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Réflexions à propos d’une initiation à l’ethnobotanique : la résilience du monde végétal avec les sociétés humaines Annette Hladik Ecole d’été sur les savoirs ethnobiologiques 22 juillet 3 août 2013 Libreville & La Lopé Eco-Anthropologie et Ethnobiologie Muséum National d’Histoire Naturelle

Réflexions à propos d’une initiation à l’ethnobotanique Hladik... · En Guinée Maritime, le palmier à huile représente une source d’alimentation pour les chimpanzés qui

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Réflexions à propos d’une initiation

à l’ethnobotanique :

la résilience du monde végétal avec

les sociétés humaines

Annette Hladik …

Ecole d’été sur les savoirs ethnobiologiques

22 juillet – 3 août 2013 Libreville & La Lopé

Eco-Anthropologie et Ethnobiologie

Muséum National d’Histoire Naturelle

Dans la forêt de Ipassa, Makokou

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Profil ( sur 5 m de profondeur )

Projection au sol des canopées (sur 10 m de large )

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les lianes participent pour 36 % à la production des feuilles de litière

(Hladik, Comptes-rendus Acad. Sc.,1974)

•Appareil (radio-télécommandé)

accroché sous un ballon captif

Vue au dessus

de la forêt

Altitude : 700 m

altitude : 250 m

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Plusieurs spécialistes étaient rassemblés : des forestiers, des

écologistes, des botanistes mais aussi des politiciens de la

Conservation de la Nature, des économistes et des sociologues

pour discuter de ce concept reposant sur les possibilités de

création de divers systèmes de production en fonction des

impératifs socio-économiques locaux : aménagements de

forêts et mises en culture de plantes vivrières en mélange avec

des arbres multi-usages c à d pas seulement pour la production

de bois.

Parallèlement au concept d’agroforesterie, émergeait le sigle

PFNL, produit forestier non ligneux, c. à d. toutes les productions

de la forêt autre que le bois d’œuvre, notamment toutes les

plantes de cueillettes, plantes médicinales et toute autre plante

utile, sous quelque forme que ce soit.

•« Quoi de plus évident que de connaître les plantes

par les Hommes qui vivent à leur contact, qui les

utilisent ou qui simplement les accompagnent »

•Lieuthaghi, 1991, La plante compagne, pratique et imaginaire de la flore

sauvage en Europe occidentale

Au contraire, le terme tradition recouvre un mode de pensée ou de comportement

suivi par une population, de génération en génération, mais qui peut également

inventer et incorporer des nouvelles méthodes, des nouveaux outils, des nouvelles

espèces, de nouvelles variétés dans leur manière de gérer leur environnement. La

survivance dans les milieux forestiers tropicaux des communautés humaines sur

plusieurs générations représente une évidence de leur succès.

Inversement, les communautés végétales et animales vont réagir en résilience.

Les sociétés humaines, tout particulièrement dans les forêts tropicales, présentent

une dynamique de co-évolution avec les milieux dans lesquels elles vivent.

Les Hommes bougent, les paysages se transforment. Rien n’est fixé.

L’émergence de la notion décrite par l’acronyme TEK

(Traditionnal Ecological Knowledge), à propos du droit des

peuples autochtones, met en évidence l’importance, ô combien

séculaire! des savoirs et savoir-faire.

Savoir traditionnel ne recouvre nullement une notion fixiste, du

passé ou même obsolète.

Dans le Bassin Amazonien, William Balée a démontré que les noyers du Brésil

avaient pu être plantés par le passé. En Indonésie, alors que des Agroforêts sont

construites par les villageois, elles étaient considérées comme de la forêt dite

primaire par les botanistes.

Il s’agit donc pour l’ethnobotaniste d’appréhender les végétaux et les paysages

sous leur aspect dynamique, tels qu’ils accompagnent les Hommes.

Certaines espèces arborescentes se développent très lentement et peuvent vivre

1000 ans ou plus, tandis que d’autres espèces arborescentes, appelées espèces

pionnières, croissant très vite meurent plus jeunes. Ce sont ces arbres pionniers, tels

les parasoliers qui mettent à profit la lumière disponible après les récoltes des

plantes alimentaires cultivées dans les défrichements forestiers réalisés par les

populations villageoises.

De plus, des anthropologues (comme Darrel Posey) ont bien montré que les notions

de plante cultivée et de plante sauvage ne sont pas toujours perçues de la même

façon par les scientifiques et les peuples autochtones. Les forêts ont été aménagées

de diverses manières.

Autre exemple, le palmier à huile Elaeis

guineensis est originaire des zones

ripicoles de l’Afrique de l’Ouest. En

dehors des plantations industrielles, on le

retrouve un peu partout en zone forestière

d’Afrique centrale, bien souvent

marqueurs de l’emplacement d’anciens

villages.

En effet, les gros régimes des fruits de ce

palmier sont récoltés en brousse et s’ils ne sont

pas débités sur place, ils seront transportés et

ramenés entiers au village pour la préparation

des huiles et de la sauce graine.

En Guinée Maritime, le palmier à huile

représente une source d’alimentation

pour les chimpanzés qui vivent là en

commensalisme avec les villageois qui ne

les chassent, qui ne les mangent pas. Et

les chimpanzés, comme les Hommes,

assurent la dispersion des graines.

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L’arbre du voyageur

• étude de cas :

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•Jeune plant de ravenala dans le sous-bois forestier

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Autre jeune plant de ravenala dans le sous-bois

forme Fontsy Malama

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forme Fontsy Hiranirana

Fontsy est un nom d’origine mélanésienne pour désigner les bananiers (d’après

Haudricourt). Madagascar a été habité il y a seulement environ 2000 ans par des

populations venant des îles de la zone mélanésienne et le premier nom malgache publié

par Etienne de Flacourt, en 1661, attribué au ravenala est Voafontsy c’est à dire un

bananier à graines.

Le terme Malama signifie que les gaines des feuilles sont à leur base, insérées à plat.

Les arbres sont identifiés morphologiquement différents à tous les stades de leur

développement, jusqu’au stade reproducteur. Il y a une différence essentielle dans le

panache des deux espèces : chez Hiranirana les pétioles des feuilles et donc les limbes,

sont en position de décalage quand on regarde l’arbre de profil alors que chez Malama,

tous les pétioles sont alignés. Nous relevons des effectifs différents sur les parcelles

mises en place dans la forêt. L’une de ces deux espèces sympatriques (c à d vivant

ensemble dans un même lieu) est plus forestière que l’autre. Plus tard, nous confirmons

des dates de floraison décalée dans le temps, donc apparemment, il n’y a pas

d’hybridation possible entre ces deux formes. J’ajoute, fait remarquable que ces arbres

sont pollinisés par les lémuriens qui consomment les fleurs.

Le Bemavo sur la côte orientale

•Le Horonorono

•forme à rejets, sur la côte orientale

Ravenala sur la côte occidentale

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Les ignames de la forêt

• étude de cas :

Les ignames sont des plantes lianescentes à tubercules.

On les croyait toutes à tiges annuelles avec leur tubercule de stockage

adapté au passage d’une mauvaise saison, le froid comme pour la

pomme de terre ou une saison sèche prolongée comme pour

l’ensemble des plantes à tubercules des zones sèches sous les

Tropiques.

Mais il n’en est rien ; certaines espèces existent bel et bien dans la

forêt dense humide et les Pygmées notamment savent les trouver. Ce

sont eux qui nous ont aidé à les reconnaître et à les récolter..

Dioscorea praehensilis Dioscorea

dumetorum

Il y a environ 1,8 millions d’années, Homo habilis a utilisé le feu pour cuire ses

aliments et pas seulement la viande. Des charbons de bois ont été datés de cette

période (livre de Richard Wranghram, Catching fire, publié en 2009) et ce n’est

pas parce qu’il n’ y a pas de trace de foyers typiques avec des pierre noircies que

ce ne sont pas des restes de feu entretenu.

Les tubercules d’ignames sauvages, riches en amidon, apportent après leur cuisson,

une quantité d’énergie plus grande que s’ils sont consommés à l’état cru. En outre, les

tubercules d’ignames sont riches en protéines contrairement à ceux du manioc. Nous

pensons que ces plantes ont permis l’évolution de Homo habilis vers Homo sapiens

en permettant l’accroissement du volume du cerveau grâce à l’augmentation

d’énergie obtenue après la cuisson des ignames.

Les ignames – qui comportent aujourd’hui une multitude de variétés cultivées -

sont manipulées par l’Homme depuis plusieurs millénaires (Coursey 1976), au

point que la limite entre formes spontanées et formes cultivées est souvent

difficile à appréhender.

Dioscorea mangenotiana

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D’un point de vue botanique, les espèces du genre Dioscorea ne sont pas bien délimitées. et

nous avons relevé un très grand nombre de noms vernaculaires selon les locuteurs.

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Edmond Dounias a montré qu’il existe une nomenclature précise et

très particulière des organes de la plante, se référant à l’anatomie

humaine.

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En se basant sur les modalités de déterrage très particulières,

avec un outil de fabrication simple, éphémère compatible avec

la vie nomade, et une appropriation individuelle de la plante,

Edmond Dounias a pu qualifier la manipulation des ignames

par les Pygmées de paraculture. : le tubercule est

soigneusement déterré et la tête est déposée dans l’excavation

et recouverte d’humus pour une bonne reprise de la végétation.

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L’ethnobotaniste prendra soin de relever tous les noms locaux attribués

aux espaces, espaces forestiers pour les Pygmées, espaces de gestion

pour les villageois.

En Guinée Maritime par exemple, nous avons délimité autour du

village et de son anneau de végétation arborée qui représente un

espace riche en espèces fruitières (véritables agroforêts plantée),

tout un espace de champs et de jachères de durée plus ou moins

longue selon la nature du sol et selon le choix des plantes

cultivées.

Des zones importantes de forêts préservées ont été également

répertoriées, souvent à caractère sacré, riche d’une grande diversité

d’espèces arborescentes. Plus, des forêts galerie le long des cours

d’eau et enfin des zones de savanes de diverses composition

parcourues par les feux et utilisées par diverses espèces animales.

Cette mosaïque est la garantie de la conservation des espèces et joue

un rôle fondamental pour la résilience des écosystèmes.

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