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VOLUME 2 - N°1 - JANVIER-FÉVRIER 2011 - 35 €

Recherche • Panorama des avancées de la recherche fondamentale sur le cancer et le vieillissement

Santé publique • Douleurs en oncogériatrie

Cas clinique • Découverte d’un lymphome cérébral primitif lors d’un bilan de troubles cognitifs

Article original • Étude monocentrique de la faisabilité des traitements anticancéreux chez les patients âgés fragiles

Actualités • Compte-rendu du 3ème congrès Monaco Age Oncologie (Monaco, 3 – 5 février 2011)

• L’image du JOG - Une masse du pancréas : un diagnostic de détective !

Billet d’humeur • Place des soins de support en oncogériatrie : position du Président de l’Association Francophone pour les

Soins Oncologiques de Support (AFSOS)

Dossier thématique• Cancer de la prostate du sujet âgé

Dossier thématique• Cancer de la prostate du sujet âgé

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Chers Lecteurs,

Dans un contexte 2011 difficile où l’ensemble de la chaine des métiers de l’Industrie Pharmaceutique est en pleine muta-tion, la presse médicale n’est pas épargnée.

Malgré cela, le JOG, le Journal d’OncoGériatrie, lancé début 2010, a réussi à se faire une place de choix dans cet envi-ronnement, et ce grâce à l’engagement de tous.

2011 confirme aussi l’émergence de multiples indicateurs qui marquent l’intérêt grandissant de la communauté scien-tifique pour la discipline oncogériatrique: congrès médicaux, appel à projet sur le déploiement national d’Unités de Coordinationen OncoGériatrie (UCOG), programme de recherche dédié aux patients âgés atteints de cancer, programmes de forma-tion médicale continue pluridisciplinaires, et, bien évidemment, la création de la SoFOG, Société Francophone d’OncoGériatrie,dans la continuité des travaux engagés depuis de nombreuses années déjà par le Gépo-g (Groupe Français d’Echangede Pratiques en Onco-Gériatrie).

Le JOG, 1ère revue d’expertise scientifique francophone dédiée à l’oncogériatrie, se doit d’être l’organe de diffusion destravaux et communications du domaine, de soutenir les réflexions et les initiatives menées par l’ensemble des acteursimpliqués dans la prise en charge des cancers de la personne âgée.

Depuis son lancement, le JOG s’est construit son image scientifique grâce à la fixation d’une ligne éditoriale claire, unegrande qualité des articles publiés et un circuit d’expertise « Peer-Reviewing » de l'ensemble des articles scientifiquesreçus avant publication, ainsi qu’une politique d’abonnement soutenue.

Nous comptons donc sur chacun d’entre vous pour continuer à nous soutenir en poursuivant la soumission de vos tra-vaux et en vous abonnant au JOG, marquant ainsi notre volonté commune d’inscrire la réflexion oncogériatrique franco-phone au cœur des débats.

Vous allez maintenant découvrir ce nouveau numéro du JOG : volume II, numéro 1.

Très bonne lecture à tous. n

Dimitri VerzaDirecteur de la publication du Journal d’OncoGériatrieDocteur en Pharmaciewww.le-jog.com

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Éditorial

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VOLUME 2 - N°1 - JANVIER-FÉVRIER 2011

Rédacteurs en chefV. Girre (Paris)O. Guérin (Nice)

Directeur de la rédactionJ.-P. Spano (Paris)

Rédacteur en chef techniqueT. Marquet (Paris)

Advisory boardL. Balducci (Tampa - USA)J.-P. Droz (Lyon)

Chefs de rubriqueRecherche : G. Zulian (Genève - Suisse)Santé publique : T. Cudennec (Boulogne-Billancourt)Cas clinique : F. Retornaz (Marseille)Article original : C. Terret (Lyon)Actualités : L. Balardy (Toulouse), L. Mourey (Toulouse)

Comité éditorialG. Albrand (Lyon) - E.-C. Antoine (Neuilly-sur-Seine) - T. Aparicio (Bobigny) - A. Astier (Créteil) - R. Audisio(Londres - UK) - D. Azria (Montpellier) - S. Baffert (Paris)- S. Bonin-Guillaume (Marseille) - C. Bouleuc (Paris) -E. Brain (Saint-Cloud) - E. Carola (Senlis) - P. Chaibi(Paris) - A. Charrasse (Monaco) - P. Chassagne (Rouen)L. de Decker (Nantes) - S. Delaloge (Villejuif) -M. Extermann (Tampa - USA) - P. Follana (Nice) -E. François (Nice) - J.-M. Hannoun-Levi (Nice) - Y. Kirova(Paris) - V. Laroche (Chilly-Mazarin) - C. Leger-Falandry(Lyon) - F. Lokiec (Saint-Cloud) - N. Magné (Saint-Priesten Jarez) - Y. Menu (Paris) - M. Paccalin (Poitiers) -M. Puts (Toronto - Canada) - L. Ribière (Versailles) -L. Rotenberg (Neuilly-sur-Seine) - F. Rousseau (Marseille)- S. Schneider (Nice) - F. Scotté (Paris) - L. Sifer-Rivière(Paris) - P. Soubeyran (Bordeaux) - L. Teillet (Paris) - M.-C.Van Nes (Liège, Belgique)

Comité scientifiqueM. Arcand (Sherbrooke - Canada) - J.-P. Aquino (Paris)- B. Asselain (Paris) - D. Benchimol (Nice) -R.-J. Bensadoun (Poitiers) - H. Bergmann (Montréal -Canada) - G. Berrut (Nantes) - F. Blanchard (Reims) - M.Bonnefoy (Lyon) - I. Bourdel-Marchasson (Bordeaux) -H. Curé (Reims) - T. De Baere (Paris) - M. Debled(Bordeaux) - L. Escalup (Paris) - J.-M. Ferrero (Nice) -M. Ferry (Valence) - G. Freyer (Lyon) - J.-P. Gérard (Nice)- E. Gilson (Nice) - X. Hebuterne (Nice) - M. Hery (Monaco)- C. Jeandel (Montpellier) - P. Kerbrat (Rennes) - D. Khayat(Paris) - J. Latreille (Montréal - Canada) - J.-P. Lotz(Paris) - L. Mignot (Paris) - G. Milano (Nice) - E. Mitry(Boulogne-Billancourt) - F. Mornex (Lyon) - M. Namer(Nice) - F. Nourhashemi (Toulouse) - A. Pesce (Monaco)- J.-Y. Pierga (Paris) - F. Piette (Ivry-sur-Seine) - F. Puisieux(Lille) - M. Rainfray (Bordeaux) - G. Ruault (Paris) -O. Saint-Jean (Paris) - M. Schneider (Nice) -C. Thieblemont (Paris) - A. Thyss (Nice) - A. Toledano(Neuilly-sur-Seine) - J.-M. Vannetzel (Neuilly-sur-Seine)- U. Wedding (Berlin - Allemagne) - H. Wildiers (Louvain- Belgique)

Comité de lectureListe communiquée en fin d’année

EditeurKephren Publishing22, rue Chanez75016 Paris - FranceTél. : +33 (0) 1 75 77 20 [email protected]

Directeur de la publicationD. Verza

MaquetteAu support

ImprimeurS.P.E.I. Imprimeur, Pulnoy

Relations commercialesI. Chartrain - [email protected]

[email protected]

CPPAP 0212 T 90198ISSN version papier : 2106-8534ISSN version électronique : 2107-6669Dépôt légal : à parutionIndexé Base PASCAL (INIST-CNRS)Adhérent au SPEPS Les articles publiés dans le Journal d’OncoGériatrie le sont sous la seule responsabilité de leurs auteurs.

Sommaire Table of contents

Éditorial EditorialD. Verza

Recherche ResearchPanorama des avancées de la recherche fondamentale sur le cancer et le vieillissementAn overview of progress in fundamental research on cancer and ageingA. Ottaviani

Santé publique Public healthDouleurs en oncogériatriePain in geriatric oncologyF. Capriz-Ribière, A.-L. Couderc

Cas clinique Clinical case studyDécouverte d’un lymphome cérébral primitif lors d’un bilan de troubles cognitifsDiscovery of a primary lymphoma of the central nervous system during cognitive explorationE. Dupuydupin, D. Bensafir, C. Dehais

Dossier thématique ReviewCancer de la prostate du sujet âgé Prostate cancer in the elderlyCoordination : L. Mourey

Traitements des cancers de la prostate localisés chez les patients âgésTreatment of localised prostate cancer in elderly patientsA. Blouet, M. Thoulouzan, L. Mourey

Actualités dans le cancer de la prostate métastatiqueNew treatments for metastatic prostate cancerL. Mourey, C. Bernard-Marty

Cancer de la prostate métastatique du sujet âgéMetastatic prostate cancer in seniorsC. Bernard-Marty, L. Balardy, L. Mourey

Interview du Professeur Jean-Pierre Droz

Interview du Professeur Michel Soulié

Article original Original articleÉtude monocentrique de la faisabilité des traitements anticancéreux chez les patients âgésfragilesSingle centre study of the feasibility of anticancer treatments in frail elderly patientsC. Weber, F. Herrmann, G. Zulian

Actualités NewsCongrès - Compte-rendu du 3ème congrès Monaco Age Oncologie (Monaco, 3 – 5 février2011)T. Cudennec, C. Falandry, G. Ganem, O. Guérin, A. Herrera, I. Piollet, A. Toledano

L’image du JOG - Une masse du pancréas : un diagnostic de détective !Y. Menu, S. El Mouhadi

Billet d’humeur Personal viewPlace des soins de support en oncogériatrie : position du Président de l’AssociationFrancophone pour les Soins Oncologiques de Support (AFSOS)Interview du Docteur Ivan Krakowski par Dimitri Verza

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La recherche fondamentale sur les relations entre can-cer et vieillissement connaît actuellement un regainde dynamisme important et une évolution de ses

concepts. Récemment, le Workshop GCA (Genome,Cancer and Ageing) (www.mao-monaco.org), qui s’est tenuà Monaco les 4 et 5 février derniers au cours du 3ème

congrès Monaco Age Oncologie (MAO), fut l’occasion defaire un tour d’horizon des idées développées à traversles études d’avant-garde de chercheurs européens etaméricains.

L’un des axes de recherche centraux réside dans l’étudede l’influence de la cellule sénescente sur son microenvi-ronnement, représenté par les derniers résultats deJ. Campisi, conférencière d’honneur du GCA, qui travaillesur la caractérisation du SASP (Senescence-AssociatedSecretory Phenotype). Cet état sécrétoire particulier descellules sénescentes se traduit par des effets paracrinesstimulant la croissance cellulaire, l’angiogenèse et l’in-flammation 1. Dans des biopsies de cancer de la pros-tate, les marqueurs du SASP sont exprimés aussi bien par

les cellules saines que cancéreuses, après quelques joursd’induction chronique de la réponse aux dommages à l’ADN(DNA Damage Response ou DDR) par irradiation ou trai-tement au mitoxanthrène. Les travaux de J. Campisi per-mettent de lier la DDR au phénotype pro-inflammatoire duSASP : ainsi la délétion du suppresseur de tumeur p53accélère l’émergence du SASP, alors que celle de la kinaseATM induit la perte de ses effets pro-inflammatoires. Deplus, ils montrent que le SASP est lié à la persistance defoci chromatiniens de DDR, les DNA-SCARS (DNASegments with Chromatin Alterations ReinforcingSenescence), caractérisés par une association des corpsPML et de foyers d’accumulation de formes actives desmédiateurs de la DDR tels que p53, CHK2 ou γ-H2AX 2.Ainsi, J. Campisi propose que, lors du vieillissement, lerôle physiologique du SASP dans la promotion de la répa-ration et du renouvellement tissulaire dériverait vers uneaccumulation pathologique de cellules échappant à cesremaniements. Appuyant cette hypothèse, ses résultatsles plus récents indiquent que des cellules sénescentes

Panorama des avancées de la recherchefondamentale sur le cancer et le vieillissementAn overview of progress in fundamental research on cancer and ageing

A. OttavianiUniversité de Nice Sophia-Antipolis, Laboratoire de Biologie et Pathologie des Génomes, LBPG CNRS UMR 6267,INSERM U998, Faculté de Médecine, 28 avenue de Valombrose, 06107 Nice Cedex 2, France, tél. : 04 93 37 70 17,fax : 04 93 37 70 33, courriel : [email protected]

RésuméL’étude des relations entre cancer et vieillissement est un domaine dynamique de la recherche fondamentale. La

tenue récente du 3ème congrès MAO et de son satellite dédié à cette recherche a permis une vision d’ensemble desaxes thématiques principaux actuellement développés. Ainsi, les influences sur le cancer et le vieillissement desmodifications du microenvironnement tissulaire par la cellule sénescente, de la réponse aux dommages à l’ADN, del’axe somatotrope et de la stabilité des cellules souches en sont des points centraux pour lesquels les dernièresavancées sont résumées ici.Mots clés : Sénescence cellulaire, cellules souches, axe somatotrope, phénotype sécrétoire associé à la sénescence,réponse aux dommages à l’ADN.

AbstractThe study of the relationships between cancer and ageing is a dynamic field in fundamental research. Recently, a

workshop held during the 3rd MAO congress provided an overview of the main themes currently developed in thisfield. The influences of microenvironment alterations by senescent cells, DNA damage response, somatotropic axisand stem cell compartments stability on cancer and ageing are key points in the recent progress summarized here.Keywords: Cellular senescence, stem cells, somatotropic axis, Senescence Associated Secretory Phenotype, DNAdamage response.

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Avancées de la recherche fondamentale : panorama • Progress in fundamental research: an overview

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échapperaient ainsi à une élimination par le système immu-nitaire, notamment par le détournement de protéases deremaniement tissulaire (Matrix Metallo-Proteases ou MMPs)du SASP qui détruiraient les ligands de surface permet-tant l’activation des cellules NK. L’implication d’un trans-criptome pro-inflammatoire, lié à des effets intracellulaireset paracrines d’interleukines telles que l’IL6, est aussi rap-portée par les travaux de D. Peeper sur la sénescenceinduite par un oncogène (Oncogene Induced Senescenceou OIS) 3. Son groupe met en évidence une implicationdes facteurs de transcription C/EBPβ et TSC22 qui pos-sèdent des gènes cibles similaires. Leurs récents travauxdémontrent que TSC22 présente plusieurs isoformes issusde différents cadres de lectures de son transcrit et qui ontdes effets opposés sur le maintien de la sénescence cel-lulaire. Parallèlement, les travaux de C. Calkhoven mon-trent aussi la présence de cadres de lectures supplémen-taires dans le transcrit de C/EBP, permettant notammentla synthèse du LIP (Liver Inhibitory Peptide) qui produit chezdes souris transgéniques des effets métaboliques similairesà ceux de la restriction calorique ou de la mutation demTORC. Les mécanismes permettant le choix entre cesdifférents cadres de lectures pourraient devenir des ciblesthérapeutiques de choix pour contrôler la sénescencecellulaire et ses conséquences tissulaires.

Les relations entre vieillissement, changements métabo-liques et DDR sont aussi à l’honneur. Ainsi, les travaux deB. Schumacher au sein du laboratoire de J. Hoeijmakersont mis à jour des similitudes entre les transcriptomes decellules de souris âgées, de mutantes de l’axe somato-trope à durée de vie allongée, et de souris sauvages trai-tées chroniquement avec de faibles doses d’UV 4. Cesdonnées soutiennent la notion d’hormèse et trouvent unécho dans les travaux actuels de son groupe dans lemodèle nématode c. elegans où des gènes de longévité(Daf) sont impliqués dans la voie de signalisation de l’in-suline/IGF1. Toujours chez c. elegans, les résultats de H.Aguilaniu montrent que l’extension de durée de vie liée àl’ablation des progéniteurs de la lignée germinale est liéeau métabolisme des acides gras, et notamment de l’acideoléique. Le métabolisme et l’axe somatotrope sont aussiau centre des travaux de V. Longo qui étudie le syndromede Laron 5, lié à des mutations du récepteur de l’hormonede croissance (GH), et dont les patients présentent uneincidence particulièrement faible de cancers sans pourautant avoir une durée de vie augmentée, contrairementaux modèles murins équivalents. Son groupe caractériseactuellement les différences transcriptomiques de cellulessauvages traitées avec le sérum de ces patients.

Nombre d’études actuelles mettent en avant le rôle cen-tral des cellules souches chez les mammifères. Ainsi,A. Brunet caractérise le rôle essentiel du facteur de trans-

cription FoxO3, cible de la signalisation insuline/IGF1 impli-quée dans la longévité des invertébrés, dans le maintiendes cellules souches neurales et de leur potentiel de dif-férentiation chez la souris adulte 6. Elle a de plus récem-ment identifié les gènes cibles transcriptionnellement actifsde FoxO3 impliqués dans le maintien de l’homéostasie deces cellules souches et la neurodégénération. Par ailleurs,Z.Q. Wang montre comment la délétion de la microcéphal-line (Mcph1), dont les mutations comme celles de plusieursprotéines du DDR sont impliquées dans des malforma-tions du cerveau, aboutit à une réduction de l’épaisseurdu cortex cérébral par des mitoses asymétriques entraî-nant la déplétion de la population des cellules progénitriceset un défaut de leur différentiation. Les travaux d’A. Dejeansur la SUMOylation soulignent le caractère essentiel decette modification post-traductionnelle pour la survie et laprolifération des cellules souches épithéliales de l’intestinainsi que pour la stabilité et l’organisation des épithéliums.Elle montre que l’invalidation d’enzymes responsables deces modifications aboutit à une régression tumorale desgreffes de cellules transformées (Ubc9) 7 ou à un retardde l’induction de la sénescence (PIASy).

Enfin, le rôle des systèmes gardiens du génome, tels queles télomères ou le suppresseur de tumeur p53, sont cri-tiques dans le processus de sénescence cellulaire. Dansle modèle de souris déficient pour l’ARN de la télomérase(mTerc), un vieillissement prématuré est observé et les fonc-tions des cellules souches sont altérées à partir de la 3ème

génération d’animaux (G3). L. Rudolph montre que dessouris G4 invalidées pour p53 présentent des défautssupplémentaires de survie et de stabilité de leurs cellulessouches intestinales qui ne s’expliquent pas seulement parl’effet de son effecteur, l’inhibiteur du cycle cellulaire p21 8.Il met en évidence que PUMA, un autre effecteur de p53,est impliqué dans l’instabilité des cellules souches intes-tinales des souris G4. Par ailleurs, dans un modèle de lamaladie de Parkinson, F. Checler montre que les parkines,protéines mutées chez certains patients, interagissentavec p53, l’inhibent et sont impliquées dans la neuropro-tection induite par ce suppresseur de tumeur 9.

Ainsi, les problématiques liées aux cellules souches, àl’inflammation, au métabolisme et à la DDR sont actuel-lement au cœur de la recherche fondamentale sur le can-cer et le vieillissement. On ne peut, par ailleurs, que s’en-thousiasmer de la vivacité de la recherche dans ce domainesymbolisée à la fois par une forte proportion de jeunes chefsd’équipe impliqués dans ces thématiques, et aussi par lamise en place de projets ambitieux tels que la création pro-chaine de l’Institut de Recherche sur le Cancer et le vieil-lissement de Nice (IRCAN). On peut donc espérer que cesefforts se traduiront très bientôt par de nouvelles pistesthérapeutiques pour la gériatrie et l’oncogériatrie. n

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Avancées de la recherche fondamentale : panorama • Progress in fundamental research: an overview

Bibliographie :1 Coppé J, Patil CK, Rodier F, Sun Y, Muñoz DP, Goldstein J, et al. Senescence-asso-ciated secretory phenotypes reveal cell-nonautonomous functions of oncogenic RASand the p53 tumor suppressor. PLoS Biol 2008 Déc 2 ; 6 (12) : 2853-2868.2 Rodier F, Muñoz DP, Teachenor R, Chu V, Le O, Bhaumik D, et al. DNA-SCARS : dis-tinct nuclear structures that sustain damage-induced senescence growth arrest andinflammatory cytokine secretion. J Cell Sci 2011 Jan 1 ; 124 (Pt 1) : 68-81.3 Kuilman T, Michaloglou C, Vredeveld LCW, Douma S, van Doorn R, Desmet CJ, et al.Oncogene-induced senescence relayed by an interleukin-dependent inflammatorynetwork. Cell 2008 juin 2013 ; 133 (6) : 1019-1031.4 Garinis GA, Uittenboogaard LM, Stachelscheid H, Fousteri M, van Ijcken W, Breit TM,et al. Persistent transcription-blocking DNA lesions trigger somatic growth attenua-tion associated with longevity. Nat Cell Biol 2009 Mai ; 11 (5) : 604-615.5 Guevara-Aguirre J, Balasubramanian P, Guevara-Aguirre M, Wei M, Madia F, Cheng

C, et al. Growth hormone receptor deficiency is associated with a major reduction inpro-aging signaling, cancer, and diabetes in humans. Sci Transl Med 2011 Fév 16 ; 3(70) : 70ra13.6 Renault VM, Rafalski VA, Morgan AA, Salih DAM, Brett JO, Webb AE, et al. FoxO3regulates neural stem cell homeostasis. Cell Stem Cell 2009 Nov 6 ; 5 (5) : 527-539.7 Demarque MD, Nacerddine K, Neyret-Kahn H, Andrieux A, Danenberg E, Jouvion G, etal. Sumoylation by Ubc9 regulates the stem cell compartment and structure and func-tion of the intestinal epithelium in mice. Gastroenterology 2011 Jan ; 140 (1) : 286-296.8 Begus-Nahrmann Y, Lechel A, Obenauf AC, Nalapareddy K, Peit E, Hoffmann E, etal. p53 deletion impairs clearance of chromosomal-instable stem cells in aging telo-mere-dysfunctional mice. Nat Genet 2009 Oct ; 41 (10) : 1138-1143.9 da Costa CA, Sunyach C, Giaime E, West A, Corti O, Brice A, et al. Transcriptionalrepression of p53 by parkin and impairment by mutations associated with autosomalrecessive juvenile Parkinson's disease. Nat Cell Biol 2009 Nov ; 11 (11) : 1370-1375.

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Douleurs en oncogériatriePain in geriatric oncology

F. Capriz-Ribière, A.-L. CoudercService de médecine interne gériatrique, Pôle de gérontologie, Hôpital de Cimiez, CHU de Nice, 4 avenue Victoria,06000 Nice. Correspondance : [email protected]

RésuméLa douleur accompagne le patient âgé aussi bien au cours de l’évolution de sa pathologie cancéreuse qu’au cours

des examens complémentaires et des thérapeutiques proposées. Or c’est une population fragile à plus d’un titre.Nous assistons à des progrès constants concernant la prise en charge de la douleur chronique dans le grand âge,mais le mauvais contrôle des accès douloureux reste encore un obstacle à une bonne qualité de vie à cet âge. Enfait, les premiers obstacles viennent des difficultés de communication verbale rencontrées, véritable handicap pourapprécier leurs douleurs. Leur reconnaissance nécessite ici une approche méthodique avec des outils adaptés. Nousrappelons les spécificités du dépistage, de l’évaluation et de la prise en charge algologique des plus âgés de nospatients, avec un regard plus attentif pour les accès douloureux. Les nouvelles formes galéniques de fentanyl sontun espoir dans cette population, de par leur rapidité d’action et leur tolérance. Nous rappelons les règles de pres-cription en gériatrie qui font discuter en permanence la balance bénéfices/risques d’un traitement, avec des sché-mas thérapeutiques simplifiés. On aboutit ainsi à une analgésie personnalisée. Nous assisterons à une améliorationdu contrôle de la douleur cancéreuse à un âge avancé, à condition que celle-ci soit réellement intégrée à une priseen charge gérontologique globale.Mots clés : Douleur, sujet âgé, cancer.

AbstractThe elderly suffer from pain during the development of a malignant disease as well as during the examinations and

treatments proposed. This population is frail in more ways than one. Steady progress is being made in the mana-gement of chronic pain in old age. However, the poor control of breakthrough pain is still an obstacle to good qua-lity of life. In fact, the initial difficulties inherent in verbal communication represent a real handicap in understandingthe pain. The investigation requires a methodical approach along with the right tools. The authors point out the spe-cificity of the evaluation and management of pain in the elderly and examine breakthrough pain more closely.Fentanyl by nasal and oral transmucosal route is convenient, quick and safe, and provides hope in this population.The authors indicate the rules for prescription in geriatrics and the need for a constant evaluation of the benefits/riskratio of a treatment, with simplified therapeutic plans. This may promote personalized analgesia thereby resulting inan improvement in the control of cancer pain late in life, provided that it is really integrated into a system of com-prehensive geriatric care.Keywords : Pain, elderly, cancer.

« Les douleurs légères s’expriment ; les grandes douleurs sont muettes »Sénèque (extrait de Hippolyte)

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Dans une logique actuelle d’accroissement démo-graphique de la population âgée, nous assistonsen parallèle à une augmentation de la fréquence

des pathologies cancéreuses. De nos jours, les femmesfrançaises vivent en moyenne 82 ans et ce chiffre devraitdépasser 90 ans en 2050 ; quant aux hommes, leur espé-rance de vie devrait passer de 74 à 82 ans. Dès la priseen charge initiale, et pendant toute la durée des traitements,

les traumatismes vont être nombreux 1 ; la douleur accom-pagnera le patient âgé aussi bien au cours de sa patho-logie cancéreuse qu’au cours des examens complémen-taires et des thérapeutiques proposées, tous potentiellementagressifs. La douleur aiguë a valeur de signal d’alarme,de symptôme aidant au diagnostic : généralement, elledécroît lorsque le traitement de sa cause est instauré.Cette constatation ne dispense pas du traitement antal-

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gique symptomatique chez ces patients ayant peu deréserve fonctionnelle. Au stade de la douleur chronique,elle représente pour le sujet âgé l’essentiel de sa maladieavec un retentissement majeur sur ses capacités physiqueset psychiques. Au sein de ses « fractures » successives,cette population reste en effet très vulnérable : elle tolèremal la douleur en général et les accès douloureux en par-ticulier ; mais elle tolère mal aussi les opiacés ou les asso-ciations d’antalgiques. Nous rappelons ici les spécificitésdu dépistage, de l’évaluation et de la prise en chargeantalgique des plus âgés de nos patients, avec un regardplus attentif cependant pour les accès douloureux.

En cancérologie, les accès douloureux paroxystiques(ADP) 2 correspondent à des situations de douleur extrême,de début rapide, d’intensité sévère à intolérable, de duréecourte (moins d’une heure) et dont la fréquence médianeest de quatre par jour. Elles sous-tendent que la douleurchronique soit par ailleurs contrôlée par un traitement defond. Les accès douloureux paroxystiques surviennentsans lien ni avec la dose ni avec le rythme d’administra-tion du traitement de fond.

Les circonstances dans lesquelles survient l’accès per-mettent de distinguer :

• les douleurs incidentes, soit induites par l’activité dupatient, soit survenant lors d’un geste diagnostique ou thé-rapeutique (douleurs liées aux soins) ;

• les douleurs spontanées, c’est-à-dire sans facteurdéclenchant évident.

Nous assistons à des progrès constants concernant laprise en charge et les traitements de la douleur chroniquedans le grand âge, mais le mauvais contrôle des accèsdouloureux reste encore un obstacle à une bonne qualitéde vie 1 à domicile ou en institution. Les sujets âgés nebénéficient pas toujours de l’intérêt de tous, et la banali-sation de la plainte douloureuse est encore d’actualité, per-due dans le bruit de fond des activités multiples des soi-gnants. La fragilité liée à l’âge diminue la tolérance despatients à ces accès et en rend le contrôle par les opia-cés plus difficile en lien avec les comorbidités, la perte d’au-tonomie et les spécificités relationnelles.

Aux âges extrêmes de la vie, les difficultés rencontréesdans le rapport verbal sont un handicap pour apprécierune douleur 3,4. La communication verbale et l’expres-sion des plaintes peuvent être modifiées par les troublesdu langage (aphasie, dysarthrie, appauvrissement séman-tique), les handicaps sensoriels (hypoacousie) et les trou-bles neuropsychiques. Les expressions douloureuses sontvariées et atypiques : agitation, confusion, régression psy-chomotrice, anorexie, mutisme… La reconnaissance dela douleur du sujet âgé nécessite une approche métho-

dique. La vigilance s’impose, aidée par une approchegériatrique standardisée intégrant systématiquement larecherche de la douleur lors de toute consultation ou lorsde toute modification comportementale.

• L’auto-évaluation est prioritaire 5 ; le patient âgé doit res-ter un acteur du soin. Ses capacités sont parfois suréva-luées mais souvent sous-évaluées surtout aux âges extrêmes.Nous pouvons lui redonner la parole: il auto-évaluera sa dou-leur par des échelles validées correspondant davantage àson mode de pensée, de préférence de type échelle numé-rique (cotée de 0 à 10) ou échelle verbale simple.

• Le recours aux échelles d’hétéro-évaluation est utile,et s’appuie sur un échec partiel ou total de l’auto-évalua-tion. Pour éviter que l’observateur décide de façon arbi-traire si la douleur est intense ou non, il lui faut disposerd’indices objectifs, reproductibles, fiables. Certaineséchelles ont été validées spécifiquement chez le sujet âgé.Mais remplir une grille d’hétéro-évaluation nécessite unecertaine rigueur dans la sélection des items proposés. Dansle cadre des ADP, l’échelle ALGOPLUS (Annexe 1) séduitpar sa rapidité et sa simplicité d’utilisation 3,6. La présenced’un seul signe d’alerte dans chacun des items suivantslors du remplissage d’ALGOPLUS suffit à le valider :

• l’expression du visage ;• l’analyse du regard ;• les plaintes émises ;• les attitudes corporelles ;• le comportement.Avec une sensibilité de 87 % et une spécificité de 80 %,

un score ≥ 2/5 évoquera un accès douloureux.Il convient de pratiquer régulièrement de nouvelles cota-

tions pour s’assurer du bon contrôle des situations dou-loureuses. En effet, la prescription d’antalgiques qui endécoule correspond à un processus continu d’adaptationdu traitement de fond et de celui des épisodes aigus 7.De plus, lorsque le sujet âgé « mal communicant » exprimeune douleur physique, il l’exprime mal et tardivement.Dans ce contexte, les interdoses prescrites à la demandesont peu utilisées. Les soignants doivent privilégier l’ob-servation du patient sur 24 heures, afin d’identifier les picsdouloureux et mieux appréhender les facteurs déclen-chants éventuels. Un canevas de prise d’antalgiques peutalors être proposé au patient âgé, avec un suivi à courtterme sur l’amélioration des symptômes douloureux. Lerésultat final s’appuie non seulement sur le soulagementperçu de la douleur, mais également sur les modificationscomportementales observées.

L’échelle DOLOPLUS (Annexe 2) est plutôt indiquée dansl’évaluation de la douleur chronique des patients âgésprésentant des difficultés de la communication verbale etservira au bon contrôle des douleurs de fond 3.

Cette prise en charge optimisée ne peut naître que d’une

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volonté d’équipe. On aboutit ainsi à une analgésie person-nalisée, associant le traitement de fond et des prises anti-cipées programmées, et non plus à la demande. Seulsles accès spontanés seront ici plus difficiles à maîtriser.

Les thérapeutiquesUn véritable arsenal antalgique est actuellement dispo-

nible et utilisable même chez un patient âgé 1,8,9.

Les règles générales de prescription en gériatriefont discuter la balance bénéfices/risques d’un traitementen confrontant les données connues pharmacologiquesaux particularités du patient, afin de limiter le risque iatro-gène. Mais il convient de garder toujours à l’esprit cerisque afin de le limiter, car un traitement adapté à un

moment donné peut ne plus l’être dans un autre contexte(pathologie aiguë intercurrente, isolement social brutal…).Quatre facteurs de fragilité ont été identifiés : la polymé-dication (dont l’automédication), les modifications desparamètres pharmacologiques, le manque de coordina-tion dans le suivi médical, et les handicaps. Les médica-ments antalgiques font partie des principales classes incri-minées dans cette population. Il faut avoir présent à l’espritl’ensemble de ces facteurs de risque au moment de l’ins-tauration, de la surveillance ou de la poursuite d’un trai-tement médicamenteux, afin de diminuer la survenued’événements indésirables.

Se pose également à cet âge le problème de l’obser-vance thérapeutique ou plutôt de l’adhésion au traite-ment. Le défaut d’adhésion peut être intentionnel chez le

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Annexe I - ALGOPLUS : Echelle d’hétéro-évaluation de la douleur aiguë du sujet âgé

• Pour remplir la grille, observer dans l’ordre et méthodiquement les 5 items :expressions du visage ; regard ; plaintes émises ; attitudes corporelles ; comportement général.

• Pour chaque item, coter « oui » dès lors qu’un des signes décrits est présent.• Chaque item coté « oui » est compté 1 point (score total = 5).• Score total ≥ 2 DOULEUR (sensibilité : 87 % et spécificité : 80 %).• Pratiquer régulièrement de nouvelles cotations +++.Une observation rapide permet une cotation simple de la douleur au moment de l’examen. Le résultat est à interpréter en fonction desconditions environnementales (soin, geste technique, mobilisation…).

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sujet âgé, mais sans doute moins que chez l’adulte jeune,en raison du rôle plus important des oublis. Il n’y a pasd’étude réalisée chez l’octogénaire permettant de mieuxévaluer l’impact des troubles cognitifs, mais les sujetsayant une démence doivent être aidés dans leur prisemédicamenteuse par un aidant familial ou professionnel.

La complexité du traitement est un autre facteur derisque indépendant de mauvaise observance. Les liens entrela connaissance des traitements et l’observance sontcomplexes : une meilleure connaissance du schéma thé-rapeutique améliorerait l’observance, alors qu’une meil-leure connaissance des effets indésirables pourrait la dimi-nuer. Cependant, de nombreuses recommandationsinsistent sur l’importance de l’information à délivrer aumalade. Les stratégies mises en place par le prescripteurne doivent pas être standardisées, mais plutôt prendre encompte les croyances du patient, ses préférences et seshabitudes de vie. Les traitements doivent être revus dansleur globalité afin de diminuer le nombre de médicamentsinutiles. Les schémas thérapeutiques doivent être simpli-

fiés, le packaging adapté. Dans ce contexte, « mieux pres-crire les antalgiques » reste encore un enjeu délicat.

La morphineL’âge avancé n’est pas une contre-indication à la prise

de morphiniques et celle-ci ne doit pas être réservée auxseules fins de vie. Sa prescription est, entre autres, guidéepar les paliers OMS et la réponse thérapeutique. Rappelonsque sa durée d’action classique de l’ordre de 4 heures s’al-longe chez le sujet âgé (insuffisances d’organes, adapta-tions métaboliques plus lentes, effets psychotropes plusmarqués…), l’efficacité maximale étant obtenue après undélai qui dépend de la voie d’administration (de 15 minutesaprès IV à 60 à 90 minutes après prise orale). Il nous fauttenir compte également des possibles interactions médi-camenteuses liées à la polymédication fréquemment pré-sente. La titration initiale reste prudente (demi-dose) etl’ascension posologique lente. La très grande hétérogé-néité des personnes âgées explique l’importante variabi-lité des réponses individuelles à ces traitements et la néces-

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Annexe 2 - DOLOPLUS 2 : Échelle d’évaluation comportementale de la douleur chronique chez les personnes âgéesprésentant des troubles de la communication verbale.

Cette échelle se présente sous la forme d’une fiche d’observa-tion comportant dix items répartis en trois sous-groupes (cinq itemssomatiques, deux items psychomoteurs et trois items psychoso-ciaux). Chaque item est coté de 0 à 3 (cotation à quatre niveauxexclusifs et progressifs), ce qui amène à un score global comprisentre 0 et 30.La douleur est clairement affirmée pour un score supérieur ou égalà 5 sur 30.DOLOPLUS 2 insiste particulièrement sur les changements psy-cho-comportementaux en rapport avec la douleur, qui peuvent fairemanquer le diagnostic car ils n’évoquent pas forcément la dou-leur aux yeux de soignants inexpérimentés. Quelques conseils per-mettent de mieux l’utiliser :• nécessité d’un apprentissage ;• coter en équipe pluridisciplinaire (au minimum deux personnes,

médecin et soignant) ;• intégrer l’échelle dans le dossier soins du patient ;• coter 0 en cas d’item inadapté ;• en cas de doute ne pas hésiter à faire un test thérapeutique antal-

gique adapté ;• ne pas comparer les scores de patients différents ;• réévaluation quotidienne jusqu’au contrôle des douleurs. Puis

l’évaluation s’espacera ensuite en fonction des situations. Unecourbe des scores peut être judicieuse et significative ;

• l’échelle cote la douleur, et non pas la dépression, ni la dépen-dance ni les capacités cognitives ;

• ne pas recourir systématiquement à l’hétéro-évaluation. Utiliserce type d’échelles seulement si l’autoévaluation est exclue ouen cas de doute.

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sité d’une surveillance médicale toujours très personnali-sée. En cas de doute, la pratique d’un test thérapeutiqueaux morphiniques se justifie dans le grand âge, mais cetteattitude est encore trop timorée dans beaucoup d’équipesmédicales. L’amélioration générale du patient âgé guiderala suite des événements. Et souvent, a posteriori, cette amé-lioration sous traitement antalgique nous fera apprécierl’intensité de la douleur passée.

Les formes galéniques dites à libération immédiate, etjusqu’alors utilisées à titre d’interdoses, ont des délaisd’action qui ne permettent pas toujours de couvrir le débutde l’ADP. Elles ne sont alors pas adaptées à la situation,aboutissant à un « trou analgésique » en décalage avecla prise du traitement et son efficacité. Mais nous assis-tons actuellement à la mise au point de nouvelles formesgaléniques de fentanyl (voies orotransmuqueuse, sublin-guale, ou transmuqueuse nasale ou pulmonaire) (Annexe 3),dont la pharmacocinétique se rapproche de la voie paren-térale, avec un délai d’action de 10 à 15 minutes, permet-

tant ainsi une prise en charge plus adaptée de ces situa-tions de crise en cancérologie 2.

Il ne s’agit pas d’aller à l’excès dans le « tout morphine » ;d’autres possibilités thérapeutiques existent, parfois mieuxadaptées.

Les co-analgésiquesDevant la fréquence des douleurs mixtes rencontrées à

la fois en cancérologie et en gériatrie, les antiépileptiquesde nouvelle génération (gabapentine ou prégabaline) onttoute leur place et sont préférés en première ligne aux anti-dépresseurs tricycliques chez le sujet âgé 1 (risques car-diaques et neuropsychiques lors de l’utilisation de tricy-cliques). Ils sont introduits à faible dose et augmentésprudemment selon la tolérance et leur efficacité sur la partneuropathique de la douleur. Les antidépresseurs de typeinhibiteurs de recapture de la sérotonine et de la noradré-naline (ISRS-NA) sont une autre alternative, mais restentparfois décevants quant à leur efficacité antalgique. De plus,le risque de survenue d’une hyponatrémie par sécrétion

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Annexe 3 - Nouveaux morphiniques d’action immédiate : Traitement des Accès Douloureux Paroxystiques chez lespatients adultes utilisant des morphiniques pour traiter les douleurs chroniques d’origine cancéreuse.

Ils ne peuvent être utilisés que si un traitement régulier avec un dérivé de la morphine a déjà été mis en place pour contrôler la douleur(patients recevant au moins 60 mg de morphine par jour par voie orale, au moins 25 µg de fentanyl par heure par voie transdermique ouune dose équianalgésique d’un autre morphinique depuis une semaine minimum). La dose optimale doit être déterminée individuellementpour chaque patient par titration progressive, sous surveillance médicale. Le recul en pratique clinique gériatrique nous manque encorepour conseiller une forme galénique.

DCI Nom commercialDélai d’action

après administrationForme galénique Remarques

Citrate de fentanyl ACTIQ® 15 mn Comprimé avec applicateur buccal

25 % absorbé par voietransmuqueuse,

le reste est dégluti.Par expérience, peu adapté

au sujet âgé.

Citrate de fentanyl EFFENTORA® 15-20 mn Comprimé oravescentComprimé effervescent absorbé

par voie gingivale.

Citrate de fentanyl ABSTRAL® 15 mn Comprimé sublingual

Comprimé à placer sous lalangue ; ne pas avaler, mais faire

fondre sous la langue, sansmâcher ni sucer.

Citrate de fentanyl INSTANYL® < 10 mn Pulvérisation nasale

Contre-indicationsspécifiques :• obstruction sévère des

voies aériennes ;• radiothérapie antérieure du

visage ;• épisodes récurrents

d’épistaxis.

Citrate de fentanyl PECFENT® 5 mn Spray nasal AMM en cours

Citrate de fentanyl TAIFUN® < 5 mn? Poudre sèche pour inhalation Étude phase 3 en cours

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inappropriée de l’hormone antidiurétique (SIADH) est assezfréquent en gériatrie et doit faire l’objet d’un contrôle bio-logique en cas de modification rapide du tableau clinique.

Les corticoïdes sont à préférer aux anti-inflammatoiresnon stéroïdiens sur le plan gastrique et rénal, avec lerisque connu d’un possible syndrome confusionnel à l’ini-tiation du traitement. Les effets indésirables plus tardifssont à apprécier selon l’espérance de vie.

Le mélange équimolaire oxygène-protoxyde d’azote(MEOPA) est d’un grand intérêt pour la prise en chargedes douleurs induites par les soins 4. Le MEOPA agit parle biais d’une sédation consciente sur les deux compo-santes de la douleur : une action sur l’excès nociceptif enentraînant un effet antalgique de surface avec persistanced’une sensation tactile sans douleur, et sur la compo-sante psychologique avec effet anxiolytique, euphorisantet légèrement amnésiant. Nous insistons sur la rapidité deson efficacité et de son élimination (effet on-off) sans risquede métabolisation contrairement aux antalgiques opioïdesde référence. Cette technique fait appel à la collaborationdu patient et permet, au travers d’un soin, de favoriser letravail en pluridisciplinarité et d’aborder la personne âgéecomme un partenaire, et non plus comme un objet de soin.Sa sortie récente de la réserve hospitalière et les contraintesmédico-légales allégées à son utilisation devraient favori-ser son emploi après 75 ans.

Les techniques non médicamenteuses gardent bienentendu toute leur place dans le contrôle de ces douleurs :la physiothérapie antalgique (électrothérapie, cryothéra-pie…) est un traitement adjuvant très utile même si ellen’est pas validée de façon rigoureuse. Le kinésithérapeutetravaillera également sur les restrictions inadaptées del’activité physique afin de lutter contre la perte d’autono-mie. Les techniques comportementales méritent d’être ten-tées mais ne sont pas toujours applicables à la popula-tion très âgée.

ConclusionLa gestion de la douleur en pratique oncogériatrique

sous-tend une sensibilisation des soignants à son dépis-tage et son évaluation. Cette approche réfléchie des com-portements douloureux dans le grand âge nous aide à affi-ner nos traitements, notamment pour le contrôle des ADP.Une bonne connaissance du vieillissement physiologiqueet des polypathologies, une observation attentive despatients et des propositions thérapeutiques réfléchies res-tent nos meilleures alliées lors de la prise en charge despatients âgés. Nous assisterons ainsi à une améliorationdu contrôle de la douleur cancéreuse à un âge avancé, àcondition que celle-ci soit réellement intégrée à une éva-luation gérontologique globale. n

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Bibliographie :1 Urban D, Cherny N, Catane R. The management of cancer pain in the elderly. CritRev Oncol Hematol 2010 Feb ; 73 (2) : 176-83.2 HAS : Les médicaments des accès douloureux paroxystiques du cancer. Fiche Bonusage des médicaments - 19/5/2010. www.has-sante.fr consulté le 25 septembre2010.3 ALGOPLUS : échelle d’évaluation comportementale de la douleur aiguë chez la per-sonne âgée présentant des troubles de la communication verbale. www.doloplus.comconsulté le 25 septembre 2010.4 Capriz-Ribière F, Boulahssass R, Brocker P. Une expérience pratique du service concer-nant les soins douloureux chez les déments. La Revue de Gériatrie 2008, 33 (8): 737-742.5 Pautex S, Michon A, Guedira M, et al. Pain in Severe Dementia : Self-Assessmentor Observational Scales? J. Am Geriatr Soc 2006, 54 (7) : 1040-1045.6 Rat P, Jouve E, Pickering G, Donnarel L, Nguyen L, Michel M, Capriz-Ribiere F, etal. Validation of an acute pain-behavior scale for older persons with inability to com-municate verbally : Algoplus®. European Journal of Pain 2010 Article in Press.7 Labreze L, Delorme T, Poulain P. Douleurs chroniques, accès douloureux paroxys-tiques (ADP) : les challenges. Douleurs 2009 ; 10 : 185-191.8. AGS Panel on Pharmacological Management of Persistent Pain in Older PersonsPharmacological management of Persistent Pain in Olders. JAGS 2009, 57: 1331-1346.9 Pergolizzi J., Böger R. H, Keith Budd K, Albert Dahan A, Serdar Erdine S., Guy HansMD6, Kress H. G, et al. Opioids and the Management of Chronic Severe Pain in the Elderly :Consensus Statement of an International Expert Panel with Focus on the Six ClinicallyMost Often Used World Health Organization step III Opioids (Buprenorphine, Fentanyl,Hydromorphone, Methadone, Morphine, Oxycodone). Pain Practice 2008, 8 (4) : 287-313.

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PrésentationMonsieur R., 82 ans, est hospitalisé en service de méde-

cine gériatrique pour aggravation de troubles du compor-tement et chutes. Il présente comme principaux antécé-dents un diabète de type 2 insulinoréquérant mal équilibré,une insuffisance rénale, ainsi que des troubles cognitifsévoluant depuis plusieurs mois. Son traitement habituelest composé d’insuline seule. Le patient, ancien ingé-nieur aéronautique, vit avec son épouse au premier étaged’un immeuble. Il est bien entouré par ses deux enfantset ne dispose pas d’aide au domicile. Il est suivi de façonrégulière par deux médecins généralistes, l’un en Ile-de-

France et l’autre en province, le patient demeurant 4 à6 mois de l’année dans sa résidence secondaire.

Le premier entretien avec la famille révèle que les méde-cins traitants ont évoqué une démence de type Alzheimeret que des démarches pour un placement en maison deretraite sont en cours. Ce premier entretien met en lumièrela détresse de toute la famille face à ce diagnostic dedémence chez cet homme brillant, faisant l’objet d’unegrande admiration familiale. Le diagnostic de démence n’estpas étayé ni par un bilan neuropsychologique ni par uneiconographie. Après contact avec les deux médecins trai-

Découverte d’un lymphome cérébral primitiflors d’un bilan de troubles cognitifsDiscovery of a primary lymphoma of the central nervous system during cognitiveexploration

E. Dupuydupina, D. Bensafirb, C. Dehaisc

a. Groupe Hospitalier Henri Mondor, Hôpital Joffre-Dupuytren, Unité d’oncogériatrie, 1 rue Eugène Delacroix,91210 Draveil, France, tél. : 0169836482, courriel : [email protected]. Centre Hospitalier de Meaux, Service de gériatrie, Court séjour, 6-8 rue Saint Fiacre, BP 218, 77104 Meaux Cedex,France.c. Groupe Hospitalier Pitié-Salpêtrière, Service Neurologie Mazarin, 47-83 boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, France.

RésuméMonsieur R. est un patient de 82 ans adressé initialement pour explorations d’une aggravation de troubles du com-

portement dans le cadre d’une maladie d’Alzheimer. Le tableau neurologique atypique nous motive à proposer uneIRM. Cet examen objective des lésions cérébrales compatibles avec un lymphome cérébral primitif. Le LCR confir-mera cette hypothèse. Le patient diabétique déséquilibré et insuffisant rénal a bénéficié d’une corticothérapie asso-ciée à du témozolomide. Après une amélioration transitoire, le patient présenta des complications thérapeutiques etde décubitus. Le lymphome cérébral primitif est une lésion cérébrale rare prenant des formes cliniques diverses.Chez le patient âgé, toute modification neurologique rapide doit inciter à refaire des explorations. Le diagnostic reposesur l’anatomopathologie (biopsie cérébrale, LCR ou vitrectomie) ; le traitement repose sur le méthotrexate à fortedose associé à une corticothérapie.Mots clés : Lymphome primitif du système nerveux central, patient âgé, méthotrexate.

AbstractMr. R., an 82 year-old patient, was initially referred for the exploration of an aggravation of behaviour disorders

within a context of Alzheimer's disease. The atypical neurological symptoms motivated an MRI. This exam revealedbrain lesions compatible with a primary lymphoma of the central nervous system. The CRL confirmed this hypothe-sis. This unbalanced diabetic patient with renal failure was treated with prednisone and temozolomide. After a tem-porary improvement, the patient presented therapeutic complications. Primary lymphoma of the central nervous sys-tem is a rare brain lesion with various clinical forms. In elderly patients, any rapid neurological modification shouldprompt repeat explorations. The diagnosis is based on pathology (brain biopsy, CRL or vitrectomy) and the treat-ment is based on high-dose methotrexate combined with corticosteroids.Keywords: Primary lymphoma of the central nervous system, elderly patient, methotrexate.

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tants, il s’avère que le mode de vie du patient, son rythmede suivi et l’évolution rapide des symptômes n’ont pu per-mettre des explorations diagnostiques.

L’examen clinique d’entrée nous fait douter du diagnos-tic de démence de type Alzheimer. Le patient est confus,totalement désorienté dans le temps et l’espace, se met-tant à déambuler durant l’examen, avec des troublesmajeurs de l’attention, des signes frontaux (persévération,grasping, familiarité) et des troubles de l’équilibre mal clas-sifiables. Malgré une grande fluctuation dans le tempsdes symptômes, la famille nous relate une dégradationrapide depuis six mois de l’état général et des fonctionssupérieures.

Le reste de l’examen somatique initial, bien que difficile,est peu contributif chez ce patient cachectique.

Les examens complémentaires biologiques à l’entréeconfirment un diabète non équilibré (HbA1C à 9,3 %) asso-cié à une insuffisance rénale chronique sévère (clairance< 15 ml/min). Un holter rythmique objective des passagesen fibrillation auriculaire paroxystique. Une IRM cérébrale(Figures 1 et 2) est demandée dès son arrivée, décelantune lésion frontale gauche avec œdème péri-lésionnel eteffet de masse, lésion présentant un rehaussement aprèsinjection, sans signe d’engagement, dont l’aspect est com-patible avec un lymphome cérébral primitif. Les images sont

confiées à un service de neuro-oncologie qui proposed’hospitaliser le patient pour confirmer cette hypothèse etdécider de l’attitude thérapeutique. Un scanner thoraco-abdomino-pelvien ne retrouve pas d’anomalie. Le bilanréalisé en neurologie met en évidence dans le LCR des cel-lules lymphomateuses (protéinorachie à 7,12 g/l et LDH à894 U/l) permettant la confirmation diagnostique. Devantl’existence d’une insuffisance rénale sévère, le patient nepeut malheureusement pas bénéficier d’un traitement stan-dard par méthotrexate. Il reçoit alors un traitement adaptépar une cure de témozolomide associée à une corticothé-rapie à forte dose après RCP en neuro-oncologie. Nousreprenons le patient après sa première cure et notons rapi-dement une amélioration des fonctions supérieures avecdisparition du syndrome frontal et amélioration des trou-bles mnésiques permettant une reprise du contact avecsa famille. Cette période permet alors à son entourage deséchanges importants avec leur époux, père ou grand-père.Malheureusement, le traitement est mal toléré, le patientprésente des décompensations diabétique et cardiaquesecondaires aux corticoïdes, une sub-occlusion durant lachimiothérapie, probablement favorisée par les sétronsassociés de façon prophylactique, ainsi qu’une asthénieet anorexie majeure. Malgré l’arrêt du témozolomide et ladiminution des corticoïdes, le patient continue à se dégra-der avec apparition de multiples complications (escarres,

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Découverte d’un lymphome cérébral primitif • Discovery of a primary lymphoma of the central nervous system

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Figure 1 : IRM initiale séquence T1 après injection degadolinium

Figure 2 : IRM initiale séquence FLAIR

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phlébite, érysipèle et insuffisance cardiaque), aboutissantà son décès quatre mois après sa première hospitalisa-tion dans le service.

DiscussionCe cas clinique est intéressant à plusieurs titres puisqu’il

montre la nécessité, en particulier en milieu gériatrique,de remettre en question un diagnostic (ici celui de démencede type Alzheimer) devant l’apparition de nouveaux signescliniques atypiques et l’importance de pouvoir obtenir undiagnostic de certitude qui, dans le cas de lésions tumo-rales, demeure histologique. Dans notre exemple, la cli-nique pouvait orienter le diagnostic vers une démencefronto-temporale. L’absence initiale de documentation dela démence et les signes de localisation nous ont motivéà proposer rapidement une IRM cérébrale. Mais, au-delàde cette absence, toute apparition de symptôme neuro-logique de localisation ou atypique chez un patient diag-nostiqué dément devrait faire l’objet d’une réévaluation ico-nographique et neuropsychologique 1. L’IRM cérébrale estun pivot du diagnostic de lésions malignes, d’autant plusdans une population âgée, du fait de son caractère noninvasif, de sa reproductivité et des caractères assez spé-cifiques des lésions.

Le Lymphome Primitif du Système Nerveux Central(LPSNC) est une tumeur rare parmi les atteintes malignescérébrales (<5%). Elle touche, chez les patients immuno-compétents, préférentiellement la tranche d’âge entre 50et 70 ans 2. Son développement est insidieux et rapide-ment évolutif, laissant, sans traitement, une médiane desurvie très courte (1 à 3 mois). Le tableau clinique est trèsvarié, fonction de la localisation, et peut prendre desformes peu spécifiques, en particulier chez le sujet âgé,tel des troubles de l’humeur ou un déclin cognitif, pou-vant être source de difficultés diagnostiques 3.

L’imagerie permet d’en évoquer le diagnostic, le scan-ner cérébral montrant des lésions iso ou hyperdenses, maissurtout l’IRM avec un iso-signal T1, un hypersignal en T2et une prise de contraste homogène, classiquement « enboule de neige ». Les lésions uni- ou le plus souvent mul-tifocales, de siège classiquement péri ventriculaire, sontsouvent accompagnées d’un œdème péri lésionnel.

La présence de telles images, malgré la présenced’œdème intracérébral, doit contre-indiquer l’introduc-tion d’une corticothérapie (perte de chance d’un diagnos-tic anatomopathologique) et engager à adresser le patientà des équipes spécialisées.

Le diagnostic formel repose sur la mise en évidence decellules lymphomateuses, principalement de phénotypeB, qui peuvent être retrouvées soit après une biopsie céré-brale, soit après des prélèvements moins invasifs tels quela vitrectomie ou la ponction lombaire (cytologie positive

dans 10 à 30 % des cas dans le LCR), à privilégier encoredavantage dans la population âgée. Le scanner thoraco-abdomino-pelvien est réalisé pour éliminer une atteinte sys-témique du lymphome. Une sérologie VIH est prélevée àtitre systématique.

La prise en charge thérapeutique optimale, après confir-mation histologique, consiste en une corticothérapie et unechimiothérapie à base de méthotrexate à dose élevée(> 3 g/m2) 4. En effet, l’association à une radiothérapie encé-phalique in toto étant potentiellement neurotoxique, sonutilisation en est limitée, en particulier chez le sujet âgé.Pour ces derniers, l’utilisation du méthotrexate seul, enl’absence d’insuffisance rénale importante, semble pré-férable 4,5 ; la place du témozolomide en association auméthotrexate est actuellement en cours d’évaluation danscette population 6,7.

ConclusionDes atypies cliniques et le recours à l’imagerie ont per-

mis dans ce cas clinique de remettre en cause un diag-nostic de démence et la mise en évidence d’un diagnos-tic formel de LPSNC, dont la certitude demeure histologique.L’amélioration clinique partielle, bien que transitoire, pro-bablement due aux corticoïdes, a permis une reprise ducontact avec son entourage et un meilleur vécu familialde la maladie, le diagnostic de démence étant mal sup-porté par sa famille. Malheureusement, son état cliniqueinitial, en particulier son insuffisance rénale sévère, ne luia pas permis de bénéficier d’un traitement optimal de lamaladie. Il convient également d’insister sur les difficultésde tolérance des corticoïdes au long cours, en particulierdans la population gériatrique, ce qu’illustre parfaitementce cas. n

Découverte d’un lymphome cérébral primitif • Discovery of a primary lymphoma of the central nervous system

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Bibliographie :1 Bachalat N, Abdoun-Lopokhine N, Dupuydupin E, Bensafir D, Nguyen-Baudry S, PérilliatJ-G. Lymphome cérébral primitif chez le sujet âgé. La Revue de gériatrie 2007 vol.32 ; 2 : 137-140.2 Rubenstein J, Ferreri AJ, Pittaluga S, Primary lymphoma of the central nervous sys-tem : epidemiology, pathology and current approaches to diagnosis, prognosis andtreatment, Leuk Lymphoma 2008 ; 49 Suppl 1: 43-51.3 Benouaich-Amiel A, Kaloshi G, Khe HX, Lymphome cérébral primitif, Revue du pra-ticien 2006 Oct 31 ; 56 (16) : 1787-91.4 Sierra Del Rio M, Benouaich-Amiel A, Psimaras D, Dehais C, Hoang-Xuan K.Treatment of primary central nervous system lymphoma in the immunocompetent patient.Rev Neurol (Paris) 2008 Jun-Jul ; 164 (6-7) : 569-74.5 Gerstner ER, Zhu JJ, Engler DA, Mrugala MM, Nugent W, Nierenberg K, HochbergFH, Betensky RA, Batchelor TT. High dose methotrexate for elderly patients with pri-mary central nervous system lymphoma. Neuro Oncol 2008 Aug 29.6 Omuro AM, Taillandier L, Chinot O, Carnin C, Barrie M, Hoang-Xuan K. Temozolomideand methotrexate for primary central nervous system lymphoma in the elderdly.J Neuro Oncol 2007 Nov ; 85 (2) : 207-11.7 Reni M, Zaja F, Mason W, Perry J, Mazza E, Spina M, et al. Temozolomide as salvagetreatment in primary brain lymphomas. Br J Cancer 2007 Mar 26 ; 96 (6) : 864-7.

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»«Dossier thématique• Cancer de la prostate du sujet âgé • Prostate cancer in the elderly

Dossier thématique• Cancer de la prostate du sujet âgé • Prostate cancer in the elderly

Coordination : L. Moureya, b

a. Service d’Oncologie Médicale, Institut Claudius Regaud, 20-24 rue du Pont Saint-Pierre, 31052 Toulouse Cedex, France.b. Unité Pilote de Coordination en OncoGériatrie de Midi-Pyrénées, France.

Traitements des cancers de la prostate localisés chez les patients âgésTreatment of localised prostate cancer in elderly patientsA. Blouet, M. Thoulouzan, L. Mourey

Actualités dans le cancer de la prostate métastatiqueNew treatments for metastatic prostate cancerL. Mourey, C. Bernard-Marty

Cancer de la prostate métastatique du sujet âgéMetastatic prostate cancer in seniorsC. Bernard-Marty, L. Balardy, L. Mourey

Interview du Professeur Jean-Pierre Droz

Interview du Professeur Michel Soulié

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Du fait du vieillissement de la population et desmodalités de diagnostic précoce du cancer dela prostate, la problématique du traitement local

de patients âgés voire très âgés, parfois fragiles, se posede plus en plus fréquemment, que nous soyons en situa-tion de traitement curatif ou non.

La prise de décision dans cette situation est extrê-mement complexe et ne peut s’envisager que dans uncontexte pluridisciplinaire et d’échange avec le patientet ses proches.

Pour que ces discussions entre professionnels desanté ou avec le patient soient fertiles, il est important

d’avoir à l’esprit les données issues de la littérature dontnous disposons concernant les résultats en termesd’efficacité et de tolérance des traitements locaux chezles hommes âgés.

Nous avons donc souhaité faire une synthèse de cesdonnées en ce qui concerne les traitements chirurgi-caux, la radiothérapie mais également les méthodes desurveillance avec traitement différé.

Enfin, nous aborderons les modalités de prise dedécision et les paramètres reconnus comme les plusimportants actuellement pour fonder cette décision etpour qu’elle soit la plus profitable possible au patient.

Traitements des cancers de la prostatelocalisés chez les patients âgésTreatment of localised prostate cancer in elderly patients

A. Bloueta, M. Thoulouzanb, L. Moureyc, d

a. Service de Radiothérapie, Institut Claudius Regaud, 20-24 rue du Pont Saint-Pierre, 31052 ToulouseCedex, France.b. Service d’Urologie, CHU de Rangueil, 1 avenue du Professeur Jean Poulhès, TSA 50032, 31059 ToulouseCedex, France.c. Service d’Oncologie Médicale, Institut Claudius Regaud, 20-24 rue du Pont Saint-Pierre, 31052 ToulouseCedex, France.d. Unité Pilote de Coordination en OncoGériatrie de Midi-Pyrénées, France.Correspondance : L. Mourey, Service d’Oncologie Médicale, Institut Claudius Regaud, 20-24 rue du PontSaint-Pierre, 31052 Toulouse Cedex, France, tél. : +33 (0) 5 61 42 41 20, fax : +33 (0) 5 61 42 42 44, courriel :[email protected]

RésuméDu fait du vieillissement de la population et de l’augmentation de l’incidence du cancer de la prostate, nous

avons à prendre en charge de plus en plus de patients âgés présentant une néoplasie prostatique au stadelocalisé. Les modalités thérapeutiques disponibles sont multiples, prostatectomie totale par différentes tech-niques, radiothérapie externe, curiethérapie, surveillance active. Des techniques innovantes telles que les ultra-sons à haute fréquence ou la cryothérapie sont en cours de développement. Nous présentons dans cet arti-cle les données disponibles pour ces différentes modalités thérapeutiques appliquées aux patients âgés etles éléments à prendre en considération au moment de formuler la proposition de prise en charge.Mots clés : Cancer de la prostate localisé, prostatectomie, radiothérapie, curiethérapie, surveillance.

AbstractBecause of the longer life expectancy and increased incidence of prostate cancer, more and more elderly

patients must be managed for localised prostate cancer. Several therapeutic modalities are available inclu-ding radical prostatectomy by different techniques, external beam radiation, brachytherapy, active surveil-lance and innovative techniques under development such as HIFU or cryotherapy. We present here currentdata concerning these different treatment modalities in elderly patients and the factors to be taken intoaccount when deciding on management.Keywords : Localised prostate cancer, prostatectomy, radiotherapy, brachytherapy, active surveillance.

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La prostatectomie totaleLa lecture des référentiels de l’AFU (Association

Française d’Urologie), publiés en 2007, nous apprendque « la prostatectomie totale (PT) est le traitement deréférence des tumeurs localisées de la prostate chezl’homme avec une espérance de vie supérieure à 10 anset habituellement d’un âge ≤ 70 ans. Il n’y a pas derègle absolue concernant l’âge limite de réalisation dela prostatectomie totale mais après 70-75 ans, la mor-bidité compétitive augmente et rend le bénéfice de lachirurgie plus discutable par rapport aux autres alter-natives thérapeutiques » 1.

Sur le plan technique, elle est associée à l’exérèse bila-térale des vésicules séminales. Elle peut être réaliséepar voie chirurgicale ouverte rétro-pubienne ou périnéale,par voie laparoscopique trans ou extra-péritonéale. Ellepeut être également robot assistée, technique déve-loppée plus récemment.

Sur le plan carcinologique, le recul est aujourd’huiinsuffisant pour avoir une idée précise sur d’éventuellesdifférences en survie sans récidive entre ces tech-niques. La seule donnée vraiment exploitable concernele taux de marges chirurgicales positives qui est iden-tique quelle que soit la voie d’abord 2.

Concernant les résultats fonctionnels, les résultatsrapportés dans la littérature ne mettent en évidenceaucune différence quelle que soit la voie d’abord utili-sée, bien qu’il soit regrettable que l’évaluation de la conti-nence et de la dysfonction érectile soit si peu standar-disée dans les différentes études comparatives 3.

La prostatectomie totale peut être associée à uncurage ganglionnaire en fonction du groupe pronos-tique de D’Amico auquel appartient le patient 4. Devantun PSA < 10 ng/ml, une tumeur non palpable et un scorede Gleason < 7, la lymphadénectomie peut n’êtrequ’optionnelle. Elle est recommandée dans tous lesautres cas dans l’intention d’un traitement curatif, etconcerne les aires ganglionnaires iliaques externes,obturatrices et iliaques internes.

Dans les recommandations de l’EAU (EuropeanAssociation of Urology), mises à jour en 2010, il n’estpas précisé de limite d’âge supérieure à la réalisationd’une prostatectomie radicale mais l’indication doitêtre guidée par l’estimation de l’espérance de vie del’individu concerné. Ceci démontre l’évolution favora-ble actuelle des recommandations des sociétés savantesurologiques vis-à-vis de la prise en charge des patientsâgés.

Si on s’intéresse spécifiquement aux résultats de laprostatectomie totale dans la population âgée, les don-nées ne sont pas très nombreuses. Néanmoins, cer-tains se sont intéressés spécifiquement à cette ques-tion. Ainsi, Thompson a extrait 19 patients de 80 à 84 ans

opérés d’une prostatectomie totale à la Mayo Clinicentre 1986 et 2003 parmi 13154 cas (0,19 %) 5.

La population avait un âge moyen de 81 ans, un scoreASA moyen de 2,4 (2 à 3). Les tumeurs prostatiquesinitiales étaient au moins de stade T3 ou de score deGleason ≥ 7 pour 13 patients (69 %) et le PSA médianétait de 10,2 ng/ml (1,3 à 45,9). Après un suivi médiande 10,5 ans (1,2 à 14,2), 10 patients avaient survécuplus de 10 ans après la chirurgie, 6 étaient vivants àmoins de 10 ans du geste, 3 étaient décédés dans cettemême période de 10 années. Aucun de ces patientsn’est décédé de son cancer de la prostate et le tauxde mortalité toutes causes confondues était compa-rable à celui de patients en bonne santé de la tranched’âge 60-79 ans. Sur le plan fonctionnel, 14 patientsétaient continents (74 %) et 1 patient a nécessité la miseen place d’un sphincter artificiel. L’analyse de ce groupede patients sans doute très sélectionnés montre quela prostatectomie totale peut être réalisée avec de bonsrésultats oncologiques chez des patients de plus de80 ans, même si les résultats en terme de continencesont moins bons que ceux que l’on obtient chez despatients plus jeunes.

En Europe, c’est l’équipe de Frohner qui s’est inté-ressée, dans une étude rétrospective, à la mortalité despatients de 70 ans et plus, après prostatectomie totale 6.Il a notamment cherché à en évaluer les causes et lesfacteurs pronostiques. Avec un suivi moyen de 5,1 ans(1,3 à 12,5 ans), il apparaît que 29 % des décès consta-tés dans ce groupe de patients sont liés au cancer dela prostate, 42 % à un second cancer et 29 % à leurscomorbidités.

Le seul facteur pronostique de décès était une insuf-fisance cardiaque de grade 2 de la New York HeartAssociation. Les comorbidités, évaluées dans cetteétude selon l’échelle de Charlson, n’étaient pas pro-nostiques du décès. Dans une population de patientsde 67 à 69 ans inclus, qui a été utilisée comme com-parateur, il a été constaté au contraire un lien net entreles comorbidités évaluées selon Charlson et le décèsdu fait de ces comorbidités.

Cet élément souligne, là encore, la plus grande sélec-tion des patients à qui est proposée une prostatecto-mie totale lorsque leur âge augmente.

Certains auteurs se sont intéressés plus spécifique-ment à la technique laparoscopique.

Xylinas a publié récemment une expérience françaisede prostatectomie totale par voie laparoscopique chezdes patients de plus de 75 ans 7. Sont présentés lesrésultats de 22 patients pris en charge entre 2000et 2007 dans une seule institution parmi un nombre totalde 1448 interventions.

L’âge moyen était de 76,5 ans (75 à 81), le score ASA

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moyen était de 2,1 (2 à 3). Le PSA moyen était en préo-pératoire de 10,77ng/ml (5-30) et le score de Gleasonbiopsique moyen de 6,6 (6 à 9), tous les patients étaientconsidérés comme porteurs d’un cancer de la pros-tate localisé.

Les complications peropératoires ont été représen-tées par deux plaies rectales, l’une suturée sans pro-blème, l’autre ayant nécessité une colostomie.

Après un suivi moyen de 45 mois, tous les patientsétaient en vie, 5 (23 %) avaient présenté une rechutebiologique prise en charge par hormonothérapie ouradiothérapie externe. Tous les patients qui ont présentéune rechute biologique avaient une pathologie pT3a/b.

Sur le plan fonctionnel, 82 % des patients étaientcontinents à 12 mois postopératoires, c’est-à-dire n’uti-lisant aucune protection et 36 % d’entre eux avaientune érection avec ou sans aide pharmacologique per-mettant une pénétration vaginale.

Poulakis a également rapporté une série rétrospec-tive de prostatectomies totales réalisées par voie lapa-roscopique extrapéritonéale chez des hommes de plusde 70 ans (n = 72) 8. Les résultats constatés ont étécomparés à ceux obtenus chez des patients plus jeunes(127 hommes de moins de 60 ans) opérés selon la mêmetechnique et également à ceux d’un groupe de patientsde plus de 70 ans (n = 70) opérés par laparotomie parvoie ouverte rétro-pubienne.

La comparaison des deux groupes de chirurgie coe-lioscopique a montré que les patients les plus âgésavaient des maladies plus avancées en terme de stadeclinique (45 % contre 32 % de stade ≥ T3 p < 0,01) oude score de Gleason (Gleason médian 7 contre 6 p< 0,01). La récidive biologique était plus fréquente dansle groupe des patients les plus âgés. Par ailleurs, si lamorbidité paraissait comparable, le taux de continenceà 6 mois était significativement moins bon chez les plusde 70 ans (67 % contre 91 %, p < 0,01).

La comparaison des deux voies d’abord chez lespatients âgés montrait que les caractéristiques de la mala-die étaient cette fois comparables entre les deux groupes,comme le temps opératoire, mais que les pertes san-guines, la durée d’hospitalisation et la durée de conva-lescence étaient plus courtes chez les patients pris encharge par voie laparoscopique. Concernant la qualitéde vie, elle semblait également meilleure dans ce groupeet ce surtout dans les 6 premiers mois postopératoires.Les auteurs n’ont par contre pas mis en évidence dedifférence significative sur la continence à 1 an.

Il n’existe pas de données spécifiques concernant leretentissement de la prostatectomie totale sur l’érec-tion chez les sujets âgés. On peut néanmoins penserque le risque de dysfonction érectile est élevé dans lamesure où l’âge est un facteur indépendant dans la sur-

venue de cette complication après prostatectomie.La fonction érectile préopératoire est un facteur impor-

tant à prendre en compte. Une dysfonction érectilepréexistante, même modérée, sera aggravée par l’in-tervention, surtout en cas de comorbidités affectant l’hé-modynamique pénienne, comme un diabète, une hyper-tension artérielle, une coronaropathie, unehypercholestérolémie, un tabagisme actif.

Ce qui est certain également c’est l’impact du typed’intervention. La préservation des bandelettes neuro-vasculaires améliore objectivement la récupération dela fonction érectile postopératoire.

Enfin, l’âge de la partenaire est également un facteurqui a été évoqué dans la littérature.

Même si les données sont peu nombreuses, il nesemble donc pas exister de différence importante entreles résultats des prostatectomies faites chez les sujetsâgés par rapport à celles réalisées chez des patientsplus jeunes en dehors de la continence, donnée impor-tante par l’impact qu’elle a sur la qualité de vie despatients et sur la dysfonction érectile. Néanmoins, lasélection des patients paraît être un élément importantpour garantir un équilibre entre le bénéfice attendu dela chirurgie et les risques encourus. Cette sélectionressort nettement des séries disponibles dans la litté-rature et correspond tout à fait à la démarche oncogé-riatrique.

La radiothérapie externeLa radiothérapie est une des armes thérapeutiques

majeures dont nous disposons pour prendre en chargenos patients atteints de cancer de la prostate.

Sur le plan technique, le standard actuel est la radio-thérapie conformationnelle 3D qui peut être encoreoptimisée grâce à la technologie de la modulation d’in-tensité (RCMI).

Ces progrès technologiques permettent en fait uneescalade de dose au niveau du volume à traiter pouraméliorer le contrôle local, sans augmenter les effetssecondaires aigus sur les organes critiques de voisi-nage, en particulier la vessie et le rectum. Les donnéesdisponibles sur les effets secondaires tardifs semblentégalement en faveur de la modulation d’intensité.

Dans les études dont nous disposons, qu’elles soientrétrospectives avec un groupe de plus de 75 anscomme celle de Geinitz, ou prospective comme cellesde l’EORTC rapportées par Pignon où les plus de70 ans étaient considérés, il ne semble pas qu’il y aitde différence de tolérance en fonction de l’âge 9,10.

Néanmoins, il convient de prendre en compte lescomorbidités qui, elles, ont un impact sur l’incidence des

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complications et en particulier le diabète et l’artérite.Bien entendu des paramètres tels que la dose déli-

vrée ou l’étendue des champs d’irradiation sont desparamètres étroitement liés à la survenue de toxicité.Ce risque accru de toxicité est à mettre en balance avecl’augmentation de la survie sans récidive biologique liéeà l’escalade de dose sur le volume prostatique et, dansune moindre mesure, à l’irradiation ganglionnaire pel-vienne.

Ainsi l’irradiation des aires ganglionnaires pelviennessera évitée si la probabilité d’envahissement ganglion-naire pelvien est faible car le risque de toxicité aiguë,en particulier gastro-intestinale, augmente 11. Les tech-niques de RCMI peuvent là encore apporter un gainen termes de toxicité aiguë, en sachant que nous man-quons de données avec un recul suffisant sur la toxi-cité tardive des irradiations pelviennes en modulationd’intensité pour cancer prostatique.

De la même façon, la possibilité d’associer une hor-monothérapie androgéno-suppressive pendant 6 moisdans les formes de pronostic intermédiaire qui est unstandard chez les patients jeunes, doit être évaluée aveccirconspection chez les sujets âgés présentant descomorbidités modérées à sévères. Les effets secon-daires des traitements hormonaux pourraient en effetcontre-balancer le bénéfice en termes de survie glo-bale. Par contre, il apparaît que le bénéfice de l’hor-monothérapie androgéno-suppressive en associationà la radiothérapie dans les formes à haut risque estretrouvé également chez les sujets âgés sans ou avecde légères comorbidités 12.

La curiethérapieLa curiethérapie est un traitement curatif du cancer

prostatique consistant en la mise en place de grainsd’Iode 125 radioactif au sein de la glande prostatique.L’implantation est réalisée par voie périnéale souscontrôle échographique au cours d’une anesthésiegénérale.

Cette technique permet de délivrer une dose trèsimportante dans le volume prostatique, tout en épar-gnant relativement les tissus périprostatiques, la dosechutant très rapidement en périphérie de la zone d’im-plantation.

Ces éléments expliquent les avantages et les incon-vénients de cette technique : elle permet de minimiserle risque de complications au niveau des organes devoisinage (avec moins de dysfonction érectile qu’avecles autres techniques), mais le contrôle de la maladiene pourra être assuré en cas d’extension extra-capsu-laire. La curiethérapie s’adresse donc à des tumeurs debon pronostic : en général Gleason ≤ 6, PSA initial ≤ 10

ng/mL, absence d’atteinte capsulaire et faible propor-tion d’adénocarcinome sur les carottes biopsiques.

Du fait des fortes doses délivrées dans la prostate,c’est l’urètre prostatique qui est le principal organe cri-tique dans cette procédure : l’urétrite que présententles patients dans les semaines suivant l’implantationpeut se manifester sous forme d’une dysurie invali-dante. Des troubles fonctionnels urinaires sévères pré-existants au traitement constituent donc une contre-indication à la réalisation d’une curiethérapie prostatique.De même, elle ne pourra être réalisée pour des raisonstechniques en cas d’antécédent de résection transuré-trale de prostate, ou en cas de volume prostatiquetrop important (> 55 cm3) 1,2.

Du fait de ces éléments et des habitudes, les indica-tions de la curiethérapie semblent plus réduites enFrance qu’aux USA où, par exemple, lorsqu’une tumeurest strictement intra-capsulaire avec une prostate devolume correct (moins de 50 g), un taux de PSA < 10et un Gleason < 7, il pourra être proposé une curiethé-rapie. Néanmoins, en France à ce jour, les attitudes seportent vers la prostatectomie totale et la radiothéra-pie externe, en particulier chez les sujets âgés porteursde comorbidités chez lesquels une tumeur de bon pro-nostic doit faire discuter une surveillance active.

Il n’existe pas de données spécifiques sur l’efficacitéde cette technique chez les sujets âgés porteurs detelles tumeurs.

En terme de tolérance, il apparaît que les complica-tions de la curiethérapie au niveau urinaire, digestif ouérectile sont liées à l’âge et aux comorbidités, celles-ci étant un facteur prédictif plus fort que l’âge en ana-lyse multivariée 13.

La surveillance activeActuellement, du fait de la généralisation des diagnos-

tics précoces de cancer de la prostate grâce au dosagedu PSA, il est découvert de plus en plus de cancersde petite taille et d’agressivité présumée faible. De plus,on sait à partir de séries autopsiques qu’un grand nom-bre de cancers de prostate ne se manifestera jamaiscliniquement, et qu’un nombre plus grand encore n’en-traînera pas le décès. Cet élément a poussé les uro-logues à mettre en place des stratégies de prise encharge décalée pour ne proposer un traitement qu’auxpatients dont le cancer de la prostate risque d’êtresignificatif cliniquement.

Deux types de stratégies de traitement décalé sonthabituellement décrits. La première que l’on pourraitappeler « abstention-surveillance » correspond au« watchfull waiting » des anglo-saxons. Elle consiste àmettre en œuvre un traitement (hormonothérapie, radio-thérapie) uniquement en cas de signes de progression

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locaux ou généraux de la pathologie. La seconde estla « surveillance active » qui consiste, pour un cancerde la prostate à un stade potentiellement curable, avecdes caractéristiques de tumeur à très faible risque deprogression, à discuter une surveillance « structurée »et un traitement différé si nécessaire. De cette manière,ne seront traitées que les pathologies évolutives qui sontcelles à risque de s’exprimer cliniquement 2.

Si cette option peut être intéressante chez des patientsjeunes, elle est également très attractive chez dessujets âgés. Pour eux, une stratégie attentiste peutêtre évoquée dans plusieurs situations :

• lorsque l’on est confronté à une pathologie de pro-nostic favorable selon la classification de D’Amico,puisque, dans ce groupe, le risque de décès spécifiqueest quasi nul chez les patients de plus de 70 ans ;

• lorsque l’espérance de vie estimée est potentielle-ment courte du fait d’un très grand âge, de comorbi-dités compétitives sévères ;

• lorsque le patient souhaite éviter ou retarder leseffets secondaires des traitements curatifs.

Les avantages d’une telle stratégie sont évidentspuisqu’elle permet au patient d’éviter un traitement sou-vent lourd, impactant la qualité de vie et parfois inutile.

Cependant, elle induit souvent une certaine anxiétéchez le patient et son entourage. Elle peut égalemententraîner un retard au diagnostic d’une maladie plusavancée au niveau local ou métastatique, maladie quisera parfois symptomatique. Enfin, elle entraîne une sur-veillance médicale plus lourde, même si les biopsiesde contrôles systématiques qui sont réalisées chez lespatients jeunes ne le seront peut-être pas chez lespatients plus âgés.

Encore une fois, c’est la combinaison d’une évalua-tion du potentiel évolutif de la néoplasie et de l’évalua-tion globale de l’état de santé qui va permettre d’en-visager ce type de stratégie.

Le facteur pronostic lié au cancer de prostate le plusimportant à prendre en compte pour évaluer le poten-tiel évolutif d’un patient donné est sans conteste le scorede Gleason comme l’on mit en évidence plusieursétudes dont celle d’Albertsen 14.

Dans les recommandations de la SIOG pour la priseen charge des patients âgés atteints de cancers de laprostate, la décision de prise en charge doit être éga-lement basée sur une évaluation individuelle de la pro-babilité de survie, davantage basée sur l’analyse descomorbidités que sur l’âge chronologique. Ainsi lespatients âgés qui appartiennent aux groupes de pro-nostic favorable et intermédiaire de D’Amico sont lesplus à même de profiter d’une approche de type sur-veillance active 15,16.

Les ultrasons focalisés (HIFU)Cette technique est encore en évaluation. Les ultra-

sons sont délivrés par voie transrectale, sous anesthé-sie générale ou rachi-anesthésie et guidés par écho-graphie. Ils provoquent des dommages mécaniques auxtissus, par effet thermique et par cavitation.

Il convient, avant de réaliser le traitement, que soit pra-tiquée une résection trans-urétrale de prostate afind’éviter une rétention urinaire postopératoire. C’est untraitement relativement long qui nécessite environ 1hde traitement pour 10 g de prostate.

Elle est utilisée en France dans le cadre d’une charteproposée par l’AFU pour des indications précises :‡ Patients de plus de 70 ans ayant une espérance

de vie d’au moins 7 ans ou plus jeunes mais porteursde comorbidités compétitives ;‡ Porteurs d’une tumeur T1- T2 N0 M0, avec un

score de Gleason ≤ 7 (3+4) ;‡ Ayant un PSA ≤ 15ng/ml ;‡ Un volume prostatique ≤ 50 cc ;‡ Un volume tumoral limité (moins de 4 zones prosta-

tiques atteintes sur 6).L’impuissance postopératoire est présente dans 55

à 70 % des cas.Une incontinence urinaire de grade I et II est retrou-

vée dans environ 12 % des cas 2,17,18.Lorsqu’elle aura été validée, l’HIFU pourra représen-

ter un traitement susceptible d’être administré auxpatients âgés qui nécessitent un traitement local maisqui ne peuvent bénéficier d’une chirurgie, d’une radio-thérapie externe ou d’une curiethérapie. En particulier,les patients présentant des signes fonctionnels uri-naires en relation avec une prostate volumineuse sontde bons candidats à cette technique en raison de larésection qui doit être mise en œuvre.

Elle présente également l’intérêt particulier de pou-voir être utilisée en traitement de rattrapage pour lespatients primo traités par radiothérapie externe et pré-sentant une rechute sans évidence de maladie extra-prostatique.

CryothérapieCette technique entraîne la mort cellulaire par tech-

nique de congélation. Elle contribue à dénaturer les pro-téines ce qui entraîne une déshydratation, elle permetla rupture des membranes cellulaires par les cristauxde glace du fait de la stagnation sanguine qu’elle pro-voque dans la microcirculation, elle provoque l’appa-rition de microthrombi et de zones d’ischémie ainsique l’apoptose des cellules tumorales.

Elle est réalisée à l’aide de 12 à 15 aiguilles qui per-mettent de réfrigérer les tissus. Ces aiguilles sont pla-cées sous contrôle échographique.

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Elle peut être proposée chez des patients dont levolume prostatique est inférieur à 40 ml, le PSA infé-rieur à 20 ng/ml et le score de Gleason < 7 2.

Cette technique est encore en évaluation. Une méta-analyse avait d’ailleurs rapporté l’absence d’essais ran-domisés, de données de survie disponibles et de cri-tères biochimiques de substitution validés, et que lestaux de contrôle biochimique semblaient en être moinsbons qu’après prostatectomie radicale, en particulierdans le groupe des patients de bon pronostic 19. Ceciest d’autant plus vrai que le recul disponible concer-nant les matériels les plus récents, et donc les plus per-formants, est très court.

Nous ne disposons pas actuellement de données spé-cifiques concernant les sujets âgés avec cette technique.

Les effets secondaires de cette technique sont repré-sentés par les troubles de l’érection qui sont très fré-quents pouvant atteindre 80 % même avec les derniersmatériels. Les autres effets secondaires sont repré-sentés par des desquamations tissulaires dans 3 % descas, incontinence dans 4,4 % des cas, douleurs pel-viennes dans 1,4 % des cas et rétention urinaire pour2 % des cas 19.

Traitements focauxMême s’ils ne représentent pas du tout un standard

actuellement, les questions soulevées par le dépistagedu cancer de la prostate font que cette approche auraun avenir probablement très riche. Ce d’autant que lestechniques thermoablatives telles que l’HIFU ou la cryo-thérapie permettent d’envisager une telle prise encharge.

Ces procédures nécessitent une cartographie biop-sique précise de la prostate qu’il est recommandé defaire par voie périnéale.

Cette technique ne peut être réalisée actuellement quedans le cadre d’essais cliniques et il n’existe pas dedonnées spécifiques concernant les sujets âgés.

Traitement hormonalLe traitement hormonal isolé est une modalité théra-

peutique largement utilisée chez les patients âgésatteints de cancers de la prostate localisés mais consi-dérés comme ne pouvant pas recevoir un traitementcuratif. Or, il ne s’agit pas d’un traitement standard, endehors d’une maladie symptomatique 20 ou à hautrisque 21.

La prescription d’une hormonothérapie androgéno-suppressive est par ailleurs associée à des effets secon-daires qui doivent être absolument pris en compte aumoment de la prescription 22.

En effet, ce traitement induit une perte osseuse pou-

vant augmenter de manière significative le risque de frac-ture dans une population où la prévalence d’ostéopé-nie et d’ostéoporose est déjà particulièrement impor-tante. Elle est en général associée à une sarcopéniepouvant favoriser les chutes et la dépendance.

Par ailleurs, l’hormonothérapie entraîne, dès le débutdu traitement (1 à 4 mois après son initiation), unemajoration du risque de diabète et de maladie corona-rienne. Ainsi, une étude américaine basée sur plus de73000 patients issus des bases de données Medicare,porteurs d’un cancer de la prostate au stade locoré-gional, a montré que les agonistes de la LHRH seraientassociés avec une augmentation de l’incidence de dia-bète, de coronaropathies, d’infarctus du myocarde,de mort subite d’origine cardiaque 23.

Par ailleurs, pour les tumeurs localement avancées,deux études présentées au congrès de l’ASCO 2010ont montré un net avantage à la réalisation d’une radio-thérapie en association à l’hormonothérapie.

La première étude randomisée française, rapportéepar Mottet (#4505), a montré l’impact de l’ajout d’uneradiothérapie associée à un blocage hormonal par unagoniste de la LHRH pendant 3 ans par rapport à lamême hormonothérapie pour des tumeurs localementavancées (T3/T4 N0M0).

Dans cette étude, les survies sans rechute biologique,locale ou métastatique sont significativement amélio-rées par l’apport de la radiothérapie, ce qui n’est pasle cas de la survie globale, peut-être en raison d’un reculinsuffisant. Les critères d’inclusion de cette étude spé-cifiaient un âge < 80 ans 24. La deuxième étude, deWarde, comparait le blocage androgénique seul ouassocié à une irradiation dans les cancers localementavancés de la prostate chez 1205 patients dont nousn’avons pas de précision sur l’âge. Cette étude a mon-tré cette fois un avantage en survie globale et en sur-vie spécifique sans retentissement sur la toxicité tar-dive 25.

Les résultats de ces deux études confirment que letraitement hormonal isolé ne doit être envisagé que chezdes patients symptomatiques dont l’espérance de vieest courte du fait de comorbidités compétitives impor-tantes.

Conclusion : comment prendre unedécision ?

La prise en charge d’un cancer de la prostate loca-lisé chez un homme âgé est possible. Mais cette priseen charge est-elle profitable au patient ? Pour répon-dre à cette question, certains auteurs ont ainsi essayéde modéliser l’intérêt d’une prise en charge curative d’uncancer de la prostate chez l’homme âgé en utilisant unmodèle de Markov. Ainsi, Alibhai 26 a comparé la pro-

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babilité de survie ajustée à la qualité de vie (QALE) depatients stratifiés sur l’âge et la différenciation de leurcancer de prostate, en fonction de leur prise en chargepar surveillance active, chirurgie ou radiothérapie. Lesauteurs concluent qu’aucun avantage n’est à attendred’un traitement curatif chez les plus de 70 ans porteursd’un cancer bien différencié et ce, quel que soit leurniveau de comorbidité. En revanche, un bénéfice entermes de survie et de QALE est retrouvé chez despatients de plus de 70 ans porteurs de cancers de laprostate moyennement à peu différenciés y compris chezdes patients porteurs de comorbidités intermédiaires.

La proposition thérapeutique doit donc être basée sur

les données liées à la pathologie qui nous permettentd’estimer sa probabilité de retentissement clinique, etsur des données liées au patient, si possible après uneévaluation gériatrique standardisée, en particulier de sescomorbidités. Ce mode de réflexion correspond toutà fait à la démarche oncogériatrique qui, par rapport àl’évaluation médicale habituelle du rapportbénéfice/risque, va inclure des données spécifiques àla personne âgée (dépendance, troubles cognitifs,importance de la situation psychosociale) 15,16.

Nous aurons ainsi des éléments précieux pour prendreune décision avec notre patient et son entourage enfonction du bénéfice attendu et des risques encourus. n

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L’année 2010 a été marquée par une actualité trèsriche concernant les traitements du cancer dela prostate résistant à la castration. Pour l’ins-

tant développés dans les formes avancées, de nou-veaux médicaments nous permettent d’espérer uneamélioration du temps que nous pouvons donner à nospatients, en quantité et en qualité.

Le début des années 2000 a vu l’arrivée du docetaxelà l’origine d’un gain en survie globale et en qualité devie pour cette population pour laquelle les médecinsne disposaient que de peu de moyens thérapeu-tiques 1,2. Au delà de cette première ligne, les traite-ments, y compris chimiothérapiques, étaient surtoutprescrits à visée symptomatique.

Cette année ont été présentées et publiées plusieursétudes concernant des produits amenant un gain ensurvie au-delà du docetaxel, laissant entrevoir la pos-sibilité d’augmenter la durée de vie de ces patients, àl’exemple de ce qui s’est passé dans le cancer du

colon dans les années 90 où l’apparition de chimio-thérapies de deuxième génération puis de thérapeu-tiques ciblées ont permis de faire passer la médianede survie de 6 mois à deux ans en quelques années.

Ce qui est particulier cette année dans le cancer dela prostate, c’est la concomitance de l’émergence deplusieurs thérapeutiques aux modes d’action diffé-rents, ce qui va nécessiter un futur travail de straté-gie afin de définir les meilleures séquences thérapeu-tiques pour nos patients. Il faudra parallèlement menerun travail sur les caractéristiques biologiques descancers de la prostate afin de déterminer les facteursprédictifs de réponse aux différents traitements dis-ponibles.

Nous nous proposons de faire un point sur ces nou-velles thérapeutiques du cancer de la prostate, sansêtre exhaustif, mais en se focalisant sur les résultatsles plus importants de cette année et les éventuellesdonnées chez les patients âgés.

Actualités dans le cancer de la prostatemétastatiqueNew treatments for metastatic prostate cancer

L. Moureya, b, C. Bernard-Marty a, b

a. Service d’Oncologie Médicale, Institut Claudius Regaud, 20-24 rue du Pont Saint-Pierre, 31052 ToulouseCedex, France.b. Unité Pilote de Coordination en OncoGériatrie de Midi-Pyrénées, France.Correspondance : L. Mourey, Service d’Oncologie Médicale, Institut Claudius Regaud, 20-24 rue du PontSaint-Pierre, 31052 Toulouse Cedex, France, tél. : +33 (0) 5 61 42 41 20, fax : +33 (0) 5 61 42 42 44, courriel : [email protected]

Résumé L’année 2010 a été riche en résultats positifs pour les cancers de la prostate métastatiques. Ont été pré-

sentées ou publiées plusieurs études montrant des bénéfices en survie globale avec des traitements aux modesd’action différents et pour la plupart avec un profil de tolérance très favorable. Nous présentons dans cet arti-cle les résultats les plus marquants qui soulignent le travail de recherche clinique et en transfert à fournir notam-ment pour déterminer les patients les plus à même de bénéficier de ces thérapeutiques et pour évaluer leurutilisation chez les patients les plus âgés qui sont peu représentés.Mots clés : Cancer de la prostate métastatique, hormonothérapie, chimiothérapie, sujet âgé.

AbstractA wealth of positive results were obtained during 2010 in metastatic prostate cancer. Several studies were

presented or published showing that treatments with different mechanisms and, in most cases, a favourablesafety profile gave an overall survival benefit. The most striking results are presented here. They underline thenumber of clinical and biological research studies that are necessary to more clearly identify those patientslikely to benefit from these new drugs and assess their use in unselected elderly patients.Keywords : Metastatic prostate cancer, hormone therapy, chemotherapy, elderly.

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AbiratéroneComposé administré oralement, abiratérone est un inhi-

biteur de la biosynthèse des androgènes qui agit eninhibant de manière sélective, puissante (1 à 30 fois plusque le kétoconazole) et irréversible le CYP17A1 qui estnécessaire à l’action des enzymes 17α hydrolase et17,20 lysase. Par son action sur ce cytochrome, l’abi-ratérone bloque la synthèse des androgènes au niveaudes testicules et des glandes surrénales mais égale-ment au niveau intratumoral, cette dernière ayant étémise en évidence récemment. Par ce biais, l’abiraté-rone permet d’amener une concentration intratumoralede testostérone en-dessous des seuils de détection(<1ng. dL) 3.

Après les résultats des études de phase I et II qui avaientété très prometteurs 4,5, de Bono a présenté les résul-tats d’une étude de phase III à l’ESMO en octobre der-nier 6.

Cette étude internationale en double aveugle compa-rant 1 000 mg d’abiratérone par jour plus 5 mg deprednisone 2 fois par jour à la même dose de predni-sone plus placebo a inclus 1195 malades prétraitéspar chimiothérapie par docetaxel et même pour 28 %des patients par deux lignes de chimiothérapie.

L’étude a été interrompue prématurément par le comitéindépendant de suivi des données au cours de l’été2010 qui a recommandé une levée de l’aveugle en rai-son d’une différence de survie globale de 3,9 moisentre les deux groupes en faveur du bras abiratérone,correspondant à une diminution de 35 % du risque dedécès (14,8 mois vs 10,9 mois, p < 0,00001, RR= 0,646 ; IC = 0,54 à 0,77).

Ces résultats sont confirmés dans tous les sous-groupes évalués dans cette étude et le gain est signi-ficatif également pour tous les objectifs secondaires(temps jusqu’à progression du PSA, survie sans pro-gression radiologique, taux de réponse sur le PSA).

Le profil de tolérance global est très favorable et il n’estnoté, du fait de son mécanisme d’action, que des effetsliés à l’impact de l’abiratérone sur la voie des minéra-locorticoïdes (rétention hydrique, hypokaliémie, hyper-tension artérielle) qui nécessitent la prise quotidienned’une faible dose de stéroïdes. Les toxicités de grade3-4 étaient cependant rares (3,8 % pour l’hypokalié-mie et 1,3 % pour l’hypertension artérielle dans le brasabiratérone).

Ces résultats confirment l’hypothèse d’une sécrétionandrogénique persistante dans les cancers de la pros-tate résistants à la castration à laquelle ils restent dépen-dants.

Sont maintenant attendus les résultats d’une autreétude de phase III, dans laquelle les inclusions sont ter-minées, et qui pose la question chez plus de 1000

patients de l’efficacité de l’abiratérone chez des patientsporteurs de cancers de la prostate résistants à la cas-tration mais chimio-naïfs.

MDV 3100Dans le même esprit de recherche autour de la per-

sistance d’une dépendance aux androgènes aprèséchec d’une hormonothérapie de 1ère intention a étédéveloppé le MDV 3100. Il s’agit d’un nouvel antago-niste du récepteur aux androgènes qui présente uneaffinité plus importante que ceux dont nous disposonsactuellement. Par ailleurs, le MDV 3100 semble avoirégalement une action en aval de la fixation sur le récep-teur aux androgènes en empêchant la translocationnucléaire, la fixation à l’ADN et la mise en jeu des co-activateurs. Enfin, il est dépourvu d’action agoniste aucontraire des anciens anti-androgènes qui avaient ceteffet chez environ 20 % des patients, expliquant leclassique « syndrome de retrait des anti-androgènes ».

Sher a publié en avril dernier les résultats d’une phaseI/II intéressant des patients porteurs de cancers de laprostate en échappement hormonal, dont 65 étaientchimio-naïfs et 75 avaient déjà reçu une ligne de chi-miothérapie 7.

Les réponses constatées étaient très intéressantesnotamment dans le groupe des patients n’ayant jamaisreçu de chimiothérapie. Ainsi la proportion de patientsprésentant une réponse ≥ 50 % du PSA à 12 semainesétait de 51 % contre 36 % respectivement chez lespatients n’ayant pas reçu ou ayant reçu une chimio-thérapie (p = 0,02). Le temps jusqu’à progression duPSA (selon les critères du Prostate Cancer ClinicalTrials Working Group) était respectivement de41 semaines chez les patients chimio-naïfs, 21 semaineschez les patients prétraités, soit 32 semaines pour l’en-semble de la population. Le temps médian jusqu’àprogression radiologique n’était pas atteint pour lespatients chimio-naïfs, de 29 semaines pour les patientsprétraités et de 47 semaines pour la population glo-bale.

La tolérance était satisfaisante avec comme effetssecondaires les plus fréquents la fatigue, les nauséeset l’anorexie. La fatigue en particulier semblait liée à ladose et a justifié des diminutions de celle-ci au-delà de240 mg qui sera la dose finalement retenue au termede cette étude.

Il est à noter que des crises d’épilepsie ont été décritessans que l’on puisse être certain de la responsabilitédu produit.

Des études de phase III sont actuellement en courspour confirmer l’intérêt de ce produit chez des patientsavant et après chimiothérapie pour un cancer de la pros-tate résistant à la castration.

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Sipuleucel-TIl s’agit d’une immunothérapie active (car elle stimule

la réaction immunitaire de l’hôte) et spécifique (elle estbasée sur la reconnaissance d’antigènes tumoraux),enregistrée par la FDA en avril 2010 du fait d’un gainen survie globale retrouvé dans une étude de phase IIIrandomisée et contrôlée par un placebo en doubleaveugle 7,8.

Un total de 512 patients porteurs d’un cancer de laprostate résistant à la castration a été inclus. L’âgemédian était de 72 ans (49-91) dans le bras sipuleu-cel-T et de 70 ans (40-89) dans le bras contrôle, sansque soient renseignées les proportions des différentesclasses d’âge.

Le traitement expérimental consistait en une injectionde cellules mononuclées du sang périphérique auto-logues associées à des cellules présentatrices d’anti-gènes activées ex vivo par une protéine de fusionrecombinante représentant l’antigène tumoral (phos-phatase acide prostatique associée au granulocyte-macrophage stimulating factor).

La médiane de survie était de 25,8 mois dans legroupe expérimental contre 21,7 mois dans le groupeplacebo (HR : 0,77 ; p = 0,02).

La particularité de cette étude, comme dans d’autresétudes antérieures avec ce produit, est que cette réduc-tion de 23 % du risque de décès est obtenue sans signeobjectif de réponse tumorale puisque dans le groupesipuleucel-T il a été constaté une seule réponse tumo-rale sur 341 patients et 3 % de réponse ≥ 50 % sur lePSA.

Il avait par contre été retrouvé une réponse anticorpschez environ 2/3 des patients, corrélée à la survie alorsque la réponse sous forme d’une prolifération de cel-lules T retrouvée chez ¾ des patients n’était pas cor-rélée à la survie.

Cette nouvelle technique thérapeutique doit trouversa place dans notre arsenal, et son mécanisme d’ac-tion fera qu’elle sera peut-être davantage utilisée plustôt dans la maladie, pourquoi pas en situation adjuvante.Il faudra pour cela que l’on apprenne à bien évaluer lesfacteurs prédictifs d’efficacité, et probablement que leprix de tels traitements baisse puisqu’il est actuellementtrès élevé.

CabazitaxelLe cabazitaxel est une nouvelle chimiothérapie qui a

été également enregistrée en 2010 aux USA à la suitedes résultats de l’étude TROPIC présentée au congrèsde l’ASCO 2010 à Chicago 9. Le cabazitaxel est unedrogue de la famille des taxanes, agissant comme unpuissant stabilisateur des microtubules et efficace surdes lignées cellulaires résistantes au docetaxel. Cette

étude de phase III comparant la prednisone associéeau cabazitaxel 25 mg/m² toutes les 3 semaines ou àla mitoxantrone 12 mg/m² toutes les 3 semaines avaitpour objectif principal la survie globale. 378 patientsavec un âge médian de 67 ans (61-72) ont été rando-misés dans le bras cabazitaxel et 377 dans le brasmitoxantrone. Le tableau des caractéristiques démo-graphiques annonce que 70 patients (19 %) dans lebras expérimental et 69 patients (18 %) dans le brascontrôle avaient plus de 75 ans, mais nous ne dispo-sons pas des caractéristiques gériatriques de cespatients.

Avec un suivi médian de 12,8 mois, il a été montréun gain en survie globale médiane en faveur du brascabazitaxel de 15,1 mois contre 12,1 dans le brasmitoxantrone, correspondant à une réduction du risquerelatif de décès de 30 % (HR 0,70, p < 0,001). Cetteefficacité est également retrouvée au niveau des objec-tifs secondaires, évaluant la réponse et le temps jusqu’àprogression biologique et radiologique, mais la diffé-rence n’était pas significative sur les données de réponseet de progression sur la douleur.

La toxicité du cabazitaxel semble devoir être prise encompte. Il a été retrouvé en particulier 82 % de neu-tropénies de grade ≥ 3, 6 % de diarrhées de grade ≥ 3et 14 % de neuropathies de tous grades. L’incidencede neutropénie fébrile était de 8 % (28 patients) versus1 % (5 patients) respectivement dans le bras cabazi-taxel et mitoxantrone.

Les facteurs de risque de toxicité hématologique etde diarrhée sont l’âge, les antécédents d’irradiation pel-vienne et la région géographique dans cet essai inter-national.

Il est également signalé par les auteurs une différenceen termes de décès précoce avant les 30 jours suivantla dernière injection. Il est dénombré 9 (2 %) de cesdécès dans le bras mitoxantrone contre 18 (5 %) dansle bras cabazitaxel dont aucun n’est du à une progres-sion de la pathologie. La cause la plus fréquente dansce groupe était la neutropénie.

L’utilisation de ce produit bientôt disponible en Francedevra se faire avec une grande prudence compte tenude son profil de tolérance en particulier chez les patientsâgés. L’utilisation de facteurs de croissance sera sansdoute systématique et peut-être faudra-t-il explorer denouveaux schémas d’administration dans les popula-tions les plus fragiles.

DenosumabLe denosumab est un anticorps monoclonal totale-

ment humanisé anti RANK-ligand qui joue un rôle impor-tant dans les métastases osseuses du cancer de la pros-

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tate. En effet, l’association RANK/RANK-ligand inter-vient dans la maturation et la différentiation des ostéo-clastes qui induisent une résorption osseuse et sti-mule, via des facteurs de croissance, l’activité descellules tumorales et l’activité des ostéoblastes.

Karim Fizazi a présenté à l’ASCO 2010 une étude ran-domisée de phase III comparant le denosumab à l’acidezolédronique chez 1901 patients porteurs de cancersde la prostate résistants à la castration avec métastasesosseuses avec, pour critère principal, le temps jusqu’aupremier événement osseux (fracture pathologique, irra-diation ou chirurgie osseuse, compression médul-laire) 10.

Le denosumab (n = 950) était donné à la dose men-suelle sous-cutanée de 120 mg, et le zolédronate étaitadministré par voie intraveineuse à une dose adaptéeà la fonction rénale (n = 951). Tous les patients avaientdes suppléments en calcium et vitamine D.

Le denosumab permet de retarder de façon statisti-quement significative le premier événement osseux(HR = 0,82 ; IC 95 : 0,71-0,95 [p = 0,008]). Le tempsmédian jusqu’au premier événement osseux est de20,7 mois versus 17,1 mois avec le zolédronate, soitune différence de 3,6 mois.

Le denosumab réduit également les autres événementsosseux (RR = 0,82 ; IC 95 : 0,71-0,94 ; p = 0,008) ainsique les marqueurs de turn over osseux comme le uNTxet le BSAP. Les effets indésirables sont comparablesdans les 2 groupes, notamment en ce qui concerneles hypocalcémies (12,3 % avec le denosumab versus5,4 % avec le zolédronate), mais aussi les ostéonécrosesde la mâchoire (2,1 % versus 1,1 % respectivement ;p = 0,09). Le denosumab vient donc de montrer en pré-sence de métastases osseuses sa supériorité dans laprévention et le délai d’apparition des événementsosseux. En revanche, le denosumab n’apporte pas degain en survie globale.

ConclusionNous allons donc disposer dans les mois qui viennent

de nouvelles thérapeutiques, ayant des profils d’effica-cité remarquables et de tolérance satisfaisants en par-ticulier pour les nouveaux anti-androgènes. On constatedans un premier temps qu’il va falloir établir des stra-tégies de prise en charge, et pour cela déterminer

quels patients peuvent bénéficier au mieux de ces trai-tements. S’ouvre là une voie de recherche clinique etde recherche de transfert qui nous paraît fondamen-tale et passionnante. L’autre remarque vient du fait quel’on ne dispose pas de données, dans ces études,susceptibles de nous guider dans l’utilisation de cesnouveaux produits chez les patients âgés que nous ren-controns dans notre pratique quotidienne. La commu-nauté oncogériatrique doit prendre l’initiative de pro-poser d’apporter une valeur ajoutée à la rechercheclinique cancérologique, soit en évaluant chez despatients âgés non sélectionnés mais évalués d’un pointde vue gériatrique les médicaments déjà disponibles,soit en plaidant pour que les essais thérapeutiquesd’enregistrement prennent en compte d’emblée cetteproblématique. n

Bibliographie :1Petrylak DP, Tangen CM, Hussain MH, Lara PN, Jr., Jones JA, Taplin ME et al.Docetaxel and estramustine compared with mitoxantrone and prednisone foradvanced refractory prostate cancer. N Engl J Med 2004 ; 351 (15) : 1513-1520.2Tannock IF, de Wit R, Berry WR, Horti J, Pluzanska A, Chi KN et al. Docetaxelplus prednisone or mitoxantrone plus prednisone for advanced prostate cancer.N Engl J Med 2004 ; 351 (15) : 1502-1512.3Attard G, Reid AH, Olmos D, de Bono JS. Antitumor activity with CYP17 blockadeindicates that castration-resistant prostate cancer frequently remains hormonedriven. Cancer Res 2009 ; 69 (12) : 4937-4940.4Attard G, Reid AH, A’Hern R, Parker C, Oommen NB, Folkerd E et al. Selectiveinhibition of CYP17 with abiraterone acetate is highly active in the treatment ofcastration-resistant prostate cancer. J Clin Oncol 2009 ; 27 (23) : 3742-3748.5Ryan CJ, Smith MR, Fong L, Rosenberg JE, Kantoff P, Raynaud F et al. Phase Iclinical trial of the CYP17 inhibitor abiraterone acetate demonstrating clinical acti-vity in patients with castration-resistant prostate cancer who received prior keto-conazole therapy. J Clin Oncol 2010 ; 20 ; 28 (9) : 1481-1488.6de Bono JS. Abiraterone Acetate plus low dose prednisone improves overall sur-vival in patients with métastatic castration-resistant prostate cancer who haveprogressed after docetaxel-based chemotherapy : resultes of COU-AA-301, arandomized double-blind placebo-controled phase III study. Annals of Oncology21 [supplement 8], viii3. 2010.7Scher HI, Beer TM, Higano CS, Anand A, Taplin ME, Efstathiou E et al. Antitumouractivity of MDV3100 in castration-resistant prostate cancer : a phase 1-2 study.Lancet 2010 ; 375 (9724) : 1437-1446.8 Kantoff PW, Higano CS, Shore ND, Berger ER, Small EJ, Penson DF et al.Sipuleucel-T immunotherapy for castration-resistant prostate cancer. N Engl J Med2010 ; 363 (5) : 411-422.9de Bono JS, Oudard S, Ozguroglu M, Hansen S, Machiels JP, Kocak I et al.Prednisone plus cabazitaxel or mitoxantrone for metastatic castration-resistantprostate cancer progressing after docetaxel treatment : a randomised open-labeltrial. Lancet 2010 ; 376 (9747) : 1147-1154.10 Fizazi K. A randomized phase III trial of denosumab versus zoledronique acidin patients with bone metastasis from castration-resistant prostate cancer. J ClinOncol 2010 ASCO Annual Meeting Proceedings 28 [18S]. 2010.

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Malgré des diagnostics réalisés de manière deplus en plus précoce, nous avons à prendreen charge de nombreux patients atteints de

cancer de la prostate métastatique. Compte tenu desdonnées épidémiologiques et démographiques, cettesituation est fréquemment rencontrée chez des hommesâgés. Il peut s’agir de maladies d’emblée métasta-tiques au diagnostic ou d’une maladie prise en chargeà un stade localisé et ayant progressé.

La médiane de survie globale est de 28 à 53 mois danscette population, indépendamment de l’âge, avec seu-lement 7 % de patients vivants à 7 ans. Les élémentspronostiques de la durée de survie sont le PSA initial,

le score de Gleason, le volume de la maladie métasta-tique et la présence de symptômes en particulierosseux 1.

Hormonothérapie de première ligneLe traitement de première intention du cancer de la

prostate métastatique est une hormonothérapie andro-géno-suppressive. Les premières publications sur le trai-tement du cancer de la prostate par castration chirur-gicale datent du début des années 40 par Huggins etHogdes. Elle permet de réduire de 95 % la sécrétionde testostérone, les 5 % restant étant d’origine surré-nalienne.

Cancer de la prostate métastatique du sujet âgéMetastatic prostate cancer in seniors

C. Bernard-Martya, b, L. Balardyb, c, L. Moureya, b

a. Service d’Oncologie Médicale, Institut Claudius Regaud, 20-24 rue du Pont Saint-Pierre, 31052 ToulouseCedex, France.b. Unité Pilote de Coordination en OncoGériatrie de Midi-Pyrénées, France.c. Service de Médecine Interne et Gérontologie, Gérontopôle, CHU Purpan Casselardit, 31320 Toulouse,France.Correspondance : L. Mourey, Service d’Oncologie Médicale, Institut Claudius Regaud,20-24 rue du Pont Saint-Pierre, 31052 Toulouse Cedex, France, tél. : +33 (0) 5 61 42 41 20, fax : +33 (0) 5 61 42 42 44, courriel : [email protected]

RésuméCompte tenu des données démographiques et épidémiologiques disponibles, on peut prévoir que nous allons

avoir à prendre en charge de plus en plus de patients âgés et très âgés, souvent fragiles, atteints de cancersde la prostate métastatiques. Les moyens thérapeutiques existent avec l’hormonothérapie androgéno-sup-pressive en première intention puis les traitements chimiothérapiques tels que le docetaxel qui augmente lasurvie globale des formes résistantes à la castration. Néanmoins ces traitements ne sont pas dénués d’ef-fets secondaires ou de risques et il convient de mieux connaître leurs applications et tolérances spécifiqueschez les sujets âgés pour proposer la meilleure solution de prise en charge après évaluation individuelle deleur état de santé.Mots clés : Cancer de la prostate métastatique, hormonothérapie, chimiothérapie, sujet âgé.

AbstractIn view of the demographic and epidemiologic data, it is possible to predict that more and more old and very

old, often frail patients, presenting metastatic prostate cancer will require care. Treatments exist : androgendeprivation therapy, the first-line treatment, and chemotherapy such as docetaxel which increases overall sur-vival in castration resistant prostate cancer. However these treatments have side effects and risks that needto be taken into account in order to propose the best management after an individual assessment of the healthstatus of the patient.Keywords : Metastatic prostate cancer, hormone therapy, chemotherapy, elderly.

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Les analogues de la LHRH ont été disponibles aumilieu des années 80 et ont été rejoints par les anti-andro-gènes périphériques stéroïdiens et non stéroïdiens. Plusrécemment, une nouvelle classe thérapeutique, les anta-gonistes de la LHRH, est venue enrichir notre arsenal.

L’objectif de la castration est d’atteindre un taux detestostérone effondré, dit « taux de castration », tradi-tionnellement à 50ng/dL, mais les publications récentesl’évaluent plutôt à 20ng/dL.

La castration chirurgicale a longtemps été le seul trai-tement disponible et reste encore d’un point de vuethéorique le traitement de référence. Néanmoins, cetteprocédure est de moins en moins utilisée du fait de l’ap-parition de traitements médicaux considérés commeéquivalents, évitant une intervention souvent difficile àenvisager d’un point de vue psychologique pour lespatients, et parce qu’elle ne permet pas d’envisagerde traitement intermittent 2.

Les oestrogènes, et en particulier le diethylstilbestrol,donnent en première ligne des résultats comparablesà ceux de la castration chirurgicale ou médicale maisau prix d’effets secondaires vasculaires notammentthromboemboliques 3. Ces traitements ne sont pas uti-lisés habituellement en première intention.

La conduite du traitement hormonal est définie dansles différents référentiels 1,4.‡ L’hormonothérapie doit être démarrée précoce-

ment afin de diminuer le risque de progression, decomplications, et pour améliorer la survie.‡ Elle peut être conduite sur un schéma intermittent

chez les patients bons répondeurs à la castration. Siles valeurs d’arrêt et de reprise du traitement hormo-nal ne sont pas connues, il est indéniable que la valeurdu nadir de PSA est un critère pronostique significatif.‡ L’utilisation d’un anti-androgène périphérique non

stéroïdien en monothérapie est formellement décon-seillée en cas de maladie avancée, mais il peut toute-fois être discuté chez un patient asymptomatique, avecune faible masse tumorale (PSA < 100, peu de sitesmétastatiques) et désireux de préserver sa sexualité.‡ L’utilisation d’un anti-androgène périphérique sté-

roïdien est une option en première ligne.‡ L’utilisation d’emblée d’un blocage androgénique

complet n’a pas prouvé sa supériorité sur le blocageandrogénique incomplet en dehors de la période ini-tiale de traitement par analogue de la LHRH. En effet,lors de la mise en route d’un tel traitement, il existe uneaugmentation transitoire de la testostéronémie qui peutse traduire par une aggravation clinique potentielle-ment responsable de complications (masse tumoraleprostatique importante, métastases vertébrales mena-

çantes sur le plan neurologique). Ce phénomène connusous le terme de « flare-up syndrome » doit être pré-venu en associant à l’analogue de la LHRH un traite-ment par anti-androgènes périphériques, qui pourra êtrearrêté après 3 à 4 semaines. Il est à noter que ce phé-nomène n’est pas retrouvé chez les patients mis sousantagonistes de la LHRH, classe thérapeutique plusrécente qui entraîne une rapide diminution des taux deLH, FSH et testostérone sans augmentation initiale.

La survie sans progression sous première ligne d’hor-monothérapie est en moyenne de 12 à 18 mois. Lorsquela progression survient, il convient de vérifier la testos-téronémie, afin de ne pas méconnaître une castrationinsuffisante.

Cancer de la prostate hormono-indépendant 1,4

Il s’agit d’un cancer de la prostate évoluant malgréune hormonothérapie de 1ère ligne mais qui reste poten-tiellement sensible à des manipulations hormonales.

La première étape est de rajouter un anti-androgènepériphérique non stéroïdien au blocage central déjà enplace. Une réponse biologique est obtenue dans envi-ron 60 à 80 % des cas pour une durée médiane de 6mois.

Lorsqu’une nouvelle évolution se produit, on peut ànouveau replacer le patient sous blocage androgé-nique incomplet, par exemple par analogue de la LHRHseul, afin de rechercher un syndrome de « retrait desanti-androgènes » ou « withdrawal syndrome ». Ilconcerne environ 1/3 des patients qui présentent unebaisse du PSA de 50 % pour une durée moyenne de4 mois.

Il est important, là encore, préalablement à chaquemodification thérapeutique, de vérifier la testostéronémie.

La question d’une hormonothérapie de deuxièmeligne se pose également à ce stade :

• prescription de bicalutamide à forte dose (150 mg/j) ;• administration de diethylstilbestrol qui permet de

voir diminuer le PSA dans 50 % des cas et les symp-tômes dans 20 % des cas avec risque de maladiethromboembolique ;

• inhibition de la sécrétion surrénalienne de testosté-rone par le kétoconazole ou les corticoïdes.

Effets secondaires de l’hormonothérapie androgéno-suppressive

Bien connus, ils ont longtemps été considérés à tortcomme peu importants notamment par les oncologueshabitués à gérer les effets secondaires bien plus « spec-taculaires » des chimiothérapies.

Parmi ces effets secondaires, on relève en particulier

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les bouffées de chaleur, la baisse de la libido et les dys-fonctions érectiles qui sont en général bien connuesdes médecins et des patients.

D’autres effets secondaires sont à prendre en comptechez l’homme âgé 5.

Parmi eux, l’ostéoporose est particulièrement impor-tante du fait notamment du risque de fracture qu’elleinduit. En effet, la perte osseuse liée au vieillissementphysiologique est évaluée à 1 %/an. Ce taux serait de4,6 %/an pour les hommes sous hormonothérapieandrogéno-suppressive qui auraient jusqu’à 45 %d’augmentation de risque de fracture sur le long terme 6.

De ce fait il est recommandé, lorsqu’un patient estplacé sous traitement hormonal, de rechercher les fac-teurs de risques associés d’ostéoporose (antécédentsfamiliaux, faible poids, antécédents de fractures,consommation excessive d’alcool, tabagisme, utilisa-tion de glucocorticoïdes, taux de vitamine D sanguinabaissé), et de prescrire une supplémentation en cal-cium et vitamine D. Les biphosphonates ne sont pasrecommandés systématiquement mais seulement encas d’ostéoporose confirmée ou de patient à risque d’os-téoporose et en cas de cancer hormono-résistant avecmétastases osseuses 7,8.

Un autre domaine de préoccupation pour les méde-cins prescrivant une hormonothérapie à des sujetsâgés est l’impact potentiel de ces traitements sur lesfonctions cognitives. Si le lien entre fonction cognitive,androgènes et estrogènes semble établi, l’impact destraitements est lui beaucoup plus incertain. En effet, dansun article de revue, Mitsiades reprend les études ayantévalué l’impact d’une hormonothérapie pour cancer dela prostate sur les fonctions cognitives 9. Il apparaît demultiples biais méthodologiques, du fait du faible nom-bre de patients évalués, de l’absence de groupe contrôlepour certaines, de l’hétérogénéité des domaines explo-rés et des tests utilisés, de l’hétérogénéité des traite-ments hormonaux utilisés. Les résultats de ces étudessont contradictoires et il n’est pas possible de concluresur l’impact exact de ces traitements sur les fonctionscognitives et a fortiori sur la vie quotidienne des patients.De la même façon, il n’existe pas de données spéci-fiques de l’impact d’un traitement hormonal intermit-tent. Un autre facteur de complexité dans cette popu-lation est représenté par son hétérogénéité vis-à-vis descomorbidités qui peuvent également jouer un rôle dansun éventuel déclin cognitif. Autre élément de confusion,l’hormonothérapie anti-androgénique pourrait avoir uneffet sur l’humeur, même si, là encore, les résultatsd’études sont contradictoires.

En l’absence de données robustes, les auteurs pré-conisent une évaluation préalable des fonctions cog-nitives et d’inclure le potentiel impact du traitement à

ce niveau dans la balance bénéfice/risque au momentde poser l’indication de traitement hormonal. Bienentendu, cette évaluation serait l’occasion de recher-cher d’éventuelles causes réversibles coexistantes.

Par ailleurs, le traitement hormonal provoque unemajoration de la masse grasse et une sarcopénie quipeuvent avoir de très importantes répercussions chezles sujets âgés en favorisant la perte d’autonomie, leschutes et donc les fractures.

L’hormonothérapie du cancer de la prostate sembleêtre également responsable d’une majoration du risquecardiovasculaire même si les résultats publiés sont par-fois contradictoires. Cependant, la suppression andro-génique est responsable d’altération du bilan lipidique,d’une augmentation de l’insulino-résistance et du dia-bète sucré, et d’une augmentation de la prévalence dusyndrome métabolique. Dans certaines études, commel’étude du RTOG 92-02, une augmentation du risquecardiovasculaire est objectivée.

Ces éléments suffisent, selon nous, à pousser les cli-niciens à prendre en compte le risque cardiovasculairedans l’indication de l’hormonothérapie chez les patientsâgés et de proposer des mesures préventives lorsqueces traitements sont nécessaires.

Déjà mentionnées pour l’ostéoporose, il faut insistersur les mesures hygiéno-diététiques (marche, régimealimentaire adapté, arrêt du tabac) pour réduire le reten-tissement métabolique et cardiovasculaire éventuel deces traitements 5.

Cancer de la prostate résistant à la castration

Lorsque la recherche du syndrome de retrait des anti-androgènes a été effectuée, et que la maladie est pro-gressive, nous sommes confrontés à un cancer de laprostate décrit comme « résistant à la castration ». Letraitement standard dans cette situation est la chimio-thérapie par docetaxel administrée à 75 mg/m² toutesles 3 semaines, associée à la prednisone lorsque la mala-die est métastatique, depuis les études de Tannock etPetrylack 10,11.

Ce schéma thérapeutique a en effet démontré ungain symptomatique mais surtout un gain significatif ensurvie globale par rapport à une chimiothérapie parmitoxantrone-prednisone. Le schéma d’administrationhebdomadaire du docetaxel n’a pas montré le mêmeavantage en survie comparativement à la mitoxan-trone, même si un gain symptomatique était égale-ment retrouvé.

Le bénéfice en survie obtenu par le docetaxel admi-nistré toutes les 3 semaines n’est pas influencé parl’âge du patient dans l’étude TAX 327, comme l’ont mon-

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tré des études de sous-groupes utilisant un « cut-off »à 69 ans.

Dans le tableau 1 sont pré-sentés les principaux résultatsen termes d’efficacité et detolérance du docetaxel asso-cié à la prednisone dansl’étude de Tannock.

En ce qui concerne lessujets âgés, il est difficile d’ex-trapoler ces résultats à la pra-tique quotidienne dans lamesure où les patients inclusdans les essais représententune population sélectionnée,très différente de celle rencon-trée dans le cadre d’une acti-vité oncologique ou oncogé-riatrique de « routine ». Dansune telle situation, un traitement hebdomadaire pardocetaxel ou une dose adaptée peut être choisi pourprivilégier une meilleure tolérance notamment héma-tologique.

La chimiothérapie par docetaxel, qu’elle soit réaliséetoutes les semaines ou toutes les trois semaines, dansune population âgée de plus de 75 ans non sélection-née, a été étudiée de manière rétrospective 12. Cetteétude portant sur 175 patients avec un âge médian de78 ans a confirmé la faisabilité et l’efficacité d’une tellechimiothérapie dans ce type de population. En termesd’efficacité, il n’a pas été retrouvé de différence signifi-cative entre les groupes de traitements standard ouadapté. Le taux de réponse sur le PSA était compara-ble (71 % et 68 %, p = 0,79), la survie sans progressionmédiane était de 7,4 mois et la survie globale médianede 15 mois avec une tendance non significative à unemeilleure survie globale pour le traitement standard.

Sur le plan de la toxicité, l’apparition d’événementsde grade 3 ou 4 était corrélée avec un mauvais étatgénéral et la présence de métastases viscérales, maispas avec le type de traitement reçu ou l’âge. Les évé-nements graves non hématologiques étaient significa-tivement plus fréquents (en particulier la fatigue 20 %)chez les patients recevant un schéma adapté révélantprobablement un biais de recrutement. Un arrêt pré-maturé du traitement était d’ailleurs plus fréquent dansce groupe (30 % versus 8,4 %, p = 0,0005). Par contreles neutropénies fébriles y étaient significativementmoins fréquentes (1 % versus 9,5 %).

Une étude des groupes GERICO (oncogériatrie) etGETUG (tumeurs uro-génitales) de la FédérationNationale des Centres de Lutte contre le Cancer va pro-

chainement évaluer, de manière prospective, la faisa-bilité d’une chimiothérapie par docetaxel toutes les3 semaines ou hebdomadaire dans une population depatients âgés de plus de 75 ans, évaluée d’un pointde vue gériatrique et considérée comme « vulnérable »ou « fragile » selon les critères de la SIOG, c’est-à-direcorrespondant à la pratique quotidienne des cancéro-logues (étude GERICO 10-GETUG P03).

Le but de cette étude est de permettre aux praticiensd’étayer leurs choix thérapeutiques face à ce type depatients fréquemment rencontrés, à partir d’une étudeoù la population est décrite selon des échelles validéesd’évaluation gériatrique. Il est également prévu de recher-cher des facteurs prédictifs de toxicité, notamment héma-topoïétique, grâce à une étude pharmacocinétique/phar-macodynamique et pharmacogénomique associée.

Chimiothérapie de deuxième ligneDans l’attente de l’enregistrement du cabazitaxel qui

vient de montrer un avantage en survie après une pre-mière ligne de chimiothérapie par docetaxel, il n’existepas de traitement standard de deuxième ligne et sa pres-cription dans le cancer de la prostate nécessite une mala-die symptomatique (en particulier des symptômes dou-loureux) 13. Même chez un patient âgé, la possibilité dela prescription d’une chimiothérapie de deuxième ligne,compte tenu d’un gain en médiane de survie de prèsde 3 mois, devra être envisagée, ce qui nécessitera uneévaluation encore plus précise qu’en première ligne.

Il est aussi possible de proposer à nouveau un trai-tement par docetaxel en fonction de la tolérance de lapremière administration, de son efficacité et de l’inter-valle libre qu’a expérimenté le patient.

33 VOLUME 2 - N°1 - JANVIER-FÉVRIER 2011Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie

Tableau 1 : Principaux résultats en termes d'efficacité et de toxicité dudocetaxel dans l'étude de Tannock 11

Docetaxel 3 semaines Docetaxel hebdomadaire

Nombre de cycles médian 9,5 (1-11) 4 (1-6)

≥ 1 décalage de chimiothérapie (%) 24 34

Réduction de dose (%) 12 9

Effets secondaires sévères (*) (%) 26 29

Décès liés au traitement (%) 0,3 0,3

Arrêt de traitement Pour progression 38 35

Effet secondaire 11 16

Survie globale médiane (mois) 18,9 17,4

Réponse (%) [durée (mois)] 35 [3,5] 31 [5,6]

Réponse (≥ 50% du PSA) [durée (mois)] 45 [7,7] 48 [8,2]

Réponse cibles mesurables (%) 12 8

Amélioration de la qualité de vie (%) 22 23(*) Effet secondaire grave défini dans cette étude comme fatal ou entraînant un risque vital, requérant ou prolongeant unehospitalisation, entraînant une incapacité substantielle ou persistante, ou considéré comme un événement médical important.

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Une autre option est une chimiothérapie par mitoxan-trone-prednisone (bras comparateur de l’essai TRO-PIC validant le cabazitaxel). Un essai clinique récem-ment clos aux inclusions, mis en place par le groupeGETUG de la Fédération Nationale des Centres deLutte contre le Cancer (GETUG P02), comparait danscette situation la mitoxantrone, l’étoposide oral et la vino-relbine orale, tous associés à la prednisone. L’objectifprincipal était l’évaluation de l’impact sur les douleurset une évaluation gériatrique était prévue chez lespatients de 70 ans et plus.

A l’avenir, l’enchaînement des lignes thérapeutiquespour le cancer de la prostate métastatique résistant àla castration va être bouleversé par l’émergence de nou-velles thérapeutiques. Outre le cabazitaxel, est atten-due la mise à disposition de nouvelles hormonothéra-pies comme l’abiratéone acétate dont les résultats dephase III récemment présentés à l’ESMO en octo-bre 2010 ont montré un bénéfice significatif, le MDV 3100(en attente des résultats d’une étude de phase III) etprobablement prochainement de thérapeutiques ciblées.

Evaluation individuelle de l’état de santé

Bien évidemment, comme on le perçoit à la lecturedes données présentées dans cet article, et commec’est le cas à tous les stades évolutifs du cancer prosta-tique, il convient de réaliser une évaluation individuellede l’état de santé du patient afin de pouvoir lui faire laproposition de prise en charge la plus adaptée. Cetteévaluation est au mieux réalisée dans le cadre d’uneévaluation gériatrique standardisée afin de rechercherles éléments nécessaires à l’estimation de la probabi-lité de survie du patient, et les éléments de fragilité sus-ceptibles de représenter une limitation à l’utilisationd’une des thérapeutiques disponibles. Les résultatsde l’évaluation peuvent également déboucher sur uneintervention afin de permettre que le traitement soitréalisé dans des conditions optimales 7,8. Ces recom-mandations sont valables pour les chimiothérapiesmais également pour le traitement hormonal dont ona vu qu’il était responsable d’effets secondaires poten-tiellement significatifs pour un homme âgé.

Prise en charge globaleDans le cancer de la prostate métastatique, la prise

en charge ne se limite pas, bien sûr, à la prescriptiond’une hormonothérapie ou d’une chimiothérapie. Lepatient doit être accompagné tout au long de sa patho-logie pour prendre en charge ses symptômes psycho-

logiques, physiques mais aussi toutes les dimensionsde son existence et notamment sur le plan social.

La pluridisciplinarité est fondamentale pour cette priseen charge globale comme en témoigne la liste nonexhaustive de possibilités thérapeutiques suivante :

• optimisation du traitement antalgique ;• possibilité d’une intervention urologique telle qu’un

forage prostatique par exemple ;• radiothérapie palliative antalgique sur une pièce

osseuse douloureuse ou même prostatique en cas detumeur locale symptomatique comme chez les patientsplus jeunes ;

• radiothérapie métabolique, surtout indiquée dans lessituations de douleurs osseuses multiples. Même si onne dispose pas de données spécifiques à la popula-tion âgée, son profil de tolérance paraît adapté à cettesituation ;

• utilisation des biphosphonates, recommandée dansles cancers de la prostate métastatiques osseux etrésistants à la castration à la suite des résultats de l’étudeSaad dans laquelle la moyenne d’âge était de 71 ans 14.Bien qu’il n’existe pas d’étude spécifique concernantles patients âgés, ils peuvent recevoir ces médica-ments dans les mêmes conditions que les patientsplus jeunes notamment en veillant à la supplémenta-tion calcique, à la fonction rénale et à la prévention del’ostéonécrose de mâchoire ;

• prochaine utilisation du denosumab qui vient demontrer sa supériorité par rapport à l’acide zolédroniquedans une étude de phase III présentée à l’ASCO 2010par Fizazi.

ConclusionLe cancer de la prostate du sujet âgé au stade métasta-

tique est une situation fréquente qui nécessite uneprise en charge pluridisciplinaire. Nous disposons detraitements efficaces qui permettent d’allonger la sur-vie et d’améliorer la qualité de vie de ces patients. Cetarsenal thérapeutique est en train de s’étoffer grâce àl’arrivée imminente de nouvelles thérapeutiques extrê-mement prometteuses.

Comme c’est malheureusement courant dans la priseen charge des patients âgés atteints de cancer, nousmanquons de données spécifiques les concernantmais des efforts sont faits pour développer la rechercheclinique. Toutefois, même lorsque des résultats plusabondants seront disponibles, nous ne pourrons nousexonérer d’une évaluation individuelle des patients pourdéterminer avec eux le meilleur choix de prise en chargepossible. n

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Bibliographie :1 Soulie M, Beuzeboc P, Cornud F, Eschwege P, Gaschignard N, Grosclaude P etal. Prostatic cancers. Prog Urol 2007 ; 17 (6) : 1159-1230.2 Boccon-Gibod L, Richaud P, Coloby P, Coulange C, Culine S, Davin JL et al. Firstline indications for hormonal therapy in prostate cancer. Prog Urol 2010 ; 20 (2) :109-115.3Byar DP, Corle DK. Hormone therapy for prostate cancer : results of the VeteransAdministration Cooperative Urological Research Group studies. NCI Monogr 1988;(7) : 165-170.4 Heidenreich A, Bolla M, Joniau S, Mason MD, Matveev V, Mottet N et al. EAUGuidelines on Prostate Cancer. 2010.5 Mohile SG, Mustian K, Bylow K, Hall W, Dale W. Management of complicationsof androgen deprivation therapy in the older man. Crit Rev Oncol Hematol 2009 ;70 (3) : 235-255.6 van Londen GJ, Taxel P, Van Poznak C. Cancer therapy and osteoporosis :approach to evaluation and management. Semin Oncol 2008 ; 35 (6) : 643-651.7 Droz JP, Balducci L, Bolla M, Emberton M, Fitzpatrick JM, Joniau S et al.Background for the proposal of SIOG guidelines for the management of prostatecancer in senior adults. Crit Rev Oncol Hematol 2010 ; 73 (1) : 68-91.8 Droz JP, Balducci L, Bolla M, Emberton M, Fitzpatrick JM, Joniau S et al.Management of prostate cancer in older men : recommendations of a working

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Le Journal d’OncoGériatrie : Le cancer de la prostate dusujet âgé ne représente-t-il pas un modèle pour qui s’inté-resse à l’oncogériatrie? Quelles sont, selon vous, les parti-cularités de sa prise en charge?

Jean-Pierre Droz : Le cancer de la prostate du sujet âgé esten effet une situation particulière. A tous les stades de sa priseen charge, la confrontation des données liées à la pathologieet au patient est indispensable à la décision médicale.

Au stade localisé de la maladie, il est essentiel, pour déciderde la prise en charge, de mettre en perspective la gravité ducancer via des facteurs pronostiques et l’état de santé globaldu patient, reflétant ses chances individuelles de survie indé-pendamment du cancer. Ces derniers éléments nous sont ame-nés par l’évaluation gériatrique. Ceci correspond tout à fait à ladémarche oncogériatrique.

Lorsque la maladie est avancée, la démarche reste identiquemême si les objectifs sont différents. Il faut bien connaître labiologie de la pathologie du patient et les traitements qui peu-vent lui être opposés, et prendre une décision en fonction desdonnées gériatriques et des objectifs qu’elles nous permettentde définir avec lui et son entourage.

Pour les traitements médicaux des formes avancées, je diraisque le sujet âgé a deux spécificités importantes qui seront àprendre encore davantage en considération dans les années àvenir :

• d’abord, il me semble que la problématique des effets secon-daires des traitements nécessite une évaluation particulièrepour cette catégorie de patients, y compris pour les traitementshormonaux les plus récents. En effet, la fatigue, par exemple,qui semble assez fréquente avec les nouvelles thérapeutiquesanti-androgéniques est probablement exacerbée, peut-être dif-férente ou différemment appréciée chez les sujets âgés. En touscas l’analyse des effets secondaires doit bénéficier d’une éva-luation particulière, une évaluation « oncogériatrique » ;

• ensuite, la problématique de la qualité de vie est sans douteaussi à prendre en compte de manière spécifique. En effet, sonévaluation est probablement plus difficile, plus complexe et lesdimensions psychologique et sociologique doivent y prendre uneplace plus importante selon moi.

Le JOG : L’actualité concernant les traitements médicaux ducancer de la prostate a été particulièrement riche en 2010.

Comment faire profiter les patients âgés au mieux de ces avan-cées?

J.-P.D. : Vous posez là le problème de l’accès des sujets âgésà la recherche clinique. C’est un des enjeux majeurs de la com-munauté oncogériatrique.

De nouvelles thérapeutiques extrêmement intéressantes nousarrivent mais elles n’ont pas été spécifiquement évaluées chezles patients âgés tels que nous les rencontrons en pratique quo-tidienne.

On a actuellement à disposition de grands essais de phasesIII de promotion industrielle qui incluent un faible pourcentagede sujets âgés, en général très sélectionnés et donc ne reflé-tant pas la population âgée générale.

A partir de ces données, on peut réaliser des essais s’adres-sant spécifiquement aux sujets âgés, mais qui sont, en géné-ral, de promotion académique et donc plus limités en effectifset en moyens.

Une des solutions à envisager pourrait venir des agences d’en-registrement, notamment à l’échelon européen. Elles pourraienten effet imposer des règles à l’enregistrement des traitementset demander que ces médicaments soient systématiquement éva-lués dans des populations âgées définies selon des critèresgériatriques, et non pas sélectionnées selon les habituels cri-tères d ‘inclusion et d’exclusion des essais thérapeutiques. Celapourrait passer par exemple par l’inclusion de 50 % de sujetsâgés dans les essais d’enregistrement pour le cancer de la pros-tate, ce qui pourrait refléter la pratique quotidienne.

C’est un enjeu majeur pour la spécialité dans les années quiviennent et qui pourrait être porté par les sociétés savantes inter-nationales ou nationales, voire par l’INCa.

En ce qui concerne les thérapeutiques innovantes du cancerde la prostate, il est vrai que cette année nous apporte de nou-velles armes, mais je crois tout de même que nous sommes enretard dans le cancer de la prostate si on le compare à d’au-tres pathologies comme le cancer du sein par exemple.

Nous avons besoin de davantage de recherche de transfert etil me semble que c’est possible.

Nous disposons actuellement d’une « magnifique boite à outiltechnique » (cibles potentielles, traitements potentiels) maisnotre connaissance de la « mécanique » biologique du cancerde la prostate est insuffisante.

Il nous faut mieux connaître notamment la biologie de la trans-

Interview du Professeur Jean-Pierre Droz

Le Professeur Jean-Pierre Droz est oncologue médical et est un des pionniers de l’oncogériatrie au niveaunational et international.Il a occupé les fonctions de chef de département d’oncologie médicale au Centre Léon Bérard de Lyon, a étéprésident de le Société Internationale d’OncoGériatrie (SIOG) et a participé au board oncogériatrie de l’INCa.Il est toujours professeur de cancérologie à la faculté de médecine Lyon-est à Lyon. Il a coordonné la rédac-tion des recommandations de la SIOG pour la prise en charge des cancers de la prostate du sujet âgé.D

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formation vers le cancer de la prostate avancé, et pour cela dis-poser de matériel biologique disponible. La technologie de cel-lules tumorales circulantes me paraît intéressante dans cetteoptique.

Le JOG : Globalement comment voyez-vous évoluer la priseen charge oncogériatrique?

J.-P.D. : D’abord, je pense que les objectifs que l’INCa souhaiteproposer aux futures Unités de Coordination d’OncoGériatriereprésentent d’excellentes mesures de santé publique. Elles vontoffrir à une majorité des patients âgés de chaque région un pro-cessus de screening de l’état de santé, qui est le début d’uneprise en charge oncogériatrique.

Ce sont des mesures nécessaires, qui vont contribuer à fairepasser le message d’une prise en charge spécifique dans la com-munauté médicale et chez les seniors eux-mêmes, mais ellesne sont pas suffisantes.

En effet, les outils de screening, tel que le G8, représententune avancée majeure dans la démarche oncogériatrique, maisne représentent que des tests de dépistage. De la mêmefaçon, les tests de type CRASH et MAX2 sont des tests de pré-diction de la toxicité de traitements définis. Même s’il est trèsutile, ce type de démarche ne permet pas d’avoir une visionfine de l’état de santé de l’individu que vous devez prendreen charge.

C’est la médecine gériatrique qui représente le « gold stan-dard » de l’évaluation des patients âgés. C’est une activité pro-fondément médicale, très clinique, plus qualitative que quanti-tative, et qu’il est difficile de mettre en place à une certaine échelle.

L’enjeu à l’avenir c’est de maintenir cette pratique clinique.Comment va-t-elle évoluer avec le temps? Dans 10 ou 20 ans,l’approche médicale sera-t-elle toujours clinique?

On progressera, là encore, en intégrant dans le cadre de la

recherche clinique et translationnelle les tests de dépistage, l’éva-luation gériatrique « gold standard » et des outils biologiquesprédictifs de l’état de santé ou des marqueurs biologiques defragilité.

Comme on l’a déjà dit, les autres dimensions qui seront inévi-tablement développées dans l’oncogériatrie du futur sont la qua-lité de vie d’un point de vue individuel et l’approche sociologiquesur un plan plus collectif. Ces aspects me paraissent fondamen-taux et devront être au cœur de nos recherches à l’avenir.

Le JOG : Comment imaginez-vous la prise en charge despatients âgés atteints de cancer de la prostate dans 20 ans?

J.-P.D. : Et bien comme on l’a dit, je pense que l’on aura beau-coup progressé dans la connaissance de la biologie du cancerde la prostate et dans l’évaluation de l’état de santé de nospatients !

Pour le diagnostic précoce des cancers prostatiques, on aura,je l’espère, des moyens de définir les patients à cibler et sur-tout des moyens de prédire la gravité du cancer découvert pourjuger de l’opportunité d’un traitement local.

Pour les cancers avancés, nous pourrons mieux estimer leurpotentiel évolutif et sélectionner les thérapeutiques les plusadaptées. Encore une fois, l’exemple du cancer du sein me paraîtpertinent.

Et comme on aura considérablement progressé dans l’esti-mation de la probabilité individuelle de survie, nous pourronsdéfinir la meilleure stratégie diagnostique et thérapeutique à pro-poser compte tenu des chances de succès, des risques d’ef-fets secondaires ou de complications et de la durée de vieattendue du patient.

Ce qui changera dans les 20 années qui viennent, c’est la finesseavec laquelle nous pourrons faire ces estimations, sans doutegrâce à de nouveaux outils. n

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Le Journal d’OncoGériatrie : Quel enjeu représente pour lacommunauté urologique la prise en charge des sujet âgésatteints de cancers de la prostate? Qu’est-ce qui guide actuel-lement votre prise en charge?

Michel Soulié : C’est un enjeu de taille pour les urologuescompte-tenu de l’évolution attendue du vieillissement de lapopulation masculine dans les 30 prochaines années et de l’in-cidence croissante du cancer de la prostate avec l’âge. Cettethématique consacrée à la prise en charge des cancers urolo-giques chez les sujets âgés a fait l’objet d’une monographie duComité de Cancérologie de l’AFU publiée dans Progrès enUrologie en novembre 2009.

Après la pose du diagnostic de cancer de la prostate, quellesqu’en soient les circonstances, il est évidemment nécessaired’intégrer les critères pronostiques classiques de la maladie (PSA,stade clinique, score de Gleason, pourcentage de biopsies posi-tives,…), l’âge physiologique du patient, ses comorbidités etles données fonctionnelles plus importantes à un âge avancé(volume prostatique, IPSS qui mesure la gène urinaire, résidupost-mictionnel,…). C’est l’ensemble de ces données qui per-mettra de définir la meilleure stratégie thérapeutique qui peutaller de la surveillance active à des traitements localisés adap-tés à l’âge jusqu’aux traitements systémiques hormonaux ouchimiothérapiques. Ces décisions sont habituellement prises ouvalidées en Réunion de Concertation Pluridisciplinaire. De plusen plus souvent, les oncogériatres sont sollicités pour aider àla décision thérapeutique, notamment pour l’évaluation de l’es-pérance de vie et des comorbidités.

Le JOG : Dans nos RCP, il existe toujours une limite théoriquede 75 ans à la réalisation d’une prostatectomie totale. Cettelimite est-elle toujours d’actualité? Est-elle susceptible d’évo-luer?

M.S. : Pour des raisons physiologiques et non pas techniques,la prostatectomie totale après 70-75 ans est plus morbide surle plan de la continence urinaire avec une récupération plus longueet parfois hypothétique. La proportion d’incontinence urinairerebelle à toute stratégie rééducative post-opératoire est plusimportante que les 5 % reconnus pour l’ensemble des patientsplus jeunes ayant eu cette intervention. Le bénéfice en termesde survie et de qualité de vie risque d’être défavorable.

Cependant, comme évoqué, les données concernant le volumeprostatique et la gène obstructive liée à l’adénome souventassocié sont à prendre en compte et peuvent conduire à privi-légier un geste chirurgical, par rapport à la radiothérapie externeou la curiethérapie interstitielle notamment. La prostatectomie

totale pourra être proposée, dans ces circonstances, à un homme« âgé » en bon état général avec une continence urinaire pré-opératoire normale, qui acceptera de se soumettre à une réédu-cation intensive. Quelques séries récemment publiées ont faitétat de prostatectomies chez des patients de 80 ans avec desrésultats fonctionnels corrects sur la continence, mais moinsbons sur l’érection qui est probablement un moindre problème,en termes de qualité de vie, chez l’homme âgé.

Le JOG : Les techniques chirurgicales évoluent considéra-blement actuellement (chirurgie robot-assistée, HIFU, cryo-thérapie, traitements focaux…). Quelle est la place des sujetsâgés dans le développement de ces nouvelles techniques?

M.S. : Tout d’abord, concernant les voies de la prostatectomietotale, il n’y a pas à ce jour de supériorité démontrée de l’unepar rapport à l’autre, si ce n’est le paramètre des pertes san-guines qui est en faveur de la cœliocopie robot-assistée.Cependant, ce point a été considérablement amélioré en voieouverte avec les meilleures expositions et l’hypotension contrô-lée. Ce paramètre chirurgical est évidemment à prendre encompte chez le sujet âgé car c’est un facteur de morbidité opé-ratoire comme dans toute chirurgie, tout comme la durée del’intervention qui doit être la plus courte possible.

Concernant les traitements focaux, il est trop tôt pour en fairele point, y compris pour le sujet âgé, car rien n’est validé ni mêmeréellement étudié. Ceci dit, il est intuitivement envisageabled’adapter ces nouvelles thérapeutiques pour le sujet qui nenécessitera pas de traitement curatif conventionnel.

Enfin, l’HIFU est sûrement un traitement à promouvoir pourdes sujets âgés avec troubles urinaires obstructifs, car unerésection transurétrale de prostate est préalable à la séance d’ul-trasons.

Le JOG : La question des modalités de dépistage du cancerde la prostate est l’objet de discussions actuellement. Quelleest votre position sur la question de l’âge dans cette problé-matique?

M.S. : Quant à l’attitude de dépister le cancer de la prostatechez les hommes âgés, la situation est claire aujourd’hui : pasde dépistage organisé pour la population de plus de 69 ans surles données de l’étude européenne ERSPC (NEJM 2009). Seulle toucher rectal paraît justifié dans l’examen clinique systé-matique fait par le médecin généraliste après 70 ans.

La meilleure information que nous ait apportée la littératurerécemment, à côté des deux grandes études ERSPC et PLCO(NEJM 2009), est la définition du risque de développer un can-

Interview du Professeur Michel Soulié

Le Professeur Michel Soulié est professeur d’urologie au CHU Rangueil à Toulouse. Il est président du Comitéde Cancérologie de l’Association Française d’Urologie (AFU). On connaît par ailleurs son intérêt tout particu-lier pour la pathologie prostatique.

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cer de la prostate. Ce risque est fonction de la valeur du pre-mier PSA à 50 ans et surtout à 60 ans. Une étude suédoise amontré qu’une valeur de PSA < à 1 ng/ml à 60 ans était corré-lée à un risque de CaP très faible (0,3 %) dans les 20 ans quisuivent (AUA 2009).

Après, tout est question de bon sens, de situations cliniquesvariées où se mêlent les données individuelles comme les trou-bles fonctionnels du bas appareil (TUBA) et les données collec-tives de santé publique et d’économie de la santé quant auxpriorités à prendre en charge.

Le cancer de la prostate est une situation fréquente chezl’homme âgé de par l’histoire naturelle du tissu prostatique quia une forte tendance à dégénérer, le plus souvent sur un modemicroscopique, sans oublier les caractères ethniques et fami-liaux qui peuvent favoriser l’apparition plus précoce de la mala-die dans la vie.

Le JOG : Comment imaginez-vous la prise en charge despatients âgés par les urologues dans 20 ans?

M.S. : Très proche de ce qui est actuellement fait par les uro-logues, mais avec un raisonnement cancérologique et fonction-nel plus précis surtout pour des patients de 80 ans en très bonétat général qui auront des signes de tumeur « localisée » etune espérance de vie de 10 ans et plus. Pour les maladies plusavancées, les armes sont déjà multiples et variées tant dans laradiothérapie que l’hormonothérapie, la chimiothérapie et lesthérapies ciblées demain.

Il faudra étudier les effets de ces traitements conventionnelset plus modernes spécifiquement dans la population âgée eten déduire des recommandations concertées entre urologueset oncogériatres qui devront être plus qu’intuitives et doncbasées sur des preuves. n

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Étude monocentrique de la faisabilité destraitements anticancéreux chez les patientsâgés fragilesSingle centre study of the feasibility of anticancer treatments in frail elderly patients

C. Webera, F. Herrmannb, G. Zuliana

a. Service de Médecine Palliative, Département de Réhabilitation et Gériatrie, Hôpitaux Universitaires de Genève,11 chemin de la Savonnière, CH-1245 Collonge-Bellerive, Suisse.b. Service de Gériatrie, Département de Réhabilitation et Gériatrie, Hôpitaux Universitaires de Genève, Chemin dePont-Bochet, CH-1226 Thônex, Suisse.Correspondance : G. Zulian, Service de Médecine Palliative, Département de Réhabilitation et Gériatrie, HôpitauxUniversitaires de Genève, 11 chemin de la Savonnière, CH-1245 Collonge-Bellerive, Suisse, tél. : + 41 22 30 57 510, fax : + 41 22 3 0 57 115, courriel : [email protected]

RésuméL’évaluation gériatrique multidimensionnelle permet la détection de la fragilité. Or, le nombre de patients âgés fra-

giles souffrant de maladies cancéreuses est en augmentation constante. Cela pose la question de la possibilité d’ad-ministrer des traitements anticancéreux avec sécurité dans le seul but de préserver la fonctionnalité des personnes.

16 malades âgés et fragiles ont reçu des traitements anticancéreux adaptés à leurs caractéristiques alors qu’ilsséjournaient en unité de soins palliatifs. 14 ont pu rentrer à domicile ou poursuivre leur vie en établissement médico-social après l’obtention d’une amélioration fonctionnelle et symptomatique. 2 malades sont décédés pendant le séjourde causes indépendantes du traitement et 9 malades étaient encore en vie 12 mois plus tard. Les toxicités ont toutesété réversibles et surtout sans conséquences dommageables.

Il apparaît donc que des personnes âgées fragiles sont effectivement en mesure de tirer un certain bénéfice de trai-tements anticancéreux. Le but est alors le maintien ou l’amélioration de la fonctionnalité et le contrôle optimal dessymptômes, laissant au second plan la réponse tumorale et la survie.Mots clés : Cancer, âge, traitement, fragilité.

AbstractMultidimensional geriatric assessment is a robust tool to detect frailty. The number of frail elderly patients with can-

cer is increasing. The question is thus raised as to whether anticancer treatments may be safely administered to pre-serve functionality.

16 frail elderly patients were given anticancer treatments adapted to their characteristics while admitted to pallia-tive care units. 14 were able to return home or be discharged to nursing homes after having experienced functionaland symptomatic improvement. 2 patients died during hospitalization due to causes unrelated to treatment. 9patients were still alive 12 months later. Toxicities were fully reversible and with no harmful consequences.

It thus appears that frail elderly persons can derive benefits from anticancer treatments. The therapeutic goal isthen to maintain or improve functionality and to control symptoms leaving tumour response and survival in the back-ground.Keywords : Cancer, age, treatment, frailty.

IntroductionLe nombre de patients âgés souffrant de cancer aug-

mente au fur et à mesure de l’allongement de la vie 1. Cettedernière atteint en Suisse 77,9 ans pour les hommes et83,0 ans pour les femmes. Comme l’âge est le principal

facteur de risque de développer un cancer, la moitié d’en-tre eux apparaissent chez les personnes de plus de 65 ans.

Certains patients âgés ont une réserve fonctionnelle trèsréduite en raison de la présence de multiples comorbidités,

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de dépendances ou d’un syndrome gériatrique: c’est ce quidéfinit la fragilité, un état dans lequel les patients utilisent leursréserves pour les besoins de la vie courante et n’ont quepeu voire pas de tolérance à un stress supplémentaire telque l’impose la maladie cancéreuse ou ses traitements 2.

L’administration d’un traitement anticancéreux est unacte médical complexe aux nombreuses conséquencescar il s’agit avant tout de ne pas nuire à la personne quile reçoit sous le prétexte de soigner une maladie 3. Dansle cas d’un patient âgé et fragile, c’est un défi de plus àrelever ; son but est de pallier les différents symptômestout en maintenant le niveau de qualité de vie plutôt qued’essayer de prolonger la vie en risquant un déclin fonc-tionnel 4. On peut donc être tenté de s’abstenir de touttraitement anticancéreux en présence d’un patient âgé etfragile car les inconvénients supposés pourraient bienl’emporter sur les avantages espérés 5.

Afin qu’un renoncement thérapeutique systématique,par ailleurs injustifiable au plan éthique, potentiellement pré-judiciable ne s’exerce aux dépens des patients âgés etfragiles, la faisabilité d’un traitement anticancéreux doit toutd’abord être démontrée. Cela implique qu’il ne soit nigrevé de mortalité nientraîné de morbiditésusceptible d’altérer laqualité de vie 6.

MéthodeAu cours d’une

période de plus de 3ans, tous les patientsde 80 ans et plus hos-pitalisés dans une desunités de gériatrie ducentre de soins conti-nus et chez qui un trai-tement anticancéreuxa été débuté, à l’exclu-sion de la chirurgie tou-tefois, ont été recensésde manière prospectiveet leurs caractéristiquesétudiées.

La fragilité correspon-dait à la présence d’aumoins une des condi-tions suivantes 4 :

• un nombre total decomorbidités supérieurou égal à 3 (Cumulative

Illness Rating Scale for Geriatrics) ;• une dépendance pour au moins une activité de la vie

quotidienne (AVQ < 6) ;• la présence d’un syndrome gériatrique (Mini Mental State

< 25, > 3 chutes/mois, 1 antécédent de delirium ou uneincontinence).

La Mesure de l’Indépendance Fonctionnelle (MIF) 7 etl’Edmonton Symptom Assessment Scale (ESAS) 8 ontété utilisés avant et après traitement pour mesurer l’im-pact de celui-ci sur la vie quotidienne des patients. Lesrésultats ont été comparés par un test de t et par un testde Wilcoxon pour les échantillons pairés.

La survie globale des patients ayant reçu un traitementanticancéreux au cours de leur séjour hospitalier a été déter-minée par une courbe de Kaplan-Meier.

RésultatsSeize patients, onze femmes et cinq hommes, ont reçu

un traitement anticancéreux pendant cette période(Tableau 1). La moyenne d’âge était de 85 ans (écart 80-93). Tous présentaient au moins un critère de fragilité pourune moyenne de 2,38 (écart 1-4) et un nombre de comor-bidités ≥ 3 pour une moyenne de 4,75 (écart 3-7). Neuf

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Tableau 1 : Caractéristiques générales des patients et du traitement

Age Origine du cancer CIRS-GAVQ

(max 6)Syndromegériatrique

TraitementToxicité,grade OMS

1 92 Tube digestif 4 5 1 Radiothérapie Cutanée, G4

2 80 Moelle osseuse 4 5,5 1 Chimiothérapie Hématologique, G4

3 83 Tube digestif 5 3 1 Chimiothérapie

4 85 Sein 6 ND 1 Hormonothérapie

5 84 Vessie 4 5 1 Chimiothérapie Hématologique, G3

6 85 Moelle osseuse 4 6 1 Chimiothérapie Hématologique, G4

7 84 Sein 6 4,5 0Chimiothérapie +Radiothérapie

8 84 Tube digestif 7 2,5 0 Radiothérapie Cutanée, G4

9 93 Prostate 4 6 1 Hormonothérapie

10 82 Prostate 6 3,5 2Radiothérapie +Hormonothérapie

11 84 Prostate 6 ND 1 Hormonothérapie

12 83 Tube digestif 3 6 0 Radiothérapie Digestive, G1

13 87 Prostate 3 3,5 1 Hormonothérapie

14 81 Sein 4 4,5 0 Hormonothérapie

15 84 Tube digestif 7 4 0 Chimiothérapie

16 83 Moelle osseuse 3 ND 0Chimiothérapie +Immunothérapie

Hématologique, G4

Moyenne85 ans

4,75 4,5

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patients (56 %) présentaient un score pour les AVQ ≤ 5,six des troubles cognitifs, trois une incontinence et deuxun antécédent de delirium.

L’origine des cancers était digestive (n = 5), hématolo-gique (n = 3), prostatique (n = 4), mammaire (n = 3) et vési-cale (n = 1). Tous étaient métastatiques ou localement avan-cés et relevaient de soins palliatifs. Cinq patients ont reçuune chimiothérapie (31 %), deux une radiothérapie (12,5 %),trois une hormonothérapie (19 %) et quatre (25 %) unecombinaison de l’un ou l’autre.

Quatre patients (25 %) ont développé une toxicité héma-tologique transitoire et non compliquée de grade OMS 3ou 4 après avoir reçu une chimiothérapie. Deux patients(12,5 %) ont présenté une toxicité cutanée transitoire degrade OMS 4 après avoir été traités par irradiation.

Huit patients (50 %) ont pu rentrer chez eux à domicileet cinq (31 %) ont été transférés en établissement médico-

social. Un patient a tout d’abord transité dans un autrehôpital avant de pouvoir lui aussi rentrer à domicile etdeux (12,5 %) sont décédés en cours d’hospitalisation.

Les 2 décès sont rapportés en détail ci-aprèsLe premier patient qui est décédé souffrait d’un carci-

nome à petites cellules de l’œsophage multi-métastatiqueau niveau hépatique et avait auparavant reçu une radio-thérapie œsophagienne ; dans notre établissement, uneseule injection de carboplatine et de gemcitabine a été admi-nistrée, mais le traitement n’a pas été poursuivi en raisond’une perturbation des tests hépatiques liée à la progres-sion tumorale, et le patient est décédé 6 semaines plustard d’une insuffisance hépatique. Aucune relation entrele décès et le traitement n’a pu être établie.

Le second patient qui est décédé souffrait d’un carcinomeépidermoïde du canal anal T3N1Mx pour lequel une colos-tomie avait été confectionnée, suivie d’une radiothérapieà visée hémostatique et antalgique de 30Gy compliquéed’une toxicité cutanéo-muqueuse de grade OMS 4. Dansnotre établissement, cinq mois plus tard, une récidive tumo-rale avait motivé l’administration de 2 cycles de capécita-bine sans effet ni symptomatique ni toxique. Le décès estsurvenu 3 mois plus tard à la suite de complications liéesaux comorbidités cardiaques, articulaires et cérébralessans aucune relation avec le traitement anticancéreux.

En revanche, plus de la moitié (n = 9) des patients âgéscancéreux et fragiles ayant reçu un traitement anticancé-reux étaient encore en vie douze mois après leur sortie del’hôpital (Figure 1). Pour ces patients ayant pu quitter l’hô-pital (Tableau 2), le score de MIF s’était amélioré en pas-sant de 99,00 avant le traitement à 107,20 lors de la sor-tie sans toutefois atteindre de signification statistique (p

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Figure 1 : Survie des patients

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0,2

0,5

0,7

1,0

0 5 10 15

Nombre de mois depuis la sortie de l’unité de soins

20

Tableau 2 : Résultats du traitement sur le plan fonctionnel

ESAS MIF Destination

Admission Sortie Admission Sortie

1 26 38 122 ND EMS

2 23 ND 122 122 EMS

3 37 ND 91 ND Décès

4 13 ND 63 ND Hôpital

5 38 26 121 166 Domicile

6 24 25 125 126 Domicile

7 35 40 104 109 EMS

8 13 ND 76 ND Décès

9 4 ND 78 112 Domicile

10 6 5 86 111 Domicile

11 ND ND 64 58 EMS

12 20 ND 118 124 Domicile

13 10 6 91 104 Domicile

14 51 41 85 100 Domicile

15 36 13 115 ND Domicile

16 23 26 95 97 EMS

Moyenne 27,7 24,4 99,0 107,2

ESAS: Edmonton Symptom Assessment System; MIF : Mesure de l’Indépendance Fonctionnelle ;ND: Non Déterminé ; EMS: Établissement Médico-Social.

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= 0,20). De même, la moyenne de la somme des échellesvisuelles analogiques des 9 symptômes de l’ESAS avaitdiminué en passant de 27,67 avant le traitement à 24,44lors de la sortie sans non plus atteindre de significationstatistique (p = 0,51).

DiscussionFace au nombre croissant de patients âgés cancéreux

pour lesquels se pose la question d’un traitement spéci-fique de leur maladie, une optimisation de leur prise encharge est indispensable, particulièrement pour les plusfragiles d’entre eux 9. Nous avons donc mis à dispositionde ces patients des moyens thérapeutiques modernes com-portant des risques non négligeables pour un bénéfice apriori incertain. Et il nous semble être parvenus à cetobjectif sans avoir pour autant pratiqué de sélection descas les plus favorables et tout en respectant l’adage pri-mum non nocere.

Dans la règle, les souhaits des malades âgés sont diffé-rents de ceux des plus jeunes et le maintien ou l’amélio-ration de leur qualité de vie prime clairement sur la quan-tité de vie ou la guérison d’une maladie. Ainsi, lacaractérisation des patients âgés cancéreux et fragiles etleur participation à des études cliniques sont nécessairespour améliorer les connaissances et justifier leur prise encharge sur des bases objectives 10.

Certes, un meilleur dépistage de la maladie, une évalua-tion globale de la personne, une procédure diagnostiquestandard, une information honnête et la participation desproches à leur décision sont des éléments importants. Maislorsque la fragilité empêche le succès d’une procédure diag-nostique ou d’un traitement réputé efficace, quand lepatient ou sa famille refuse d’envisager un traitement anti-cancéreux, le médecin doit pouvoir disposer de connais-sances approfondies sur l’espérance de vie et sur lespossibilités thérapeutiques afin de ne pas sombrer dansune attitude nihiliste 11.

Aux USA, 10 à 15 % des patients âgés sont en bonnesanté habituelle sans comorbidités et peuvent souvent êtreconsidérés comme des adultes seniors sur le plan médi-cal. D’autres, polymorbides, polymédiqués, dépendantsou souffrant de problèmes psychosociaux, nécessitent uneadaptation évidente de la prise en charge thérapeutiqueet ils doivent être reconnus comme déjà fragilisés. Aux USA,cela concerne 20 % des personnes âgées de plus de65 ans 12,13.

De nombreux auteurs ont cherché à mieux cerner ceque recouvre exactement la fragilité 14. Fried et al. la défi-nissent par la présence d’au moins 3 critères parmi la

perte de poids, la fatigue, la faiblesse, la diminution dela vitesse de marche ou de l’activité physique 15. Raoet al. proposent eux de la définir par la présence d’aumoins 2 critères parmi la dépendance, les chutes, un trou-ble de la marche, la malnutrition, la démence, la dépres-sion, l’alitement prolongé, l’incontinence, la survenued’un accident vasculaire cérébral ou d’une hospitalisa-tion en urgence au cours du dernier trimestre 15. Enfin,Balducci et al. préfèrent définir le patient cancéreux fra-gile plutôt que la fragilité ; en effet, dans leur expérience,la dépendance, les comorbidités (>3), une pathologie vas-culaire ou respiratoire sévère, un syndrome gériatriquepeuvent chacun prédire la fragilité. Et même l’âge civil(≥85 ans) est pris en compte puisque plus de 50 % despatients de leur consultation souffraient de troubles cog-nitifs, d’un déclin fonctionnel, de multiples comorbiditésou d’une combinaison de l’un et de l’autre 4. C’est pour-quoi, cette définition nous a paru la mieux adaptée à lapopulation présentée dans ce travail et qui composenotre quotidien.

In fine, il est établi que la fragilité va de pair avec une pertede la réserve fonctionnelle due au déclin des systèmes oudes organes. La personne fragile utilise donc déjà sesréserves dans la vie courante et n’a plus de marge demanœuvre ou de tolérance au stress, physique, psychiqueou environnemental. Une demande accrue de l’organismeen réponse à un besoin inhabituel engendre alors un risqued’incapacité.

Une évaluation globale, oncogériatrique et multidiscipli-naire, suivie de recommandations, s’est montrée efficacesur la progression des dépendances, le taux d’hospitali-sation, les admissions en EMS, l’état psychologique et ladouleur 17. En revanche, aucun impact sur la survie n’aété relevé, mais cela n’est probablement pas l’objectif leplus réaliste à un âge déjà avancé.

L’évaluation oncogériatrique multidimensionnelle consisteen une mesure des comorbidités, de la fonctionnalité, destroubles cognitifs, des troubles thymiques, de l’état nutri-tionnel, de la recherche d’un syndrome gériatrique et fina-lement en une évaluation visuelle analogique des symp-tômes avec l’échelle ESAS, une spécificité de la médecinepalliative, afin de fixer les objectifs du traitement et de jugerde son efficacité.

La revue de ces seize patients démontre qu’il est pos-sible d’administrer un traitement anticancéreux avec sécu-rité chez des patients âgés et fragiles, autrement dit chezceux qui ne sont en principe pas susceptibles de recevoirde tels traitements. Aucun décès ne peut en effet être imputéaux traitements reçus, et la toxicité hématologique liée àla chimiothérapie a été prévisible et toujours entièrement

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réversible ; elle aurait pu être minimisée ou même com-plètement évitée par l’administration prophylactique de fac-teurs de croissance hématopoïétique. Quant à la toxicitécutanéo-muqueuse post-actinique, elle a toujours étéréversible à court terme et n’a pas eu de conséquencesdommageables.

Finalement, non seulement aucune altération fonction-nelle durable n’a été constatée pendant ou après le trai-tement, mais un effet bénéfique a pu être mis en évidencesur la fonctionnalité des patients et sur les symptômes detelle manière à permettre la réussite du projet de sortie del’hôpital.

Dans la mesure où la durée de vie de plus de la moitiéde ces patients a été supérieure à une année après le débutde la prise en charge thérapeutique, et sachant que tousétaient atteints de maladies cancéreuses métastatiquesou localement très avancées, il apparaît que l’investisse-ment humain et économique est raisonnable au regard desobjectifs généraux de santé publique.

Les patients cancéreux âgés et fragiles peuvent doncaujourd’hui participer à des études scientifiques et doiventêtre inclus dans des projets multicentriques de grandeenvergure afin de confirmer l’utilité des traitements anti-cancéreux qui leur sont proposés. n

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Etude ONCODAGEPar O. Guérin, d’après P. Soubeyran(Institut Bergonié, Bordeaux)

Le principe de l’étude ONCODAGE, financée par l’INCa,est de valider un outil de screening oncogériatrique, le G8(critère principal de l’étude). Ce protocole a concerné despatients de plus de 70 ans, sur 8 critères que sont :

• la perte d’appétit ;• la perte de poids avec un seuil à 3 kg en 3 mois ;• la motricité (transfert lit-fauteuil, autonomie de dépla-

cement à l’intérieur, autonomie de déplacement à l’exté-rieur du domicile) ;

• les problèmes neuropsychologiques (démence) ;• l’indice de masse corporelle (IMC, seuils à 19, 21 et

23 kg/m²) ;• la prise de plus de 3 médicaments ;• l’évaluation de l’état de santé subjectif ;• l’âge civil (seuil à 80 et 85 ans).L’outil de référence est l’EGS comprenant la CIRS-G, ADL,

IADL, Timed up and go test, MNA, MMSE, GDS 15.Un des objectifs secondaires de l’étude est la validation

de la version française de la VES 13.1672 patients ont été recrutés (pour un objectif de 1650)

et 1425 ont été évaluables pour le critère principal. L’âgemoyen des patients était de 78 ans. Six localisations tumo-rales ont été répertoriées (sein, côlon-rectum, poumon,prostate, lymphomes, ORL, par ordre de fréquence).

80 % des patients avaient au moins un questionnaire del’EGS anormal. Environ la moitié des patients étaientdépendants pour les activités instrumentales. L’analysecomparative du G8 et de l’EGS est en cours, les résultatsseront disponibles dans les mois qui viennent.

Faut-il vieillir pour ne pas mourir ?Par O. Guérin, d’après E. Gilson(Université de Nice Sophia-Antipolis, CHU de Nice)

La régulation de la sénescence cellulaire est impliquéedans les mécanismes de suppression tumorale. Ainsi, lasénescence apparaît lorsque les mécanismes de réponseau stress sont dépassés, par trois phénomènes : l’auto-phagie, la sénescence réplicative et la sénescence pré-maturée. C’est principalement le stress génotoxique lié aumétabolisme cellulaire lui-même qui est responsable decette sénescence, plus que le stress environnemental. Orla cellule accumule au cours du temps les dégâts liés àce métabolisme, avec, de ce fait, l’augmentation du risquede cancérisation par augmentation des mutations. Lasénescence est donc une réponse cellulaire pour éviter lecancer. Cela explique le titre accrocheur d’Eric Gilson,puisque les mécanismes cellulaires de lutte contre le can-cer ont pour conséquence la sénescence cellulaire, et, dece fait, très probablement le vieillissement des organes.Une sorte de « prix à payer »… Par ailleurs, Eric Gilson aannoncé la création d’un centre de recherche fondamen-tale et translationnelle sur cancer et vieillissement à Nice(l’IRCAN), ces deux thématiques étant liées sur le plan méca-nistique biomoléculaire.

Traitement du cancer du seinmétastatique de la femme âgéePar A. Toledano

En l’absence de standards reconnus, le traitement ducancer du sein métastatique est complexe, et la difficultéaugmente encore chez la femme âgée, dont le traitement

Congrès

Compte-rendu du 3ème congrès Monaco AgeOncologie (Monaco, 3 – 5 février 2011)T. Cudenneca, C. Falandryb, G. Ganemc, O. Guérind, A. Herrerae, I. Piolletf, A. Toledanog

a. Hôpital Ambroise Paré, Boulogne Billancourt, France.b. Université d’Ulm, Allemagne.c. Centre Jean Bernard, Le Mans, France.d. CHU de Nice, Hôpital de Cimiez, Nice, France.e. Hôpital Antoine Béclère, Clamart, France.f. Institut Sainte Catherine, Avignon, France.g. Clinique Hartmann, Neuilly-sur-Seine, France.

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Le JOG - Le Journal d’OncoGériatrie VOLUME 2 - N°1 - JANVIER-FÉVRIER 201147

doit être déterminé après une évaluation gériatrique soi-gneuse, prenant en compte l’état physiologique, psycho-logique et cognitif de la patiente. Le choix de la stratégiethérapeutique a été illustré par le cas d’une femme de 76 ansvue en 2002 avec une lésion du mamelon révélant un car-cinome canalaire infiltrant et un bilan d’extension négatif.La patiente avait subi une mastectomie avec curage axil-laire, mettant en évidence une tumeur infiltrante RH +/HER2-de stade N1. La chimiothérapie adjuvante avait été faiteà hauteur de 6 cures, bien que mal tolérée (paclitaxel+ épirubicine), suivie d’une radiothérapie puis une hormo-nothérapie pour 5 ans. A partir de janvier 2008, l’augmen-tation des marqueurs tumoraux évoquait une rechute,confirmée par une scintigraphie montrant la présence demétastases osseuses. Plusieurs lignes d’hormonothéra-pie se sont succédées (anastrozole puis fulvestrant) avecune efficacité temporaire, puis la maladie métastatiqueosseuse a échappé de nouveau. Il a été discuté l’intro-duction d’une chimiothérapie intraveineuse « standard »,l’abstention thérapeutique, et la chimiothérapie orale. Lapatiente avait alors été mise sous estramustine à raisonde 2 comprimés/jour : les marqueurs se sont normalisésen 3 mois et restaient normaux après 10 mois de recul,avec des lésions osseuses stables. Cette observationd’une bonne réponse à l’estramustine après échappementthérapeutique n’est pas isolée ; des études cliniques ontdéjà montré l’intérêt de la molécule en situation métasta-tique avec des taux de réponse de 17,5 à 47 % chez despatientes déjà lourdement prétraitées. Traditionnellementutilisée dans le cancer de la prostate, l’estramustine (com-posée de moutarde azotée et d’estradiol) possède undouble mécanisme d’action, à la fois cytotoxique et hor-monal antigonadotrope. On admet maintenant que le can-cer du sein de la femme âgée ne doit pas être « sous-traité » mais peu de molécules semblent vraiment adaptées.Dans ce contexte, l’estramustine qui est administrée parvoie orale et généralement bien tolérée représente une excel-lente option thérapeutique, combinant efficacité et facilitéd’emploi. Cette observation positionnant un traitementactif, réputé mieux toléré, a démontré un bénéfice salu-taire dans ce cas particulier, et nous incite à la fois à nepas baisser les bras en cas d’évolution métastatique chezla femme âgée, et à respecter la qualité de vie.

Recommandations de la SIOG : quelles nouveautés ?Par C. Falandry, d’après M. Aapro (Genolier, Suisse)

Matti Aapro est revenu sur l’histoire de l’oncogériatrie quia débuté en 1983 avec un symposium intitulé « Perspectiveson prevention and treatment of cancer in the elderly » orga-nisé conjointement par le National Cancer Institute et leNational Institute on Ageing américains. La SIOG (Société

Internationale d’OncoGériatrie) a été créée en 2000 parla volonté d’un petit groupe, s’est progressivement struc-turée et a publié ses premières recommandations en2005 1. En 2010 a été créé le Journal of Geriatric Oncology,aujourd’hui non référencé mais qui, à la suite de CriticalReviews in Oncology and Hematology, a pour vocation lapublication d’articles oncogériatriques de qualité en langueanglaise. Les deux autres nouveautés sont la publication,en partenariat avec l’ESMO (European Society of MedicalOncology), du « ESMO Handbook of Geriatric Oncology »,et l’organisation du 1er congrès asiatique de la SIOG àKuching en Malaisie qui a été un véritable succès avecprès de 500 participants. Matti Aapro est par ailleursrevenu sur les différentes recommandations publiées desgroupes d’experts réunis sous l’égide de la SIOG en 2009-2011 :

• Anthracycline cardiotoxicity in the elderly cancer patient :a SIOG expert position paper 2 ;

• EORTC Elderly Task Force and Lung Cancer Group andInternational Society for Geriatric Oncology (SIOG)experts’opinion for the treatment of non-small-cell lungcancer in an elderly population 3 ;

• Treatment of the elderly colorectal cancer patient : SIOGexpert recommendations 4.

Le 11ème congrès de la SIOG se déroulera du 3 au5 novembre 2011 à Paris.

EPOG-GEPOG : quoi de neuf ?Par C. Falandry, d’après H. Curé(Institut Jean Godinot, Reims)

L’histoire des EPOG (Echanges Pratiques en Onco-Gériatrie) est venue de la volonté commune de ses créa-teurs (Elisabeth Carola et Hervé Curé, oncologues, LaurentTeillet, gériatre) de se rassembler et de débattre sur dessituations cliniques pratiques. La première session desEPOG s’est tenue à Clermont-Ferrand en 2005 et leur suc-cès ne s’est jamais démenti, avec un nombre croissant

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Bibliographie :1 Extermann M, Aapro M, Bernabei R, Cohen HJ, Droz JP, Lichtman S, Mor V, MonfardiniS, Repetto L, Sørbye L, Topinkova E ; Task Force on CGA of the International Society ofGeriatric Oncology. Use of comprehensive geriatric assessment in older cancer patients :recommendations from the task force on CGA of the International Society of GeriatricOncology (SIOG). Crit Rev Oncol Hematol 2005 Sep ; 55 (3) : 241-52.2 Aapro M, Bernard-Marty C, Brain EG, Batist G, Erdkamp F, Krzemieniecki K, LenoardR, Lluch A, Monfardini S, Ryberg M, Soubeyran P, Wedding U. Anthracycline cardiotoxi-city in the elderly cancer patient : a SIOG expert position paper. Ann Oncol 2010 Oct18. [Epub ahead of print]3 Pallis AG, Gridelli C, van Meerbeeck JP, Greillier L, Wedding U, Lacombe D, Welch J,Belani CP, Aapro M. EORTC Elderly Task Force and Lung Cancer Group and InternationalSociety for Geriatric Oncology (SIOG) experts’opinion for the treatment of non-small-cell lung cancerin an elderly population. Ann Oncol 2010 ; 21 : 692-7064 Papamichael D, Audisio R, Horiot JC, Glimelius B, Sastre J, Mitry E, Van Cutsem E,Gosney M, Köhne CH, Aapro M, SIOG. Treatment of the elderly colorectal cancerpa-tient : SIOG expert recommendations. Ann Oncol 2009 ; 20:5-16

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de participants. Le Groupe d’Echange de Pratiques enOnco-Gériatrie (GEPOG) a été constitué dans cette dyna-mique, en partenariat avec la SIOG. Les réflexions duGEPOG s’orientent principalement autour :

• de la spécificité des soins en oncogériatrie, avec la placecentrale du binôme oncologue-gériatre ;

• de l’organisation des soins, avec la nécessité d’un par-cours de soins spécifique ;

• des équipes de soins, qui doivent notamment resterouvertes sur les différentes personnes ressources(médecins de ville, famille, autres spécialistes hospita-liers, personnes ressources hospitalières) ;

• de la politique sanitaire en oncogériatrie (bientraitance,dépistage organisé, équité dans l’accès aux soins).

Afin d’étendre ses perspectives, le GEPOG s’est renforcéen SoFOG, Société Francophone d’Onco-Gériatrie, en find’année 2010, dont Hervé Curé nous a dévoilé le nou-veau logo.

Les 7èmes Journées Nationales des EPOG se déroulerontà Lyon du 15 au 17 septembre 2011, avec pour théma-tique « Urologie et Andrologie ».

Nutrition, âge et cancerPar C. Falandry, d’après S. Schneider (CHU de Nice)

La nutrition est à la fois un facteur de risque ou de pro-tection dans la survenue de certains cancers, un statut etun soin de support. L’âge et le cancer sont les principauxfacteurs de risque de dénutrition. Ils exercent une syner-gie dangereuse au travers de certains déterminants com-muns comme l’inflammation chronique, et d’autres spé-cifiques mais additionnels (anorexie liée à l’âge + anorexieliée à la tumeur + effets mécaniques des tumeurs des voiesdigestives + toxicité digestive des traitements). StéphaneSchneider a repris la représentation de la cachexie enforme d’oignon, dont les différents retentissements cliniques,biologiques, métaboliques, psychologiques (qualité devie) sont centrés autour (et la conséquence de) l’interac-tion entre le cancer et ses traitements 1. Il est revenu surune entité inconnue de la plupart des oncogériatres, l’obé-sité sarcopénique 2. Cette entité ne peut pas être mise enévidence avec les critères cliniques de surveillance de lamasse pondérale (poids, Index de Masse Corporelle) etnécessite l’évaluation de la masse musculaire. Elle consti-tue une situation clinique importante à reconnaître car il aété montré que parmi les quatre groupes de patients (nonobèses/non sarcopéniques, non obèses/sarcopéniques,obèses/non sarcopéniques, obèses/sarcopéniques), cesderniers avaient le pronostic le plus péjoratif en survie glo-bale. Il est donc important d’évaluer la masse musculaire,et l’une des techniques actuelles est une analyse infor-matique d’une coupe scannographique « classique » auniveau de L1, telle que celle que chaque patient a géné-

ralement au décours de son bilan paraclinique initial.Stéphane Schneider est revenu par ailleurs plus géné-

ralement sur les conséquences de la dénutrition, à la foissur la faisabilité et la tolérance des différents traitementsdu cancer : chirurgie, chimiothérapie. La prévalence de ladénutrition dans le cancer est très marquée, notammentdans les cancers du pancréas, de l’œsophage, de l’es-tomac, ORL, des bronches et gynécologiques (ovaire-utérus). Les critères de diagnostic et de prise en chargede la dénutrition ont été clairement définis, à la fois par lesrecommandations de l’HAS pour tous les patients âgés 3,et par celles de la SFNEP et de la SFAR en ce qui concerneles interventions chirurgicales programmées de l’adulte 4.Toute chirurgie carcinologique est par définition au mini-mum de grade nutritionnel 2 (GN2), l’âge > 70 ans et lecancer constituant deux facteurs de risque de dénutrition.Chaque patient doit donc faire l’objet d’une évaluation, d’uneprise en charge nutritionnelle péri-opératoire, au minimumpar conseils diététiques et/ou compléments nutritionnels.Il est important aussi de retenir l’importance de restrein-dre au maximum la période de jeûne et de privilégier lavoie entérale à la voie parentérale. Pour de plus amplesdétails, reportez-vous à l’excellent numéro thématique« Nutrition en oncogériatrie » du Journal d’OncoGériatriede novembre/décembre 2010…

Vieillissement et cancer : des connexions multiplesPar C. Falandry

En écho à l’article « Sénescence et cancer : faut-il vieil-lir pour ne pas mourir ? » paru dans le premier numéro duJournal d’OncoGériatrie (janvier/février 2010), Eric Gilsona présenté le jeudi 3 février 2011 lors de la première ses-sion plénière du MAO un aperçu historique de la recherchesur les liens entre sénescence et cancer. Claire Falandrya orienté son exposé sur les conséquences de ces avan-cées de la recherche en termes de compréhension et deprise en charge du cancer chez la personne âgée :

Bibliographie :1 Fearon KC, Barber MD, Moses AG. The cancer cachexia syndrome. Surg Oncol ClinN Am 2001 Jan ; 10 (1) : 109-26.2 Baumgartner RN, Wayne SJ, Waters DL, Janssen I, Gallagher D, Morley JE. Sarcopenicobesity predicts instrumental activities of daily living disability in the elderly. Obes Res2004 Dec ; 12 (12) : 1995-2004.3 Raynaud-Simon A, Revel-Delhom C, Hébuterne X. Clinical practice guidelines fromthe French health high authority : Nutritional support strategy in protein-energy mal-nutrition in the elderly. Clin Nutr 2011 Jan 18. [Epub ahead of print]4 Chambrier C, Sztark F pour la Société francophone de nutrition clinique et métabo-lisme (SFNEP) et la Société française d’anesthésie et réanimation (SFAR) Recommandationsde bonnes pratiques cliniques sur la nutrition périopératoire. Actualisation 2010 de laconférence de consensus de 1994 sur la « Nutrition artificielle périopératoire en chirur-gie programmée de l’adulte » [French clinical guidelines on perioperative nutrition. Updateof the 1994 consensus conference on perioperative artificial nutrition after elective sur-gery in adults], Nutrition Clinique et Métabolisme, volume XXIV, Issue 4, 2010; 145-56.

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• Comprendre la sénescence, c’est intégrer le rôle d’unstress mutagène permanent, induit notamment par lemétabolisme oxydatif lui-même. Face à ce stress, vérita-ble « fardeau mutationnel », la cellule dispose de deuxdéfenses, la sénescence réplicative, dépendante d’unraccourcissement obligatoire des télomères, et la sénes-cence prématurée, induite par des stress génotoxiques.

• Ces deux voies aboutissent à la fois à une diminutiondu nombre de cellules en prolifération, mais aussi à unesensibilité accrue des cellules dites « sénescentes » à lacancérogenèse. Ces cellules sont en effet bloquées enphase quiescente mais réfractaires à la mort cellulaire(apoptose), d’où leur propension à accumuler des muta-tions. Ainsi avec l’âge, l’individu est à la fois l’objet de l’aug-mentation du « fardeau mutationnel » mais aussi d’une plusgrande sensibilité de certaines de ses cellules à la muta-genèse, explication double à l’augmentation de l’incidencedes cancers avec l’âge.

• Les cellules les plus vulnérables au phénomène desénescence sont les cellules à taux de renouvellement élevé.Pour les lignées hématopoïétiques et les épithélia (intes-tins notamment), on sait que ce renouvellement est sousla dépendance de cellules souches. Il a été communémentadmis que ces cellules souches sont capables d’auto-renouvellement à l’infini. En fait, s’il a été démontré queces cellules souches expriment la télomérase, leur per-mettant de limiter le raccourcissement de leurs télomères,on sait aujourd’hui que cet auto-renouvellement n’est pasinfini. Pour les lignées hématopoïétiques, on parle d’épui-sement médullaire. Celui-ci a été clairement démontréchez la souris, notamment lorsque les fonctions télomé-riques sont perturbées. Cet épuisement médullaire consti-tue une des explications à l’augmentation de l’hémato-toxicité des chimiothérapies, avec en parallèlel’augmentation du risque de leucémies secondaires, selonle mécanisme expliqué ci-avant !

• Parallèlement, on sait que cet épuisement médullaires’associe à une « dérive myéloïde », c’est-à-dire une pro-pension plus importante des cellules souches à fabriquerplus de cellules myéloïdes (et donc moins de cellules lym-phoïdes) : comment ne pas faire le rapprochement avecl’un des facteurs de risque identifiés de neutropénie fébrile,la lymphopénie? Celle-ci ne serait-elle pas une illustrationau niveau du sang périphérique de cet épuisement médul-laire? Cette hypothèse a fait l’objet d’une étude multicen-trique du GINECO (Groupe d’Investigateurs Nationauxpour l’Etude des Cancers de l’Ovaire et du sein) danslaquelle étaient évalués, à l’inclusion, à la fois le taux delymphocytes circulants et la taille des télomères au niveaudu sang périphérique chez des patientes de plus de 70 anstraitées par chimiothérapie pour un cancer avancé del’ovaire. Selon des résultats préliminaires, les patientes ayantdes télomères courts avaient à la fois un risque plus élevé

d’arrêter prématurément leur traitement et de développerdes toxicités sévères (grades 3 et 4), à la fois hématolo-giques et non hématologiques.

Cancer du sein de la femme âgéePar A. Herrera

Dans le cadre de ce troisième MAO, une session abor-dait 3 thèmes importants liés au cancer du sein chez lafemme âgée :

• Prise en charge et suivi des traitements adjuvants parhormonothérapie chez les patientes ménopausées enfonction de leur âge (Cristian Villanueva, Hôpital JeanMinjoz, Besançon) ;

• Nutrition et sédentarité (Laurent Zelek, Hôpital Avicenne,Bobigny) ;

• Perspectives dans le domaine de l’hormonothérapiechez les patientes ménopausées en situation métastatique(Olivier Tredan, Centre Léon Bérard, Lyon).

Les résultats intermédiaires de l’observatoire Décade ontété présentés lors de la première communication. Sonobjectif principal était d’étudier, chez des patientes méno-pausées traitées depuis un an par létrozole pour un can-cer du sein en situation adjuvante, la prise en charge selonl’âge (55 à 75 ans ou plus de 75 ans) en termes de visites(nombre et motif) chez un médecin spécialiste non impli-qué dans le traitement et le suivi du cancer du sein. L’analyseportait sur 439 patientes, dont la moyenne d’âge était de67,5 ans et qui majoritairement présentaient un score SBRde grade 2. On notait, par rapport à la situation à l’inclu-sion, qu’un plus grand nombre de patientes avait consultépendant l’année de suivi, un ou deux spécialistes, notam-ment dans le groupe des patientes de 75 ans ou plus. Cesconsultations étaient essentiellement en rapport avec la mala-die cancéreuse, et beaucoup moins souvent liées au trai-tement par létrozole. En termes de traitement prescrit, onnotait une augmentation des traitements pour ostéoporoseet des antalgiques de classe I, notamment chez les patientesde 75 ans et plus. D’une manière générale, les consulta-tions chez le spécialiste étaient les plus nombreuses.

L’obésité est considérée comme un facteur de risque pourl’apparition de métastases à distance (après 5 ans). L’essaiWHEL a montré qu’il existait un gain de poids supérieurou égal à 5 % chez 45 % des patientes sous chimiothé-rapie, et que seules 10 % d’entre elles retrouvaient leurpoids initial. D’autre part, plus le surpoids était importantet plus la probabilité d’un retour au poids initial était fai-ble. Cette prise de poids sous chimiothérapie s’accom-pagnait, dans l’essai, d’une augmentation du risque demétastases à distance de 1,65 fois. Cet essai a aussimontré qu’un régime diététique riche en fruits et légumes,associé à une activité physique importante, s’accompa-

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gnait d’un allongement significatif de la survie. Il a par ail-leurs été montré que la fatigue, la dépression et l’insom-nie étaient fréquentes chez les patientes atteintes d’un can-cer du sein ou en ayant eu un. Mais il est à noter que,même aux Etats-Unis, moins de 25 % des médecinsconseillent leurs patientes sur leur mode de vie.

En termes de perspectives, chez les patientes ménopau-sées porteuses d’un cancer du sein métastatique, lesrésultats de l’association des thérapies ciblées à l’hormo-nothérapie paraissent prometteurs.

Chez les patientes RH+ et surexprimant HER2, l’associa-tion trastuzumab et anastrozole (étude TAnDEM) permet undoublement de la médiane de survie sans progression (PFS)de 2,4 à 4,8 mois (p = 0,0016). Dans la même population,l’association du lapatinib au létrozole permet également uneamélioration significative de la PFS médiane (8,2 versus 3mois; p = 0,019). Dans les deux études, ceci se traduit parune amélioration significative du bénéfice clinique qui passede 27,9 % avec anastrozole à 42,7 % avec l’association anas-trozole + trastuzumab (p = 0,026), et de 29 % avec létro-zole à 48 % avec l’association létrozole + lapatinib (p = 0,003).

Chez les patientes RH+/HER2-, l’association d’un inhi-biteur de mTOR à l’hormonothérapie est également uneapproche intéressante. Une première étude publiée en 2009par Baselga (J Clin Oncol 2009 ; 27 (16) : 2630-7) mon-trait, avec l’association évérolimus + létrozole, une réponseclinique chez 68,1 % des patientes versus 59,1 % aveclétrozole seul, et une réponse échographique chez 58 %versus 47 % respectivement.

L’étude TAMRAD du groupe GINECO a évalué l’asso-ciation évérolimus + tamoxifène versus tamoxifène seul chezles patientes ménopausées atteintes d’un cancer du seinmétastatique RH+/HER2- antérieurement traitées par inhi-biteur de l’aromatase. L’analyse exploratoire de cettephase II randomisée montre que le bénéfice clinique, cri-tère principal de l’étude, est de 61,1 % avec l’associationversus 42,1 % avec tamoxifène seul (p = 0,045). Chez lespatientes de 65 ans ou plus, ce taux atteint, à la 24ème

semaine, 70 % avec l’association versus 41,9 % avectamoxifène seul. Le temps jusqu’à progression (TTP) estsignificativement augmenté et atteint 8,6 mois avec l’as-sociation versus 4,5 mois avec tamoxifène seul (p = 0,0026).La différence s’observe quel que soit l’âge mais elle estplus marquée chez les patientes de 65 ans ou plus (12,3versus 5 mois). On n’observe pas de différence en cas derésistance hormonale primaire (5,4 versus 3,9 mois) ; encas de résistance secondaire, la différence est très nette :17,4 mois avec l’association versus 5 mois avec tamoxi-fène seul (HR = 0,38 ; IC 95 %: 0,21 – 0,71). Enfin, dèscette analyse exploratoire, il apparaît une différence de sur-vie significative, comme le montre la figure ci-dessous, avecune réduction du risque relatif de décès de 68 % (IC 95 %:0,15 – 0,68).

En conclusion, l’hormonothérapie, seule ou en asso-ciation aux thérapies ciblées, reste un traitement de réfé-rence chez les patientes ménopausées RH+. Chez lespatientes les plus âgées, l’hormonothérapie n’est pasdélétère en cas de surexpression de HER2. Chez lespatientes HER2-, l’utilisation des inhibiteurs de mTORpermet de maintenir l’hormono-sensibilité autorisant lapoursuite des manipulations hormonales et donc la pos-sibilité de différer le recours aux agents cytotoxiques.

Cancer du sein de la patiente âgée :pour une prise en charge optimalePar T. Cudennec, C. Falandry

Importance de l’évaluation gériatriqueIl existe en oncogériatrie deux principaux problèmes :

celui de l’absence de règles de prise en charge des patientsâgés cancéreux, et celui de l’absence de standards thé-rapeutiques. Ils exposent au risque d’insuffisamment trai-ter pouvant être à l’origine d’une perte de chance onco-logique. Ils exposent également au risque de trop traiteren ayant négligé certains aspects notamment sociaux etneuropsychologiques. Ces éléments justifient de bienidentifier les facteurs prédictifs de faisabilité. L’évaluationen oncogériatrie comporte deux aspects, celui du dépis-tage des patients âgés vus par l’oncologue et qui justifie-raient d’un avis gériatrique, et celui de l’évaluation géria-trique à proposer au sujet âgé cancéreux.

Le dépistageIl est indispensable. Il permet au patient, à l’oncologue

et au gériatre de gagner du temps. Il repose sur un outilqui doit être simple à utiliser, ne nécessitant pas de com-

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pétence gériatrique particulière et validé. Malheureusement,actuellement cet outil n’existe pas. Plusieurs options exis-tent actuellement comme l’intuition du praticien qui resteune pratique aléatoire, le fait d’adresser systématique-ment les patients âgés de plus de 75 ans au gériatre impli-quant une démultiplication de ces spécialistes, le recoursà l’aCGA d’Overcash 1 qui nécessite de renseigner 72 items,ou le G8 proposé par l’UPCOG de Bordeaux. L’interventionde Pierre Soubeyran nous a apporté des résultats partielsinstructifs. Sur l’ensemble des patients inclus, 1425 ontété éligibles et évaluables avec un âge moyen de 78 ans.Le cancer du sein correspondait à 54 % des patients. Desanomalies ont été retrouvées au cours de l’évaluationgériatrique dans de nombreux cas, notamment dans 48 %des IADL, 44 % des MNA et 42 % à la CIRS-G. Il est sou-ligné ici trois marqueurs essentiels dans la prise en chargeoncogériatrique.

L’évaluation gériatriqueElle repose sur une démarche multidisciplinaire et stan-

dardisée, permet une appréciation globale de l’état de santédu malade âgé et des problèmes principaux somatiques,psychiques, cognitifs, sociaux et environnementaux. Sonbut est le maintien de l’autonomie et de la meilleure qua-lité de vie possible. En oncologie, elle doit avoir un impactsur la décision (augmentation de la survie des patients quiont bénéficié de l’EGS versus attitude standard chez lecancéreux âgé) 2, permettre de détecter les grands syn-dromes gériatriques qui ont valeur pronostique sur la tolé-rance des traitements oncologiques (dénutrition, polymé-dicamentation, comorbidités, dépression, troubles cognitifs,perte d’autonomie…), et proposer un plan de soins etd’aides. Cependant, cette évaluation lorsqu’elle est com-plète est chronophage. L’autonomie (ADL de Katz et IADLde Lawton) 3,4 doit être connue. L’échelle VES 13, pro-posée par Saliba 5, permet d’estimer les risques de déclinfonctionnel et de décès. Les comorbidités peuvent êtreappréciées à l’aide de différentes échelles comme cellede Charlson 6 ou la CIRS-G 7. Le plus important estqu’elles soient recherchées et que leur niveau de sévéritésoit estimé.

En conclusion, il n’existe pas de solution toute faiteactuellement, ce qui justifie de fréquents débats tout aulong de la maladie. Il est indispensable de remettre lapatiente au centre de la démarche de soin. Il faut recher-cher son avis et explorer différentes possibilités et solu-tions de prise en charge. Les outils de dépistage géria-trique rapide doivent être validés. Il est essentiel d’identifierles patients fragiles. Cependant, quelles que soient leséchelles utilisées, l’essentiel de la décision de prise en chargerepose sur le rapprochement des deux évaluations, onco-logique et gériatrique.

Données cliniques chez le sujet âgéLes caractéristiques biologiques du cancer du sein de

la patiente âgée représentent un continuum avec cellesdu cancer du sein de la patiente ménopausée, avec uneforte prévalence des formes luminales A (cancers de fai-ble grade et exprimant les facteurs hormonaux), et uneexpression du récepteur HER2 dans 10 % des cas pourla série française la plus récente 1.

A l’aide de deux cas cliniques de cancers du sein, l’unen adjuvant, l’autre en métastatique, Elisabeth Carola adiscuté la place des thérapeutiques ciblées dans ces deuxindications : le trastuzumab dans la première, le bevaci-zumab dans la seconde.

Premier cas clinique : Onorina, 78 ansOnorina a pour antécédents une hypertension artérielle

et une AC/FA. Elle découvre par auto-palpation un grosnodule, classé T2N+ (taille ≥ 2 cm, envahissement gan-glionnaire), qui la conduit à avoir une mastectomie-curage.La tumeur est classée pT2N + SBRIII (haut grade) RH+ etsurexprime HER2 en immunohistochimie (++), avec confir-mation en FISH. Dans cette situation de tumeur exprimantà la fois les récepteurs hormonaux et HER2, les recom-mandations de Nice-Saint-Paul-de-Vence 2009 considè-rent le trastuzumab comme optionnel et son indicationdoit accompagner une chimiothérapie 2. De même, de nom-breuses sociétés savantes insistent sur la nécessité d’unediscussion individuelle de l’indication, les données spéci-fiques sur les patientes âgées étant encore très parcellaires.Il est à noter que certains pays administrent du trastuzu-mab seul, en l’absence de toute donnée, ce qui resteactuellement interdit en France. Dans le cas d’Onorina, ladiscussion doit donc se baser sur la balance bénéfice-risque,sur les outils apportés par l’évaluation gériatrique et les cri-tères pronostiques oncologiques ainsi que, bien sûr, surl’avis de la patiente. Celle-ci souhaite « le meilleur pour elle ».Concernant l’évaluation gériatrique, outre les deux comor-

Bibliographie :1 Overcash JA, Beckstead J, Moody L, Extermann M, Cobbs S (2006) The abbrevia-ted comprehensive geriatric assessment (aCGA) for use in the older cancer patient asa prescreen : scoring and interpretation. Crit Rev Oncol Hematol 59 (3) : 205-10.2 McCorkle R, Strumpf NE, Nuamah IF et al. (2000) A specialized home care interven-tion improves survival among older post-chirurgical cancer patients. J Am Geriatr Soc48 (12) : 1707-13.3 Katz S, Ford AB, Moskowitz RW, Jackson BA, Jaffe MW. Studies of the illness in theaged. The index of ADL : a standardized measure of biological and psychosocial func-tion. JAMA 1963 ; 21 : 914-9.4 Lawton MP, Brody EM. Assessment of older people : self-maintaining and instrumen-tal activities of daily living. Gerontologist 1969 ; 9 : 179-86.5 Saliba D, Elliott M, Rubenstein LZ, Solomon DH, Young RT, Kamberg CJ, Roth C, MacLeanCH, Shekelle PG, Sloss EM, Wenger NS. The vulnerable elders survey: a tool for identi-fying vulnerable older people in the community. J Am Geriatr Soc, 2001; 49: 1691-9.6 Charlson ME, Pompei P, Ales KL, MacKenzie CR. A new method of classifying prognos-tic comorbidity in longitudinal studies: development and validation. J Chron Dis 1987; 40:373-83.7 Parmelee PA, Thuras PD, Katz IR, Lawton MP. Validation of the cumulative illnessrating scale in a geriatric residential population. J Am Geriatr Soc 1995 ; 43 : 130-137.

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bidités, celle-ci est favorable (MMS 28/30, Mini MNA 14,ADL 6/6, IADL 1/8, mini GDS 1/4), l’espérance de vie à 4ans selon Lee est estimée à 68 %. Concernant les critèreshisto-pronostiques, le taux de rechute à 10 ans estimé parAdjuvantOnLine* est de 84 %, le trastuzumab a un effetconstant quelles que soient les caractéristiques histo-pro-nostiques et l’âge des patientes. Concernant les risquescardiaques, ceux-ci sont clairement augmentés avec l’âge,et ce d’autant plus après utilisation d’anthracyclines, maisgénéralement réversibles 3. Il a donc été décidé d’admi-nistrer à Onorina une chimiothérapie sans anthracycline(schéma docetaxel-cyclophosphamide 4 cures de Joneset al.), suivie de trastuzumab pendant 1 an.

* Lors de la séance de questions, Gilles Freyer, président de la session, a mis en garde,comme l’ont fait les recommandations de Nice-Saint-Paul-de-Vence 2009, contre l’uti-lisation de l’outil AdjuvantOnLine après 70 ans.

Deuxième cas clinique : Geneviève, 77 ansCette patiente a été opérée en 2004 d’un cancer du sein

T2N + SBRIII RH- HER2- et traitée par 4 cures adjuvantesd’adriamycine-cyclophosphamide. Elle a présenté en 2010des métastases hépatiques et pulmonaires, au plus fortde la compagne médiatique « anti-Avastin® ». Elle présentepar ailleurs une AC/FA traitée par AVK et des critères devulnérabilité à l’évaluation gériatrique. Elisabeth Carola estrevenue sur les différents essais (E2100, RIBBON-1 etAVADO) qui avaient conduit à l’AMM, et sur l’analyseexploratoire de ces essais par Miles et al. à l’ESMO 2010qui montrait que plus d’1/3 des patientes avaient 65 anset plus, et que l’avantage en survie sans progression étaitmaintenu dans cette population 4. Chez ces patientes, lerisque d’événements indésirables cardiovasculaires sévères(grades 3 ou 4) était majoré, notamment pour l’HTA, lesévénements thromboemboliques artériels et veineux ainsique la protéinurie. Cependant la gestion de ces risquesest maintenant bien standardisée et permet à la fois unemeilleure prévention et un meilleur traitement 5. Dans lecas de Geneviève, dont le cancer était RH-, la chimiothé-rapie constitue le seul traitement spécifique envisageableet la mise en garde de l’Agence Européenne du Médicamentpermettant « encore » l’association paclitaxel-bevacizu-mab, cette alternative a pu être envisagée, avec prudence.

Actualités sur la prise en chargeClaire Falandry est revenue sur la mise à jour 2011 des

recommandations de Nice-Saint-Paul-de-Vence pour laprise en charge de la patiente âgée atteinte de cancer dusein en situation adjuvante et notamment sur la place del’évaluation gériatrique dans l’arbre décisionnel de l’onco-logue. De nombreux oncologues généraux ont en effetconsidéré la préconisation des recommandations de 2009« d’un dépistage gériatrique » à chaque patiente de plusde 70 ans comme « théoriquement intéressant » mais« pratiquement infaisable », compte-tenu des contraintesde temps. Peu de centres disposent en réalité d’un binômeoncologue-gériatre. De plus, il est vrai que, dans la majo-rité des cas, la discussion de traitement adjuvant après70 ans se pose pour des patientes « relativement jeunes »(70-79 ans) et « en bonne santé globale ». La question estdonc d’identifier l’apport réel de l’évaluation gériatrique etpeut-être de l’adapter, comme certains gériatres le récla-ment, à chaque situation clinique différente : non pas unemais des évaluations gériatriques. Il était nécessaire pourcela d’identifier à la fois ce que l’on sait aujourd’hui de l’éva-luation gériatrique et ce que l’on souhaiterait savoir dansla pratique.

Ce que l’on sait et… ce que l’on souhaiterait savoirCe que l’on sait :(a) Lazzaro Repetto a été le premier à démontrer en

2002 qu’une évaluation gériatrique apporte de l’informa-tion par rapport au Performance Status, seul outil d’éva-luation fonctionnelle utilisé en pratique quotidienne enoncologie : parmi les patients présentant un PS considérécomme satisfaisant, une proportion non négligeable pré-sente des perturbations fonctionnelles, nutritionnelles oucognitives 1.

(b) Quand elle est pratiquée, l’évaluation gériatrique modi-fie la prise en charge : cela a été démontré par deux étudesfrançaises, menées par Véronique Girre et Pascal Chaïbi,dans lesquelles le traitement était modifié ou retardé dansrespectivement 39 % et 49 % des cas 2,3.

(c) Il est possible d’identifier les patients relevant d’uneévaluation gériatrique multidimensionnelle, sur la base descores de dépistage. L’utilisation de tels scores (aCGA maissurtout VES13) implique le recours à un gériatre lorsqueceux-ci sont perturbés (VES = 3 notamment) 4,5.

(d) Certains éléments de l’évaluation gériatrique ont étéidentifiés comme des marqueurs pronostiques de survieglobale, d’indépendance fonctionnelle ou même de toxi-cités des traitements, comme cela a été montré par ArtiHurria et Martine Extermann au travers de deux échelles 6,7.

(e) De plus, certaines échelles, développées par les géria-tres, donnent un aperçu de l’espérance de survie résiduellehors cancer, comme notamment celle de Lee qui préditle taux de mortalité à 4 ans 8.

Bibliographie :1 Penault-Llorca F et Arnould L (2010) Adjuvant breast cancer : which clinical and patho-logical characteristics in 2007? Bull Cancer 97 (12) : 1421-6.2 (2009) Recommandations pour la pratique clinique: Nice-Saint-Paul-de-Vence 2009 « can-cers du sein » et « soins de support ». Partie I – Cancers du sein. Oncologie 11 (11): 497-505.3 Jackisch C, Hinke A, Schoenegg W, Söling U (2008) Trastuzumab treatment in elderlypatients with advanced breast cancer (ABC) results from a large observational study.San Antonio Breast Cancer Symposium : Abstr 3144.4 Miles DW, Romieu G, Dieras V, Chen D (2010) Meta-analysis of patients (pts) ≥ 65years from three randomized trials of bevacizumab (BV) and first-line chemotherapy astreatment for metastatic breast cancer (MBC). Ann Oncol 21 (Suppl 8) : Abstr 278.5 Grothey A (2006) Recognizing and managing toxicities of molecular targeted thera-pies for colorectal cancer. Oncology (Williston Park). 20 (14 Suppl 10) : 21-8.

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Ce que l’on aimerait savoir : dans sa pratique quoti-dienne, l’oncologue souhaiterait disposer de marqueurspronostiques simples propres à chaque situation cliniqueafin de simplifier le choix thérapeutique et identifier rapi-dement la place de l’interaction oncologue-gériatre.

Cas du cancer du sein en situation adjuvanteLa difficulté réside, dans cette population des patientes

âgées pour lesquelles est discuté un traitement adjuvant,dans l’identification des patientes « à risque » de décom-pensation gériatrique. Et ce, dans une population géné-ralement considérée « en bonne forme » pour laquelle laquestion d’une adaptation des doses (de chimiothérapie)n’est pas envisageable, car seuls sont validés les proto-coles standard, les protocoles dits « adaptés » n’ayant pasà ce jour démontré leur efficacité.

Dans cette perspective, la principale nouveauté desrecommandations de Nice-Saint-Paul-de-Vence 2011réside dans la proposition d’un « questionnement géria-trique » et de l’utilisation d’un score de dépistage simple,comme le VES13 (ou le aCGA), celui-ci impliquant, commeprécédemment mentionné, l’orientation des patientes versun bilan et une prise en charge gériatriques lorsqu’il estperturbé.

Cas du cancer du sein en situation métastatiqueDans une autre situation carcinologique, celle du cancer

métastatique, le rôle de l’évaluation gériatrique trouve saplace dans la discussion du rapport bénéfice/risque d’unechimiothérapie. Compte tenu de l’expression majoritairedes récepteurs hormonaux chez les patientes âgées, cettediscussion intervient généralement tardivement, chez despatientes plus âgées, ayant souvent été traitées par uneou plusieurs lignes d’hormonothérapie. Les résultats pré-liminaires de l’étude DOGMES du groupe GINECO, quiévaluait la réponse à une chimiothérapie par doxorubicineliposomale pégylée en première ligne métastatique chezdes patientes de plus de 70 ans, font ainsi état d’une popu-lation extrêmement vulnérable, dont les paramètres géria-triques étaient très perturbés à l’inclusion. De façon éton-nante, seules 49 % des patientes ont pu recevoir 6 cyclesd’une chimiothérapie considérée comme modérémenttoxique et administrée à dose réduite (40 mg/m²/28 J).Parmi les causes d’arrêts ont été répertoriées des toxici-tés limitantes, mais aussi des complications gériatriques,dont des fractures non pathologiques.

Ces résultats soutiennent ainsi l’idée d’une collaborationoncogériatrique adaptée à chaque patiente et à chaquesituation carcinologique, depuis le score de dépistagepratiqué par l’oncologue jusqu’à une prise en charge mixteou principalement gériatrique lorsque la multi-morbidité etle risque de surtoxicité justifient une désescalade théra-peutique.

Le patient âgé et ses proches àl’épreuve de la maladie cancéreusePar G. Ganem, I. Piollet

Dans le contexte de l’oncogériatrie tout particulièrement,la prise en charge de l’entourage, notamment familial, faitpartie de nos missions de soins, d’autant que lui aussi est« touché » par la maladie. A la phase d’annonce du diag-nostic, la famille subit un bouleversement émotionnel aigu(peurs, impuissance, culpabilité, effondrement…) et doitmettre en place ses propres mécanismes de défense.Tout au long de la maladie, notre rôle de soignant, à l’éche-lon individuel et en équipe, est de prendre en compte lessouffrances de l’entourage car elles rejaillissent directe-ment sur la souffrance du patient, et inversement : il s’agitde donner soutiens et informations les mieux adaptés, dansdes conditions optimales, tenant compte des désirs dupatient.

Les capacités de l’entourage à faire face, tant sur le plan indivi-duel qu’au niveau de la cellule familiale, dépendent des caracté-ristiques psychologiques de chacun et de l’adaptabilité du sys-tème familial (cohésion, type de communication, confiance,conflits…), mais rien n’est jamais établi.

Les spécificités du sujet âgé doivent être approchées aumieux dès le début du parcours de soins: autonomie, capa-cités sensorielles et cognitives, conjoint (souvent maladeaussi, en perte d’autonomie, voire décédé), « grandsenfants » (prenant parfois l’attitude de parents de leurs pro-pres parents), éloignement voire isolement, représentationsdu cancer et des traitements à cet âge (fatalité, révolte,résignation…), et facteurs propres à l’individu (rôle dansla famille, dépression…).

Bibliographie :1 Repetto L, Fratino L, Audisio RA, Venturino A (2002) Comprehensive geriatric assess-ment adds information to Eastern Cooperative Oncology Group performance status inelderly cancer patients : an Italian Group for Geriatric Oncology Study. J Clin Oncol 20(2) : 494-502.2 Girre V, Falcou MC, Gisselbrecht M, Gridel G (2008) Does a geriatric oncology consul-tation modify the cancer treatment plan for elderly patients ? J Gerontol A Biol Sci MedSci 63 (7) : 724-30.3 Chaibi P, Magne N, Breton S, Chebib A Influence of geriatric consultation with com-prehensive geriatric assessment on final therapeutic decision in elderly cancer patients.Crit Rev Oncol Hematol 2010 : 14.4 Overcash JA, Beckstead J, Extermann M et Cobb S (2005) The abbreviated com-prehensive geriatric assessment (aCGA) : a retrospective analysis. Crit Rev OncolHematol 54 (2) : 129-36.5 Molina-Garrido MJ et Guillen-Ponce C Comparison of two frailty screening tools inolder women with early breast cancer. Crit Rev Oncol Hematol 2010 : 19.6 Hurria A, Togawa K, Mohile SG, Owusu C (2010) Predicting chemotherapy toxicity inolder adults with cancer : A prospective 500 patient multicenter study. J Clin Oncol 28(15s) : suppl ; abstr 9001.7 Extermann M, Boler I, Reich R, Lyman GH (2010) The Chemotherapy Risk AssessmentScale for High-Age Patients (CRASH) score : Design and validation.8 Lee SJ, Lindquist K, Segal MR et Covinsky KE (2006) Development and validation ofa prognostic index for 4-year mortality in older adults. JAMA 295 (7) : 801-8.

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Aucune recette n’existe réellement. Il convient d’arriverà mettre en place un cadre relationnel « triangulaire » (soi-gnant(s), patient et entourage), tenant compte :

• des pièges relationnels potentiels : collusion des tiers(parler et/ou décider à la place de la personne âgée), sou-sinformation ou surinformation, injonctions paradoxales oufausse réassurance (« ne vous inquiétez pas ») (« unepetite chimio ») ;

• des mécanismes intersubjectifs : peur des émotions dupatient, pression du temps à consacrer, émotions propresdu soignant (identifications), mécanismes projectifs (êtredans le jugement et non dans l’écoute).

Pour conclure :1) Reconnaître les proches et leur souffrance (eux aussi

sont « malades »), leur accorder du temps et de la

confiance ;2) Dans cette relation triangulaire patient-proches-soi-

gnants, rien n’est jamais établi : l’essentiel est quequelque chose de « vrai » circule ;

3) Anticiper, en interdisciplinarité, pour mieux s’adap-ter à la réalité médicale et aux sources de conflits poten-tiels ;

4) Lors des entretiens avec un ou des membres de l’en-tourage, plutôt que de penser à ce que l’on va dire, écou-ter et surtout entendre ce qu’ils ont à nous dire. Chaquesituation est unique. n

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Une masse du pancréas : un diagnostic de détective !Y. Menu, S. El Mouhadi Service d’Imagerie Médicale, Hôpital Saint-Antoine, Paris

Un homme de 67 ans est porteur d’une cirrhoseéthylique. Récemment, on a observé une aggra-vation sous la forme d’une décompensation oedé-

mato-ascitique.Des examens d’imagerie sont demandés pour recher-cher une cause à cette décompensation, et notammentla présence d’un carcinome hépatocellulaire.Une tomodensitométrie est réalisée (Figures 1) ; on trou-vera une coupe sans injection (1a), une coupe au tempsartériel (1b), une coupe au temps portal (1c) puis unecoupe coronale au temps portal (1d).Ce scanner montre la présence d’une masse d’environ6 cm, ovalaire, située au niveau de la queue du pancréas.Sans injection cette masse est isodense au pancréas et

au foie. Après injection de produit de contraste iodé, autemps artériel, la masse se rehausse, mais plus faiblementque le parenchyme pancréatique. Au temps portal, onretrouve une isodensité entre la masse et le reste du pan-créas. Il n’y a pas de carcinome hépatocellulaire. Il y a uneascite de moyenne abondance.Une IRM a ensuite été pratiquée (Figures 2). Deux coupesen incidence axiale sont faites : une coupe en pondéra-tion T2 (2a) montrant une masse relativement homogène,assez bien limitée, et une coupe en pondération T1 aprèsinjection de produit de contraste au temps artériel (2b) mon-trant, comme en scanner, une relative hypovascularisa-tion de la masse par rapport au pancréas.

Réponses page suivante

Quelles sont vos hypothèses ?Quelles sont les anomalies observées ?Quelles sont les orientations diagnostiques devant une telle masse ?

Figure 1a Figure 1b Figure 1cFigure 1d

Figure 2a Figure 2b

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Quelles sont vos hypothèses ?Réponse : splénose intra-pancréatique.

Quelles sont les anomaliesobservées ?Lorsqu’on analyse une masse du pancréas, on s’inté-resse à sa taille, à sa structure, à ses contours et à sa vas-cularisation. Dans le cas présent la masse est relativementgrosse, de structure homogène, de contours plutôt nets,et plutôt moins vascularisée que le parenchyme pancréa-tique.

Quelles sont les orientationsdiagnostiques devant une tellemasse ?La tumeur du pancréas la plus fréquente est évidemmentl’adénocarcinome pancréatique. Dans ce cas, il y a beau-coup d’arguments qui sont en défaveur de cette hypo-thèse.L’adénocarcinome pancréatique atteint rarement unegrande taille, c’est-à-dire plus de 4 cm, car, en raison deson retentissement clinique, il est tout à fait exceptionnelque la tumeur ne soit pas révélée plus tôt, soit par un obs-tacle biliaire ou digestif si la lésion siège dans la tête dupancréas, soit par des douleurs à irradiation postérieurelorsque la tumeur siège au niveau du corps et de la queuedu pancréas.Par ailleurs, l’adénocarcinome du pancréas est une tumeurinfiltrante et il serait tout à fait anormal qu’il présente descontours nets comme c’est le cas ici. On remarquera,notamment sur la coupe en IRM en pondération T2 (2a),qu’il y a une très bonne limitation entre la masse et le paren-chyme pancréatique, ce qui n’est jamais observé en casd’adénocarcinome du pancréas. Enfin, l’homogénéité dela masse ne cadre pas bien avec un adénocarcinome dupancréas car les lésions sont en général partiellementnécrotiques et partiellement faites d’un stroma fibreux, cequi les rend hétérogènes. Par contre l’adénocarcinome dupancréas est généralement hypovascularisé comme c’estle cas ici par rapport à la glande pancréatique.

Une deuxième possibilité est une tumeur neuro-endo-crine. Il y a plusieurs variétés sur le plan histologique etsur le plan sécrétoire. Au contraire de l’adénocarcinomepancréatique, elles peuvent être d’assez grande taille, car,soit elles ne sont pas sécrétantes, soit elles sont sécré-

tantes mais elles ne compromettent pas l’équilibre endo-crinien. C’est par exemple ce qu’on peut observer assezsouvent en cas de glucagonome. Les tumeurs neuro-endocrines peuvent être bien limitées, elles peuvent aussiêtre homogènes. Dans la majorité des cas, elles sont plu-tôt hypervascularisées par rapport au parenchyme pan-créatique, mais ce n’est pas une règle absolue.Dans le cas présent, l’hypothèse d’une tumeur neuro-endo-crine aurait parfaitement pu être soulevée.

Le troisième type de tumeurs pancréatiques assez cou-rant correspond aux tumeurs kystiques. Cette masse n’estévidemment pas du tout kystique, mais il peut arriver quecertaines lésions dites kystiques soient en réalité princi-palement ou exclusivement solides. Toutefois, ce sontdes hypothèses très rares, et ce ne serait certainementpas le premier diagnostic à envisager dans le cas présent.

Alors que fait le détective ?Le détective examine très attentivement la coupe coro-nale, et en particulier l’hypocondre gauche. Sous la cou-pole diaphragmatique gauche, entre la tumeur et le dia-phragme, on trouve l’angle colique gauche, de la graisseintra-abdominale, mais on ne trouve pas de rate.Effectivement le patient avait été splénectomisé en raisond’un traumatisme de la rate.Lors du traumatisme, des cellules spléniques migrent dansla cavité péritonéale et peuvent assez couramment s’im-planter, soit dans les tissus de voisinage comme c’est lecas ici, soit plus à distance sur le péritoine, cannibaliserla vascularisation locale et se développer pour former desrates accessoires de taille plus ou moins grosse. La splé-nose a parfois été volontairement induite lors d’une splé-nectomie, dans le but que du tissu splénique reste pré-sent chez le patient, en raison des risques infectieuxassociés à la splénectomie totale.La splénose intra-pancréatique est plus rare que l’atteintepéritonéale. Toutefois, elle n’est pas surprenante car ontrouve très souvent des îlots de rate accessoire situés entrela queue du pancréas et la hile splénique.Il n’est pas étonnant que du tissu splénique trouve à cetendroit là une zone particulièrement hospitalière pour sedévelopper. Il est assez difficile de savoir si la localisationpancréatique correspond au développement de massesplénique accessoire qui se trouvait déjà là et s’hypertro-phie après la splénectomie, ou s’il s’agit d’implants post-

L’image du JOG • Réponses et commentaires

Une masse du pancréas : un diagnostic de détective !

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traumatiques de cellules spléniques. Cela ne change rien,car on ne fait aucun traitement.Ces nouveaux nodules de rate, ou splénose, présententtoujours les caractères suivants :• ils sont homogènes ;• ils se rehaussent après injection de produit de contraste,toutefois moins et de façon différente que la rate d’origine.Très exceptionnellement une rate accessoire peut pren-dre le même aspect que la rate d’origine après injectionau temps artériel, où l’on voit souvent cette rate "tigrée"qui inquiète parfois la première fois qu’on est confronté àcette image. Dans le cas présenté, le rehaussement dece nodule de rate accessoire est plutôt faible, surtout sion le compare à la glande pancréatique qui se rehausseassez fortement.

Comment peut-on affirmer le diagnostic ?L’examen de référence formelle est la scintigraphie aux glo-bules rouges marqués. En effet ces globules rouges sont

de façon très sélective captés par le tissu splénique, y com-pris par les rates accessoires. Si un nodule intra-périto-néal, ou parfois d’ailleurs intra-thoracique, capte l’isotopeassocié aux globules rouges, c’est qu’il y a une activitéd’hémolyse dans ce nodule et le diagnostic est certain.Dans la pratique quotidienne, il est cependant tout à faitexceptionnel d’avoir besoin de recourir à cette scintigra-phie. En effet, le détective veille ! N’oubliez pas de fairecomme lui : lorsque vous trouvez une image régulièreronde ou ovalaire plutôt homogène dont vous ne compre-nez pas la nature à l’intérieur de l’abdomen, vérifiez d’abordsi la rate est bien présente ou pas. L’interrogatoire dupatient est souvent utile, mais de façon surprenante il estparfois négatif. Une proportion importante des patients ayantété opérés pour une rupture de rate et ayant une splé-nectomie l’ignore complètement.N’oubliez donc pas de réveiller parfois le détective qui esten vous. n

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Le Journal d’OncoGériatrie : Que vous évoque leconcept d’oncogériatrie, apparu il y a quelquesannées, et à l’origine d’initiatives telles que, entreautres, la création d’un groupe coopérateur (le Gépo-g), la création des Unités Pilotes de Coordination enOncoGériatrie (UPCOG) ? Selon vous, ce conceptest-il un mythe ou une réalité?

Ivan Krakowski : La création de ce concept est avanttout pragmatique. Il répond aux spécificités du terrain età l’évolution de la démographie vers une population âgéegrandissante.

C’est pourquoi une réflexion commune entre gériatreset oncologues est indispensable afin d’éviter, entre autres,les risques de sous traitement et d’optimiser l’identifica-tion des facteurs de fragilité.

Par ailleurs, les cancérologues doivent impérativementconnaître les bases de l’évaluation gériatrique (exemple :étude Oncodage), afin d’être capables d’effectuer unscreening des patients et d’identifier les cas requérant l’in-tervention d’un gériatre.

D’une façon plus générale, l’objectif aujourd’hui est defaire acquérir une culture gériatrique minimum à toutes lespersonnes intervenant dans la prise en charge du cancer,mais également que les gériatres intègrent dans leur pra-tique les problématiques générées par le cancer. Pour cefaire, des lieux de formation et de RCP communs doiventêtre mis en place.

Le JOG: Selon vous, est-il préférable de s’orientervers un partage des cultures ou devons-nous nousdiriger vers une discipline commune : l’oncogéria-trie?

I.K. : Il me semble difficile de créer une spécialité onco-gériatrique, dans la mesure où le nombre de patients àprendre en charge est énorme. Cependant, je pense qu’ilest aujourd’hui indispensable qu’un centre moderne decancérologie intègre des médecins formés à l’oncogéria-trie, qui seront à même d’optimiser la formation de leurs

collègues. De plus, ces médecins deviendront un recoursen gériatrie pour les patients fragiles. Pour autant, il meparaît difficile de parler de la création d’une spécialitéoncogériatrique.

D’autre part, le point fort d’une structure résulte dans lamise en valeur du tandem « gériatre-infirmière ». Si nousprenons l’exemple du centre de Nancy, nous avons un géria-tre intégré, épaulé par une infirmière formée et un psycho-logue sensibilisé à la gériatrie. Si nous élargissons ceconcept, l’idéal serait de former des équipes gériatriquesregroupant un gériatre, une infirmière, une psychologueet une nutritionniste.

Le JOG: Après une première étape liée à la créa-tion des UPCOG, l’INCA souhaite maintenant déployerun réseau national d’UCOG (Unités de Coordinationen OncoGériatrie), au travers des réseaux labellisésde cancérologie. Quel est votre sentiment sur cesujet?

I.K. : Dans ces structures, la problématique majeure restel’ouverture aux praticiens extérieurs. Nous pouvons ima-giner qu’un praticien ne venant pas du système universi-taire trouve quand même sa place dans des unités commecelles-ci car elles recherchent des compétences avantune spécialité.

Dans le domaine universitaire, malgré la présence del’équipe gériatrique à orientation oncologique, il sera néces-saire d’identifier un oncologue formé à la gériatrie.

Un autre point important que je souhaite aborder concernel’organisation des réseaux qui représente aujourd’hui unvrai challenge. Chaque réseau joue un rôle spécifique : lesréseaux régionaux (dont les réseaux de cancérologie) ontun rôle d’experts ; les réseaux populationnels sont présentssur le terrain ; les réseaux plurithématiques et enfin, lesréseaux gériatriques.

Ces réseaux vont s’enrichir entre eux et seront amenésà prendre en charge des patients sur le terrain. Donc il estimportant pour les unités d’oncogériatrie d’apporter leurs

Place des soins de support en oncogériatrie :position du Président de l’AssociationFrancophone pour les Soins Oncologiques de Support (AFSOS)Interview du Docteur Ivan Krakowski, Président de l’Association Francophone pour les Soins Oncologiques de Support, Centre Alexis Vautrin, Vandoeuvre-lès-Nancy, France. Par Dimitri Verza, Directeur de la publication du Journal d’OncoGériatrie

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compétences et la mise en place de cette collaborationdoit être gérée par les réseaux de cancérologie.

Le JOG: Aujourd’hui, de nombreuses recomman-dations sont faites sur les soins de supports pour ladouleur, la nutrition, l’anémie,…. Mais commentgérer la transversalité d’un patient à la fois âgé etatteint d’un cancer?

I.K. : Pour moi, cela ne représente pas une probléma-tique car le but est de créer une coordination des soins.Nous pouvons distinguer trois parties majeures : la partieoncologique, correspondant au traitement spécifique ducancer ; la partie gestion des symptômes et complicationsthérapeutiques, correspondant aux soins de support ; etla partie terrain, correspondant à la gériatrie. La coordi-nation entre ces 3 pôles est primordiale. Aujourd’hui, il est

impossible pour un oncologue de gérer son malade de Aà Z car le patient n’appartient à personne ; chacun a unemission bien déterminée et c’est la bonne conjonction deces missions qui aboutit à un succès. Nous avonsaujourd’hui atteint un niveau supérieur de complicité dansla pluridisciplinarité.

Le JOG: Selon vous, l’oncogériatrie se substitue-t-elle aux soins de support?

I.K. : Bien sûr que non, c’est un domaine différent ! Il s’agitd’une culture commune au service des oncologues. Lesgériatres devraient adopter cette philosophie afin de nepas créer « un château dans le château » ; ils doivent aiderleurs collègues dans la compréhension des spécificités dessujets âgés car la transversalité de l’oncogériatrie est indis-pensable pour la reconnaissance d’une équipe. n

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