tiers.

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De façon générale, le ministère de l’Economie, duCommerce et de l’Industrie japonais, le METI, conçoitson rôle comme celui d’un facilitateur pour mobiliserdes forums multi-acteurs, soutenir la contribution duJapon à l’élaboration des règles internationales etencourager leur diffusion tout en minimisant les coûtsd’adaptation. Il a ainsi élaboré pour la norme ISO26 000 un kit pédagogique expliquant en images etavec des mots simples comment les entreprises devrontintégrer des thèmes tels que la promotion des droitshumains, qui leur étaient restés jusqu’à présent peufamiliers. Les observateurs prévoient une diffusionrapide de la nouvelle norme ISO 26 000 au Japon. Grâce à ce cadre souple, les PME japonaises décou-vriront sans doute qu’à l’instar de Monsieur Jourdain,elles ont toujours fait de la RSE sans le savoir…

MAIS, DÉJÀ, UNE AUTRE PHASE DE LA RESPON-SABILITÉ SOCIALE DES ENTREPRISES SE PROFILE…

Le présent article est écrit au lendemain du grandtremblement de terre du 11 mars 2011 (et du tsuna-mi dévastateur consécutif ) et alors que se déroule l’ac-cident nucléaire de Fukushima. Ses conséquences nesauraient aujourd’hui être prédites avec certitude.

Mais en tout état de cause, la gestion de cette criseamène déjà à relever des insuffisances dans la concep-tion des installations nucléaires, l’organisation desopérations de secours et la gouvernance de l’ensemblede la filière électronucléaire japonaise. L’interruptiondes chaînes logistiques causée par le tremblement deterre remet par ailleurs en question les relations queles entreprises industrielles entretiennent avec leursclients et leurs fournisseurs et les craintes sur lesrisques de contamination de la chaîne alimentaireéclairent d’un jour nouveau la notion de protectiondu consommateur. Au total, c’est l’ensemble des rela-tions entre parties prenantes de l’entreprise qui setrouve ainsi remis en cause.De la même manière que la maladie de Minamata etles comportements délictueux des entreprises avaientfait éclater une contradiction entre les valeurs affi-chées par les entreprises industrielles japonaises etleurs pratiques, aboutissant au développement de lanotion de RSE au début des années 2000, le grandtremblement de terre des provinces du Tôhoku et duKantô et l’accident de Fukushima, en 2011, suscite-ront probablement une nouvelle phase dans le déve-loppement des exigences sociales vis-à-vis des entre-prises. Ces exigences interpelleront l’État : il seracritiqué pour les déficiences passées et devra se mobi-liser pour les progrès futurs.

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La dimension économique du Grenelle de l’Environnement

Le Grenelle de l’Environnement a été lancé en 2007 avec l’ambitionde mobiliser l’ensemble de la société civile en vue de répondre auxformidables défis posés par la crise climatique et écologique.Suite à la crise financière, le Grenelle de l’Environnement, au traversd’un plan d’investissement de 440 milliards d’euros, pour l’ensembledes acteurs économiques, a pour ambition, outre son objectif initial,d’engager la France sur la voie d’une nouvelle croissance économique :une croissance plus verte reposant sur le développement de nouvellesfilières industrielles et l’adaptation de très nombreux secteurs de l’éco-nomie et favorisant l’émergence d’un mode de consommation plus éco-nome des ressources naturelles.

par Michèle ROUSSEAU*

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LES MOTIVATIONS DU GRENELLE DEL’ENVIRONNEMENT ET SON PROCESSUS

Fin 2006, l’action déterminée du GIEC et le film d’AlGore et de David Guggenheim, Une vérité qui déran-ge, ont contribué à persuader l’opinion publique deseffets dramatiques du réchauffement climatique sur laplanète. C’est dans ce contexte que le Président de laRépublique lance, dès sa prise de fonction, en mai2007, le Grenelle de l’Environnement, avec pourobjectif clairement affiché de mettre l’ensemble de lasociété en mouvement en vue de résoudre une criseclimatique et écologique de grande ampleur. LeGrenelle de l’Environnement est novateur à plusieurstitres :- L’ensemble de la société civile est invité à participerà ses travaux. La concertation se déroule entrecinq collèges, de taille égale, permettant de représen-

ter les différentes parties prenantes de la thématiqueenvironnementale. On retrouve, de manière classiquesur ce type de problématique, l’État, les collectivitéslocales, les entreprises. L’association d’un collège« syndicats » permet de faire entrer plus systématique-ment une dimension sociale dans les échanges, tandisque le cinquième collège, regroupant les associationsde protection de l’environnement, se voit accorder,pour la première fois dans ce type de discussion, uneplace égale à celle des autres collèges ;- Le champ couvert est particulièrement large puis-qu’il concerne non seulement l’ensemble des ques-tions environnementales, mais aussi les politiquespubliques portant sur l’énergie, les transports, le BTP

* Directrice, Commissaire générale adjointe au Développement durable(CGDD) - Ministère de l’Ecologie, du Développement durable, desTransports et du Logement (MEDDTL).

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ou l’agriculture sous l’angle de leur incidence sur l’en-vironnement ;- Aucun document support n’a été préparé en vue desdébats de façon à ce que les propositions soient biencelles des acteurs eux-mêmes ;- Les différents acteurs nationaux et locaux ne dispo-sent que de quelques mois pour examiner l’ensembledes problèmes posés et parvenir à un consensus.Cet exercice aurait pu échouer, mais la nouveauté dela méthode et le moment choisi ont conduit à sa réus-site, puisqu’un consensus a été obtenu fin 2007, qui aété confirmé lors du vote de la loi Grenelle 1, à laquasi unanimité du Parlement, à l’été 2009.

LES ESTIMATIONS MACRO-ÉCONOMIQUES

Dans le cadre d’une démarche innovante et exemplai-re, le projet de loi Grenelle 1 a fait l’objet, au cours del’année 2008, d’une évaluation ex-ante suivant lestrois piliers du développement durable (l’écono-mique, l’environnemental et le social), qui a été miseen ligne sur le site Internet du ministère de l’Ecologie(http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/EY_Evaluation_Grenelle_Rapport_Final_101026_entier.pdf ).Il ressort de ces analyses que les objectifs très ambi-tieux inscrits dans le Grenelle nécessiteront la mobili-sation de moyens financiers considérables, qu’appor-teront l’ensemble des acteurs économiques. Encontrepartie, ces investissements génèreront des gainséconomiques, environnementaux et sociaux substan-tiels, à court et à long terme. Les investissements duGrenelle seront donc les moteurs d’une croissanceplus « verte ».

LES INVESTISSEMENTS « VERTS » ET LEUR RENTABILITÉ DIRECTE

S’ils se réalisent comme prévu, les grands chantiers duGrenelle (bâtiment, transports, énergie, déchets)devraient représenter, selon le ministère de l’Ecologie,près de 440 milliards d’euros d’investissements d’ici à2020, et de l’ordre de 15 milliards d’euros de valeurajoutée par an (soit un gain de 0,8 point de PIB). Celaa été confirmé par l’étude du Boston Consulting Group,qui a chiffré en 2009 l’activité générée sur douze anspar les quinze grands programmes du Grenelle à envi-ron 450 milliards d’euros.Le détail du chiffrage est donné dans les deux gra-phiques ci-dessous : le premier donne la répartitionselon les grands domaines, tandis que le deuxièmeprécise les chiffres pour l’ensemble des secteurs autresque le BTP, les transports non routiers et les énergiesrenouvelables.

Graphique 1 : Répartition des investissements pargrande thématique du Grenelle sur la période 2009-2020, en milliards d’euros.

Graphique 2 : Répartition du coût sur la période 2009-2015 des thématiques santé environnement, eau-bio-diversité, risques, déchets, agriculture durable.

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Les investissements du Grenelle sont structurants(développement d’infrastructures, recherche, déve-loppement de secteurs industriels d’avenir, etc.) et denature à renforcer l’attractivité de la France.Toutefois, devant les montants colossaux en jeu, ilest légitime de se poser deux questions : l’une portesur la rentabilité de ces investissements et l’autre surla pertinence du choix d’investir dans ces domainesplutôt que dans d’autres.Il n’est pas possible, dans le cadre restreint d’unarticle, de répondre à la première question poste parposte, mais voici l’argumentaire donné par le minis-tère de l’Ecologie, fin 2008, pour le premier de cespostes de dépense, celui du bâtiment. Les travaux derénovation entrepris d’ici à 2020 (dont le coût estestimé à 205 milliards d’euros) génèreront des éco-nomies d’énergie, cumulées sur la durée de vie deséquipements, de près de 145 milliards d’euros, avecun prix de 55 euros le baril, et davantage, bienentendu, si les prix de l’énergie devaient continuer àaugmenter. Au moment où le ministère élabore seshypothèses, ce prix du baril à 55 euros correspond àun baril à 70 dollars (avec un taux de change de 1,3dollar pour un euro). Or, même avec ce prix relati-vement bas, les économies d’énergie associées à ceséquipements sur leur durée de vie permettent d’au-tofinancer une partie importante des investisse-ments. L’autofinancement serait total à partir d’un baril depétrole à 100 euros. Or, le prix du pétrole est parti-culièrement fluctuant, et il en va de même pour lestaux de change monétaire. A titre d’illustration, lecours du baril de Brent était de 146 dollars en juillet2008, de 36 dollars en décembre 2008 et de 93 dol-lars en décembre 2010.Ces investissements reposent donc fondamentale-ment sur le pari d’une augmentation sensible desprix de l’énergie dans le futur compte tenu de laconjoncture internationale, de la raréfaction des res-sources pétrolières bon marché, de la nécessité derenouveler le parc des centrales de production d’élec-tricité, etc. La direction semble parfaitement justi-fiée, mais les calculs précis sont difficiles, quels quesoient les efforts déployés par les économistes.Quant au bien-fondé de choisir d’investir « dans leGrenelle » plutôt que dans d’autres domaines (lesfinancements disponibles n’étant pas illimités), lesdéfenseurs du Grenelle répondent qu’il n’y a, en fait,pas d’autre alternative. Les ressources naturelles sontelles-mêmes finies, alors que de nouvelles puissanceséconomiques ont pris leur essor (la Chine, l’Inde, leBrésil …) : elles ont déjà (et auront de plus en plus,à l’avenir) besoin de ces ressources, si bien qu’il n’estde toute façon pas envisageable de continuer commeavant. Une rupture est nécessaire dans les technolo-gies et dans les comportements ; reste ouverte laquestion de savoir quels pays seront les gagnants etlesquels seront les perdants, dans cette nouvelle com-pétition.

LES RETOMBÉES DU GRENELLE DEL’ENVIRONNEMENT EN MATIÈRE D’EMPLOIS

Les estimations des retombées du Grenelle en matièred’emplois sont sensiblement moins solides que l’esti-mation des investissements nécessaires. Le ministèrede l’Ecologie a donné un ordre de grandeur de 500 000 emplois créés ou maintenus à l’horizon 2020dans l’ensemble de l’économie, tandis que le BostonConsulting Group (BCG) avançait le chiffre de 600 000. Toutefois :- les estimations du ministère ont été obtenues enmultipliant les projections en termes d’investisse-ments par des ratios effectif/chiffre d’affaires déjà tropanciens (lorsque ceux-ci étaient disponibles) ;- l’hypothèse « enveloppe » sous-jacente était quetous les investissements réalisés bénéficieraient à desentreprises installées sur le territoire national : celane pourra bien sûr pas être le cas, mais des marchésà l’exportation pourraient également être gagnés. Iln’y a ni fatalité ni certitude en la matière, mais il esten tout cas important que les Pouvoirs publics pro-meuvent une politique volontariste de soutien auxfilières stratégiques et de mise à niveau des compé-tences nécessaires.Ces chiffres (500 000, selon le ministère, et 600 000,selon le BCG), qui portent sur les emplois créés oumaintenus par le Grenelle dans l’ensemble de l’écono-mie, n’ont rien à voir avec des emplois « verts » (unfabricant d’éoliennes passant commande à des fabri-cants d’acier, par exemple).L’Observatoire national des Emplois et des Métiers dela Croissance Verte a été créé, au printemps 2010,pour « mettre de l’ordre dans les chiffres ». Structuremajoritairement interministérielle, l’Observatoireréunit, sous le pilotage du Commissariat Général auDéveloppement Durable (CGDD), des représentantsde l’INSEE, de la Direction de l’animation de larecherche et des études statistiques (Dares), du Centred’études et de recherches sur les qualifications(Cereq), du Centre d’analyse stratégique (CAS), de laDirection générale du Travail (DGT), de PôleEmploi, de l’Agence de l’environnement et de la maî-trise de l’énergie (Ademe), d’Alliance Ville-Emploi, del’Association pour la formation professionnelle desadultes (Afpa), du Centre national de la fonctionpublique territoriale (CNFPT) et des représentantsdes observatoires régionaux compétents sur l’emploiet la formation (OREF). Ses travaux ont suivi deuxapproches méthodologiques différentes et complé-mentaires : l’une, selon l’activité des entreprises et,l’autre, selon les qualifications des actifs.Selon la première approche, pour l’année 2008 :- les éco-activités occupaient environ 420 000 emploisen équivalent temps plein (ETP) : elles correspondentaux activités dont la finalité est la protection de l’en-vironnement et la gestion des ressources naturelles

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(comme le traitement et le recyclage des déchets) etleur périmètre est établi au niveau d’Eurostat.- les « activités de la croissance verte », telles que sché-matisées ci-après représentaient environ 950 000emplois en équivalent temps plein. Ce périmètre pro-posé par le CGDD est très proche de la Green Industryde l’OCDE. Le fil rouge de cette nouvelle nomenclatu-re consiste à retenir en sus des éco-activités des activitésdont la finalité n’est pas la protection de l’environne-ment ou la gestion des ressources naturelles, mais qui ycontribuent.Par exemple, la fabrication de la laine de verre est clas-sée dans les éco-activités, car la finalité de la laine deverre est l’isolation thermique, alors que la fabricationd’ampoules fluorocompactes à basse consommationest classée seulement dans les activités de la croissanceverte, puisque la finalité d’une ampoule est d’éclairer.

De par sa conception même, cette nouvelle nomen-clature sera amenée à évoluer dans le temps : lorsqueces ampoules fluorocompactes seront devenues lesampoules standards, d’autres ampoules encore pluséconomes verront sans doute le jour et « relègueront »alors la fabrication des lampes fluorocompactes au-dehors des « activités de la croissance verte » (cettenomenclature souple est un redoutable défi pour lesstatisticiens !) Selon la deuxième approche, pour l’année 2008,toujours :- Le nombre d’actifs exerçant une profession verteétait de 150 000.- Le nombre d’actifs exerçant une profession « verdis-sante » pouvait être estimé à 4 millions.Cette estimation est néanmoins encore très provisoireet pourra être révisée pour 2009 de façon sensible,

Graphique 3 : Les activités de la croissance verte.

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tant à la hausse qu’à la baisse. Elle résulte en effet d’unexamen minutieux, fait par Pôle Emploi, du répertoi-re opérationnel des emplois et des métiers (ROME),nomenclature française à maille fine, ce répertoireayant ensuite été rapproché de la nomenclature desprofessions et catégories socioprofessionnelles (PCS),qui est une nomenclature internationale à maillelarge. Or, ces deux nomenclatures ne s’emboîtent pastrès bien, d’où des incertitudes.Les chiffres obtenus par ces deux approches sont trèsdifférents, ce qui est normal. En effet, les métiers exer-cés par les actifs du secteur des éco-activités ne sontpas tous des métiers « verts » : par exemple, une secré-taire travaillant dans le secteur des déchets n’exerce pasun métier « vert ». On devrait, toutefois, avoir :- plus de métiers verts, en proportion, dans les éco-activités,- plus de métiers verdissants, là encore en proportion,dans les activités de la croissance verte.Mais, attention : c’est l’inverse, dans l’absolu, puisquela majorité des actifs exerçant une profession verdis-sante travaillent en dehors des activités de la croissan-ce verte.… Un conseil donc, pour le lecteur : qu’il n’hésite pas, lemoment venu, à demander à toute personne s’expri-mant sur les emplois de la croissance verte des préci-sions sur le périmètre et les définitions retenus !

LES EXTERNALITÉS ENVIRONNEMENTALES

La dimension économique du Grenelle del’Environnement inclut également les externalitésenvironnementales, c’est-à-dire la valeur non mar-chande des milieux naturels, considérés soit commeayant une valeur intrinsèque, soit comme rendant desservices écologiques gratuits, dont la valeur pourraitnéanmoins être calculée.De nombreux travaux se sont déroulés dans la fouléedu Grenelle sur ces questions, parmi lesquels nousmentionnerons : - ceux de la Commission sur la mesure de la perfor-mance économique et du progrès social. Mise enplace à l’initiative du Président de la Républiquedébut 2008, elle était présidée par Joseph Stiglitz etdevait, entre autres choses, répondre aux interroga-tions sur la pertinence du PIB. Elle a notammentconclu à la nécessité d’assurer un suivi des aspectsenvironnementaux de la soutenabilité de notre modede développement au moyen d’indicateurs phy-siques ;- ceux du Centre d’analyse stratégique (CAS) portantsur la valeur tutélaire du carbone ont été rendus, enjuin 2008. La commission ad hoc présidée par AlainQuinet et composée de partenaires économiques,sociaux, environnementaux et d’experts pluridiscipli-naires a proposé un prix initial du carbone et une tra-jectoire d’évolution de ce prix permettant de respecter

les objectifs européens à l’horizon 2020-2050. Lavaleur initiale (en 2010) de la tonne de CO2 a été éta-blie à 32 euros, par souci de cohérence avec les travauxrésultant du précédent rapport Boiteux, tandis que lavaleur cible 2030 a été fixée à 100 euros, ce qui cor-respond à un taux de croissance fixe de 5,8 % par an.L’incertitude qui entoure ces estimations est d’autantplus grande que l’horizon s’éloigne. Mais cet afficha-ge constitue un signal adressé aux acteurs publics etprivés pour qu’ils intègrent a priori le coût prévisibledu carbone dans leurs décisions ayant des consé-quences à moyen et long terme. Ces valeurs ont servide référence pour les travaux sur la contribution « cli-mat-énergie », ainsi que pour les calculs faits par leministère en décembre 2008 afin de chiffrer la valeuréconomique des gains environnementaux entraînéspar les mesures du Grenelle de l’Environnementconcernant le bâtiment.Selon ces calculs (étude d’impact de la loi Grenelle 1),l’ensemble des mesures dédiées aux rénovations et à laconstruction neuve devrait permettre d’éviter près de12 millions de tonnes de CO

2par an à l’horizon

2013, et près de 42 millions de tonnes de CO2par an

en 2020. Avec une hypothèse de valorisation de latonne de CO

2de 56 euros en 2020, le gain environ-

nemental est alors valorisé à 2,4 milliards d’euros en2020, alors que le coût de la tonne de CO

2évitée

varie, selon les mesures, de 0 à 200 euros ;- ceux du CAS, portant sur la valeur monétaire de labiodiversité et des services rendus par les écosystèmes,ont abouti en avril 2009, suite à une saisine duPremier ministre au début de 2008. L’évolution de labiodiversité a en effet été un autre thème majeur duGrenelle de l’Environnement et, comme pour le cli-mat, les parties prenantes au Grenelle ont souhaitéque les décisions publiques soient arbitrées en inté-grant leur coût pour la biodiversité.Le rapport, réalisé par un groupe d’experts piloté parBernard Chevassus-au-Louis, ne propose pas devaleurs de référence pour la biodiversité remarquable,mais seulement pour les valeurs d’usage des serviceséco-systémiques liés à la biodiversité ordinaire. Lesestimations proposées sont donc des valeurs a mini-ma. Ainsi, la valeur de référence moyenne des servicesforestiers est d’environ 970 euros par hectare et paran, dans une fourchette allant de 500 à 2 000 euros ;- enfin, ceux du ministère lui-même qui (toujoursdans le cadre de son étude d’impact de la loiGrenelle 1) a notamment cherché à évaluer les béné-fices environnementaux actualisés sur 50 ans relatifsà l’acquisition de 20 000 hectares de zones humides.Ces bénéfices ont été estimés entre 64 000 et 72 000euros par hectare, pour un coût (1) de l’ordre de

(1) Coût d’acquisition de 3 250 euros par hectare (1/3 de la surface à7 000 euros par hectare et 2/3 à 3 000 euros par hectare) et coût desressources humaines supplémentaires nécessaires pour la gestion de ceszones : 3 250 euros par hectare sur 50 ans (coût non actualisé).

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6 500 euros à l’hectare. Cela équivaut, pour les20 000 hectares de zones humides, à un bénéfice sesituant entre 1 280 et 1 450 millions d’euros (soitentre 55 et 62 millions d’euros par an). Ces béné-fices essentiellement liés à l’amélioration de la quali-té de l’eau et aux aménités récréatives ne représen-tent pourtant qu’une partie de la valeur totale deszones humides, qui sont, par ailleurs, réputées pourleur richesse faunistique et floristique (préservationde la biodiversité). Les études sur la biodiversité s’avèrent toutefois d’unusage difficile dans les travaux relatifs à la fiscalitéenvironnementale, car elles ne portent encore que surpeu d’écosystèmes. D’autres travaux sont disponibles,mais ils reposent soit sur le consentement à payerd’usagers ou de contribuables, soit sur des coûts deremise en état, ce qui rend difficile l’extrapolation deschiffres obtenus à d’autres contextes.

LES MODALITÉS D’ACTION AU NIVEAU MICROÉCONOMIQUE

Si le Grenelle de l’Environnement était, à l’origine (en2007), une politique à caractère environnemental,l’arrivée de la crise économique et certaines des éva-luations précédemment rappelées ont conduit, dès2009, les Pouvoirs publics et l’ensemble des parte-naires économiques à voir en lui :- un outil de relance à court terme, grâce aux investis-sements dans les bâtiments et les infrastructures (dansle cadre du plan de relance 2009-2010, 6 milliardsd’euros y ont été consacrés),- une nouvelle voie de croissance économique sur lemoyen et le long terme, à condition de mener unepolitique industrielle vigoureuse, de réussir l’adapta-tion des compétences, de réorienter (au moins par-tiellement) la fiscalité et de modifier les comporte-ments des différents acteurs.

LA POLITIQUE INDUSTRIELLE

A l’été 2009, le Commissariat général auDéveloppement durable (CGDD) a lancé une étudevisant à déterminer les filières présentant un enjeuimportant en termes de développement industriel.Sur les 18 filières « vertes » retenues, 7 sont nécessairespour réduire les émissions de gaz à effet de serre dansle domaine de l’énergie (biomasse énergie, biocarbu-rants, énergies marines, éolien, photovoltaïque, géo-thermie, captage, stockage et valorisation du CO

2) et

5 autres pour réduire les besoins en énergie ou enaméliorer la gestion (bâtiments à faible impact envi-ronnemental, véhicules décarbonés, logistique et ges-tion de flux, réseaux énergétiques intelligents, stocka-ge de l’énergie/batteries).

La matrice de la page suivante permet de positionnerces « filières vertes » en croisant leur potentiel dedéveloppement national et international avec lesatouts « naturels » ou industriels dont dispose laFrance pour s’imposer parmi les leaders du marché.Au total, ce sont plus de 12 milliards d’euros quipourraient être consacrés à l’économie verte dans lecadre du Grand emprunt, essentiellement via desaides à la recherche ou à l’innovation.

L’ÉVOLUTION DES COMPÉTENCES

La mutation, inéluctable, de la société, qui est d’oreset déjà en marche tant chez nous qu’à l’étranger, vaconduire non seulement au développement de nou-velles « filières vertes », mais aussi à la reconversion ouà l’adaptation de beaucoup d’autres secteurs de l’éco-nomie. Il apparaît donc indispensable d’adapter lemarché de l’emploi et les services de la formation et del’orientation aux réalités (ou aux perspectives) de cetteéconomie verte :- parce que la main-d’œuvre formée doit être dis-ponible en nombre et en qualification adéquatspour répondre aux commandes publiques (transportscollectifs, ferroviaires ou urbains, déchets, énergie,…)et privées (bâtiments, agriculture biologique, bois deconstruction ou de chauffage…) correspondant auxobjectifs fixés par le Grenelle de l’Environnement.D’ores et déjà, on constate des tensions dans certainssecteurs (énergies renouvelables, bâtiment durable). Ilne faut pas non plus oublier de former massivementles formateurs eux-mêmes (or, il y a 45 000 orga-nismes de formation en France, en plus del’Education nationale et de l’Enseignement supé-rieur).- parce qu’innover, concevoir et produire en éco-nomie verte nécessite des connaissances et descompétences nouvelles : aujourd’hui, former desspécialistes de l’intégration des problématiques dudéveloppement durable et, demain, modifier tous lesgestes professionnels, y compris d’exécution,- parce que de nouveaux métiers vont émerger ouparce que des métiers rares vont prendre une placeaccrue (on peut citer les métiers liés aux services éco-logiques non plus seulement dans les associations oules collectivités, mais aussi dans les entreprises),- enfin, parce que ces mutations ne vont pas se pro-duire sans effets négatifs : des secteurs (automobileclassique, raffinage, chimie, …) fortement utilisateursd’énergie et producteurs de gaz à effet de serre ris-quent de voir leur place se réduire et leurs salariés êtreconfrontés à la nécessité d’une reconversion.A cette fin, différents ministères travaillent actuelle-ment, sous l’animation du CGDD, pour :- revoir les descriptifs des métiers (et des compétencesassociées) mis à la disposition des DRH du privé oudu public ;

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- réviser les diplômes correspondants ;- compléter l’offre de formation (initiale ou conti-nue) ;- inciter les entreprises à veiller à la formation de leurpersonnel ;- enfin, améliorer l’orientation des jeunes et desdemandeurs d’emploi.

LA FISCALITÉ

La fiscalité est non seulement un moyen de fournirdes ressources à l’Etat et aux collectivités territoriales,mais aussi un outil d’orientation économique ; ellepeut donc être utilisée pour faciliter les mutations versl’économie verte. Deux idées sont actuellement aucœur des discussions :

- le souhait de taxer davantage la pollution, et demoins taxer le travail, - le souhait d’internaliser, dans le prix des produits, lecoût des externalités environnementales.Dans les deux cas, des travaux sont en cours, maisceux-ci se heurtent à la complexité des problèmes ren-contrés (difficulté des calculs, risques de distorsion deconcurrence avec d’autres pays européens ou noneuropéens, problème de constitutionnalité, en raisonde la nécessité de garantir l’égalité des citoyens devantl’impôt).La tentative la plus récente a été celle de l’instaurationde la contribution climat énergie, qui préconisait unefiscalité assise sur les émissions de CO

2pour orienter

la consommation des ménages et les achats des entre-prises vers des produits sobres en carbone. Il étaitprévu que : - cette taxe porterait sur les énergies fossiles, dans unelogique de pollueur–payeur,- l’électricité ne serait pas taxée, compte tenu de sonfaible contenu en carbone, en France,

(2) Extrait de : Les filières industrielles stratégiques de l’économie verte,CGDD, mars 2010.

Graphique 4 : Perspectives d’évolution potentielle de développement des marchés et atouts de la France.

(2) Légende :- les points les plus petits représentent les marchés dont la taille actuelle est inférieure à 1 milliard d’eu-ros au niveau national ;- les points de taille intermédiaire correspondent aux marchés dont la taille actuelle est comprise entre 1 milliard et 5 milliards d’euros ;- les points les plus gros représentent les marchés dont la taille actuelle est supérieure à 5 milliards d’eu-ros.

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- la taxe soit introduite de façon progressive en com-mençant à 17 euros la tonne, en référence à la valeurmoyenne de la tonne de CO

2sur le marché français

des quotas d’émission, depuis sa création. Une ciblede 100 euros était confirmée, à l’horizon de 2030,- la taxe soit intégralement compensée par la baissed’autres prélèvements obligatoires. La compensationversée aux ménages devait tenir compte de la taille dela famille et du lieu de vie (réduction de l’impôt sur lerevenu, ou chèque vert, pour les ménages non impo-sables). Pour les entreprises, la taxe professionnellepesant sur l’investissement aurait été supprimée.En définitive, la taxe a été invalidée par le Conseilconstitutionnel, fin 2009, dans un contexte où lesmécanismes de compensation mis en place n’apparais-saient pas suffisamment clairs à certains, chacun cher-chant à savoir quel était son gain ou sa perte au seind’une neutralité globale. Les discussions se poursui-vent désormais au niveau européen.

DES CHANGEMENTS DE COMPORTEMENT DÉJÀ PERCEPTIBLES

Au-delà de toutes les actions et études précédemmentrappelées, le Grenelle de l’Environnement prendratoute sa dimension économique quand les comporte-ments auront changé. Or, ces changements de com-

portement sont déjà perceptibles, car les différentsacteurs économiques savent que nos sociétés ne pour-ront de toute façon pas continuer à consommer lesressources naturelles à un rythme effréné ; une ruptu-re tant dans nos modes de production que dans nosmodes de consommation est donc nécessaire.Sur le plan économique, l’importance de la prise encompte du « cycle de vie des produits » s’accroît d’an-née en année. Le Grenelle a choisi d’accélérer cetteprise de conscience en expérimentant un affichageenvironnemental au côté de l’affichage des prix. Au-delà de l’éducation progressive du consommateur,l’objectif est aussi d’habituer les industriels à calculerla consommation en ressources naturelles de leursproduits (ou leur impact sur les écosystèmes) tout aulong de leur cycle de vie. En faisant ce type de calcul, ils repèreront nécessaire-ment les progrès possibles tant dans l’emploi de cesressources (qui seront de plus en plus chères) que dansles pollutions générées (qu’il faudra, à terme, com-penser). Le message semble bien compris : 230 entre-prises ou groupements d’entreprises se sont portésvolontaires fin 2010 pour expérimenter cet affichage,de la mi-2011 à la mi-2012.Sur le plan politique, les progrès pourraient être pluslents dans la façon d’associer l’ensemble de la sociétéaux prises de décision en ces « temps de rupture », maisle Grenelle de l’Environnement a donné l’impulsioninitiale, et le processus est, là encore, en marche.

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La Commission sur lamesure des performanceséconomiques et du progrèssocial, ses travaux et leurssuites

Créée à l’initiative du Président de la République et dirigée par JosephStiglitz, Amartya Sen et Jean-Paul Fitoussi, la « Commission Stiglitz »[1] était chargée d’examiner les limites du produit intérieur brut (PIB)en tant qu’indicateur de performance économique et de progrèssocial, et d’identifier les informations complémentaires qui pourraientêtre nécessaires pour aboutir à des indicateurs plus pertinents.Les préconisations du rapport remis le 14 septembre 2009 ont ren-

contré un vif succès tant auprès du grand public que de la communautéinternationale. Elles invitent non pas à remplacer le produit intérieur brutpar un autre indicateur synthétique, mais à le compléter au moyen d’unebatterie d’indicateurs, dont elles tracent les lignes directrices. Leur mise enœuvre tant dans le cadre des travaux de l’Insee que des organisations inter-nationales prend forme. Ces préconisations sont ambitieuses, si bien quel’effort à produire s’inscrit dans la durée.

par Jean-Philippe COTIS*

LA VOLONTÉ POLITIQUE

NATIONALE ET

L’APPROCHE MACROÉCONOMIQUE

LES RECOMMANDATIONS DE LA COMMISSIONSTIGLITZ

Le débat sur la pertinence du PIB comme indicateurde bien-être n’est pas nouveau. La principale critiquequi lui est adressée est qu’il ne renseigne pas sur lacapacité d’un pays à « convertir » de la croissance en

bien-être. Cette limite est d’autant plus évidente quele niveau de développement atteint permet déjà lasatisfaction des besoins matériels élémentaires, commele note Easterlin [2]. De nombreux auteurs ont alorsproposé des indicateurs alternatifs. On peut citer, àtitre d’exemple, les travaux, aux USA, de W. Nordhaus

* Directeur général de l’Institut national de la statistique et des études éco-nomiques (INSEE)

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et J. Tobin en 1973 [3] ou encore, en France, ceux deD. Meda en 1999 [4] et de J. Gadrey et F. JanyCatrice en 2007 [5].Sur la base de ce constat, la Commission a recensé lesindicateurs de bien-être susceptibles de compléter lePIB. Elle l’a fait en distinguant trois grands domainesde réflexion : deux touchent à la question du bien-êtrecourant sous ses aspects monétaires (problématiqueclassique autour du PIB) et non monétaires (qualitéde vie) et le troisième est centré sur la question de lasoutenabilité de ce bien-être, avec un accent particu-lier mis sur l’aspect environnemental de cette soute-nabilité. La Commission n’a pas cherché à produire un indica-teur synthétique prétendant résumer l’ensemble desaspects du bien-être. Elle a plutôt privilégié l’approchepar tableaux de bord. Elle en esquisse les grandeslignes directrices, en invitant à la parcimonie et à larationalité. Quatre grands messages se dégagent de cestravaux :- il convient de faire un meilleur usage des indicateursproduits par la comptabilité nationale, le PIB n’étantque l’un d’entre eux ;- le bien-être ne saurait être uniquement mesuré enunités monétaires ; il convient donc de laisser uneplace à des indicateurs plus qualitatifs ; - la mesure du bien-être courant et celle de sa soute-nabilité doivent être traitées séparément ;- enfin, quel que soit le domaine considéré, les indi-cateurs doivent refléter la disparité des situations indi-viduelles, une disparité qui peut affecter fortement lebien-être ressenti.

Les développements autour du PIB

Un meilleur usage des indicateurs produits par lacomptabilité nationale

Pour faire le pont entre performance économique etprogrès social, plutôt que le PIB, la Commissionconsidère qu’il faudrait mettre en avant d’autres indi-cateurs existant déjà dans les comptes nationaux. Ellerecommande de privilégier le point de vue desménages en mettant l’accent sur le revenu et laconsommation, plutôt que sur la production. Ellesuggère, en outre, de s’intéresser au revenu disponibleajusté, qui prend en compte les services publics gra-tuits personnalisés fournis aux ménages (en France, ils’agit principalement des services d’éducation, desanté et d’action sociale).En effet, le produit intérieur brut mesure l’activitéproductive d’un pays à un moment donné. Commetel, il a son utilité pour le suivi de la conjoncture éco-nomique. Mais il ne renseigne que très imparfaite-ment sur les niveaux de vie matérielle des citoyens.Une partie de l’activité économique décrite par le

PIB sert à remplacer le capital déclassé ou encore àrémunérer des capitaux étrangers investis sur le terri-toire, qui ne viennent pas abonder, par définition, lerevenu national. De même, une partie des revenusdes résidents français découle de revenus de place-ments à l’étranger et ne sont donc pas comptabilisésdans le PIB. Il vaudrait donc mieux s’intéresser aurevenu national net (RNN) et, si l’on cherche àmesurer le bien-être économique des citoyens, sefocaliser sur la partie qui revient effectivement auxménages (revenu et consommation). Ce revenu etcette consommation doivent inclure les dépenses quisont financées directement par la collectivité (notam-ment, les dépenses de santé, d’éducation et d’actionsociale) et qui s’interprètent comme des revenus oudes consommations supplémentaires qui contribuentau bien-être.

Accorder davantage d’importance à la répartitiondes revenus, de la consommation et de la richesse

Un chiffre global de revenu, voire une moyenne partête, sont des données statistiques certes importantes,mais insuffisantes pour appréhender le bien-être. Eneffet, comme l’utilité marginale du revenu décroît,une répartition plus égalitaire des revenus augmente lebien-être collectif. La Commission insiste donc surl’importance de fournir des indicateurs de distribu-tion des revenus et de consommation. Pour appré-hender le bien-être économique, elle recommandeaussi d’examiner le patrimoine des ménages conjoin-tement au revenu et à la consommation. En effet, unménage à faible revenu, mais qui dispose d’une riches-se supérieure à la moyenne, n’est pas forcément plusmal loti qu’un ménage à plus fort revenu et ne possé-dant aucune richesse.Ces recommandations ne sont pas, en elles-mêmes,très novatrices : le schéma standard des comptesnationaux recommandé par l’ONU et la Commissioneuropéenne contient déjà ces éléments. Encore faut-ilmieux les promouvoir et, pour ce qui est de la répar-tition du revenu disponible des ménages et de leurpatrimoine, faire l’investissement statistique nécessai-re, que bien des pays ont jusqu’à maintenant négligé.

Élargir les indicateurs de revenus aux activités nonmarchandes

La Commission recommande d’élargir les indicateurstirés des comptes nationaux aux activités non mar-chandes pratiquées au sein des ménages (elle penseaux soins donnés aux enfants, à l’entretien du loge-ment et à la préparation des repas). Sans modifier lenoyau dur de la comptabilité nationale, la construc-tion d’un module satellite de l’économie domestiqueinterne aux ménages permettrait ainsi de compléterles indicateurs du bien-être économique. La prise en compte de ces activités est en effet d’au-tant plus importante que le mode de fonctionnement

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LA VOLONTÉ POLITIQUE NATIONALE ET L’APPROCHE MACROÉCONOMIQUE

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des ménages et celui de la société ont profondémentchangé. Nombre de services, qui étaient assurés autre-fois par d’autres membres de la famille, sont aujour-d’hui achetés sur le marché. Cela se traduit, en comp-tabilité nationale, par une augmentation du revenu etdu niveau de vie, alors qu’en fait, rien n’a changé, dansle fond, si ce n’est la fourniture par le marché de ser-vices autrefois non marchands. La prise en compte deces travaux améliorerait aussi les comparaisons inter-nationales, dans la mesure où la production de ser-vices par les ménages joue encore un rôle importantdans les pays en voie de développement.

Les mesures de la qualité de vie

Le bien-être est multidimensionnel

Le concept de qualité de vie est bien plus large queceux de production économique ou de niveau de vie.Il comprend toute une série de facteurs qui ont del’importance dans notre vie et ne se limitent pas à sesseuls aspects matériels. La Commission recommandede recourir à une notion pluridimensionnelle du bien-être. A partir des travaux de recherche existants, elle arépertorié au moins huit dimensions, qu’il convien-drait d’appréhender :- les conditions de vie matérielles (revenu, consom-mation et richesse) ;- la santé ;- l’éducation ;- les activités personnelles, dont le travail ;- la représentation politique et la gouvernance ;- les liens et rapports sociaux ;- l’environnement (état présent et à venir) ;- l’insécurité tant économique que physique.Toutes ces dimensions contribuent au bien-être dechacun. Pourtant, bon nombre d’entre elles sont igno-rées par les outils traditionnels de mesure des revenus.La Commission recommande donc de développer desmesures chiffrées de toutes ces dimensions. Ilconviendrait ainsi d’améliorer les mesures chiffrées dela santé, de l’éducation, des activités personnelles etdes conditions environnementales. En outre, un effortparticulier devra porter sur la conception et l’applica-tion d’outils solides et fiables de mesure des relationssociales, de la participation à la vie politique et de lasécurité. Ces éléments sont, en effet, de bons mar-queurs de la satisfaction que leur vie apporte aux gens.

Mesurer à la fois le bien-être objectif et le bien-êtresubjectif

A côté des dimensions objectives, la Commissionrecommande aussi de mesurer la perception subjecti-ve (positive ou négative) que chacun a de son propre

bien-être. La recherche a montré que le bien-être sub-jectif comprend trois dimensions complémentaires :la satisfaction générale dans la vie, la présence de sen-timents ou d’affects positifs, l’absence de sentimentsou d’affects négatifs.Chacun de ces aspects devrait faire l’objet d’unemesure distincte. De telles mesures permettraient nonseulement d’avoir une appréciation globale de la viedes personnes, mais également une meilleure compré-hension de ses déterminants, en allant au-delà desrevenus et des conditions matérielles des personnes.Les analyses de la Commission se sont appuyées surdes enquêtes expérimentales récentes, qui ont donnédes résultats prometteurs. Elle invite à les développeret à les généraliser en introduisant dans les enquêtesmenées actuellement par les instituts de statistiqueauprès des personnes des questions sur la perceptionsubjective qu’elles ont de leur bien-être dans les diffé-rentes activités auxquelles elles se livrent.

Fournir une évaluation exhaustive des inégalités

Dans ce domaine aussi, la Commission insiste sur lanécessité de construire des indicateurs qui permettentde prendre toute la mesure des inégalités de qualité devie. Ces indicateurs devront permettre, en particulier,de repérer les populations cumulant des désavantages.

Développement durable et environnement

Au-delà de la mesure du bien-être présent, laCommission s’est posé la question de sa soutenabilité.Il s’agit de savoir si le niveau actuel de bien-être peutêtre, sinon augmenté, au moins maintenu pour lesgénérations futures. C’est toute la problématique dudéveloppement durable, dont la Commission a faitson troisième thème d’investigation. L’environnementjoue un rôle crucial dans la réponse à cette question,mais ce n’est pas le seul aspect à prendre en compte.La Commission recommande de raisonner dans cedomaine en termes de patrimoine économique,humain et naturel.Le rapport commence son troisième chapitre par unerevue critique des outils qui sont proposés par les trèsnombreux travaux menés dans ce domaine. Il consta-te que les tableaux de bord détaillés donnent un largepanorama de la situation permettant ainsi une gran-de finesse d’analyse. Malheureusement, il est très dif-ficile, sinon impossible, d’en tirer une vue synthé-tique qui renvoie aux opinions publiques un messageclair. A l’opposé, les efforts déployés pour construireun indice unique du développement durable sontinfructueux : à un moment ou à un autre, il fautrecourir à des hypothèses simplistes (voire arbitraires)pour atteindre le graal de l’indicateur unique quidélivrerait en un seul chiffre toute l’informationattendue.

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La Commission a donc préféré une approche prag-matique en matière de développement durable. Ellerecommande de construire un tableau de bord réduità quelques indicateurs. Parmi eux, un indice monétai-re de soutenabilité a toute sa place, mais il ne pourraitse fonder que sur les aspects économiques de la soute-nabilité, à savoir le patrimoine physique, le patrimoi-ne (ou capital) humain et les éléments du patrimoinenaturel pour lesquels il existe des techniques raison-nables d’évaluation en termes monétaires (parexemple, les ressources fossiles). Les autres indicateursdu tableau de bord seraient des indicateurs physiquesaussi peu nombreux que possible, mais choisis avecsoin pour leur capacité descriptive et prédictive desgrandes composantes du capital naturel. Il faudra,pour cela, demander l’avis des scientifiques spécia-listes du climat, de l’état de l’air, de l’eau, de la biodi-versité, etc.

LA PRISE EN COMPTE DES RECOMMANDATIONSDU RAPPORT

Les préconisations du rapport Stiglitz ont eu un reten-tissement international aussi bien auprès des statisti-ciens que de l’opinion publique. Leur mise en œuvre,tant dans le cadre des travaux de l’Insee qued’Eurostat et du Comité statistique de l’OCDE,

prend forme. Ces préconisations sont ambitieuses etappellent un effort qui s’inscrit dans la durée.

Quelques travaux français pour illustrer uneproduction statistique renouvelée

Pour ses travaux, l’Insee a allié l’ambition au pragma-tisme en complétant les données existantes et en inno-vant, chaque fois que cela est apparu nécessaire. Leprogramme de travail [6] s’est organisé autour de troisaxes, que nous allons successivement évoquer : desactions de court terme (avec une exploitation de l’in-formation déjà disponible sous un angle nouveau),des actions de moyen terme (avec des innovations sta-tistiques) ou l’adaptation d’enquêtes pour la produc-tion de données nouvelles.

Mise en avant de la perspective ménage dans lescomptes nationaux

Tout en restant dans le cadre des comptes nationaux,l’Insee a mis davantage l’accent, dans ses publicationsde statistiques macroéconomiques, sur des variablesdu compte des ménages, qui reflètent, mieux que lesvariables de production, les composantes monétairesdu bien-être des ménages. Un dossier publié dansL’Économie française (édition de 2010) illustre com-

Graphique 1 : Situations relatives des pays par rapport aux États-Unis en 2007, selon deux approches duniveau de vie en 2007.Lecture : Chaque bâton représente l'écart au niveau des États-Unis, exprimé en %, à concept de niveau de vie iden-tique. Par exemple, en 2007, au sens du revenu disponible net ajusté, le niveau de vie français était inférieur de 25 %au niveau de vie américain.Source : Insee Référence, L’Economie française, Edition 2010.

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ment un simple changement de perspective -approche production versus approche demande -modifie les comparaisons internationales [7]. Cechangement de perspective montre, par exemple,qu’en termes de PIB par habitant, les principaux payseuropéens et le Japon se situent environ 25 % au-des-sous du niveau observé aux États-Unis. En termes derevenu disponible net ajusté comprenant les revenuseffectivement perçus par les ménages résidents et lesdépenses publiques en direction des ménages (éduca-tion, santé, etc.), l’écart reste globalement le même,mais il se creuse, pour certains pays, et se réduit, pourd’autres ; ainsi la France est mieux classée quel’Allemagne, l’Italie et le Japon, et elle fait jeu égalavec le Royaume-Uni.

Mesurer les inégalités entre les ménages dans lecadre des comptes nationaux

Ces travaux répondent tout à fait aux recommanda-tions Stiglitz d’intégrer les « consommations » de ser-vices publics dans le compte des ménages et d’accor-der une grande attention à la répartition des revenus,de la consommation et des richesses.

Leur objectif est d’enrichir la statistique macroécono-mique d’indicateurs plus individualisés, mais cohé-rents avec le cadre global de la comptabilité nationa-le. La comptabilité nationale a en effet l’avantage deprésenter de façon aussi exhaustive que possible etfiable les revenus, la consommation et l’épargne del’ensemble des ménages, dans un cadre harmonisé quiautorise les comparaisons internationales. Mais,construit à un niveau agrégé, il ne permet que d’ap-préhender la situation d’un ménage « moyen » et nefournit aucune information sur les différences exis-tant entre ménages. Parallèlement à la publication descomptes, les enquêtes auprès des ménages de l’Inseecollectent des informations individuelles sur le reve-nu et la consommation qui permettent de mesurer lesinégalités entre individus. Mais ces enquêtes peuventconduire à des résultats globaux qui s’écartent desgrandeurs macroéconomiques. Elles comportent unepart d’incertitude, car ce sont des enquêtes réaliséespar sondage.Le travail consiste à « croiser » les résultats de cinqgrandes enquêtes existantes auprès des ménages avecles comptes nationaux. Les informations fournies parles enquêtes permettent de « distribuer » la masse des

« Ces travaux répondent tout à fait aux recommandations Stiglitz d’intégrer les ‘’consommations’’ de services publics dansle compte des ménages et d’accorder une grande attention à la répartition des revenus, de la consommation et desrichesses ». Jean-Philippe Cotis, directeur général de l’Insee et Joseph E. Stieglitz, prix Nobel d’économie (2001), le 14 septembre2009, à Paris.

© Hamilton/REA

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revenus et de la consommation de la comptabiliténationale selon différents critères socioéconomiquespertinents en matière de bien-être. Les critères rete-nus sont le niveau de vie, la composition du ménage,l’âge et la catégorie socioprofessionnelle du chef deménage.Les premiers résultats, publiés dès 2009, sont particu-lièrement intéressants. Ces travaux montrent, parexemple, qu’un taux d’épargne moyen des français de17 % du revenu disponible recouvre en fait uneépargne nulle, voire négative, des 20 % des ménagesles plus pauvres, alors que les 20 % des ménages lesplus riches ont un taux d’épargne voisin de 35 %. Entermes de bien-être, les ménages les plus aisés ont desmarges de manœuvre bien plus grandes, des margessusceptibles d’améliorer leur qualité de vie et leurautonomie de choix. Une autre avancée marquantepermise par ces travaux empiriques est la prise encompte des transferts en nature qui sont associés à lagratuité de l’enseignement public et aux prestationsmaladie [8]. Le revenu disponible des 20 % desménages les plus pauvres double après prise en comp-te de ces transferts sociaux en nature, faisant passerl’écart de 5 à 3 entre les revenus des 20 % les plusriches et ceux des 20 % les plus pauvres. Ce dernierrésultat témoigne du rôle important joué par les poli-tiques redistributives sur les revenus des plus modesteset de leur conséquence en termes de bien-être.Ces travaux, qui ont donné lieu à de premières publi-cations en 2009 [9], vont se poursuivre. Il est prévu

d’y ajouter en 2011 la dimension urbain/rural etd’étendre la décomposition au compte de patrimoine.Enfin, sera étudiée, en 2012, l’évolution sur dix ansdu revenu, de la consommation et du patrimoine deces différentes catégories de ménages. Cette méthoded’estimation du compte des ménages par catégoriedevient une référence pour nos partenaires, qui vontla mettre en œuvre dans le cadre d’une task force inter-nationale pilotée par l’OCDE, comprenant 22 pays,dont plus de la moitié hors-Europe.

Produire des indicateurs de mesure de la qualité de vie

L’Insee a développé des mesures objectives de la qua-lité de vie qui ne se limitent pas aux aspects purementmatériels ou monétaires [10]. Elles prennent égale-ment en compte les conditions de travail, le degréd’insertion sociale, la santé et l’éducation, l’insécuritéphysique et économique (chômage, par exemple),donnant ainsi une vision globale des inégalités. Cestravaux s’appuient sur les données issues de plusieursenquêtes existantes, comme le dispositif statistiquesur les revenus et conditions de vie (SRCV) ou enco-re l’enquête « cadre de vie et sécurité ». L’enrichis-sement futur des enquêtes permettra d’approfondirl’analyse.Chaque dimension de la qualité de vie est modéliséeà partir d’une liste d’indicateurs élémentairesbinaires. Une personne n’atteint pas un niveau de viedonné dans une dimension donnée si elle est concer-

Graphique 2 : Indicateurs de qualité de vie selon l’âge.Source : France Portrait social, Edition 2010, « Des indicateurs objectifs de mesure de la qualité de vie ».Note de lecture : chaque rayon correspond à une dimension de la qualité de vie. L’échelle est inversée par rapport àl’indicateur de chaque dimension : plus on s’écarte du centre, plus faible est l’indicateur et donc meilleure est la qua-lité de vie dans la dimension. Par exemple, les personnes comprises entre 16 et 29 ans ont une meilleure qualité devie en matière d’éducation, de santé et de contact que les plus âgés (60 ans et plus).

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née par un nombre de difficultés (chacune mesuréepar un indicateur élémentaire) supérieur à un seuilfixé arbitrairement. Les différents indicateurs sontcalculés au niveau individuel, ce qui permet de pro-duire des indicateurs de qualité de vie pour tous lesgroupes sociaux envisageables. L’indicateur agrégé dela dimension est défini alors comme la part des per-sonnes en dessous du seuil pour cette dimension. Un« diagramme en radar » fournit un visuel synthétisantle positionnement d’un groupe de populations parrapport à l’ensemble de la population.Ces travaux montrent, par exemple, que les 25 %des personnes dont le niveau de vie est le plus faibleont un plus grand risque de difficultés dans chacu-ne des dimensions de la qualité de la vie. Elles fontface non seulement à des conditions de vie maté-rielle plus dures que l’ensemble de la population,mais aussi à une santé plus dégradée et à un niveaud’éducation plus bas. Elles ont aussi en moyennedes conditions de travail plus difficiles, des niveauxde sécurité économique et physiques plus faibles,moins de contacts avec autrui et elles sont plus enretrait de la vie publique. De même, il apparaît queles effets liés à l’âge sont différents selon les dimen-sions considérées. Les plus jeunes sont plus favori-sés dans les dimensions santé, éducation et contactssociaux, tandis que les plus âgés sont moins souventbudgétairement contraints et participent davantageà la vie publique. Ces travaux montrent aussi queles approches de la pauvreté en termes « monétaire »et en termes de « condition de vie » ne se recoupentpas entièrement, les conditions de vie ne s’ajustantpas immédiatement, ni systématiquement, au reve-nu.

Adapter des enquêtes pour produire des donnéesnouvelles

L’ambition est de produire des indicateurs de quali-té de vie prenant également en compte sa dimen-sion subjective. A cette fin, plusieurs enquêtes exis-tantes ont été enrichies, notamment le panelstatistique sur les Ressources et les Conditions devie (SRCV) et l’enquête « Emploi du temps desménages ». Dans la première enquête, les personnessont interrogées sur l’appréciation subjectivequ’elles ont de leur vie en général et de certains deses aspects particuliers (loisirs, relations avec lesproches, logement, travail et santé). Dans l’enquête« Emploi du temps » 2009-2010, un millier desménages enquêtés ont été invités à noter la qualitédu temps passé pour chacune des activités de lajournée. Les premiers éléments devraient être dis-ponibles dans le courant de 2011.D’autres enquêtes ont également été adaptées pourmieux cerner les inégalités entre ménages, en particu-lier l’enquête sur le patrimoine ainsi que le dispositifpour observer les revenus et les conditions marginalesde logement.

Les travaux au niveau international

Les organisations internationales (Eurostat, OCDE etONU) partagent les ambitions et les orientationsfixées par le rapport, et préconisent elles aussi à leursmembres de construire de manière coordonnée demeilleurs outils statistiques pour mesurer le progrèssocial et sa soutenabilité.

Le Sponsorship européen

Les choses sont le plus avancées au niveau européen,avec la mise en place, en mai 2010, d’un groupe de« parrainage » co-animé par la France et Eurostat, ausein duquel quinze États membres de l’Union euro-péenne font des propositions pour la mise en œuvredes recommandations du rapport. Ce groupe travailledans un contexte difficile marqué par des restrictionsbudgétaires, tout en nourrissant de grandes ambitionspour la statistique. Il devra donc hiérarchiser ses pro-positions, en fixant des priorités. Le rapport final estattendu pour 2011.Pour des raisons pratiques, les travaux de ce groupede « parrainage » sont organisés en trois sous-groupescorrespondant chacun à un groupe de travail du rap-port, un quatrième sous-groupe traitant du cadreconceptuel et des questions transversales (1).

L’OCDE

L’OCDE travaille également à la déclinaison du rap-port au-delà de l’Europe, non seulement dans les paysd’Amérique du Nord, mais aussi au Japon, en Coréedu Sud, en Turquie, en Australie, etc. C’est un de sesaxes majeurs de travail pour les deux années à venir.A l’occasion de son 50e anniversaire, elle publiera unouvrage sur la mesure du progrès et du bien-être,« How’s Life », qui reprendra les données diffusées surce thème. Elle mettra en place en mars 2011 une taskforce internationale pour analyser les disparités entreles ménages dans le cadre des comptes nationaux. Ils’agira de proposer une méthode de décomposition

(1) Plus précisément, le premier sous-groupe examine quelles seraient lesdonnées de comptabilité nationale à mettre en avant pour mieux mesurerle bien-être des ménages : revenu des ménages (avec ou sans les services ennature gratuits fournis par l’État), consommation finale ou consommationeffective. Il étudie, à partir de l’expérience française, quelles enquêtes surles ménages seraient nécessaires pour désagréger le compte des ménagespar catégories de ménages et produire des données sur la distribution desrevenus et de la consommation. Il réfléchit également à la place à accorderaux comptes de patrimoine des ménages, dans le cadre des programmes detransmission des statistiques européennes et, au besoin, à la nécessitéd’élargir les mesures de revenu aux activités non marchandes (comme lesloisirs et le travail domestique). Le groupe qui travaille sur la soutenabilitéexamine, quant à lui, les questions de l’intégration des comptes environne-mentaux dans les comptes nationaux, du lien entre comptes nationaux etcomptes de l’énergie, et de la révision du tableau de bord des indicateursde développement durable, avec un renforcement de leur partie environ-nementale. Le groupe sur la qualité de vie est chargé de proposer des indi-cateurs objectifs de qualité de vie [11] sur la base des enquêtes sur lesménages et des données administratives pertinentes, avec une agrégationdes différentes dimensions, une évaluation des inégalités de condition devie et, enfin, une mesure du bien-être subjectif.

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BIBLIOGRAPHIE

[1] Commission Stiglitz, “Report by the Commissionon the Measurement of Economic Performance andSocial Progress”, 2009.www.stiglitz-sen-fitoussi.fr[2] EASTERLIN (R.-A.), “Does economic growthimprove the human lot? Some empirical evidence”, inDAVID (R.) & REDER (R.) (Eds), “Nations andHouseholds in Economic Growth: essays in honor ofMoses Abramovitz”, New York, Academic press, 1974.[3] NORDHAUS (W.) & TOBIN (J.), “Is growthobsolete ?” in The Measurement of Economic andSocial Performance, Studies in Income and wealth,National Bureau of Economic Research, vol. 38, 1973.[4] MÉDA (D.), Qu’est-ce que la richesse ?, Aubier,1999.[5] GADREY (J.) & JANY-CATRICE (F.), Les nou-veaux indicateurs de richesse, Seconde édition,Repères-La Découverte, 2007.

[6] Site Insee, Dossier « Performances économiqueset progrès social ».h t t p : / /www. i n s e e . f r / f r / p u b l i c a t i o n s - e t -services/default.asp?page=dossiers_web/stiglitz/per-formance_eco.htm[7] BLANCHET (D.), CLERC (M.) & GAINI(M.), « Les préconisations du rapport Stiglitz-Sen-Fitoussi » quelques illustrations », L’économie françai-se, Edition 2010.[8] LE LAIDIER (S.), Les transferts en nature atté-nuent les inégalités de revenu, IP n°1264, novembre2009. [9] FESSEAU (M.), BELLAMY (V.) & RAYNAUD(E.), Les inégalités entre ménages dans les comptes natio-naux, IP n°1265 – novembre 2009.[10] ALBOUI (V.), GODEFROY (G.) & LOLLI-VIER (S.), « Une mesure de la qualité de vie », FrancePortrait social, Edition 2010.[11] Objective indicator of quality of life, Insee,France (Dgins meeting Sofia, September 2010).

du compte des ménages par catégorie, en s’inspirantdes travaux déjà réalisés en France, et d’établir uncadre conceptuel liant revenu, dépense et richesse desménages au niveau individuel (2).

L’ONU

Les services statistiques des Nations Unies, qui sui-vent avec intérêt ces travaux, avaient d’ailleurs inscritun « point d’information Stiglitz » à l’ordre du jourde la Commission statistique qui s’est tenue à NewYork en février 2011. En marge de cette Commission,le Brésil a également appelé à la tenue d’une confé-rence sur la mesure du bien-être.Enfin, d’une manière générale, l’Insee s’implique for-tement pour répondre aux différentes sollicitationsinternationales pour faire connaître le rapport et lestravaux déjà engagés.

(2) Compte tenu des synergies avec les travaux déjà réalisés en France etdes recommandations du parrainage européen, la France et Eurostat yseront fortement impliqués. Il est prévu également d’approfondir lescomptes de l’environnement, la mesure des stocks de capital humain etdes actifs incorporels et de développer des indicateurs de court terme deconditions de vie pour ce qui concerne les ressources économiques. Unepremière version d’un guide de la mesure du bien-être subjectif estattendue pour la fin 2011. Tous ces travaux nécessiteront un leadershipet une coordination forte, notamment sur les synergies à rechercher avecle parrainage européen.

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Un engagement, des concepts et des méthodespour une économie au service de l’Homme La performance globale, pour des entreprises durables

Fidèle à sa vocation de « laboratoire du patronat », le Centre des JeunesDirigeants a développé en 2002 le concept de Performance globale® pourdes entreprises durables. La Performance globale est un véritable modèle deperformance responsable qui intègre de manière indissociable dans la straté-gie et la gouvernance de l’entreprise, les dimensions économique, sociale,sociétale et environnementale. Presque dix ans plus tard, plus de 2 000jeunes dirigeants ont expérimenté cette démarche dans leur entreprise.Revue de détail, retour d’expériences et prospectives.

par Michel MEUNIER* et Daniel LUCIANI**

DES OUTILS DE LA

PERFORMANCE SOCIÉTALE

ET ENVIRONNEMENTALE

Le Centre des Jeunes Dirigeants (CJD) a été créé,en 1938, autour des valeurs de solidarité, de res-ponsabilité, de loyauté et de respect de la dignité

humaine, par quelques jeunes patrons désireux dedonner une image plus humaine et plus responsabledu patronat et de l’entreprise. Son ambition initialeétait de mettre « l’économie au service de l’Homme »(1).Aujourd’hui, une des finalités du CJD reste d’accom-pagner ses membres dans la mise en œuvre pour leurentreprise d’un développement soutenable etdurable du point de vue social et sociétal ; la

* Président national du Centre des jeunes dirigeants d’entreprise (CJD) :2010-2012.

** Membre du Bureau national du CJD, en charge de la Performance glo-bale.

(1) Le CJD est un mouvement patronal indépendant réunissant près de4 000 entrepreneurs militants et constructeurs. L'ambition du CJD est depromouvoir des idées nouvelles et décalées pour rendre l'entreprise à la foisplus humaine et plus compétitive. Le CJD est un mouvement en expéri-mentation constante, qui a toujours alimenté les réflexions et influencé lesdécisions économiques, politiques et sociales françaises. En intégrant leCJD, le dirigeant entrepreneur intègre un parcours de réussite profession-nelle « en alternance ». Le CJD a essaimé dans neuf pays : l’Algérie, leBénin, le Cameroun, le Maroc, le Québec, la Mauritanie, la Principauté deMonaco, la République tchèque et la Tunisie.

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MICHEL MEUNIER ET DANIEL LUCIANI

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Performance globale est une traduction (particulière-ment adaptée aux petites et moyennes entreprises) dece concept.

CHANGER SA VISION DU MONDE

En 1982, le CJD publiait la Charte du bien-entre-prendre, où l’on pouvait lire, en préambule : « Il nepeut y avoir d’entreprise sans les femmes et les hommesqui la composent, [...] sans un projet commun qui réunittous les partenaires ». Puis, en 1992, la Charte de l’en-treprise citoyenne déclarait : « Les jeunes dirigeants ontconscience qu’animée par la seule logique économique,l’entreprise risque de tarir ses propres sources de richesse.Le souci de pragmatisme et de performance à court termeocculte les voies durables de l’innovation et du développe-ment ».Depuis le début des années 2000, le CJD cherche àfaire prendre conscience à ses membres que notremodèle de développement occidental, qui puise his-toriquement sa puissance dans l’utilisation intensivedes ressources naturelles, n’est ni durable ni géogra-phiquement extensible. Parmi ces ressources natu-relles, l’énergie (d’origine fossile à plus de 80 % auniveau mondial) est cruciale, car elle est, par défini-tion, le moteur de toutes nos transformations phy-siques et elle est porteuse de l’impact global le pluslourd, de par les émissions de gaz à effet de serrequ’elle génère. Ainsi, le besoin de solutions de transition vers unesociété qui soit résiliente aux chocs (actuels et futurs)s’accroît fortement. Face à cette situation historique-ment inédite, nous restons englués dans nos habi-tudes, espérant secrètement que le Business as Usualreviendra... et que la technologie nous sauvera !Pourtant, continuer comme avant est impossible, lerecours à l’endettement ayant montré ses limites. Lescrises écologiques, démographiques et géopolitiquesnous démontrent que les voies suivies jusqu’ici nousemportent inexorablement vers une inhumanité crois-sante et nous éloignent d’une prise de conscience res-ponsable. De gré ou de force, le changement de para-digme s’imposera et la qualité de notre futur dépendrade la vitesse avec laquelle nous saurons négocier latransition. Donner à l’économie son juste rôle - unoutil puissant au service d’un projet de société -, telleest l’ambition du CJD pour ce troisième millénaire.Ainsi, si elle veut durer, l’économie doit reprendre savraie place, celle de son sens étymologique (du grecoikos, la maison, et nomos, l’art de gérer) : l’art de gérerson habitat, son territoire, son patrimoine... ainsi desuite, jusqu’à sa planète. Pour le CJD, la conclusion estdésormais évidente : l’économie doit être au service del’Homme, bien sûr, mais elle ne peut s’arrêter aujour-d’hui à cette seule obligation, l’économie doit impéra-tivement se mettre au service de la vie, au sens del’Homme et de la biosphère. Le vivant, dans son

ensemble, est indissociable de notre survie et du déve-loppement pérenne et soutenable de l’Homme. Ils’agit, encore plus aujourd’hui, de penser « global » etd’agir « local ». Très concrètement, il est indispensablede changer de lunettes et de sortir de la myopie éco-nomique incarnée par le PIB-roi. Il est urgent d’adop-ter des outils de pilotage et des indicateurs intégrant levrai progrès humain et la résilience de la biosphère. Cechangement d’objectif est indispensable pour rendre laperspective désirable et partagée en soutenant uneaspiration collective à vivre mieux, tout en consom-mant moins d’énergie et de matières premières.

LA PERFORMANCE GLOBALE®, UN NOUVEAUPARADIGME

Pour le CJD, ce changement est incarné dans l’entre-prise par la Performance globale. En effet, la perfor-mance de l’entreprise n’a de sens que si elle se déve-loppe d’une manière globale, selon quatre dimensionscomplémentaires : - La performance économique (qui honore la confian-ce des actionnaires et des clients et se mesure par lesindicateurs que sont le bilan et le compte de résultat).- La performance sociale et humaine (qui repose sur lacapacité de l’entreprise à rendre les salariés acteurs etauteurs et pose aussi la question du bien-être deshommes et des femmes dans l’entreprise).- La performance sociétale (qui s’appuie sur la contri-bution de l’entreprise au développement de son terri-toire et sur son rôle dans la société).- La performance environnementale (qui concernel’intégration de l’entreprise aux écosystèmes et sacapacité à réduire ses impacts environnementaux).Le concept de Performance globale venait de naître.Un manifeste pour donner du sens à la performanceétait signé par quatre cents dirigeants. Un an après sonlancement, en 2002, plus de sept cents jeunes diri-geants l’expérimentaient dans leur entreprise. Depuis,leur nombre n’a cessé de progresser : la Performanceglobale est aujourd’hui la marque de fabrique dumouvement et près de deux mille entrepreneurs mili-tants du CJD l’ont depuis déployée dans leur entre-prise.Le CJD entend, fort de ces (presque) dix années d’ex-périmentation, apporter sa contribution aux travauxmenés à l’échelle mondiale sur le thème du dévelop-pement durable et de la responsabilité sociétale. Sonobjectif est d’aider les entreprises (en particulier lesTPE et PME) à anticiper, à prendre une longueurd’avance. Cette méthode de diagnostic et de pilotagede l’entreprise s’inscrit en cohérence avec les questionscentrales de responsabilité sociétale de la norme ISO26 000 (publiée le 1er novembre 2010).Pour le CJD, la responsabilité sociétale n’est pas l’af-faire des seules grandes entreprises. En ce sens, elles’inscrit parfaitement dans les défis de la Stratégie

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DES OUTILS DE LA PERFORMANCE SOCIÉTALE ET ENVIRONNEMENTALE

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nationale de développement durable 2010-2013« Vers une économie verte et équitable » (adoptée par leComité interministériel pour le développementdurable le 27 juillet 2010, qui reconnaît et soutient lesengagements de certains dirigeants de PME, « de plusen plus nombreux à revendiquer une performance globa-le associant réussite économique, respect de l’environne-ment et participation au bien-être social ».En cela, le CJD se désengage du modèle prétendu-ment unique du « tout économique » (l’entreprise auservice exclusif de ses actionnaires). La Performanceglobale veut prendre en compte les intérêts des partiesprenantes en cherchant à les satisfaire de la manière laplus équilibrée et la plus équitable possible, sans com-promettre, toutefois, le développement même de l’en-treprise.La Performance globale part du point de vue de l’en-treprise : c’est en cela qu’elle se distingue du dévelop-pement durable. Elle est moins centrée sur la seuledimension environnementale. Cette démarche invitele jeune dirigeant à définir où son entreprise veut aller(sa stratégie), à définir ses valeurs et à mettre en placedes processus de dialogue et de concertation avectoutes ses parties prenantes. Elle impose également dese doter de moyens de mesure et de contrôle et d’ob-jectiver ses pratiques au moyen d’indicateurs.

QUEL INTÉRÊT, POUR LES ENTREPRISES ?

Pour un membre du CJD, s’engager dans unedémarche de Performance globale, c’est d’abord affir-mer une vision et se différencier, entrer dans un pro-jet porteur de sens, être à l’écoute de ses parties pre-nantes, prendre en compte sa sphère d’influence,appréhender l’ensemble de ses responsabilités et,enfin, stimuler sa performance et ses résultats.Le CJD est convaincu que la recherche d’une perfor-mance globale est un gage de compétitivité, de valori-sation et de pérennité, pour les entreprises.Les entreprises qui auront su mettre en place unmanagement non seulement de la performance éco-nomique, mais aussi des performances sociale, socié-tale et environnementale, seront plus compétitivesdans la durée. Elles seront plus ouvertes et mieux pré-parées à l’émergence de nouveaux marchés. Tandis que les fonds éthiques se multiplient et que lecapital-développement commence à prendre encompte les données extra-financières, les entreprisesayant mis en œuvre une démarche de performanceglobale se verront progressivement valorisées etreconnues pour leur exemplarité.La législation évoluant très vite, si les entreprises(notamment les PME) ne veillent pas à anticiper cequi risque de s’imposer à elles, elles perdront de l’ar-gent et du temps. Pour durer, les entreprises doiventdésormais anticiper ; c’est la seule garantie de leurpérennité.

LES OUTILS DE LA PERFORMANCE GLOBALE®

Afin d’accompagner le jeune dirigeant à chaque étapede sa démarche de Performance globale, le CJD met àla disposition de ses membres à la fois une méthode etdes outils très pratiques. Pour les sensibiliser à ladémarche, l’évaluer et la piloter, un jeu pédagogique« I Nove You » et un outil en ligne, le « GPS », ont étécréés en 2008. Pour favoriser le partage d’expériencesentre dirigeants, des commissions de travail (réservéesaux adhérents au CJD) existent depuis 2002. Cetensemble constitue le parcours de Performance globa-le au sein du CJD.Lancé le 1er octobre 2008, le jeu de sensibilisation « INove You » illustre le fait que les choses sérieuses peu-vent parfois être appréhendées de façon ludique. Il aété présenté et expérimenté dans toute la Franceauprès de 750 dirigeants du CJD. Il a pour objectifsde sensibiliser les dirigeants à la Performance globale,de partager les bonnes pratiques, de faire un état deslieux simple et rapide, d’enrichir le dirigeant avec desrepères et des idées concrètes et de promouvoir le GPSen utilisant comme « référents » les profils d’entrepri-se qui en sont issus.Pourquoi ce nom, « I Nove You » ? « Nove », c’est laracine d’innover : Je te « nove », ça veut dire que je tepropose des avis, des idées qui te permettront, si tu lesintègres, d’innover. Le jeu repose sur des règles fondéessur le partage, la convivialité et la sincérité. Tous lesjoueurs jouent et gagnent ensemble. Ils avancent unmême pion (en fait, un cheval miniature) sur un par-cours et répondent à des questions qui les aident à éva-luer et à repenser le développement durable de leurentreprise. Pour les entreprises non adhérentes, le CJDpropose des sessions de formation à la Performanceglobale, également via le jeu « I Nove You ».

LE GPS, OUTIL DE PILOTAGE EN LIGNE (SURWWW.GPS.CJD.NET )

Le GPS (Global Performance System) est un outil depilotage de la démarche de Performance globale.Grâce à cet outil innovant (et gratuit), chaque diri-geant, quels que soient le secteur et la taille de sonentreprise, peut s’évaluer, piloter sa démarche, compa-rer son entreprise, éditer son rapport de Performanceglobale et partager ses pratiques et initiatives. A cejour, près de mille entreprises sont inscrites sur le GPSet, parmi celles-ci, cent entreprises ont décidé derendre leur évaluation disponible aux autres dirigeantset à leurs parties prenantes. Avec une initiation obli-gatoire au GPS pour tout nouvel adhérent du mouve-ment, c’est cinq cents nouveaux membres du CJD quis’évaluent ainsi en ligne, chaque année. Le GPS est la marque de l’engagement de ces diri-geants à respecter et à faire respecter des valeurs qui

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placent l’économie au service de la vie. Pour les entre-prises référencées, cet outil est un moyen d’obtenirplus de visibilité auprès de toutes leurs parties pre-nantes, d’identifier des axes de progrès et de piloter ladémarche dans une optique d’amélioration continue.L’évaluation se fait à partir d’un questionnaire com-portant cent questions, accessible après inscription surle site précité. Ces questions portent sur les dix thé-matiques de la Performance globale : six concernentles parties prenantes (clients, fournisseurs et parte-naires, salariés, actionnaires, environnement, sociétécivile) et quatre se rapportent aux thèmes de gouver-nance (valeurs, stratégie, pilotage économique etinnovation).La version 2.0 du GPS est en ligne depuis le début del’année 2011, avec de nouvelles fonctionnalités : il per-met dorénavant la formalisation des plans d’actiongénérés automatiquement à partir des réponses appor-tées par le dirigeant lors de son évaluation. Il met ainsien exergue les enjeux prioritaires que se doit de traiterle dirigeant s’il souhaite progresser dans saPerformance globale. Il facilite la collecte et l’affichagedes initiatives menées en entreprise en lien avec lesquatre dimensions précitées de la Performance globale.

AU CŒUR DE LA VIE DU CJD : LES COMMIS-SIONS DE TRAVAIL

La Performance globale, colonne vertébrale desréflexions et des expérimentations du mouvement,propose en exclusivité un « parcours Performance glo-bale » à ses adhérents. Ce parcours s’articule autour decommissions mensuelles d’échanges et de partaged’expériences réunissant une dizaine d’entrepreneurs.La première année, baptisée « Start », est un tempsd’autodiagnostic et de formalisation de la construc-tion de la vision de l’entreprise sur la base des centquestions sur la Performance globale. Le jeu « I NoveYou » sert de starter et le GPS de guide et d’arbitre, enquelque sorte. Les jeunes dirigeants partagent, bienentendu, leurs bonnes pratiques, mais aussi leurs dif-ficultés ; la bienveillance des échanges fait progresserchacun des participants en lui permettant d’identifierfacilement ses axes de progrès. La deuxième année,« Jump », est un temps de définition des plans d’ac-tion au regard des enjeux prioritaires identifiés lors dela première année. C’est surtout un temps d’intégra-tion des enjeux du développement durable au cœur dela stratégie de l’entreprise. Cette deuxième année per-met a minima la concertation avec les parties pre-nantes internes et/ou externes de l’entreprise. Mieux,elle incite à la co-création et à l’enrichissement parti-cipatif de la stratégie avec ses parties prenantes. Enfin,elle invite le jeune dirigeant à déployer et à commu-niquer très largement sa stratégie. A la fin des deuxannées, l’objectif, pour le dirigeant, est de publier sonrapport de Performance globale, à l’aide du GPS.

Enfin, la troisième année, dite « Progress », constitueune étape d’approfondissement de l’un des quatreaxes de la Performance globale via des commissions detravail thématiques (le bien-être en entreprise, le défiécologique et économique, la biodiversité, l’innova-tion, la reprise d’entreprise, les ressourceshumaines...). Plus de cinq cents jeunes dirigeants,répartis dans une soixantaine de commissions, s’enga-gent ainsi, chaque année, dans un parcours dePerformance globale.

LA PERFORMANCE GLOBALE® : QUELLESRETOMBÉES, POUR L’ENTREPRISE ?

La Performance globale est-elle un atout pour l’entre-prise ? Qu’apporte-t-elle, très concrètement, au diri-geant? Pour répondre à ces questions, le CJD a menéune enquête auprès de trois cents de ses membres.Après presque dix ans de déploiement au sein dumouvement, le voile se lève (enfin…) sur l’impact réelde la Performance globale… L’enquête a été réaliséeen ligne, du 8 au 26 juillet 2010, auprès de huit centsjeunes dirigeants engagés dans une démarche dePerformance globale.La Performance globale apparaît très clairementcomme un levier de performance en interne commeen externe. L’enquête révèle que près de 99 % des diri-geants interrogés se sont engagés, en premier lieu, parconviction personnelle. Le rôle du CJD en tant quedéclencheur est également mis en avant. Etant donné le profil des adhérents du CJD, « entre-preneurs, militants et constructeurs », rien d’étonnant àcela, jusqu’ici… Mais comment cela se traduit-il au sein de leur entre-prise ? Les bénéfices pour l’entreprise sont clairementidentifiés par les dirigeants : parmi les personnesinterrogées, 78 % considèrent la Performance globalecomme un atout pour l’image de leur entreprise ;77 % des répondants estiment également que laPerformance globale a un impact positif sur le bien-être des salariés, ainsi que sur leur motivation et sur ladynamique du dialogue social. Un « bémol », cependant, qui nous incite à resterhumbles et à progresser, dans l’accompagnementqu’apporte le CJD à ses membres engagés dans cettedémarche. En effet, seuls 38 % des répondants ontvéritablement intégré la Performance globale à leurstratégie, les autres dirigeants menant pour la plupartdes démarches de développement durable en parallèleà leurs activités principales. De plus, si 81 % des diri-geants considèrent que la Performance globale est unfacteur d’amélioration des services qu’ils proposent,seuls 14 % d’entre eux mettent en avant cettedémarche comme un vecteur réel de fidélisation desclients. Cela peut être mis en relation avec le fait que66 % des répondants affirment que leurs clients neconnaissent pas l’existence de cette démarche. Pour

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conclure, 96 % des dirigeants conseillent à leurs pairsde s’engager dans une démarche de Performance glo-bale. Comme le dit très bien un des dirigeants inter-rogés : « Je suis conscient que je pourrais gagner plus etplus vite, mais j’ai fait le choix de durer... »

METTRE LA PERFORMANCE GLOBALE AU CŒURDE LA STRATÉGIE DE L’ENTREPRISE

Par ailleurs, l’enquête confirme le fait que les retom-bées économiques directes restent difficilement mesu-rables ; il apparaît toutefois clairement que laPerformance globale est un élément moteur et fédéra-teur dans le développement et la pérennité de l’entre-prise (notamment en ce qui concerne les relations decelle-ci avec ses parties prenantes). Au-delà de la seuleévaluation financière de l’entreprise, se pose la ques-tion de la mesure d’un autre capital de l’entreprise,son capital immatériel. Avec la Performance globale,cette question prend ici tout son sens et c’est pour-quoi cette problématique figure parmi les chantiers deréflexion du CJD pour les mois à venir. Le CJD va élargir également son dispositif à laPerformance globale des produits et services, en s’ap-puyant notamment sur les principes de l’éco-socio-conception en partenariat avec l’association Orée, quiregroupe des entreprises et des collectivités élaborant

des outils pour la nouvelle économie (écologie indus-trielle, éco-conception, intégration de la biodiversitédans les stratégies d’entreprise...). L’ambition est d’aider les entrepreneurs militants duCJD à engager la transformation de leur entreprise etde leurs offres de produits et services en s’inspirant denouveaux modèles économiques liés à « l’économie defonctionnalité » et à « l’économie circulaire ». Enfin, il devient urgent, aux yeux du CJD, de rebattreles cartes de la redistribution en transférant le poidsdes prélèvements obligatoires du travail et de l’inves-tissement vers les pollutions et l’accès aux ressourcesnaturelles et aux services écologiques. C’est tout l’en-jeu de la « fiscalité inversée ». Décarboner notre systè-me (en réduisant notre dépendance aux énergies fos-siles et nos émissions de gaz à effet de serre), tel estnotamment l’objet de la mal-nommée et avortée« Taxe Carbone » en France et qui connaît, pourtant,un large succès dans de nombreux autres pays euro-péens.En changeant de paradigme, les jeunes dirigeantsmembres du CJD prennent conscience qu’il n’est pluspossible de faire abstraction de l’environnement, de labiodiversité, du vivant dans son ensemble. En retrou-vant le chemin de la coopération dans les écosys-tèmes, nous assurons la pérennité sereine de notreéconomie, de manière à créer, enfin et véritablement,une économie qui soit au service de l’Homme et de lavie.

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La Global ReportingInitiative : vers la transparence des entreprises

Fondée en 1997, la Global Reporting Initiative (GRI) est devenue unespace mondial de dialogue pour les parties prenantes du reportingen matière de développement durable, au premier rang desquellesfigure la France.La GRI constitue aujourd’hui une référence mondiale en matière dereporting « environnemental », au travers notamment de ses Lignes direc-trices, qui décrivent à l’attention des entreprises le contenu de base des rap-ports sur le développement durable.Une reconnaissance appelée à s’amplifier sous l’effet de la crise financièreavec l’émergence, notamment chez les investisseurs, d’un besoin de transpa-rence en matière d’information environnementale, sociale et de gouvernance.

par Teresa FOGELBERG*

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INTRODUCTION : DES CARTES À REBATTRE

En Europe et à travers le monde, il est clairementnécessaire de repenser l’économie et les aspirationssociétales pour un avenir durable. Il est communé-ment admis que cela ne sera possible qu’avec une ges-tion transparente de l’économie, des ressources envi-ronnementales et des questions sociales. Latransparence en matière de management est devenuela base sur laquelle toutes les organisations doiventconstruire, de façon à garantir leur existence et leursuccès.

La France est le premier pays d’Europe à avoir crééune législation en termes de reporting sur le dévelop-pement durable. La loi de 2001 sur les nouvelles régu-lations économiques (d’ailleurs renforcée en 2010) avu la France jouer un rôle de leader en matière d’inci-tation à la transparence organisationnelle. Pour la pre-mière fois, il a été demandé aux entreprises de publierleurs données sociales et environnementales en mêmetemps que leurs données financières.

* Directrice exécutive adjointe de GRI.

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Alors que cette législation modifiait le paysage dureporting des entreprises françaises, la Global ReportingInitiative (GRI) faisait de grands progrès dans la pour-suite de sa vision originale de la transparence organi-sationnelle visant à ce que le reporting en matière dedéveloppement durable devienne à la fois comparableentre organisations et aussi commun qu’en matièrefinancière. De fait, un des aspects de la mission deGRI a toujours été son développement de l’encadre-ment et du conseil afin d’aider les organisations à faireface au défi d’une gestion transparente. Réseau mondial de parties prenantes pionnières dureporting en matière de développement durable, laGRI a été fondée à Boston en 1997. Certaines entre-prises américaines étaient enthousiastes pour divul-guer leurs performances et leurs impacts non finan-ciers, mais l’ambition de la GRI était plus globale. LeProgramme des Nations Unies pour l’Environnement(PNUE) a adopté la GRI et invité les Etats membresdes Nations Unies à l’accueillir. Les Pays-Bas furentchoisis comme pays d’accueil.Aujourd’hui, la GRI constitue la référence mondialela plus utilisée en matière de reporting sur le dévelop-pement durable. Près de 80 % des 500 plus grandesentreprises produisent maintenant des rapports baséssur le cadre proposé par la GRI, c’est-à-dire selon leslignes directrices pour le reporting sur le développe-ment durable appelées « Lignes directrices G3 » (1).Le réseau GRI compte environ 30 000 experts envi-ronnementaux, sociaux et de gouvernance issus dumilieu des affaires, de la société civile, de la finance,du monde du travail et des universités, et il comprendprès de 600 organisations différentes dans son pro-gramme d’organisation des parties prenantes. Lesgouvernements néerlandais, allemand, islandais, nor-végien, suisse et suédois, ainsi que la Commissioneuropéenne, ont contribué au financement de GRI etde ses missions. Son groupe consultatif gouvernemen-tal (qui inclut, par exemple, Michèle Pappalardo,Commissaire générale au Développement durable ausein du ministère français de l’Ecologie, duDéveloppement durable, des Transports et duLogement) fournit directement au conseil d’adminis-tration de GRI les avis des gouvernements. A la suitede ses progrès, de ses méthodes de travail interactives,ainsi que de ses alliances avec les principaux organesde l’ONU et avec l’Organisation de coopération et dedéveloppement économiques (OCDE), GRI est par-venue à représenter un espace mondial de dialoguepour ceux qui travaillent à faire progresser la transpa-rence et la responsabilité.

Les développements récents soulignent la symétrieentre l’activité du Gouvernement français et celle deGRI - et le terrain commun qu’ils occupent. Le pre-mier point commun est l’adoption (en juillet 2010)par le Comité interministériel français d’une Stratégienationale de développement durable (SNDD). Cettestratégie engage les organisations publiques et privéesà structurer leurs projets de développement durableautour des choix et d’indicateurs admis par un largeconsensus. Le second point commun est l’adoptionpar GRI de la mise à jour des objectifs, à savoir que lesentreprises soient tenues de déclarer leurs impacts enmatière de développement durable et qu’une normeinternationale soit développée pour permettre l’inté-gration du développement durable dans les rapportsfinanciers.Ces évolutions traduisent divers éléments de contex-te : - il y a une demande de normes internationalementreconnues s’appliquant aux rapports sur le développe-ment durable,- il y a un besoin de la communauté des investisseurspour la divulgation des données non financières afinde mesurer la valeur réelle des entreprises,- il y a, enfin, la conviction que la transparence autourdes répercussions sur le développement durable per-met beaucoup plus que la prévention des risques ; ellepeut en effet accroître la compétitivité et créer desvaleurs organisationnelles de sorte qu’une économiemondiale dynamique et saine évolue vers une écono-mie également rentable et verte.

HISTOIRE : OÙ EN SOMMES-NOUS ?

La dynamique de GRI en faveur de la transparenceorganisationnelle a toujours été motivée par la convic-tion que ses conséquences sont bénéfiques pour tous.Les avantages ne concernent pas seulement les partiesprenantes qui peuvent être affectées par les opérationsd’une organisation et la société dans son ensemble,mais l’organisation elle-même. La transparence crée laconfiance et la confiance crée des valeurs. La transpa-rence met sur un pied d’égalité les entreprises et per-met d’accroître leur compétitivité. La transparencepeut fournir aux organisations des informations cru-ciales pour leurs propres opérations. L’impact desorganisations sur la durabilité représente à la fois desrisques et des opportunités ; la transparence acquisegrâce aux rapports sur le développement durable per-met aux organisations de reconnaître ces risques etopportunités et d’agir efficacement à leur égard, en lesaidant à déterminer si l’organisation crée, préserve ouérode sa propre valeur.Le cadre GRI consiste en des « Lignes directrices »pour le reporting sur le développement durable, despublications de recherche et développement, des ser-vices pour les journalistes et les lecteurs des rapports,

(1) Cf. les statistiques de GRI et du rapport KPMG « Enquête interna-tionale sur la responsabilité des entreprises » de 2008. On pourra télé-charger les Lignes directrices G3 à l'adresse suivante :http://www.globalreporting.org/home

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ainsi que des conseils adaptés selon les activités, sousla forme de suppléments sectoriels. La pierre angulai-re de ce cadre est constituée par les « Lignes direc-trices », désormais au stade de leur troisième éditionet développées par un processus unique de consulta-tion multipartite. Ces lignes directrices décrivent lecontenu de base de rapports sur le développementdurable. Elles prévoient des indicateurs de perfor-mance sur l’environnement, les droits de l’Homme,les pratiques de travail et le travail décent, la société,la responsabilité du produit, la performance écono-mique et la gouvernance. Elles sont pertinentes pourtoutes les organisations, indépendamment de leurtaille, de leur secteur ou de leur localisation ; leur uti-lisation peut être adoptée de manière souple et pro-gressive.La première version des lignes directrices avait été lan-cée en 2000. La seconde itération, connue sous lenom de G2, a été dévoilée deux ans plus tard, lors duSommet mondial sur le développement durable deJohannesburg. L’intérêt était grand, les lignes direc-trices ont donc été hautement reconnues par les gou-vernements, les entreprises, la société civile et lemonde du travail, et elles ont été référencées dans ladéclaration officielle des gouvernements, à l’issue dece Sommet. Les gouvernements ont approuvé l’utili-sation du cadre GRI en adoptant un Plan de mise enœuvre du Sommet mondial, représentant pour GRIun « permis d’opérer » dans les pays en voie de déve-loppement.2002 a été l’année d’autres développements impor-tants. GRI a été instituée officiellement comme uneorganisation de collaboration du Programme desNations Unies pour l’environnement (le PNUE), enprésence du Secrétaire général de l’ONU d’alors,M. Kofi Annan, et elle s’est installée à Amsterdam entant qu’organisation indépendante à but non lucra-tif. Ernst Ligteringen a été nommé Directeur généralet membre du conseil d’administration de GRI.Grâce à son volontarisme et à son professionnalisme,l’utilisation des lignes directrices a augmenté defaçon exponentielle. La croissance a été stimulée parle lancement, en 2006, de la génération actuelle deslignes directrices, les lignes directrices G3. Plus de3 000 experts du monde des affaires, de la sociétécivile et du travail ont participé à l’élaboration deslignes G3, instillant une plus grande confiance dansles conseils techniques de la GRI et rendant celle-ciplus conviviale et adaptable aux besoins variés dureporting.Les premières années de lancement des lignes direc-trices G3 ont vu une expansion de la vision straté-gique et du contenu prévus pour les rapports, ainsique la construction d’alliances puissantes. La GRI aélargi son centre d’intérêt, des créateurs aux utilisa-teurs de rapports. Des directives ont été élaboréespour aider les utilisateurs à traiter des questions tellesque la pertinence du contenu du rapport, la compara-bilité des informations et la nécessité de solutions

pour rendre l’information plus accessible. Une pré-sence locale de GRI dans certaines régions a été miseen place par l’intermédiaire de « points focaux »,d’abord au Brésil et en Australie, puis en Chine, enInde et aux États-Unis. Davantage de supplémentssectoriels ont été édités concernant diverses activitésallant des télécommunications aux industriesminières. Les publications ont été développées envalorisant des résultats de la recherche-développe-ment, souvent en collaboration avec les institutionsuniversitaires, les centres d’excellence mondiaux et lesorganismes de normalisation. Les services offerts parGRI à ses utilisateurs ont évolué pour inclure l’enca-drement et la formation, la certification du logiciel,des conseils pour les petites et moyennes entreprisesdébutantes en matière de reporting et la certificationdes rapports achevés. Une grande partie de la sensibi-lisation dans ces domaines s’est produite lors de laconférence semestrielle de GRI à Amsterdam sur ledéveloppement durable et la transparence, à partir de2006 ; la troisième conférence de mai 2010 a, quant àelle, attiré plus de 1 200 délégués, représentant77 pays. Les alliances et les synergies de GRI avec d’autresorganisations ont joué un rôle important. Ces der-nières années, GRI a mis en place des partenariatsmondiaux stratégiques, au-delà du PNUE, avec lePacte mondial des Nations Unies, la Conférence desNations Unies sur le commerce et le développement(CNUCED) et l’OCDE. Les lignes directrices G3 ontdes synergies et des liens formalisés avec l’Initiative«Charte de la Terre», la Société financière internatio-nale (IFC), l’Organisation internationale de normali-sation (ISO) et le Carbon Disclosure Project (CDP).GRI est engagée dans des projets communs avec laGTZ (Gesellschaft für Technische Zusammenarbeit),l’organisme qui s’occupe du développement durabledans le cadre du Gouvernement fédéral allemand, etelle bénéficie d’un financement de la part du ministè-re des Affaires étrangères norvégien et de l’Agence sué-doise de coopération internationale pour le dévelop-pement. GRI est maintenant officiellement référencéepar dix gouvernements du monde dans leurs docu-ments officiels et leurs réglementations sur la respon-sabilité des entreprises.Ces alliances démontrent des croyances partagées,abouties grâce à l’expertise et l’expérience : la transpa-rence est un élément essentiel pour la gestion de latransition vers une économie mondiale verte ; lescadres de rapports normalisés et comparables auniveau international sont nécessaires pour la diffusiond’informations environnementales, sociales et de gou-vernance, et ce type de données doit faire l’objet d’uneactivité courante, analogue à celle du compte-renduannuel. Ces propositions définissent l’« agenda »actuel pour la transparence des entreprises et la divul-gation de données non financières. Ils sous-tendentégalement les objectifs stratégiques de GRI jusqu’en2020.

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L’AVENIR

Lors de la conférence d’Amsterdam en 2010, leDirecteur général de GRI, Ernst Ligteringen, a décla-ré : « En 2015, toutes les grandes et moyennes entre-prises dans les pays de l’OCDE et les grandes écono-mies émergentes devraient être tenues de rendrecompte de leur performance environnementale, socia-le et de gouvernance et, si elles ne le font pas, d’expli-quer pourquoi ». Le second objectif clef de GRI estque, d’ici à 2020, il existe une norme internationalegénéralement acceptée et appliquée qui permette uneconception intégrée des rapports financiers, environ-nementaux, sociaux et de gouvernance, pour toutesles organisations. Parallèlement à ces objectifs, GRI aélaboré une stratégie de durabilité pour la croissanceéconomique dans les pays en voie de développementà faibles ou à moyens revenus.Les prochaines années verront GRI élargir son champd’action grâce à divers facteurs : l’accroissement deson rayonnement local et régional (en particulier dufait des points focaux), la mise en place de pro-grammes de formation certifiés, l’expansion de sesparties prenantes et le renforcement de ses alliances.De plus, GRI s’assurera de la pertinence de son cadrede rapports sur le développement durable et de l’amé-lioration de ses lignes directrices en cherchant à har-moniser la pratique du reporting avec les cadres et lesinitiatives existantes. En 2010, des groupes d’expertsont été établis pour formuler des mises à jour néces-saires pour les lignes directrices G3 (sur les droits del’Homme, les relations entre hommes et femmes, ladurabilité des impacts sur les communautés locales etla définition du contenu du rapport). Ces mises à jourseront disponibles dans les Lignes directrices G3.1,remaniées en 2011. Parallèlement, la prochaine géné-ration des lignes directrices (G4) est prévue pour ledébut de 2013. Son développement sera conforté parla présence de plusieurs experts travaillant à longterme au Secrétariat de GRI.Plusieurs gouvernements européens suivent l’exemplefrançais et imposent le reporting. Le Gouvernementdanois a requis le reporting au niveau de laResponsabilité sociale des entreprises. Les lois sué-doises imposent aux sociétés d’État la production derapports GRI et la Norvège a expressément fait réfé-rence à GRI dans sa loi prévisionnelle de finances.Une analyse récente montre qu’en Suède et auDanemark, l’obligation du reporting, comme enFrance, a entraîné une forte augmentation de la quan-tité et de la qualité des rapports consacrés au dévelop-pement durable.Il existe 90 autres réglementations gouvernementalesen matière de publication. De nombreux gouverne-ments envisagent de suivre cette voie, dans le contex-te du développement de rapports acceptés internatio-nalement. GRI veillera à ce que l’expérience etl’expertise acquises à l’aide des lignes directrices G3

soient incorporées dans le Comite d’intégration dureporting international (IIRC). Cofondé par GRI,l’IIRC a pour but de créer un cadre, accepté au niveaumondial, qui réunisse des informations financières,environnementales, sociales et de gouvernance dansun format comparable. Les cadres de GRI sont bienreprésentés dans les groupes de travail de l’IIRC. GRIcontinuera également à travailler avec ceux qui ontdéjà pris des mesures pour intégrer à leurs rapportsfinanciers la dimension du développement durable.Citons, à titre d’exemple, les exigences introduites en2010 par la Bourse de Johannesburg amenant ainsi450 entreprises à produire un rapport completincluant les aspects financiers et le développementdurable.En tant que créatrice et hôte, en 2011, des réunionsdes chefs d’Etat et de gouvernement du G8 et duG20 et compte tenu de l’importance de son écono-mie, la France est un pays clé pour GRI. L’activitémutuelle est en augmentation : Jacqueline Aloisi deLarderel a été nommée en octobre 2010 ambassa-deur GRI pour la France. Mme Pappalardo, duministère de l’Ecologie, du Développement durable,des Transports et du Logement, a organisé unemanifestation sur GRI à destination d’un largepublic composé de multiples parties prenantes, ycompris des parlementaires, ainsi que la réunionannuelle du Groupe consultatif gouvernemental deGRI.Les rapports sur le développement durable consti-tuaient autrefois un exercice peu ordinaire réalisé parquelques pionniers. Les organisations ont commencéà reconnaître son utilité pour démontrer l’accroisse-ment de leur compétitivité et en garantir la crédibili-té. Des rapports robustes peuvent fournir des preuvesde la viabilité des organisations et montrer commentles éléments financiers, la stratégie commerciale et ledéveloppement durable sont étroitement liés. Deplus, la communauté internationale d’investisseursprête de plus en plus attention à de telles données.Déterminés à éviter une nouvelle crise financière, lesinvestisseurs arrivent à une prise de conscience crucia-le : la transparence sur l’information environnementa-le, sociale et de gouvernance est essentielle pour éva-luer la valeur réelle d’une entreprise.Les lignes directrices G4, l’expertise des multiples par-ties prenantes qu’apporte GRI à l’IIRC, l’architecturede rapports intégrés et l’intérêt croissant de GRI pourles partenariats et la collaboration gouvernementalesont autant de facteurs qui visent à faire du reportingconsacré au développement durable une activité deroutine. L’expérience combinée de GRI, des interve-nants et des gouvernements souligne le fait que, pourles organisations, les rapports sur la transparencetémoignent d’une capacité de leadership, d’une fiertébasée sur les performances et d’une volonté de releverles défis auxquels ils font face, montrant ainsi la voievers une économie verte et un développement durablepour le bénéfice de tous.

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La performance responsable des entreprises :les auditer pour aider aux progrès et les noterpour faciliter les choix des investisseurs

Les « parties prenantes » sont les représentants de multiples intérêtsqui vont au-delà de ceux des propriétaires de l’entreprise ; elles incluent lessalariés, les consommateurs, les associations, les Pouvoirs publics, lesONG… Ces parties prenantes ont ouvert de nouveaux débats et créé denouveaux rapports de force. Pour l’entreprise, cette situation engendre cer-tains risques. A contrario, une démarche de responsabilité sociale ouvrepour l’entreprise des opportunités d’innovation et de différenciation qui nesont pas neutres pour sa création de valeur.Les « fonds éthiques » (qui privilégient les considérations morales) et les« fonds socialement responsables » (qui considèrent que l’attention apportéeà la responsabilité sociale est gage d’un bon développement) sont desexemples d’opérateurs attentifs aux engagements des entreprises dans les-quelles ils peuvent investir.De manière générale, l’agence Vigeo agit à l’intention des gestionnairesd’actifs en mesurant le degré de maîtrise, par les entreprises, de leurs exter-nalités sociales et environnementales. Dans certaines conditions, encadréessur le plan déontologique, une agence comme Vigeo peut aussi conseilleret/ou auditer les entreprises.

par Nicole NOTAT*

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* Présidente de Vigeo.

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La réflexion sur l’entreprise se cherche et se réno-ve. Les attentes, aussi. De nouveaux questionne-ments voient le jour, portant sur les comporte-

ments de l’entreprise et sur leurs impacts sur celles etceux qui la composent, sur son environnement natu-rel, sur les sociétés et les territoires qui l’accueillent…Sa gestion et son activité soulèvent des préoccupationsqui concernent un large éventail de parties prenantes(actionnaires, salariés, syndicats, consommateurs, opi-nion publique et Pouvoirs publics, ONG…) suscep-tibles de lui demander des comptes. L’entreprise estainsi confrontée à des critiques portant sur le sens etsur les valeurs. Si certains dirigeants porteurs du concept de « l’entre-prise citoyenne » ou d’une vision de la performanceconjuguant l’économique et le social ont, en quelquesorte, été les précurseurs de la « responsabilité socialede l’entreprise » (la RSE), il est juste de remarquer quec’est la pression externe qui a provoqué une prise deconscience chez les dirigeants des entreprises cotées etleur mise en mouvement. L’interpellation de grandes ONG organisées au niveauinternational les sommant de rendre des comptes ajoué un rôle majeur. Le risque de controverses, decampagnes médiatiques sur des thèmes sensibles(comme ceux des droits de l’Homme ou des atteintesà un développement durable prenant en compte l’in-térêt des générations futures) a été perçu par les diri-geants comme une vraie menace pour la réputation etl’attractivité de leur firme.C’est un curieux paradoxe qui veut qu’en plein essorde la libéralisation des marchés et de la globalisationde l’économie, en plein boum des retours sur inves-tissement rapides et élevés, les entreprises aient étérattrapées par la question de leur responsabilité socia-le et environnementale… La brutalité avec laquelle lacrise a percuté l’économie et engendré des dégâtssociaux a donné une nouvelle acuité à cette problé-matique. Dans ce contexte, il est intéressant d’observer com-ment le concept de RSE, dépassant l’approche mora-le historique, a progressivement pris forme et selonquel mécanisme il s’est incarné, d’abord dans la rhé-torique et dans les valeurs, puis dans la communica-tion, pour enfin faire son entrée dans la stratégie et lesopérations des organisations. Quel rôle la notationsociale, à laquelle Vigeo se consacre, joue-t-elle, dansce domaine ?

DE LA RESPONSABILITÉ PAR LES VALEURS À LACRÉATION DE VALEURS PAR LA RESPONSABILITÉ

Il y a eu le temps de la production de codes d’éthiqueet de chartes de valeurs visant à témoigner de « l’étatd’esprit » dans lequel chacune et chacun, dans sa fonc-tion, était invité(e) à se conduire. L’objectif était à lafois de promettre et de susciter un comportement col-

lectif qui soit ordonné autour d’une morale commu-ne. Et, dans cette morale censée fédérer les équipes,l’entreprise tout entière devait se reconnaître.Concrètement, cela revenait à un appel lancé par lesdirigeants à la responsabilité individuelle des mana-gers et des salariés, via un mécanisme d’adhésion.Cette approche s’est révélée insuffisante quand il afallu, parfois sous la contrainte réglementaire, rendrecompte des comportements aux plans social et envi-ronnemental à des parties prenantes attentives à la sin-cérité des engagements et à la tangibilité des résultats.Après le recueil improvisé de faits épars, d’indicateursconsolidés à la hâte ou d’actions symboliques, ont vule jour des efforts de reporting et des dispositifs d’inté-gration des questions de responsabilité sociale. On nese contente plus de communiquer, on commence àrendre compte de façon plus détaillée et plus fiable.C’est le temps de l’apparition de responsables ou dedirections du développement durable. S’installe alors l’idée que la responsabilité sociale invi-te l’entreprise à s’intéresser à ses stakeholders et à lesécouter : ces parties ne possèdent pas nécessairementdes titres de propriété, mais l’expression de leursdroits et de leurs intérêts monte en puissance.Certaines entreprises vont alors s’attacher à mieuxconnaître ces parties prenantes influentes (et parfoisbruyantes) qui s’invitent à un autre tour de table.C’est l’approche de la RSE « par les parties pre-nantes ». Il s’agit de les connaître et de les reconnaître,d’ouvrir avec elles un dialogue direct ou indirect, deporter attention à leurs causes, à leurs demandes, pourprévenir des menaces ou des controverses pour, par-fois, en faire, aux côtés des syndicats représentatifs dela partie prenante constituée par les salariés, des par-tenaires pour certaines actions.Cette démarche est, à l’évidence, à encourager ; elleouvre l’entreprise aux acteurs de la société et, à traverseux, aux débats et aux rapports de force qui la traver-sent.Personne n’a cependant la naïveté de croire qu’unefirme va pouvoir achever sa stratégie en matière dedéveloppement durable et épuiser sa responsabilitésociale, environnementale et sociétale à partir du seulrecueil (aussi bienveillant soit-il) des expressions desquelques parties prenantes qu’elle aura écoutées ouconsultées. La responsabilité sociale n’est pas qu’unesomme de transactions de gré à gré entre l’entrepriseet ses parties prenantes. Le volontarisme partenarialest certes un progrès, par rapport à l’époque deschartes et des codes unilatéraux. Mais ce volontarismene suffit pas à ouvrir le chemin de la prise en comptedes attentes, des intérêts et des droits des parties pre-nantes « sans voix », sans organisation, et parfois,même, des parties tenues au silence, dans de nom-breuses régions du monde. Et qui peut valablementprétendre conclure des engagements de responsabilitésociale au nom des « générations futures », celles-làmême au nom desquelles la notion de développementdurable fonde sa légitimité ?

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Les entreprises les plus sérieuses ont compris que leurresponsabilité sociale consiste, au préalable, à invento-rier rigoureusement des enjeux attachés à leur secteurd’activité et à leurs zones d’implantation et à en garan-tir la prise en compte en s’appuyant sur des stratégieset des processus managériaux clairs et mesurables. Cette démarche, qui requiert un engagement explici-te des dirigeants, vise l’intégration et la diffusion deprincipes et d’objectifs précis dans toutes les activités,dans toutes les fonctions, dans toutes les entités com-posant une entreprise ou un groupe. A négliger la maîtrise des externalités de ses activitéssur ses parties prenantes (ses salariés, l’environnement,ses clients, ses fournisseurs et sous-traitants, les com-munautés locales…), l’entreprise met en danger saréputation, ainsi que l’attractivité de ses produits et desa marque. A contrario, une démarche stratégique etmanagériale de RSE lui ouvre des opportunités d’in-novation, de différenciation et d’attractivité, qui nesont pas neutres pour sa création de valeur.Les principes directeurs de l’OCDE à l’intention desmultinationales (établis pour la première fois en1976), les engagements du « Global Compact » (pro-posé par le Secrétaire général des Nations Unies KofiAnnan lors du Forum de Davos, en 1999), la « softlaw » internationale… relèvent de cette vision.On mesure combien celle-ci infléchit considérable-ment la vision étriquée qui place l’entreprise au servi-ce prioritaire et court-termiste de ses financeurs. Elles’écarte du « gadget marketing » et de toute approcheimpressionniste et sélective.

L’INVESTISSEMENT SOCIALEMENT RESPONSABLE :VERS UN EFFET STRUCTURANT DE LA RESPON-SABILITÉ SOCIALE

« L’investissement socialement responsable » (ou ISR)intègre dans les analyses qui président à ses choix d’in-vestissement des facteurs environnementaux, sociauxet de gouvernance (ESG), en complément des critèresfinanciers.Les motivations de ces investisseurs sont bien illus-trées par les « principes de l’investissement responsable »(dont plus de sept cents investisseurs sont, aujour-d’hui, signataires au niveau mondial) (1). Elles s’ap-puient sur l’idée que « les facteurs sociaux, environne-mentaux et de gouvernance auront à plus ou moins longterme un impact sur la sécurité et la rentabilité des pla-cements ».Nous allons voir que, dans la pratique, plusieursdémarches cohabitent.

LES FONDS ÉTHIQUES

Les fonds dits « éthiques » sélectionnent leurs titres deplacement sur des critères qui excluent certains pro-duits ou certaines activités (tabac, armement, nucléai-re, jeux, pornographie…) ou de mauvaises pratiquesd’entreprises (atteintes aux droits de l’Homme, activi-tés dans des pays soumis à des régimes dictato-riaux…). Les fonds éthiques, nés aux Etats-Unis audébut du siècle dernier, demeurent encore le fait d’in-vestisseurs (collectifs ou individuels) soucieux de secomporter en conformité avec leurs convictionsmorales.

LES FONDS SOCIALEMENT RESPONSABLES

Deux grandes pratiques de sélection se détachent : les« positive stock selection » et les « best-in-class ». Lespremiers reposent sur la présomption que la notion dedéveloppement durable va induire, sur les marchés,des changements structurels dont certaines industriesdevraient bénéficier (les secteurs de l’eau, de l’assai-nissement et de l’élimination des déchets, les énergiesrenouvelables, la santé et les transports publics…)Avec les seconds, les « best-in-class », l’objectif est icid’identifier les entreprises les plus avancées de leursecteur en matière de performance et de maîtrise desrisques ESG, en complément de l’analyse financièretraditionnelle, pour les rendre éligibles aux fonds ISR.Cette dernière démarche est très développée enFrance.Les fonds dits « engagés », courants dans les paysanglo-saxons, pratiquent pour leur part un « activisme(ou dialogue) actionnarial », qui peut aller de contactset de « pressions» sur l’entreprise jusqu’au vote derésolutions en assemblée générale en faveur de modi-fications des comportements de l’entreprise en matiè-re sociale, environnementale ou de gouvernance.Mais tous convergent vers l’idée que les paramètresfinanciers classiques ne suffisent pas pour rendrecompte de la capacité d’une entreprise à garantir de lavaleur durable ni pour détecter des signes de risquesou d’opportunités à moyen terme. Ils modifient ainsil’horizon d’investissement sur lequel est fondée l’at-tente de rentabilité, en s’inscrivant dans le moyen etlong terme. Ils favorisent l’investissement au serviced’un nouveau mode de croissance intégrant la tripledimension économique, sociale et environnementaledu développement durable.Le développement de l’ISR est continu, depuis unedizaine d’années ; il reste de vraies marges pour qu’ilperde son caractère de niche et s’intègre pleinementdans les pratiques d’investissement.L’objection du risque d’une sous-performance de larentabilité ayant été levée, rien ne s’oppose plus à sonfranc et crédible développement, qui constituera un

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(1) Cf. http://www.unpri.org/principles/french.php.

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véritable levier pour le développement de la responsa-bilité sociale des entreprises elles-mêmes.

LA RESPONSABILITÉ SOCIALE SE MESURE

Nous postulons que la tangibilité de l’engagement del’entreprise commande le niveau de maîtrise de sesrisques de responsabilité sociale et détermine la capa-cité managériale à les transformer en leviers de perfor-mance. Dans cet esprit, les entreprises sont de plus enplus tenues d’informer sur leurs objectifs et sur leursrésultats sociaux, sociétaux et de gouvernance (c’estd’ailleurs une obligation légale, en France).L’accélération de ce mouvement suscite un fort besoinde consolidation de données objectivables et compa-rables.Vigeo mesure le degré d’engagement et de maîtrise,par l’entreprise, de ses externalités sociales et environ-nementales, à l’intention des investisseurs et gestion-naires d’actifs engagés dans des démarches d’investis-sement socialement responsable ; ainsi, aujourd’hui,1 600 multinationales européennes, asiatiques et amé-ricaines sont sous revue de Vigeo Rating. L’agence accompagne également des entreprises(cotées ou non) qui sollicitent une aide au pilotage deleurs objectifs de responsabilité sociale.Cette double activité, assumée, mais potentiellementporteuse de conflits d’intérêts, s’exerce dans de strictesconditions de sécurisation des systèmes d’informationet de séparation des équipes spécifiquement dédiées àl’un et l’autre de ces services. La méthodologie de Vigeo est elle-même régulière-ment auditée par un tiers expert de l’AICSRR(Association for independant corporate sustainability &responsibility research) et l’agence est certifiée en matiè-re de qualité et d’indépendance de son activité derating.

INSTITUTIONS INTERNATIONALES : DES OBJEC-TIFS NORMATIFS DE PLUS EN PLUS CIBLÉS SURLES ENTREPRISES

La fiabilité de toute mesure dépend de l’intelligibilitéde son référentiel. Vigeo a construit son référentiel surla base des normes publiques internationales et desconventions édictées par les institutions internatio-nales (OIT, ONU, OCDE…).Certes, le droit international public, conçu par lesEtats et pour l’organisation de leurs relations, neconnaît pas directement les entreprises. Mais d’im-portantes organisations internationales ont produit àleur sujet, et à leur intention, des instruments qui nesont pas contraignants, mais dont les principes et lesdispositions jouent, peu à peu, un rôle normatif. Lemouvement a été initié en 1976 par l’OCDE au

moyen des « Principes directeurs à l’intention des entre-prises multinationales ». L’année suivante, le Conseild’administration de l’OIT adoptait une importante« Déclaration tripartite sur les entreprises multinatio-nales et la politique sociale ». Ces deux instrumentsénumèrent les responsabilités de l’entreprise au regardde l’environnement, des politiques positives de l’em-ploi et de valorisation des ressources humaines, durespect des droits de l’Homme et des normes du tra-vail, de la gouvernance transparente et du développe-ment des territoires et des pays d’accueil. Ils ont étéactualisés en 2000, pour insister sur les droits fonda-mentaux de la personne au travail. Le Parlement euro-péen a également adopté, en 1999, un « Code deconduite à l’intention des entreprises européennes opérantdans les pays en développement », qui insiste sur les res-ponsabilités sociales et environnementales de celles-ci.Vigeo a défini un référentiel comportant près de 40critères d’analyse opposables, structurés en objectifsd’action managériale concrets et répartis en sixdomaines :- l’amélioration continue des relations profession-nelles, des conditions d’emploi et de travail ;- le respect des droits humains : - sur les lieux de travail (respect de la liberté syndi-cale et promotion de la négociation collective, pré-vention de la discrimination et promotion de l’éga-lité, élimination des formes de travail proscrites), - dans la société (prévention des traitements inhu-mains ou dégradants de type harcèlement moral ousexuel, protection de la vie privée et des donnéespersonnelles) ;- la protection de l’environnement (mise en placed’une stratégie managériale appropriée, éco-concep-tion, protection de la biodiversité, maîtrise desimpacts environnementaux sur l’ensemble du cycle devie des produits ou des services) ;- la maîtrise des comportements sur les marchés (priseen compte des droits et intérêts des clients, intégra-tion des standards sociaux et environnementaux dansla chaîne d’approvisionnement, prévention de la cor-ruption et loyauté des pratiques contractuelles) ;- l’efficience du gouvernement d’entreprise (assurancede l’indépendance et de l’efficacité du conseil, effecti-vité et efficience des mécanismes d’audit et de contrô-le, respect des droits des actionnaires (notamment desminoritaires), transparence de la rémunération desdirigeants) ;- l’effectivité de l’engagement sociétal (contributionau développement du territoire et de ses communau-tés, accessibilité des produits et services, contributiontransparente à des causes d’intérêt général).Chaque critère du référentiel est adapté au secteurd’activité concerné et pondéré au regard de trois fac-teurs : la nature de l’objectif (mesurée selon l’impor-tance de sa contribution à la protection des droits fon-damentaux ou des systèmes vitaux), la vulnérabilitédes parties prenantes (mesurée selon leur capacité,dans le secteur considéré, à obtenir garantie ou répa-

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ration de leurs droits) et les risques encourus (positi-vement ou négativement) par l’entreprise en fonctionde son degré d’engagement en faveur des objectifsdéfinissant le critère sous revue (voir figure 1).

UN RÉFÉRENTIEL DE MANAGEMENT ORIENTÉVERS L’AMÉLIORATION CONTINUE DES PERFOR-MANCES

L’analyse abordera les critères du référentiel commeautant de facteurs de risques, segmentés en trois

niveaux d’évaluation du système managérial : la perti-nence des politiques (L), la cohérence de leur déploie-ment (D) et leur efficacité (R).La notation se construit :- par l’instruction d’un questionnement selon neufangles d’approche : la visibilité, l’exhaustivité et leportage des objectifs, la matérialité, la couverture, ladiffusion pour le déploiement, l’existence d’indica-teurs, l’existence de controverses et la tendance obser-vée dans les résultats (voir figure 2),- puis, par la distribution des scores obtenus sur uneéchelle correspondant à une typologie de pratiquesorganisée en quatre niveaux (voir figure 3).

NICOLE NOTAT

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Figure 1 : Impacts sectoriels sur les parties prenantes.

Figure 2 : 9 angles élémentaires d’analyse.

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L’ÉTABLISSEMENT DU RATING SECTORIEL

Le rating classe chaque entreprise par rapport à sonsecteur et sur la base des six domaines précités, seloncinq classes de rating (établies sur la base des scoresobtenus par chacune des entreprises).

L’INFORMATION : LA MATIÈRE PREMIÈRE DE LANOTATION SOCIALE

Dans une étude portant sur plus de 700 entrepriseseuropéennes, Vigeo a examiné la disponibilité desinformations utiles à la mesure de leur responsabilitésociale sur la période 2007-2009 (2). La capacité desentreprises cotées à dépasser les généralités, sur cesujet, est très inégale. Les données exprimant leursintentions sont beaucoup plus nombreuses que lesdescriptions factuelles des procédures, des moyens oudes systèmes de contrôle dédiés à leur concrétisation.L’information varie aussi, dans de grandes propor-tions, selon les sujets : les données relatives à la gou-vernance représentent, en volume, plus du double decelles intéressant la négociation collective.L’exhaustivité, la clarté et la précision des indicateursvarient également selon les secteurs et les pays.

Cependant, même dans les pays dépourvus de législa-tion (c’est le cas de la majorité des pays en Europe) etdans les secteurs les moins accoutumés à la produc-tion d’informations sur la responsabilité sociale, cer-taines entreprises portent la disponibilité et la trans-parence de leurs indicateurs à des niveaux très élevés.L’hétérogénéité constatée pourrait se réduire, si laconsultation récemment lancée par l’Union européen-ne débouchait sur une obligation de reporting ESG enEurope.

CONCLUSION : DE MULTIPLES INITIATIVES PEU-VENT SE REJOINDRE

On ne peut qu’encourager la réaffirmation dequelques principes de bon sens ; la responsabilitésociale de l’entreprise est l’un d’entre eux. De mul-tiples initiatives peuvent servir ce principe.Ainsi, la nouvelle norme ISO 26 000 apporte uncadre de définition de la RSE et contribuera à la struc-turation des démarches opérationnelles des entre-prises.Soulignons également les initiatives publiques. LeG20 a ainsi inclus dans sa déclaration finale du 2 avril2009 (à Londres) son engagement à « favoriser […] laresponsabilité sociale de toutes les entreprises ». Il a plai-dé, outre la réforme des institutions financières inter-nationales, pour « un nouveau consensus mondial sur lesvaleurs et principes essentiels qui favoriseront une activi-té économique durable ». Les travaux de l’actuel G20honoreront-ils ces promesses ?Nous conclurons toutefois en laissant la parole à unchef d’entreprise : « La responsabilité sociale n’est passeulement le moyen pour les entreprises de prendre leurpart à la durabilité de leur environnement économique,social et écologique : c’est le moyen de leur propre durabi-lité. Prendre soin de son environnement économique etsocial, de son écosystème, c’est de l’intérêt même de l’en-treprise… » (3).

DES OUTILS DE LA PERFORMANCE SOCIÉTALE ET ENVIRONNEMENTALE

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Figure 3 : Typologie des pratiques en fonction du niveau d’engagement.

Figure 4 : Les cinq classes de rating.

(2) On pourra en consulter les résultats sur http://www.vigeo.com.(3) Cf. la tribune de Franck Riboud parue dans Le Monde daté du 3 mars 2009.

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La norme ISO 26 000 sur la responsabilité sociétale :une convergenceprometteuse, malgré ladiversité des sensibilités

D’amples négociations multipartites ont abouti en novembre 2010 àla norme ISO 26 000 sur la responsabilité sociétale des organisa-tions, notamment des entreprises. A cette norme correspondent degrands enjeux en termes de responsabilité sociétale stricto sensu et entermes de développement durable dans toutes ses composantes (environne-mentales, sociales et économiques).La norme ISO 26 000 résulte de multiples compromis entre une approche «contractualiste » qui repose sur la volonté et l’intérêt des parties et uneapproche « institutionnaliste » qui joue sur les institutions politiques, entre lesvolontés de développement économique et de croissance des exportations etdes approches plus restrictives et entre les aspirations du « Nord » et celles du« Sud »… Les quelques votes hostiles à l’adoption de l’ISO 26 000 (ceux deCuba, des Etats-Unis, de l’Inde, du Luxembourg et de la Turquie) et les absten-tions (comme celle de l’Allemagne) attestent des clivages qui subsistent. Il n’en reste pas moins que l’ISO 26 000 propose une « méta-régulation »qui concourra à fonder le développement durable sur des bases opération-nelles très largement partagées.

par Christian BRODHAG*

DES OUTILS DE LA

PERFORMANCE SOCIÉTALE

ET ENVIRONNEMENTALE

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La profusion des références à la performance globa-le, à la contribution des entreprises au progrèssocial ou à la protection, et à la valorisation de l’en-

vironnement constitue un frein à la généralisation despratiques de responsabilité sociétale. La variété desapproches, des fondements idéologiques et des postures

théoriques et pratiques est illustrée par ce numéro deRéalités industrielles. En matière de responsabilité socié-

* Directeur de recherche, Institut Henri Fayol, Ecole des Mines de Saint-Etienne.

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tale, les entreprises sont soumises à des demandesdiverses, contradictoires dans certains cas (1).Dans ce contexte, il était logique que la normalisations’empare de la responsabilité sociétale. La normalisa-tion est le processus qui permet d’abaisser les barrièrestechniques aux échanges ; elle constitue donc un desmoteurs pratiques de la mondialisation. Ces questionsne sont pas techniques, elles sont politiques. Ayantpris conscience de cet état de choses, l’ISO a mis enplace un processus inédit, assez exceptionnel, qui aabouti à la publication (en novembre 2010) de lignesdirectrices sur la responsabilité sociétale des organisa-tions : l’ISO 26 000. Cet article, qui rend compte decette négociation, entend démontrer qu’il s’agit d’uneinitiative exceptionnelle, « hors norme », porteused’importantes potentialités.

LES DIFFÉRENTES ORIGINES DE LA RESPONSABI-LITÉ SOCIÉTALE

La responsabilité sociétale plonge ses racines dansdes origines diverses. Mais pour la simplicité de ladémonstration, nous nous limiterons à l’identifica-tion de deux origines principales. On peut, bienentendu, retrouver des racines de la responsabilitésociétale dans le capitalisme social du XIXe siècle etdans les pratiques philanthropiques (même si lespratiques « paternalistes » ont pu apparaître commedes obstacles au progrès social collectif ). Le « tierssecteur » (c’est-à-dire le secteur des mouvementscoopératifs, de l’économie sociale et solidaire…)constitue également un laboratoire de pratiques de laresponsabilité sociétale. Toutefois, ces deux courantsn’ont pas directement marqué la négociation del’ISO 26 000.En réalité, l’ISO 26 000 a été marquée notammentpar l’opposition entre les deux approches contractua-liste et institutionnaliste.

L’ORIGINE CONTRACTUALISTE DE L’ISO 26 000

Au cours du XXe siècle, l’Amérique du Nord a abordéla question sous l’angle moral (l’éthique des affaires).Il s’agissait, par exemple, d’exclure des portefeuillesd’actions des activités jugées par certains commeimmorales : le jeu, le sexe ou l’alcool, des activitésrejointes par la suite par l’armement et les entreprises

impliquées dans la guerre du Vietnam. Dans le sillagede cette approche, des cabinets d’audit et de notationcomparaient le comportement des entreprises avec unréférentiel moral, dans une logique d’exclusion descomportements réprouvés.Cette approche a trouvé un appui dans la théorie des« parties prenantes », qui considère qu’une entreprisequi répond aux attentes de ses parties prenantes est enphase avec les attentes profondes de la société. Etantainsi plus proche de son marché, elle est à même d’an-ticiper sur les évolutions et peut donc s’avérer plusrentable.L’émergence des ONG et des campagnes de boycottcontre des multinationales installées dans des pays àfaible contrainte légale dont le comportement étaitjugé inacceptable a renforcé l’intérêt pour desapproches stratégiques et volontaires. Les investisseursont vu dans ces pratiques de responsabilité sociétaleune capacité à gérer les risques, en particulier lesrisques concernant la réputation de l’entreprise. Laconvergence de la morale et des affaires vue sousl’angle de la gestion des risques et des opportunités nechoque pas, dans les pays de tradition protestante(comme les Etats-Unis).

LA VISION INSTITUTIONNALISTE

L’histoire du développement durable s’étant progressi-vement orientée vers les entreprises, a rencontré la res-ponsabilité sociétale, une approche mettant les insti-tutions au cœur du processus. A Rio, en 1992, lacommunauté internationale faisait principalementporter les efforts sur les Etats et les institutions multi-latérales ; l’aide au développement (que les pays richess’étaient engagés à porter à 0,7 % de leur PNB) devaitcontrebalancer les « contraintes » environnementales,dans les pays en développement.L’Assemblée générale des Nations Unies (« Rio + 5 »),qui se tient à New York en juin 1997, constatant lamondialisation économique, le déclin de l’aidepublique et le rôle des investissements privés, com-mence à faire porter l’accent sur les entreprises multi-nationales. A l’automne 1997, le Programme desNations Unies pour l’Environnement, ainsi que desentreprises et des associations, lancent la GlobalReporting Initiative, qui établit un cadre de lignesdirectrices pour l’élaboration des rapports de dévelop-pement durable des entreprises. Aujourd’hui, ce cadres’impose en tant que référentiel international incon-tournable. Enfin, le Secrétaire général des Nations Unies, KofiAnnan, interpelle les entreprises lors du Forum deDavos, en janvier 1999 : il leur propose le Pacte mon-dial (Global Compact), qui demande aux entreprisesmultinationales de s’engager sur neuf principes enmatière de droit de l’Homme, de droit du travail etd’environnement, suivis quelques années plus tard (en

(1) La traduction française de social responsibility a longtemps été « res-ponsabilité sociale ». Dans le système onusien, on parle de responsabilitésociale et environnementale. Un usage du terme « sociétal » qualifie undomaine à part, en plus du social et de l’environnemental, plus axé versles relations avec la communauté. Après un débat au sein de la franco-phonie, il a été décidé d’adopter le terme de « sociétal » pour la traduc-tion de l’ISO 26 000, de façon à marquer le fait que le mot social enanglais a un sens plus large que le mot « social » en français. C’est cettedernière expression qui devrait progressivement s’imposer.

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2005) par un dixième principe concernant la luttecontre la corruption. En exhortant les entreprises àappliquer directement des objectifs tirés de conven-tions internationales quels que soient les pays où ellesopèrent, le Secrétaire général des Nations Uniescontourne, d’une certaine façon, le principe de souve-raineté des Etats, qui permet à ceux-ci de ratifier lesconventions internationales « à la carte » et à leurconvenance.Au Sommet du développement durable deJohannesburg, en 2002, la reconnaissance du rôle desentreprises est complétée par la reconnaissance du rôledes consommateurs : ce sont des changementsconjoints de l’offre et de la demande, en prenant encompte l’ensemble du cycle de vie des produits, quipermettront une orientation des modes de consom-mation et de production vers la durabilité [1]. C’estcette même année que la Commission des consom-mateurs de l’ISO (la Copolco) lance avec succès laproposition d’une norme internationale sur la respon-sabilité sociétale. Les travaux pour l’ISO 26 000 com-menceront effectivement en 2005.Au total, l’ISO 26 000 a permis la rencontre des deuxcourants de la « responsabilité sociétale » et du « déve-

loppement durable ». Dans le cadre d’une vision ins-titutionnaliste (puisque fondée sur les institutionspolitiques), l’Union européenne avait d’ailleurs déjàétabli une passerelle entre ces deux approches audébut des années 2000, en proposant une vision de laresponsabilité sociétale qui reposait principalementsur un engagement des entreprises à aller plus loin quela réglementation pour contribuer au développementdurable [5].

L’ISO 26 000

L’organisation internationale de normalisation (ISO),qui était plus connue et légitime en matière de normestechniques ou de systèmes de management, s’est aven-turée sur un terrain nouveau, très politique, uneorientation qui est résumée par le titre d’un ouvragecollectif qui lui est consacré : une norme « horsnorme » [4]. La crédibilité de ce processus tient à lafois au savoir-faire de l’ISO dans l’organisation denégociations complexes et à la légitimité des négocia-teurs. Le processus ISO 26 000 a en effet mis autour

CHRISTIAN BRODHAG

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« A l’automne 1997, le Programme des Nations Unies pour l’Environnement, ainsi que des entreprises et des associations,lancent la Global Reporting Initiative, qui établit un cadre de lignes directrices pour l’élaboration des rapports de développe-ment durable des entreprises. Aujourd’hui, ce cadre s’impose en tant que référentiel international incontournable ». BillClinton, ancien Président des Etats-Unis, fondateur de la Clinton Global Initiative. New York, le 13 mai 2010.

© Gerald Holubowicz/LAIF-REA

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de la table des institutions internationales (au premierrang desquelles figure l’Organisation internationaledu travail), les organisations internationales représen-tant les entreprises, les syndicats et les grandes ONGet, enfin, des délégations nationales, qui étaient com-posées chacune de six parties prenantes : entreprises,gouvernements, syndicats, consommateurs, associa-tions pour l’environnement et experts consultants.Entre 2005 et 2010, il n’a fallu pas moins de huitréunions internationales réunissant environ cinq centsreprésentants et cinq versions successives du texte, dis-cutées dans les comités nationaux mis en place au seindes organismes de normalisation. Ces textes ont faitl’objet de plusieurs milliers d’amendements (plus de26 000, au total !).Le vote final est revenu aux organisations nationalesde normalisation. 93 % des pays membres du groupede travail ont voté positivement (pour 66 % requis),avec seulement 5 votes négatifs pour l’ensemble despays adhérents à l’ISO (Cuba, Etats-Unis, Inde,Luxembourg et Turquie), c’est-à-dire 6 % des 77votants, alors qu’il aurait fallu 25 % de voix contrepour que le texte soit rejeté. Les acteurs parties pre-nantes sans droit de vote ont été sollicités pour don-ner leur avis. L’ensemble des parties s’est exprimépositivement, à l’exclusion des organisations interna-tionales représentant les employeurs.Nous présenterons le texte lui-même (c’est-à-dire lesrésultats de la négociation) et ensuite les éléments dedébat afin de montrer les tensions et les problèmessoulevés, qui ne manqueront pas de marquer l’appli-cation qui en sera faite (2).

LE CONTENU DE LA NORME

La norme a été écrite « afin d’être utile à tous les typesd’organisations des secteurs privé, public et à but nonlucratif, de grande ou de petite taille, et opérant dansles pays développés ou en développement » [6]. Lanorme n’exprime pas d’exigences ; elle est un guide(guidance). Elle n’est pas destinée à servir de base àune certification. Ses propositions sont argumentéeset mises en perspective de façon à pouvoir être adap-tées aux différents contextes. Elle est écrite pour êtrelue de façon logique et compréhensible par des orga-nisations débutantes « comme si c’était un précis deresponsabilité sociétale », alors qu’une organisationplus mature et expérimentée pourrait l’utiliser « pouraméliorer ses pratiques existantes et intégrer plusavant la responsabilité sociétale dans son organisa-tion » [6].Elle définit les termes (chapitre 2) et met en perspec-tive l’histoire de la responsabilité sociétale, ainsi que

son lien avec les parties prenantes et le développementdurable (chapitre 3). Le cœur de la norme est dans lechapitre 4, qui défini sept principes pour la responsa-bilité sociétale, et dans le chapitre 6, qui identifie lessept questions centrales et les domaines d’action liés.Enfin, les aspects plus méthodologiques sont ébau-chés dans le chapitre 5, puis approfondis dans le cha-pitre 7 (la figure 1 présente une vue d’ensemble del’ISO 26 000 et de l’articulation entre ses différentesparties).La responsabilité sociétale est définie comme la « res-ponsabilité d’une organisation vis-à-vis des impacts deses décisions et activités sur la société et sur l’environ-nement se traduisant par un comportement éthique ettransparent qui :- contribue au développement durable, y compris à lasanté et au bien-être de la société, - prend en compte les attentes des parties prenantes, - respecte les lois en vigueur (tout en étant en cohé-rence avec les normes internationales de comporte-ment), - enfin, est intégré dans l’ensemble de l’organisation etmis en œuvre dans ses relations » [6, §2.18].Dans cette définition de la responsabilité sociétale, lacontribution au développement durable, la référenceaux lois et la cohérence vis-à-vis des normes interna-tionales sont issues de la vision institutionnaliste, alorsque le comportement éthique et transparent et la réfé-rence aux parties prenantes correspondent à la visioncontractualiste. Par ailleurs, cette définition et le texte, dans sonensemble, introduisent deux innovations : les normesinternationales de comportement et la sphère d’in-fluence.Les normes internationales de comportement sontdéfinies comme les « attentes vis-à-vis du comporte-ment d’une organisation en matière de responsabilitésociétale procédant du droit coutumier international,de principes généralement acceptés de droit interna-tional ou d’accords intergouvernementaux universel-lement ou quasi universellement reconnus »[6, § 2.11]. Ces attentes ne sont pas négociées avecdes parties prenantes ; elles sont issues de processusinstitutionnels légitimes, qui, certes, s’adressent avanttout aux États, mais qui « expriment des objectifs etdes principes auxquels toutes les organisations peu-vent aspirer ».La sphère d’influence est la « portée/ampleur des rela-tions politiques, contractuelles, économiques ouautres à travers lesquelles une organisation a la capaci-té d’influer sur les décisions ou les activités de per-sonnes ou d’autres organisations » [6, § 2.19]. Ceconcept initié dans le champ des droits de l’Hommeest ici élargi dans sa portée. Il s’agit, pour l’organisa-tion, de mobiliser les tiers qui sont dans sa sphèred’influence pour contribuer au développementdurable.Sur les sept principes de responsabilité sociétale, lesquatre premiers relèvent d’une vision contractualiste

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(2) Des informations complémentaires pourront être trouvées à l’adressesuivante : http://www.iso.org/iso/fr/discovering_iso_26000.pdf

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(redevabilité (accountability) (3), transparence, com-portement éthique, reconnaissance des intérêts desparties prenantes) et les trois suivants sont institution-nalistes (respect du principe de légalité, prise encompte des normes internationales de comportement,respect des droits de l’Homme).Le chapitre 6 développe sept questions centrales décli-nées par domaine d’action ; c’est dans ce chapitre queles questions concrètes sont envisagées. La premièrequestion concerne l’organisation elle-même et lanécessité d’adopter une approche « holistique » etd’établir des synergies entre les six autres questionscentrales. Ces six questions visent des objectifsconcrets de performance : les droits de l’Homme, lesrelations et les conditions de travail, l’environnement,la loyauté des pratiques, les questions relatives auxconsommateurs et, enfin, les communautés et le déve-loppement local.Chaque question centrale est décrite par ses enjeux,des exemples d’actions possibles et les documents deréférence utiles. Des références de deux types sontopérées par le texte au moyen de renvois à 40 normesISO et à 135 documents multilatéraux susceptibles defonder des normes internationales de comportement.

QUELQUES ÉLÉMENTS DE LA NÉGOCIATION

Les courants contractualiste et institutionnaliste sesont affrontés, ont élaboré des compromis, ont ouvertde nouvelles potentialités… Cela a été une négocia-tion coopérative qui a permis la création de « valeursnouvelles », de solutions hybrides permettant de sur-monter des contradictions. Les versions successives dutexte ont déterminé des repositionnements de certainsacteurs [2] [3].Les parties prenantes sont prises en compte, mais ellessont replacées dans un cadre institutionnel où lesnormes internationales de comportement peuventservir de levier à la satisfaction des attentes expriméespar lesdites parties. Cette référence aux normes inter-nationales de comportement a facilité la négociationpuisqu’il suffisait de reprendre dans le texte des élé-ments ayant déjà été négociés au niveau international.La conception d’une responsabilité sociétale commecontribution des organisations au développementdurable suscitait deux types d’oppositions. La premiè-re opposition provenait des partisans d’une visioncontractualiste (notamment des Etats-Unis), pour quile développement durable est (fâcheusement) un pro-cessus multilatéral onusien. Par ailleurs, en considé-rant que le développement durable était trop souventlimité à son pilier environnemental, les syndicatsdemandaient que la distinction soit faite entre le déve-

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Figure 1 : Schéma général de l'ISO 26 000 [6]

(3) Cette traduction d’accountability par redevabilité a été discutée large-ment au sein du groupe francophone ; les termes « obligation de rendrecompte », « obligation redditionnelle »…, en usage dans le domaine dela comptabilité, n’ont pas été retenus.

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loppement durable et le bien-être de la société (welfa-re). En acceptant finalement de substituer dans ladéfinition à un and un fort opportun including(notamment, un y compris), les syndicats se sont ral-liés à la formulation « contribue au développementdurable, y compris à la santé et au bien-être de lasociété ». En revanche, l’opposition sur le principe de précau-tion s’est cristallisée, sans vraie solution de dépasse-ment. Les uns voulaient en faire un principe généralet les autres (Etats-Unis, Canada et Inde) l’excluretotalement. Il n’a pas été possible de faire référenceaux connaissances scientifiques en tant que telles, quipourraient, par exemple, fonder la prévention (4). Leprincipe de précaution est finalement cité dans deuxchapitres du texte (ceux relatifs à l’environnement et àla protection du consommateur).Les pays européens (France, Suède, Allemagne,Autriche) ont été moteurs et se sont trouvés souventen accord, mais sans qu’il y ait eu à ce niveau de posi-tion concertée (les deux derniers pays cités se sontd’ailleurs abstenus lors du vote final). La Commissioneuropéenne a suivi les travaux sans jouer de rôle fort.Des pays comme les Etats-Unis ou le Luxembourg ontfinalement voté négativement en prétextant que letexte était inaccessible pour les PME et que celles-cirisquaient d’être affaiblies par la pression que les mul-tinationales pourraient exercer sur elles en l’utilisant.Le clivage Nord-Sud s’est concentré autour du risquede mise en place de barrières non tarifaires au com-merce s’appuyant sur l’ISO 26 000 (soit du fait de loisnationales, soit du fait de dispositions contractuellesémanant des donneurs d’ordres). Cette position de laChine, de l’Inde et de la Turquie a été soutenue par lesEtats-Unis. Elle a conduit à préciser que l’ISO 26 000n’est pas une norme internationale au sens de l’accordde Marrakech de l’OMC. Cette rédaction a semblésuffire à la Chine, qui a voté positivement, mais pas àl’Inde, à la Turquie, à Cuba et… aux Etats-Unis.L’Amérique Latine a une certaine maturité sur le sujet,avec des réseaux structurés, notamment au Brésil (quiprésidait le processus), au Chili (qui a organisé unedes huit sessions de travail) et au Mexique.La Francophonie s’est mobilisée en défendant lavision institutionnaliste de la RSE, notamment le lienavec le développement durable et la référence centraleaux droits de l’Homme. Les pays francophones endéveloppement (Maroc, Sénégal, Côte d’Ivoire,Gabon...) ont été particulièrement mobilisés…comme l’ont été la France, la Belgique et le Canada(en particulier, sa province québécoise) qui a aussiaccueilli une des huit réunions internationales.La prise en compte du contexte national et le fait quecette norme soit une norme volontaire ont rallié lespays du Sud. On a pu mesurer une réelle adhésion des

pays émergents. Mais il faut noter que ces pays étaientégalement représentés par les six parties prenantes. Siles entreprise ou les gouvernements de ces pays pou-vaient être réticents à voir inscrits des objectifs ambi-tieux en matière de droits de l’Homme, de conditionsde travail, d’environnement ou de protection desconsommateurs, les syndicats, les organisations deconsommateurs et les ONG de ces pays étaient mobi-lisés. Il ne s’agit donc pas d’une négociation entrepays, mais bien d’une concertation de la société civilemondiale.

CONCLUSION : QUELLES PERSPECTIVES ?

L’objectif du texte n’est pas d’établir des barrières aucommerce, mais de mettre en place des dynamiquesde progrès, des processus de dialogue (voire de coopé-ration) avec les parties prenantes. Il pourrait représen-ter un élément concret pour constituer les bases d’unecommunauté internationale qui ne serait pas unique-ment celle des Etats, mais aussi celle de la société civi-le internationale et des entreprises. Qui dit commu-nauté dit destin et objectifs communs, constructionde confiance et recherche de stratégies gagnantes/gagnantes. Il n’y a là nul angélisme : il s’agit de pro-poser au sein de la compétition internationale lesconditions permettant d’ouvrir des espaces de coopé-ration autour des questions environnementales,sociales… du développement durable.En proposant des principes et des champs d’actionpour tous les types d’organisations, qu’elles appartien-nent aux sphères publique, économique ou civile,l’ISO 26 000 propose une méta-régulation apte à fon-der, sur des bases opérationnelles, le pilier coopératifde la gouvernance internationale pour le développe-ment durable (une gouvernance globale qui impactetous les niveaux : international, national et local).Mais, de par son origine (l’ISO) et de par le caractèrehybride de son contenu (ONU/ISO), l’ISO 26 000n’est pas portée par un réseau structuré. Une proposi-tion faite par la Francophonie de mettre en place uneinitiative de partenariat pour le développementdurable pourrait contribuer à surmonter cette faibles-se. La Commission du développement durable desNations Unies y consacrera une demi-journée en mai2011 dans le cadre du débat sur les modes de consom-mation et production. L’engagement des institutions(internationales et nationales) pour promouvoir unenorme « institutionnaliste » n’est pas acquis.

MON IMPLICATION PERSONNELLE

Une part de hasard et une part de nécessité m’ontconduit successivement à présider, dès 2001, le grou-pe de normalisation de l’Afnor sur « l’intégration du

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(2) Des informations complémentaires pourront être trouvées à l’adressesuivante : http://www.iso.org/iso/fr/discovering_iso_26000.pdf

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développement durable et de la responsabilité sociéta-le dans la stratégie et le management des entreprises »(ou SD 21 000) et à encadrer des travaux de recherchepour mettre au point une méthode pratique utilisablepar les PME. Puis, en devenant Délégué interministé-riel au développement durable, en 2004, j’ai représen-té le Gouvernement français dans le processus del’ISO 26 000, qui démarrait alors. Mon engagementinternational depuis 1996 (notamment dans le cadrede la Francophonie) m’avait donné une bonneconnaissance des organisations internationales, ce quim’a permis de mobiliser des pays francophones et depromouvoir la logique « institutionnaliste ». Je meconsacre à établir des passerelles entre les institutionset les approches volontaires du terrain.

BIBLIOGRAPHIE

[1] BRODHAG (C.), “A differentiated approach forsustainable consumption and production policies”,

Natural Resources Forum, a United Nations SustainableDevelopment Journal, 34, pp. 63-70, 2010.[2] BRODHAG (C.), « Développement durable etresponsabilité sociétale : de la contradiction au dépas-sement », dans GUY (B.) (Éd.), Ateliers sur la contra-diction, pp. 253-262, Saint-Etienne, Presses de l’Ecoledes Mines de Paris, 2010.[3] BRODHAG (C.), « La double dimension procé-durale et substantive de l’ISO 26 000 », dansCAPRON (M.), QUAIREL-LANOIZELEE (F.) &TURCOTTE (M.-F.), ISO 26 000 : une Norme «horsnorme» ? Vers la conception mondiale de la responsabili-té sociétale (223 p.), Paris, Economica, 2010.[4] CAPRON (M.), QUAIREL-LANOIZELEE (F.)& TURCOTTE (M.-F.), ISO 26 000 : une Norme«hors norme» ? Vers la conception mondiale de la respon-sabilité sociétale, Paris, Economica, 2010.[5] Commission des Communautés européennes.Livre vert : Promouvoir un cadre européen pour la res-ponsabilité sociale des entreprises, Bruxelles, 2001.[6] ISO 26 000, Lignes directrices relatives à la respon-sabilité sociétale, ISO, 2010.

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Des outils pour la responsabilité sociétale de l’entreprise

Les entreprises et leurs partenaires (les investisseurs et les gestion-naires financiers) se sentent de plus en plus concernés par la res-ponsabilité sociale et environnementale des entreprises, les règlesdéontologiques, les codes de bonne conduite, les placementséthiques…Dans ce contexte nouveau et complexe, une centaine d’organisa-tions (grandes entreprises, sociétés de gestion de portefeuilles, orga-

nisations syndicales, organisations non gouvernementales (ONG), institu-tions de prévoyance et mutuelles,…) ont rejoint l’Observatoire sur laresponsabilité sociétale des entreprises (ORSE). Cet observatoire développeune veille permanente portant sur les courants de pensée, les outils et lespratiques. L’expérience qu’il a acquise le conduit, par exemple, à recom-mander une démarche qui soit ouverte sur les diverses parties prenantes etlargement contractuelle.

par François FATOUX*

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Ces dernières années, un concept, qui peut sem-bler particulièrement abstrait au premierabord, a émergé dans le discours des entreprises

(qu’il s’agisse de PME ou de multinationales, de l’éco-nomie sociale ou de l’économie capitaliste). Ceconcept est celui de la « responsabilité sociétale desentreprises » (RSE).Ce concept de RSE (qui a émergé, au départ, dans lemonde anglo-saxon) a fait l’objet d’une déclinaison enEurope dans les années 2000. C’est ainsi quel’Observatoire de la responsabilité sociétale des entre-prises (ORSE) a été créé, en 2000, sur la base de cetteappellation. Le concept a été formalisé par la

Commission européenne dans le cadre d’un Livre vertpublié en 2001 et intitulé « Prise en compte par lesentreprises, de manière volontaire, des enjeux sociauxet environnementaux dans leurs relations commer-ciales et leurs relations avec les parties prenantes » (1).

* Délégué général de l’Observatoire sur la responsabilité sociétale des entre-prises (ORSE).

(1) En fait, l’Union européenne utilise le terme de « responsabilité sociale desentreprises ». Mais nous utiliserons le terme de « responsabilité sociétale »,qui peut sembler plus naturellement englobant.

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Cet intitulé suggère trois points :- L’entreprise qui s’engage dans une démarche de res-ponsabilité le fait de manière volontaire en allant au-delà de ses seules obligations légales. Cela va de soipour des entreprises qui ont leurs implantations dansdes pays développés ; mais cela pose problème pourcelles qui ont des établissements dans des pays où lesautorités publiques sont défaillantes dans tel ou teldomaine ;- L’entreprise doit concilier le respect des exigencessociales et environnementales avec son objectif de per-formance économique et financière. L’entreprise quis’engage dans cette démarche le fait non pas par espritde mécénat ou de charity business, mais bien parcequ’elle y trouve son intérêt ;- L’entreprise doit rendre compte de sa politiqueauprès de ses différentes parties prenantes (auprès deses stakeholders) que sont ses actionnaires, ses sala-riés, ses clients, les consommateurs, les autoritéspubliques, les « riverains »... Cette multiplicité d’in-terlocuteurs introduit de la complexité, car l’entre-prise devra arbitrer entre les exigences, le plus sou-vent contradictoires entre elles, de ses différentesparties prenantes.L’idée d’imposer une « reddition de comptes » (repor-ting) pour objectiver les démarches des entreprises demanière à ne pas rester dans le discours et l’incanta-toire s’est formalisée par la création d’outils (ditsoutils de RSE), que sont notamment :- la notation extra-financière, liée notamment audéveloppement de l’« Investissement socialement res-ponsable » (ISR) ;- les rapports de développement durable résultant desobligations légales (en France) et de l’action de laGlobal Reporting Initiative (GRI) qui vise à ce que lereporting en matière de développement durabledevienne comparable entre organisations et aussi cou-rant que le reporting en matière financière ;- les démarches d’audit des fournisseurs ;- les engagements unilatéraux des entreprises (sous laforme de codes de conduite) ;- les engagements contractualisés avec les parties pre-nantes (dont notamment les ONG et les syndicats) ;- les systèmes de management (notamment dans lecadre des normes ISO) ;- les labels et les systèmes d’étiquetage des produitsdevant permettre aux consommateurs de s’y retrouverplus facilement.Aujourd’hui, toutes les entreprises structurent leurdémarche de développement durable autour de l’unou de plusieurs de ces outils, très souvent parcequ’elles y sont contraintes (cf. l’obligation de publierleurs résultats, pour les entreprises cotées en bourseou la pression des donneurs d’ordres…). Mais, danscertains cas, elles y voient une opportunité de revisi-ter leurs process, leur modèle économique ou leursrelations avec leurs parties prenantes (syndicats,clients, etc.), voire plusieurs de ces différentsaspects…

LA RSE PEUT ÊTRE PERÇUE COMME UNECONTRAINTE PAR LES ENTREPRISES

Dans les années 2000, deux types de sollicitations endirection des entreprises ont émergé, en matière deresponsabilité sociale.Un premier ensemble de sollicitations a émané desinvestisseurs et gérants d’actifs engagés dans unedémarche éthique ou socialement responsable. Demanière à construire un portefeuille représentatif detous les secteurs d’activité, mais avec la volonté de pri-vilégier « les meilleurs » (en anglais : best-in-class), cesacteurs ont eu recours à des agences de notation extra-financière pour mener à bien ce travail de sélectiondes entreprises. En France, la première agence de notation a été crééeen 1997. Il s’agit de l’Arese (l’Agence de Rating Socialet Environnemental sur les Entreprises avec, à sa tête,Geneviève Férone et, pour actionnaires, les Caissesd’Epargne et la Caisse des Dépôts et Consignations).Cette agence a été reprise en 2003 par Nicole Notat,qui a créé Vigeo. L’ancienne Secrétaire générale de laCFDT a redéfini le modèle de cette agence en luidonnant progressivement une dimension internatio-nale (avec de multiples partenariats et des bureauxbasés en Belgique, en Italie, au Maroc…) et en recher-chant deux types de clients, les investisseurs et lesentreprises en quête d’un financement. Cettedémarche de notation des entreprises s’étend, aujour-d’hui, à des entreprises publiques, à des collectivitéspubliques et à des ONG qui souhaitent, sur la base duvolontariat, être auditées afin de disposer d’un dia-gnostic de leurs pratiques sociales et environnemen-tales.Un deuxième ensemble de sollicitations a émané desPouvoirs publics, qui ont exigé que les entreprisess’inscrivent dans une démarche de transparenceaccrue. Le législateur est intervenu par la loi du 15mai 2001 relative aux « nouvelles régulations écono-miques » (dite « loi NRE ») pour que les entreprisespossédant des titres cotés sur un marché réglementé(environ 650 entreprises sont concernées) soienttenues de publier des informations sociales et envi-ronnementales dans leur rapport annuel. Cette lois’est accompagnée, en 2002, d’un décret d’applicationqui a défini le contenu de ces informations. Dès ledépart, cette obligation de reporting a fait polémique.Les ONG et les syndicats ont en effet considéré queles entreprises se refusaient à appliquer la loi. De leurcôté, les entreprises ont considéré que les demandesqui leur étaient faites dans le cadre du décret précitérendaient la loi inapplicable. C’est ainsi qu’en 2004,l’ORSE a été sollicité par les Pouvoirs publics pourétablir un bilan d’application de cette loi. Les conclu-sions de son rapport mettaient en avant la nécessitéd’avoir auprès des entreprises une approche tournéedavantage vers l’accompagnement pédagogique quevers la sanction. C’est ce qui a amené l’ORSE à créer

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un site Internet dédié aux questions de reporting, surlequel est mis en ligne (en français et en anglais) l’en-semble des réglementations et des initiatives visant àce que les entreprises publient leurs engagements danstous les domaines du développement durable :www.reportingrse.org.Dans le cadre du Grenelle de l’Environnement, laquestion de la gouvernance des entreprises a fait l’ob-jet de nombreux débats autour d’une révision de la loiNRE de 2001. Dans le cadre de la loi du 12 juillet2010, l’entreprise doit transmettre des informationssur « la manière dont elle prend en compte les consé-quences sociales et environnementales de son activitéainsi que sur ses engagements sociétaux en faveur dudéveloppement durable » (2). Par ailleurs, l’obligationde rendre compte est étendue aux entreprises ayant unbilan ou un chiffre d’affaires supérieur à 100 millionsd’euros et des effectifs supérieurs à 500 salariés. Il està noter que dans un cadre international a émergé unréférentiel de reporting volontaire, la Global ReportingInitiative (GRI), qui permet aux entreprises (notam-ment multinationales) d’avoir à leur disposition unoutil de comparaison qui leur est commun. Le GRIpropose des indicateurs très variés comprenant lesaspects sociaux et environnementaux, l’engagementde l’entreprise dans les domaines des droits del’Homme, de ses relations avec les riverains, avec lesconsommateurs et ses fournisseurs...

LA MULTIPLICITÉ DES OUTILS

Les entreprises se sont progressivement structurées,autour notamment des outils ci-après :- leurs échanges avec les agences de notation extra-financière (sous la forme, notamment, de réponses àleurs questionnaires) ; - les rapports de développement durable ;- les questionnaires adressés aux fournisseurs ; - l’utilisation de systèmes de management orientésvers la RSE ; on sait, par exemple, qu’après plusieursannées de discussions associant l’ensemble des partiesprenantes (ONG, syndicats, gouvernements, consom-mateurs, entreprises, experts…), une nouvelle normesur la responsabilité sociétale des organisations a vu lejour en 2010 : l’ISO 26 000 ;- la création de labels visant des produits de consom-mation courante (comme, par exemple, les labels ducommerce équitable) ou certains engagements desentreprises (les labels « égalité » ou « diversité ») ;- la mise en place d’un système d’étiquetage des pro-duits ; sur ce dernier point, le Grenelle del’Environnement s’est fixé des objectifs très volonta-

ristes permettant de s’assurer que les actes d’achat desconsommateurs puissent orienter les politiques desentreprises.L’ORSE a assisté à la prolifération de ces différentsoutils et a commencé à en appréhender les limites,notamment le fait qu’ils génèrent une multiplicationd’indicateurs qui ne permettent pas toujours d’appré-hender les enjeux clés propres au secteur d’activité del’entreprise (une banque n’a pas à traîter des mêmesenjeux de développement durable qu’une entreprisede la publicité, de la grande distribution, de l’énergieou du tourisme...). Cela soulève la question de lanécessité de référentiels sectoriels qui soient élaboréspar les entreprises et par l’ensemble de leurs partiesprenantes respectives. Le GRI travaille actuellement àl’édification de tels référentiels sectoriels (pour les sec-teurs des finances, des télécommunications, de l’éner-gie, de l’alimentation, de l’automobile, etc.).

LA DÉMARCHE CONTRACTUELLE

Quelles que soient les difficultés, il est capital quel’entreprise qui construit sa démarche de responsabili-té le fasse de manière crédible. Si les référentiels sec-toriels sont nécessaires, ils ne sont pas pour autant suf-fisants : il faut aller plus loin en s’assurant que lesentreprises prennent réellement en compte les intérêtsde leurs parties prenantes.Les entreprises se doivent dès lors de contractualiserleurs engagements vis-à-vis de leurs parties prenantesafin de rendre ceux-ci crédibles. Dans le cadre de plusieurs études rendues publiques,l’ORSE a mis l’accent sur :- les engagements des entreprises vis-à-vis d’ONG :c’est ce que nous appelons les « partenariats straté-giques », des partenariats où les ONG accompagnentles entreprises dans une révision de leurs process et deleur modèle économique. Nous ne sommes plus là,dans des actions de mécénat et de soutien financier,mais bien dans une relation où l’entreprise est inter-pellée, dans ses objectifs et dans ses missions ;- les engagements des entreprises avec les syndicats, auniveau international, dans le cadre d’accords cadres.L’ORSE a mis en avant le fait que, contrairement àleurs homologues américaines, les grandes entrepriseseuropéennes, et notamment françaises (PSA, Renault,Danone, Carrefour, France Telecom, Vallourec, EDF,Rhodia, Lafarge, Accor…) acceptaient de parler desenjeux de la RSE (en particulier avec un focus sur lesdroits de l’Homme et les relations avec leurs fournis-seurs et sous-traitants) ;- les engagements avec les fournisseurs, dans le cadredes politiques d’achat des grandes entreprises. Lesdirections des achats doivent s’assurer que leurs four-nisseurs soient exemplaires. A cet effet, elles disposentde toute une série d’outils leur permettant de s’assurerdu respect des engagements : envoi de questionnaires,

(2) Cette disposition s’insère dans l’article L. 225-102-1 du Code decommerce.

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réalisation d’audits sociaux, environnementaux ouconcernant le respect des droits de l’Homme, intégra-tion de clauses de développement durable dans lescontrats… Mais les entreprises se doivent d’aller plusloin en s’assurant que leurs fournisseurs aient réelle-ment la capacité à s’engager (ce qui pose la question dela qualité des relations entre donneur d’ordres et four-nisseur, par exemple en matière de délais de paiement). La question des engagements contractualisés est pourl’ORSE une question clé, car jusqu’à présent les entre-prises ont été tentées, dans leur grande majorité, deprivilégier une double approche, constituée :- l’une d’engagements pris de manière unilatérale sansque les parties prenantes soient associées ;- et l’autre, externe, de la mesure des engagements, quipasse par des démarches d’audit, de notation et de cer-tification, au détriment de démarches internes impli-quant les acteurs concernés (notamment les salariés etleurs représentants).L’approche contractuelle n’est pas toujours choisie parles entreprises car elle suppose une confrontation desacteurs au sens positif du terme. Pourtant, cettedémarche peut s’avérer efficace à la fois pour appré-hender et mesurer les réels enjeux de l’entreprise et surle plan purement économique (car elle peut générerdes coûts de mise en œuvre moins élevés). Nous sommes convaincus :

- que le dialogue social est indispensable pour crédibi-liser les politiques de RSE des entreprises et les inscri-re dans la durée,- et qu’en même temps, la RSE offre une formidableopportunité pour redonner du sens au dialogue socialdans les entreprises.Dès lors que l’on évoque le dialogue social, il fautaussi parler de dialogue sociétal. Les enjeux de sociétéauxquels les entreprises sont confrontées sont d’unetelle complexité qu’elles doivent solliciter le regard etl’expertise du monde associatif. Certaines grandesONG ont bien compris que si elles voulaient fairechanger le monde, il pouvait être intéressant de chan-ger les pratiques des grandes entreprises… C’est loind’être évident, car les démarches de partenariat ONG-entreprises comprennent un risque pour les deux par-ties (notamment celui de faire perdre aux ONG leurindépendance et leur capacité critique).Nonobstant, les différents acteurs précités sont prêts àassumer ce risque, car ils ont compris que les conceptsde développement durable et de responsabilité socié-tale étaient des opportunités de repenser l’avenir denotre société et les processus de décision, dans tous leslieux de pouvoir (politique, économique et social). Etils ont également compris qu’à l’instar des innovationsenvironnementales et technologiques, le concept d’in-novation sociétale était tout aussi incontournable.

Un guide pratique de l’ORSE.

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Le commerce a-t-ilquelque chose à gagner à devenir équitable ?

Qu’est-ce que le commerce équitable ? C’est un commerce mondialqui favorise le développement des pays les moins avancés, qui per-met l’élimination progressive des zones de sous-alimentation struc-turelle et qui s’inscrit dans une perspective de développementdurable, intégrant notamment le respect de la biodiversité.Le commerce équitable replace l’acte d’achat dans un cadreéthique, avec notamment une spécificité forte qui est de garantir

aux producteurs un prix minimum, un prix intangible même en cas de bais-se des cours.Le commerce durable est au service du développement et repose sur unephilosophie que l’on peut résumer ainsi : le commerce plutôt que l’aide(Trade, not Aid).Si, dans le contexte actuel, le commerce équitable est avant tout centré surle développement de la situation des producteurs du Sud, il se veut être unmodèle, un exemple à suivre pour faire évoluer les pratiques du commerceau plan national comme international, en s’appuyant en premier lieu sur lesacteurs proprement dits du commerce équitable

par Pierre-François COUTURE*

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Le 15 avril 1994, à Marrakech, les Etats signatairesde l’accord général sur les tarifs douaniers et lecommerce de 1947 (le GATT – General

Agreement on Tariffs and Trade) parvenaient à unaccord instituant l’Organisation Mondiale duCommerce (MOC). Les parties à ce nouvel accordreconnaissaient que « leurs rapports dans le domainecommercial devraient être orientés vers le relèvementdes niveaux de vie, la réalisation du plein emploi […],l’accroissement de la production et du commerce de

marchandises et de services, tout en permettant l’uti-lisation optimale des ressources mondiales conformé-ment à l’objectif du développement durable, en vue àla fois de protéger et de préserver l’environne-ment… ». Elles reconnaissaient également « qu’il estnécessaire de faire des efforts positifs pour que les paysen développement, et en particulier les moins avancésd’entre eux, s’assurent une part de la croissance du

* Président de la Commission Nationale du Commerce Equitable.

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commerce international qui corresponde aux nécessi-tés de leur développement économique ». Ce dernierobjectif traduisait une novation majeure dans l’ap-proche des grandes négociations douanières multilaté-rales : il devait ouvrir la voie à une redéfinition deséchanges commerciaux prenant en compte les avan-cées obtenues par les ONG et les grandes associationsqui, dans les années précédentes, avaient posé les fon-dations du commerce solidaire, puis du commerceéquitable.Pour atteindre ces objectifs ambitieux en faveur dudéveloppement mondial, les parties à l’accord deMarrakech souhaitaient « la conclusion d’accordsvisant, sur une base de réciprocité et d’avantagesmutuels, à la réduction substantielle des tarifs doua-niers et des autres obstacles au commerce… » et ellesse déclaraient « résolues à mettre en place un systèmecommercial multilatéral intégré, plus viable et plusdurable ».

LE CYCLE DE DOHA : UNE CONFRONTATIONSTÉRILE D’INTÉRÊTS DIVERGENTS

Au regard de ces grandes ambitions et au terme dequinze années de discussions ministérielles, quel bilanpeut-on dresser ? Quelques progrès, certes, mais pasde réels changements dans la situation des pays lesmoins avancés. Le rapport mondial sur le développe-ment humain du PNUD (Programme des NationsUnies pour le Développement) pour 2007 indique :« 1,3 milliard de personnes vit en dessous du seuil depauvreté (moins de 1 dollar par jour). Les 2 % les plusriches de la population adulte du monde possèdentaujourd’hui plus de la moitié de la richesse desménages du monde, alors que les 50 % les pluspauvres n’en possèdent qu’à peine 1 %. »Pourtant, en novembre 2001, les ministres duCommerce de 140 pays se réunissaient, à Doha (auQatar) pour donner à l’OMC un mandat encore plusambitieux. Après plusieurs jours de négociations sur lecommerce mondial qui devaient apporter, selonRobert Zoellick, le négociateur américain, « growth,development and prosperity », la déclaration ministé-rielle de Doha, tout en réaffirmant les principes posésà Marrakech, mettait au premier rang les objectifsd’appui au développement : « la majorité desmembres de l’OMC sont des pays en développement.Nous visons à mettre leurs besoins et leurs intérêts aucentre du programme de travail adopté. Un meilleuraccès aux marchés, des règles équilibrées, ainsi que desprogrammes d’assistance technique et de renforce-ment des capacités bien ciblés et disposant d’un finan-cement durable ont des rôles importants à jouer ».Que s’est-il donc passé, depuis 2001 ? Sept confé-rences ministérielles se sont tenues et quelquesaccords, limités et toujours centrés sur l’abaissementdes droits de douane, sont intervenus. A l’issue de la

dernière conférence ministérielle, un journaliste écri-vait : « Il n’y a pas eu de miracle, la 7e conférenceministérielle s’est terminée comme elle a commencé :par un blocage. Les pays développés misent sur leconflit d’intérêts au sein du bloc adverse, qui, lui,campe sur ses positions ». L’ONG « Focus on theGlobal South » constatait, pour sa part, « la faillite del’OMC et de ses membres à présenter des solutionsconcrètes. Les participants n’ont fait que parler et dis-cuter, chacun dans sa direction. Les pays en dévelop-pement insistent sur le fait qu’annuler les subventionsà l’agriculture, surtout pour le coton, est indispen-sable pour conclure Doha. Une divergence qui laisseprévoir que le désaccord continuera ».Force est de constater que la mondialisation deséchanges à laquelle l’OMC a largement consacré sesefforts s’est faite sans apporter de remède aux gravesdéséquilibres sous-jacents qui affectent le commerceinternational des produits agricoles et alimentaires.Les intérêts divergent en effet trop fortement entre lespays développés (Europe et Etats-Unis), les pays endéveloppement agro-exportateurs (le groupe deCairns) (dont l’objectif est de libéraliser le marchéagricole mondial face au protectionnisme persistantdes premiers) et les pays les moins avancés, sans parlerdes spécificités des Etats-continents, comme la Chineou l’Inde. Dans le même temps, les ajustements struc-turels imposés par la Banque Mondiale et le FondsMonétaire International (FMI) ont pu encore fragili-ser un peu plus la sécurité alimentaire des payspauvres en favorisant la culture des grandes produc-tions entrant dans les circuits du commerce mondia-lisé au détriment de l’agriculture vivrière et d’échangesmaîtrisés par les producteurs.

LIMITER LES AMBITIONS POUR GAGNER EN EFFI-CACITÉ : LA NAISSANCE DU COMMERCE ÉQUI-TABLE

Dans leur livre paru en 2005 intitulé Fair trade for all,Joseph Stiglitz et Andrew Charlton, tout en réaffir-mant l’objectif majeur de libéralisation du commercemondial, constataient l’incapacité de l’OMC à définirles conditions nécessaires au développement d’uncommerce équitable, c’est-à-dire d’un commercemondial favorisant le développement des pays lesmoins avancés, permettant l’élimination progressivedes zones de sous-alimentation structurelle et s’inscri-vant dans une perspective de développement durable,notamment par le respect de la biodiversité. Pour progresser, J. Stiglitz avançait trois propositionsclés :- L’ensemble des pays membres de l’OMC s’engagentà ouvrir leur marché à tous les biens en provenancedes pays en développement plus pauvres et plus petitsqu’eux-mêmes de sorte que les pays en développe-ment puissent obtenir le libre accès à tous les marchés

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ayant un PNB (global et par tête) plus élevé que leleur ;- Les pays développés s’obligent à l’élimination dessubventions à l’agriculture ;- Le dispositif d’ouverture des marchés ne doit pasêtre mis en cause par des obstacles non tarifaires (telsque les règles concernant l’origine).Il ajoutait : « En bref, la réciprocité ne devrait pas êtrela posture centrale des négociations, comme cela a étéle cas dans le passé ».Il ne semble pas, malheureusement, que les négocia-teurs aient lu attentivement le livre de J. Stiglitz, sil’on se réfère aux maigres résultats obtenus, à ce jour,par l’OMC.Mais faut-il tout attendre d’une organisation mondia-le ? L’expérience des grandes réunions internationalesdans le domaine du réchauffement climatique donneà réfléchir. Lorsque les intérêts divergent par trop, ildevient nécessaire de trouver d’autres enceintes denégociations (voire d’autres négociateurs) pourretrouver des possibilités de consensus. Avant d’enarriver à l’idéal théorique d’un gouvernement mon-dial optimisant la gestion de la planète et de ses habi-tants, il se pourrait que trois voies de sous-optimisa-tion (néanmoins positives) soient envisageables :- la limitation des périmètres géopolitiques de négo-ciation : les sous-intégrations régionales (l’Unioneuropéenne, l’ASEAN (Association of SoutheastAsian Nations), le Mercosur, l’Alena (Accord de libreéchange Nord-américain)…) constituent des plaquesd’intérêt commun au sein desquelles des accords peu-vent être plus facilement recherchés ;- La limitation des questions mises en discussion à desthèmes plus consensuels : la construction de l’Europe,par exemple, est passée d’abord par des étapes tech-niques (la CECA (Communauté européenne du char-bon et de l’acier), Euratom). L’ambition, légitimemais très large, de l’OMC (le développement harmo-nisé des pays membres) n’est-il pas un frein à l’obten-tion à court terme de résultats concrets ?- le recours prioritaire aux acteurs économiques etsociaux (la société civile) pour promouvoir des valeurstranscendant celles que portent les Etats, avant toutsoucieux de leur intérêt propre.C’est dans ce dernier contexte que cheminent, à pasmesurés, mais de manière déterminée, les acteurs ducommerce équitable.Celui-ci ne peut s’expliquer sans décrire le paysageéconomique, politique et social dans lequel il s’insèrepuisque c’est précisément la vocation de ce conceptque d’être un instrument contribuant à la modifica-tion de ce paysage : le commerce durable, c’est le com-merce au service du développement, le commerce plu-tôt que l’aide (Trade, not Aid).C’est au lendemain de la Seconde Guerre mondialeque naissent les premières initiatives en matière decommerce « solidaire » : deux associations américaineschrétiennes anabaptistes organisent des achats directsde biens artisanaux à des commerçants défavorisés de

Porto Rico, de Palestine et d’Haïti. De solidaire, lecommerce devient « alternatif » dans les années 1950et 1960, parallèlement à l’essor de la réflexion écono-mique sur le Tiers monde (à l’initiative, notamment,d’Alfred Sauvy).On défend alors l’idée d’un « autre commerce » pas-sant par des réseaux parallèles construits en marge desréseaux « capitalistes » accusés de générer toutes lesinégalités. Le commerce équitable devient un actepolitique de développement au bénéfice de parte-naires du Sud. Dans les années 1960-1970 s’ouvrent,d’abord au Pays-Bas, puis en Belgique, en Allemagne,en Suisse, en Italie, en Espagne et en France, des« magasins du monde » qui assurent la continuité ducommerce équitable de l’artisan jusqu’au consomma-teur. De grandes associations internationales fédèrentces initiatives de « commerce équitable intégré » :l’Oxfam, l’IFAT (International Federation ofAlternative Trade) qui devient en 2008 la World FairTrade Organisation (WFTO), à laquelle se rattacheaujourd’hui la Fédération Artisans du Monde, quidispose en France de 170 points de vente s’appuyantsur une structure spécialisée d’importation : la sociétéSolidar’Monde.Ces initiatives ont une grande importance symbo-lique, même si le volume des échanges ainsi réalisés enpartenariat direct avec les producteurs artisanaux despays du Sud reste modeste.

LE COMMERCE ÉQUITABLE SE DÉVELOPPE SANSL’INTERVENTION DES ETATS

Le changement d’échelle se produit dans les années1980 à la suite d’une crise du café qui fait plonger lescours jusqu’à un niveau catastrophique pour les petitsproducteurs. C’est le père Francisco van der Hoff, unprêtre néerlandais à la destinée exemplaire, qui, rési-dant au Mexique, va alors concevoir le concept decommerce équitable au sein de la communauté deproduction « UCIRI », en liaison avec l’ONG néer-landaise Solidaridad (que dirige Nico de Roozen).Tous deux imaginent la création d’un label appliqué àun produit (le café, à l’origine) garantissant le respectd’un certain nombre de critères économiques (prixgaranti, continuité des achats), sociaux (respect desdroits humains et gestion démocratique des commu-nautés de producteurs) et environnementaux (limita-tion des intrants chimiques, gestion responsable desrejets, etc.). Le label « Max Havelaar » (du nom d’unhéros de roman dénonçant les méfaits de l’exploita-tion des producteurs de café des Indes Orientales, auXIXe siècle) voit le jour en 1988 et aura le succès quel’on connaît. Un torréfacteur breton, puis un autre duSud de la France, sont les vecteurs du commerce équi-table « labellisé » sur le sol national. Une grandeenseigne de distribution de centre ville s’engage elleaussi dans la diffusion de ces produits. Dans un grand

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« C’est le père Francisco van der Hoff, un prêtre néerlandais à la destinée exemplaire, qui, résidant au Mexique, va alorsconcevoir le concept de commerce équitable ». Le père Francisco van der Hoff, créateur du label Max Havelaar. Breda (Pays-Bas), le 10 avril 2010.

© Mélanie Frey/JDD-SIPA

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nombre de pays du « Nord », le label « Fairtrade », issude l’initiative Max Havelaar, prend une place crois-sante.Café, cacao, quinoa, bananes… ; le commerce équi-table porte désormais, pour l’essentiel, sur des pro-duits alimentaires issus des pays du Sud et consommésdans les pays du Nord. Sa notoriété est établie,consommateurs et consommatrices connaissent leconcept et les finalités visées par les organisations depromotion de ce nouveau commerce. De nouveauxsegments de la consommation s’ouvrent aux produitséquitables, comme, par exemple, le marché de l’ha-billement. Les grandes et moyennes surfaces ouvrentdes rayons « commerce équitable » et testent une nou-velle communication sur la consommation respon-sable. A côté des marques identifiées comme relevantdu commerce équitable, les marques de distributeur semultiplient, vecteurs indispensables de l’accroisse-ment des ventes dans les pays du Nord, qui connais-sent une concentration de la distribution dans lesgrandes et moyennes surfaces. Le potentiel de déve-loppement de la consommation équitable apparaîtainsi considérable. On constate en effet des taux depénétration très différents, d’un pays à l’autre : enSuisse, les achats « équitables » s’élèveraient en moyen-ne à plus de 20 euros par personne et par an, alorsqu’ils sont de l’ordre de 5 euros en France. Pour autant, les achats « équitables » sont encoreglobalement limités : le chiffre d’affaires mondialserait aujourd’hui de l’ordre de 3 milliards d’euros,dont 60 à 70 % sont réalisés avec les pays de l’Unioneuropéenne (près de 300 millions d’euros enFrance). Néanmoins, pour certains produits et pourcertains pays, la part de la production relevant ducommerce équitable devient de plus en plus impor-tante. C’est notamment le cas pour le café : 50 % ducafé bolivien et 12 % du café péruvien passent parles circuits du commerce équitable. En Républiquedominicaine, 10 % de la production de bananessont concernés.

MIEUX DÉFINIR LES CRITÈRES DU COMMERCEÉQUITABLE ET MIEUX INFORMER LES CONSOM-MATEURS

Devant l’engouement manifesté par les consomma-teurs pour un concept qui replace l’acte d’achat dansun cadre éthique, les opérateurs du commerce équi-table se multiplient : le risque apparaît alors de voir secréer des labels nouveaux ne présentant pas de garan-ties suffisantes en matière de respect des critères ducommerce équitable et détournant ainsi une imagepositive (devenue quasiment une « marque ») au pro-fit soit d’intérêts purement mercantiles, soit de causesqui, pour être nobles, ne visent pas pour autant ledéveloppement direct des communautés de produc-tion défavorisées des pays du Sud.

C’est pour mieux gérer la prolifération des initiativeset pour permettre aux consommateurs de « s’y retrou-ver » que la loi du 2 août 2005 en faveur des PME acréé une Commission Nationale du CommerceEquitable, dont la responsabilité est de reconnaître lesorganisations garantissant, par leur label ou leur chaî-ne de distribution, que les produits (alimentaires ouartisanaux) vendus respectent bien les critères écono-miques, sociaux et environnementaux caractérisant lecommerce équitable. Parmi ces critères, figure cettespécificité forte du commerce équitable qui est degarantir aux producteurs un prix minimum, intan-gible même en cas de baisse des cours, ainsi qu’uneprime de développement permettant aux communau-tés de financer des équipement éducatifs, sanitaires ousociaux assurant le progrès des modes de vie, une ges-tion démocratique de la production et, plus générale-ment, l’empowerment des communautés dans leurscapacités de négociation avec les acheteurs nationauxet internationaux. Cette originalité forte du commer-ce équitable, véritable outil de développement, le dif-férencie d’autres labels davantage centrés sur la pro-tection de l’environnement, l’agriculture biologiqueou le respect des droits sociaux mais ne comportantpas (du moins pas dans les mêmes proportions) derègles économiques et commerciales bénéficiant aupremier chef aux producteurs des pays en développe-ment. La spécificité du commerce équitable repose surune exigence globale qui donne tout son contenu auconcept de développement durable. Cette définitionambitieuse a été reprise, en France, par l’article 60 dela loi de 2005 : « Le commerce équitable s’inscrit dansla stratégie nationale de développement durable […] ;il organise des échanges de biens et de services entredes pays développés et des producteurs désavantagéssitués dans des pays en développement. Ce commercevise à l’établissement de relations durables ayant poureffet d’assurer le progrès économique et social de cesproducteurs ». Pour certains, la définition actuelle du commerceéquitable centrée sur la priorité donnée aux produc-teurs du Sud est trop restrictive : elle écarte leséchanges « Nord-Nord », qu’ils considèrent tout aussi« inéquitables » à l’égard des producteurs, et notam-ment des plus petits d’entre eux. Mais cette polé-mique n’a pas lieu d’être : si les problèmes affectant leséchanges Nord-Nord sont bien réels, ils sont diffé-rents de ceux rencontrés dans les échanges Nord-Sud,même si l’on peut identifier de larges plages de recou-vrement entre ces deux espaces, notamment sur laquestion de la protection de l’environnement et surcelle des prix. Pour les échanges Nord-Nord, ce sontd’autres référentiels qu’il faut mettre en œuvre,d’autres moyens d’action, même si les objectifs sontde même nature.En ce sens, le commerce équitable, dans sa définitionactuelle, est un modèle, un exemple à suivre pour faireévoluer les pratiques du commerce au plan nationalcomme international. Certaines initiatives, qu’il

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s’agisse d’échanges Nord-Nord ou de commerce Sud-Sud, s’inspirent d’ores et déjà des concepts et desvaleurs qui fondent le commerce équitable. C’est lapreuve que ces valeurs peuvent être partagées partoutet par tous, producteurs, négociants, consommateurs.Le commerce, outil majeur des progrès de l’humani-

té, a tout à gagner, et à faire gagner, en devenant équi-table. Pour ce faire, c’est le consommateur qui a lescommandes en mains. C’est à lui, lui qui est désor-mais mieux informé et plus responsable, qu’il incom-be de faire évoluer les rapports des consommateursavec les fournisseurs et les producteurs.

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Les fonds éthiques et socialement responsables : des livres sacrés au capitalisme financier

Dans une première partie, cet article retrace l'histoire des fondsdont la gestion prend en compte l’éthique ou la responsabilitésociale et environnementale des entreprises, les critères qu'ilsretiennent et leurs évolutions. Dans un deuxième temps, il fait étatde quelques tendances récentes. Dans une troisième partie, il

indique certaines conséquences économiques et industrielles possibles et lesimplications sur l'action publique que peut avoir la montée en puissance deces fonds.

par Grégoire POSTEL-VINAY*

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DES ORIGINES ANCIENNES

La question de l’investissement éthique est trèsancienne : elle prend notamment sa source dans denombreux textes fondant les cultures juive, chrétienneou musulmane (1). Les débats initiaux portent sur lalégitimité ou non d’un taux d’intérêt. Puis viennent laquestion du niveau légitime du taux et la notiond’usure, des questions au demeurant toujours actuelles(2).Au milieu du XVIIIe siècle, cette question est considé-rée par John Wesley, le fondateur du méthodisme,comme le second point le plus important des ensei-gnements du Nouveau Testament (ce qui a quelque

* Responsable de la Mission « Stratégie » à la Direction générale de la com-pétitivité, de l'industrie et des services (DGCIS) - Ministère del'Economie, des Finances et de l'Industrie.Cet article n’implique pas la responsabilité des institutions auxquelles l’au-teur appartient.

(1) Voir, par exemple, dans la Bible Ecc 11-1, Mt 25, 14-30, Lc 19, 12-26,Lc 12, 13-21 & 35-48, dans le Coran XC et XCII, et dans la Sommethéologique de Saint Thomas d'Aquin, la doctrine de la destination univer-selle des biens, ou encore dans des textes récents relatifs à la doctrine socia-le de l’Eglise catholique :http://www.vatican.va/edocs/FRA0079/_index.htm, § 15, 16, 21, 23, 42,ou encore http://www.portstnicolas.org/soc/soc48.htm.

(2) Les réponses varient dans le temps et aussi en fonction de ceux à quitelle ou telle communauté envisage de faire payer un intérêt. Les argu-ments classiques en faveur du paiement d’un intérêt tiennent à la préféren-ce de la possession immédiate sur une possession différée, et s’appuient surdes faits de nature : un champ que l’on a cultivé donne à son propriétaireune récolte en sus de la propriété dudit champ, les moutons donnent de lalaine, etc.

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importance, compte tenu de ce qu’environ 40 % desactifs mondiaux d’actions sont détenus par les Etats-Unis, pays où cette doctrine a une influence notable)(3). Max Weber en renforce les fondements théo-riques (4). Cela se traduira, s’agissant de l’investisse-ment collectif, par de premiers outils un peu frustes,dont celui des Quakers en 1923, destiné à éviter auxinvestisseurs les placements touchant aux jeux d’ar-gent ou à la consommation d’alcool.A partir des années 1960, ces outils vont prendre del’ampleur et se diversifier, traitant à la fois d’attentesau regard des droits de l’Homme, de préoccupationspacifistes ou écologistes, du sort de minorités, puis deconformité à l’« Agenda 21 » lié aux accords de Rio :ils seront, par exemple, utilisés pour les mesures éco-nomiques anti-apartheid, jusqu’à ce que NelsonMandela demande la levée de ces sanctions en 1993.Jusqu’à cette date, toutefois, le montant total de cesfonds n’a jamais excédé 1 % de l’épargne investie enactions, et leur rôle économique était donc marginal.Par ailleurs, les considérations morales à l’origine deces fonds se diversifient. Aux fonds éthiques (audépart surtout préoccupés de ne pas financer des acti-vités jugées répréhensibles) s’ajoutent des fonds RSE(qui tendent à considérer que l’attention portée à laresponsabilité sociale et environnementale est gaged’un bon développement, lui-même moralement sou-haitable).Mais c’est surtout avec la croissance très importantedes fonds de pension et de façon générale de la gestioncollective de l’épargne, que ces fonds prennent leuressor. En 2000, une étude du laboratoire d’économé-trie de l’École Polytechnique fait apparaître que 10 %des fonds d’actions gérés aux États-Unis intègrent descritères éthiques ou de responsabilité sociétale, ce quiconstitue un phénomène d’une ampleur nouvelle (5).Le début des années 1990 voit se tenir, dans diversesenceintes comme l’OCDE, des débats théoriques surle bon « mode de gouverne » des entreprises.

Schématiquement, ces débats opposent le « modèlerhénan », qui donne une part importante à l’ensembledes « parties prenantes » des entreprises, au « modèleanglo-saxon », qui érige l’actionnaire en seul juge,avec des arguments liés à la fois à la prééminence de lapropriété individuelle et à l’efficacité. Le secondmodèle triomphera. Mais cette victoire, par sonampleur même qui contribue à forger des fortunesénormes et à accroître les inégalités, va susciter unretour de balancier et ce, sous deux formes…L’une, en quête de cohérence interne à une théorie, vaconduire à l’efflorescence de fondations d’intérêtgénéral conçues pour recycler les capitaux ainsi accu-mulés, à des appels récurrents à une meilleure régula-tion financière (en dernier lieu, dans le cadre du G20)et à la recherche d’outils internationaux régaliens (fis-caux ou normatifs) qui donnent des signaux de prixpermettant d’internaliser les coûts des externalitésnégatives (environnementales et sociales)...L’autre mènera à la croissance des fonds dits de res-ponsabilité sociale et environnementale et à la tentati-ve de forger et d’affiner une théorie qui permette leurdéveloppement, en agissant sur la gouverne des entre-prises, indépendamment d’un cadre juridique qui leursoit imposé (tout en respectant les lois existantes). Ils’agit alors de ce que certains formulent ainsi :« Puisque le pouvoir est à l’actionnariat, il faut qu’ill’exerce pleinement, dans toutes ses composantes de res-ponsabilité ».

DES CRITÈRES MULTIPLES

Les objectifs que se donnent ces fonds ne sont pasuniformes. Schématiquement, on peut les regrouperen quatre grandes catégories :- 1) Les fonds excluant les activités interdites par les pre-miers fonds éthiques (« sin products » : litt. « produits dupéché »). Ceci concerne les entreprises d’armement, letabac, l’alcool, certains jeux… (6).- 2) Les fonds excluant les activités soulevant des préoc-cupations d’ordre environnemental. Sont concernées :- les industries jugées nuisibles en raison de leursémissions de gaz à effet de serre ou de leurs rejets pol-luants ;- les industrie du secteur nucléaire (la position desfonds éthiques varie au sujet du nucléaire civil ; lespremiers ne prenaient pas en considération des ques-tions comme l’effet de serre ; la décennie 2000 aconduit à certaines évolutions plus favorables aunucléaire civil ; l’accident de Fukushima va probable-ment infléchir de nouveau, mais sans doute en sensinverse la position de certains d’entre eux, même si

(6) Il s’agit notamment des jeux d'argent. Le positionnement des fondséthiques au regard des jeux multimédia émergents n'est ni uniforme niclair, compte tenu de la grande diversité de ces jeux ; il s’agit souvent delimiter la violence ou les processus addictifs.

(3) Cf. http://www.world-exchanges.org/statistics/key-market-figures.

(4) Voir Max Weber, « L'éthique protestante et l'esprit du capitalisme »,et de façon plus détaillée : http://www.biblio-these.com/doc/a00003_c.htm.Voir aussi les actes du colloque des intellectuels juifs de décembre 1987sur le thème de l'argent, et le résumé qu'en donne Claude Riveline dansl'introduction du numéro de mai-juin 2001 de « Gérer &Comprendre ». Ces textes, parmi lesquels on trouve la plumed’Emmanuel Lévinas, Roger Fauroux, Alain Finkelkraut, ClaudeRiveline ou Gérard Worms, écrits juste après la crise financière d’octobre1987, tentaient de tirer les conséquences d’une situation où l’argents’était dématérialisé, affranchi à la fois de la contrainte de l’espace par lesTIC et de la contrainte du temps par les marchés à terme.

(5) Étude réalisée en marge du rapport demandé par la DiGITIP(ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie) sur l'impact desfonds salariaux étrangers sur la gestion des entreprises et intégrée dansles annexes du rapport ; voirhttp://www.ensmp.fr/industrie/digitip/osi/000721fondsethiques.pdfD'autres sources plus générales ont été regroupées sur le site :http://www.admi.net/obs/orse.htmlVoir aussi www.orse.org et http://www.globalreporting.org/NR/rdon-lyres/660631D6-2A39-4850-9C04-57436E4768BD/0/G31GuidelinesinclTechnicalProtocolFinal.pdf

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des considérations de très long terme sur la demanded’énergie mondiale et le besoin d’électricité de paysémergents ou pauvres pourraient limiter des évolu-tions brutales auxquelles poussent l’actualité et lapression médiatique qui en résulte) ;- la destruction massive de forêts tropicales, lesatteintes à la biodiversité ;- la production de pesticides ou le recours massif à cesderniers en agriculture ;- les exploitations minières portant une atteinte exces-sive à l’environnement ;- les atteintes jugées abusives à la vie animale ou auvivant (fourrures de bébés phoques, cosmétiques oumédicaments ayant recours à certaines expérimenta-tions animales, voire parfois recours aux OGM...).- 3) Les fonds excluant les activités liées à des pratiquessociales jugées inadéquates, telles que :- le non respect du droit syndical ;- un respect insuffisant des critères d’hygiène et desécurité pour les salariés ;- la pratique de la corruption active ou passive, ainsique les donations à des partis politiques en dehors deslimites légales (7) ;- l’existence de pratiques discriminatoires ou d’uneinégalité des chances (8) ;- l’absence de transparence sur les pratiques du grou-pe au regard de critères éthiques ;- l’investissement dans des pays dont le régime faitl’objet de sanctions par la communauté internationa-le au titre des atteintes aux droits de l’Homme(Afrique du Sud dans le passé, Birmanie... Le caractè-re « à double tranchant » de ces positions donne lieu,du reste, à certaines évolutions de ces fonds).- 4) Les fonds apportant un soutien explicite à des mino-rités ou à des populations défavorisées. Sont notamment concernés :- le soutien à des investissements dans le tiers-monde,à des fins d’aide au développement (cf., par exemple,l’octroi déconcentré de microcrédits selon les idées deYunus) ;- le soutien à des minorités ethniques ou à des mino-rités sexuelles, ou le soutien à des actions relatives à lafamille, aux enfants, aux femmes, etc. (à noter quel’on trouve dans ces derniers critères, l’expression devaleurs parfois en opposition frontale : il n’y a pas un« politiquement correct » uniforme des fondséthiques). Ces fonds « communautaires » auraientreprésenté 5,4 milliards de dollars à la fin de 1999, encroissance de 35 % par rapport à 1997.

Une étude d’Eurosif (The European SustainableInvestment Forum) publiée en 2010 décrit de la façonsuivante l’engagement actionnarial, sur environ5 000 milliards d’euros impactés directement ou indi-rectement par les critères de l’InvestissementSocialement Responsable (ISR) en Europe :1 200 milliards d’euros concernent des critères soitd’exclusion multiple soit de « meilleur dans sa catégo-rie », 986 milliards d’euros sont liés à des exclusionssimples, 1 514 milliards d’euros résultent d’engage-ments sur des critères environnementaux, sociaux oude gouvernance, et 2 828 milliards d’euros sont fon-dés sur des approches intégrées.

DES ÉVOLUTIONS RÉCENTES

Trois approches conceptuelles dans le monde

Dans le monde, le développement d’outils concep-tuels progresse en empruntant au moins trois voiesprincipales :- la Global Reporting Initiative (GRI) (9) ;- une approche par les normes (cf. la normeISO 26 000 qui a vu le jour à la fin de 2010) ;- et des initiatives politiques dans le cadre du G20,tendant à légitimer et renforcer le développement defonds RSE (10).

Un fort développement aux États-Unis

Aux États-Unis, la croissance de ces fonds s’est accélé-rée durant la décennie 2000. Le développement del’intermédiation financière éloignant de facto les épar-gnants de leurs choix d’épargne, une demande s’estfait jour qui a abouti à ce que 10 % des actifs enactions répondent, d’une façon ou d’une autre, à descritères éthiques explicitement formulés par les ges-tionnaires spécialisés (11). Une douzaine de critèresprédominent, qui sont par ordre décroissant d’impor-tance : le tabac, les armes, l’environnement, l’égalité

(7) Cette exclusion pose un problème de cohérence, car les limiteslégales varient dans de larges proportions d'un pays à l'autre, tandis queles entreprises, comme les fonds d’investissement, sont de plus en plusmondialisées.

(8) On mentionnera, comme dérivé de cette question, un traitementjugé abusivement différencié des salariés d’un même groupe, selon qu'ilsse trouvent dans le tiers-monde ou dans un pays développé (parexemple, pour le traitement du sida).

(9) Qui vise à une certaine universalité, modulée cependant par le res-pect de la diversité des cultures.

(10) Par exemple, le rapport de Christine Boutin au Président de laRépublique pour la préparation du G20 de 2011 recommande de « ren-forcer et encadrer les expériences de responsabilité sociale desentreprises ». Voir :http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/104000660/index.shtml. Cette idée a été reprise par les considérants du sommet de Séoul denovembre 2010. Voir :http://www.comptes-publics.gouv.fr/directions_services/dgtpe/interna-tional/101112g20_fr.pdf

(11) Voir l’étude réalisée pour le compte de la DiGITIP et déjà men-tionnée (voir la note (5)).

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des conditions de travail, les produits et services qua-lifiés d’éthiques, les alcools, les jeux d’argent, les rela-tions avec les minorités, les droits de l’Homme, lesconditions de travail, l’investissement en faveur decertaines communautés, l’expérimentation animale. Surtout, deux évolutions majeures se font jour :- On passe de systèmes d’exclusion pure et simple àdes approches moins manichéennes et économique-ment plus efficaces, où l’investissement dans l’entre-prise est lié à des rapports d’activité spécifiques mon-trant les efforts engagés et les progrès obtenus chaqueannée dans les domaines surveillés.- A côté des critères d’exclusion apparaissent desdomaines d’investissement privilégié (développement,lutte contre l’effet de serre...).

En Europe, certains pays du Nord se détachent

C’est au Royaume-Uni que le décollage des fondséthiques a suivi le plus rapidement celui constaté auxÉtats-Unis, avec, dès la mi-2000, environ 50 milliardsde livres sterling investis au travers d’une quarantainede fonds, suivis de la création du « Footsie for good »(12). L’enquête Eurosif sur les volumes d’encours gérés à lafin de 2009 selon des principes d’investissementsocialement responsable donnait les chiffres suivants :Danemark, 149 milliards d’euros ; Pays-Bas, 130 mil-liards d’euros (Amsterdam est le siège de la GRI) ;Finlande, 64 milliards d’euros ; Royaume-Uni,54,7 milliards d’euros ; France, 50,7 milliards d’eu-ros ; Belgique, 24,4 milliards d’euros ; Espagne,14,7 milliards d’euros ; Italie, 13,1 milliards d’euros ;Allemagne, 12,9 milliards d’euros…Une mention spéciale doit être faite pour la Norvège,qui gère selon des critères éthiques ou de RSE unelarge partie de son fonds souverain de retraites, finan-cé par ses ressources pétrolières.Le Royaume-Uni, puis l’Allemagne, ont introduitdans leur droit interne la mention de ces critères dansla gestion de fonds de retraite.La Commission avait songé au départ à réglementerles agences de notation sociale et environnementale,mais la crise de 2002 a provisoirement mis fin à sesambitions. Toutefois, l’idée de référentiels « commu-nément admis » a ressurgi en 2011, dans le cadre detravaux menés par le Commissaire Barnier (Livre vertportant notamment sur la diversité au sein desconseils d’administration de sociétés cotées).

Le décollage en France est récent, maisspectaculaire

En France, le décollage est assez récent, mais specta-culaire : on compte ainsi un fonds créé lors de chacu-ne des années suivantes : 1983, 1985, 1989, 1994,1995, 1997, suivis de la création de deux fonds en1998, de 7 en 1999 et de 10 au cours du premiersemestre 2000. Mais les montants inférieurs au mil-liard d’euros, n’atteignent alors qu’un pour mille dutotal des OPCVM de la place de Paris. L’accélérationde ce décollage résulte de multiples facteurs : - La création en 1997, par les Caisses d’épargne et laCaisse des Dépôts et Consignations, d’un cabinet deconseil et de recherche sur ces fonds, l’Arese, qui serarepris ultérieurement pour devenir Vigeo (13).- L’action d’associations comme l’ORSE(L’Observatoire sur la responsabilité sociétale desentreprises), permettant de disposer d’une expertise etde mener des actions de sensibilisation auprès desgrandes entreprises (14).- La « bulle Internet », qui va un temps faire considé-rer les fonds RSE, alors fortement pondérés en valeursdes TIC, comme une panacée alliant une surperfor-mance des marchés à la satisfaction d’objectifs socié-taux. La croissance des encours gérés est ainsi de 57 %en 1999 et de 52 % en 2000. Ce phénomène est tran-sitoire, mais il aura néanmoins contribué au change-ment d’échelle des fonds RSE.- La conversion de la gestion du fonds de réserve desretraites aux critères RSE, qui conduit à un change-ment d’échelle (37 milliards d’euros au 31 décembre2010). L’évolution du portefeuille n’inclut plus l’effetTIC décrit précédemment, mais elle conduira à unerentabilité moyenne de l’ordre de 3 % à compter de lacréation du fonds. - L’action de centrales syndicales, par exemple laCGC, soucieuse d’un « investissement responsable »par des cadres qui se voyaient bénéficier, au début desannées 2000, de plus-values boursières dans des pro-portions jusqu’ici inconnues ; d’autres confédérations,telle la CFDT, feront de la RSE un axe de travail per-manent. - L’adaptation du droit fiscal français en 2008-2009permettant l’accueil de fonds islamiques, selon lesrecommandations du rapport Pastré sur les « Sukuk »et « Murabaha ». Il est à noter que ces fonds ont glo-

(12) Voir :http://www.ftse.com/Indices/FTSE4Good_Index_Series/index.jsp

(13) L'analyse présentée par Terra Networks, le 8 mars 2001, au coursdu forum d'Euronext pour l'investissement responsable montre que lesdeux tiers de la croissance correspondent à des fonds dont l’appréciationest assurée via Arese, pour la France, au cours des années 1999 et 2000.Le rôle ultérieur de Vigeo est décrit par l’article de Nicole Notat. LaDGCIS (ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie) a sou-tenu, entre 2001 et 2003, une recherche sur ces fonds, à laquelle le lec-teur pourra se reporter. Voir : http://www.industrie.gouv.fr/pdf/devdurable2.pdf http://www.industrie.gouv.fr/pdf/devdurable1.pdf http://www.industrie.gouv.fr/pdf/notationdevdurable.pdf

(14) Ce qui a donné lieu au forum www.orse.org

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balement mieux résisté que d’autres à la crise finan-cière, et qu’ils représentaient alors entre 400 et 500milliards d’euros dans le monde (15).- Les travaux en cours du Centre d’analyse stratégiqueauprès du Premier ministre relatifs à la prospective dutravail et de l’emploi à l’horizon 2030, qui compor-tent des recommandations sur la RSE ;- Les publications de rapports ayant trait à la RSE parles entreprises (notamment les plus grandes) en appli-cation de l’article L. 225-102-1 du Code de commer-ce (16).

LES IMPLICATIONS DES FONDS ÉTHIQUES ENTERMES DE COMPÉTITIVITÉ DES ENTREPRISES ETDE POLITIQUE ÉCONOMIQUE

Plusieurs questions se posent lorsque l’on veut mesu-rer les impacts de ces fonds sur l’activité…

La question de l’efficacité économique

L’efficacité économique des fonds éthiques ou RSE seheurte à diverses critiques (17). Cette question neparaît pas définitivement tranchée : en faveur d’uneréponse positive, on trouve la littérature managérialede type « ethics pays » (litt. : la morale paie), une cer-taine résilience des fonds RSE (et des fonds isla-miques) aux secousses liées à la crise financière…Enfin, citons le rapport de 2010 de Novethic : « 84 %des investisseurs considèrent que la prise en compte descritères ESG (environnementaux, sociaux, de gouvernan-ce) représente un type de gestion qui maximise l’intérêtdes bénéficiaires sur le long terme. C’est un point clé,dans la mesure où il y a encore 5 ans les investisseursconsidéraient que l’intégration ESG pouvait être contrai-re à leur responsabilité fiduciaire » (18). D’autres élé-ments, moins positifs, argüent soit du caractère enco-re indécidable de l’impact à long terme des critères,soit de la part encore faible prise par ces fonds dans lafinance mondiale, les économies restant de facto gui-

dées par des considérations souvent à plus courtterme. Sur une dizaine d’années, toutefois, on consta-te une forte croissance des actifs gérés selon des cri-tères RSE, tandis que ces critères continuent de s’affi-ner.En termes de politique économique, cela plaide enfaveur du soutien à la recherche sur les fonds éthiqueset RSE et sur leurs impacts, et aussi en faveur d’unsuivi des outils qui les ont mis en œuvre à grandeéchelle, comme le fonds de réserve des retraites.

La réalité des pratiques au regard des annonces

La réalité des pratiques au regard des annonces est uneseconde question ouverte (19) ; en matière de poli-tique publique, cela plaide en faveur de la nécessité dedisposer de formes de certification sur des référentiels,et d’agir en vue de l’élaboration et de la mise en œuvrede normes internationales, au besoin via des exper-tises de chercheurs (ce qui a été le cas pour l’ISO26 000). Cela plaide aussi pour une transparence descritères, laquelle a fait, en France, l’objet d’une com-munication récente de l’AMF (20).

L’incertitude dans laquelle les fonds éthiques etsocialement responsables peuvent mettre lesentreprises

L’insécurité juridique que peuvent générer ces fondsexiste tout d’abord dans les pays développés. Parexemple, des « traitements discriminatoires » (sousforme de discriminations positives) sont requis parcertains de ces fonds aux États-Unis (dont le cadrelégal fait cohabiter des communautés disparates),alors que la tradition, constitutionnalisée, des pays dedroit romain est différente, et que notre interprétationdes droits de l’Homme trouverait illégales certaines deces discriminations.

(15) Voir : http://www.minefe.gouv.fr/directions_services/dgtpe/sec-teur_financier/haut_comite_place/dev_fin_islam.htm

(16) Le renforcement en 2010 de l’article L. 225-102-1 du Code decommerce a conduit à la prise d’un nouveau décret d’application. L’OR-SE a élaboré d’intéressantes propositions à cet égard. De façon plusgénérale, on trouvera une évocation des débats sur ce texte à l’adressesuivante :http://www.novethic.fr/novethic/entreprises/politique_developpement_durable/reporting_et_communication/reporting_extra_financier_entre-prises_ultime_debat/133332.jsp.

(17) Mentionnées dans le documenthttp://www.ensmp.fr/industrie/digitip/osi/000721fondsethiques.pdf

(18) Voir : http://www.novethic.fr/novethic/upload/etudes/enquete_investisseurs_institutionnels_2010.pdf

(19) La croissance de ces fonds et la création de jurisprudence par leursgestionnaires peut conduire, à terme, à une éviction (relative) des entre-prises qui ne s'y conformeraient pas de cette part du marché des capi-taux que constituent les fonds éthiques et RSE. Une mise à l’écart sou-vent justifiée, du point de vue de la RSE (par exemple, le principe du « naming and shaming » (« nommer pour faire honte »), ou bien lalogique poussant à l’adoption par anticipation de normes environne-mentales plus contraignantes). Mais aussi, parfois, une éviction injuste,soit que certaines entreprises ne se livrent pas en fait, en matière deRSE, à une présentation purement formelle à des fins de communica-tion, soit qu’elles soient victimes de campagnes de dénigrement menéespar des concurrents qui en usent comme d’une arme contre eux. Pouréviter les excès, il importe donc d'avoir en la matière une expertise forte,et, de plus en plus, reconnue au plan international, en termes de cri-tères. En effet, les données doivent être fiables, homogènes pour pouvoirêtre comparables d’une entreprise à l’autre, et certifiées par un tiersexterne et neutre ; autant de conditions qu’il n’est pas toujours facile deréunir.

(20) Voir http://www.amf-france.org/documents/general/9734_1.pdf

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Des difficultés peuvent également exister entre paysdéveloppés et pays en voie de développement (PVD) :le critère du simple respect du droit local n’est pas suf-fisant aux yeux des fonds pour les pays qui ne respec-tent pas le cadre fixé par le droit du travail en vigueurdans les pays développés (par exemple, l’interdictiondu travail des enfants, ou certaines normes environ-nementales). Mais une transposition brutale de cri-tères de pays développés dans des PVD est égalementcontreproductive : il faut donc que l’entreprise assumeune position médiane, génératrice de risques, tant vis-à-vis des droits locaux que vis-à-vis de son actionna-riat. Dans un tel contexte, on peut craindre des situa-tions de sous-investissement qui sont elles aussicontreproductives. D’où la nécessité d’études de cas,nombreuses et tenant compte de la diversité des situa-tions.De façon générale, l’articulation entre le « bien » telque le conçoivent ces fonds, opérant à échelle mon-diale, et le « bien » vu comme la conformité à la loi,varie selon les États et pose la question de la confron-tation avec les lois. A cet égard, la réponse del’ISO 26 000 (à savoir la nécessité de respecter lesdroits locaux) est un compromis minimal qui laissebien des questions en suspens. De façon optimiste, onpeut y voir une illustration du fait que les échangesinternationaux peuvent être une source d’améliora-tion des processus législatifs, ce que notait déjàMontesquieu, au Livre XX de « De l’esprit des lois ».En tout état de cause, il y a une sorte de compétitionentre les règles édictées par les États et celles qui lesont, implicitement ou explicitement, par les fondsRSE.

Les impacts sectoriels

On peut :- se réjouir de la prise en compte des émissions de gazà effet de serre via ces fonds, notamment sur les mar-chés d’Etats ayant conservé des positions diploma-tiques dilatoires à cet égard ;- suggérer que certaines industries à risques ne fassentpas l’objet d’une mise à l’index systématique, maisplutôt de bilans équilibrés et fondés sur de la prospec-tive à long terme (21) ;

- constater que les critères actuels de ces fondscontinuent à favoriser de facto l’investissement dansles TIC (cf. le thème des usages verts des TIC), maisà un moindre degré qu’au début des années 2000 ;- noter que la montée en puissance de ceux de cesfonds qui intègrent des critères environnementauxconduirait à renforcer les sources de financementd’économies d’énergie, et que le soutien à de telsfonds pourrait s’avérer bénéfique à plusieurs titres(22).

L’orientation de l’épargne

Les raisons qui militent en faveur de l’épargne sala-riale, et plus généralement de l’orientation versl’épargne en actions, se heurtent pour une part dela population à des sensibilités qui peuvent être pré-cisément satisfaites par les objectifs des fondséthiques.

La facilitation d’un consensus international sur lesrègles commerciales

La même considération qu’au point précédent vautau niveau international, certains de ces fonds pouvantapporter des éléments de réponse à la préoccupationexprimée à l’OMC par certains PVD, peu convaincusdes mérites du libre-échange, pour réduire leur écartde croissance avec les pays développés (23).

CONCLUSION

Les fonds éthiques et RSE, longtemps restés une réa-lité économique mineure, sont en passe de cesser del’être. Ils tendent à combler une attente de l’épar-gnant, alors même que la population de plusieursgrands pays industrialisés estime que le rôle de régula-teur social des États s’amenuise, laissant davantage deplace à l’initiative individuelle.

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(21) Voir sur ce point les rapports de l’Agence internationale de l'énergie(AIE) et de l’Organisation de coopération et de développement écono-miques (OCDE) sur les perspectives énergétiques mondiales à longterme et l’ouvrage de JP Dupuy, « Pour un catastrophisme éclairé »(École Polytechnique, Centre de recherche en épistémologie appliquée etGroupe de recherche et d'intervention sur la science et l'éthique, pour leCommissariat au Plan, mars 2001). A cet égard, la finance, fût-elle RSE,peut être par nature plus volatile que des réalités physiques face à dessituations accidentelles, sauf à s’appuyer sur des perspectives longues etsur des institutions suffisamment solides pour résister à des pressionsmédiatiques parfois très conjoncturelles.

(22) Une telle orientation est favorable à l'industrie et à l'emploi, enréduisant les freins à la croissance générés par le renchérissement descoûts des hydrocarbures. Elle donne des marges de manœuvre macroé-conomiques tant en termes de commerce extérieur qu’en termes de maî-trise de l’inflation et de limitation d’une tendance induite à la haussedes taux qui pourrait réduire la croissance de l’Union européenne.

(23) L'impératif kantien d'universalisme dans l'expression du droit etdu bien, confronté à la mondialisation, pose des problèmes de plus enplus aigus. La solution pratique suppose des « démarches de progrès »,qui requièrent de la continuité dans le temps, et auxquelles les fondséthiques peuvent apporter des outils. De façon plus pragmatique, il estclair que les divergences sur les questions environnementales entre PVDet pays développés (depuis la conférence de Doha en 2001) ne peuventavoir d'issue autre que celle apportée par des processus continus, parmilesquels les fonds éthiques peuvent fournir des éléments de réponse.

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Leur poids nouveau a plusieurs conséquences entermes de politique économique. Il est probable qu’il yait intérêt à favoriser leur croissance, tout en facilitantle débat sur la cohérence des critères qu’ils mettent enavant, dans les trois grands domaines que sont lesdroits de l’Homme (et leur corollaire, le développe-ment), les aspects sociaux et le développement durable.Cela passe par un suivi des règles de transparence enmatière d’information (a priori via l’AMF), par descolloques et débats organisés avec des instituts derecherche en gestion et en économie, des écoles, desuniversités, le Medef, des organisations syndicales et,bien entendu, les agences de notation concernées…La transparence et l’élargissement du choix des épar-gnants qui en résultera, devraient rendre plus facile la

nécessaire évolution de l’épargne salariale.Simultanément, les entreprises françaises seront mieuxà même de répondre à une demande mondiale émer-gente des marchés de capitaux au lieu de simplementla subir, en étant exclues de certains d’entre eux. Enoutre, cette prise en compte est susceptible de confor-ter l’image de l’entreprise auprès des Français, tâchenécessaire alors que demeure une fracture entre lesquelque six millions de salariés du secteur exposé à laconcurrence internationale et dégageant des marges decroissance soutenable, et ceux qui apparaissent enmajorité moins directement aux prises avec les réalitésconcurrentielles. Cette tâche de réconciliation est par-ticulièrement nécessaire, si l’on veut répondre aux défisposés par la crise économique, et en sortir par le haut.

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Le Groupe La Poste à la recherche d’une performanceglobale

Moderniser sans se renier. C’est en suivant cette ligne de conduiteque La Poste a conduit sa transformation et qu'elle fait face auxdéfis souvent contradictoires qui lui sont lancés : évoluer dans unmarché totalement libéralisé tout en exerçant pleinement ses mis-sions de service public, maintenir une relation de proximité avec lesFrançais tout en s’adaptant aux nouveaux usages de communication, de plusen plus dématérialisés… C’est en pariant sur la confiance et en mariant étroitement toutes les dimen-sions de la performance - économique, sociale, environnementale et socié-tale - que La Poste a trouvé le chemin d’un développement équilibré etdurable.

par Georges LEFEBVRE* DES TÉMOIGNAGES

DE DIRIGEANTS

D’ENTREPRISE

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La Poste n’est une société anonyme que depuismars 2010. Auparavant, elle n’a été sous statutd’établissement public que pendant une vingtai-

ne d’années, ce qui est très peu, en regard de ses sixsiècles d’existence ! Mais c’est depuis bien plus long-temps que, bien que chargée de missions de servicepublic, elle doit par son activité dégager les ressourcesqui lui sont nécessaires (1). Il en résulte que la culturede la performance est depuis longtemps ancrée dans lemanagement de La Poste.La recherche de la performance économique (avec sadimension industrielle et sa dimension financière) estdonc une préoccupation ancienne, constante et trèsexigeante pour une organisation chargée, tous lesjours, de livrer 90 millions d’objets et d’accueillir2 millions de consommateurs dans ses 17 000 pointsde contact…Cet exercice est d’autant plus complexe que cetteorganisation doit gérer une transformation continue

qui va s’accélérant et que cette transformation s’opèredans un champ de contraintes et d’intérêts variés quimet en équilibre quatre partenaires essentiels dont lesbesoins ne se recouvrent pas toujours : les consomma-teurs et clients (le marché), les Pouvoirs publics et lescitoyens (la Cité), les postiers eux-mêmes (le corpssocial) et, enfin, les acteurs de l’environnement (la pla-nète).Dans un tel contexte, le développement de la perfor-mance ne peut être obtenu qu’en conjuguant diffé-rentes dimensions, à savoir les dimensions écono-mique, environnementale, sociétale et sociale.C’est cette recherche d’une performance globale quiest abordée et décrite ici à la fois sous l’angle de sa rai-

* Délégué général du Groupe La Poste.

(1) Avant 1990, La Poste, administration d'Etat, relevait d'un budgetannexe, qu'elle était tenue d’équilibrer.

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son d’être et sous ceux de son fondement stratégique(pourquoi rechercher une performance globale ?) etdes modalités de son déploiement (comment obtenirune performance globale ?).

POURQUOI RECHERCHER UNE PERFORMANCEGLOBALE ?

La Poste exerce une activité très ancienne, elle est pré-sente sur tout le territoire. Elle rythme la vie quoti-dienne des Français et est au cœur de la vie sociale dupays. Service public emblématique et particulièrementapprécié, La Poste a pourtant dû s’adapter à deuxgrandes révolutions : la révolution industrielle (qui l’apropulsée dans l’environnement très productif de lalogistique à grande échelle) et, plus récemment, la révo-lution technologique (qui l’oblige à un mouvement demodernisation et de diversification sans précédent, surfond de libéralisation totale du marché postal).Ces étapes successives lui ont bien sûr imposé delourdes transformations, mais celles-ci ont toujoursété réalisées avec la préoccupation de respecter et dedévelopper le patrimoine de confiance tissé avec lesconsommateurs et la société dans son ensemble. Sansrenier son passé ni ses valeurs, La Poste s’est moderni-sée en conjuguant progressivement les différentes mis-sions et activités que l’évolution de son environne-ment lui a imposées.Pour autant, le chemin parcouru n’est ni celui de l’évi-dence (un grand nombre d’autres opérateurs européensont fait le choix de ruptures plus marquées) ni celui dela facilité (il s’appuie sur un véritable pari stratégiqueconsistant à faire de la confiance le critère de diversifi-cation et le levier du développement, et il impose auxmanagers une ligne de conduite exigeante : conduire lechangement en mariant, au quotidien, le courage opé-rationnel et un respect absolu pour les personnes).

La Poste : une entreprise au carrefour de l’industrieet du service, qui associe plusieurs dimensions de laperformance

Créée au XVe siècle pour servir les besoins de com-munication de l’Etat, la poste a progressivementorienté son activité vers les échanges entre particuliers.Depuis, présente partout et apportant un servicerégulier, elle est entrée dans la vie quotidienne desFrançais en s’inscrivant durablement dans le paysagesocial et la vie territoriale du pays. Un lien particulier,fondé sur la confiance, s’est développé ainsi avec lesFrançais : un lien qui donne sens au travail des agentset qui nourrit le contrat social conclu entre La Posted’aujourd’hui et ses salariés. Le rappel de cette origine est important : c’est elle quiva établir le socle de valeurs sur lequel le développe-

ment des services postaux va continuellement s’ap-puyer.La révolution industrielle change brutalement ladonne. Après des siècles de croissance lente, le volumedu courrier explose : de 400 000 objets par jour en1865, à 23 millions, un siècle plus tard, et à 90 mil-lions aujourd’hui ! Le courrier prend place dans l’acti-vité économique générale et en devient un des instru-ments essentiels. Et les consommateurs font pressionsur ce service pour que sa performance progresse. Leprocessus de libéralisation du courrier décidé parBruxelles vient consacrer cette évolution.

En quelques années, nous l’avons rappelé, La Postechange de dimension. Cette évolution va avoir denombreuses conséquences sur ses activités, sur soninfrastructure et aussi sur sa taille, bien sûr. Ces consé-quences vont entraîner, à leur tour, d’importantesadaptations sociales, puisque le personnel est plusnombreux, que de nouveaux métiers se développent etqu’à côté du service aux particuliers se déploie uneformidable organisation de transport et de logistique.Pour autant, ne sont affectés ni les missions de servicepublic ni le modèle social, qui privilégie une intégra-tion durable des postiers : jusqu’aux années 2000, lemarché du courrier continue à croître en Europe et enFrance, et le financement du service universel resteassuré grâce, notamment, à un monopole (qui ne dis-paraîtra totalement qu’en 2011) (2) (3). Mais la duali-té s’installe et La Poste doit désormais conjuguer deuxréalités et marier les cultures : service public de proxi-mité devenu entreprise de logistique à dimensionindustrielle, La Poste se déploie désormais au carrefourde la sphère publique et de la sphère marchande.

(2) Le service universel du courrier impose une distribution des plis 5jours sur 7 en Europe (minimum imposé par la Directive postale) et 6jours sur 7 en France, sur tout le territoire.

(3) Les opérateurs postaux en charge du service universel ont conservé lemonopole des plis de moins de 50 grammes jusqu’en janvier 2011 (enjanvier 2013, pour quelques opérateurs dont la géographie ou la situa-tion justifient une période de préparation plus longue).

Figure 1 : Evolution du nombre d’objets transportés.

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Un équilibre menacé par la révolutiontechnologique et la libéralisation du courrier

A l’aube du XXIe siècle, une deuxième rupture majeu-re, la révolution technologique, va rendre la situationsingulièrement plus compliquée et plus menaçante. Lesmoyens électroniques de communication (Internet, enparticulier) modifient les usages, non sans de redou-tables effets. Il en est ainsi du mouvement de dématé-rialisation des échanges, qui entraîne une décroissanceirréversible du volume du courrier (4).Cette situation contraint le secteur postal, partout enEurope, à une évolution rapide et profonde. Le mar-ché du courrier étant arrivé à maturité, les opérateursdoivent engager un effort de modernisation sans pré-cédent pour améliorer la compétitivité des activitéstraditionnelles et financer une diversification désor-mais indispensable. Cette modernisation est d’autantplus nécessaire qu’avec la libéralisation du marché(totale dès 2011 pour la plupart des pays) se dévelop-pe la concurrence parfois agressive des opérateursalternatifs low cost.

Le mouvement d’optimisation opérationnelle etsociale conduit à un dilemme stratégique

En Europe, le mouvement de modernisation ducourrier touche toutes les composantes de l’activité :le traitement du courrier est largement automatisé et

massifié grâce à la mise en place de grands centresfortement mécanisés, dont la production est flexibili-sée (5) ; sa distribution, qui tire profit de cet effortd’automatisation, est simplifiée : le courrier étant triéjusqu’à tenir compte de l’ordre des tournées, le fac-teur se consacre aux seuls travaux (dits « extérieurs »)de distribution, ce qui autorise le recours à de nou-velles formes d’emploi ; le réseau des bureaux deposte lui-même est souvent optimisé, soit par laréduction du nombre de bureaux, soit par délégationde l’activité à des organisations tierces (municipalités,entreprises de grande distribution ou commerces deproximité).Cette optimisation opérationnelle s’accompagned’une adaptation sociale : réduction généralisée deseffectifs, diversification fréquente des formes d’emploi(recours au temps partiel, emploi de travailleurs sai-sonniers ou de travailleurs indépendants, etc.), évolu-tion des rémunérations…Poussé à l’extrême, ce mouvement d’optimisationopérationnelle et sociale est de nature à remettre pro-fondément en cause le modèle postal historique fondésur une présence territoriale étendue, une relation deproximité avec les particuliers et un modèle social quiprivilégie la stabilité de l’emploi. Il met ainsi manifes-tement les opérateurs devant un dilemme stratégique :faut-il faire le choix de la performance économique(au prix d’une dégradation de l’ambition et de l’ima-ge de responsabilité sociale externe et interne) ou faut-il, au contraire, privilégier la performance sociale (aurisque d’une dégradation forte et rapide de la compé-titivité économique) ?

GEORGES LEFEBVRE

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(5) En France, le projet « Cap Qualité Courrier » de modernisation dela chaîne de production a représenté un investissement de 3,4 milliardsd'euros.

Figure 2 : Exemple européen.

(4) Cette évolution a été amplifiée par la crise économique et financière.En France, la diminution du volume de courrier transporté pourrait êtrede l’ordre de 30 % entre 2010 et 2015.

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La stratégie de développement responsable de LaPoste : la confiance, clé de voûte de lamodernisation et du changement

Au début des années 2000, La Poste a fait le choix dene pas opposer entre elles ces deux dimensions, mais,au contraire, de les conjuguer étroitement. Ce choix arésulté d’une conviction : la relation de confiancedéveloppée par La Poste avec l’ensemble des Françaiscomme avec les postiers constitue un actif immatérielayant une grande valeur économique, qu’il est diffici-le d’acquérir et qui constitue un avantage concurren-tiel distinctif essentiel qu’il convient de cultiver.Cette vision qui place la confiance au cœur du projetde La Poste et conduit à articuler intimement respon-sabilité sociale et performance économique, va à lafois guider la stratégie du Groupe et rendre possible satransformation. La Poste décide ainsi d’être un opéra-teur de service plutôt qu’un logisticien et de s’appuyersur un modèle social qui favorise la qualité de la rela-tion avec les consommateurs.

COMMENT OBTENIR UNE PERFORMANCE GLOBALE ?

Le plan stratégique du Groupe La Poste a consacrécette recherche d’une performance globale, en pre-nant en compte deux volets égaux : le volet écono-mique, d’une part, composé des business plans duGroupe et de ses métiers, et le volet sociétal, d’autrepart, composé des quatre grandes politiques transver-sales de développement responsable : qualité de servi-ce, modèle social, missions de service public et déve-loppement durable.

Le volet économique de la stratégie : unediversification équilibrée entre services de proximitéet logistique légère

Le capital de confiance dont dispose La Poste consti-tue un point d’appui pour son développement. Lanotion de confiance conduit donc à orienter la straté-gie de diversification vers des activités pour lesquellesla qualité de la relation avec les consommateursconstitue un avantage concurrentiel important. C’estle cas des services, en général (des services financiers,en particulier), et c’est, par ailleurs, le cas de la logis-tique « légère » (documents et petits colis). C’est pour-quoi La Poste a décidé de développer une activitécomplète de banque de détail à partir de ses activitésfinancières traditionnelles et de constituer un réseaude dimension européenne, dans les domaines ducourrier express et des colis. Ces choix de diversification se sont traduits par lamise en place (dès 2003) d’une organisation par

métier : courrier, colis et express, services financiers etenseigne (réseau des bureaux de poste et points decontacts), tous étant responsables de leurs résultats etdotés, à ce titre, de leurs propres ressources.Naturellement, cette orientation vers les services n’apas exonéré La Poste d’un intense effort de moderni-sation opérationnelle. Mais en s’appuyant sur lesvaleurs historiques de l’entreprise et en cherchant àrenforcer les liens de confiance, cette modernisation atrouvé un sens acceptable, voire un soutien tantauprès des clients et consommateurs qu’auprès despartenaires publics (les élus locaux notamment).La crise économique et financière a donné raison à LaPoste d’avoir adopté cette stratégie : un portefeuilleéquilibré a accru la capacité de résistance du Groupe ;le capital de confiance a fourni un avantage concur-rentiel évident à la Banque Postale, dans un contextede remise en cause du fonctionnement des marchésfinanciers.

Le volet sociétal de la stratégie : les quatre piliers dudéveloppement responsable

Contrairement aux activités de nature industrielledont la compétitivité est avant tout liée à la perfor-mance de l’outil de production, les activités de ser-vices développent leur compétitivité et créent de lavaleur grâce à l’implication et à la compétence dessalariés qui délivrent la prestation. La qualité dumodèle social est donc essentielle. L’exercice des mis-sions de service public et le maintien d’une présenceterritoriale étendue et active y contribuent également(6).Enfin, cette responsabilité sociétale comporte uneforte dimension environnementale : La Poste est eneffet un grand transporteur, un transporteur depapier, qui plus est : la diminution de ses émissions degaz carbonique dans l’atmosphère et la promotion del’utilisation responsable du papier font ainsi partie deses objectifs prioritaires.L’ensemble des politiques transversales de « dévelop-pement responsable » (modèle social, qualité de servi-ce, missions de service public, développementdurable) forme le volet sociétal de la stratégie duGroupe. Ces politiques sont toutes placées sous l’au-torité du Délégué général du Groupe.

DES TÉMOIGNAGES DE DIRIGEANTS D’ENTREPRISE

RÉALITÉS INDUSTRIELLES • MAI 201196

(6) Les opérateurs postaux qui ont décidé d’orienter leur diversificationvers l’express et le courrier industriel (comme le néerlandais TNT) ouvers le transport et la logistique (comme l’allemand Deutsche PostDHL) ont eu tendance, au contraire, à faire fortement évoluer le modèleopérationnel des activités traditionnelles : TNT emploie aujourd’hui ungrand nombre de travailleurs à temps partiel (« livreurs de courrier ») etDeutsche Post a considérablement réduit son réseau.

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Le modèle social de l’« employeur-développeur »

Le modèle de l’« employeur-développeur » exprime lechoix de la qualité de l’emploi et celui d’organisationsde travail favorisant la souplesse et la capacité d’adap-tation aux changements (ce deuxième choix étant lecorollaire du premier). Renouvelant le contrat socialentre l’entreprise et ses salariés, ce modèle prend laforme d’une série d’engagements mutuels dont lapierre angulaire est une politique d’emploi stable etune évolution continue des personnels au sein de l’en-treprise. Les deux « cercles vertueux » d’engagementsconvergent vers un bénéfice commun : la considéra-tion des personnes avec, en interne, la personnalisa-tion de la gestion des salariés et, en externe, l’amélio-ration de la relation avec les clients.De façon concrète, ces engagements se sont traduitspar un accord amenant l’entreprise (dès 2004) à trans-former en contrats à durée indéterminée (CDI) tousles contrats à durée déterminée (CDD) et à transfor-mer les contrats à temps partiel imposés en contrats àplein temps (aujourd’hui, l’entreprise compte moinsde 4 % de CDD et près de 90 % d’emplois à tempscomplet).

Le programme « Ambition de service »

L’amélioration continue de la relation avec les clientsest évidemment au cœur de la stratégie du Groupe etde son orientation vers le développement des servicesde proximité. Le programme « Ambition de service »réunit les projets transversaux qui y concourent :démarche d’engagements envers les clients (améliora-tion du traitement des réclamations, réduction dutemps d’attente aux guichets, deuxième présentationdes courriers recommandés…), création d’un service

consommateurs « multi-canal », développement de laculture interne propre à chaque service, etc.Ce programme a permis d’obtenir des résultats tan-gibles tant en termes de durée d’attente et de satisfac-tion des clients des bureaux de poste que de respectdes engagements concernant le courrier (7).

Les missions de service public

La Poste exerce quatre missions de service public quisont précisément définies par la loi et qui font l’objetd’un « contrat de service public entre La Poste et l’Etat » : - le service universel postal, qui garantit, en particu-lier, une distribution du courrier 6 jours sur 7 ; - le service public de distribution de la presse ; - l’accessibilité bancaire ;- et la mission d’aménagement du territoire, qui per-met de maintenir sur tout le territoire, y compris dansles zones les moins densément peuplées, un niveautrès important d’accessibilité aux services postaux.Ces quatre missions contribuent au maintien et àl’amélioration des liens sociaux caractéristiques de lasociété française. Elles constituent un facteur de cohé-sion sociale et territoriale. Elles sont, par ailleurs,constitutives de l’identité profonde de La Poste et ins-pirent un comportement d’entreprise citoyenne (ycompris dans ses activités purement commerciales).

GEORGES LEFEBVRE

RÉALITÉS INDUSTRIELLES • MAI 2011 97

(7) La mise en place d’une nouvelle organisation au sein des plus grandsbureaux, qui déplace des guichetiers vers la salle en relation directe avecles clients, a contribué à diminuer de façon très sensible le temps d’at-tente pour les opérations rapides (dépôt ou retrait de plis ou de colis),qui a évolué, passant d’environ 9 minutes en 2009 à environ 3 minutesà la fin de 2010. Les engagements liés à la distribution du courrier ontété tenus à hauteur de plus de 95 %. Le service consommateurs de LaPoste a été élu « Service client de l’année 2010 ».

Figure 3 : La Poste s’engage….

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Développement durable

Avec près de 60 000 véhicules et plus de 16 000 sites,les activités du Groupe La Poste génèrent d’impor-tantes quantités de CO2, l’un des principaux gaz àeffet de serre (GES) responsables du changement cli-matique. Le Groupe entend contribuer aux objectifsnationaux et européens de réduction des émissions deGES ; il oriente ses choix immobiliers, industriels etcommerciaux, adapte ses organisations et fait évoluerses modes de fonctionnement en cohérence avec cedéfi. Un indicateur rend compte, chaque année, del’évolution des résultats obtenus : ainsi, entre 2008 et2009, la réduction des émissions de CO2 liées autransport a atteint 3,5 %.La prise en compte de ces impacts environnementauxcontribue aussi à la performance économique duGroupe en réduisant les coûts de fonctionnement deses bâtiments et de sa flotte de véhicules utilitaires, enfavorisant l’acceptation de ses véhicules dans lescentres-villes et en améliorant son image auprès desclients sensibles à cette problématique.

CONCLUSION

Comme on le voit au travers de ces différentsexemples, la performance globale ne consiste pas à

faire cohabiter deux logiques ou deux catégoriesparallèles d’objectifs, les objectifs économiques,d’une part, et les objectifs sociétaux ou sociaux,d’autre part ; il s’agit plutôt d’en organiser la conju-gaison. C’est ce principe de conjugaison qui consti-tue le fondement de la stratégie poursuivie par leGroupe La Poste.Ce choix se décline à tous les niveaux de manage-ment : les indicateurs de résultat prennent partout encompte les différentes dimensions de la performance,car l’ambition d’une performance globale ne peut êtrepoursuivie qu’avec l’implication de tous.Aujourd’hui, ce choix a permis tout à la fois deconduire les adaptations d’organisation nécessaireset d’obtenir des résultats économiques probants.S’appuyant sur un portefeuille d’activités équilibréesqui lui permet d’affronter plus facilement les effetsde cycle, le Groupe La Poste dispose d’un modèleéconomique et social solide qui lui a permis de sesituer au premier rang des opérateurs historiques, entermes de résultats. Anticipant les enseignements dela crise économique et financière, il est en résonanceavec les aspirations croissantes de l’opinion commede la plupart des acteurs économiques et sociaux àune croissance plus équilibrée et socialement plusresponsable.

DES TÉMOIGNAGES DE DIRIGEANTS D’ENTREPRISE

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Figure 4 : Taux de satisfaction des clients en regard du temps total nécessaire à la réalisation d’opérations enbureau de poste.

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France Télécom : de la gestion d’une crise à la création d’un nouveau sens

Soumis à des transformations très rapides et à des pressions concur-rentielles et réglementaires très fortes, le Groupe France Télécom ena sous-estimé l’impact sur ses salariés exerçant en France et a dûaffronter une grave crise sociale. Les mesures prises pour faire faceà cette crise de sens et de management ont permis de construireune nouvelle ambition, qui souhaite réconcilier performance économique etprogrès social, sociétal et environnemental.

par Marc FOSSIER*

DES TÉMOIGNAGES

DE DIRIGEANTS

D’ENTREPRISE

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UN SECTEUR SOUMIS À DES TRANSFORMATIONSTRÈS RAPIDES

France Télécom est un groupe international qui exer-ce ses activités d’opérateur de télécommunicationsdans trente-cinq pays (essentiellement en Europe et enAfrique) en offrant des services fixes et mobiles à plusde 210 millions de clients. Son chiffre d’affaires s’estélevé à 45 milliards d’euros en 2010, dont 48 % ontété réalisés en France. Il emploie 169 000 personnes,dont près de 100 000 travaillent en France.Le secteur des télécommunications est soumis à destransformations très rapides et très profondes. Ceschangements impactent les technologies et certainsusages. Mentionnons par exemple la généralisation dela téléphonie sur ADSL, qui a été lancée en 2004 et àlaquelle plus de la moitié des clients en France se sontabonnés, ce qui s’est traduit par une forte décroissan-ce des usages de la ligne téléphonique classique, à basdébit.

Ce bouleversement des usages et des comportementsdes clients s’est accompagné d’une pression concur-rentielle et réglementaire intense très spécifique à cesecteur. L’attribution (par la puissance publique) desressources rares que sont les fréquences ou les numé-ros d’appel et les règles d’interconnexion entre réseauxconcurrents ont sur le paysage concurrentiel unimpact au moins aussi important que celui du librejeu des initiatives privées.Enfin, depuis la fameuse « bulle Internet » du débutdes années 2000, les grands opérateurs de télécommu-nications européens ont dû résorber un très fortendettement, qui a ainsi amené France Télécom àaffronter une grave crise de liquidités, en 2003. Dansun contexte de croissance faible de leur chiffre d’af-faires et de défiance des investisseurs sur leur potentielà long terme, ces grands opérateurs ont tous dû se

* Directeur exécutif Responsabilité Sociale d’Entreprise, Groupe FranceTélécom.

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DES TÉMOIGNAGES DE DIRIGEANTS D’ENTREPRISE

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concentrer sur la génération d’un autofinancementimportant en réduisant fortement leurs coûts (et doncleurs effectifs), tout en continuant à verser des divi-dendes élevés à leurs actionnaires.

UNE PRESSION SUR LES COÛTS ET LES EFFECTIFSQUI N’A PAS EU LES MÊMES EFFETS SELON LESPAYS

Le bouleversement des technologies et des usages desclients, joint à la pression sur les coûts, a eu un impactmajeur sur l’organisation du travail tant en matièred’effectif global que de nature des postes occupés.Mais cette pression s’est exercée et a été ressentie de

façon différente selon les pays et leur situation propre.A cet égard, la comparaison des pyramides des âges duGroupe France Télécom en France et hors de Franceest frappante (voir les figures 1 et 2). Dans la plupartdes pays du Groupe, l’activité est récente, les person-nels ont rarement plus de dix ans d’ancienneté et lamobilité professionnelle est forte. Dans ces pays(même dans ceux où France Télécom contrôle unopérateur historique (comme TPSA en Pologne),ayant un nombre plus important de salariés), l’ajuste-ment des effectifs a pu se faire grâce à des accordssociaux négociés avec les syndicats (souvent sous laforme de départs volontaires avec un accompagne-ment financier).Mais la situation française se heurtait à deux fortesdifficultés liées, d’une part, au statut de fonctionnai-

Figures 1 et 2 : Pyramide des âges en France – Pyramide des âges hors de France.

099-102 Fossier_099-102 Fossier 10/05/11 14:09 Page100

re dont bénéficient environ les 2/3 des personnels et,d’autre part, à un fort attachement des salariés à uneentreprise, au sein de laquelle ils travaillaient pourcertains depuis plus de vingt ans, ce qui leur rendaittrès difficile d’accepter (voire tout simplement deprendre en considération) les offres pourtant attrac-tives qui leur étaient faites sur le plan financier ouprofessionnel, de mobilité vers d’autres fonctionspubliques (État, collectivités territoriales, hôpitaux)et cela, malgré l’existence de nombreux dispositifs lafacilitant. De la même façon, l’encouragement àpoursuivre des projets personnels hors de l’entrepri-se (avec un accompagnement et une garantie deretour en cas d’échec) n’a rencontré qu’un succès trèsmodeste.La pression en faveur de l’acceptation de ces disposi-tifs, accompagnée d’une compréhension insuffisantedu ressenti du personnel, a certainement conduit àdes erreurs de management et de communicationinterne. En particulier, la nécessité de mener des poli-tiques exigeantes en termes de réductions de coûts etd’effectifs n’a pas du tout été comprise de la mêmefaçon par le personnel entre la période 2003-2005 (oùl’entreprise luttait pour sa survie et son intégrité) et lapériode récente (où les efforts demandés aux salariéssont apparus comme principalement justifiés par desexigences financières, en l’absence de tout projetmobilisateur global).De plus, en France, la volonté de rationnaliser les pro-cessus opérationnels au contact des clients afin d’enaméliorer la productivité, s’est parfois traduite par uneperte d’autonomie de salariés désormais confrontés àla difficulté de devoir traiter des situations complexeset imprévues sans en avoir réellement les moyens.Ces erreurs ont été perçues avec acuité lors de la crisedes suicides, qui s’est déclenchée à l’été 2009, dontl’analyse était délicate, mais qui, en tout état de cause,a suscité un tourbillon médiatique et politique que leGroupe a traversé avec difficulté plusieurs moisdurant.

LA GESTION DE LA CRISE SOCIALE EN FRANCE

Le Groupe a rapidement réagi en apportant uneattention renforcée aux personnes les plus fragiles eten mobilisant des moyens importants (tant en internequ’en faisant appel à l’aide de médecins et de spécia-listes extérieurs) afin de prévenir, autant que faire sepouvait, tout nouveau suicide.Mais derrière ces actes désespérés qui étaient souventl’issue fatale de situations complexes auxquelles l’envi-ronnement professionnel contribuait parmi d’autresfacteurs, apparaissait un profond malaise social qu’ilfallait traiter avec la même urgence que les cas indivi-duels.Le management a alors lancé trois grandes démarchessimultanées pour traiter la crise.

Il a d’abord demandé à un cabinet extérieur (le cabi-net Technologia) de procéder à une analyse des per-ceptions des salariés en France au moyen d’un ques-tionnaire largement diffusé sur l’Intranet del’entreprise et auquel chacun pouvait répondre defaçon anonyme. Cette initiative permettait de réintro-duire de l’objectivité extérieure dans l’analyse d’unesituation qui faisait l’objet d’appréciations divergentesentre les partenaires sociaux.Parallèlement, le dialogue social avec les syndicatsétait lui aussi relancé. Malgré un climat tendu et uneforte défiance des syndicats à l’égard du managementen place, il est remarquable de constater que, dès le 26novembre 2009, un premier accord a été signé, intro-duisant un nouveau régime de « temps partiel senior »qui correspondait à une forte attente du corps social,malgré un contexte peu favorable à tout ce qui pou-vait apparaître comme un nouveau régime de prére-traite. Au cours de l’année 2010, sept autres accordsont été signés avec les syndicats de l’entreprise, tousapposant leur signature sur l’un au moins de cesaccords. Ces accords couvrent des domaines ambi-tieux, comme l’équilibre entre vie professionnelle etvie privée, l’identification et la prévention des risquespsychosociaux ou l’organisation du travail au niveaudécentralisé.Mais la démarche la plus originale de cette sortie decrise est certainement l’organisation des « Assises de larefondation ». Cette démarche sans précédent aconsisté à donner à chaque salarié exerçant en Francela possibilité d’exprimer librement son vécu et sesattentes au cours de réunions organisées sur son lieude travail. Plus de 2 700 réunions de ce type ont ainsiété organisées entre octobre et décembre 2009, etleurs comptes rendus, accompagnés des verbatim lesplus significatifs, ont été exploités à l’échelon centralpar une équipe d’analystes comptant une vingtaine depersonnes.

LES ENSEIGNEMENTS DE LA CRISE

Outre le bénéfice de donner la parole à chacun pourreconstruire ensemble, les enseignements apportés parles Assises sur les raisons de la crise et sur ce qu’il fal-lait faire ont été très clairs. La principale attente étaitde reconstruire une entreprise qui donne toute leurplace à l’humain et au lien social, en répondant à sixgrandes attentes :- donner du sens aux actions ;- reconnaître et valoriser les individus ;- retrouver de l’autonomie et des marges demanœuvre ;- encourager la responsabilité de chacun, au servicedu client ;- prendre en compte la grande diversité des situa-tions ;- favoriser les coopérations.

MARC FOSSIER

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Muni de ce constat clair, le nouveau management del’entreprise a pu s’atteler à la reconstruction de celle-ci autour de différents chantiers :- la définition d’un projet d’entreprise fédérateur don-nant un cap clair dans un environnement incertain etpermettant à chacun de se situer dans une ambitionpartagée ;- la transformation de l’entreprise et ses conséquencessur son organisation ;- le modèle de management ;- la place de la fonction Ressources Humaines dansl’entreprise ;- la mobilité ;- les conditions de travail ;- des processus et un système d’information au servi-ce du client, tant interne qu’externe.

« CONQUÊTES 2015 » : UN NOUVEAU PROJETD’ENTREPRISE, CO-CONSTRUIT POUR REDON-NER DU SENS

C’est dans cet esprit que Stéphane Richard, devenuentre-temps Directeur général de France Télécom, alancé la démarche du nouveau plan d’entreprise, qui aété co-construit avec les salariés et toutes les entités duGroupe, afin de fixer le cadre des actions futures et detracer le chemin à emprunter pour concilier perfor-mance économique et progrès social. Baptisé« Conquêtes 2015 » et rendu public le 1er juillet 2010,ce projet s’appuie sur quatre grandes priorités : - 1) les hommes et les femmes du Groupe, qui sont lapremière de ses richesses et forment le levier de sondéveloppement ;- 2) les réseaux, cœur du métier du Groupe et sourcede sa légitimité ;- 3) les clients, avec l’ambition de devenir leur opéra-teur de confiance en « faisant la différence » en matiè-re de qualité du service offert ;- 4) enfin, l’international, pour retrouver un esprit deconquête et élargir le potentiel de croissance duGroupe.Le volet social de ce projet d’entreprise a été mis enœuvre sans attendre, dès le début de l’année 2010.Ainsi, l’augmentation du nombre de recrutementsexternes en France (10 000 annoncés sur 3 ans, dont3 500 en 2010), accompagnée d’un ambitieux pro-gramme d’accueil d’apprentis (4 500 par an), a permisde redonner des marges de manœuvre dans l’organi-sation du travail et de commencer à rajeunir la pyra-mide des âges. D’autres mesures importantes ont étéprises dans le domaine de la formation (« OrangeCampus »), de l’accompagnement des salariés (le« nouveau contrat social ») ou de la prise en compte

de la performance sociale dans la partie variable de larémunération des dirigeants.

LA RESPONSABILITÉ SOCIALE D’ENTREPRISE (RSE)S’INSCRIT TOUT NATURELLEMENT AU CŒUR DECETTE DÉMARCHE

Cette nouvelle ambition, qui repose sur la confiance,la transparence et le respect des engagements,implique naturellement que le Groupe renforce soncomportement responsable et exemplaire tant vis-à-vis de ses salariés que vis-à-vis de toutes ses autres« parties prenantes » (clients, fournisseurs et tous lesreprésentants de la société civile). La RSE était, déjàavant la crise, une priorité forte du Groupe. Mais lacrise et la refondation du projet d’entreprise ont remisla RSE au cœur de son ambition et au cœur de sesprocessus. Ainsi, j’ai été associé étroitement, en tantque responsable RSE du Groupe, à la réflexion et à larédaction de ce nouveau projet d’entreprise. Dans cecontexte, les quatre grands engagements du Groupeen matière de RSE sont le socle de « Conquêtes2015 » :- reconnaître et accompagner nos collaborateurs ;- assurer transparence, qualité et sécurité à nos clients ;- rendre les bienfaits du monde numérique accessiblesau plus grand nombre ;- innover au service d’une nouvelle écocitoyenneté.

On voit ainsi que les préoccupations concernant lecorps social de l’entreprise finissent par s’articuler avecses préoccupations sociétales et environnementales etque ces trois types de préoccupation sont porteursd’un sens global qui contribue à la création de valeurpour le Groupe, comme pour toutes ses parties pre-nantes, et auquel les équipes de France Télécom sontsensibles :- En tant qu’opérateur de télécommunications, FranceTélécom est naturellement créateur de lien entre leshommes. Mais encore faut-il que les technologiesmises en œuvre soient partagées au service du plusgrand nombre en luttant contre la fracture numériquesous toutes ses formes et en rendant les usages des télé-communications plus sûrs et plus responsables ; - Enfin, tout en limitant son impact environnemental(ce qui n’est pas simple, avec l’augmentation perma-nente des débits transportés), le Groupe peut contri-buer à diminuer l’impact environnemental de sesclients et de la société tout entière, par exemple enlimitant les déplacements grâce aux téléréunions ouen optimisant la gestion des flottes de véhicules utili-taires.

DES TÉMOIGNAGES DE DIRIGEANTS D’ENTREPRISE

RÉALITÉS INDUSTRIELLES • MAI 2011102

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L’éco-conception à la RATP

La RATP joue un rôle de premier plan dans le développement enÎle-de-France d’une mobilité compatible avec un développementdurable. Dans cet objectif, elle s’est engagée sur les champs nou-veaux de la performance sociétale et environnementale, en les inté-grant à la performance globale de l’entreprise.Dans cet article, nous évoquerons, tout d’abord, la démarche del’entreprise laquelle vise à hiérarchiser les enjeux de développe-ment durable et à formaliser des engagements. Puis, nous présente-rons des innovations dans le champ de l’éco-conception, qui appa-raissent susceptibles de renforcer à la fois la performanceenvironnementale et la performance économique de l’entreprise.

par Yves RAMETTE*

DES TÉM

OIGNAGES

DE DIRIGEANTS

D’ENTREPRISE

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La Régie Autonome des Transports Parisiens(RATP) est liée à son territoire comme peu d’en-treprises le sont : avec plus de dix millions de

voyages assurés chaque jour, elle est au service de prèsde 80 % des déplacements franciliens en transport encommun. Acteur au coeur de l’agglomération pari-sienne, la RATP est naturellement au centre non seu-lement des enjeux du développement durable (la pol-lution, le bruit, les gaz à effet de serre, laconsommation énergétique et l’insertion urbaine),mais également d’enjeux davantage sociétaux tels quel’accès aux déplacements pour tous, le recrutement deses salariés ou ses valeurs d’entreprise. Toutes lesactions de la RATP (évolution de l’offre de transport,développement du réseau, réaménagement de sites,évolutions de la politique salariale, politique de loge-ments sociaux, nouveaux dispositifs d’information desvoyageurs…) ont d’ores et déjà, et auront des réper-cussions importantes sur l’environnement, la sociétéou l’économie de la Région, à court ou à long terme.Ainsi, actrice majeure en Île-de-France, la RATP a àcœur de jouer un rôle de premier plan dans le déve-

loppement d’une mobilité qui soit compatible avec undéveloppement durable. Dans cet objectif, elle s’estengagée depuis de nombreuses années sur les nou-veaux champs de la performance sociétale et environ-nementale, en les intégrant à la performance globalede l’entreprise.Nous présenterons, tout d’abord, la démarche d’entre-prise mise en place par la RATP, qui vise à hiérarchi-ser les enjeux de développement durable et à formali-ser des engagements. Puis nous nous pencherons surquelques exemples d’innovations et de recherchesdans le champ de l’éco-conception, qui apparaissentsusceptibles de renforcer à la fois la performance envi-ronnementale et la performance économique de l’en-treprise.

* Directeur général adjoint à la RATP (Projets, ingénierie et investisse-ments).

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DES TÉM

OIGNAG

ES DE DIRIGEANTS D’ENTREPRISE

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UNE DÉMARCHE DE DÉVELOPPEMENT DURABLEÀ LA FOIS SYSTÉMATIQUE ET PARTAGÉE PARTOUS SES ACTEURS

La RATP a mis au point une démarche de perfor-mance, qui s’est traduite dans un « Plan d’entreprise »partagé avec ses salariés. C’est ce plan qui met encohérence les engagements chiffrés en termes de déve-loppement de l’entreprise, ainsi que les performancessur les coûts de production et d’investissement, avecl’obligation de maîtriser son endettement. Son exécu-tion fait l’objet d’un suivi en Comité exécutif de l’en-treprise et d’une restitution en Conseil d’administra-tion, l’évaluation de la performance étant elle aussil’objet d’un suivi régulier. Dans ce cadre, l’entreprise a précisé une série d’enga-gements en termes de développement durable chiffréset portant sur la période 2008-2012. Ces engage-ments, très concrets, sont au nombre de sept :- 1) développer l’éco-mobilité grâce à une série d’ini-tiatives concernant de nouveaux services (comme lecovoiturage),- 2) économiser l’énergie et lutter contre le change-ment climatique (1),- 3) agir en faveur de la santé des voyageurs et des rive-rains des réseaux (2),- 4) atteindre l’exemplarité dans nos pratiques profes-sionnelles (3),- 5) faire de l’accueil et de l’accessibilité pour tous despriorités,- 6) renforcer l’égalité des chances et favoriser la diver-sité,- 7) enfin, être solidaires dans la ville.Des plans d’action sont mis en œuvre au regard de cesdifférents engagements et des actions prioritaires sontintégrées dans les contrats d’objectifs des différentsdépartements de l’entreprise RATP.Faire de l’éco-conception (4) un pilier de la perfor-mance de l’ingénierie de la RATP constitue un desenjeux de développement durable pour l’entreprise.C’est un enjeu d’autant plus important qu’historique-ment, et culturellement, l’ingénierie de la RATP estun savoir-faire emblématique de cette entreprise inté-

grée ; se positionner comme un acteur précurseur enmatière d’éco-conception permet non seulement dedévelopper des compétences sur des problématiquesdésormais au cœur de l’ingénierie, mais également demaintenir la tradition d’innovation qu’a acquise laRATP (métro automatique, matériel innovant, géné-ralisation des guichets avec « pass » d’abonnementsans contact…).Deux exemples peuvent illustrer le développement del’éco-conception en tant que moteur de performancepour la RATP : l’acquisition de nouveaux matérielsroulants et l’éco-conception de sites.

TOUTES LES PHASES DE LA VIE DU MATÉRIELROULANT DOIVENT OBÉIR AU CONCEPT DEL’ÉCO-CONCEPTION

Le premier exemple d’éco-conception concerne unenouvelle démarche d’acquisition du matériel roulantferroviaire en cours de démonstration, sur le terrain. Ils’agit du marché d’acquisition des trains de type MF01pour le renouvellement du parc des lignes n° 2(Nation - Place Dauphine via Barbès-Rochechouart),n° 5 (Bobigny - Place d’Italie) et n° 9 (Pont-de-Sèvres- Mairie-de-Montreuil) du métro parisien. Pour l’en-treprise, les enjeux de ce type d’acquisition sont detaille : 80 % de l’énergie utilisée par les transportsRATP est d’origine électrique ; la facture énergétiques’est accrue de 50 % au cours des trois années écoulées.Par ailleurs, la maîtrise de la dette de l’entreprise passepar un meilleur contrôle des coûts d’acquisition dumatériel roulant ferré, celui-ci représentant environun tiers des investissements de la RATP. La producti-vité du capital et l’évolution des coûts d’exploitationet de maintenance participent aux efforts de produc-tivité indispensables à l’amélioration des résultats, ceséléments devant naturellement être compatibles avecles objectifs de développement durable que l’entrepri-se s’est fixés.Ainsi, la démarche adoptée par la RATP pour l’acqui-sition de 161 rames lui permet de réaliser un gain de :- 30 % sur le coût d’investissement et de fonctionne-ment du matériel (maintenance et exploitation),- 30 % sur la consommation d’énergie, par rapport aumatériel antérieur.Cette démarche lui permet ainsi de conjuguer perfor-mance économique et performance environnementale.Pour cela, plusieurs leviers ont été utilisés. Outre lastimulation de la concurrence entre les fournisseurs etl’amélioration de la spécification du matériel au« juste nécessaire », une des innovations majeures decette démarche a consisté à intégrer les enjeux envi-ronnementaux tout au long des différentes phases ducycle de vie du matériel (études, conception, produc-tion, utilisation, maintenance et démantèlement enfin de vie). Ainsi, les industriels ont dû proposer, enplus des solutions techniques, un soutien logistique

(1) L’objectif est une diminution des consommations d’énergie de 15 %d’ici à 2020 (par rapport aux valeurs de 2004).

(2) L’objectif est de réduire les pollutions et les nuisances (notammentles teneurs en particules dans l’air des réseaux souterrains, les nuisancessonores des tronçons aériens et l’exposition des voyageurs aux ondesélectromagnétiques) et de mieux informer les voyageurs à partir du siteInternet de la RATP.

(3) Ces économies passent par la formation du personnel, la mise à jourde la cartographie des risques, les certifications des activités, les dévelop-pements de la démarche HQE, la réduction des rejets d’eau polluée, leséconomies de ressources…

(4) L’éco-conception consiste à identifier les impacts environnementauxnégatifs et les possibles facteurs d’amélioration et à intégrer les aspectsenvironnementaux dans les études pour réduire l’impact du projet toutau long de son cycle de vie en préservant (ou en améliorant) sa qualitéd’usage.

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utile à la maintenance et un engagement sur les coûtsd’exploitation dans l’objectif de maîtriser les consom-mations d’énergie et les coûts d’entretien (notammentdes pièces d’usure). Des critères environnementauxont également été introduits (un critère de consom-mation d’énergie et un critère de régénération), quipermettent de dégager une économie d’énergie parrapport aux matériels antérieurs.L’éco-conception permet également d’agir sur la per-formance du système d’exploitation. Ainsi, parexemple, sur la ligne automatisée n°14 (Gare Saint-Lazare – Olympiades), une « marche économe en éner-gie » a été mise en place (en mai 2010) avec succès : lesingénieurs ont travaillé sur la définition de séquencesde conduite (comportant « traction », « course sur l’er-re » et « freinage ») qui permettent d’économiser del’énergie, tout en conservant le même temps de par-cours. Quelques mois après la mise en service, les pre-miers résultats montrent une diminution de 16 % dela consommation d’électricité de la ligne 14. Ces résul-tats (à confirmer par une étude portant sur une pério-de plus longue) sont d’ores et déjà prometteurs : ilsmontrent qu’au-delà de la conception du matériel, ilexiste des marges de manœuvre dans son exploitation(et pas uniquement sur les lignes automatisées). Ainsi,dans la continuité de ces travaux, des réflexions sontactuellement en cours pour imaginer comment utiliserau mieux d’éventuels surplus d’énergie fournis par lesmotrices ; des expérimentations sur cette thématiquede la récupération d’énergie seront prochainement lan-cées par la RATP. Une démarche similaire à celle qui a présidé à l’achatdu matériel roulant ferroviaire a également été adop-tée par la RATP pour l’achat de nouveaux bus. Lesenjeux de performance sont encore plus prégnants,pour ce mode routier, puisque, dans le cadre de l’ou-verture à la concurrence, c’est le premier mode surlequel la compétitivité de la RATP devra être démon-trée. En effet, du point de vue environnemental, lesbus utilisent une énergie fossile, et cela ne fait querenforcer l’intérêt d’une amélioration de leur perfor-mance ; d’un point de vue économique, le coût del’énergie dans le coût global d’exploitation est plusimportant pour le bus que pour les modes ferrés, et laperformance énergétique est donc déterminante pouraméliorer la performance globale du mode routier (5).Pour satisfaire les besoins en autobus urbains stan-dards sur la période 2011-2013, la RATP a lancé (enmai 2009) une consultation portant sur l’acquisitionde 840 à 1 400 autobus. Cette consultation a été réa-lisée, conformément aux préconisations de l’Unioninternationale des transports publics (UITP) (6), à

partir d’une approche en coût complet permettant demaîtriser le budget en mettant en place une approchemodélisée sur la durée de vie des autobus. Cetteapproche du coût complet de l’autobus (sur quinzeans) prend en compte :- le coût d’acquisition du véhicule (intégrant les amor-tissements et les frais financiers),- le coût du carburant (et des additifs éventuels pourle respect des normes « Euro »),- les principaux coûts de maintenance (pièces et main-d’œuvre), que la maintenance soit préventive, correc-tive, liée aux accidents ou au vandalisme...Cette méthode permet une maîtrise des coûts dans letemps, une analyse de la maintenabilité des différentsmatériels proposés et une optimisation de la consomma-tion de carburant. Ainsi, intégrer la performance envi-ronnementale à la conception ou à l’acquisition de nou-veaux matériels roulants constitue pour la RATP un levierlui permettant d’améliorer sa performance globale (7).

VERS LA GÉNÉRALISATION DE L’ÉCO-CONCEP-TION DES SITES RATP

Le deuxième exemple de démarche visant à intégrer laperformance environnementale est celui de l’éco-conception des sites. Aujourd’hui, même si la régle-mentation et les normes ont incité (voire contraint)les acteurs du monde des travaux publics à une prisede conscience, l’entreprise ne considère plus l’éco-conception comme une contrainte supplémentaire,mais bien comme l’opportunité d’une meilleure maî-trise des coûts de construction et d’exploitation, etcomme une réelle opportunité d’innover dans les pro-jets : tous ses sites sont aujourd’hui conçus de façon àoptimiser leur qualité environnementale.La RATP a donc développé une méthodologie d’inté-gration des principes du développement durable dansses projets de nouveaux sites, une méthodologierigoureuse, basée sur les principes reconnus du réfé-rentiel de « Haute Qualité Environnementale » et surla réglementation en vigueur découlant (notamment)du « Grenelle de l’Environnement » (8). En particu-lier, l’intégration d’une stratégie de développementdurable se fait dès les phases d’études amont des sta-tions, des bâtiments (y compris les logements sociaux)et des systèmes. Mais il n’existe pas de solution stan-

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(7) A cela s’ajoutent les actions lancées par la RATP pour former sesmachinistes à la conduite économe.

(8) La RATP s’est engagée dans sa politique énergétique à respecter et àdécliner les engagements du « Grenelle de l’Environnement » (« réduired’au moins 40 % les consommations d’énergie et d’au moins 50 % lesémissions de gaz à effet de serre des bâtiments dans un délai de dixans »). Les chefs de projets sont ainsi sensibilisés aux différentes cibles detype HQE ; il s’agit d’intégrer à la construction les enjeux suivants :intégration du bâtiment à son environnement, limitation des émissions,intégration d’énergies renouvelables, faible impact du chantier, gestionde l’énergie, de l’eau et des déchets, qualité sanitaire de l’air et conforthygrothermique, acoustique et visuel.

(5) Les enjeux en termes de consommation de gasoil sont non négli-geables pour la RATP. 77,5 % des émissions de gaz à effet de serre de laRATP sont imputables aux bus.

(6) Cette action a devancé l’application de la directive 2009/33/CE du23 avril 2009 relative à la promotion de véhicules de transport routierpropres et économes en énergie.

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dard pouvant s’appliquer uniformément à tous lesprojets : la RATP développe divers référentiels desolutions techniques et chaque site fait l’objet d’uneétude particulière. L’ensemble des projets de création et de rénovation debâtiments industriels ou de ceux destinés aux voya-geurs, intègre ainsi des dispositifs innovants en matiè-re de récupération d’énergie et d’isolation (récupéra-tion de l’eau de pluie, utilisation d’énergiephotovoltaïque, de pompes à chaleur sur sondes pro-fondes, de luminaires à basse consommation, dematériaux éco-certifiés...). Ces projets soignent l’inté-gration environnementale (avec le concours d’archi-tectes concepteurs) et s’efforcent de limiter les nui-sances pour les riverains. Un exemple d’éco-conception dans un bâtiment existant peut être donnéavec les travaux menés au siège de l’entreprise, laMaison de la RATP. Ce bâtiment (9) a fait l’objet,comme la plupart des bâtiments de la RATP, de réno-vations visant à réduire ses consommations d’eau etd’énergie. Ainsi, l’ensemble des travaux effectués,comprenant notamment l’intégration d’une toiturevégétalisée, ont permis de réduire de plus de 40 % lescoûts de chauffage et de climatisation de ce bâtiment(résultats obtenus à fin 2009). Autre illustration, uncertain nombre d’investissements liés à la démarchede développement durable des bâtiments est visiblesur le site de formation et de maintenance des voies deLa Villette (avec notamment l’installation de pan-neaux photovoltaïques et d’une toiture végétalisée).Notons que pour une entreprise, la recherche de per-formance environnementale se fait, elle aussi, toujourssous contrainte budgétaire : ainsi, en dehors desaspects réglementaires, des surcoûts liés à des dépensesde développement durable doivent être justifiés parun gain économique. L’éco-conception est donc l’oc-casion d’intégrer le raisonnement en coût complet eten retour sur investissement, avec des gestionnairesresponsables de leurs consommations : elle oblige àraisonner sur un système global et sur une durée devie longue. C’est à cette condition que la recherche dela performance économique, qui prime, le plus sou-vent, pour les entreprises, peut pleinement intégrer larecherche de performance environnementale.Tandis que l’amélioration et la construction de bâti-ments traditionnels utilisent des démarches et desméthodologies éprouvées et de plus en plus répan-dues, la spécificité du patrimoine de la RATP (en par-ticulier son réseau souterrain) l’oblige à tester destechniques particulièrement innovantes, et parfoismême à les expérimenter.Dans ce contexte, des actions sont aujourd’huimenées pour optimiser l’efficacité énergétique dessites recevant du public (notamment les stations et lesgares). Ainsi, une expérimentation est en cours à lastation Censier-Daubenton, sur la ligne 7 du

métro (La Courneuve – Marie-d’Ivry/Villejuif-LouisAragon) : l’ensemble de l’éclairage traditionnel a étéremplacé par un éclairage par diodes LED (10). Lespremiers résultats tendent à montrer que la consom-mation électrique aurait diminué de 24 % pour l’en-semble de la station et de 60 % pour le seul éclairage.Par rapport à un éclairage classique de station partubes fluorescents, l’investissement initial de fourni-tures et main-d’œuvre devrait être amorti en deux anspar les gains de consommation d’électricité ainsi réa-lisés. Le retour d’expérience sur une période pluslongue devrait permettre de confirmer ces gains entermes de performance économique et environne-mentale, mais les résultats constatés sont déjà large-ment positifs. Un test sur un site industriel éclairé denuit pourrait être lancé.L’éco-conception permet d’avoir une approche globa-le de la performance d’un site ou d’un système, et nese limite pas, bien évidemment, à la question del’éclairage. Les contraintes des espaces de la RATP,qui sont à la fois confinés, étendus en réseau et sou-terrains, peuvent devenir des opportunités d’innova-tion et d’utilisation d’énergies spécifiques. Ainsi, desexpérimentations innovantes d’éco-conception doi-vent être menées pour utiliser au mieux les énergiesd’un système global : la RATP pourrait ainsi testerdes systèmes d’échange ou de récupération d’énergieà partir d’autres sources énergétiques existantes ou àcréer (avec des sources comme les nappes phréa-tiques, exploitées par pompes à chaleur, les ressourcesgéothermiques, le surplus énergétique de la tractionferroviaire…), pour satisfaire les besoins des stations,gares ou équipements riverains. Ainsi, une étude esten cours pour tester la faisabilité de la récupérationde la chaleur dégagée par la ligne 11 du métro(Châtelet – Mairie-des-Lilas) dans un immeubleparisien sis rue de Beaubourg, grâce à l’utilisationd’une pompe à chaleur. Ces expérimentations surcette thématique de la récupération d’énergie, deséchanges et de la mutualisation des énergies peuventêtre imaginées à l’occasion de rénovations ou de testsdans des stations existantes ou, à une autre échelle, enmettant à profit la conception de stations nouvelles.Dans ces domaines, la technologie évolue rapidementet, au fil des progrès, les temps de retour sur investis-sement des nouveaux dispositifs diminuent. Ceconstat permet d’être optimiste quant à la possibilitéd’intégrer des dispositifs performants à tous les typesde sites.Ces quelques exemples permettent d’apprécier lafaçon dont l’innovation et les démarches locales ouponctuelles, tout autant que les démarches globales etsystématiques de l’entreprise, permettent à la RATPnon seulement de faire siens les champs de la perfor-mance environnementale et sociétale, mais, surtout,

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(10) Notons, au passage, que l’éclairage aux LED a également été instal-lé au siège social de la RATP, qui est ainsi le 2e siège social d’Ile-de-France à en avoir été systématiquement équipé. (9) Bâtiment conçu en 1990 et livré en 1995.

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d’intégrer la performance environnementale en tantque contribution à la recherche de la performanceglobale de l’entreprise. L’éco-conception, que ce soitpour le matériel roulant, les modèles d’exploitation oules bâtiments, illustre cette démarche, tout comme lefont (ou le feront) progressivement d’autres domainesdu développement durable dans lesquels l’entreprises’est engagée.Le projet de transport en commun du Grand Parisreprésentera sans doute une opportunité extraordinai-re pour la RATP, comme pour d’autres acteurs ou par-tenaires des transports, de mettre en application les

idées nouvelles d’éco-conception pour l’ensembled’un système de transport entièrement à créer, enayant, toujours, pour objectif la recherche de la per-formance globale.Enfin, n’oublions pas que l’évolution de la technolo-gie ne pourra pas se faire entièrement à comporte-ments inchangés. La RATP, de par son positionne-ment, pourra être un acteur majeur pouraccompagner non seulement le déploiement des tech-nologies nouvelles, mais également les usagers destransports et l’ensemble des citoyens sur la voie dudéveloppement durable.

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Le Groupe EDF : des outils originaux pour une actionenvironnementale au coût maîtrisé

Des solutions originales doivent parfois être imaginées pour qu’uneaction environnementale ambitieuse soit menée dans de bonnes condi-tions économiques. Ainsi, par exemple, le « Fonds carbone » d’EDF

finance des projets visant à réduire les émissions de CO2 dans certains pays, per-mettant à EDF de disposer de crédits d’émissions. Ce dispositif a un coût, mais ilpermet d’optimiser la mise en conformité du groupe EDF avec ses obligations deréduction d’émissions sous l’empire de la Directive européenne EU-ETS… et il estmême devenu le support d’un nouveau business. De même, EDF est soumise àl’obligation légale de susciter des économies d'énergie ou, à défaut, de payer despénalités importantes. Le mécanisme des « économies certifiées » permet d'at-teindre le résultat voulu, tout en optimisant les modalités et le coût.Mais la sophistication des outils technico-économiques n’est pas tout : EDF déve-loppe aussi de multiples dispositifs visant à plus de transparence et à un meilleuréchange avec ses parties prenantes. En France, cet échange passe notamment pardes instances multi-catégorielles et des partenariats. Au total, les progrès recher-chés sont multidimensionnels : les actions environnementales (comme les actionssociales et sociétales) peuvent viser la création de valeur durable, de l’amont àl’aval de la chaîne d’approvisionnement énergétique.

par Philippe HUET* et Claude NAHON**

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* Chief Officer, People, Organisation and Brand Performance à EDF Energy.

** Directeur du Développement durable à EDF.

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La prise en compte de l’environnement et la réduc-tion de l’empreinte environnementale des activi-tés humaines - tout particulièrement leur

« empreinte carbone » - constituent des enjeuxmajeurs de la « croissance verte ». Mais peut-on créerde la valeur en tirant parti de contraintes environne-mentales nées des nouvelles réglementations ? A cetitre, l’exemple du carbone est instructif : le GroupeEDF s’est en effet organisé pour maîtriser son « risquecarbone », tout en créant un nouveau business à partirdes instruments de la « finance carbone ».Le Groupe EDF dispose du parc de productiond’électricité à « l’intensité carbone » la plus faible detoutes les grandes « utilities » européennes. Le conte-nu en CO2 du kilowattheure produit par le Groupeest même en diminution constante : il est passé de133,1 grammes en 2008 à 108,9 grammes en 2010.Numéro un mondial de la production d’électricitéd’origine nucléaire, numéro un européen de la pro-duction d’énergie hydraulique, il n’en reste pas moinsconfronté à un « risque carbone » croissant. Mais EDFest bien déterminée à utiliser tous les leviers qui peu-vent lui permettre de conjuguer performance écono-mique et participation au développement d’usagesplus vertueux de l’électricité. Ces nouveaux usagespermettront de réduire le recours aux énergies fossilesau profit d’usages sobres en énergie et de solutions àbasse intensité en carbone.

LES « FONDS CARBONE » OU COMMENT CRÉERDE LA VALEUR ET DE L’IMAGE POSITIVES ?

En 2006, EDF a créé un « Fonds carbone » interneafin de diversifier sa politique d’obtention de permisd’émissions de CO2 et de renforcer ainsi sa capacité àassurer ses engagements environnementaux dans desconditions économiques optimales. L’objectif de ceFonds est de soutenir des projets de réduction d’émis-sions de gaz à effet de serre dans les pays émergents,dans le cadre des « Mécanismes de développementpropres » (MDP) définis par le Protocole de Kyoto, etde bénéficier de permis d’émissions de CO2. La ges-tion du Fonds carbone du Groupe a été confiée àEDF Trading (une filiale de négoce relevant à 100 %d’EDF).En mutualisant les capacités du Groupe en matièred’achat de crédits d’émissions, ce Fonds dispose d’unecapacité totale d’achat de près de 300 millions d’euroset se positionne ainsi comme un des principaux acteursdu marché des MDP. Avec la création de ce Fonds, lesdifférentes sociétés du groupe EDF (EDF, en France ;EDF Energy, au Royaume-Uni ; Edison, en Italie ;BE ZRt, en Hongrie ; EDF Polska, en Pologne ;…)consolident leur stratégie en diversifiant leurs res-sources en permis d’émission. Chaque participant auFonds s’engage sur un montant d’achats de crédits etreçoit un volume total de « crédits carbone », à concur-rence de sa participation. Aucun versement n’a étérequis au moment de la création du Fonds, les créditsalloués n’étant payés qu’une fois livrés. EDF Trading identifie les projets éligibles aux méca-nismes de Kyoto, développe, négocie et finalise lescontrats d’achat de crédits carbone en conformité avecles critères d’investissements définis conjointementavec les sociétés du Groupe participantes. Il gère éga-lement le processus d’approbation des projets, chacund’entre eux devant être validé par une entreprise indé-pendante ayant reçu l’accréditation des NationsUnies, et approuvé par l’autorité gouvernementalecompétente du pays hôte du projet. Les contratssignés par EDF Trading ont été conclus à un prixmoyen inférieur d’environ 40 % au prix de marchédes permis d’émission européens. Grâce à son savoir-faire sur toute cette chaîne de valeur, EDF Trading estdevenu un fournisseur reconnu de crédits carbonepour le gouvernement britannique.A ce jour, le Fonds carbone du Groupe se compose deplus de deux cents projets répartis dans une quinzainede pays : le Brésil, la Chine, l’Inde, la Corée, laMalaisie, le Mexique, les Philippines, la Russie, laThaïlande, le Vietnam… (pour n’en citer que les prin-cipaux). Ce portefeuille comporte essentiellement desprojets de production éolienne, hydraulique et bio-masse, mais aussi des programmes d’efficacité énergé-tique industrielle et de traitement des eaux usées.85 % de ces projets sont déjà enregistrés et approuvéspar les Nations Unies.

Schéma 1 : Positionnement des 18 premiers électri-ciens d’Europe par rapport au facteur carbone.

Source : Facteur carbone européen –PricewaterhouseCoopers / Enerpresse – novembre 2010

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En 2010, EDF Trading a connu un fort développe-ment grâce à l’acquisition d’Energy SystemInternational (ESI), un développeur chinois de projetMDP. Créé dès 2001, il s’agit de l’un des pionniers dusecteur des mécanismes de développement propre trèsimpliqué dans les projets photovoltaïques.

EDF Trading explore de nouveaux champs d’actionqui combinent performance financière et engage-ments environnementaux, aussi bien que sociétaux.Ainsi, en Inde, il gère (avec le développeur Banyan ethuit compagnies d’électricité) un projet d’efficacitéénergétique et de maîtrise des consommations d’élec-tricité. Ce projet consiste à remplacer les lampes àincandescence de 100 Watts utilisées par les popula-tions de cinq provinces indiennes par des lampes fluo-compactes à basse consommation (18 Watts). Cettecampagne est divisée en 82 opérations visant à rem-placer quelque 33 millions d’ampoules. 14 millions d’habitants sont concernés par ce projetqui se fixe pour objectif de générer 14 millions detonnes de crédits carbone. Une organisation rigoureu-se est mise en place pour mener à bien ce projet.Village par village, sur une journée donnée, chaquehabitant apporte ses lampes à incandescence ; aprèsconsignation de son nom dans un registre, il repartavec ses lampes à basse consommation prêtes à l’em-ploi. Particularité de ce projet : chaque lampe distri-buée dispose d’un système électronique intégré qui,dès que l’ampoule est allumée, va envoyer son signal àun serveur central afin de mesurer et de compiler laconsommation d’électricité de chaque foyer nouvelle-ment équipé : les réductions d’émissions de CO2

générées par le dispositif peuvent donc être précisé-ment analysées et certifiées.En expérimentant et en industrialisant des projetsinnovants ancrés tout autant dans le business que dansles valeurs du développement durable et en encoura-geant l’essor de nouveaux usages électriques qui nerecourent pas aux énergies fossiles, le Groupe renfor-ce également son image et la valeur de sa marque.

POUR UN PRODUCTEUR D’ÉLECTRICITÉ, LESÉCONOMIES D’ÉNERGIE SONT À LA FOIS UNECONTRAINTE RÉGLEMENTAIRE ET UNE OPPOR-TUNITÉ DE PERFORMANCE…

La loi de programme fixant les orientations de la poli-tique énergétique (« LPOPE ») n°2005-781 du 13juillet 2005 a défini les priorités de la politique éner-gétique de la France : sécurité d’approvisionnement,réaffirmation du rôle du nucléaire, prix compétitif del’énergie, lutte contre l’effet de serre et cohésion socia-le et territoriale… En matière de maîtrise de la demande d’énergie, laLPOPE a introduit un dispositif, dit de « certificatsd’économies d’énergie » (CEE), dont les modalitéssont précisées par voie réglementaire. Les fournisseursd’énergie, dont EDF, doivent répondre des obliga-tions d’économie d’énergie qui leur sont imposées,par la production de certificats d’économie d’énergieobtenus en contrepartie de la réalisation d’actionsd’économies d’énergie ou par l’acquisition de certifi-cats auprès d’autres opérateurs.

Schéma 2 : « Crédits carbone » gérés par EDF Trading (en Mt).

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« Ce projet consiste à remplacer les lampes à incandescence de 100 Watts utilisées par les populations de cinq provincesindiennes par des lampes fluo-compactes à basse consommation (18 Watts). Cette campagne est divisée en 82 opérationsvisant à remplacer quelque 33 millions d’ampoules ».

© Victor de Schwanberg/ SPL/ BIOSPHOTO

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EDF a respecté son obligation individuelle d’écono-mies d’énergie, soit 29,8 térawatt-heures cumulés(55 % de l’obligation nationale) pour la premièrepériode (allant du 1er juillet 2006 au 30 juin 2009),évitant ainsi le paiement d’une pénalité libératoire de2 centimes d’euro par kilowattheure manquant.Concrètement, les actions suivantes ont été mises enœuvre : accompagnement de la rénovation de 500 000logements pour des clients particuliers résidant dansl’Hexagone, installation de 45 000 chauffe-eau solairesen Corse et dans les départements d’Outre-Mer,conjointement à la distribution de plus de 2,4 millionsde lampes à basse consommation et à la pose de43 000 m2 d’isolant. Dans le secteur industriel, 4 300 entreprises ont bénéficié d’un accompagnementdans leur choix d’équipements performants (chau-dières, moteurs à vitesse variable, etc.), tandis que plusde 2 000 collectivités territoriales et 400 bailleurssociaux ont été accompagnés dans leurs investisse-ments dans des technologies d’efficacité énergétique.La loi « Grenelle 2 » du 12 juillet 2010 ayant assezsubstantiellement modifié le dispositif CEE (notam-ment la liste des personnes soumises à des obligationsd’économies d’énergie ainsi que le champ des per-sonnes autorisées à collecter des certificats), le démar-rage de la deuxième période a été différé. Le décret du29 décembre 2010 prévoit les conditions et les moda-lités de fixation des obligations d’économies d’énergiepour cette seconde période, qui s’étend du 1er janvier2011 au 31 décembre 2013. Au regard de ces moda-lités, l’obligation d’économies d’énergie d’EDFdevrait se situer aux alentours de 140 térawatt-heurescumulés. Au-delà de cette obligation réglementaire,EDF y voit une réelle opportunité d’œuvrer à unecroissance responsable qui soit conforme à sa poli-tique de développement durable et contribue à releverle défi climatique.

LE REPORTING AU SERVICE DE LA CRÉATION DEVALEUR

Le Groupe EDF publie des informations de dévelop-pement durable depuis 2001. Il s’agit d’un reportingde preuve, qui restitue une démarche volontaire deprise en compte de ses impacts environnementaux,sociaux et sociétaux à travers la publication (aujour-d’hui) de 127 indicateurs, au niveau du Groupe ou dela maison mère. Cette démarche répond à une pres-sion montante qui s’exerce aujourd’hui sur les entre-prises : ces dernières ne sont plus seulement évaluées àtravers leurs seuls comptes sociaux et financiers, ellesle sont aussi à travers leurs performances environne-mentales, sociales et sociétales, autant de données quipeuvent avoir un impact significatif sur les comptes del’entreprise et qu’analysent et publient les agences denotation extra-financière, les cabinets d’audit ou lesdépartements spécialisés des fonds d’investissement.

Le reporting du Groupe s’appuie sur des indicateursdéfinis selon des critères établis en référence à ceuxde la GRI, la « Global Reporting Initiative ». Lesinformations de développement durable publiées parEDF sont la base des évaluations effectuées par lesagences de notation ou par les départements d’ana-lyse extra-financière agissant pour le compte d’inves-tisseurs. Devant la montée de l’investissement socialement res-ponsable (ISR), il n’est plus de mise, pour EDF, deséparer de façon artificielle le financier du non finan-cier. En matière de contrôle, il s’agit, ainsi que le rap-pelle Edouard Vieillefond, Secrétaire général adjointde la Direction de la régulation et des affaires interna-tionales à l’Autorité des marchés financiers (AMF),« de s’intéresser aux informations extra-financières desentreprises pour plusieurs raisons. Le sujet est lié à la gou-vernance des entreprises, où l’AMF a compétence vis-à-vis des codes volontaires […]. De plus, ces informationsont des conséquences financières pour les entreprises, quiles intègrent dans la partie “risques” de leurs documentsde référence. Elles ont des implications dans les comptesou dans la situation économique des entreprises, doncl’AMF les regarde de très près ». Et Edouard Vieillefondd’ajouter : « Notre première mission consiste à protégerl’investisseur. Nous serons donc impliqués pour vérifierque l’information dont rendent compte les entreprises estde bonne qualité ».A l’écoute de ces attentes, EDF s’est engagée, depuis2005, dans une démarche constante de fiabilisationdes processus de remontée et de vérification de sesdonnées environnementales et sociales, notammenten confiant aux commissaires aux comptes des mis-sions connexes à leur mandat. Non seulement ilsinterrogent la cohérence des données quantitativesd’une année sur l’autre, mais encore ils interviennentsur le terrain pour mieux appréhender la réalité descentrales thermiques, nucléaires ou hydrauliques dessociétés du Groupe et pour auditer les experts etautres salariés de l’entreprise en charge de la remontéedes informations relatives à l’environnement. A lasuite de quoi leur avis et leur attestation sur une sélec-tion d’indicateurs environnementaux et sociaux sontportés à la connaissance de tous dans le Rapport dedéveloppement durable du Groupe, qui est publié surInternet (http://strategie.edf.com/investisseurs-socialement-responsables/indicateurs). Pour l’exercice2010, le collège des commissaires aux comptes a émisun rapport d’examen correspondant à une attestationdite d’« assurance modérée » pour le Groupe.

L’ÉCOUTE DES PARTIES PRENANTES, UNE AUTREDYNAMIQUE DE PERFORMANCE

Si le passage d’un reporting déclaratif à un reporting depreuve correspond bien aux attentes des grands clientsd’EDF (qui sont eux-mêmes engagés dans la traçabi-

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lité de l’analyse du cycle de vie et de l’empreinte car-bone de leurs produits pour lesquels la part de l’élec-tricité est une composante non négligeable), leGroupe a également pris conscience du fait quel’écoute de ses parties prenantes pouvait lui apporterun éclairage propice à une meilleure appréhension del’évolution des demandes sociales et représentait uneopportunité de progrès. C’est ce que corrobore, enFrance, le « Comité 21 » (une association créée à lasuite des accords de Rio pour promouvoir les engage-ments de l’« Agenda 21 »), qui note que « le dialogueavec les parties prenantes, signe d’une saine gouvernanced’entreprise, constitue un indicateur que les agences denotation regardent de près ».La mise en œuvre des diverses modalités permettantd’assurer des échanges et un dialogue loyaux avec l’en-semble des parties prenantes est une dimension essen-tielle de la politique de développement durable dugroupe EDF. Chacune des sociétés du Groupe assureces échanges selon des modalités appropriées, dans lecontexte socio-économique qui lui est propre et enfonction des relations qu’elle entend développer. EnFrance, ce dialogue intervient au niveau d’instancesde concertation, notamment autour des sites de pro-duction (Comités de liaison et d’information des cen-trales nucléaires et des ouvrages hydrauliques), ainsiqu’au travers de partenariats noués avec des organisa-tions non gouvernementales. Dans le cadre d’un dialogue continu et organisé avecses parties prenantes, EDF s’est dotée d’un « Paneldéveloppement durable » au niveau du Groupe et,pour le périmètre français, d’un Conseil de l’environ-nement, d’un Conseil sociétal, d’un Conseil scienti-fique et d’un Conseil médical, autant de structuresqui sont ouvertes à des personnalités de la société civi-le. Tous apportent leur expérience et leur expertisepour aider EDF à intégrer ces dimensions dans sesgrandes orientations stratégiques. Le Panel développement durable du Groupe, renou-velé en 2008, est une instance de dialogue qui ras-semble, sous la présidence d’honneur du DrRajendra Pachauri (Président du GIEC (Grouped'Experts Intergouvernemental sur l'Evolution duClimat) et Directeur général de TERI (The Energyand Resources Institute)) des personnalités interna-tionales indépendantes et des spécialistes desdomaines porteurs des enjeux du Groupe ou repré-sentant les attentes et les intérêts de la société civile.Il accueille également comme membres de droit lesprésidents des Conseils de l’environnement, sociétalet scientifique, ainsi que le président du« Stakeholder Advisory Panel » d’EDF Energy, créé en2006. Le Panel développement durable porte uneappréciation critique sur les engagements du Groupeen matière de développement durable et sur leurmise en œuvre : émissions de carbone, biodiversité,énergies renouvelables, stockage des déchetsnucléaires, accès à l’énergie des personnes vulné-rables, etc. Il se réunit une ou deux fois par an en

présence des dirigeants d’EDF, qu’il interroge égale-ment sur l’évolution du modèle d’activité duGroupe. En 2010, il a tenu une réunion consacrée àl’impact des politiques publiques climatiques et auxcoûts du nucléaire. Chaque année, il émet un aviscritique, qui est intégralement publié dans leRapport développement durable du Groupe.Le Conseil de l’environnement, créé dès 2001, estconsulté pour apporter une vision extérieure et uneapproche pluridisciplinaire sur la stratégie, les actionset les résultats environnementaux d’EDF. Présidé parJean Jouzel, Directeur de l’Institut Pierre-SimonLaplace (fédération du CNRS regroupant six labora-toires impliqués dans la recherche sur l’environne-ment terrestre et planétaire), il a débattu, ennovembre 2010, de la stratégie d’adaptation d’EDFau changement climatique. Toujours en 2010, le Conseil sociétal d’EDF a tenudeux sessions sur la thématique « Dialogue et écouteautour des ouvrages et des métiers d'EDF ». Le Conseil scientifique d’EDF est, quant à lui, unorganisme consultatif qui apporte à l’entreprise lesavis et les conseils de hautes personnalités scienti-fiques, sur ses actions de recherche à moyen et longterme. Il se réunit trois fois par an. En 2010, le bilandes « Défis de R&D 2007-2009 », l'injection sur leréseau de distribution de certaines énergies renouve-lables et le génie civil à EDF (innovation sur de grandsprojets de constructions) ont fait l’objet d’avis de ceConseil.Enfin, le Conseil médical d’EDF, composé de person-nalités du monde médical, notamment de médecinsspécialistes et de professeurs d’université, est un orga-ne de réflexion sur des thèmes d’actualité en matièresde santé au travail, de santé publique et de santé envi-ronnementale en lien avec les activités d’EDF. Sous laprésidence d’André Aurengo, professeur de biophy-sique, chef du Service de médecine nucléaire de l’hô-pital de la Pitié-Salpêtrière (de Paris) et membre del’Académie de médecine, il se réunit en moyenne troisfois par an pour examiner des sujets tels que leschamps électromagnétiques, la santé mentale, lerisque de pandémie grippale... En 2009, les travaux dece Conseil ont porté sur la prise en charge des troublesanxieux et dépressifs et de la grippe H1N1. En 2010,les séances ont porté sur le deuxième plan nationalSanté-Travail, les aspects sanitaires du barrage de NamTheun 2 au Laos, les évolutions récentes dans l'appli-cation du principe de précaution et les mécanismes etles causes de la leucémie chez l’enfant.

ASSURER L’ADÉQUATION ENTRE L’OFFRE ET LESATTENTES…

La contribution des entreprises au développementdurable est le défi du XXIe siècle : EDF doit impéra-tivement faire évoluer sa façon de produire de la

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richesse en utilisant moins de matières premières, enréduisant les risques et les déchets industriels et en res-tant proche des communautés locales. A travers undialogue continu et exigeant avec ses différentes par-ties prenantes, l’entreprise peut mieux anticiper lesréglementations et s’y préparer afin d’en faire un levierde création de valeur durable.

Plus généralement, cette démarche faite d’humilité etde leadership est essentielle pour assurer, dans la durée,une bonne adéquation entre l’offre de produits et deservices d’EDF et les attentes de ses clients, de sesemployés, de ses actionnaires et de toutes ses autresparties prenantes et cela, dans tous ses métiers et danstous les pays où le Groupe est présent.

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Quand la démarche de développement durable de Danone s’audite…

La démarche « Danone Way » couvre non seulement les principes dudéveloppement durable au sein du groupe Danone, mais aussi lesrecommandations de mise en œuvre de ces principes et des indica-teurs qui y sont associés. Même si les domaines abordés peuvent apriori apparaître trop abstraits pour faire l’objet de revues systéma-tiques, la démarche est en fait régulièrement auditée dans les filialesde Danone.Les facteurs clés du succès de ces types d’audits sont :- la prise en compte par le département d’audit du processus « Développement durable », au même titre que, les processus « Achats » ou« Production », par exemple ;- la qualité de la phase de préparation ;- la formation des auditeurs sur cette problématique nouvelle par des profes-sionnels ;- enfin, une approche pédagogique des audités qui ne sont pas habitués à cetype d’exercice.Ces conditions étant réunies, l’audit contribue à la réussite de la démarche dedéveloppement durable et enrichit la palette de compétences des auditeurs.

par Philippe HELLICH* et Martial VIDAUD**

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LA PENSÉE FONDATRICE D’ANTOINE RIBOUD

Au sein de Danone, le développement durable a pristrès tôt son essor, avec le discours prononcé parAntoine Riboud à Marseille, en 1972, devant leCNPF (le futur Medef ). Ce discours resté dans lesannales prenait pour la première fois en compte ladimension humaine et environnementale de l’entre-prise et rappelait que la responsabilité de l’entreprise

ne s’arrête pas au seuil des usines et des bureaux. Parexemple, l’énergie et les matières premières que l’en-treprise consomme modifient l’aspect de notre planè-te. Cette vision a été formalisée dans le double projetéconomique et social qui est à la base du développe-

* Directeur général du groupe Danone pour les risques, le contrôle interneet l'audit.

** Directeur adjoint de l'audit interne de Danone.

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ment de la société et de l’organisation de Danone. Ellerepose sur un principe simple : performance écono-mique, attention portée aux hommes et respect del’environnement doivent aller de concert.Depuis lors, le développement durable chez Danonen’a cessé de se professionnaliser ; il a continué à s’in-tégrer à la culture de l’entreprise et fait désormais l’ob-jet d’une démarche d’audit au même titre que biend’autres processus du groupe.Pour être capables d’auditer une démarche de déve-loppement durable, il faut aux auditeurs un cadre, despolitiques, un référentiel et des indicateurs. Le cadreméthodologique du développement durable chezDanone est appelé la « Danone Way ». En s’appuyantsur ce cadre, des procédures d’audit interne ont étémises en place en 2008 à la suite d’une demande de laDirection générale, et permettent la publication d’unrapport annuel spécifique, lequel fait l’objet d’unecertification (1). Ce rapport répond avec ambition àl’exigence imposée en France par le Code de commer-ce (2). Les systèmes de management décrits et les indi-cateurs publiés sont préparés en conformité avec les

« lignes directrices » de la « Global ReportingInitiative » (appelées GRI 3).Ces procédures font désormais partie intégrante à lafois du plan d’audit du Groupe et de la gouvernancedu développement durable chez Danone.

L’HISTOIRE DE LA « DANONE WAY »

En 2001, Danone a lancé le projet « Danone Way »avec pour objectif de diffuser un référentiel des prin-cipes de développement durable qui soit commun àtoutes ses filiales à travers le monde et qui permetteaux équipes d’inclure ces principes dans leur quoti-dien. Cet outil contenait cent vingt questions, sur les-quelles les filiales devaient s’auto-évaluer et progresser.Le projet « Danone Way » a été relancé et simplifié en2007 pour permettre aux filiales de se concentrer surseize principes fondamentaux issus des cent vingtquestions initiales, et être à même de répondre auxnouveaux défis environnementaux et sociaux de notreplanète. Ces fondamentaux s’articulent autour decinq piliers, qui sont les droits humains, les relationshumaines, l’environnement, la qualité/santé/nutritionet la gouvernance de l’entreprise, et se déclinent enseize principes considérés comme essentiels et appli-cables dans tous les pays.Le référentiel de la « Danone Way » comporte untriple avantage. Il constitue :

(1) On pourra trouver le rapport annuel à l'adresse suivante :http://www.danone.com/fr/developpement-durable.html

2) Voir l'article L. 225-102-1 du Code de commerce, suivant lequel lerapport annuel à l'Assemblée générale comprend des informations « surla manière dont la société prend en compte les conséquences sociales et envi-ronnementales de son activité ainsi que sur ses engagements sociétaux enfaveur du développement durable ».

Figure 1 : Les étapes de l’activité Danone.

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- 1) un outil de mesure de la performance durable surl’ensemble de la chaîne industrielle, des fournisseursen amont jusqu’au consommateur final ;- 2) un outil de gestion du changement, qui permet defixer des priorités et de développer des plans d’actionpour progresser. L’auto-évaluation de la démarche estsupervisée par le Comité de direction de chaque filia-le, qui attribue également les moyens nécessaires à lamise en place des actions adéquates ;- enfin, 3) un outil de bonne gouvernance et de pro-tection de la réputation de l’entreprise. Cela permetde s’assurer que les standards de développementdurable Danone sont suivis par l’ensemble des filialesdu Groupe, partout dans le monde. C’est unedémarche importante pour les investisseurs, pour lesagences de notation extra-financières, pour les diffé-rents partenaires et, bien entendu, pour les 100 000employés du Groupe.

LES SEIZE PRINCIPES FONDAMENTAUX DE LA« DANONE WAY » ET LEUR AUTO-ÉVALUATION

Les seize principes fondamentaux de la « DanoneWay » sont regroupés en cinq thèmes :- 1) le thème « droits humains », avec les fondamen-taux « égalité des chances et diversité », « sécurité autravail » et « santé au travail » ;- 2) le thème « relations humaines », avec les fonda-mentaux « dialogue social », « temps de travail », « poli-tique salariale », « développement et formation » ;- 3) le thème « environnement »’ (« performance envi-ronnementale », « contrôle des risques environnemen-taux », « impact des matières premières », « impact dupackaging ») ;- 4) le thème « consommateurs » (« management de laqualité », « standards sur la nutrition et la santé ») ;- enfin, 5) le thème « gouvernance » (« politique deconduite des affaires », « responsabilité sociétale appli-quée aux fournisseurs », « relations avec les commu-nautés locales »).Pour chacun des seize principes fondamentaux, enparallèle à la mise en œuvre de ses plans d’action surle fond, la filiale doit s’auto-évaluer sur deux aspectscomplémentaires : les politiques de performance et lesindicateurs associés :- Les politiques et moyens correspondent à ladémarche mise en place pour répondre aux standardsdu Groupe : politique écrite, charte d’engagement,signatures d’accords syndicaux, politiques de coordi-nation environnementale entre plusieurs départe-ments, développement d’outils de mesures environne-mentales, politique stratégique de réduction du poidsdes emballages…- Les résultats et les indicateurs montrent les progrèsréels de la filiale dans tel ou tel domaine. Il peut s’agird’une mesure chiffrée dans l’absolu (dans le domainede la diversité, par exemple) ou d’un pourcentage

(comme, par exemple, une diminution de la consom-mation d’eau).Cette double auto-évaluation de chaque « fondamen-tal » donne à chaque filiale une vision objective de sa« performance durable » ; cela lui permet d’identifierdes axes de progrès via des politiques et des indicateurs.Cette démarche structurée et mesurable va permettreà l’audit interne de se baser sur des faits et des donnéeschiffrées, et faciliter ainsi le travail des auditeurs surdes aspects du développement durable qui pourraienta priori apparaître abstraits et confus.

LA QUALITÉ DE L’AUTO-ÉVALUATION

La qualité de l’auto-évaluation est décisive ; ses résul-tats sont utilisés par le Comité de responsabilité socia-le et rendus publics par le Rapport de développementdurable.Techniquement, les auto-évaluations sont reportéesdans l’outil de reporting du contrôle interne DANgo.Les évaluations se font selon quatre niveaux (de 1 à 4)en fonction de critères définis au préalable pour l’en-semble des entités du Groupe.Au niveau de chaque filiale, le directeur des Ressourceshumaines et le directeur général sont nécessairementco-porteurs de ce projet et de la qualité de l’auto-éva-luation, mais d’autres fonctions sont égalementconcernées : la qualité, l’environnement, les achats, lesrelations humaines, le contrôle interne…Le département Développement durable contrôle laqualité de ces auto-évaluations soit à distance, soit enparticipant à des audits internes.

L’AUDIT DE LA DÉMARCHE DE DÉVELOPPEMENTDURABLE

La particularité de l’organisation de l’audit internechez Danone est le co-sourcing de l’activité d’audit deterrain confiée à un cabinet (KPMG-Audit, qui, bienentendu, n’est pas commissaire aux comptes). Ce sontdonc des équipes mixtes Danone-KPMG qui réalisentles missions d’audit de la méthodologie« Danone Way ».La première étape concerne l’élaboration du pland’audit annuel. La règle générale est d’intégrer l’auditde la démarche « Danone Way » dans tous les auditsstandards réalisés dans les filiales. Ainsi, la couverturedes sujets faisant l’objet d’un suivi est désormais inté-grée aux programmes de travail, au même titre quel’audit financier, l’audit des achats ou l’audit de laproduction… (3).

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(3) Cependant, un audit spécifique informatique n’inclura en généralpas l’audit interne « Danone Way », pour des raisons de compétencestechniques.

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La phase de préparation constitue un élément clé dela réussite. L’éventail des sujets traités est très large, sibien que seule une préparation en amont très appro-fondie permettra d’obtenir les rendez-vous et la docu-mentation idoines permettant d’aboutir à une conclu-sion. De plus, ce type d’audit étant encore souventune première, pour les filiales auditées (à l’inverse desactivités finances ou achats), la phase de préparationpermet d’expliquer aux futurs audités les objectifs, laméthodologie et le scope couvert.Pour intégrer au début de 2008 ces nouveaux sujets ànos programmes d’audit, nous avons commencé pardes audits pilotes avec des équipes mixtes composéesd’auditeurs spécialisés en développement durable etd’auditeurs « standards ». Une formation spécifique aété suivie, portant notamment sur les aspects environ-nementaux.Une des difficultés de ce type d’audits réside dans lavariété et la multitude d’interlocuteurs qu’il est néces-saire de rencontrer pour valider des processus qui ras-semblent différentes compétences et connaissances dedivers départements. Pour faciliter ces audits, le rôledu contrôleur interne est fondamental puisqu’il estgarant de la qualité du l’ensemble du reporting dansl’outil de contrôle interne, dont font partie les poli-tiques et indicateurs de « Danone Way ». Il a doncdéjà (en théorie) rassemblé les documents et assuré laqualité du reporting de Développement durable. Lacollecte de ces documents est essentielle (comme danstout audit) pour valider nos travaux ; la nouveautéréside dans le fait que les interlocuteurs« Développement durable » ne sont pas des « habi-tués » des audits et que la pédagogie et la formationdispensées durant ces audits sont des éléments clés deréussite.L’ultime étape de ce processus d’audit avant l’émissionde la certification par KPMG consiste à revoir auniveau corporate la consolidation correcte des donnéesportant sur des indicateurs sélectionnés pour toutesles filiales évaluées. Cette validation technique, proched’une consolidation financière, assure la qualité duprocessus de remontée des informations.Il est important de souligner que les enjeux de cesaudits sont multiples :- Le Groupe étant très international et décentralisé, lesiège se repose beaucoup sur la qualité des auto-éva-luations en provenance des filiales. Les audits permet-tent de statuer sur le degré de confiance que l’on peutavoir vis-à-vis de ces auto-évaluations.- La réussite du projet « Danone Way » dépend de lacapacité de la filiale à mener et coordonner les diffé-rentes initiatives au niveau de supervision adéquat ;l’audit va donc évaluer la qualité de la gestion de projet(responsabilité locale, participation du management,chef de projet, réunion d’avancement, responsabilité dumanagement sur la qualité de l’auto-évaluation etimpact sur les bonus des managers).- Les filiales ont la responsabilité de l’élaboration desplans d’action décidés à la suite de l’audit et des

recommandations qui en découlent. La qualité desplans d’action à mettre en œuvre est également sousrevue (objectif à atteindre, délais requis, manager res-ponsable, actions et moyens à mettre en œuvre pourarriver à l’objectif ).Au total, la philosophie de ces audits repose sur unpostulat qui constitue la force de cette démarche : lesfiliales, par le biais de leur auto-évaluation, s’appro-prient les fondamentaux « Danone Way » et identi-fient leurs forces et leurs axes d’amélioration. Avecl’aide de la mission d’audit, elles définissent et met-tent en place des plans d’action ad hoc. Un des prin-cipes de leadership de Danone, l’ «Empowerment/Responsabilisation», se trouve ainsi au cœur de ladémarche de contrôle et d’audit.

LE CAS SPÉCIFIQUE DU FONDS « DANONE ÉCO-SYSTÈME »

En 2009 a été créé le Fonds « Danone Écosystème »,dont la vocation est de soutenir des projets créateursd’emplois durables dans l’ « écosystème » de Danone,c’est-à-dire dans l’ensemble des activités qui dépen-dent directement de celle du Groupe : producteursagricoles, fournisseurs, distributeurs, territoiresautour des établissements… Le projet de création dece Fonds a été approuvé par un vote des actionnaireslors de l’Assemblée générale de 2009. Doté de100 millions d’euros, il a commencé à fonctionner àla fin de 2009 en finançant les premiers projets agri-coles et de distribution.Le Fonds participe au développement de projets avecdes partenaires locaux, souvent des ONG (organisa-tions non gouvernementales). Les contrats signés avecces organismes locaux prévoient une clause d’auditlaissant à tout moment la possibilité de lancer locale-ment un audit pour vérifier la conformité de l’utilisa-tion des fonds avec l’objet du contrat. Ces audits agis-sent aussi bien en préventif qu’en curatif en matièred’utilisation des moyens mis à disposition.

CONCLUSION : L’AUDIT DU DÉVELOPPEMENTDURABLE EST UTILE… ET EST AUSSI GRATIFIANTPOUR LES ÉQUIPES D’AUDIT

Lancée en 2001 et mise à jour en 2007, la démarche« Danone Way » est un élément clé de la stratégie dedéveloppement durable de Danone. Avec l’objectifambitieux d’assurer le respect des critères fondamen-taux de développement durable par l’ensemble desfiliales, elle apporte la fiabilité nécessaire à la bonnegestion de la performance extra-financière. Cetteattention portée aux résultats sociétaux nous apparaîtparticulièrement nécessaire dans un contexte écono-mique instable.

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Les audits de la démarche « Danone Way » aboutis-sent, entre autres choses, à un avis externe publié dansle rapport technique du développement durable, quiconfirme que les données sociales et environnemen-tales du rapport ont été établies conformément auréférentiel « Danone Way ».Du point de vue interne des équipes d’audit, ladécision d’auditer la démarche de développementdurable de Danone comporte deux atouts majeurs.

D’une part, elle donne une nouvelle visibilité et unecrédibilité accrue à cette démarche aux yeux des ser-vices compétents en matière de ressourceshumaines, de qualité, de production, d’environne-ment ainsi que dans le domaine réglementaire ;d’autre part, il s’agit de sujets innovants et « aspira-tionnels », qui motivent les équipes et donnent uneimage moderne de ce métier passionnant qu’estl’audit.

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Conclusion

Eclairer les choix, évaluer leurs conséquences

Il y a lieu de se réjouir de la montée en puissance des préoccupa-tions sociétales et environnementales à laquelle nous sommes entrain d’assister, notamment au sein des entreprises.Mais cette montée en puissance soulève de multiples défis… En

particulier, comment faire pour que les sujets environnementaux et socié-taux, malgré leur complexité intrinsèque et les passions qu'ils suscitent,soient traités avec le maximum de pertinence ?Cette question se trouve bien entendu posée au sein des entreprises. Maiselle l’est également au sein de l'État, qui a une responsabilité en la matière(une responsabilité directe lorsqu'il s'agit de lui-même ou d'entreprisespubliques, et indirecte lorsqu'il s'agit d'entreprises privées).Nous essayerons d'apporter ici quelques éléments de réponse qui mettent enavant ce que peuvent apporter la recherche, des expertises pointues et multi-disciplinaires, des processus de gouvernance complets et cohérents au seindes entreprises, la mutualisation des expériences, la formation, l'informationet le débat.

par Charles COPPOLANI* et Pascal FAURE**

CONCLUSION

* Chef du Service du Contrôle général économique et financier (CGÉFi) - Ministères chargés de l'Economie et du Budget.

** Vice-président du Conseil général de l'industrie, de l'énergie et des technologies (CGIET) - Ministère chargé de l'Economie.

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LE COUPLE FORMÉ PAR LE DÉCIDEUR ET L’EX-PERT, ET UNE PREMIÈRE DOUBLE CONVICTION

Le présent article repose tout d’abord sur une doubleconviction :- Dans la vie des organisations, il y a une place pourdes décisions qui reposent sur des paris permettant desurmonter le caractère incomplet de l’information,sur des considérations d’opportunité, sur l’apprécia-tion de facteurs d’acceptabilité sociale et politique…Ces décisions comportent une part subjective ouintuitive. Elles sont irréductibles à des processus quireposeraient sur l’intervention de « machines à calcu-ler », sur la seule « rationalité raisonnante »…- Il reste qu’ex-ante les décisions gagnent à être autantqu’il est possible éclairées par une analyse rationnelle ;par ailleurs, ex-post, une évaluation de leurs consé-quences est primordiale pour assurer la nécessairerétroaction et adapter les décisions.

LE COUPLE FORMÉ PAR LE CITOYEN ET L’EXPERT,ET UNE DEUXIÈME DOUBLE CONVICTION

Toutefois, dans les sociétés occidentales d’aujour-d’hui, on ne saurait prétendre restreindre l’échange au

seul couple formé par le décideur et l’expert. Lecitoyen est en effet largement incontournable. L’implication du citoyen constitue une espèce de«licence to operate» et donne de la force aux orienta-tions prises (ou, si nous voulons éviter les termesanglais, nous dirons qu’à défaut d’une unanimitéimpossible, un certain consensus facilite la conduited’une action d’envergure). L’implication du citoyenconstitue également une condition de la satisfactionde celui-ci (nous pourrions dire, une condition de sonbonheur…) (1). Cette implication s’accompagne toutefois de difficul-tés. La première de celles-ci est sans doute le fait quela notion de citoyen se décline, en réalité, sous demultiples formes : il y a le citoyen stricto sensu, élé-ment du corps civique et politique ; il y a aussi le sala-rié de l’entreprise, le militant de l’association, leconsommateur de services (marchands ou collectifs),l’épargnant… Il en résulte des attentes multiples etpotentiellement contradictoires (y compris chez unemême personne…) et la difficulté d’avoir une visionsynthétique et cohérente. Un deuxième facteur de dif-ficultés est constitué par une tendance à la myopie qui

(1) Dans la « pyramide des besoins » de Maslow, on connaît l'importan-ce que peut revêtir, dès lors que certains besoins basiques sont satisfaits,le désir d'implication et de participation (même modeste) à l'améliora-tion du monde.

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CONCLUSION

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rend difficile la perception de ce qui est éloigné, dansle calendrier ou dans l’espace. Et à cela s’ajoute, bienentendu, la complexité intrinsèque des problèmes. Ici aussi, face à ces constats, nous mettrons en avantune double conviction :- Il faut reconnaître la réalité et la légitimité desattentes du citoyen.- L’expert peut et doit jouer un rôle utile, notammenten élargissant le champ de vision, en éclairant lescontradictions et en proposant des synthèses.

UNE ATTENTE PARTICULIÈRE SE MANIFESTE VIS-À-VIS DE L’ÉTAT

Les deux doubles convictions que nous avons expri-mées valent pour toute organisation. Elles valent doncnotamment pour les entreprises et pour l’État, lorsquecelui-ci assume ses missions en matière d’administra-tion générale, de défense, d’enseignement…Mais, de plus, l’État a un rôle spécifique vis-à-vis de lasociété et notamment des entreprises, lorsqu’il mobi-lise ses moyens pour prescrire ou interdire, ou, plussubtilement, pour encourager ou décourager… Il doitêtre le porteur du très long terme, puisqu’en tant

qu’incarnation de la nation, il a vocation à survivreaux individus et à leurs projets. Et finalement, ilconstitue l’ultime recours face aux complexités et auxcontradictions en tant que garant de l’intérêt général(ce qui le fonde en légitimité) et en tant que détenteurde la force (qui est censée permettre, si cela s’avèrenécessaire, d’imposer l’intérêt général…). En ce sens, le réchauffement climatique, la téléphoniemobile et ses ondes, les OGM, le recours aux diversesformes d’énergie, le transport de l’électricité, les nano-technologies, la lutte contre la grippe aviaire, le poidsde la dette transmise aux générations futures…constituent des enjeux économiques, des enjeux socié-taux ou environnementaux… et aussi des « affairesd’État », dans la mesure où des arbitrages éclairés etéclairants sont attendus de ce dernier (2).

(2) Cette mise en avant de l'État n'exclut pas les rôles de ses démembre-ments (comme telle ou telle académie, autorité ou agence), des collecti-vités territoriales ou des instances de l'Union européenne. En fait, il y amême une « ingénierie institutionnelle » qui peut prendre en compte ladiversité des acteurs et doit permettre d'organiser au mieux, pour ce quiest du discours et de l'action des Pouvoirs publics, la sincérité, la rapidi-té, l'exactitude, la précision, la pertinence et la crédibilité.

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LES CORPS D’INSPECTION ET DE CONTRÔLEONT UN RÔLE À JOUER

Face au besoin d’éclairer et face, en particulier, à ladouble exigence d’évaluer ex-ante et ex-post, les corpsd’inspection et de contrôle jouent un rôle notable (3).Ce rôle se concrétise sur plusieurs plans :- la préparation de l’avenir à moyen et long terme(nous sommes ici dans le champ des rapports auxministres visant à préparer et fonder les grandes orien-tations publiques) ;- l’intervention rapide, où les délais tendus ne doiventpas faire obstacle à la pertinence (nous sommes icidans le champ de l’inspection, de l’audit, du conseil,du rapport visant à traiter une difficulté ponctuel-le…) ;- l’accompagnement, au jour le jour, de l’actionpublique (il s’agit ici du rôle quotidien qui est assuméau titre du contrôle économique et financier des orga-nismes publics, de l’exercice des fonctions d’adminis-trateur, etc.) ;- l’échange avec les « parties prenantes » à un problè-me donné ou, plus généralement, avec ceux que nousavons appelés les citoyens (lorsque les rapports desti-nés aux décideurs sont rendus publics, il y a là unexemple à la fois traditionnel et modeste de contribu-tion à cet échange).Assumer ce rôle suppose des compétences, de larigueur, du courage, le talent pour démêler ce qui estcomplexe et exprimer l’essentiel, la capacité à com-prendre les logiques des acteurs, un attachement réso-lu à l’intérêt général… Ces traits ne messiéent à per-sonne ; chez les membres des corps d’inspection et decontrôle, ils peuvent être les fondements d’une sortede magistrature technique, économique et financière.Ce rôle des corps d’inspection et de contrôle est sansdoute particulièrement notable en matière d’enjeuxsociétaux et environnementaux, ainsi que d’enjeuxéconomiques : nous allons voir qu’en effet, ces diffé-rents enjeux présentent entre eux des articulationscomplexes.

LES ENJEUX ENVIRONNEMENTAUX S’ARTICULENTSOUVENT AVEC D’IMPORTANTS ENJEUX ÉCONO-MIQUES

L’articulation des enjeux environnementaux avec lesenjeux économiques peut être illustrée par la luttecontre l’effet de serre. Rappelons, tout d’abord, la loidu 3 août 2009 visant la mise en œuvre du premier« Grenelle de l’Environnement » : « […] Est confirmél’engagement pris par la France de diviser par quatre sesémissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2050 enréduisant de 3 % par an, en moyenne, les rejets de gaz àeffet de serre dans l’atmosphère, afin de ramener à cetteéchéance ses émissions annuelles de gaz à effet de serre àun niveau inférieur à 140 millions de tonnes équivalentde dioxyde de carbone »(4). On peut d’emblée percevoir l’ambition de l’effort :dans l’hypothèse (qu’il s’agit, bien entendu, dedémentir…) suivant laquelle les diverses activitéshumaines ne verraient pas diminuer leurs émissionsunitaires, le niveau de rejet visé pour 2050 correspon-drait, pour chaque Français, à la possibilité de chauf-fer au fioul un appartement de 30 m2, ou de parcou-rir 11 000 km en voiture, ou d’effectuer unaller-retour Paris-New York en avion, ou encore demanger 300 g de bœuf par jour…, tous ces choixétant exclusifs l’un de l’autre, puisque chacun suffi-rait, à lui seul, à épuiser le volume de rejets autorisé !(cf. notamment les données de [1]).

L’OPTIMISATION DE L’EFFORT PEUT PASSER PARLE RECOURS À DES OUTILS SOPHISTIQUÉS

Dans ce contexte, des solutions originales permettentparfois d’optimiser l’effort. En vue de l’efficience, ledispositif des « droits d’émission » des gaz à effet deserre combine ainsi une volonté politique en faveur del’environnement et le recours à certains mécanismesde marché. La France s’est engagée, dans le cadre duProtocole de Kyoto, à ne pas augmenter le volume deses émissions au-delà du niveau constaté en 1990 (ils’agit d’une étape dans le processus plus ambitieuxévoqué plus haut). Elle est ainsi devenue détentrice dedroits d’émission correspondant à 564 millions detonnes d’équivalent CO2 par an, pour les cinq annéesde la période 2008-2012. L’État doit s’assurer que letotal des émissions ne dépassera pas l’ensemble de cesdroits et qu’en cas de dépassement, il sera en mesured’acquérir les droits d’émission correspondants ; ilpeut aussi, éventuellement, mettre en vente une par-

(3) Le rôle potentiel de ces corps peut être illustré par leurs textes fonda-teurs. Ainsi, le Conseil général de l'industrie, de l'énergie et des techno-logies (le CGIET) a notamment pour objet de « procéder à l'évaluationdes politiques publiques menées dans les secteurs […relevant de sa compéten-ce] et à l'évaluation des actions des organismes qui mettent en œuvre cespolitiques » et peut « prendre l'initiative de présenter aux ministres intéres-sés toutes propositions et recommandations » (cf. le décret n°2009-64 du 16 janvier 2009). Quant aux membres du Contrôle général économiqueet financier (le CGÉFi), ils assument le rôle que leur confient de mul-tiples textes en vue de l'évaluation des performances et des risques desorganismes qu'ils contrôlent et, de façon plus générale, ils sont attentifsà leur mission « de contrôle et d'inspection dans le domaine économique etfinancier, d'audit, d'évaluation, d'étude et de conseil en vue de l'améliora-tion de la gestion publique […] » (cf. notamment les décrets n°55-733 du26 mai 1955 et n°2005-436 du 9 mai 2005).

(4) La loi n°2005-781 du 13 juillet 2005 fixant les orientations de lapolitique énergétique avait déjà indiqué : « La lutte contre le changementclimatique est une priorité de la politique énergétique qui vise à diminuerde 3 % par an en moyenne les émissions de gaz à effet de serre de laFrance ».

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tie des droits non utilisés ou les conserver pour l’ave-nir. Il lui revient, enfin, d’allouer des droits aux ins-tallations industrielles relevant du Plan national d’at-tribution de quotas (662 millions de tonnes, surl’ensemble des cinq années considérées).

LA DÉCISION SUPPOSE SOUVENT DES EXPER-TISES POINTUES ET MULTIDISCIPLINAIRES… ETQUELQUES QUALITÉS MORALES.

Cette importante et délicate gestion par l’État de ses« actifs carbone » a fait l’objet, dès 2008, des analyseset propositions utiles, à la suite d’une demande que lesministres concernés avaient formulée conjointementauprès du Conseil général de l’industrie, de l’énergieet des technologies, du Conseil général de l’environ-nement et du développement durable et del’Inspection générale des Finances [2] (5). De fait, desquotas ont été attribués à quelque 1 100 sites indus-triels français, des quotas ont été réservés pour denouveaux sites et un marché des quotas fonctionne ;prochainement, les quotas ne seront plus attribuésgratuitement, mais vendus aux enchères.

Le recours aux compétences de divers corps d’inspec-tion et de contrôle reflète le caractère multidimen-sionnel des problèmes : même si une instance a sucapitaliser des expériences et sait travailler de façoncollégiale, il serait parfois dangereux de penser quecette instance est capable de tout appréhender dansdes délais courts !Le recours à l’expertise peut être d’autant plus oppor-tun qu’il est parfois nécessaire d’aller à l’encontre desidées reçues et d’appréhender la vraie complexité de laréalité. Cela suppose des compétences. Rappelonségalement l’importance de l’impartialité, de l’objecti-vité et de la rigueur.Illustrons notre propos avec le développement destechnologies de l’information et de la communication(les TIC). Il est inutile de souligner l’apport qu’ellesreprésentent pour notre société ; en particulier, lors-qu’elles sont utilisées dans un esprit de développe-ment éco-responsable, elles engendrent des gains lar-gement supérieurs à leur coût, pour ce qui est de laconsommation énergétique. Il convient toutefois denoter qu’elles ne constituent pas une panacée face auxproblèmes du développement durable. La fabricationd’un micro-ordinateur engendre les mêmes rejets deCO2 que le fait de parcourir 7 500 km en voiture [1].De même, les grands « centres serveurs » sont trèsénergivores… ; ainsi, une consultation sur Internet nerelève pas d’une économie purement dématérialisée etsans rejets ! C’est dans ce contexte que le ministre del’Economie, de l’Industrie et de l’Emploi a suscité, à

Graphique 1 : Parts des différentes activités dans le rejet des gaz à effet de serre en France.

(5) Ou, si nous respectons l'organisation et les dénominations del'époque, auprès du Conseil général des Mines, du Conseil général desPonts et Chaussées, de l'Inspection générale de l'Environnement et del'Inspection générale des Finances.

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la fin de 2008, la création d’un groupe de travail duCGIET consacré au thème « Développement éco-res-ponsable et technologies de l’information et de la com-munication ». Les recommandations que ce groupe detravail a remises visent à la fois le développement desTIC au service d’une activité efficiente et éco-respon-sable, et la diminution de leur empreinte environne-mentale [3].

LES QUESTIONS SOCIÉTALES SUSCITENT SOU-VENT DES DIFFICULTÉS SPÉCIFIQUES ET APPEL-LENT UNE VISION LARGE

Les questions sociétales sont tout particulièrementmarquées par la difficulté à concilier certains pointsde vue, à identifier les rapports de cause à effet les plusopérants, à mesurer l’efficacité de l’action… Illustrons notre propos. Il y a certes un consensuspour que les Pouvoirs publics promeuvent la cohésionsociale et l’égalité des chances dans les quartiers prio-ritaires au titre de la politique de la ville. Le finance-ment nécessaire est assuré notamment par l’Agencepour la cohésion sociale et l’égalité des chances(l’Acsé) (6). Pour l’évaluation et le pilotage de l’action,il convient bien entendu d’écarter les a priori du type« puisque les difficultés subsistent dans les banlieues, il estétabli que les efforts sont inutiles », ou « puisque les dif-ficultés subsistent dans les banlieues, c’est que l’on n’y metpas assez de crédits »…Mais au-delà de ces a priori simplistes, comment éva-luer l’intérêt des actions ? Faute de schéma préétabliqui définirait de façon sûre les actions les plus perti-nentes, il faut sans doute multiplier les expériences enreconnaissant un droit à l’erreur, puis essayer d’établirle bon lien de cause à effet entre tel et tel type d’ac-tions menées et les résultats obtenus (sachant que deséléments de contexte peuvent avoir un effet considé-rable, positif ou négatif ). Mais cela suppose que la situation consécutive à l’ac-tion soit précisément connue. On se heurte alors àd’autres difficultés : les acteurs effectifs de l’actionfinancée sont en général des associations, qui sont trèsdiverses et qui ne sont pas en mesure de maîtriser tousles aspects de la mesure de leurs résultats (7).

Face à ce qui ressemble à la quadrature du cercle, leContrôle général économique et financier (CGÉFi),dans son action quotidienne de contrôle et d’accom-pagnement des organismes publics, a pu concourir àla conception et à la mise en œuvre de certains pro-grès : citons notamment la « mise en programme » (lesactions des associations peuvent alors s’insérer dansun programme comportant des types préétablis d’ob-jectifs), le développement de « systèmes d’informa-tion » permettant le recueil et le traitement cohérentdes données fournies par les associations, le contrôleet l’audit des données ainsi fournies (8)…En sus de la dimension technique de ces mesures, lacapacité de partager des méthodologies, la dimensionrelationnelle et la persévérance sont évidemment cru-ciales [4].

AU SEIN DES ORGANISMES, LES ORIENTATIONSSOCIÉTALES ET ENVIRONNEMENTALES GAGNENTÀ RELEVER DE PROCESSUS DE GOUVERNANCECOMPLETS ET COHÉRENTS

La gouvernance des associations est évidemment sim-plifiée en raison même de leur nature et du caractèresouvent limité des enjeux qu’elles traitent.Il n’en reste pas moins que la gouvernance des orga-nismes mérite une grande attention dès lors que lesenjeux sont lourds. L’utilité de processus de gouver-nance complets et cohérents est une leçon que lesContrôleurs généraux peuvent dégager de l’expé-rience qu’ils ont acquise en assurant le contrôle éco-nomique et financier de l’État (que ce contrôle soitexercé auprès d’entreprises comme EDF, d’établisse-ments publics comme l’INPI ou d’associationscomme l’Afnor…). De façon générale, si une orien-tation stratégique semble opportune, elle gagne àfaire l’objet d’un bon « chaînage » entre les diversprocessus de la gouvernance :- pour chaque organisme public, cette orientationpourra être prise en compte parmi les objectifs et indi-cateurs définis par un contrat avec l’État ou par unelettre de mission adressée aux dirigeants de l’organis-me. Lorsque l’organisme est un « opérateur de l’État »,l’orientation considérée pourra s’articuler avec lesobjectifs et indicateurs prévus par la Loi de finances ;- pour les organismes publics et privés, un débat dequalité au sein de leur conseil d’administration faitbien entendu partie d’une bonne gouvernance ;- la fixation d’une orientation se révèlera d’autant plusefficace que la rémunération des dirigeants sera cou-

(6) L'Acsé bénéficie pour ce faire d'environ 500 millions d’euros de cré-dits d'État par an.

(7) L'État se trouve d'ailleurs lui-même placé face à une contradiction :il développe une exigence de mesure de la performance des denierspublics, mais à l’inverse, pour simplifier les relations avec les usagers del'Administration (ce qui était utile à de multiples égards), l'État a nor-malisé et considérablement allégé les justifications susceptibles d'êtredemandées à l'ensemble des associations qu'il subventionne (cf. la circu-laire du Premier ministre en date du 24 décembre 2002). Par ailleurs, lanotion même de subvention (par opposition à la notion de marché) sup-pose qu'il n'y ait pas pour les Pouvoirs publics de contrepartie directe aucrédit versé, ce qui peut gêner la mesure des résultats de l'action subven-tionnée (cf. la circulaire du 3 août 2006 relative à l'application du Codedes marchés publics).

8) Signalons que, sur la question de l'évaluation de l'action des associa-tions subventionnées, le Contrôle général économique et financier aprolongé son action par diverses propositions, le champ de la réflexionpouvant parfois être inattendu : il touche notamment la transposition detextes communautaires, comme la Directive « Services » 2006/123/CE(avec, en particulier, la question du mandat que les Pouvoirs publicspeuvent donner pour la mise en œuvre de certains services d'intérêtgénéral).

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plée avec les objectifs et indicateurs traduisant cetteorientation ;- l’efficacité sera encore accrue si l’organisme élargit cedispositif à la fixation des rémunérations de ses cadres,voire s’il peut intégrer les objectifs considérés au seind’un accord d’intéressement (qui traduira l’adhésiondes personnels et la renforcera).Au total, on voit bien la force que les orientationssociétales et environnementales peuvent prendre si, ensus de leur pertinence intrinsèque, il y a cohérence desdémarches et implication de toutes les parties.

LA DIFFUSION DES EXPÉRIENCES ET LARÉFLEXION COLLECTIVE PEUVENT APPORTERBEAUCOUP

Il reste qu’une action au coup par coup, organismepar organisme, ne saurait suffire : il convient demutualiser les expériences. Il en va ainsi pour lesentreprises (qui, du coup, se réunissent et échangent,comme le montrent divers témoignages publiés dansce numéro de Réalités Industrielles).Il en est de même au sein de l’État. C’est pourquoi leCGÉFi a fédéré en 2009 ses missions de contrôle ausein de secteurs plus vastes. Citons un exemple deréflexion menée dans ce cadre… : on connaît la cir-culaire du Premier ministre en date de décembre 2008intitulée Exemplarité de l’État au regard du développe-ment durable dans le fonctionnement de ses services et deses établissements publics ; les Missions relevant duSecteur « Territoires et développement durable » ontentrepris en 2010 d’évaluer l’impact budgétaire decette circulaire sur certains des organismes publicsqu’elles contrôlent et de mettre ce coût en rapportavec les résultats obtenus.Le décloisonnement doit aller au-delà des secteurs : ausein du CGÉFi, les sections permettent de faire conver-ger les expériences que les contrôleurs généraux déve-loppent dans leurs multiples « métiers » (le contrôleéconomique et financier, le contrôle financier, l’audit etl’inspection, le conseil…). C’est, par exemple, dans cecadre qu’en 2009, le Contrôle général a formalisé sesréflexions sur la définition et la mesure de la perfor-mance dans la sphère publique (cette performanceincluant, bien entendu, les aspects sociétaux et envi-ronnementaux…) [5]. La même démarche de collégia-lité et de partage est également développée par les sec-tions du CGIET (avec ses sections « Technologies etsociété », « Sécurité et risques », etc.).

DES ACTIONS SONT NÉCESSAIRES EN MATIÈREDE RECHERCHE

Mais la mutualisation et la formalisation des expé-riences ne sont pas tout… La nécessité d’actions de

recherche est évidente pour mieux cerner les multiplesaspects des problèmes environnementaux et socié-taux : on sait, par exemple, que tout n’est pas connuen ce qui concerne les « pluies acides », le trou dans lacouche d’ozone, le réchauffement climatique,… Unemeilleure compréhension des phénomènes pourraprogressivement permettre de meilleures décisions.Soulignons que la science économique est elle aussiinterpellée. Par exemple, lorsque les Pouvoirs publicsont été amenés, ces dernières années, à estimer le coûtsupporté par La Poste au titre du « service universel »ou de l’aménagement du territoire, la première ques-tion qui s’est posée n’était pas celle du calcul effectif,mais se trouvait en amont : il s’agissait de la questiondes concepts et des méthodes susceptibles d’être ima-ginés pour arriver à un résultat qui fasse sens et susci-te un bon niveau d’adhésion (cf., par exemple, [6]).De façon générale, la « monétarisation », telle qu’ellea été évoquée dans l’article d’introduction du présentnuméro de Réalités Industrielles [7], constitue une voiequi s’impose pour introduire plus de rationalité dansles choix, mais qui se heurte, parfois, à d’importantesdifficultés…Prenons l’exemple de la diversité biologique. LaConférence de Nagoya a constitué en octobre 2010un beau succès en permettant l’adoption d’un planstratégique assorti d’objectifs, en mettant en place desfinancements, en fixant des règles. Mais commentapprécier la valeur de la biodiversité ? On peut penserqu’une atteinte à la biodiversité a pour coût le budgetprécédemment dépensé pour gérer les biens naturelsdétruits, ou le budget nécessaire à la restauration deces biens, ou encore un forfait résultant de la juris-prudence… (9). Mais ces méthodes ne peuvent pastoujours être mises en œuvre (10). Surtout, elles sontmarquées par une tautologie : l’évaluation qui résultede ces méthodes est celle qui se trouvait sous-jacente àdes choix antérieurs ; elles ne font donc que répéterdes évaluations passées ; dès lors, le risque est grandque l’évaluation ne finisse par avoir pour seul fonde-ment véritable l’autorité d’anciens préjugés… Une voie de progrès consisterait à approcher la valeurde la biodiversité et des différents écosystèmes en esti-mant la valeur économique des services qu’ils rendent(ce qui serait d’ailleurs une estimation par défaut,puisqu’elle négligerait les dimensions non écono-miques). De nombreux travaux ont été entrepris en cesens, mais beaucoup reste à faire ! (cf., par exemple,[8] et [9]).En tout état de cause, faute de savoir toujours estimerla valeur de tel ou tel enjeu sociétal et environnemen-tal, le minimum possible semble être de chercher à

(9) Signalons, par exemple, qu'à la suite du naufrage du pétrolier Erika,le Tribunal correctionnel de Paris a prévu le versement de 5 euros paroiseau mort à une association nationale de protection des oiseaux.

(10) Il n'y a, par exemple, jamais eu de budget visant la préservation dudodo et il ne peut évidemment plus y avoir de budget visant sa renais-sance…

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faire apparaître clairement le coût des actions enga-gées en faveur de cet enjeu. On retrouve ici nos deuxconvictions initiales : il peut y avoir une part irréduc-tible de choix politiques… mais encore faut-il éclairerces choix !

DES FORMATIONS DOIVENT ÊTRE CONÇUES

Face à la complexité des problèmes, des formationssont nécessaires. Dans son rôle de tutelle des Écolesdes Mines, le CGIET a ainsi encouragé la création en2009, au sein de Mines ParisTech, de deux nouveauxmastères spécialisés destinés à des cadres en activité : ils’agit du mastère Management de la qualité, de la sécu-rité, de l’environnement et du développement durable(conçu avec la Cegos) et du mastère Facteurs humainset organisationnels du management de la sécurité indus-trielle (conçu avec l’ESCP). Dans le même ordred’idées, au sein de l’École des techniques industrielleset des mines de Douai a été lancée, en 2009, l’optionBâtiments à énergie positive.L’État ne saurait se dispenser d’appliquer à lui-mêmele besoin de formation qu’il a reconnu pour les entre-prises et pour leurs cadres. Signalons que c’est dans cetesprit que le CGÉFi a mis sur pied, avec le ministèrede l’Ecologie et du Développement durable et avecl’Institut de la gestion publique et du développement

économique de Bercy, une formation destinée, dansun premier temps, aux Contrôleurs généraux, et, dansun deuxième temps, aux membres d’autres corpsd’inspection et de contrôle : il s’agit de se donner lesmoyens de mieux apprécier et de mieux accompagnerles stratégies que les organismes publics conçoivent enfaveur du développement durable.

L’INFORMATION ET LE DÉBAT DOIVENT ÊTREENCOURAGÉS

Sur ces sujets complexes et facilement passionnés quesont les questions sociétales et environnementales, nulne peut prétendre détenir une vérité exhaustive etabsolue, et encore moins prétendre l’imposer auxautres. Nous sommes là, par excellence, face à dessujets où non seulement l’échange est nécessaire àl’émergence de la connaissance, mais où, de plus, il estnécessaire à la convergence des efforts.Ce constat fonde la démarche suivie pour l’élabora-tion de la « stratégie nationale de développementdurable 2010-2013 » : après avoir été soumise auComité de suivi des « Grenelle de l’Environnement »et au Conseil économique, social et environnemental,cette stratégie a donné lieu à la consultation des repré-sentants des collectivités territoriales, des entreprises,des salariés et de la société civile (notamment, des

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associations), ainsi qu’à une consultation sur Internet,avant d’être adoptée par un Comité interministérieldu développement durable, d’être mise en œuvre,ministère par ministère (sous l’égide notamment deshauts fonctionnaires au développement durable) et deconstituer un cadre de référence pour l’ensemble desacteurs, publics et privés.C’est dans ce même esprit de réflexion collective et departage que le CGÉFi a organisé en février 2010 uncolloque intitulé : Les nouveaux champs de la perfor-mance : enjeux environnementaux et sociétaux ; jusqu’oùaller ? Divers témoignages formulés lors de ce colloqueont d’ailleurs été repris et approfondis dans le présentnuméro de Réalités Industrielles. De même, le CGIET a considéré que la célébration,en 2010, de 200 ans d’histoire du corps des Minesdevait comporter un important volet de réflexionprospective, qui a été marqué par des colloques consa-crés à l’économie numérique et à l’énergie, et qui aaccordé une place importante aux préoccupationssociétales et environnementales. On notera égalementque, dans son rôle de tutelle des Annales des Mines, leCGIET peut se réjouir de certains thèmes récemmentchoisis pour des numéros des séries RéalitésIndustrielles et Responsabilité & Environnement, telsque « L’éco-conception » ou « Les leviers économiqueset financiers du développement durable ».Et aujourd’hui, par notre article conjoint qui conclutle présent numéro de Réalités industrielles, nous

sommes heureux d’illustrer, non seulement l’impor-tance que mérite une juste attention aux questionssociétales et environnementales, mais aussi la convic-tion que cette attention appelle des regards croisés,des démarches partenariales et des approches multi-catégorielles !

BIBLIOGRAPHIE

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« Définir et mesurer la performance pour mieux pilo-ter l’action publique (recueil des contributions) »,Contrôle général économique et financier, ministèreschargés de l’Economie et du Budget, Paris, 2010.[5] Contrôle général économique et financier, Définiret mesurer la performance pour mieux piloter l’actionpublique (synthèse), ministères chargés de l’Economieet du Budget, Paris, 2009.[6] BOLDRON (F.), BORSENBERGER (Cl.),JORAM (D.), LECOU (S.) & ROY (B.),Libéralisation & services publics – Économie postale, Ed.Economica, Paris, 2010.

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Jacques BATAILJacques BATAIL est ingénieur général desMines et Chef de mission de contrôle écono-mique et financier aux ministères chargés del’Economie et du Budget.Il a été notamment Directeur régional de l’in-dustrie, de la recherche et de l’environnementà Strasbourg (1984-1990), Directeur àl’Anvar (Agence nationale de valorisation dela recherche) (1990-1995), Directeur du gaz,de l’électricité et du charbon au ministère del’Economie, des Finances et de l’Industrie etCommissaire du gouvernement auprès d’É-lectricité de France, Gaz de France,Charbonnages de France (1995-2001), Chefde la Mission de contrôle économique etfinancier auprès de la recherche appliquée(2001-2004) et Chef de la Mission decontrôle économique et financier auprès desports, voies navigables et armateurs (2002-2008).Depuis 2007, Jacques BATAIL préside laSection « Service public et marché » duService du Contrôle général économique etfinancier. Depuis 2008, il dirige la Missionde contrôle auprès du groupe La Poste.

Christian BRODHAGChristian BRODHAG est directeur de recherche àl’École nationale supérieure des Mines de Saint-Étien-ne (France) au sein de l’Institut Henri Fayol consacréà la performance industrielle globale. Ingénieur civildes Mines et docteur ès sciences, il a été Délégué inter-ministériel au Développement durable du gouverne-ment français (2004-2008).Il préside le Conseil d’orientation de l’Institut del’énergie et de l’environnement de la francophonie deQuébec (IEPF), l’organisme de la Francophonie insti-tutionnelle en charge de l’énergie, de l’environnementet du développement durable. Il présidait le réseaufrancophone de l’ISO 26 000.Il préside l’Institut français de la performance énergé-tique du bâtiment de Bordeaux (IFPEB) et le Pôlenational éco-conception initié par la Chambre deCommerce et d’Industrie de Saint-Etienne.Ses principaux articles sont en ligne sur son site :www.brodhag.org. Il est notamment l’auteur d’unDictionnaire du développement durable (Editions del’AFNOR pour la France, Editions Multimonde pourle Québec, 2004).

Charles COPPOLANICharles COPPOLANI est, depuis 2006, Chef duService du Contrôle général économique et financier(CGÉFi) - Ministères chargés de l’Economie et duBudget.Nommé contrôleur d’Etat en 1993, il a dirigé notam-ment les missions de contrôle auprès de FranceTélécom, puis auprès d’EDF-GDF.Auparavant, il a été directeur adjoint du Service juri-dique et de l’Agence judiciaire du Trésor devenuedepuis la direction des Affaires juridiques des minis-tères économique et financier.Diplômé de l’Institut d’Etudes Politiques de Paris,d’Etudes supérieures de droit public, ancien élève del’ENA, Charles COPPOLANI a exercé des fonctionsd’enseignement à Sciences po et à Paris II.Il a présidé le Comité d’audit du fonds internationald’indemnisation des pollutions marines (FIPOL),d’octobre 2002 à octobre 2008, et est actuellementmembre du Conseil d’administration de l’IFACI. Ilvient d’être nommé Président de l’Observatoire desjeux.

Jean-Philippe COTISDiplômé de l’ESSEC (1976-1979) et de l’ENA - Voieéconomique (1980-1982), Jean-Philippe COTIS estle Directeur général de l’Institut national de laStatistique et des Etudes économiques (Insee).Il a assuré auparavant les fonctions, entre autres, de :- Chef du Département des Affaires Économiques etd’Économiste en Chef, à l’OCDE (2002-2007) ;- Directeur de la Prévision (1997-2002) ;- Conseiller Technique (Macroéconomie, Financespubliques) au sein du Cabinet du Ministre de l’Éco-nomie et des Finances (1993-1994) :- Économiste au FMI, Département Europe(1986-1988).Au titre d’autres activités, il a été :- Président du Comité de Politique Économique del’Union Européenne (2001-2002) ;- Président du Groupe d’experts sur « l’Emploi,l’Innovation et la Productivité » (1995), puisPrésident du Groupe de Travail n°1 (1997-2002) del’OCDE ;- Président du Conseil d’Administration du Centred’Études de l’Emploi (1994-2002) ;- Responsable des Enseignements d’Économie àl’ENA (1992-2002) ;- Professeur d’Économie (à l’ESSEC (1982-1986), àl’École des Mines (1989-1992) et à Harvard(1992)).

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Pierre-François COUTURETitulaire d’une licence de droit et diplômé del’Institut d’Etudes Politique de Paris, ancien élève del’Ecole Nationale d’Administration (promotionSimone Weil : 1972-1974), Pierre-François COU-TURE est le Président de la Commission Nationaledu Commerce Equitable (CNCE).Son parcours professionnel est le suivant :- de 1974 à 1979, administrateur civil à la directiondu Budget du ministère de l’Economie et desFinances ;- de 1979 à 1981, membre de la mission de contrôleéconomique et financier des entreprises pétrolières ;- de 1981 à 1983, Conseiller technique au sein ducabinet du ministre délégué chargé du Budget ;- de 1983 à 1984, Conseiller technique au sein ducabinet du ministre de l’Industrie et de la Recherche ;- de 1984 à 1990, Directeur du gaz, de l’électricité etdu charbon au ministère de l’Industrie et del’Aménagement du territoire ;- de 1991 à 1996, Directeur du service public (1991-1993), puis Directeur à la direction générale despostes et télécommunications, chargé du service de larégulation des télécommunications (1993-1996), ausein du ministère de l’Industrie, des Postes etTélécommunications et du Commerce extérieur ;- de 1996 à 1997, Conseiller du Président de LaPoste ;- de 1991 à 1998, a été, en parallèle, Président duconseil d’administration de l’Ecole supérieure desPTT ;- de 1997 à 1999, Conseiller spécial, chargé des Posteset des Télécommunications auprès du Secrétaired’Etat à l’Industrie ;- de 1999 à 2004, Président du directoire del’Entreprise minière et chimique (EMC) ;- en 2004, Contrôleur d’Etat, puis, en 2005,Contrôleur général économique et financier, Chef dela mission de contrôle Commerce, artisanat, serviceset professions libérales de 2005 à 2007, puis, depuis2007, de la mission Conseil.Pierre-François COUTURE est Officier de laLégion d’Honneur et Chevalier de l’Ordre Nationaldu Mérite.

Philippe D’IRIBARNEPolytechnicien et ingénieur général des Mines,Philippe d’IRIBARNE est Directeur de rechercheau CNRS (Centre national de la recherche scienti-fique). Ses recherches sont consacrées à la diversitédes cultures politiques et à l’effet de ces cultures surla vie des entreprises et le management. Auteur dedouze ouvrages dont La logique de l’honneur, 1989(traduit en allemand, en chinois, en espagnol et ennéerlandais ; en cours de traduction en arabe) ;Cultures et Mondialisation, 1998, Le Tiers-monde quiréussit, 2003 (traduit en anglais) ; Penser la diversitédu monde, 2008 (en cours de traduction en arabe) ;

L’épreuve des différences, 2009 (en cours de traduc-tion en chinois) ; Les immigrés de la République,2010. Philippe d’IRIBARNE est Membre duConseil scientifique de l’Agence française deDéveloppement et du comité éditorial internationaldu International Journal of Cross CulturalManagement. Philippe d’IRIBARNE a occupédiverses fonctions au service de l’Etat, notammentau Secrétariat général de la Présidence de laRépublique. Il est Docteur honoris causa del’Université de Mons.

Michel DOUCINEconomiste et docteur en sciences politiques,ancien élève de l’ENA, Michel DOUCIN est diplo-mate de carrière tout en ayant exercé plusieurs mis-sions hors de l’administration du Quai d’Orsay. Ila été, notamment, directeur régional des affairesculturelles de la région Aquitaine et secrétaire géné-ral du Comité de décentralisation de la Délégationà l’Aménagement du Territoire et à l’ActionRégionale. En tant que diplomate, il a exercé desresponsabilités à l’administration centrale en matiè-re d’aide au développement et de politique decoopération culturelle. Il a été consul général enItalie et en Allemagne, secrétaire général du HautConseil de la Coopération Internationale (auprèsdu Premier Ministre) ainsi qu’Ambassadeur françaispour les droits de l’Homme. Il a publié, entreautres, « Le guide de la liberté associative dans lemonde » aux éditions de La DocumentationFrançaise (2007), « Les ONG, le contrepouvoir ? »aux Editions Toogezer. Il est actuellementAmbassadeur chargé de la bioéthique et de la res-ponsabilité sociale des entreprises, et professeurassocié à l’Université Paris 11.

François FATOUXAncien élève de l’Institut d’études politiques de Pariset titulaire d’une Maîtrise de droit public, FrançoisFATOUX a été, de 1986 à 2000, Chef du serviceProtection sociale à la CFE-CGC (ConfédérationGénérale des Cadres) en charge des questions de pro-tection sociale.Il est depuis juin 2000, Délégué général de l’ORSE,une association professionnelle dont il a contribué à lacréation.Il a été :- Chargé de cours sur le développement durable dansdifférentes grandes écoles ;- Membre du Stakeholder Council du GRI (GlobalReporting Initiative) de 2004 à 2006 ;- Membre du Conseil supérieur de l’égalité profes-sionnelle.Il est le coauteur de l’ouvrage « Patrons papas, parolesde 10 dirigeants sur l’équilibre entre travail et vie pri-vée » aux Editions Le Cherche Midi.

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Pascal FAUREPascal FAURE est Vice-Président du Conseil généralde l’industrie, de l’énergie et des technologies.Il est membre du Conseil d’Administration de l’EcolePolytechnique, de l’école Normale Supérieure, del’Institut Telecom, de La Poste, de la Française desjeux et de France Telecom.Pascal FAURE a débuté sa carrière dans la R&D ausein des Laboratoires BELL (Etats-Unis), chez AppleComputer, puis au Centre National d’Etudes desTélécommunications (France Telecom/CNET) en tantque chef de projets dans le domaine de la sécurisationdes communications et de la cryptologie.De 1992 à 1995, il a travaillé au ministère du Budgetsur les crédits de la politique informatique adminis-trative. Il a ensuite été nommé conseiller technique encharge des affaires budgétaires, fiscales, emploi etaménagement du territoire au sein du cabinet duministre du Tourisme, puis du ministre del’Aménagement du territoire, de la Ville et del’Intégration.De 1997 à 2001, Pascal FAURE a occupé le poste deDirecteur du développement, des affaires financièreset d’adjoint à l’administrateur général du Groupe desEcoles des Télécommunications. Il a alors été nommédirecteur technique adjoint au ministère de laDéfense. Il a, en parallèle, exercé les fonctions dePrésident de l’Association des Ingénieurs desTélécommunications de 2000 à 2006.En 2007, Pascal FAURE est nommé Vice-Présidentdu Conseil général des technologies de l’informationet, depuis le 1er février 2009, il est Vice-Président duConseil général de l’industrie, de l’énergie et des tech-nologies (CGIET), qui est issu de la fusion du Conseilgénéral des Mines et du Conseil général des technolo-gies de l’information.Pascal FAURE est ingénieur général des Mines.Il est Diplômé de l’Ecole Polytechnique (X83) et del’Ecole Nationale Supérieure des Télécommuni-cations de Paris (88). Pascal FAURE est Chevalier de la Légion d’Honneuret Officier de l’Ordre National du Mérite.

Teresa FOGELBERGTeresa FOGELBERG est directrice générale adjointede Global Reporting Initiative (GRI) (www.gri.org),qui établit les normes les plus répandues dans lemonde pour le reporting en matière de développementdurable – également dénommé gouvernance environ-nementale et sociale.Teresa FOGELBERG est présidente du Conseil del’Ileia - le centre sur l’agriculture durable, lequel assu-re le secrétariat du réseau mondial AgriCultures net-work. (www.leisa.info). Elle est également membre duConseil de l’IIED, l’Institut international de l’envi-ronnement et du développement (www.iied.org). Elleest un membre actif de Worldconnectors(www.worldconnectors.nl ), qui promeut les Pays-

Bas, dans toute leur diversité, comme un acteur glo-bal dans le monde. Elle est membre du Conseil d’ad-ministration de Cordaid, une des principales organi-sations néerlandaises pour le développementinternational (www.cordaid.nl), ainsi que du Conseild’administration de WWF Pays-Bas (www.wnf.nl ). En 2009 et 2010, Teresa FOGELBERG a été élueparmi les cent personnalités du développementdurable aux Pays-Bas (www.Trouw.nl/Groen/Nieuws/duurzamehonderd).Teresa FOGELBERG a commencé sa carrière commeanthropologue à l’Université de Leyde aux Pays-Bas.Elle a passé 8 ans en Afrique pour l’Organisationinternationale du travail et l’USAID (agence desEtats-Unis pour le développement international). Elley a développé le réseau d’alerte sur la famine.Elle a travaillé durant 18 ans comme diplomate et aété notamment directeur des départements « Femmeet développement », « Recherche » et « Education » auministère néerlandais des Affaires étrangères.Elle a été présidente du groupe d’experts de l’OCDEsur le thème « Femmes et développement » et membredu Comité de surveillance du GCRAI, le groupeconsultatif pour la recherche agricole internationale(hébergé à la Banque mondiale, avec 60 gouverne-ments représentés).Elle a été membre pendant 6 ans du Conseil d’admi-nistration de ICARDA : agriculture durable pour lesrégions sèches.Au ministère néerlandais de l’Environnement, elle aété directrice du changement climatique et de l’indus-trie, et conseiller spécial pour les questions environne-mentales internationales.Elle a été le chef de la délégation pour les négociationsclimatiques internationales des Nations Unies (prési-dence de la Convention-cadre des Nations Unies surles changements climatiques), qui a abouti au proto-cole de Kyoto. En 2002, elle a été chargée de la coor-dination du secteur privé lors du Sommet mondial surle développement durable à Johannesburg, D’origine suédoise, Teresa FOGELBERG est denationalité néerlandaise et parle couramment le néer-landais, le français, le suédois et l’anglais.

Marc FOSSIERMarc FOSSIER est, depuis le 2 mars 2009, leDirecteur Exécutif Responsabilité Sociale d’Entreprisedu Groupe France Telecom-Orange, poste nouvelle-ment créé.Précédemment, Marc FOSSIER avait occupé diffé-rents postes au sein du Groupe France Télécom, qu’ila rejoint en 1988 en qualité de Chef du Service del’Industrie au sein de la Direction des Affaires indus-trielles et internationales. Il est devenu Directeur duCabinet du Président et du Directeur général, puisDirecteur de la Division Publiphonie-Cartes, avantd’être nommé au Comité exécutif, en septembre2000, comme Directeur exécutif chargé de la Branche

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Services Fixes Grand Public et Directeur des Relationsextérieures. Il était auparavant (depuis 2005) leDirecteur Exécutif Technologies du Groupe (« GroupCTO »), en charge de la stratégie technologique, de lanormalisation et des processus d’innovation.Après avoir débuté sa carrière comme ingénieur enétudes industrielles aux Etats-Unis, puis comme ingé-nieur de recherche en micro-électronique, MarcFOSSIER a rejoint l’administration française en char-ge du Développement industriel, avant de devenir, de1986 à 1988, Conseiller technique au sein du Cabinetdu ministre en charge de l’Education, de la Rechercheet de la Technologie.Marc FOSSIER est diplômé de l’École Polytechniqueet de l’École des Mines.Il est Chevalier de l’Ordre National du Mérite.

Philippe HELLICHDiplômé de l’ESCP Europe et du MBA de HarvardBusiness School , Philippe HELLICH débute sa car-rière professionnelle en 1989 au sein de RenaultAllemagne en tant qu’assistant du Directeur financier.En 1991, il intègre Accenture Benelux commeConsultant en Organisation, puis, après un séjour de2 ans aux Etats-Unis, il rejoint, en 1996, le BostonConsulting Group à Paris en tant que Consultant enStratégie et Organisation.Il rejoint DANONE en 2001 pour intégrer laDirection des Ressources Humaines Groupe, en qua-lité de Directeur Organisations et Formation pour lesfonctions Finance, Systèmes d’information etRessources humaines.Depuis juillet 2003, Philippe HELLICH estDirecteur de l’Audit interne de DANONE.Depuis janvier 2008, il assume également la respon-sabilité de la Gestion des Risques du Groupe.De plus, depuis janvier 2009, il a en charge, en tantque Directeur général « Risques, Contrôle et Audit »,la responsabilité du système de Contrôle interne et debonnes pratiques opérationnelles de Danone.A l’heure actuelle, il assume également la coordina-tion des sujets de déontologie au sein de Danone.Il est co-auteur d’un article publié en 2010 sur« Gestion des risques et Ressources Humaines » etintervient régulièrement dans le cadre de conférences,séminaires et formations.

Philippe HUETPhilippe HUET occupe les fonctions de ChiefOfficer, People, Organisation and Brand Performanceau sein d’EDF Energy.Après avoir passé plusieurs années à la RoyalDutch/Shell, où son dernier poste était celui de direc-teur général responsable de l’approvisionnement et dutransport du pétrole (le réseau Global Shell Trading),Philippe HUET a rejoint le Groupe EDF à la fin de2001.

Sa mission était de créer la Division Optimisation etNégoce au sein de la branche EDF Génération etNégoce, où il a joué un rôle de premier plan dans latransformation en cours du Groupe en aidant celui-cià faire face aux nouveaux impératifs résultant de ladérégulation des marchés du gaz et de l’énergie enEurope.Suite au succès de cette mission, Philippe HUET a éténommé Vice-président en charge d’Upstream-Downstream Optimisation and Trading Division à lafin de 2004. Sa principale responsabilité était de gérerGross Margin, la filière intégrée de gaz et électricitéd’EDF. Pour ce faire, il s’est servi du levier des flexibi-lités et des déséquilibres à court et à moyen terme desportefeuilles de la génération d’électricité et des ventes,cela dans le but de maximiser la valeur en conformitéavec la politique de gestion des risques du Groupe.En mai 2008, Philippe HUET est devenu membre ducomité exécutif du Groupe EDF, travaillant directe-ment sous l’autorité du Président directeur général dela société. Il avait en charge la stratégie du Groupe,Recherche & Développement et le développementdurable. En juin 2010, Philippe HUET a quitté ceposte pour une mission auprès d’EDF Energy SeniorLeadership Team, basé à Londres. Par la suite, il arejoint EDF Energy Executive Team en qualité deChief Officer, People, Organization and BrandPerformance,Philippe HUET est issu de l’École Polytechnique(Paris). Il possède un Master’s Degree in Public Policyde l’Université de Harvard et une maîtrise en écono-mie et statistiques de l’École Nationale de laStatistique et de l’Administration Économique.Sa carrière a démarré en tant que consultant en ges-tion stratégique à Cambridge, Massachusetts, USA. Ila travaillé ensuite au sein de Corpoven, qui était, àl’époque, une des quatre sociétés de Petroleos deVenezuela (PDVSA), la filière pétrolière intégrée duVenezuela. Ensuite, il a travaillé à la RoyalDutch/Shell en France.

Georges LEFEBVREGeorges LEFEBVRE a effectué sa carrière au sein duGroupe La Poste, où il y est entré en 1970.Chef du service du personnel de la direction départe-mentale du Nord, à sa sortie de l’Ecole NationaleSupérieure des Postes et Télécommunications(ENSPTT), puis Directeur du cabinet du Directeurrégional de la Poste du Nord-Pas-de-Calais, GeorgesLEFEBVRE est nommé Directeur départemental deLa Poste de la Marne en 1987. Appelé auprès du Directeur Général en 1990 pourprendre en charge la gestion des cadres dirigeants, ilparticipe également, au sein de la Direction desRessources humaines, à la mise en œuvre de la réfor-me sociale de La Poste. Il prend la responsabilité, en1994, de la Direction des Ressources humaines de laDélégation territoriale de l’Ile-de-France.

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Georges LEFEBVRE est nommé en 1997 Conseillertechnique en charge des Affaires sociales au sein ducabinet du Secrétaire d’Etat chargé de l’Industrie.Il intègre, en janvier 1998, le Comité exécutif duGroupe La Poste en qualité de Directeur des Ressourceshumaines et des Relations sociales. Il est nomméDirecteur général adjoint, en charge des Ressourceshumaines et des Relations sociales en 2001.D’avril 2002 à mars 2010, Georges LEFEBVRE exer-ce les fonctions de Directeur général du Groupe LaPoste, Directeur des Ressources humaines et desRelations sociales.Depuis avril 2010, il est Délégué général du GroupeLa Poste, Directeur des Ressources humaines et desRelations sociales.Georges LEFEBVRE est ancien élève de l’EcoleNationale Supérieure des Postes etTélécommunications (promotion 1978/1981) et estOfficier de la Légion d’Honneur et de l’OrdreNational du Mérite.Il est membre du Conseil de Surveillance de laBanque Postale et administrateur de Géopost,Sofipost et Poste Immo.

Daniel LUCIANIIl est Président Directeur Général de l’ICOM, qui estune agence de conseil en communication responsable.Après quelques expériences en communication et enmanagement pour ACT Formation, Bull, PrésenceFM, il est recruté en 1991 par ICOM pour dévelop-per les activités de conseil et d’édition de l’agence. Ilparticipe à sa reprise en 1993 pour en devenir en 2001le directeur général au moment du passage en Sociétéanonyme. Il est nommé PDG en 2006.Diplômé en communication, membre du Centre desJeunes Dirigeants d’entreprise depuis 2001, il est leporteur des projets d’entreprise d’ICOM avec lavolonté de mettre l’économie au service de l’Homme.Il met son expertise en communication au service desstratégies de développement des entreprises privées etpubliques. A l’ICOM, il assure les fonctions demédiation et pilotage (management, stratégie, déve-loppement…).Pour les clients, il assure le pilotage de missions deconseil et d’assistance à maîtres d’ouvrages, l’accom-pagnement professionnel, l’élaboration de plans decommunication, la valorisation des politiques deresponsabilité sociétale et de développementdurable, la définition de projets et de visions d’en-treprise et, enfin, la supervision stratégique deséquipes projet. En optant, dès 2006, pour de nou-veaux locaux construits en bois, il concrétise ainsil’engagement d’ICOM dans une démarche de déve-loppement durable et de performance globale ini-tiée en 2001 (sociale, sociétale, économique et envi-ronnementale).Au titre de ces adhésions et contributions, peuventêtre citées :

- Centre des Jeunes Dirigeants, membre du Bureaunational en charge de la Performance Globale (2010-2012) ;- Centre des Jeunes Dirigeants Section Toulousedepuis 2001 (Président 2008-2010) ;- Club de la Communication Toulouse Midi-Pyrénées, membre fondateur de la commissionDéveloppement durable ;- Membre de la commission Développement durablede La Mélée numérique et trésorier depuis 2010 ;- Membre de l’association Communication etEntreprise (anciennement UJJEF) ;- Co-fondateur du collectif des publicitaires éco-socio-innovants ;- Membre du Conseil d’administration d’Orée(Association nationale Entreprise et environne-ment) ;- Membre des Clubs de la CCIR Midi-Pyrénées(Eco-entreprises et Dirigeants durables de Midi-Pyrénées) ;- Club Rotary Toulouse Ovalie (ancien président) ;- Décideurs golfeurs de Midi-Pyrénées ;- Ingénieur de France.

Michel MEUNIERMichel MEUNIER est Président national du Centredes jeunes dirigeants d’entreprise (CJD) - 2010-2012.

Claude NAHONDiplômée de l’École Polytechnique et de l’ÉcoleNationale de la Statistique et de l’Administration Éco-nomique (ENSAE), Claude NAHON est directricedu Développement durable du groupe EDF depuis le 1er janvier 2003. Claude NAHON a exercé depuis 1978 différentesresponsabilités de management au sein d’Électricitéde France dans les secteurs de la production (hydrau-lique, thermique) et de la distribution. Claude NAHON représente EDF dans différentesinstances internationales : WBCSD (World BusinessCouncil for Sustainable Development), IDDRI(Institut du Développement Durable et des RelationsInternationales), EURELECTRIC (Présidence dugroupe de travail « Efficacité énergétique » ).

Nicole NOTATNicole NOTAT est Présidente-fondatrice de VIGEO(agence créée en 2002), première agence de mesure dela responsabilité sociale en Europe, dans une formulepionnière réunissant des grandes entreprises, des syn-dicats européens et des opérateurs financiers. VIGEO mesure l’engagement des organisations(entreprises, administrations, collectivités….) sur lesobjectifs de responsabilité sociale, c’est-à-dire enmatière environnementale, sociale/sociétale et de gou-vernance.

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Nicole NOTAT a été, de 1992 à 2002, Secrétairegénérale de la CFDT, étant ainsi la première femme àaccéder à la tête d’une grande organisation syndicalefrançaise. Elle est (ou a été) également :- Membre du Conseil de Surveillance du Monde et dela Société Editrice du Monde ;- Administrateur de la COFACE ;- Administrateur de l’Institut pour l’EducationFinancière du Public (depuis 2006) ;- Membre du Comité de Surveillance desInvestissements d’avenir ;- Membre du Comité des Sages sur l’avenir del’Europe, présidé par Felipe Gonzalez (2008 -2010) ;- Membre de la Commission sur les priorités straté-giques d’investissement et de l’emprunt national en2009 ;- Membre du « Grenelle de l’Environnement » :Présidente du groupe de travail n°5 « Construire unedémocratie écologique : institutions et gouvernance »en 2007 ;- Membre de la HALDE de 2005 à 2010.

Grégoire POSTEL-VINAYGrégoire POSTEL-VINAY est Responsable de laMission « Stratégie » à la Direction générale de la com-pétitivité, de l’industrie et des services (DGCIS) -Ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie.

Yves RAMETTEEntré à la RATP en 1977, en qualité d’Ingénieurmécanicien et titulaire d’un DESS en gestion desentreprises, Yves RAMETTE a exercé plusieurs res-ponsabilités opérationnelles et fonctionnelles dansl’entreprise jusqu’en 1998, en particulier à la directiondu réseau ferré et à la direction financière.En juillet 1998, Yves RAMETTE est nomméDirecteur du département « Matériel Roulant Bus »(3 000 personnes, 4 000 bus) en charge de l’ingénie-rie de conception des bus, de leur acquisition et de lamaintenance de la flotte.De décembre 1999 à avril 2004, Yves RAMETTE estDirecteur du département du « Matériel RoulantFerré» (RER – Métro – Tramway), en charge de l’in-génierie de conception des matériels roulants et desateliers, des politiques de renouvellement ou demodernisation du parc et des programmes de mainte-nance associés (3 200 personnes, 4 500 voitures, 200millions d’euros de dépenses courantes/an, 300 mil-lions d’euros d’investissements/an).De mai 2004 à octobre 2009, Yves RAMETTE estmembre du Comité exécutif de la RATP en qualité deDirecteur général adjoint en charge du Transport :

- production du transport au quotidien pour les 3 réseaux (Métro, RER, Bus et Tramway) ;- maîtrise des risques techniques (processus);- sécurité ferroviaire ;- politiques industrielle et de maintenance ;- réalisation des projets « transport » en Ile-de-France(modernisation et développement) ;- recherche, innovation, qualité et développementdurable. En octobre 2009, Yves RAMETTE est nomméDirecteur général adjoint en charge des « Projets, del’Ingénierie et des Investissements ». Il est égalementresponsable de trois missions spécifiques transver-sales à l’entreprise concernant la mise en œuvre duprojet Grand Paris, la « gouvernance des investisse-ments » et Ie « Contrôle général de Sécurité ferro-viaire».En outre, Yves RAMETTE est Président élu duComité des métros de l’Union Internationale desTransports Publics (UITP), depuis mai 2007.

Etienne ROLLAND-PIEGUEAncien élève de l’Ecole normale supérieure et del’Insead, Etienne ROLLAND-PIÈGUE a enseigné àl’université Keio et à l’Institut d’études politiques. Ilparle et lit couramment le Japonais.

Michèle ROUSSEAUEn tant que Commissaire générale adjointe auDéveloppement durable, Michèle ROUSSEAU aassuré, au sein du ministère chargé de l’Ecologie, lacoordination du Grenelle de l’Environnement.Ses précédentes fonctions de Secrétaire général auministère de l’Ecologie et du Développementdurable, de directrice de la demande et des marchésénergétiques à la direction générale de l’énergie etdes matières premières ou de directrice généraleadjointe de l’Anvar lui ont permis de disposer durecul nécessaire pour mener à bien la coordinationgénérale du Grenelle de l’Environnement.

Martial VIDAUDDiplômé de l’Ecole supérieure de Commerce de Tourset titulaire d’un diplôme d’Expertise comptable,Martial VIDAUD justifie du parcours professionnelsuivant :- de 2007 – 2010, Directeur de missions d’audit inter-ne au sein du groupe Danone ;- de 1998 – 2007, Manager Audit externe au sein ducabinet Deloitte ;- de 1996 – 1998, Contrôleur de Gestion au sein deTechnip.

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Foreword: New fields for performance in firms:Societal and environmental challenges

Jacques Batail

To prepare this issue of Réalités industrielles devotedto corporate social and environmental responsibility,we asked for contributions from several persons. Firstof all, it seemed worthwhile to hear from those whoknow how to explore the sociological grounds of ouractions and are familiar with examples outsideFrance. Top civil servants, too, have accepted toexplain national policy and the macroeconomicapproach to corporate responsibility. Persons from allsorts of backgrounds have accepted to tell us aboutthe tools they use and the commitments andconcepts underlying their actions. Corporate leadershave provided brief, comprehensive accountscovering the many aspects of business activities. Thevice-president of the Conseil Général de l’Industrie,de l’Énergie et des Technologies and the head of theService du Contrôle Général Économique etFinancière have described orientations for conceivingof these social and environmental issues despite theirintrinsic complexity and the strong feelings theyarouse.

Cultures and performance

Philippe d’Iribarne

Corporate performance cannot be assessed absolutely,independently of time and place. Beyond objective factorsrelated to the corporate context (profit-earning capacity, theimpact of environmental legislation, etc.), the conception ofperformance relies more deeply and subtly on cultural factors.Each country has its own traditions, its definition of rightsand obligations, its conception of corporate performance. InFrance, for instance, the concepts of status and honor weighmore on social relations and the organization of workprocesses than in the United States, where emphasis is givento the quest for profits and fair contracts. It is not a mereacademic exercise to observe the facts in each culture andsociologically dwell on what brings various cultures closertogether or sets them farther apart. Understanding the diverseconceptions of performance can open perspectives at thenational level, provide assistance to management intransnational corporations or shed light on internationalnegotiations.

Corporate social responsibility very popular in emergingcountries, despite its ambiguities

Michel Doucin

Since corporate social responsibility has many more aspectsthan we might imagine, it is an ambiguous concept owingboth to its numerous origins (philosophical, utopian,religious and paternalistic) and to the “utilitarian” viewassociated with it (Reducing a firm’s risks will eventuallymaximize its profit-earning capacity). These multiple originsinteract with contexts and needs that are just as varied. Severalemerging countries, such as China, India or Brazil, seecorporate responsibility as a means for containing the socialand political pressures of rising inequality, whence complexinteractions between this concept and public authorities.Through corporate social responsibility, firms can make up

for certain limitations in government actions. Besides, publicauthorities often have the power and legitimacy necessary forbringing firms to take part in improving the regulation ofsociety and economy.

Corporate social responsibility in Japan from the Edo period tothe Fukushima nuclear accident

Étienne Rolland-Piègue

Behind an apparently universal adherence to corporate socialresponsibility, differences in approaches are lurking with rootsin distinct traditions of thought. Japanese business values dateback to merchants during the Edo period and to the pioneersof Japanese capitalism during the Meiji period. They havealways emphasized the diversity of all the parties — and notjust shareholders — who contribute to a company’s prosperityand should share in the benefits. Imported from Europe in2003, corporate social responsibility was quicklyinstitutionalized by Japanese firms that want to comply withinternational standards. This concept, Japanese-style, barelytouches on social questions, which are referred to traditionalvalues; but focuses instead on environmental issues andconsumer protection. NGOs are not very active in Japan, andthe state refuses to take a leading role even though itsprobusiness policy supports corporate social responsibilityand should help, for example, diffuse the new standard, ISO26000. Since March 2011, a new phase, laden withuncertainty, has started. The most devastating earthquakesince WW II and the crisis at the Fukushima Daiichi nuclearpower station should lead the Japanese to raise fundamentalquestions about what they expect from firms and publicauthorities.

The economic dimension of the Grenelle of the Environment

Michèle Rousseau

In 2007, the Grenelle of the Environment assembled Frenchofficials and organizations for a wide-ranging discussion forthe purpose of mobilizing society to cope with the dauntingenvironmental and climatic crisis. Despite the financialmeltdown, its investment plan of € 440 billion has theambition of placing France on the path toward new economicgrowth. This greener growth is to be based on developing newindustries, adapting several sectors of the economy andpromoting consumption patterns that devour fewer naturalresources.

The Commission on the Measurement of Economic Performanceand Social Progress, its reports and the followup

Jean-Philippe Cotis

Set up on President Sarkozy’s initiative and chaired by JosephStiglitz, Amartya Sen and Jean-Paul Fitoussi, the so-called“Stiglitz Commission” was asked to examine the limits ofusing the gross domestic product as an indicator of economicperformance and social progress, and to identify theinformation necessary for designing more pertinentindicators. Public opinion and the international communityhave acclaimed the report’s recommendations. This report of14 September 2009 does not call for replacing the GDP withanother general indicator but for adding to it a recommendedbatch of indicators. The application of these ambitiousrecommendations at the French National Institute of

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Statistics and Economic Studies (INSÉÉ) and internationalorganizations is under way.

A commitment, concepts and methods for an economy in theservice of humanity: Global performance for sustainable firms

Michel Meunier and Daniel Luciani

In line with its assignment as a “laboratory” for employerorganizations, the Centre des Jeunes Dirigeants developed in2002 the model of “global performance”® for sustainablefirms. This model of responsible performance makes theeconomic, social, societal and environmental dimensions anintegral part of a firm’s strategy and governance. Nearly tenyears later, more than 2000 young “leaders” haveexperimented with this approach in their companies. A review,feedback, and the prospects…

The Global Reporting Initiative: Toward corporate transparency

Teresa Fogelberg

Founded in 1997, the Global Reporting Initiative has becomea place of planetary dialog for the parties involved in reportingon sustainable development. In the first rank of these parties isFrance. The GRI provides a sustainability framework withguidelines for environmental reporting that describe the basiccontents of reports on sustainable development for firms.Recognition of the GRI will grow owing to the financialmeltdown and investors’ demands for transparent informationrelated to the environment, social impact and governance.

The responsible performance of firms: Auditing them to makeprogress and rating them to facilitate investors’ decisions

Nicole Notat

The stakeholders in a firm include wage-earners, consumers,associations, public authorities, NGOs, etc. Representinginterests ranging far beyond those of the company’s owners,they are open to new debates and have created a new lineup offorces. This situation entails certain risks for firms. Contrary toexpectations however, the social responsibility approach offersthem opportunities for innovation and differentiation with animpact on the creation of value. The “ethical funds”, which givepreference to moral considerations, and the “sociallyresponsible funds”, which assume that social responsibilityguarantees development, are examples of operators who payattention to the commitments made by the firms in which theychoose to invest. Vigeo is an agency turned toward fundmanagers. It measures a firm’s control over its social andenvironmental externalities. Under certain conditions, definedin a code of ethics, Vigeo may advise or audit firms.

ISO 26000 on social responsibility: A promising convergencedespite the diversity of sensitivities

Christian Brodhag

In November 2010, wide-ranging multiparty negotiationsended in ISO 26000 on social responsibility in organizations,particularly firms. This standard addresses major issues ofsocial responsibility in the strict sense of the word andsustainable development in all aspects (environmental, socialand economic). ISO 26000 has come out of compromises:1) between a contractualistic approach based on thewillingness and interests of stakeholders and aninstitutionalistic approach involving political institutions;2) between, on the one hand, the attachment to economicdevelopment and the growth of exports and, on the other,more restrictive approaches; and 3) between the aspirations of“North” and “South”. The few votes against adopting thisstandard (by Cuba, the United States, India, Luxembourg and

Turkey) and the abstentions (for instance, Germany’s) areevidence of cleavages. Nonetheless, ISO 26000 proposes a“metaregulation” for endowing sustainable development witha widely shared operational basis.

Tools for corporate social responsibility

François Fatoux

Firms and their partners (investors and fund managers) feelever more concerned with corporate social and environmentalresponsibility, codes of ethics, codes of fair conduct, ethicalinvestment funds, etc. In this new, complicated context, ahundred organizations (big firms, investment funds, laborunions, NGOs, mutualist institutions, etc.) have joined theObservatoire sur la Responsabilité Sociétale des Entreprises(ORSE). This research center monitors currents of thoughts,tools and practices in the field of corporate socialresponsibility. The experience acquired has, for example, led itto recommend an open, contractual approach.

What does commerce have to gain from fair trade?

Pierre-François Couture

What is fair trade? It is a worldwide movement for helping theleast advanced countries develop, thus gradually eliminatingstructural malnutrition, achieving sustainable developmentand respecting biodiversity. Fair trade places the purchasingact in an ethical framework. In particular, it guaranteesproducers a stable minimum price, even if market prices fall.Sustainable trade is in the service of development and based ona philosophy summarized as “trade, not aid”. Although fairtrade is now mainly centered on improving the conditions ofproducers in the “South”, it is intended to be an example tofollow, a model for changing practices at the national andinternational levels.

Ethical and socially responsible investment funds: From sacredbooks to financial capitalism

Grégoire Postel-Vinay

The history of investment funds that are managed by takinginto account ethics or corporate social and environmentalresponsibility is recounted while paying attention to changesin the criteria they use. After describing a few recent trends,the possible economic and industrial consequences are pointedout along with the implications of the rising power of thesefunds for government interventions.

La Poste in quest of global performance

Georges Lefebvre

Modernize without disowning one’s past. This is the line ofconduct adopted by the French Post Office, La Poste, totransform itself and address the often contradictory challengesfacing it. How to move in a fully open market while fulfillingits duties as a public service? How to maintain “local” relationswith the French while adapting to new, increasinglydematerialized means of communication? By wagering onconfidence and tightly combining all dimensions ofperformance (economic, social, societal and environmental),La Poste has found the way toward a balanced, sustainabledevelopment.

France Télécom: From the management of a crisis to the creationof a new meaning

Marc Fossier

Subject to fast transformations and heavy competitive andregulatory pressures, France Télécom underestimated the

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impact on its wage-earners in France and had to deal with asocial crisis. The measures for handling this crisis of meaningand management have led to a new ambition for reconcilingeconomic performance with social, societal and environmentalprogress.

Ecodesign at the RATP

Yves Ramette

The Paris Area Transit Authority (RATP) plays a leading partin developing a mobility for riders that is compatible withsustainable development in the Île-de-France region. To thisend, it has entered new fields of social and environmentalperformance and made them a part of the firm’s globalperformance. After discussing the RATP’s approach forranking the issues of sustainable development and formalizingits commitments, the innovations in “ecodesign” are presentedthat might reinforce the firm’s environmental and economicperformance.

ÉdF: Original tools for environmental actions with controlledcosts

Philippe Huet and Claude Nahon

Original solutions sometimes have to be imagined forlaunching ambitious environmental programs. For instance,ÉdF’s “Carbon Fund” finances projects for reducing CO2emissions in certain countries, thus enabling the Frenchelectric company to obtain emission credits. This has a cost,but it optimizes ÉdF’s compliance with its obligations forreducing greenhouse gas emissions under EU directive EU-ETS. It has even generated a new business. ÉdF also has thelegal obligation to save energy or, otherwise, pay heavypenalties. Thanks to a “certified savings” procedure, theexpected result can be attained while optimizing modalitiesand costs. The sophistication of technological and economictools is not the only card to be played. ÉdF is developingseveral arrangements for improving transparency and itstransactions with stakeholders. In all, the hoped-for progress is

multidimensional: environmental, social and societal actionsaim at creating sustainable value all along the energy supplychain.

When Danone’s sustainable development procedures areaudited…

Philippe Hellich and Martial Vidaud

The “Danone Way” refers not just to this industrial group’sprinciples of sustainable development but also torecommendations for applying them and their indicators.Although the fields concerned might seem too abstract for asystematic review, the program comes under regular audits inDanone’s subsidiaries. The key factors for the success of theseaudits are: 1) the audit department must take into account the“sustainable development” process as much as the processes“purchasing” or “production”; 2) the quality of the phase ofpreparation; 3) the training of auditors in this new problemarea; and 4) an educational approach toward those who arebeing audited but are not used to this type of experience.When these conditions are met, the audit contributes to thesuccess of sustainable development procedures and adds toauditors’ professional qualifications.

Clarifying choices and assessing their consequences

Charles Coppolani and Pascal Faure

Although we are satisfied to observe a rising interest in socialand environmental issues, especially in firms, several questionscrop up. How to see to it that these issues, despite theircomplexity and the intense feelings they arouse, be handledwith a maximum of pertinence? This question arises for firms,of course, but also for the state, which has a directresponsibility when it or its firms are concerned and anindirect responsibility when private firms are concerned. A fewanswers shed light on what is to be gained from research,highly specialized interdisciplinary expertise, full and coherentcorporate governance processes, the pooling of experiences,training, information and debates.

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VORWORT

Neue Themenfelder für die Leistungsfähigkeit der Unternehmen :die gesellschaftlichen und umweltbezogenen Anliegen

Jacques Batail

Die Reihe Réalités Industrielles widmet die Mai-Nummer 2011dem Thema der gesellschaftlichen und umweltrelevantenVerantwortung der Unternehmen. Die Vorbereitung dieserNummer erforderte die Mobilisierung sehr unterschiedlicherPersönlichkeiten :

- Zuerst erschien es nützlich, Experten das Wort zu erteilen,die die soziologischen Grundlagen unseres Handelns und dieBeispiele aus anderen Ländern untersuchen können ;

- Beamte des höheren Dienstes erklärten sich dazu bereit, diefranzösische Politik und die makroökonomische Perspektivezu kommentieren ;

- Persönlichkeiten verschiedenster Provenienz hatten dieFreundlichkeit, ihr Engagement und die Konzepte, die ihremHandeln zugrunde liegen, zu erklären, und Mittel zurErreichung ihrer Ziele vorzuschlagen ;

- Unternehmensleiter steuerten Beiträge bei, die von ihremDenken in großen Zusammenhängen und von ihrerUrteilskraft angesichts der vielfältigen Aspekte desWirtschaftslebens zeugen ;

- Zuletzt erläuterten der Vizepräsident des Conseil général del’industrie, de l’énergie et des technologies (Generalrat derIndustrie, der Energie und der Technologien) und der Chefdes Service du Contrôle général économique et financier(Behörde für die allgemeine Wirtschafts- undFinanzkontrolle) einige Orientierungen, die erkennen ließen,dass die gesellschaftlichen und umweltrelevanten Thementrotz der intrinsischen Komplexität und der Leidenschaften,die sie auslösen, mit größtmöglicher Gründlichkeit behandeltwerden.

Kulturen und Leistungsfähigkeit

Philippe d’Iribarne

Über die Leistungsfähigkeit der Unternehmen lässt sich nichtim Absoluten, losgelöst von Ort und Zeit, urteilen ... DieKonzeption der Leistungsfähigkeit hängt nicht allein von denobjektiven Faktoren des Unternehmenskontextes ab (von derdurchschnittlichen Rentabilität des Kapitals, vom Gewicht derUmweltgesetzgebung, ...), sondern in noch tieferer undsubtilerer Weise von kulturellen Gegebenheiten.

Denn jedes Land hat seine Traditionen, seine Vorstellungenvon den Rechten und Pflichten seiner Bürger und damit seineKonzeption der Leistungsfähigkeit der Unternehmen (inFrankreich beispielsweise kommt den Statuten und demEhrbegriff in der Definition der Arbeitsverhältnisse und derbetrieblichen Organisation hohe Bedeutung zu, für die USAhingegen ist das Vorherrschen des Gewinnstrebens und dieLeidenschaft für den „fairen“ Vertrag kennzeichnend ...).

Tatsachen im Rahmen einer jeden Kultur zu beobachten undsoziologische Analysen dessen vorzunehmen, was dieverschiedenen Kulturen vereint oder trennt, ist keinesfalls nurvon akademischem Interesse : verstehen, wie sich verschiedene

Konzeptionen der Leistungsfähigkeit auswirken, kanntatsächlich Perspektiven auf nationaler Ebene eröffnen undvon Nutzen für die Verwaltung der multinationalenUnternehmen oder von Vorteil für internationaleVerhandlungen sein.

Die Zustimmung der Schwellenländer zur unternehmerischenGesellschaftsverantwortung (trotz der Vieldeutigkeiten)

Michel Doucin

Die unternehmerische Gesellschaftsverantwortung hatAspekte, die vielseitiger sind als man grundsätzlich annehmenkönnte, und dies macht sie zu einem vieldeutigen Konzept :

aufgrund ihrer verschiedenen und sich überschneidendenUrsprünge (philosophische, utopistische, religiöse undpatriarchalische Ursprünge), aber auch aufgrund der„utilitaristischen“ Vision, die mit der unternehmerischenGesellschaftsverantwortung verbunden ist (die Reduzierunggewisser Risiken für die Unternehmen, die im Endeffektgleichbedeutend mit einer Profitmaximierung wäre).

Diese vielfältigen Ursprünge interagieren mit Kontexten undBedürfnissen, die ebenfalls sehr unterschiedlich sind : vieleSchwellenländer (wie China, Indien oder Brasilien) betrachtendie unternehmerische Gesellschaftsverantwortung als einMittel zur Eindämmung von sozialem und politischemDruck, der aus den starken Ungleichheiten in den genanntenLändern resultiert.

Daraus wird deutlich, dass zwischen der gesellschaftlichenVerantwortung der Unternehmen und den staatlichenBehörden komplexe Wechselwirkungen bestehen. DieUnternehmen können durch ein Management, das derGesellschaftsverantwortung verpflichtet ist, gewisse Grenzenpolitischen Handelns kompensieren. Umgekehrt verfügen diestaatlichen Behörden oft über die notwendige Macht undLegitimität, um die Unternehmen dazu zu veranlassen, aneiner besseren Regulierung des wirtschaftlichen undgesellschaftlichen Lebens mitzuwirken.

Die unternehmerische Gesellschaftsverantwortung in Japan, vonder Edo-Epoche zum Atomunfall von Fukushima

Etienne Rolland-Piègue

Hinter der anscheinend universellen Zustimmung zumKonzept der unternehmerischen Gesellschaftsverantwortungverbergen sich methodische Unterschiede, die inunterschiedlichen Denktraditionen verwurzelt sind.

Die Werte der japanischen Unternehmenskultur, die auf dieHändler der Edo-Zeit und auf die Pioniere des japanischenKapitalismus der Meiji-Ära zurückgehen, haben immer mitNachdruck die Verschiedenheit derjenigen hervorgehoben, dieman heute die „Abnehmer“ nennt, d.h. alle Partner, die überdie Aktionäre hinaus zum Erfolg des Unternehmens beitragenund am Ertrag teilhaben.

Die unternehmerische Gesellschaftsverantwortung wurde von2003 an aus Europa eingeführt und wurde von denjapanischen Firmen, die sich den weltweiten Standardsanpassen wollten, schnell institutionalisiert. In ihrerjapanischen Umsetzung werden die sozialen Fragen ( die dentraditionellen japanischen Werten entsprechen) kaumerwähnt ; sie privilegiert die Umweltfragen, denVerbraucherschutz ... Die Nichtregierungsorganisationen sind

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AN UNSERE DEUTSCHSPRACHIGEN LESER

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in Japan nicht sehr zahlreich vertreten und der Staat weigertsich, irgendwie geartete Richtlinien festzulegen, aber seineWirtschaftspolitik unterstützt die Konzeption derunternehmerischen Gesellschaftsverantwortung und müsstebeispielsweise zur Verbreitung der neuen ISO-Norm 26 000beitragen.

Seit März 2011 ist eine neue Phase eingetreten, auf derbedrückende Unsicherheiten lasten : das verheerendsteErdbeben der Nachkriegszeit und die kritische Situation desAtomkraftwerks von Fukushima Daiichi müssten zu einerfundamentalen Infragestellung der Erwartungen führen, diedie Japaner in ihre Unternehmen und staatlichen Behördensetzen.

Die wirtschaftliche Dimension der französischen Umweltpolitikseit dem Umweltgipfel von Grenelle im Jahr 2007

Michèle Rousseau

Die 2007 eingeleitete Umweltpolitik (Grenelle del’Environnement) hat den Ehrgeiz, die gesamte Zivilgesellschaftzu mobilisieren, um Antworten auf die gewaltigenHerausforderungen der klimatischen und ökologischen Krisezu finden.

Im Gefolge der Finanzkrise hat diese Umweltpolitik, die voneinem Investitionsplan von 440 Milliarden Euro für alleAkteure der Wirtschaft flankiert ist, über ihre ursprünglichenMotive hinaus das große Ziel, Frankreich auf den Weg einesneuen Wirtschaftswachstums zu führen : es geht um eingrüneres Wachstum, das auf der Entwicklung neuerIndustriezweige und auf der Anpassung zahlreicherWirtschaftssektoren beruht, und das sparsamereVerbrauchsweisen natürlicher Ressourcen begünstigt.

Die Kommission über die Messung der wirtschaftlichenLeistungsfähigkeit und des gesellschaftlichen Fortschritts, ihreArbeit und ihre Folgen

Jean-Philippe Cotis

Die auf Initiative des französischen Staatpräsidentengeschaffene Commission Stiglitz, die von Joseph Stiglitz,Amartya Sen und Jean-Paul Fitoussi geleitet wurde, hatte denAuftrag, die Grenzen des Bruttoinlandsprodukts als Indikatorfür wirtschaftliche Leistungsfähigkeit und gesellschaftlichenFortschritt zu prüfen und zusätzliche Informationen zuermitteln, die notwendig sein könnten, um passendereIndikatoren zu finden.

Die Empfehlungen des Berichts, der am 14. September 2009vorgestellt wurde, trafen sowohl in der französischenÖffentlichkeit als auch in der internationalen Gemeinschaftauf reges Interesse. Sie fordern dazu auf, dasBruttoinlandsprodukt nicht durch einen anderensynthetischen Indikator zu ersetzen, sondern es durch eineReihe von Indikatoren zu ergänzen, deren Leitlinien definiertwerden. Ihre Anwendungen sowohl im Rahmen der Analysendes Institut national de la statistique et des études économiques(INSEE) als auch in internationalen Organisationen nehmenForm an. Diese Empfehlungen sind ehrgeizig, so dassbeträchtliche Anstrengungen auf lange Sicht notwendig sind.

Ein Engagement, Konzepte und Methoden für eine Wirtschaft imDienst des Menschen

Die globale Leistungsfähigkeit, für nachhaltige Unternehmen

Michel Meunier und Daniel Luciani

Ganz im Sinne seiner Berufung, ein „Laboratorium derArbeitgeber“ zu sein, hat das Centre des Jeunes Dirigeants im

Jahr 2002 das Konzept der „globalen Leistungsfähigkeit“ fürnachhaltige Unternehmen entwickelt. Die „globaleLeistungsfähigkeit“ ist ein wahres Modellverantwortungsvoller Tätigkeit, das die wirtschaftliche,soziale, gesellschaftliche und ökologische Dimensionunauflöslich in die unternehmerische Strategie undGovernance integriert. Fast zehn Jahre später haben mehr als2000 junge Führungskräfte dieses Modell in ihrenUnternehmen ausprobiert. Überprüfung, Erfahrungsgewinnund Aussichten.

Die Global Reporting Initiative : zur Transparenz derUnternehmen

Teresa Vogelberg

Die Global Reporting Initiative, die 1997 gegründet wurde, istzu einem weltumspannenden Dialograum für die Abnehmerdes betrieblichen Berichtswesens auf dem Gebiet derNachhaltigkeit geworden, unter denen Frankreich den erstenPlatz einnimmt.

Die GRI stellt eine weltweit beachtete Referenz für dasUmwelt-Reporting dar, insbesondere aufgrund der Leitlinien,die den Basisinhalt der Berichte zur Nachhaltigkeit für dieUnternehmen aufbereiten.

Die Anerkennung wird im Gefolge der Finanzkrise zunehmen,da insbesondere bei den Investoren ein Bedürfnis nachTransparenz in Bezug auf Informationen über Umwelt,Gesellschaft und Governance festzustellen ist.

Die verantwortungsvolle Leistungsfähigkeit der Unternehmen :Rechnungsprüfungen und Bewertungen können zu ihrem Erfolgbeitragen und die Entscheidungen der Investoren erleichtern

Nicole Notat

Die „Abnehmer“ sind die Vertreter vielfältiger Interessen, dieüber diejenigen der Eigentümer des Unternehmenshinausgehen ; zu ihnen zählen die Beschäftigten, dieVerbraucher, die Verbände, die Behörden, dieNichtregierungsorganisationen ... Diese Abnehmer habenneue Debatten angestoßen und neue Kräfteverhältnissegeschaffen. Für das Unternehmen bringt diese Situationgewisse Risiken mit sich. Umgekehrt eröffnet die Beachtungder gesellschaftlichen Verantwortung dem UnternehmenMöglichkeiten zur Innovation und Differenzierung, die seineWertschöpfung nicht unberührt lassen. Die „Ethikfonds“ (diemoralische Erwägungen privilegieren) und die „sozialverantwortlichen Fonds“ (die die Erfüllung der sozialenVerantwortung als Beweis einer guten Entwicklung ansehen)sind Beispiele von Händlern, die das Engagement derUnternehmen, in die sie investieren können, aufmerksamverfolgen.

Im Allgemeinen ist die Agentur Vigeo für Asset-Manager tätigund prüft, wie umsichtig die Unternehmen ihre sozialen undumweltbezogenen externen Effekte verwalten. Unter gewissenBedingungen, die deontologischen Rahmenbedingungenunterliegen, kann eine Agentur wie Vigeo die Unternehmenauch beraten oder deren Bücher testieren.

Die ISO-Norm 26 000 zur gesellschaftlichen Verantwortung :eine vielversprechende Konvergenz, trotz unterschiedlicherSensibilitäten

Christian Brodhag

Umfassende Verhandlungen zwischen vielen Parteien führtenim November 2010 zum Beschluss der ISO-Norm 26 000über die gesellschaftliche Verantwortung der Organisationen,insbesondere der Unternehmen. Mit dieser Norm verbinden

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sich wichtige Anliegen im Bereich der gesellschaftlichenVerantwortung im eigentlichen Sinne und im Bereich dernachhaltigen Entwicklung mit all ihren Komponenten(Umwelt, Gesellschaft und Wirtschaft).

Die ISO-Norm 26 000 ist das Ergebnis zahlreicherKompromisse zwischen dem „Vertragsprinzip“, das auf demWillen und dem Interesse der Parteien beruht, und dem„Institutionsprinzip“, das den politischen Organen Vorrangeinräumt, zwischen den Willensbekundungen zugunsten derWirtschaftsentwicklung und der Steigerung der Ausfuhrenund denjenigen zu restriktiveren Politiken und zwischen denBestrebungen des „Nordens“ und denjenigen des „Südens“ ...Die wenigen Stimmen gegen die Annahme der ISO-Norm 26000 (Kuba, Vereinigte Staaten, Indien, Luxemburg undTürkei) und die Enthaltungen (wie diejenige Deutschlands)beweisen, dass immer noch große Meinungsverschiedenheitenbestehen.

Nichtsdestoweniger ist mit der ISO-Norm 26 000 eine „Meta-Regulation“ zustande gekommen, die dazu beiträgt, für dieKonzeption der nachhaltigen Entwicklung eineOperationsbasis zu schaffen, die mit einem breiten Konsensrechnen kann.

Einige Instrumentarien für die gesellschaftliche Verantwortung desUnternehmens

François Fatoux

Die Unternehmen und ihre Partner (die Investoren undFinanzverwalter) fühlen sich immer stärker von dergesellschaftlichen und ökologischen Verantwortung, vondeontologischen Regeln, vom Verhaltenskodex, vonEthikfonds ... betroffen.

In diesem neuen und komplexen Kontext nutzen etwahundert Organisationen (Großunternehmen, Gesellschaftenfür die Verwaltung von Anlagebeständen, Gewerkschaften,Nichtregierungsorganisationen, Versicherungen undGenossenschaften) die Kompetenz des Observatoire sur laresponsabilité sociétale des entreprises (ORSE). DieseOrganisation übt eine permanente Aufsicht überDenkrichtungen, Instrumentarien und Praktiken aus.Aufgrund der erworbenen Erfahrung ist sie zum Beispiel inder Lage, eine Vorgehensweise zu empfehlen, die dieverschiedenen Abnehmer berücksichtigt und die weitgehendauf Verträgen beruht.

Kann der Handel dadurch gewinnen, dass er fair wird ?

Pierre-François Couture

Was ist fairer Handel ? Es ist ein Welthandel, der dieEntwicklung der am wenigsten fortgeschrittenen Länderbegünstigt, der sich für den progressiven Rückgang vonstruktureller Unterernährung engagiert, und der das Prinzipder nachhaltigen Entwicklung fördert, indem er insbesonderedie Achtung vor der Artenvielfalt als entscheidendes Kriteriumherausstellt. Durch den fairen Handel vollzieht sich derKaufakt in einem ethischen Rahmen und garantiert denProduzenten einen Mindestpreis, der unantastbar ist, auchwenn die Kurse fallen, was ihm eine starke Spezifizität verleiht.

Der nachhaltige Handel steht im Dienst der Entwicklung undberuht auf einer Philosophie, die man folgendermaßenzusammenfassen kann : Handel ist besser als Hilfe (Trade, notAid).

Im gegenwärtigen Kontext ist der faire Handel zwar vor allemauf die Situation der Erzeuger des Südens fokussiert, aber ermöchte ein Modell sein, ein Vorbild, das Veränderungen in

den Praktiken des nationalen und internationalen Handelsbewirken soll. Eine wichtige Rolle kommt den eigentlichenAkteuren des fairen Handels zu.

Die Ethikfonds und die gesellschaftliche Verantwortung : von denheiligen Schriften zum Finanzkapitalismus

Grégoire Postel-Vinay

Dieser Artikel schildert im ersten Teil die Geschichte derFonds, deren Verwaltung die ethische Ausrichtung oder diegesellschaftliche und ökologische Verantwortung derUnternehmen berücksichtigt, und prüft die Kriterien, für diesie sich entscheiden, und ihre Entwicklungen. Im zweiten Teillenkt er die Aufmerksamkeit auf einige Tendenzen der letztenJahre. Im dritten Teil behandelt er mögliche wirtschaftlicheund industrielle Folgen sowie die Auswirkungen auf dasöffentliche Handeln, die sich aus der wachsenden Bedeutungdieser Fonds ergeben können.

Die La Poste-Gruppe auf der Suche nach globalerLeistungsfähigkeit

Georges Lefebvre

Modernisieren, ohne sich zu verleugnen. Diesem Leitsatzfolgend führte La Poste die Umstrukturierung der Gruppedurch und stellte sich den oftmals widersprüchlichenHerausforderungen, die zu bewältigen waren : auf einem totalliberalisierten Markt bestehen zu können und dieVerpflichtung zum öffentlichen Dienst voll auszufüllen, einekundenfreundliche Nähe zu den Franzosen zu pflegen undgleichzeitig die Anpassung an die neuenKommunikationsweisen zu fördern, die in zunehmendemMaße entmaterialisiert sind.

Indem die Gruppe auf Vertrauen setzte und alle Dimensionender Leistungsfähigkeit miteinander verband – diewirtschaftlichen und sozialen wie die gesellschaftlichen undökologischen -, fand sie den Weg zu einer ausgewogenen undnachhaltigen Entwicklung.

France Telecom : von der Bewältigung einer Krise zu einer neuenSinngebung

Marc Fossier

Unter dem Zwang sehr schneller Veränderungen und unterdem sehr starken Druck neuer Wettbewerbs- undRegelungsverhältnisse unterschätzte die Groupe France Télécomdie Auswirkungen auf die Beschäftigten in Frankreich undwurde mit einer schweren sozialen Krise konfrontiert. Dankder Maßnahmen, die zur Bewältigung dieser Sinn- undManagementkrise getroffen wurden, war es möglich, einenneuen Ehrgeiz zu entwickeln, der wirtschaftlicheLeistungsfähigkeit und sozialen, gesellschaftlichen undökologischen Fortschritt miteinander vereinbaren will.

Die Umweltkonzeption der Régie autonome des transportsparisiens (RATP)

Yves Ramette

Die RATP spielt eine äußerst wichtige Rolle in derEntwicklung einer Mobilität in der Île-de-France, die mit dernachhaltigen Entwicklung vereinbar ist. Dieses Zielverfolgend hat sie in den neuen Bereichen dergesellschaftlichen und ökologischen Leistungsfähigkeitbeträchtliche Anstrengungen unternommen, um sie inEinklang mit den Erfordernissen der globalenLeistungsfähigkeit des Unternehmens zu bringen.

In diesem Artikel beschreiben wir zuerst die Methode desUnternehmens, die darauf abzielt, die Themen der

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nachhaltigen Entwicklung zu hierarchisieren und die Projektezu systematisieren. Dann stellen wir die aus derUmweltkonzeption hervorgegangenen Innovationen vor, diedazu geeignet erscheinen, die Umweltgerechtigkeit undgleichzeitig die wirtschaftliche Leistungsfähigkeitvoranzubringen.

Die EDF-Gruppe : einige originale Instrumentarien für eineumweltgerechte Politik zu begrenzten Kosten

Philippe Huet und Claude Nahon

Es müssen bisweilen originelle Lösungen erdacht werden,damit eine ehrgeizige Umweltpolitik unter gutenwirtschaftlichen Bedingungen durchgeführt werden kann. Sofinanziert beispielsweise der „Fonds carbone“ von EDFProjekte, die darauf abzielen, die CO2-Emissionen in gewissenLändern zu reduzieren, und die es EDF erlauben,Emissionskredite zu erhalten. Diese Verfügung hat einen Preis,aber sie ermöglicht es, eine optimale Übereinstimmung derEDF-Gruppe mit ihren Verpflichtungen zur Reduzierung derEmissionen gemäß der europäischen Richtlinie EU-ETS zuerzielen ... und sie ist sogar zur Grundlage eines neuenGeschäftsfeldes geworden. Außerdem ist EDF an diegesetzliche Verpflichtung gebunden, Energieeinsparungen zubewirken, oder mangels Resultaten beträchtliche Geldstrafenzu bezahlen. Der Mechanismus der „zertifiziertenEinsparungen“ erlaubt es, das angestrebte Resultat zuerreichen und gleichzeitig die Modalitäten und die Kostenoptimal zu gestalten.

Aber die Komplexität der technisch-ökonomischenInstrumentarien ist nicht alles : EDF entwickelt auchverschiedene Verfügungen, die auf mehr Transparenz und aufbessere Beziehungen zu ihren Abnehmern abzielen. InFrankreich beruhen diese Beziehungen auf multikategorialenInstanzen und auf Partnerschaften. Alles in allem haben dieangestrebten Fortschritte viele Dimensionen : dieUmweltpolitik (wie die Wahrnehmung der sozialen undgesellschaftlichen Verantwortung ) kann eine nachhaltigeWertschöpfung zum Ziel haben, die sich auf alle Ebenen derEnergieversorgungskette, von der Produktion bis zumVerbrauch, auswirkt.

Wenn das Nachhaltigkeitsmanagement von Danone einerÜberprüfung unterzogen wird

Philippe Hellich und Martial Vidaud

Die Methode „Danone Way“ entspricht nicht nur denPrinzipien der nachhaltigen Entwicklung in der Danone-Gruppe, sondern auch den Empfehlungen zur Anwendungdieser Prinzipien und der dazugehörigen Indikatoren. Diebehandelten Bereiche können auf den ersten Blick zu abstrakterscheinen, um systematisch überprüft zu werden, doch die

Methode wird tatsächlich regelmäßig in denTochtergesellschaften von Danone durch Wirtschaftsprüferkontrolliert.

Die Schlüsselfaktoren des Erfolgs dieser Prüfungstypen sind :

- die Prüfungsabteilung ist in den Prozess desNachhaltigkeitsmanagements ebenso einbezogen wie zumBeispiel in diejenigen des Einkaufs- oder desProduktionsmanagements,

- die Qualität der Vorbereitungsphase,

- die Ausbildung der Wirtschaftsprüfer durch Fachleute aufdiesem neuen Gebiet,

- schließlich eine pädagogische Konfrontation mit denÜberprüften, die nicht an diese Arbeitsweise gewöhnt sind

Sind diese Bedingungen alle erfüllt, trägt dieWirtschaftsprüfung zum Erfolg der Methode desNachhaltigkeitsmanagements bei und bereichert die Paletteder Kompetenzen der Firmenprüfer.

Zur Begründung von Entscheidungen und zur Bewertung ihrerFolgen

Charles Coppolani und Pascal Faure

Es besteht Veranlassung zur Freude darüber, dassoffensichtlich immer mehr Menschen sich Sorgen übergesellschaftliche und umweltbezogene Themen machen unddass diese Tendenz insbesondere auch in den Unternehmen zubeobachten ist.

Doch diese zunehmende Tendenz ist auch mit vielfältigenHerausforderungen verbunden ... Insbesondere fragt es sich,wie sichergestellt werden soll, dass die Umwelt- undGesellschaftsthemen trotz ihrer intrinsischen Komplexität undder Leidenschaften, die sie auslösen, mit der größtmöglichenSachlichkeit behandelt werden ?

Diese Frage stellt man sich natürlich in den Unternehmen. Siewird auch in den staatlichen Institutionen diskutiert, denendie Verantwortung für diese Bereiche obliegt (eine direkteVerantwortung, wenn es sich um den Staat selbst oder umöffentliche Unternehmen handelt, und eine indirekte, wenn esum private Unternehmen geht).

Zur Beantwortung dieser Frage versuchen wir einigeGrundbegriffe beizusteuern, die herausstellen, was dieForschung, was spezialisierte und aus verschiedenstenDisziplinen schöpfende Gutachten, was komplette undkohärente Governance-Prozesse in den Unternehmen, was derAustausch von Erfahrungen, was Ausbildung, Informationund Debatten zu dem Thema vermitteln können.

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RÉALITÉS INDUSTRIELLES • MAI 2011 143

PREFACIO

Nuevos líderes del rendimiento empresarial, aspectos sociales yambientales

Jacques Batail

La revista Réalités Industrielles dedica su número de mayo de2011 a las responsabilidades sociales y ambientales de lasempresas. La redacción de este número requirió el apoyo depersonalidades muy diferentes:

- En primer lugar, nos pareció útil contar con la opinión depersonas que supieran explorar las bases sociológicas denuestras acciones y los ejemplos extranjeros;

- Altos funcionarios aceptaron presentar las políticas francesasal igual que el enfoque macroeconómico del país.

- Otras personalidades de diferentes horizontes aceptaron lainvitación para explicar el compromiso al igual que losconceptos que sustentan sus acciones, y presentar lasherramientas utilizadas;

- Varios gerentes de empresas expresan una opinióncaracterizada por una capacidad de síntesis y arbitraje en losdiversos aspectos de la vida económica;

- Por último, el Vicepresidente del Consejo General deIndustria, Energía y Tecnologías y el Director delDepartamento de Control general económico y financieroevocan algunos enfoques que permiten pensar que lascuestiones sociales y ambientales, a pesar de su complejidadintrínseca y las pasiones que generan, se tratan con la mayorrelevancia posible.

Las culturas y el rendimiento

Philippe d’Iribarne

El rendimiento de las empresas no se puede evaluar de formaabsoluta, sin tener en cuenta la época o el lugar... Más allá delos factores objetivos relacionados con el contexto de lasempresas (la rentabilidad media del capital, el peso de lalegislación ambiental, etc.) el diseño del rendimiento dependetambién, de forma más profunda y sutil, de los datosculturales.

Cada país tiene sus propias tradiciones, su forma de definir losderechos y deberes de cada quien y, por lo tanto, suconcepción del rendimiento empresarial.

En Francia, por ejemplo, los conceptos de estatuto y de honorson muy importantes en la definición de las relaciones socialesy la organización del trabajo. En los Estados Unidos, el papeldesempeñado por la sed de ganancia y la lucha por loscontratos «justos» reemplazan los conceptos franceses.

La observación de los hechos, en el contexto de cada cultura,y la reflexión sociológica sobre lo que une y separa lasdiferentes culturas, van más allá del contexto académico.Entender las diferentes concepciones de rendimiento puedecrear perspectivas a nivel nacional, ayudar a la administraciónde las empresas multinacionales o aportar información para lasnegociaciones internacionales.

El auge de la responsabilidad social empresarial en los paísesemergentes (a pesar de sus ambigüedades)

Michel Doucin

La Responsabilidad Social Empresarial (RSE) tienecaracterísticas más diversas de lo que pudiésemos imaginar,que lo convierten en un concepto ambiguo.

Esta ambigüedad puede proviene de sus orígenes múltiples ycomplejos (filosóficos, utópicos, religiosos y paternalistas), aligual que de la visión «utilitarista» que frecuentemente sevincula a la RSE: la reducción de algunos riesgos para laempresa, que a largo plazo resultan en una maximización debeneficios.

Estos orígenes diversos actúan con contextos y necesidadesdiversas: muchos países emergentes (por ejemplo, China, Indiao Brasil) ven en la RSE un medio para retener la presión socialy política derivada de las desigualdades sociales existentes endichos países.

De ahí la dificultad de interacción entre la RSE y lasautoridades públicas. Las empresas, a través de la RSE, puedencompensar algunos de los límites de la acción pública. Por otraparte, los poderes públicos a menudo tienen la posibilidad y lalegitimidad necesarias para hacer que las empresas contribuyana un mejor control de la vida económica y social.

La responsabilidad social empresarial en Japón, del período Edo alaccidente nuclear de Fukushima

Etienne Rolland-Piègue

Detrás de una aparente adhesión universal al concepto deResponsabilidad Social Empresarial (RSE) se ocultandiferencias de enfoque arraigadas en tradiciones depensamiento distintas.

Los valores empresariales japoneses, que remontan a loscomerciantes del período Edo y los pioneros del capitalismojaponés de la era Meiji, han puesto de relieve la diversidad delos que ahora llamamos «partes interesadas»; es decir, todos losactores que, sin contar los accionistas, contribuyen a laprosperidad de la empresa y deberían compartir sus frutos.

La RSE (importada de Europa a partir de 2003) ha sidoobjeto de una rápida institucionalización por parte de lasempresas japonesas que buscan cumplir con las normasmundiales. La RSE a la japonesa trata muy poco los asuntossociales (que provienen de los valores tradicionales japoneses)centrándose en las cuestiones del medio ambiente,protección de los consumidores, etc. La presencia de lasONG en Japón es muy rara y el Estado se niega adesempeñar un papel directivo, pero sus políticas deseguimiento apoyan la RSE y pueden contribuir a la difusiónde la nueva norma ISO 26 000.

En marzo de 2011, una nueva etapa, llena de incertidumbreha empezado: el terremoto más devastador de la post-guerra yla crisis de la central nuclear de Fukushima Daiichicuestionarán las expectativas de los japoneses respecto a susempresas y gobierno.

A NUESTROS LECTORES DE LENGUA ESPAÑOLA

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La dimensión económica del Grenelle de l’Environnement

Michèle Rousseau

El programa del gobierno francés para el medio ambienteGrenelle de l’Environnement fue lanzado en 2007 con elobjetivo de movilizar a toda la sociedad civil para afrontar losinmensos desafíos planteados por el cambio climático y lacrisis ecológica.

A raíz de la crisis financiera, el Grenelle de l’Environnement (através de un plan de inversiones de 440 000 millones de eurospara todos los actores económicos) busca, además de suobjetivo original de dirigir a Francia hacia un nuevocrecimiento económico, un crecimiento más ecológico, basadoen el desarrollo de nuevos sectores industriales, y la adaptaciónde varios sectores de la economía, fomentando el surgimientode un modo más económico de consumo de los recursosnaturales.

Trabajos y consecuencias de la Comisión sobre la medición delrendimiento económico y del progreso social

Jean-Philippe Cotis

Creada por iniciativa del Presidente de la República francesa,dirigida por Joseph Stiglitz, Amartya Sen y Jean-Paul Fitoussi,la “Comisión Stiglitz” tenía como objetivo examinar loslímites del producto interno bruto (PIB) como indicador derendimiento económico y progreso social, e identificar lainformación adicional que pudiese ser necesaria para crearindicadores de mayor relevancia.

Las recomendaciones del informe publicado el 14 deseptiembre de 2009 tuvieron un gran éxito entre el público engeneral y la comunidad internacional. No buscabanreemplazar el PIB por otro indicador sintético, sinocomplementarlo con un conjunto de indicadores queproporcionaran líneas directrices.

Su puesta en práctica tanto en las obras del INSEE (Institutofrancés de estadística y estudios económicos) como de lasorganizaciones internacionales empieza a tomar forma. Estasrecomendaciones son ambiciosas, por lo que el esfuerzonecesario deberá ser a largo plazo.

Compromisos, conceptos y métodos para una economía al serviciodel hombre.

El rendimiento global para empresas sostenibles

Michel Meunier y Daniel Luciani

Cumpliendo con su vocación de «laboratorio de losempleadores», el Centro de Jóvenes Dirigentes creó en 2002 elconcepto de Performance globale® para las empresassostenibles. La Performance globale es un modelo derendimiento responsable que incorpora, de forma inseparable,en la estrategia y la administración de las empresas, ladimensión económica, social, medioambiental y social.

Casi diez años después, más de 2000 jóvenes ejecutivos hanpuesto en marcha este enfoque en sus empresas. Este artículopresenta un análisis detallado, así como algunos retornos deexperiencia y perspectivas.

La lucha de la iniciativa Global Reporting Initiative por latransparencia de las empresas

Teresa Fogelberg

Fundada en 1997, la Global Reporting Initiative (GRI) se haconvertido en un espacio global para el diálogo entre losactores interesados en la presentación de informes sobre el

desarrollo sostenible, entre los cuales Francia ocupa el primerlugar.

Actualmente, la GRI es una referencia mundial en términos depresentación de informes «ambientales», especialmente através de las directrices que describen el contenido básico delos informes sobre el desarrollo sostenible, destinadasesencialmente a las empresas.

Este reconocimiento puede aumentar como consecuencia de lacrisis financiera con el nacimiento, especialmente entre losinversores, de la necesidad de transparencia de la informaciónambiental, social y de gobernanza.

El rendimiento responsable de las empresas. La auditoría comoinstrumento de progreso y la notación para facilitar las decisionesde los inversores

Nicole Notat

Las «partes interesadas» son los representantes de diversosintereses que van más allá de los de los propietarios de laempresa. Estas incluyen a los empleados, consumidores,asociaciones, empresas públicas, ONG, etc. Estos actores hanabierto nuevos debates y han creado nuevas relaciones depoder. Para la empresa, esto crea ciertos riesgos.

Por otra parte, un enfoque socialmente responsable abreoportunidades para la innovación y diferenciación que tienenuna influencia en la creación de valor.

Los «fondos éticos» (que hacen hincapié en las consideracionesmorales) y los «fondos socialmente responsables» (que ven laatención prestada a la responsabilidad social como una buenaseñal de desarrollo) son ejemplos de operadores atentos a loscompromisos de las empresas en las que pueden invertir.

En general, la agencia Vigeo actúa por cuenta de losadministradores de activos midiendo el grado de control quetienen las empresas sobre los asuntos sociales y ambientales.Bajo ciertas condiciones, reguladas en términos de ética, unaagencia como Vigeo también puede asesorar y/o auditar lasempresas.

La norma ISO 26 000 sobre la responsabilidad social, unaconvergencia prometedora, a pesar de la diversidad desensibilidades

Christian Brodhag

En noviembre de 2010 amplias negociaciones multipartidistascondujeron a la norma ISO 26000 sobre la responsabilidadsocial de las organizaciones, en especial de las empresas. Estanorma trata varios problemas en materias de responsabilidadsocial en el sentido estricto de la palabra y en términos dedesarrollo sostenible de todos sus componentes (ambientales,sociales y económicos).

La norma ISO 26000 es el resultado de varios compromisosentre un enfoque «contractualista», basado en la voluntad y losintereses de las partes y un enfoque «institucionalista» que sefundamenta en las instituciones políticas, entre los deseos dedesarrollo económico y crecimiento de las exportaciones y unenfoque más restrictivo, y entre las aspiraciones del «Norte» ydel «Sur» ...

Los pocos votos que se opusieron a la adopción de la normaISO 26000 (de Cuba, Estados Unidos, India, Luxemburgo yTurquía) y las abstenciones (Alemania), demostraron que aúnexisten ciertas divisiones.

El hecho es que la ISO 26000 proporciona una «meta-regulación», que contribuirá al desarrollo sostenible con basesoperativas ampliamente compartidas.

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Herramientas para la responsabilidad social de las empresas

François Fatoux

Las empresas y sus asociados (inversores y gestores financieros)se interesan cada vez más por la responsabilidad social yambiental, las normas éticas, códigos de conducta, inversioneséticas, etc.

En este contexto nuevo y complejo, cientos deorganizaciones (grandes empresas, empresas de gestión decartera, sindicatos, organizaciones no gubernamentales(ONG), fondos mutuos y de pensiones, etc.) se han unido alObservatorio de la Responsabilidad Social de las Empresas(ORSE). Este observatorio realiza de forma permanenteinvestigaciones sobre las corrientes de pensamiento, lasherramientas y las prácticas. La experiencia que ha ganado lelleva, por ejemplo, a recomendar un enfoque abierto,ampliamente contextual, sobre las distintas partesinteresadas.

¿El comercio gana algo al convertirse en justo?

Pierre-François Couture

¿Qué es el Comercio Justo? Es un comercio mundial quepromueve el desarrollo de los países menos desarrollados,permite la eliminación gradual de las zonas de desnutriciónestructural y se inscribe en una perspectiva de desarrollosostenible, incluyendo, en particular, el respeto de ladiversidad biológica.

El Comercio Justo inscribe la compra dentro de un marcoético, con la característica específica de garantizar a losproductores un precio mínimo, un precio intangible, inclusosi los precios bajan.

El comercio sostenible está al servicio del desarrollo y se basaen una filosofía que puede resumirse de la siguiente manera: elcomercio en lugar de la ayuda (Trade, not Aid).

Aunque actualmente el Comercio Justo se centraprincipalmente en el desarrollo de la situación de losproductores del Sur, su objetivo real es convertirse en unmodelo, un ejemplo para cambiar las prácticas del comerciotanto a nivel nacional como internacional, basándoseprincipalmente en los propios actores del Comercio Justo.

Los fondos éticos y socialmente responsables: de los libros sagradosal capitalismo económico

Grégoire Postel-Vinay

En la primera parte, este artículo traza la historia de los fondoscuya gestión tiene en cuenta los criterios éticos o laresponsabilidad social y ambiental de las empresas, los criteriosque se tienen en cuenta y sus evoluciones. En la segunda parte,se mencionan algunas de las tendencias recientes. En la terceraparte, indica algunas consecuencias económicas e industrialespotenciales y las implicaciones sobre la acción pública quepuede tener el aumento de estos fondos.

El grupo La Poste en busca de un rendimiento global

Georges Lefebvre

Modernizarse sin perder su identidad. Siguiendo esta línea deacción los correos de Francia La Poste han realizado sutransformación y enfrentan desafíos frecuentementecontradictorios: operar en un mercado plenamenteliberalizado, al mismo tiempo que ejerce su función de serviciopúblico, mantener una relación de cercanía con los franceses,mientras que se adapta a los nuevos usos de la comunicación,cada vez más desmaterializadas, etc.

Apostando en la confianza y combinando todos los aspectosdel rendimiento (económico, social y ambiental) La Poste haencontrado el camino a un desarrollo equilibrado ysostenible.

France Télécom, de la gestión de una crisis a la creación de unnuevo sentido

Marc Fossier

Sujeto a cambios muy rápidos y a fuertes presionescompetitivas y reguladoras, el Grupo France Telecom hasubestimado el impacto sobre sus empleados que trabajan enFrancia y se ha enfrentado a una crisis social muy grave. Lasmedidas adoptadas para hacer frente a esta crisis de sentido yde gestión han ayudado a construir una nueva ambición, quetrata de conciliar los resultados económicos y el progresosocial, social y ambiental.

El diseño ecológico en la RATP

Yves Ramette

La RATP (empresa administradora del metro de París) juegaun papel muy importante en el desarrollo de una movilidadcompatible con el desarrollo sostenible en la región Ile-de-France. Para ello, se ha lanzado sobre las nuevas rutas delrendimiento social y ambiental, incorporándolos alrendimiento global de la empresa.

En este artículo se analiza, en primer lugar, el enfoque de laempresa que tiene como objetivo dar prioridad a los asuntosrelacionados con el desarrollo sostenible y dar forma a nuevoscompromisos.

Seguidamente, se presentan las innovaciones en el campo deldiseño ecológico, que pueden fortalecer tanto el desempeñoambiental como el desempeño económico de la empresa.

El grupo EDF, herramientas originales para una acciónambiental con costes controlados

Philippe Huet y Claude Nahon

A veces se deben imaginar soluciones innovadoras para queuna acción medioambiental ambiciosa pueda llevarse a caboen buenas condiciones económicas. Así, por ejemplo, el«Fondo de Carbono» de EDF financia proyectos de reducciónde emisiones de CO2 en algunos países, lo que permite a EDFtener un balance crediticio al nivel de sus emisiones de CO2.Este dispositivo tiene un coste, pero maximiza elcumplimiento del Grupo EDF de sus obligaciones dereducción de emisiones establecidas en la Directiva europeaEU-ETS... e incluso se ha convertido en la base de un nuevonegocio.

Del mismo modo, EDF está sujeta a la obligación legal degenerar un ahorro de energía o, alternativamente, pagargrandes multas. El mecanismo de las «economías certificadas»logra el resultado deseado, al tiempo que optimiza losprocedimientos y los costes.

Sin embargo, las sofisticadas herramientas tecno-económicasno solucionan todo. EDF también está desarrollando variosdispositivos para una mayor transparencia y un mejorintercambio con sus grupos de interés. En Francia, este cambioimplica instancias multi-categorías y asociaciones. Al final, elprogreso buscado es multidimensional: las accionesambientales (como las acciones sociales) pueden centrarse en lacreación de valor sostenible a lo largo de toda la cadena desuministro de energía.

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Cuando el proyecto de desarrollo sostenible de Danone pasa unaauditoría…

Philippe Hellich y Martial Vidaud

El enfoque Danone Way comprende no sólo los principios deldesarrollo sostenible en el grupo Danone, sino también lasrecomendaciones para la aplicación de esos principios al igualque los indicadores relacionados. Incluso si las áreas cubiertaspueden, a priori, parecer demasiado abstractas para ser objetode análisis sistemáticos, el proceso se audita regularmente enlas filiales de Danone.

Los factores clave del éxito de este tipo de auditorías son:

- la consideración por parte del departamento de auditoría delproceso «desarrollo sostenible», al mismo nivel que el procesode «abastecimiento» o «producción», por ejemplo,

- la calidad de la fase de preparación,

- la formación de los auditores sobre este nuevo problemarealizada por profesionales,

- por último, un enfoque pedagógico de las personas auditadasque no están acostumbradas a este tipo de ejercicio.

Dadas estas condiciones, la auditoría contribuye al éxito delenfoque del desarrollo sostenible y mejora las habilidades delos auditores.

Explicar las decisiones y evaluar las consecuencias

Charles Coppolani y Pascal Faure

El auge de las preocupaciones sociales y ambientales al queasistimos actualmente, sobre todo en las empresas, debería serun motivo de regocijo.

Sin embargo, este auge plantea muchos retos. En particular,¿cómo hacer que los asuntos ambientales y sociales, a pesar desu complejidad intrínseca y las pasiones que generan, se tratencon la máxima relevancia?

Obviamente esta pregunta se plantea dentro de las empresas.Pero también en el Estado, que tiene responsabilidades en elasunto (una responsabilidad directa cuando se trata de élmismo o de las empresas públicas, e indirectamente en el casode las empresas privadas).

El artículo trata de ofrecer algunas respuestas que ponen derelieve lo que puede aportar la investigación, losconocimientos especializados y multidisciplinarios, losprocesos de gobernanza completos y coherentes dentro de lasempresas, el intercambio de experiencias, la formación,información y el debate.

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ANNALES DES MINES

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MINESFondées en 1794

F ondées en 1794, les Annales des Mines comp-tent parmi les plus anciennes publications éco-

nomiques. Consacrées hier à l’industrie lourde,elles s’intéressent aujourd’hui à l’ensemble de l’ac-tivité industrielle en France et dans le monde, sousses aspects économiques, scientifiques, techniqueset socio-culturels.

D es articles rédigés par les meilleurs spécialistesfrançais et étrangers, d’une lecture aisée,

nourris d’expériences concrètes : les numéros desAnnales des Mines sont des documents qui fontréférence en matière d’industrie.

L es Annales des Mines éditent trois séries com-plémentaires :

Réalités Industrielles,Gérer & Comprendre,

Responsabilité & Environnement.

Q uatre fois par an, cette série des Annales desMines fait le point sur un sujet technique, un

secteur économique ou un problème d’actualité.Chaque numéro, en une vingtaine d’articles, pro-pose une sélection d’informations concrètes, desanalyses approfondies, des connaissances à jourpour mieux apprécier les réalités du monde indus-triel.

Q uatre fois par an, cette série des Annales desMines pose un regard lucide, parfois critique,

sur la gestion « au concret » des entreprises et desaffaires publiques. Gérer & Comprendre va au-delàdes idées reçues et présente au lecteur, non pas desrecettes, mais des faits, des expériences et des idéespour comprendre et mieux gérer.

Q uatre fois par an, cette série des Annales desMines propose de contribuer aux débats sur

les choix techniques qui engagent nos sociétés enmatière d’environnement et de risques industriels.Son ambition : ouvrir ses colonnes à toutes les opi-nions qui s’inscrivent dans une démarche deconfrontation rigoureuse des idées. Son public :industries, associations, universitaires ou élus, ettous ceux qui s’intéressent aux grands enjeux denotre société.

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