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Rapport au garde des Sceaux, ministre de la Justice Réflexions et propositions sur la procédure civile Jean-Marie Coulon, président du tribunal de grande instance de Paris Rapporteur: Marie-Noëlle Teiller, magistrat Rapporteur-adjoint : Emmanuelle Serrand La documentation Française : Réflexions et propositions sur la procédure civile : rapport au ministre de la justice / Jean-Marie Coulon ; Marie-Noëlle Teiller, Emmanuelle Serrand.

Réflexions et propositions sur la procédure civile · Jean FOYER, le droit judiciaire privé en sa qualité de « servante des autres lois » est en conséquence « moins une espèce

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Rapport au garde des Sceaux ,ministre de la Just ice

Réflexionset propositionssur la procédurecivile

Jean-Marie Coulon,président dutribunal de grande instance deParis

Rapporteur:Marie-Noëlle Teiller, magis t ra t

Rapporteur-adjoint :Emmanuelle Serrand

La documentation Française : Réflexions et propositions sur la procédure civile : rapport au ministre de la justice / Jean-Marie Coulon ; Marie-Noëlle Teiller, Emmanuelle Serrand.

Rapport officiel

Rapport au garde desSceaux,ministre de la Justice

Jean-Marie Coulon

© La documentation Française

« Enapplication de la loidu 11 mars 1957

(art.41) et du code dela propriétéintellectuelledu 1er juillet 1992,

toutereproductionpartielle ou totaleà usagecollectif de la présente

publication est strictement interditesansautorisationexpresse del’éditeur.

II est rappelé à cet égard que l’usageabusif et collectif dela photocopie

met en dangerl’équilibre économiquedescircuitsdu livre. »

ISBN 2-11-003735-0ISSN0981-3764

DF 5-4209-1Paris,1997

La documentation Française : Réflexions et propositions sur la procédure civile : rapport au ministre de la justice / Jean-Marie Coulon ; Marie-Noëlle Teiller, Emmanuelle Serrand.

Le Garde des SceauxMinistre de la Justice

N/REF : DACS/C3/MNT/SJM

Monsieur Jean-Marie CoulonPrésident du tribunalde Grande Instance de Nanterre179-191, avenue Joliot Curie92020 NanterreCedex

Paris, le 25 octobre 1995

Monsieur le Président,

Renforcer l’efficacitéet la crédibilité dela Justice estune despriorités del’action gouvernementale.

A cet égard,j’attache le plus grand prixà la restauration denos institutions judiciaires civiles. Lacohésion de notre sociétérequiertque la justice civilepuisse exercer pleinement ses missions d’apaisementdes conflits et de régulation sociale.

Dès mon arrivée,je me suisattaché àdresser unétat deslieux.Un constat s’impose :la justice civile souffre de l’encombre-

ment des juridictions, dela lenteur des procédures et du sentimentcommunément répandu qu’elle est uneinstitution éloignée et coûteuse quine répond pas aux besoins desjusticiables.

Je crois nécessaire, en premier lieu, d’améliorerla régulationdes flux de dossierspour supprimer les goulets d’étranglement.

A cet effet, il est indispensable de redéfinir lerôle respectifdu juge uniqueet de la collégialité. Cette démarche doit sedoubler d’unexamen plus spécifiquede la Justice d’urgence.

Par ailleurs, un rapprochement des modes de saisine desjuridictions doit être recherché dans lesens d’uneplus grande sécuritédes justiciables e t d’une meilleure appréhensionde leurs demandes.

De nouvelles méthodes de travail doivent égalementêtredégagéespour faciliter l’élaboration et la rédaction des décisions.A cetégard, unexamenparticulier doit être réservé auxcontentieux de masse.

Enfin, devrontêtre mieux cernés les abusde procédure pourrendre aux voiesde recours leur véritable portée.

L’ensemblede ces réflexions doit s’insérer dansla recherched’un équilibre de la gestion des flux des dossiers entre les juridictionsde degré différent propre à éviter tout transfert brutal de charges.

En second lieu, il importe d’examinercomment peut êtreréalisée une association plus étroite des auxiliaires de justice au

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traitement desprocédures et plus précisémentà la mise en état dontl’efficacité doit être accrue.

A cet égard, il convient de réfléchir à la définition d’unerépartition harmonieuse et équilibrée des tâches.

L’objectif que le gouvernement s’estfixé est ambitieux.Je souhaite,pour réaliser celui-ci,qu’une mission de réflexion

et de proposition surla procédure civile soitmenée.Les fonctions que vousavez exercées, les responsabilités que

vous assumezactuellementen qualité de présidentdu tribunal de grandeinstance de Nanterre,votre expérienceuniversitaire etl’intérêt que vousavez toujoursporté à la procédure civile,me conduisentà vous demanderde bien vouloir assurer cette mission.

Celle-ci portera à la fois sur la procédure applicable devantles juridictions du fond, qui sontplus proches de nos concitoyenset quitraitent la majeurepartie du contentieux, et sur lemécanisme dupourvoien cassation.Il m’apparaît en effet nécessaire quepuisseêtre appréhendél’ensembledes démarchesprocédurales auxquellessont confrontés nosconcitoyens pourvoir régler leurs différents.

Cependant,la spécificité du rôle de la juridiction suprême, -Cour régulatrice chargéede dire le droit, - et la nécessité particulière-ment aiguëde réguler le flux croissant despourvois exigentla recherchedans un cadre spécifique de mécanismesde filtrage.

Aussi, ai-jedemandéà mes services de reprendre, en étroiteconcertation avecla Cour de Cassation et parallèlementà la mission quivous est confiée, les réflexions menéesil y a deux ans sur les aménage-ments d’organisationjudiciaire destinésà doter la Haute Juridiction destructures adaptées àla typologie variée despourvois.

Cette dernière étude, que je souhaite voiraboutir avant leprintemps 1996, permettra d’établir des assisesnouvelles propres à guiderles réflexions que vous entreprendrezsur les règles procéduralesdupourvoi en cassation.

Il vous appartiendra, dans le cadre de votremission, deprocéder à la consultation des professionnels concernés.

La Direction des Affairesciviles et du Sceau et,notamment,le bureau dela procédure, vousapporteront toute l’assistancenécessairepour mener àbien l’ensemble de vostravaux.

Il convient queje puisse disposerd’un document d’orientationpour le 31 mars prochain etje vous prie de me faire parvenir vosconclusions définitives avant la fin de l’année 1996.

Je vous priede croire, Monsieur le Président, àl’assurancede mes sentiments les meilleurs.

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Sommaire

R e m e r c i e m e n t s 7

In t roduc t ion 11

Chapitre IO rgan isa t i on jud ic ia i re 27

Chapitre IIReprésentation et aidej u r i d i c t i o n n e l l e 41

Chapitre IIILes modes alternati fs de règlementd e s conf l i t s 51

Chapitre IVUn trai tement optimiséd e s content ieux dem a s s e 63

Chapitre VLe t ra i tement de l ’urgence 71

Chapitre VIUne meil leure instruction du procèspar une plus grande formalisationde s procédures 79

Chapitre VIILe jugement et son exécution 99

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C o n c l u s i o n 113

P r o p o s i t i o n s 119

ANNEXES 123

Annexe IListe des personnes et organisat ionsconsul tées 125

AnnexeIIS t a t i s t i q u e s 131Liste d e s tab leaux 132

Tab le d e s matières 167

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Remerciements

Je tiens à exprimer mes remerciementsles plus vifs auxpersonnes qui ont contribuépar leur réflexion à l’élaboration de cerapport.

Je souhaiteplus particulièrement fairepart de ma reconnais-sanceà Messieurs Luc FERRANDet François JESSEL, magistrats, ainsiqu’à Madame Brigitte MUNOZ-PEREZ, expert-démographe, pourleprécieux concoursqu’ils m’ont apportéau cours de mes travaux.

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« Lesformalités de la justice sont nécessairesà laliberté. Mais le nombre enpourrait être si grand qu’ilchoquerait le but deslois mêmes qui lesauraientétablies, lesaffaires n’auraient point de fin ; la propriétédes biensresterait incertaine ; on donnerait à l’une desparties le bien de l’autre sans examen, ou on lesruineraittoutes les deux àforce d’examiner.Les citoyensperdraient leur liberté et leur sûreté ». (1)

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Introduction

« La procédure estla forme dans laquelle on doitintenter les demandes enjustice, y défendre,intervenir, instruire, juger, se pourvoir contre lesjugements et lesexécuter »(1) .

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La justice réfléchit fidèlementun ordre avecdes limites liéesau temps, à l’espaceet à la mesure des échanges économiques,sociauxet culturels. C’est dans ce cadre ques’élabore la loi, que naît le droit,que s’exprime l’institution judiciaire.

Toute société sécrèteun modede penséedominant et a, selonl’analyse que faitFustel de Coulanges dansLa Cité antique, « son droitqui se formeet se développeavec elle, quichange comme elleet quienfin suit toujoursle mouvementde ses institutions,de sesmoeurset deses croyances».

La procédurecivile, droit impératif et droit formaliste,n’a paséchappé à ce mouvement.

La société françaisedesannées 1970ne s’accommodait plusdes règles complexeset archaïques édictées parle code napoléonien,marquées par une considération extrême de la forme.

Selon les termesdu rapport au Premier ministredu décretn˚ 719-40 du 9septembre 1971(1) : « sans vouloiranéantir le passé,etméconnaître ainsila richesse dessourcesdu droit judiciaire privé », lesauteursdu nouveau Code de procédure civile ont voulu opérer une refontecomplète des textesavec le souci d’effectuer une «remise en ordre »(2)

de règles qui étaient jusqu’alors juxtaposées,de « diversifier les solu-tions » (3) offertes au plaideur, de moderniser et desimplifier le droitprocessuel qui est, selon l’expressionde M. le doyen Gérard Cornu, «uneoeuvrepermanente».

Le maître mot du nouveau Code de procédure civile estéquilibre ; équilibre des relations entre les partieset le juge, équilibredes intérêts en présence qui trouve sa pleine expression dans lecontradictoire, sanscesseréaffirmé.

Le texte élaborépar la Commissionde réforme entre l’année1969 etle 5 décembre 1975, datedu décret quia institué le nouveau Code

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de procédure civile, est tout entier animé par la philosophie desdispositions liminaires qui expriment « lesidées forces qui dominentlamatière »(1) et attestent que «le respectde la tradition libérale françaises’harmonise avec l’exercice par le juge des pouvoirs inhérentsà safonction »(2).

Les principes fondamentaux du nouveau Code sont solideset reconnus ; ils constituent le socle, pour reprendre les mots de M.le professeur Serge GUINCHARD, d’un véritable « droit communprocessuelpour le droit privé ».

Nécessairement technique, car l’administrationde la justicedoit échapperà la fantaisieet à l’arbitraire, ce droit permet l’expressionconcrètedesdroits substantiels des individus dansle cadre d’une instancedont les filsconducteurs assurentun cheminement dansla maturation descauses.En effet, ainsi que l’arévélé Henri MOTULSKY,le jugement avocationà réaliserle droit objectif en déclenchantau profit du justiciablel’effet juridique que la règle dedroit prévoit en présenced’une situationabstraitement décrite dansla loi.

Commele soulignent MM. les professeurs GérardCORNU etJean FOYER, le droit judiciaire privé en sa qualité de « servante desautres lois » est en conséquence « moins une espèce particulière de loique la sanction de toutes lesautres »(3).

A cet égard, l’esprit des textesdoit être impérativementpréservé,voire conforté.

Or la crise avérée de la justice civile dans satriple fonctionde production, de symbole et de régulation, menace lesfondementsmêmes du nouveau Code de procédure civile.

Les mutations profondesde la société françaisedepuisvingtannées exigent une réflexion sur les modalitésd’organisation et defonctionnement dela procédurecivile dont la philosophie estcompromise.

L’institution judiciaire se trouve désormaisà la croisée deschemins. Les efforts entrepris etle dévouement des jugesne suffisentplus pour lutter contre la pression des flux.

Le volume des affaires portéesdevant les juridictions et ladurée des instances qui en découle laissent à penser que la justicesera probablement paralysée, essentiellementau niveau des coursd’appel, en l’an 2000.

De 1975à 1995, en effet,le nombre des demandes introduitesau fond devant les juridictionsciviles et commercialesa progresséde122 %. Les affaires terminées ont augmenté sensiblementau même rythme(+128 %). Malgré cette productivité accrue, les juridictions nesont pas

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parvenuesà traiter annuellementautantd’affaires qu’elles en recevaient,les affaires restantà juger ont donc continuéà croître régulièrement.Enl’espacede vingt ans,le nombre des affairesen coursa ainsi étémultipliépar 3,5. Si la croissancedes affaires nouvelles et terminées, observéeau cours de la dernière décennie, se poursuivait dansles cinqprochaines années,le nombre des affairesen cours pourrait atteindre2 millions(1) au 1er janvier de l’an 2000, ce qui représenterait unehausse de près de 300 % depuis 1975.

De 1975 à 1995, la hausse n’a pas été uniformepour toutesles juridictions. C’est devant les cours d’appel que la croissancedesdemandesa été la plus forte (+208 %). Bien que cette juridictionaitaccru notablement sa productivité(le nombre des affaires terminéesaprogressé de 219 %), le stock des affaires restantà juger a été multipliépar 7,3 au coursde la période. Si les flux d’affaires nouvelles etterminées continuaientà progresser aumêmerythmedanslescinq annéesà venir, le nombre des affaires restantà juger pourrait atteindre 400 000au 1er janvier 2000,soit onze fois plus qu’en 1975. Dans ces conditions,le délai moyen d’écoulementdu stock (2) pourrait s’allonger très sensi-blement, il passeraiten effet de 17,3 mois en 1994à vingt-quatremoisen 2000.

Sans atteindrele niveau élevé des cours d’appel,le délaid’écoulementdu stock devant les tribunaux de grande instance risqueégalementde s’accroître notablement dansles cinq prochaines années.Situé autour de dixmois en 1994,il pourrait dépasser douze moisen 2000.

Ainsi que l’a soulignéle présidentde la Commissiondes loisdu Sénat, M. Jacques LARCHE, lorsqu’ila clôturé les travaux de lamission d’information chargée d’évaluer les moyensde la justice : «notreproblème actuel n’est plus tellementd’aider le citoyen à accéder àlajustice, mais (...)de lui donner les moyens d’en sortir, c’est-à-direde luipermettre de recevoir (...) une réponse de la justice dans desdélaisraisonnables »(3) ainsi que l’exige la Convention européenne des droitsde l’homme et plus particulièrementson article 6, qui vise le droit detoute personne « àce que sa causesoit entendue équitablement, publique-ment et dans un délai raisonnable, parun tribunal indépendantetimpartial... ».

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Une telle situation d’asphyxie génère un sentiment d’insa-tisfaction tant chez les magistrats, dont l’office est profondémentaffecté, que chezles auxiliaires de justice, confrontés à une institutionoù ils trouvent de moins en moins leur place.

La restaurationde la justice civile répondà un besoin de lasociété entière, dontil convientde mesurer l’évolution afinde rechercherles orientations à privilégier.

I La mesure de l’évolution

Pour tenterde trouver des solutions à l’interrogation essentiellecontenue dansla lettre de mission, à savoirune réponse procéduraleflexible, source d’un fonctionnement régulierdu service publicde lajustice, il convient d’apprécier l’évolution desconceptset d’en évaluerl’impact sur l’institutionjudiciaire et ses acteurs.

A - L’évolution des conceptsLes causesde l’accroissement des contentieux civils sont

connues, ellessont avant tout le reflet des transformations profondesdu tissu familial, économique et socialde notre pays.

La justice est devenueune justice du quotidien, certainsdiront un bien de consommation courant.

Comme le note M. le professeurFrançois TERRE, « c’estundes multiples paradoxesde notre époque.On fait de plus en plus appelà(la justice), dans le même temps ques’accroît le ressentimentet que semultiplient les critiques » (1) à son encontre. Les citoyens s’adressentaujuge dès qu’un conflit éclate, voirepour obtenir une satisfaction autre quele règlement d’unlitige, et exigent uneréponse quasi instantanée, dontledroit n’est plus la composante exclusive.Ce phénomènea été sans doutefavorisé par la disparition des médiateurs traditionnels,auxquelsétaitreconnue une autorité naturelle,ainsi que par l’urbanisation de lapopulationet le cloisonnementde la société.

La famille classique,de son côté, n’a pas résistéà l’épreuvedu temps. Cette famille nouvelle,éclatée, quine peut plus faire face àses tâches essentielles, notamment éducatives, doit désormais recouriraujuge pour apaiser ses tensions.

Cette modification des comportements individuels s’estaccompagnée d’une remise encause et d’une complexification desnotions traditionnelles de notre droit telles le contrat, la propriété oula responsabilité.

La documentation Française :

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C’est ainsi que le consensualisme s’est amenuisésous lamontéeen puissancede dispositions impératives sans cesse plus prégnan-tes, quiexigent une intervention accruedu juge pourenassurerle respect.

De la même façon, descontentieux classiquestels que celuide la propriété ou celui de la responsabilité posent des questionsd’unetechnicité croissanteen raison de leur évolution (démembrementde lapropriété sous l’effetde la multipropriété et de la propriété à tempspartagé, exigence croissante enmatière de sécuriténotammentdans ledomainede la responsabilité médicale).

En outre,du fait de la réglementation des activités,la frontièreentre droitprivé et droit public s’est estompée.Certainsconsidèrent quele droit privé sepublicise ou, àtout le moins, qu’il donneune place demoins en moins grandeà l’autonomie de la volonté. Une tellesituationest source de troubleet de désorganisation.

Enfin, l’emballement de la norme est un fait constant,grave de répercussions. A notre corpusde règles nationales s’ajoutentdésormais lesnormes européenneset communautaires, fortement influen-cées parle droit anglo-saxon.

De nouveaux droits, droitsde l’homme, droit à un délai dejugement raisonnable...sont consacrés.

Ce nouvel ordre juridique, aux contours encore incertains,génère une insécurité qui rend inévitable l’explosion judiciaire. L’imagedu droit et de la loi est, chacunle souligne, aujourd’hui brouillée.

En outre, la crise économique qui perduredepuis 1975,caractérisée par l’évolution négative des indicateurs(taux de chômage,endettement de l’Étatet des ménages),a engendré une multiplication descontentieux trouvantleur origine dansles difficultés rencontrées parlesentreprises et lescitoyens : dépôts de bilan,contrats nonexécutés,surendettement, licenciementséconomiques...

Cette modification de la demande de justicedans sa natureet son volume a entraîné inéluctablement une transformation enprofondeur de la mission de justice dévolue à l’État et ce alors quel’institution judiciaire ne s’est que très partiellement adaptée etquele budget national n’a pu assurer une réponse suffisante.

B - L’institution judiciaireLa mission de justice dévolueà l’État a été sensiblement

bouleverséeau cours des dernières années.Le nouveauCode deprocédure civilea donnéaujuge lesmoyens

de réaliserle droit et a égalementouvert la voie de la régulation dela viesociale. A ces deux finalités, parfois contradictoires, correspondentdeuxvisagesde la justice : unejustice dictée parla loi, et en conséquence chargéede réaliser concrètementle droit, une justice orientéevers le compromisetla paix sociale. Les mutations profondes dela société françaiseont fortementcontribuéau renforcementde cettedernière conception.

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Certainssont allés jusqu’à affirmer : « Il n’est aujourd’huipratiquementplus demandéau juge de dire le droit. Le juge estle plussouvent travailleur socialou agentde recouvrement, auxiliaire d’intérêtsprivés non dévoilés »(1).

L’institution judiciaire a répondu aux assauts de cettedemande de justice par des mesures ponctuelleset dispersées.

Ainsi pour traiter de contentieux abondantset peu diversifiés(conflits familiaux, difficultés d’exécution)desjuges uniques spécialisésont été créés(juge aux affaires familiales et juge de l’exécution).

Afin de favoriser l’esprit de compromis, le législateur s’estattachéà renforcer la conciliation et à institutionnaliserla médiation.

Pour rapprocher le juge des citoyens, des modesde saisinesimplifiés ont été introduits(déclaration augreffe).

Enfin, pour faciliter l’accès à la justice et au droit, l’aidejuridique a été réformée, sonchamp d’application étendu et lesplafondsde ressources relevés.

Parallèlement, d’autres instrumentsde justice ont connu unemontéeen puissance,tel l’arbitrage.

Sont également apparues des autorités administratives indépen-dantes à l’image de la Commission des opérations de bourse quirecommande, «décrète » etsanctionne. N’a-t-on pasemployé l’expressionde justice de recommandation’?

Il est désormais deplus en plus difficile d’appréhenderl’institution judiciaire de manière globale et cohérente. Elle subit deplein fouet, ainsi que ses acteurs,ce phénomène, que l’on peutqualifier d’éclatement procédural, de socialisation de l’accèsau jugeet même de « pénalisation dela vie collective » (2).

Confrontée à un raz de maréejudiciaire, l’institution, faute dese renouveler,a privilégié « une conception gestionnaire, machiniste,voire tayloriste de l’activité de justice »(3), escomptant le courageindividuel pour éponger lesflux.

A été ainsi méconnuela spécificité de la justice civile qui,au-delà dela succession d’actes et de formalités qu’elleimpose, est, selonle cas, facteur depaix sociale, rempart de l’ordre public, garde delalégalité, instrumentde vérité.

Par là mêmea été oublié, selonla très belleexpressionde M.le professeur Jean-DenisBREDIN, que « les institutionsne doivent pas

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trop longtemps compter surles hommespour sesurvivre, carles hommesse découragent »

A cet égard, force estde constater queles efforts d’adaptationdu systèmejudiciaire n’ont pas étéà la hauteur des besoins,tant en cequi concerneles moyens humainset matériels que leur répartition surleterritoire.

Afin de pallier la lente progression globale des effectifs(1),diverses tentatives d’assouplissementde leur gestion ont étéengagées(développement desmagistratsplacés, création demagistrats exerçant àtitre temporaire, recrutement d’assistants de justice).

Quant aux moyensmatériels, l’orientation retenue par laChancellerieen septembre 1994(Charte de l’informatique judiciaire) aessentiellementconsisté dansle choix d’une informatisation déconcentréeauprès descours d’appel.

Enfin, chacuns’accorde à constater quela répartition territo-riale des moyens humainset matériels n’est pas harmonieuse. Lesdéveloppementsdu rapportprésentéen février 1994 parM. Jean-FrançoisCARREZ au nom du comité de réorganisationet de déconcentrationduministère dela Justice,ainsi quele rapport surla carte judiciaireétablipar la Chancellerie en applicationde la loi de programmedu 6 janvier1995 relative à la justice, témoignent que notre carte judiciaire,héritéedu XIX e siècle, està l’évidence inadaptéeaux réalités démographiques,économiques et sociales denotre pays.

L’ornière dans laquelle setrouve l’institution judiciaire tientdans une large mesure à la faiblesse dela part du budget de la justicedans le budget général de l’État (1,49 % en 1995, 1,51 % en 1996).

Chacun des intervenantsau processus judiciairesubit lesconséquencesde l’embolie qui menacela justice civile, selon l’expressionmême du garde desSceaux.

Le justiciable n’a plus le sentimentd’être écouté.Il finit pars’interroger sur la capacité de l’Etat à rendre la justice, ce qui estsocialement dangereux. Ses attentespeuvent être appréhendées sansdifficulté : lutte contre la lenteur des instances judiciaires, désird’uneplus grande lisibilité et effectivité des décisionsde justice, diminutionducoût du procès, proximitédu juge. L’homme croit en la justice si ellerespectele principe d’égalité et l’esprit d’humanité.

Le juge lui-mêmedoute. Un rapport de l’Inspection généraledes services judiciaires de1993(2) dressaitle portrait d’unjuge encombré,d’un juge concurrencé,d’un juge qui se cherche,à l’instar du juge d’appeldont l’office apparaîtincertain :achèvement, réformation, voirecassation.

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Ses aspirations n’ensont pas moinspréciseset légitimes. Outreuneredéfinition de son rôle, il souhaiteune meilleure répartition destâchesavecles auxiliairesde justice (formalisation desdemandes, instructionduprocès, conclusions qualificativeset récapitulatives...), une modernisationde l’élaboration, dela rédactionet de l’exécution des décisions.

Les auxiliairesdejustice se sententpris aupiègede la machinejudiciaire, ilsne peuvent plus remplir leuroffice decollaborateurdu juge.Leurs préoccupations sonttout naturellement d’ordrejudiciaire et écono-mique. Une bonne utilisation du temps de l’instance, uneclarification del’instruction et du déroulementdu procès leur apparaissent nécessaires.S’agissant des modesd’accès à la justice, les avocats considèrent,peut-être avec raison, queles grandes réformes récentes ontété accom-plies sans eux.

Si certaines préoccupations serejoignent et font l’objet d’unassentiment général,des divergences d’intérêt demeurent surcertainspoints comme, àtitre d’exemples, la déjudiciarisation, l’insertion descitoyens dansle service public de la justice ou encore l’exécutionimmédiate des décisionset ses conséquences.

L’enjeu majeur auquel est confronté le service public judi-ciaire est la concordance etla satisfaction croisée de toutes cesattentes.A cet égard, il faut souligner que celles desjusticiables ne pourront êtresatisfaites que par une volonté commune, une complémentarité, voireune coresponsabilité des juges et des auxiliaires de justice.

La confrontation d’aspirations multiples, et parfois divergen-tes, àla réalité procédurale etjudiciaire conduit inéluctablement à opérerdes choix afinde les transcender.

II - Les orientations à privilégier

Rarementa été menéeen France une réflexion profondeetsereinesur le sensde la justice civile. Notre paysne connaît le débatjudiciaire qu’à travers le tintamarre médiatiquede quelques affairespénales retentissantesou l’opposition des passions politiqueslors desréformesde procédure pénale.

Ainsi que le relève M. le professeur François TERRE « l’at-tention est principalement appelée sur les remèdes à apporter àun malque l’on estime inévitable comme s’il était inutilede s’interroger sur sescauses,et le moyen de les contrarier »(1).

La nécessité d’engagerune réflexion collective surl’organisa-tion du service public de la justice est impérieuse, car s’il n’est pasprocédé à des réajustements énergiques aujourd’hui,le krach judiciaireguette la Francede l’an 2000.

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Dès l’année 1995, le rapport de la Conférence des premiersprésidentsde cours d’appel, véritable « cride détresse», a démontré queseule une démarche globale renforcerait l’efficacitéet la crédibilité de lajustice en permettantla formulation d’une nouvelleréponse entermesd’offre et de demande judiciaires.

Restaurer nos institutions judiciaires civiles implique dé-sormais l’élaboration d’un plan de sauvetage comprenantdes mesuresdifférenciées et complémentaires dont la procédure civile n’est pasl’unique composante.

Aussi, le gardedes Sceauxa-t-il pris l’initiative d’une réflexionplus largesur la question du périmètre du droit, dujuge et de la justice.

De la mêmefaçon, les réformesde procédure civile doivent-elles être menéesen mêmetemps qu’une réforme de la carte judiciaireavec en contrepoint un nécessaireeffort de la Nation à l’égard dubudget de la justice.

L’élaboration de propositions destinées à améliorer l’organisa-tion et le fonctionnement de notre système judiciaire se fonde suruneapproche d’ensemble, associantles différents partenaires,et guidéepar lesouci constantde réconcilier théorie etpratique.

A - La démarche adoptéeLes consultations entreprises et lesétudes menéesdansle cadre

de cette mission ontété inspiréespar une démarche pragmatique quiabénéficié du temps nécessaireaux hésitations salutaires qui serontretracées dans les développements.

Ce travail a permisde mieux appréhenderles réalités françaises,tout en tenant compte des exigences constitutionnellesmais aussi euro-péennes.En effet, pour répondreà la vague judiciaire qui a envahi lespaysd’Europe occidentale,le Comité des ministresdu Conseil de l’Europea adopté des principesgénérauxde procédurecivile (cf. recommandationn˚ R. 95-5 du 7 février 1995, sur l’organisation et l’amélioration del’exercice des voies de recours enmatière civile et commerciale).

Pour reprendrela phrase célèbrede IHERING « La forme soeurjumelle de la liberté », désormaisle procès doit être conduitdans lerespect des principes fondamentauxissus des sources internationales,européenneset constitutionnelles. Chaquerègle technique,mêmed’appa-rence insignifiante commele sont,par exemple,les règlesde forme, doitêtre rattachéeà un principe fondamentalde protection de nos libertés.

Le sens des réalitéset du dialogue qui a animé tous lesinterlocuteurs, magistrats, auxiliairesde justice, professeursde droit,associations et syndicats professionnels, représentantsde la sociétécivile,démontrent queles esprits sontmûrs pourles réajustementsqui s’avèrentnécessaires.

La documentation Française : Réflexions et propositions sur la procédure civile : rapport au ministre de la justice / Jean-Marie Coulon ; Marie-Noëlle Teiller, Emmanuelle Serrand.

Les travaux onttoujours été guidés parla volonté de préserverl’équilibre des textes et de renforcerles réponses procédurales qui figurentdans l’esprit, et souvent dansla lettre, du nouveau Codede procédurecivile.

On peut constater quetrop nombreuses sontles dispositionsnon appliquéesde manière satisfaisante qui permettraient pourtantderépondre aux préoccupations légitimes.A cet égard, une meilleureformation des professionnelsdu droit devrait contribuer àune évolutionpositive dela pratique.

Dansla conduite desprésentes réflexions,très rapidement, etpour éviter les polémiques qui auraient nécessairement perturbél’effica-cité destravaux, le choix a été fait d’écarter lesquestions qui, soulevéespar nombre de personnalités, appellent desréponses qui varientenfonction des options individuellessur le moyende mieux fairecoïnciderdroit et justice. Il en est ainsi de la spécificité française,eu égard auxautrespays de l’Union européenne, dela justice commercialeet prud’ho-male (1). Les juges professionnels trouventleur origine dans lesparlementsde l’ancien régime,alors que lesguildes et les corporationssont àl’origine de la justice non professionnelle.Il est douteux que lesargumentsavancés,rationnels pour les partisans d’unethèse, irrationnelspour sesadversaires, puissent conduireà une synthèse.

L’échevinage est étranger à notrehistoire età ce qui est encoreaujourd’hui attendu du juge. Toutes les tentativesde réforme ont été unéchec. Il est inutile de plonger dans unmerveilleuxdébat idéologique telque les Françaisl’affectionnent. La France estun pays sans douteréformateur dans ses aspirations,mais trop souvent révolutionnairedansses avancées, réellesou supposées.

L’option retenuea permisde déterminer les grandes lignes desréformes qui apparaissent indispensablesen droit judiciaire privé dans sesdeux composantes d’organisation judiciaire et deprocédure civile.

Ces orientations qui ontété portées àla connaissance despersonnesconsultées,permettentde soumettre le fruit d’une réflexionpartagée.

B - Les orientationsL’adaptation des règles relatives à l’organisationet aufonction-

nement dela justice civile, en tantqu’elle permet d’assurer aux particuliersla sanction des droits subjectifsdont ils se prétendenttitulaires, estundevoir impérieux.

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Sa réalisationappelle desréponsesde différentes natures quipar leur interaction renforcerontla justice, c’est-à-direla première missionde l’État.

Ainsi, une réforme de la carte judiciaire s’impose-t-elle,comme le souligne le rapport de la mission d’information de laCommission des lois du Sénat chargée d’évaluer lesmoyens de lajustice (1).

Certes l’implantation judiciaire surle territoire estun problèmedélicat ; toutefois une meilleure répartition territoriale desmoyens estdésormais nécessaire.

Il ne s’agit pas ici d’agiter un épouvantail maisde prôner uneévolution, pragmatique et supportabledu dispositif judiciaire. Le gardedes Sceauxa déclaré récemmentau Sénatqu’il allait proposerau Premierministre de lancer une consultation nationale tendantà la « définitionconsensuelle d’une carte judiciaireidéale».

L’évolution du dispositif judiciaire ne peut intervenir qu’endouceur.A cet égard, la réflexion engagéedansle cadre de la réformede l’État surla fusion des tribunaux d’instance et des tribunaux de grandeinstance présenteun certain mérite.

La rénovation de notre justice civile implique nécessaire-ment un accroissementde la part du budget de l’institution dans lebudget de l’État, sans pour autant qu’il s’agisse là d’une réponseunique et suffisante. L’effort devrait être particulièrement centré surtrois priorités :

Les effectifsLa France admet chaqueannée un magistrat pour trente

avocats(2). Dans ce contexte,la consommation judiciairene peut que sedévelopper,et exiger de nouveaux recrutements.

Les moyens matérielsLe fonctionnement des greffes nécessite une réponse budgé-

taire appropriée, quidoit aller de pair avecla revalorisationde la missiondu greffier en tenantcomptede la révolution cybernétique engagée.

L’aide juridictionnelleL’extensionde la représentation obligatoire,le développement

de l’assignation supposentun effort budgétaire car s’ilconvient quelesdemandes soumisesau juge soient mieux formaliséesdans l’intérêtd’une

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bonne justice et d’une plus grandeégalité, il ne faut pas aller vers unsystème judiciaire dont l’accès serait réservéaux plus aisésd’entre nous.

Ces préoccupations primordialesnous éloignent sensiblementdu contenude la mission.Il importait de rappeler cependant ces questionsessentielles,dont la solution est largementconditionnéepar le degrédeflexibilité des principes financiers qui gouvernentl’État.

Les développements qui vontsuivre privilégierontla procédurecivile tout en s’attachant à dégager dansun chapitre premier quelquesprincipes d’organisation judiciaire qui paraissent désormais indispensablesau bon déroulementdu procès.

Si beaucoup sont préoccupés parun souci gestionnaire,lequel peut apparaître aux yeux de certains comme la causede cestravaux, les propositions formulées, loin d’être guidées parun objectifde gestion et par une vision mécaniste et productiviste de l’institutionjudiciaire, sont la manifestation d’un triple souci ; le renforcement duprincipe du contradictoire, celui de la sécurité juridique ainsi quel’affirmation des pouvoirs du juge en dialogue constant avec lesauxiliaires de justice.

Les citoyens qui s’adressentà la justice pourfaire respecterleurs droits substantiels sontbafoués lorsquela réponsedu juge est lenteet tardive en raison desflux qui l’assaillent.

La procédure civile, qui par nature fait progresser leslitiges vers une solution, doit contribuer à assurer une réponsesatisfaisante.Elle constitue un droit fondamental de l’individu.

A cet égard ce rapport s’inscrit directement dans la penséedes auteurs du nouveau Code de procédure civile.

Il faut y voir la traduction de la volonté d’en assurer lapérennité.

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« S’il existe aujourd’hui un seul combat sacré,c’est lalutte pour le Droit. A travers tant de désirs informulés,c’est le règne duDroit qu’appellent les aspirationshumaines »(1) .

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Chapitre I

Organisationjudiciaire

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Procédure civile et organisation judiciaire sont étroitementliées. La procédure esten effet l’outil qui permet au citoyen d’obtenirla réalisation concrète de ses droits en justice. Les interactions entrele droit processuel stricto sensu et l’organisation de l’appareil judi-ciaire qui assure sa mise en oeuvre sont indéniables.

En effet «pas plus que la notion de procès ne saurait êtrelimitée à la procédure proprement dite, à l’instance,le droit judiciaire nesaurait être réduit audroit de la procédure ;il doit, au contraire,êtredéfini largement commel’ensemble des règles relativesà l’organisationjuridictionnelle, à la compétence juridictionnelle et aux procéduresjuridictionnelles » (1).

Il ne s’agit pas,toutefois, d’étudier l’implantationde l’appareiljudiciaire ou de définir les contours d’une juridiction unique depremièreinstance. Ces réformes nécessitenten effet une réflexion qui débordelecadre de la présente mission.

Deux objectifs peuvent êtreraisonnablement retenus : d’unepart, une meilleurerépartition des compétencesentre les juridictions et,d’autre part,un traitement plus transparent et plus efficace desaffairesportées devantle tribunal degrande instance, ce qui appelle une réflexionsur le juge unique.

I - Une meilleure répartition desattributions entre les juridictionsciv i les à compétencegénéraleA - Les taux de compétenceet de ressortIl apparaît nécessairede faire notablement évoluer les taux

de ressort et de compétence, afin qu’ils rendent mieux compte desréalités économiqueset sociales.

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L’absence de revalorisationde ces taux depuis1985, outrequ’elle accroît l’engorgementdescours d’appel, conduiten effet indirec-tement à réduire la compétencedu tribunal d’instance, juridiction deproximité par excellence.

Elle paraît d’autant plus surprenante que,depuis la loi du6 mai 1982, le taux de ressortdu conseil de prud’hommes est révisableannuellementpar décret ; il est fixé pour l’année 1997 à 21 000francs(décret du 26 décembre1996).

L’élévation des taux peutpoursuivredeux objectifs distincts,le premier minimaliste, adapter lestaux à l’évolution de la conjonctureéconomique et sociale, le second maximaliste, utiliser les seuils pourmodifier la répartition des contentieuxet transférer certaineschargesd’une juridiction à une autre.

C’est cette dernièreapproche quiparaît devoir être retenue. Ilpeut en effet sembler opportun « d’utiliser »le taux de compétencepourrestaurer l’équilibre général desattributions respectivesdu tribunal degrande instance etdu tribunal d’instance,ce dernier ayant été déchargédu contentieux familialtransféréau juge aux affaires familiales ainsi quedu surendettement, largement déjudiciariséau profit de l’administration.

D’aucunspourraient craindre qu’unetelle réforme aboutisseàconfier au juge d’instance des litigesdont les enjeuxexcéderaientceux desaffaires quilui sonttraditionnellementréservées.Symboliquement,on opposetrès souventau tribunal de grande instance, «le tribunal de petite instance ».

En réalité, la complexité du contentieux civil général n’estnullement fonction du montant des intérêts en jeu.

La répartition des contentieuxentre lesdeux tribunaux civilscorrespond à des choix procéduraux plusqu’organisationnels. Orleformalisme du tribunal de grande instance n’estplus adapté auxlitigesentre 30 000et 50 000 francs.

Si l’institution du juge unique au tribunalde grande instancedevait connaîtrede nouveaux développements, cetteanalyseserait gran-dement confortée, caril s’agit avant toutde simplifier la procédure.

Pour l’ensemble decesconsidérations, il serait envisageablede porter le taux de ressort de 13 000 à 30 000 francs et le taux decompétence de30 000 à 50 000 francs.

Mais cette approchedoit être doublée d’une réflexion surlarépartition descontentieux.

B - Une plus grande cohérencedans la répartition d e s compétencespar une spécialisation d e s juridictions

* Il paraît en premier lieu indispensable d’opérer unregroupement de contentieux qui sont actuellement indûment éclatés.

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La lisibilité de l’institution est unegarantiede l’accèseffectifà la justice. A cet égard,il convient quele justiciable puisse avoir unevision claire des compétencesde chacundes tribunaux.

Cette réflexion trouve notamment à s’appliquer en matièrede baux commerciaux, pour ne citer quecet exemple. Enl’état du droit,le présidentdu tribunal de grandeinstance fixele prix du bail, alors quele tribunal lui-même connaît des difficultés relevantdu statut de lapropriété commerciale.Le tribunal d’instance, en revanche,reste compé-tent pour tout ce quirelèvedu droit commun des bauxou des obligations,cette compétenceallant au tribunal de commercesi les deux partiessontcommerçantes. Tout celasanscompter le juge des référés, compétentenmatière de clauses résolutoires !

Cette solutionde droit positif està vrai dire le fruit de trèsnombreuses hésitationsen jurisprudence.

On sait à quelle incroyable confusion avait aboutila malheu-reuse retouche apportéepar le décret du 3 juillet 1972 aux articles 32(alinéa 1er abrogé) et 29 du décretdu 30 septembre 1953.La disparitiondes mots «exercées en vertudu présentdécret » dansla phrase visantlacompétence du tribunal de grande instance quant aux « autrescontesta-tions » avait pu être interprétéecomme étendant cettecompétenceà toutesles autres contestationsrelatives aux bauxcommerciaux,et non passeulement aux autres contestations résultant de l’applicationdu décretdu30 septembre1953.

Partantde là, la majeure partie des décisions renduesavaientadmis la compétence généraledu tribunal de grande instanceen matièrede baux commerciaux et, parvoie de conséquence, l’incompétencedutribunal d’instance. Maisla jurisprudence restait divisée.

Par arrêtdu 23 mars 1982, la troisième Chambre civilede laCour de cassation devait finalementtrancherla question, « mais pasdansle sensde la simplification » (1), puisque la thèsede la centralisationducontentieuxau tribunal de grande instancea été nettement condamnéeauprofit de celle soumettant les litiges relatifs auxbaux commerciaux àlaconnaissancede plusieurs juges.

Dans un souci de clarification, il conviendrait de mettre finà cet éclatement au profit du tribunal de grande instance, juge dedroit commun, tout en réservant la compétence traditionnelle dutribunal de commerce pour les litiges s’élevant entre commerçants.

Le principe général de la compétencedu tribunal de grandeinstanceou de sonprésident paraît préférableà une centralisationau profitdu tribunal d’instance.En effet, le contentieux très spécifiquede lafixation et de la révision des loyerscommerciaux ainsi que celuidel’indemnité d’éviction supposela bonne connaissance parle juge des« facteurs locauxde commercialité » rapportésà un ressort territorialsuffisamment important,à l’instar du juge de l’expropriation.

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Une telle réforme devrait setraduire par une modificationdel’article R. 321-2 du Code de l’organisation judiciaire déterminantlacompétencedu tribunal d’instanceen matière de louage d’immeublesetdont le second alinéa pourraitêtre rédigé commesuit :

« Par dérogation aux dispositionsde l’alinéa précédent, sontexcluesde la compétencedu tribunal d’instance toutesles contestationsen matière de baux commerciaux régis parle décret n˚ 53-960 du30 septembre 1953 ».

* Au-delà de cette centralisation la question de la spé-cialisation par la « territorialisation » de certaines attributionsjuridictionnelles doit être posée.La démarche est déjàamorcée. Laconnaissance des litiges relevantdu droit des brevets estréservée àcertains tribunauxde grande instance età certaines cours d’appelrépartis surle territoire (article L. 312-2 et R. 312-2 du Code del’organisation judiciaire et L. 615-17 et R. 411-19du Code de lapropriété intellectuelle).

Pourquoi le droit des marquesne suivrait-il pas le mêmerégime ?

Cette réflexion devra être guidée par quelques principesforts : simplicité du dispositif, professionnalisation et rationalisationdu traitement des contentieux pour une meilleure qualité et une plusgrande rapidité de la réponse judiciaire.

Elle revêt indéniablementun caractère d’actualité puisqu’envertu du règlement communautairen˚ 40-94du 20 décembre 1993,quiinstitue la marque communautaire, lesÉtats membres de l’Unioneuro-péenne sont tenusde désigner «un nombre aussi limité quepossibledejuridictions nationalesde première et deuxième instance dénommées,"tribunaux des marques communautaires" (article91 du règlement) pourconnaître essentiellement des actions en contrefaçon eten annulation».

Cette analyse pourrait être développée par analogie pourlapropriété littéraire etartistique. Il convientde souligner àcet égard queles avocats spécialisésen propriété intellectuelle sonttrèsdemandeurs demagistrats spécialisés pour connaître l’ensemblede la matière.

Il est également sans doute tempsde mettre fin au schémadépassé qu’estla collégialité en première instance.

II - Le juge unique en quest ion

Depuis longtempsdéjà la doctrine débat de la place du jugeunique dans le droit processuel français,où traditionnellement lesjuridictions sont collégiales. Dès 1948, Charles CézarBru, dans lesMélanges Magnol, touten constatant les oppositions que rencontraitcetteinstitution, se déclarait « partisan convaincudu juge unique » en premièreinstancealors qu’il exigeait un examen collégialen appel.

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Ce débat n’est paspurement théorique(1). Les praticiensdudroit, sousla pression desflux qui, chaque jour, dénatureun peu plusleurs fonctions et préjudicie au bon fonctionnementde l’institutionjudiciaire, eux aussi s’interrogent.

La responsabilisation et la spécialisation du juge, la néces-saire gradation de l’examen de l’affaire avec la collégialité en appel,qui marque la hiérarchie desjuridictions des premier et second degréset, enfin, plus prosaïquement, le souci d’une bonne gestion militentpour l’institution du juge unique en première instance.

Le rapport élaboré par l’Inspection générale desservicesjudiciaires en 1993(2), notait qu’en matière civile, les différentes étudeseffectuées depuis plusieursannées proposaient « d’étendreen grandeinstancele juge unique ».

Une telle extension, ainsi quele note M. Dominique GAS-CHARD, président du tribunal de grande instance d’Orléans, garantiraitle rapprochement dujuge et dujusticiable, dynamiseraitla gestion descontentieux et favoriseraitle développement des initiatives.

Bien évidemment elle poseraitde manière plus aiguë ladélicate questionde la responsabilitédu juge, ce d’autant que celui-citend à devenir de plus en plus un administrateur(3).

A - Le juge unique, un objectifpour le tribunal de grande instanceLe droit comparé le démontre, le juriste s’interroge sur

l’opportunité de soumettreles contentieux àun juge unique, commeenGrande Bretagneou au Canadamais aussien Belgique, ou à un tribunalcomposé de trois juges au moins statuantà la majorité, c’est-à-direcollégialement.

Le droit français, commela plupart des droitscontinentaux,est philosophiquement attaché au caractère collégial des juridictionsàtoutes les strates de l’organisation judiciaire.Mais paradoxalement,l’institution du juge uniquene cessede connaîtrede nouveaux dévelop-pements dans toutes les branches du droit. Età chaque avancée,lacontroverse anciennerenaît, car selon les mots de M.le premier présidentPierre DRAI, « L’homme dans sagrandeur ou sa petitesse, acceptedifficilement, sinon pas dutout, quel’un de sesprochainspuisse décider,trancheret imposer »(4).

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En faveur dela collégialité, deux arguments sontclassique-ment avancés.

La justice collégiale serait en premier lieuun gagede qualité.La délibération esten réalité une discussion entreles juges, surla valeurdes thèses articulées parles parties, le sensde la décisionà rendreet lesmotifs qu’il convient de retenir à son soutien, les réflexions de chaquejuge étantenrichiespar cellesde ses collègues.Elle serait la garantied’unejustice plus impartiale,en neutralisantles préjugésde chacun des magis-trats. Plusaccessoirement,et pour l’ensembledeces raisons,elle constitueune bonne « école d’application »pour les magistratsles plus jeunes.

En second lieu,la collégialité auraitle méritede conférerà ladécision rendueun certain anonymat qui sauvegarde l’indépendancedechaque juge, développe son sentiment de liberté,en un mot évite au juged’être à son tour placé dansla balance.

Pour défendre l’institutiondu juge unique, troisjustificationssont présentées.

Le systèmedu juge unique favoriseraitle sens intime desresponsabilités. La décision rendue parun juge unique n’est plusanonyme,les justiciables savent qui l’a rendueet l’on peut penser quelejuge qui en est le signataire veillera scrupuleusement àce qu’elle soit àtous égardsparfaite.

Comme apu l’écrire M. Thierry FOSSIER, vice-présidentautribunal de grande instancede Grenoble,le juge unique évitela « froideurde la collégialité ». C’est sans doute pourl’ensemblede ces considérationsque les auxiliairesde justice privilégient souvent,dansun souci d’effica-cité et de souplesse,le contact direct avecle juge. Le dialogue estplusaisé lorsquel’interlocuteur est identifiéet unique.

L’institution du juge unique permettraiten outre une doublespécialisationdu magistrat, propiceà une justice plus éclairée ; d’une part,en favorisant une connaissanceplus approfondiedes dossiers dontil a lacharge etdont il connaît le cheminementpour l’avoir personnellementsuivi(1); d’autre part, en facilitant la spécialisation des attributions parun redéploiementdes fonctions.En effet, comme le souligne le rapportde la mission sénatorialed’information sur les moyensde la justice (2),« l’institution du juge unique spécialiséau civil est une bonne garantiede qualité et de célérité de la décision lorsquechaque magistrat peuteffectivement se consacrerà un domaine. Elle supposeune taille dejuridiction adéquateet doit donc s’intégrer dans une démarche deregroupement » territorial.

Enfin, certainsconsidèrent quele systèmedu juge uniqueenpériodede contraintes budgétairesfortes seraitun remède pour fairefaceà l’augmentation considérablede la massecontentieuse.Il peut semblerque la résignation tienne icilieu d’argumentmais peut-onenvisager une

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augmentation des effectifsdu corps judiciaireen corrélation avec l’évo-lution du nombre desaffaires, sansnuire à la qualité du recrutement ?

Portantla marquede cette controverse, le droit positiffrançaiss’est construit de manière très nuancéeet parfois chaotique.

En effet, l’attachement de principe à la collégialité s’ac-compagne pourtant d’un déclin de cette formation de jugement,comme le démontre M.le professeur Roger PERROT(1).

Devant les juridictions civiles, «il a toujours existé des jugesuniques :on citera notamment, (...)le juge du tribunal d’instanceet lejuge desréférés » (...). Mais le déclin de la collégialité au profit du jugeunique trouve sa manifestationla plus (frappante) à travers différentesréformes récentes.

En premier lieu, plusieurs lois ontcréé « endivers domainesdes juges uniquesà compétence spécialisée. Ainsien ce qui concerneleslitiges familiaux, au premierrang desquelsle divorceet la séparationdecorps, il a été institué au sein de chaque tribunalde grande instance,unjuge aux affaires familiales, (...) qui statueà juge unique(article 247 duCode civil et article L. 312-1 du Code de l’organisation judiciaire). Oncitera égalementle juge de l’expropriation, le juge de la mise en état etaussi le juge de l’exécution(...) (article L. 311-12du Code de l’organi-sation judiciaire) ».

Dans le mêmeordre d’idée, «le législateur décideparfois, aumoyen d’unedisposition spéciale, que dans unematière déterminée leslitiges échapperontà la collégialité ». Ainsi la loi n˚ 85-677 du 5juillet1985 relative auxaccidentsde la circulation (article L. 311-10-1du Codede l’organisation judiciaire).

Enfin, hormis les « cas particuliers spécialementvisés par untexte, il existe une disposition générale qui,devant les tribunaux degrande instance, permet au président de décider quel’affaire serasoustraiteà la collégialité. En effet, depuis uneloi n˚ 70-613du 10juillet1970 (...) (article L. 311-10 du Code de l’organisation judiciaire) leprésidentdu tribunal de grande instance... peut,(car il s’agit d’une simplefaculté), décider qu’une affairesera jugée par le tribunal de grandeinstance statuantà juge unique ». Sansdoute, la loi a-t-elle pris laprécautiond’exclure certainesmatièresen raison de leur gravité : ainsila matière disciplinaireet l’état despersonnes,à l’exclusion des conten-tieux relevant dujuge aux affaires familiales, « sont toujoursjugés parletribunal de grande instance en formation collégiale». Mais, indépendam-ment de ces deux hypothèses,« si le président estime que l’affaireestsimpleet ne justifie pasla réunionde trois juges,il peut toujours déciderqu’elle serajugée à juge unique», sousréservede la faculté offerte auxpartiesde solliciter le renvoi à la collégialité. Un tel dispositif démontre

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que le législateur n’entend pas imposerle juge unique maissimplement« l’acclimater » dans l’esprit des plaideurset des avocats.

Les juridictions répressives n’ont,quant à elles, jamaisignoréle juge unique.Le juge d’instruction estjuge unique depuis 1856,mêmesi cette unicité est contestée.Le tribunal de police, en matièrecontraven-tionnelle, estégalement unejuridiction à juge unique. «En revanche, lesjuridictions de jugement en matièrecriminelle (...) et enmatière (délic-tuelle) ont toujours été conçues comme desjuridictions collégiales, enraison de la gravité descondamnationsprononcées».

Toutefois, « depuis quelquesannées onconstate undéclin dela collégialité, limité au tribunal correctionnel. L’évolutiona commencéavecune loi du 29 décembre1972qui a décidé qu’en matièrecorrection-nelle, certaines infractionsmineures seraient jugéesà juge unique » (délitsde chasse etde pêche, certaines infractionsen matière de coordinationdes transports ou au Code dela route).

« Un nouvel élan en ce sensa été donné parla loi n˚ 95-125du 8 février 1995 qui a considérablement élargila liste des infractionsqui sont désormaissoustraitesà la collégialité et jugées parle tribunalcorrectionnelstatuantà juge unique(article 398-1 du Code de procédurepénale) ».

Enfin, lesjuridictions administrativessont toujoursrestées trèsattachéesà la collégialité. Les textes les régissant en portent la marqueainsi que la pratique du doubledélibéré (avant et après l’audience desplaidoiries) en dépit du caractère écritde la procédure.

« Or, à leur tour, elle sont gagnées parle juge unique » enraisonde l’augmentation du contentieux administratif. «Et c’est ainsi quedepuis la loi n˚ 95-125 du 8 février1995,certainslitiges limitativementénumérés peuvent êtretranchésà juge unique(article L. 4-1 du Codedutribunal administratif) tandis quele présidentde la juridiction a reçu lepouvoir de statuer sur unbon nombre d’incidents deprocédure(articlesL. 9 et L. 10 du Codedu tribunal administratif) ».

Le développementdu juge uniqueen matière administrativedemeure cependantlimité. L’explication de cette évolution timidedoitêtre recherchée dansl’histoire et dans les relations qu’entretientlajuridiction administrative avecla puissance publique. L’imbrication desfonctions administrative et juridictionnellea rendula collégialité inhérenteà l’institution. Par ailleurs,le jugement dela juridiction administrativemet en causel’État et sa puissante administration,la collégialité garantitdans ces conditionsl’indépendance des jugeset renforce l’autorité moralede leurs décisionsface à une puissance publique contre laquelle lesmoyensde coercition sontlimités.

Cet aperçuhistorique pourrait laisserà penser que l’évolutionlégislative est achevéeet que l’équilibre entre collégialité et juge uniqueest stabilisé.En réalité, le débat mérite d’être réouverten matière civile.

En effet, si le juge unique stricto sensu a été expressémentconsacré parle législateur, dans le cadre de réformes qui ont le mérite

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de la transparence, la pratique en première instance du juge rappor-teur - souvent dénoncéepar les auxiliaires de justice - qui incite lemagistrat à traiter en solitaire les affaires qui lui sont dévolues, sansen référer à la formation collégiale, a conduit à une généralisation defait du juge unique lato sensu.Il n’est pas sansintérêt d’ajouter quemême si la pratique du juge rapporteur est conforme à la lettre ducode, sa perception est négative.

Si l’on prend consciencedu volumedu contentieuxtraitépar lejuge uniqueausensproprede l’expression(le contentieux familialreprésentedéjà approximativementla moitié du contentieuxcivil) et de celui traité parle juge rapporteur,il est légitime de douter desliens qu’entretiennentleprincipe et l’exception, la collégialité et le juge unique(1).

La question n’est passeulement théorique, elle renvoie auxfondements denotre état dedroit, l’égalité devant la loi et la justice et,son pendant,l’égal accèsau juge naturel.

Il convient désormais de poser clairementle principe dujuge unique en première instance dans la partie législative du Codede l’organisation judiciaire, tout en supprimant les dispositions dunouveau Code de procédure civilesur le juge rapporteur. On doit eneffet préférer « un juge unique consacré à une affaire que trois jugesinattentifs dont la collégialité formelle ne constitue pas un tribunalau sens dela Convention européenne desdroits de l’homme (2) ».

Sera ainsi poséle fondementd’un traitement individualisé descauses etprivilégiée la voie de la spécialisation des juges qui, accompa-gnés d’un modede recrutement et d’une formationadaptée desmagistrats,seront la vraie garantiede la qualité de la justice de demain.

Toutefois, le principe ne sauraitêtre absolu tantil convientd’être prudenten lamatière,de ne pas heurter les consciences,de ménagerla possibilité de réserver à certainesaffaires, enraison de leur complexitéou de l’importance de leurs enjeux,un traitement particulier, et d’éviterun éclatementde la jurisprudence.

C’est pourquoi, le juge doit pouvoir d’office renvoyer lacauseà la connaissance dela collégialité, laquelle doit être de droità la demande de l’une ou l’autre des parties.

En revanche,il ne paraît pasopportun de modifierla liste desmatières qui, nécessairement, doivent releverde la formation collégiale(matière disciplinaire, état despersonnes) ; il ne serait paslogique del’allonger, il serait fort peu judicieuxde la restreindre. Ainsi, pourladiscipline de certains auxiliairesdejustice, l’anonymatde la décision doitimpérativement être préservé.

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Certains ont préconiséla reconnaissance d’un pouvoird’orien-tation au président dela juridiction ou de la Chambre, leur permettantderéserver certainesaffaires àla connaissancede la collégialité.

Ce dispositif romprait incontestablementle principe d’égalitédevant la justice au mépris de notre constitution. Il n’est pasinutile à cetégardde rappelerle sort qu’a réservéle Conseil constitutionneldansunedécisiondu 23 juillet 1975 à un projet de loi permettantau présidentdutribunal de grande instance, enmatière correctionnelle,de renvoyer lejugement des affaires soit à un juge unique, soit à une formationcollégiale. Cette décisiona indéniablementune portée qui dépasselamatière pénale tantle principe d’égalité estd’application générale.

La réforme devraitse traduire parla modification des dispo-sitions du Code de l’organisation judiciaire relatives à l’organisation etau fonctionnement du tribunalde grande instance(article L. 311-5 à L.311-13). Bien évidemment, l’évolution du Codede l’organisation judi-ciaire commanderait une adaptationdesdispositionsdu nouveau Codedeprocédure civilerelatives à la procédure devant le tribunal de grandeinstance.

S’il ne faut pas sous-estimerles dangers procédurauxdu jugeunique au regard notammentde l’exigence premièrede l’impartialité,l’approfondissement des conceptsd’impartialité et de juge uniquepermetd’en dépasserl’apparente contradiction.

En effet, le juge, toutau long du déroulementde l’instance,n’est passeul avec lui-même.Sonoffice est précisémentde s’imprégnerpendant l’instructiondu procès des thèsescontradictoires des plaideursafin de pouvoir réaliser, aprèsla clôture des débats, une synthèse mettantfin au conflit qui lui est soumispar sonjugement.

A cet égard, le rôle desauxiliairesde justice est fondamental.Eux seulspeuventdonnerau juge les moyensde réaliser pleinementsonoffice. Magistrats et auxiliaires de justice concourentà une oeuvrecommune. L’accent doit être mis surla coresponsabilité quipèsesur eux.

Cette conceptionde leur mission, gage d’un examenattentifdes affaires, constitue une garantiepour le justiciable.

Le principe selon lequel un seul magistrat, en dialoguepermanent avecles auxiliaires de justice, connaîtd’une affaire de soninitiation à son jugement,doit être désormais posé.

Pour l’ensemble de ces considérations,il apparaît que ledéveloppement du juge unique milite en faveur d’une mise en étatrénovée, au cours de laquelle le rôle du juge et des auxiliaires dejustice serait repensé(1).

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B - La collégialité en appel :un principe réaffirméLa polémique que fait naîtrela questiondu juge unique s’est

toujours limitée au premier degréde juridiction.

Personnene doutede la nécessitédu maintiende la collégialitéen appel,malgré l’engorgementdes cours.Sur ce point la Conférencedespremiersprésidentsde coursd’appel atoujoursfait preuve dedétermination.

Parmi les plus fervents défenseursdu juge unique,aucun nes’est risquéà franchir le pas, cequi démontre bienque la préoccupationde gestion des flux n’estpas le principal fondementde leur théorie.

Le droit comparé est particulièrementinstructif à cet égard.Au Canada, comme dansles autres états traditionnellement attachés aujuge uniqueen premièreinstance,la juridiction d’appel comporte toujoursplusieurs juges,sous réserveil est vrai de la possibilité, danscertainssystèmes dedroit, pour le magistrat placé en minoritéd’exprimer sonopinion dissidente.

Cette unanimité en faveur dela collégialité en appel sejustifieau demeurantaisément.

En effet, à l’élévation du conflit doit correspondre unexamen par une composition élargie à trois juges. La collégialitémarque la gradation du procès entre la première instance et l’appel,et la hiérarchie des juridictions des premier et second degrés. Ellegarantit en outre une préunification de la jurisprudence, sous lecontrôle de la Cour de cassation.

L’arrêt d’appel doit resterle fruit d’une délibération collégiale,garantie de réflexion et d’approfondissement. Ce n’estqu’à ce prix queles justiciables aurontle sentiment que leur cause afait l’objet d’un pleinexamen.On peut espérer, dès lors, quela décision sera mieux acceptéede telle sorte quela tentation du pourvoien cassation, «secondevoie derecours », seraendiguée. Commele souligne maître DanielSOULEZ-LA-RIVIERE la collégialité en appel doitse traduire «par un surcroîtd’autorité et de solennité».

La réaffirmation du principe de collégialité enappel ne doitcertes pas conduire à la disparition de l’institution de conseillerrapporteur. En effet, elle constitue, d’unepart un gage d’efficacitéet desouplesse pourles cours, ainsi que l’affirmela Conférence despremiersprésidents et quele révèleun rapport de l’Inspectiongénérale desservicesjudiciaires surle délai de jugement des cours d’appel et, d’autre part, unegarantiede maturationde la décision parle rapport fait àla collégialité.

Son champ d’application doit toutefois être réduit enprécisant que le conseiller de la mise en état (procédure avecreprésentation obligatoire)ou le magistrat chargé d’instruire l’affaire(procédure sans représentationobligatoire) pourra à titre exceptionnelet si les avocatsou les parties ne s’y opposentpas, tenir seul l’audiencepour entendre les plaidoiries.

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Chapitre II

Représentationet aidejuridictionnelle

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Longtempson a opposéla « justice de proximité » à la justiceformaliste plus traditionnelle,l’accès directau juge à la représentationouà l’assistancepar un auxiliaire de justice.

L’introduction récente de procédures simplifiées aeu pourobjet de rapprocher l’institution judiciaire du justiciable. En effet, lelégislateur, pensantaméliorer et humaniser le traitement des litiges,aprivilégié une justice sans intermédiaire,où le justiciable se présenteseuldevant le juge. M. le professeur François TERRE apu parler « d’unecertaine obsessionde l’accèsà la justice (...)de l’exaltation de sa fonctiond’accueil » (1).

Comme le relève M. le professeur RogerPERROT(2), lemagistrat est devenutrop souventun « juge confident » : « en cette finde XXe siècle, le juge a cessé(...) de tenir la balanced’une main égaleentre les deux plaideurs(...) et a perdu ses timiditésaccusatoires.Onconstate parfois quele juge n’hésitepasà engagerun dialogue directavecles plaideurs. Spécialement dans les contentieux inégalitaires(...) le jugea parfois la tentation de tendre une main secourableau plaideur endifficulté qui discernemal l’étenduede ses droits».

Il y a sansdoute lieu de mettre un frein à cette conception,que M. le professeur SergeGUINCHARD qualifie d’« illusion démo-cratique » (3). L’égalité devant la justice commandeque les justiciablessoient conseillés, assistés etparfois même représentés parun profes-sionnel du droit, le procès se déroulant suivant des règles et unetechnique qu’il est nécessairede maîtriser.

L’intervention plus systématiquede professionnelsdu droitaux côtés despartiespermettrait au juged’exercerpleinementson officemais uniquement celui-ci. Laqualité et la rapidité de la décision rendues’en trouveraient améliorées.

L’intérêt bien compris des plaideurs rejoint surce point labonneadministrationde la justice.

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Cetteanalyse est largement partagée par lesmembresdu corpsjudiciaire et par les organisations représentativesdesauxiliairesde justice.

La Conférence des premiers présidentsde cours d’appelpropose que « la représentation obligatoiresoit étendue à touteslesmatières contentieuses devantle tribunal de grande instance».

L’Association des jeunes avoués souligne à juste titre que «lapratique nousrévèle que l’on est souvent confrontéà un déséquilibredesforces dansla défense,lorsqu’une partie se retrouve seule,égaréedansle dédalejudiciaire, face à une défense structurée et documentée».

La mission d’information de la Commission des loisdu Sénatchargée d’examiner les moyensde la justice prône l’extension de lareprésentation obligatoireet souligne que cette proposition, au demeurantconforme au souhait de la Conférencedes premiers présidents, devrait« améliorer la mise en forme des affaires », « permettre au justiciabled’être conseillé en amont sur les aléasde son dossier »et « jouer uncertain rôle de filtre et de clarification » (1).

Ces impératifs militent pour une extensionde la représentation.Toutefois, dansun contexte budgétaire serré, deschoix doivent êtreopérés, notammentau regard de l’enveloppe globale consacréeà l’aidejuridictionnelle, dont le système mérite d’être aménagé.

I L’élargissement du doma ined e la représentation obl igatoire

Certes, il n’apparaît pas souhaitablede prévoir la représenta-tion obligatoire devantle tribunal d’instance, juridictiondont le fonction-nementdonne dans l’ensemblesatisfaction, et dontle régime d’assistanceet de représentation desplaideurs estdéjà fixé parl’article 828 du nouveauCode de procédure civile.Seule une adaptationde ce texte devrait êtreopérée pourtenir comptede l’évolution desmoeurset du mondedu travail(nécessaire priseen compte de l’union libre et du développement dusalariat multicarte).

La modificationde l’article 853du nouveau Codedeprocédurecivile, qui pose le principe de la liberté d’assistance etde représentationdevant le tribunalde commerce,pourrait en revancheêtre envisagée,dansl’esprit de l’article 828dont la teneur serait adaptée aux réalitésdu mondedes affaires. Il est d’ores et déjà permis de considérer que doiventpouvoir intervenir devant les juridictions consulaires, les avocatsbienévidemment, mais aussi, et seulement,les personnes attachéesauservice des partiesou de leur entreprise.

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En l’état actuel des textes,la liberté totale de représentationet d’assistance n’estpas, en effet, sansdanger, car ellefavorise l’inter-vention d’agents d’affaires aux compétences limitées(notamment lesagences de recouvrement),intervention d’autantplus regrettablequ’elles’inscrit dansle cadre d’une justice rendue par des non-professionnels.

Une telle réforme rencontreraitun écho favorableau sein dela Conférence généraledestribunaux de commerce.

Les mêmes considérationsdevraient conduireà une extensionde la représentation devantle conseilde prud’hommes,mais la spécificitédu fonctionnementde cette juridiction exclut cettesolution. Cependant,le souci d’une bonne justice exigede prôner la représentationobligatoireen matière sociale dès l’appel.

De fait, les magistrats qui ont étéentendusn’ont pas manquéde relever qu’en cettematière le défaut de l’argumentation juridiquenuisait tout particulièrement auxplaideurs, incapablesde justifier pareux-mêmesdu bien fondé de leurs prétentions.

Ainsi doit être envisagée l’intervention obligatoire del’avoué et de l’avocat en cause d’appel, et celle des avocats auxConseils devant la Chambre socialede la Cour de cassation.

Bien sûr, l’impact de l’extension de la représentation surlebudgetde l’aide juridictionnelle devra être étudié.Certains estiment quele coût de l’accès àla justice des classesles plus défavoriséesne connaîtrapas une croissance proportionnelle à cette extension, dansla mesureoùle rôle de conseil assumé parle professionneldu droit devrait permettreune diminutiondu nombrede saisinesdu juge.

Il n’est toutefois pas contestable qu’une réformede la procé-dure civile en ce sensdevra s’accompagnerd’un effort budgétairedel’État. Dans cesconditions, cetteréforme, avec ses inévitables incidencesfinancièresen matière d’aidejuridictionnelle,doit nécessairementaller depair avec une politiquede maîtrise des dépenses.

II - L’amélioration du dispositifd’aide juridictionnelle

Le bilan destrois premières années d’applicationde la loi du10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, présenté parle gouvernementau Parlementau mois de juillet dernier,fait ressortir une améliorationdel’accès des plus démunis aux juridictions, insuffisamment garantiparl’ancien régimede l’aide judiciaire.

L’élargissement desconditions d’octroi de l’aide, ainsi quel’extension des procédures concernéespar son champ d’application,permettentune meilleure couverturedes besoins.

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Le nouveau mécanismede rétribution des prestations desauxiliairesdejustice, qui sesubstitueà l’ancien systèmed’indemnisation,constitue quantà lui un progrès certainpour lesprofessionnelsdu droitintervenantau titre de l’aide juridictionnelle, et accroît ainsi la qualité dela défensedes citoyensles plus défavorisés.

Mais des imperfections demeurent. Siun groupe de travail,réunissant des parlementaires etdes représentants des administrationsconcernées,a engagé une réflexionsur les suites à donner au biland’applicationde la loi, il convient, dansle cadrede ce rapport,de relayerl’attente des personnes entendues,en mettant l’accent surla nécessitéd’améliorer le fonctionnementdes bureauxd’aide juridictionnelle etderenforcer les mécanismesde maîtrisedes dépenses.

A - Le fonctionnement des bureauxd’aide juridictionnelleUne meilleurerépartitiondescompétencesentre le bureaud’aide

juridictionnelle et son présidentpermettrait d’améliorer le traitement desdemandes,tout en favorisantle contrôle desconditions d’octroide l’aide.

En l’état actuel des textes, le président peut rejeterseul lesdemandesmanifestementirrecevablesou dénuéesde fondement,ainsi quecellesqui émanentd’une personnedont les ressourcesexcèdent manifeste-ment le plafond d’admission à l’aide(article 22 de la loi du 10 juillet 1991).

Il conviendrait désormais de conférer au président lepouvoir propre de procéder aux mesures d’investigation nécessairesà l’instruction des dossiers et de statuer seul sur les demandesneprésentant aucune difficulté. Lorsque la décision paraît s’imposer, ilapparaît souhaitable de conférer au président non plus seulement lepouvoir de rejeter l’aide mais aussi de l’accorder.

Une telle réforme favoriseraitla mise en place de circuitssimplifiés de traitementet apporteraituneréponseà l’encombrement desbureaux d’aide juridictionnelle.Cette mesure consacreraiten outre unepratique déjàexistante dansde nombreuses juridictions.

Ce dispositif pourrait opportunément s’accompagnerde lapossibilité pour le président de déléguer ses pouvoirs propresaugreffier en chef, vice-président du bureau, voire aux autres membresqui le composent.

Ainsi déchargés d’unnombreimportant de requêtes,les mem-bresdu bureau d’aide juridictionnelle seraientà même deprocéderà unexamenattentif des dossiers plus difficiles. Ilspourraientainsi assureruncontrôleplus approfondidesconditionsd’octroi de l’aide, ce qui limiteraitles risquesde versementsindus autitre de l’aide juridictionnelle.

Ce souci d’une plus grande rigueurdansles conditions d’octroide l’aide conduitcertains àpréconiserla suppression du terme « manifes-tement » à l’article 7 de la loi : l’aide juridictionnelle serait accordée à

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la personne dont l’action n’apparaîtpas irrecevable ou dénuée defondement. L’opportunité d’une telle mesure, sansdoute positive àcertains égards, doit toutefois être appréciéeau regard du risque decontradiction entrela décisiondu bureau d’aide juridictionnelle, qui seraitamenéà préjuger du bien fondéde l’action, et cellede la juridiction saisieavec la conséquence délicate quien découlerait, l’octroi d’uneaide aveceffet rétroactif.

Si les modalités de traitement des demandes peuventêtreaméliorées, les mécanismesde maîtrise des dépenses apparaissent, euxaussi, perfectibles.

B - La maîtrise d e s dépenses

Les dispositionsde la loi de 1991destinées à limiterle coûtde l’aide juridictionnelle, du fait de la complexitéde leur miseen oeuvre,jouent de manière trop exceptionnelle.

Ainsi à titre d’illustration, l’article 45 de la loi, comme lesarticles 36 et 50 dans d’autres hypothèses,permet le remboursementàl’État des sommesexposées au titre de l’aidejuridictionnelle par lebénéficiaire de l’aide condamné auxdépens, lorsquel’instance a procuréà ce dernier desressources importantes.

Force est de constater quece dispositif n’a pas d’écho enpratique notammenten raisonde l’imprécision des textes qui n’organisentpas le régime procéduralapplicableà ce retrait de l’aide juridictionnelle.

Une réformesur ce point s’impose. Plusieurs solutionsont étéproposées, deux méritent une attention particulière.

Il pourrait ainsi être envisagéde reconnaître clairement aubureau d’aide juridictionnelle la mission de prononcer, dans cettehypothèse, le retrait de l’aide, mais il conviendrait alors d’organiserprécisément lescircuits de transmission de l’information afin que lebureau puisse détecter les cas de retour à meilleure fortune.

M. le professeur Serge GUINCHARDpréconise, quantà lui,un mécanisme permettantà l’Etat de se rembourser directementdes fraisqu’il a exposés au titrede l’aide par prélèvement surles sommesauxquelles l’adversairedu bénéficiaire de l’aide juridictionnelle a étécondamnéau paiement,lorsqu’il n’est paslui-même bénéficiairede l’aideet qu’il a été condamné aux dépens.

Ce mécanisme, qui n’est pas si éloignéde la distraction,mériterait toutefois d’être strictement encadré. Samise en oeuvrepourraitainsi être subordonnéeà une décision du juge en ce sens,et être écartéelorsque les sommes allouées sont insaisissablesou ont un caractèrepersonnel très marqué(indemnisationpour le préjudice corporel person-nel par exemple).

Enfin, il serait opportun d’encourager les avocats et lesautres auxiliaires de justice à renoncer à la contribution de l’État

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pour le recouvrement d’honoraires ou d’émoluments de droit communcontre la partie condamnéeaux dépensqui ne bénéficie pas elle-mêmede l’aide (article 37 de la loi du 10 juillet 1991). A cet égard, le délaidans lequel l’auxiliaire de justice esten principe tenu d’opter pourraitêtre supprimé (article 108 du décret du 19 décembre1991).

Mais la faculté de renonciation offerteà l’auxiliaire de justicene peut avoirde portée pratique que sil’article 75 de la loi du 10 juillet1991, pendantde l’article 700 du nouveau Codede procédurecivile, enmatière d’aide juridictionnelle, reçoitune application effective.

Or il n’en est rien, les juridictions n’accordent que trèsrarement au bénéficiaire de l’aide une indemnité au titre des fraisirrépétibles.

Cette situation est préjudiciable àl’État car elle n’incite pasl’auxiliaire de justice à renoncer à sa rétribution au titrede l’aidejuridictionnelle pour seretourner contrela partie condamnéeà supporterles fraisdu procès.

La rédaction de l’article 75 ne suscitant pourtant aucunecritique particulière, peut-être serait-il opportun d’appeler l’attention desmagistratset praticiens sur les différentes voies qui leur sont ouvertes.

Plus généralement, l’extensiondu domaine dela représentationobligatoire, sielle doit s’accompagner d’une réflexionsur les mesuressusceptibles d’améliorerle dispositif d’aide juridictionnelle,pose enoutrela question de l’applicationeffective de l’article 700 du nouveauCodede procédurecivile.

Il faut mettre fin à cette situation paradoxale qui veut quelorsqu’un plaideur gagne son procès, il conserve trop souvent à sacharge lesfrais irrépétibles qu’il lui a fallu exposer.

Restituerau procès savérité économique estun impératif. Lasolution n’estpas dans la tarification, qui ne se prête pas à l’exercicelibéral dela profession d’avocat,ni dans l’institutiond’un seuild’indem-nisation qui pourrait avoirun effet inverseau but recherché.

Elle réside dans la transparence;la demande fondée surl’article 700 du nouveau Codede procédure civile est une demandecommeuneautre. Il incombeà celui qui la forme d’en démontrerle bienfondé.

Le juge pourraalorsêtre plus audacieux quantà la correspon-dance entre lesfrais engagéspar le justiciable et le montant de la sommeallouée.Il en ira de sa crédibilité.

Pour conclure, certaines personnesconsultées, issuespour laplupart du monde universitaire, ontpréconiséun dépassementde l’aidejuridictionnelle par un mécanisme pouvantaller jusqu’à la miseen placed’une véritable «sécuritésocialejuridique » (1).

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D’après des estimations reprisespar M. le professeur LoïcCADIET :

« Sur les vingt-cinq millions de foyers fiscaux recensés, 6,2millions bénéficient de l’aide juridique totale, 5,3 millions de l’aidepartielleet 13,5millions demeurent exclusdu système.A partir de 80000francsde ressources annuellesmoyennes,soit moinsde 7 000 francs parmois, il appartiendraitaux ménagesde financer totalementleur accès àla justice. Pourune part importantede ces foyersqui se situeà la margede l’aide juridique partielle,le coût d’un procès estun luxe dontil n’estpas toujours possiblede faire l’économie » (1).

On mesuredès lors à quel point les classes moyennessontexcluesdu dispositif d’aide juridictionnelle.

A partir de ce constat,M. le professeurLoïc CADIET proposeun développementde l’assurancede protection juridique.Relevant que,« pour des primesannuellesgénéralement comprises entre 200 à 400francs,une assurancede protection juridique esten mesure deprendreenchargeles frais liés au règlementdu litige », cet universitaire conclutqu’il« n’est dès lorspas excessifde voir, dans cetteespèced’assurance,unrelais opportunde l’aide juridique » (2).

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Chapitre III

Les modesalternatifsde règlementdes conflits

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Désormais le juge remplit plusieurs offices,sans pouvoirdéléguerson office essentielqui est de dire le droit, en vertu de l’article12 du nouveau Codede procédurecivile. Mais, ne convient-il pasderendre plus flexiblesles règles procédurales, afin quela justice devienneplus accueillante à l’accord obtenugrâce à l’intervention d’un tiers ?

Les modes alternatifs de règlement des différends que sontla conciliation, la médiation, la transaction et l’arbitrage, participentd’un vaste mouvement que l’on pourrait qualifier « justice de com-promis ».

Ils remplissentune fonction de régulation sociale et traduisentune attentedeplus en plus fortede nos concitoyens.Au sein dela société,tous les conflits, nésou en germe, n’appellentpas nécessairement uneréponsejudiciaire. L’interventionde personnes privées, quine sont pasdes juges, et dontla mission exclusive consisteà rechercherun terraind’entente, évite la dramatisation liée audébat judiciaire. Cesvoies derèglement desconflits présentent une utilité sociale réelle.

« L’idée très sage qu’il vautmieux s’entendre queplaider »(1),est universelle et intemporelle.

Si la signification donnéeà un conflit ou à sa résolutionvaried’un environnement culturelà un autre,toutes les sociétés démocratiquessont conscientesde la nécessitéd’offrir des procédures diversifiéesderèglement des différends(2).

Ainsi par exemple,en Angleterre, sans quecela constitueunrecours spécifique àla techniquedu règlementalternatif des conflits,uncertain nombrede procéduresen matière civile et en matière pénalesontconfiéesà une catégorie de juges appelés «Magistrates » ou «Justices ofthe peace » nommés parle Lord Chancellor parmiles simples citoyens.Actuellement il existe près de 30 000 « Magistrates » (bénévoles) quijouent un rôle essentieldans la mise en oeuvre du système judiciaireanglais.

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Au Canadaen revanche,les modes alternatifs de résolutiondes conflits sont formellement et largement utilisés. La négociation estparticulièrement favorisée puisquela plupart des différends sont réglésentre avocats en amont duprocès.

Dans le cadre du groupede travail sur le rapprochementdudroit de la procédure civileen Europe, mis en place par la Commissioneuropéenne, l’accenta été mis surle thème de la conciliation, qui estapparucommeune questionmajeurecorrespondantà un besoin d’huma-nisation du droit judiciaire privé (1).

Au titre des principes annexesà la recommandation nR̊ (81).7 du Conseil de l’Europe surles moyensde faciliter l’accès àla justicesont proposées «des mesures... pour encourager,dansles cas appropriés,la conciliation des parties oule règlement amiabledes différends avanttoute procédure judiciaireou au cours d’une procédure engagée», afin deredonner au juge la mission première qui estla sienne. C’est ainsi quel’on a pu affirmer : «le rôle de la justice doit être ramassé etl’interven-tion du juge ramenéeà l’essentiel »(2).

Si une unanimité se dégageaisément pour donner unnouvel élan aux modes alternatifs de règlement des conflits, notam-ment en raison de l’engorgement des juridictions, des divergencesapparaissent quant aux voiesà privilégier.

A vrai dire, cette questionn’est pas nouvelle, et pour luiapporter une réponse adaptée à notre vie judiciairecontemporaine,on nepeut méconnaîtreles enseignementsde l’histoire du droit processuel.

I - Les enseignementshistoriquesCes enseignementsportent surla conciliation et la médiation

ainsi que sur l’arbitrage.

A - La conciliation et la médiationSi PLUTARQUE combattaitdéjà une forme de juridisme,

c’est-à-dire « cette prétentionà tout vouloir arbitrer dans les conflits entreles hommes par desrèglespubliques, lesquelles sont incapables par natured’embrasser la diversité de la vie et de pourvoir par avanceà sesdérèglements »(3), la conception d’une justice qui non seulement « tran-che, mais qui, dansla limite de la coopération des parties, cicatriseau

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lieu de mutiler » (1) a été promue sousla Révolution française parla loides 16 et 24 août 1790, « commele moyenle plus raisonnablede terminerles contestations entreles citoyens».

Cette loi instauraiten conséquencele juge de paix quidevaitêtre selon le constituantTREILHARD « un arbitre, un père plutôtqu’unjuge : il doit placer sa véritablegloire moinsà prononcerentre sesenfantsqu’à les concilier ».

* L’ancien Code de procédure ne s’était pas préoccupé defavoriser la conciliation des affaires venant en justice de paix. Mais lesjuges de paix avaientspontanémentpris l’habitude d’interdire aux huissiersde citer devant euxcommejuges, avant que les partiesn’aient été appeléesen conciliation (...).Devantles heureuxrésultatsobtenus parcesinitiatives,le législateur (article 17 de la loi du 25 mai 1838) consacra l’institutiond’abord avecun caractère facultatif,puis avec un caractère obligatoire(loidu 2 mai 1855).C’est cette conciliation qui avait reçu le nom de petiteconciliation, pour la distinguer dela grande conciliation,que le juge depaixdevait tenterpour les affaires relevantdu tribunal civil (2).

Si la petite conciliation donna satisfaction,la grande concilia-tion, malgré une réglementation précise,fut un échec qui conduisitlelégislateurà la supprimer(loi du 9 février 1949).

La petite conciliation ne devait pourtant pas survivreà la« suppression,le 1er mars 1959, des2 092 justices depaix (...) et leurremplacement par 458 tribunaux d’instance » qui semontrèrent « plussoucieuxde trancher leslitiges dont ils étaientsaisis quede concilier » (3).

* Le nouveau Codede procédure civile et les décrets quil’ont précédé consacrèrent toutefoisune large place à la conciliationen lui conférant une portée générale mais aussi une plus grandesouplesseque par le passé.

Les auteursdu nouveau Codede procédure civile ont faitdela conciliation une oeuvre permanente, entrant dans l’officedu juge toutau long de l’instance. Ils ont incité les partiesà se concilier,en dehorsdu juge,pendantle procès, et inscritl’amiable composition dans les textes,même si à l’époque cesdispositions constituaient des « ouvertures deprincipe »(4).

Selon l’expressionde M. le doyenGérardCORNU, il y a dansl’esprit du code une « part derêve (...) un mélange assez intuitifd’idéalisme et de réalisme(...) de proclamationsun peu solennelles», lavolonté d’affirmer que la conciliation «n’est pas liéeà une phasede laprocédure (...)mais qu’elle constitue, pourle juge, à tout moment,une

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mission(c’est-à-dire toutà la fois un pouvoir et un devoir), une vocationnaturelle, inhérenteà son office »(1).

Cette philosophiese manifesteau travers des articles 21, 58puis 127 à 131du nouveau Codede procédure civile, textes générauxcomplétéspar des dispositions particulières réglementant notammentlatentative préalablede conciliation devenue facultative devantle tribunald’instance.

* Le législateur est encore intervenu très récemment (loidu 8 février 1995 et décretdu 22 juillet 1996) pour compléter l’édifice,avec à l’esprit la volonté de protéger la justice étatique contre lasubmersion qui la menaceet de restaurer l’office du juge. Il a permisau juge d’instancede déléguerla tentative préalable de conciliation àuntiers et a institutionnaliséet réglementéla médiation.

Lors des consultations,il a pu être proposéd’imposer unetentative obligatoire de conciliation après introductionde l’instance et derevenir en quelque sorte à l’ancienne « grandeconciliation » du moinsdevant certaines juridictionset pour certains contentieux.

Bien évidemment, il ne saurait être raisonnablement ques-tion d’imposer le recours aux modes de résolution amiable desconflits. La phase de conciliation obligatoire généraliséea vécu... Lecompromis recherché et le caractère obligatoire de la procédure deconciliation sont effectivement antinomiques.De plus, la phase obli-gatoire de conciliation allongerait, inutilement dans bien des cas, ladurée des procédures.

Il faut, sur cepoint, rendre hommageà l’esprit de modernitédes auteursdu code, qui ontréduit le champ d’applicationdu préliminairede conciliation aux matièresoù il s’avérait effectivementutile (concilia-tion prud’homale notamment),après avoirexactementmesuré les méritesde ce mode de règlement des litigesmais aussiles obstacles auxquelscelui-ci se heurte.

Commele souligne M. le premier présidentPierre ESTOUP,la conciliation « permettout d’abord de parvenir à une solution nonimposéeet par conséquent mieux acceptée desplaideurs». Elle « constitueen ce sensun gage de bonne exécutionde la décision intervenueen mêmetemps qu’un facteurpuissantde paix sociale(...) la conciliation présenteencore l’avantagede parvenir parfoisà des solutions plus équitables etplus réalistes quecelles résultant de l’application des seules règlesdedroit » (2).

En revanche, elle se heurte souvent aux cultures profession-nelles des magistrats et desavocats,ainsi qu’à la psychologie des parties,assurées de leur bon droit.

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La conciliation esten outre unevoie irréalistelorsque,comptetenu de la nature du litige, il n’y a pas matière à pourparlersou àconcessions réciproques.

B - L’arbitrage

L’arbitrage est un autre champ d’investigation qui mérited’être exploré à la lumière de l’histoire. Certains, en particulier denombreuses organisations professionnelles d’avocats,souhaitent voirse développer cemode de résolution des conflits en matière civile, parl’admission libérale de la clause compromissoire, dans les matièresoùl’on peut compromettre.

L’article 2061 du Code civil, qui a consacré unejurisprudencebien établie (Cour de cassation, 10juin 1843), prohibe la clausecompro-missoireen matière civile.Cetterègle, inspirée tantpar la crainte de voirtriompher le fort sur le faible que par la volonté de faire respecterdemanière impérative les règlesd’organisation judiciaire, estla manifesta-tion par excellence d’une législationd’ordre public, dans sadoubledimension politique et sociale.

En effet, cette clause,dont l’économie est d’écarterla compé-tence des juridictions étatiquesen prévision d’un litigefutur et éventuel,peut favoriser des pratiques abusives(clausesde style) qui priveraientlecitoyen de son juge naturel.

En l’état actuel destextes,la clause compromissoire n’adoncde portée qu’en matière commerciale et cettespécificité trouvetoute sajustification dans l’histoirede notre droit des affaires quia consacréauprofit des commerçantsun véritable privilège de juridictiondont elle n’estqu’une des manifestations.

C’est avecle développement des foiresà la fin du Moyen Âgeet au début de la Renaissance que sont apparuesen Europe occidentaleles premières juridictions commerciales composéesde « notables » mar-chandschargésd’assurerla police de la foire, le contrôle descours desventes et des monnaies,ou encorela bonne exécution des marchésconclusentre descommerçantsde nationalité souvent différente.

Depuis lors, ce privilège de juridiction consentiaux commer-çants n’a cesséde s’affirmer.

Au coursdu XVI e siècle, la monarchie procéderaà l’implan-tation progressive surl’ensembledu territoire de juridictions consulairespermanentes(Édits de 1549, 1563 et 1565), après avoir exploré lavoiede l’arbitrage commercial obligatoire(Édit de 1560).

La consécration définitivedestribunauxde commerce intervintavec l’ordonnancede Colbert de 1675, et le code napoléonienne revintpas surcet acquis.

Au terme de cette évolutionhistorique,le privilège de juridic-tion, conçu commeun droit pour les commerçantsde soumettre leurs

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litiges à desjuridictions forméesde commerçants, recouvre troisélémentsindissociables mais complémentaires : l’accèsà desjuridictions étatiquesmais composéesde commerçants, doubléde la faculté propre àla matièrecommercialede déroger aux règles de compétenceterritoriale - moinsteintées d’ordre public qu’en droitcommun -et le recours possibleà lajuridiction arbitrale, c’est-à-direnon étatique mais toujours en pratiquecomposéede commerçantsou de spécialistesdu droit des affaires.

Sur l’ensemble de ces questions,les enseignementsde M. leprofesseur Romuald SZRAMKIEWICZ sont particulièrement éclairants(1).

Quoi qu’il en soit il serait dès lors curieux de libéraliser lerégime de la clause compromissoire qui ferait ainsiune intrusion enmatière civile au sensstrict, sans que ne soit corrélativement élargiela faculté de déroger contractuellement aux règles de compétenceterritoriale des juridictions étatiques.

En effet, les clauses compromissoiresou attributives decompétenceprocèdent du même esprit, si ce n’est que la première deces clauses dérogeplus radicalement encore que la seconde auxprincipes de notre organisation judiciaire. Or, il ne paraît pasopportun de libéraliser le régime de l’article 48 du nouveau Codedeprocédure civile ; les considérations tirées dela protection du justi-ciable déjà évoquées s’y opposent, comme le souci d’une bonneadministration de la justice.

A cet égard,il convient d’observer que les clausesattributivesde compétence jouenten pratique en faveur des juridictions lesplusimportanteset déséquilibrent ainsila gestion des flux contentieux surleterritoire.

Paradoxalement, ces enseignements historiquesne doivent pasconduire à une nostalgiedu passé, mais invitent à l’innovation.

II - La recherche d’une réponseadaptée à notre vie judiciairecontempora ine

Soucieux d’éviter les écueilsde la tentative de conciliationobligatoire dansle cadre judiciaire, nombreux sont ceux qui privilégientdésormaisla voie de « l’accord négocié » comme préalableà l’accès aujuge.

Pour reprendreles termes de M. Alain LORIEUX, premierprésidentà la cour d’appel d’Angers, «la recherche,préalableà l’accèsau juge, de l’accord négocié estune perspective majeureà approfondiret

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à organiser procéduralement sous son double champde la maturationpuisde l’aboutissementde la conciliation et de celui de la poursuite de laprocédure; car lorsque la diplomatie a échoué, le combat devientinéluctable ».

A - Le « préalable de négociation»Se référant notammentaux propositionsde maître TUDELA,

avoué prèsla cour d’appel de Lyon(1), la Conférencedes premiersprésidentsa préconiséla généralisation du « préalable de négociation »,comme véritable phasede « pré-mise en état».

Ainsi, la Conférence des premiers présidents assigneà ladémarche trois objectifs complémentaires : pacification, efficacité etpréparation du procès éventuel par la formalisation des moyens,l’échange des pièceset des arguments.

Bien évidemment, le réalisme conduit à limiter la recherchede la solution préalable négociée aux seulesprocédures avec repré-sentation obligatoire.

En effet, un tel dispositif reposerait essentiellement surleconseil du demandeuret impliquerait, selonla Conférencedes premiersprésidents, quele défendeur constitue lui-même avocat.

Le concoursde l’avocat qui est souventla première marchedu palais ne doit plus avoir une finalitéexclusivement «procédurière».La fusion desprofessions d’avocatet de conseil juridiquey incite.

En revanche, pour les procédures sans représentationobliga-toire, les parties,en quelque sorte livréesà elles-mêmes,ne peuvent sevoir imposer une obligationde négociation préalable àla saisine desjuridictions.

Toutefois, la faculté d’entreren pourparlers doitêtre offerteet organisée surle plan procédural notamment devant les juges d’instancequi, selon les termesdu rapport de la mission du Sénat chargée d’évaluerles moyensde la justice, devraient renouer « avecla conception originelledes jugesde paix » enrichie par « l’expérience des actuelles maisonsdejustice », et travailler en liaison plus étroite avec les conciliateursde leurressort(2).

La proposition de la Conférence des premiers présidents, quisemble d’ores etdéjà avoir reçuun écho favorable auprèsde la professiond’avoué, apparaît audacieuse.

Elle mérite toutefois une réflexion approfondiepuisqu’ellepoursuit deux objectifs qui peuvent paraître paradoxaux, d’unepart lanégociation, qui suppose,comme l’admet la Conférence,une certaine

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confidentialité, gagede la liberté et de la confiance nécessaires à toutpourparlerset d’autre part,la mise en étatet la formalisation des dossiers.

Elle mérite en outre d’être procéduralement encadrée,de sevoir reconnaître un champ d’application clairement défini et d’êtreorganisée afin d’éviterle dilatoire.

Il est ainsi permisde s’interroger surle domaine qui doit êtreassignéà l’obligation d’une négociationpréalable : certainesmatières,comme l’état des personnes, certaines procéduresqui répondentà l’ur-gence devraienty échapper.

Afin d’éviter tout abus, la questionde la durée despourparlerset des effetsde l’ouverture de la phasede négociation sur les délais pouragir devraêtre expertisée,et il apparaîtd’ores et déjà qu’un mécanismede suspension serait préférableà l’interruption préconisée.

Enfin, la réussite des négociations préalables doit êtreencou-ragée notamment parle jeu de l’aidejuridictionnelle.

Cette démarche està ce point ambitieuse qu’elle nécessiteune acclimatation psychologique voire une révolution des esprits ;dans l’immédiat, des mesuresconcrètes, certesplus modestes,doiventêtre envisagéespour favoriser la négociation.

B - Incitation à la négociation

* Ainsi, pendant l’instance,il convient de permettre auxpartiesde s’échapperdu rituel judiciaire pour favoriser leur rapproche-ment.A cette fin, il faut introduire une distinction entre le retrait durôle et la radiation (articles 381 et suivants du nouveau Code deprocédure civile) ; le retrait du rôle serait prononcé à la demande desparties en pourparlers ou en cours de transaction et, parallèlement,le caractère sanctionnateur de l’ordonnance de radiation seraitrenforcé (précision du défaut de diligences, notification aux parties,rétablissement sur justification de l’accomplissement des diligencesmanquantes).

* Dans le même esprit, il serait judicieux d’offrir auxparties une voie judiciaire de solennisation de leur transactionintervenue en dehors de toute instance au fond.

Une telle procédurede solennisation,inspirée de l’exequatur,aurait le mérite de favoriser le développementde la transaction horsprocès.

En l’état actuel du droit, la transaction en vertu de l’article2052 du Code civil a entre les parties l’autoritéde la chosejugée endernier ressort. Toutefois,elle n’est pasa priori un titre exécutoireausens de l’article 3de la loi du 9 juillet 1991, sauf pour les partiesàtransiger par devant notaire.

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Il pourrait être envisagéd’ouvrir une procédure spéciale surrequêteà cette fin devant le présidentdu tribunal de grande instance.

Le recoursà une procédureau fond s’avère inutile puisquelatransactiona par nature autoritéde la chose jugée.

La voie de la procédure sur requête,justice provisoire, justifieun contrôle sommairede la transaction n’excluantpas descontestationsultérieures surle fondement de l’article 2053 du Code civil en cas device du consentement,et suffit à conférer à l’accord sa force exécutoire.

A cet effet, il pourrait être créé auTitre IV (obligations etcontrats) du Livre III e (dispositionsparticulières à certainesmatières) unChapitre VI consacréà la transaction comportant un articleunique rédigécomme suit :

« Le président du tribunal de grande instance saisi surrequête par une partie à la transaction confère force exécutoire àl’acte qui lui est présenté».

* En outre, une extension du dispositif d’aide juridiction-nelle pourrait favoriser, d’une part, la transaction intervenue entrele moment de la demande d’aide juridictionnelle et l’engagement del’instance et, d’autre part, la conciliation en cours de procès(1).

L’article 39 de la loi du 10 juillet 1991 devrait, à cet effetêtre revu afin de permettre à l’auxiliaire de justice qui parvient à laconclusion d’une transaction entre les parties d’obtenir une rétribu-tion, alors même qu’aucun acte introductif d’instance n’aurait étédélivré. Cette rémunération devrait s’opérer au taux plein, commec’est le cas pour la transaction en cours d’instance, ne serait-ce quepour éviter des saisines artificielles du juge.

Dans le même esprit, une modification de l’article 111 dudécret du 19 décembre 1991 serait opportune. En cas d’extinctiondel’instance du fait d’une conciliation, le juge pourrait, sur demandedel’avocat, allouer à celui-ci une rétribution modulable,en fonction desdiligences accomplieset allant jusqu’à l’allocation d’un taux plein.

Enfin, la voie de l’assurancede protection juridique doit êtreapprofondie et spécialementadaptée auxmodesde règlement amiable desconflits, dansle cadre d’une réglementation protectrice des assurés.

Dans une société où la socialisation des risques est enconstant progrès, la généralisation de l’assurance de protectionjuridique permettra à terme la création de fait d’un système autoré-gulé de résolution négociéedes litiges hors du judiciaire.

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Chapitre IV

Un traitementoptimisédes contentieuxde masse

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L’idée selon laquelle certainstypes de contentieux doiventéchapper au formalisme de la procédure ordinaire pour suivre uneprocédure allégée n’est pasnouvelle.

Elle s’est manifestée dèsle début du siècle pourle traitementdes litiges mettanten jeu des sommes modiques. Tel était l’espritdudécret-loi du 25 août 1937 « instituantpour lespetites créances commer-ciales une procédure derecouvrement simplifiée ».

Le mouvement s’est amplifié avecla reconnaissanceen 1957de la compétence du tribunal d’instance,et a trouvé une parfaiteillustrationen 1981 parl’introduction dansle nouveau Codede procédurecivile des articles 1405 à 1425. Le décret du 12 mai 1981 a en effetconsacré la procédure d’injonctionde payer devantle tribunal d’instanceou le présidentdu tribunal de commerceet lui a donné une portée plusgénéraleet plus large.

Mais l’élargissementdu domaine d’applicationde l’injonctioncorrespondait alors à uneévolution des objectifs poursuivis parlelégislateur. L’augmentation sans cesse croissante des affaires exigeaituneréponse soupleet rapide, adaptéeà un contentieux de plus en plusrépétitif.

Le décretdu 4 mars 1988a marquéun retour àla conceptionqui réservait la procédure simplifiée au traitement des litigesde faibleimportance. Injonctionde faire et déclaration au greffe participentde lamême volonté defaciliter l’accès àla justice pourle traitement des petitscontentieux de la vie quotidienne etde rétablir l’équilibre entre lesprofessionnels, déjà bénéficiairesde la procédure d’injonction de payer,et les consommateurs analysés comme étant en positionde faiblesse.

Cette conception paraît toutefois désormais assez éloignéedela réalité procédurale,force étantde rappelerque la complexité techniqued’un litige n’est pas proportionnelleau montant de la demande.Cetteréalité a été trop souvent méconnue par notre droit processuelqui aorganisé desprocédures dites simplifiées en ne prenant en compte quela modicité des intérêts en jeu.

Or, les critèresde simplicité du cas et de modicité de lademandene sont pasnécessairementréunis.

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Inversement, un litige peut être grave dans ses enjeux,maistechniquement simple, et appeler en raison de son caractère répétitifun mode de traitement adapté aux contentieux de masse.Tel est lecas notamment du divorce par consentementmutuel (qui représente 35 %des décisionsrenduesen la matière au cours de l’année 1994).

Il convient désormaisde prendreen compte d’une part, pourles « petites affaires »,la complexité croissante du droitet la diversitédes droitsen cause et d’autre part,d’introduire un régime procéduralmieux adapté à certains litiges plus importants mais qui néanmoinspeuvent être qualifiésde contentieuxde masse.

I - Mérites et limitesdes procédures de déclarationet d’injonction

S’agissant du tribunald’instance,le législateur, nostalgique dujuge de paix, a oublié que le plus souvent, les litiges soumisà cettejuridiction ne peuvent être résolus avecdu simple bonsensmais exigentl’application de règles formalistes et techniques deplus en plus déroga-toires au droit commun.

A - La déclaration au greffeL’échec de la déclaration au greffe (articles 847-1 et

suivants du nouveau Code de procédure civile), qui ne représente que2,5 % des saisinesen forme simplifiée (statistiques pour 1994),en estune illustration parfaite.

Outre les difficultés attachéesà la convocation par lettrerecommandée avecdemande d’avisde réception, ellecontraint le greffier,voire le magistrat, à assumerun rôle qui n’est pasle leur. En effet lejusticiable, dansla plupart des cas, seprésente enpersonne sans pouvoirformuler clairement l’objet de sa demande.Dans ces conditions,lapersonne quile reçoit ne peut enregistrersa déclaration sans l’aideràfinaliser ses prétentionsau risque de sortir de la stricte neutralité quis’impose à l’institution judiciaire. Enfin,le manque de formalisme decette procédure préjudicie à l’intérêt des plaideursen ce qu’elle nefavorise pas l’expressiondu contradictoire et setrouve sourcede renvoismultiples.

Il ne faut toutefois pas méconnaîtreles résistances psycho-logiques, voire la vive hostilité, auxquelles pourrait se heurter lasuppression dela déclaration au greffe. L’Union fédérale desconsom-mateurs - Que Choisir, a déjà fait connaître sa position négativefaceà une telle perspective.

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B - L’injonction de faireL’injonction de faire (articles 1425-1et suivants du nouveau

Codedeprocédure civile), quant à elle, esten concurrence directe avecle référé, instrument beaucoup plus soupleet adapté. Elle ne représenteque six mille requêtes chaque année sur 1,6 million d’affairesà traiterpar les tribunaux d’instance. Elle se heurte, en outre,à la difficulté qu’ale créancier à caractériser ses prétentionsau regard du domaine assignéà cette procédure (exécution en nature d’une obligationd’origine con-tractuelle). La proportion élevéede requêtes rejetées révèle que lesdemandes desrequérants sontsouvent mal fondées.

Enfin l’injonction de faire est paradoxalement complexe dansson déroulement.En effet, la procédureest en elle-même dépourvuedetout caractèrecontraignant et l’affaire est nécessairementappeléeà uneaudience à l’expirationdu délai imparti parle juge pour l’exécuter.

A cet égard, s’il est rarement faitrecoursà cette procédure,les praticiens relèvent qu’elle est le plus souvent vainement tentée,puisque l’ordonnancene produit généralement aucuneffet, et que l’affairedoit être tranchéeau terme d’un débatcontradictoire.

Elle ne constitueen pratique qu’unmode de saisine simplifiéde la juridiction, aboutissant toujoursà un débat contradictoire dontonsouhaitaita priori pouvoir se dispenser.

Très critiquée, notamment par la doctrine, qui a noté qu’ils’agissait enfait d’une « procédure compliquée », l’injonction de fairepourrait être supprimée.

C - L’injonction de payerL’injonction de payer (articles 1405et suivants du nouveau

Code de procédure civile) arrive en revanche largement en tête dessaisinesen forme simplifiée du tribunal d’instance et connaît un grandsuccèsau tribunal de commerce.

Elle donne pleinementsatisfaction en permettantun traitementrapide, souple, peucoûteux et de surcroît définitif de l’impayé (6 %d’oppositions).

S’agissant toutefois des créances lesplus importantes, elleconnaît encore un développement limité. En effet, les justiciablescomme les professionnels du droit ne sont pas enclins à se tournervers le juge d’instance, sansdoute parce qu’il n’est pas le juge natureldes créancesexcédant 30 000 francs.

Il pourrait être préconisé de limiter la compétence généraledu juge d’instance aux créances inférieuresou égalesà 30 000 francs(voire 50 000francs en cas d’élévation du taux en premier ressort),etd’introduire le dispositif au tribunal de grande instance.

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Ce transfert de compétencede jure doit s’analyserde factocommeun développementnouveaude la procédure d’injonctionde payer,dansla mesureoù cettevoie de droit est actuellementpeu pratiquée devantle tribunal d’instance pourles créancesde plus de 30 000 francs.

Il conviendrade s’interroger surles modalitésde formalisationet de présentationde la requête avecle soucide ne pas priver l’injonctionde payer des qualités essentielles qui ontassuré son succès auprès descréanciers institutionnels.

Trois voies peuvent être envisagées :la transposition pureetsimplede la règle posée parl’article 1407du nouveau Codede procédurecivile « la demande est formée parrequête... parle créancierou par toutmandataire » ;la présentationde la requête parun huissier de justice,profession souventà l’origine de ces procédures simplifiées ;l’interven-tion de l’avocat selon les règlesde la procédureen matièrecontentieusedevant le tribunal de grande instance.

II - Un traitement judiciaire rénovéde certains contentieux dem a s s epréféré à une déjudiciarisation

Force estde constater que certains contentieuxde masse, enraison de leur importance symboliqueet réelle, ne reçoivent pasuntraitement judiciaire adapté ;le divorce en est unexemple.

Un traitement plus adapté des contentieuxde massedoit êtrepréféré à unedéjudiciarisation.

A - Le divorceLe traitement du divorce donne spécialementlieu à ré-

flexion lorsque la dissolution du mariage intervient par le consente-ment mutuel des époux, qui représente près de 10 % des affairesciviles traitées par le tribunal de grande instance.

Certains souhaitent un large mouvement de déjudiciarisationau profit du notaire ou de l’officier d’état civil.

Dans cette analyse,le juge ne devrait être saisi quedansl’hypothèse où un litige se greffe sur cette matièreessentiellementgracieuse.

S’il est certain que le divorce par consentementmutuel(articles 230 et suivants du Code civil, articles 1088 et suivants dunouveau Code deprocédure civile)est procéduralementgracieux, il estnéanmoins incontestablequ’il a une forte coloration contentieuseen cequ’il correspondà une situation familiale conflictuelle.

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Cette vision sociologique, qui atténue la distinction entregracieux et contentieux,ne doit pas être méconnue etsemble pouvoirjustifier l’intervention immédiate d’un juge, garant desintérêts enprésenceet notammentde ceux des enfants qui,sans être partiesà laprocédure, sontparties prenantes.

Il paraît donc préférablede s’orienter vers une redéfinition desmodalitésde l’intervention du juge, quidoit être adaptéeà l’évolution de lafamille et à la pression des flux.En effet, est-il acceptablequ’une procédurede divorcepar consentement mutueldure en moyenneneuf mois ?

En droit positif, le juge intervient à deux reprises au moinsavant le prononcé du divorce. Cette intervention judiciaire mériteraitd’être plus ramassée,le juge pourrait ainsi prononcer le divorce dèsla première audience, après s’être assuréde la réalité du consentementdes époux et de la sauvegardedes intérêts en présence.

Sur le plan purement procédural, cette mesurene bouleversepas l’ordre des choses puisque dès l’originede la procédure les épouxsont d’oreset déjà tenusde présenter au magistratun projet deconventionréglant les conséquencesdu divorce.

L’affaire pourrait en revancheêtre renvoyéeà une audienceultérieure en cas de difficultés, lorsquele projet de convention ne peutêtre homologuéen l’état. Au terme de sa première intervention,le jugeprendrait les mesures provisoires qui s’imposenten considération despropositions qui devraient luiêtre faites,à cet égard, par les parties.

Il convient toutefois d’observer qu’une telleréforme aurait uneportée symbolique significativeet déborderaitassez largement surle fonddu droit de la famille.

A l’heure actuelle, si l’intervention dujuge est éclatée,c’estafin d’aménager aux parties qui doivent réitérerleur requêteun temps deréflexion.

Supprimer ce droit au repentir pourraitêtre perçupar unepartie de la doctrine, en dépit de la réalité sociologique, commeunencouragement audivorce et une fragilisation de l’institution du mariage.

En réalité, cependant, les époux qui sesontengagés danscettevoie dedivorce se rétractent rarement, etle temps qui leur est imparti esten pratique moins un délai de réflexion que de concrétisationde leursaccords.Un tel délai souhaitépar le législateur pour laisserplace à unepossible réconciliation n’est-ilpas aujourd’hui devenu utopique ?

C’est doncde manièreassez artificielleque le droit s’assurede la qualité du consentement par sa persistance tout au longde laprocédure.

Il serait plus judicieux de concentrer les efforts sur lesexigences de la réalité d’un consentement libre et éclairé et surl’équilibre des intérêts enprésence.Dans cette perspective,on pourraitexiger que chacun desdeux épouxsoit assisté parun avocat alors qu’enl’état actuel du droit ils peuvent n’avoir qu’un seul conseil.

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B - La déjudiciarisationIl est clair, d’une manière plus générale,qu’un traitement

plus adapté et plus performant du contentieux de massea le mérited’éviter que ne rebondisse le débat le plus souvent stérile attaché auconcept de déjudiciarisation (que déjudiciariser, comment,au profit dequi ?).

Ce qui en effet doit commander tout mouvement dedéjudiciarisation, ce n’est pas tant une logique de gestion de flux,mais la nécessité de recentrer l’intervention du juge sur sa missionoriginelle de trancher les litiges par application du droit.

Est-il justifié de déjudiciariser simplement pour désencombrerles juridictions ? Le contentieux de masse ne demeure-t-il pas uncontentieux qui mérite l’interventiondu juge ?

Cette analysene condamne pas tout mouvementde désengor-gementde l’autorité judiciaire et ne contredit pasla thèsede ceux qui,de plus en plus nombreux, proposent par exemplede transférerau notairele changementde régime matrimonial, actuellement soumisà homologa-tion judiciaire, pour réserverl’intervention du juge aux contestations quipourraientêtre élevéesnotamment par les tiersdont les intérêtsseraientlésés.

Mais, toute évolution en ce sens doit êtreprécédée d’uneréflexion approfondie sur «le périmètre du juge ».

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Chapitre V

Le traitementde l’urgence

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En matière civile, commeen toute matière judiciaire, chaqueaffaire doit suivreson rythme propre.

S’il convient de manière généralede tout faire pour que ledélai moyen de traitement d’une affaire en première instance soitsensiblement réduit, il faut admettre que l’urgence de la réponsejudiciaire n’est pas toujours constituée et quele traitement « en tempsréel » ne doit pas être le lot commun.

Il est des causes qui, dansl’intérêt des plaideurset d’unebonneadministrationde la justice, doivent suivreun rythme lent, voire sortirdurôle pendantun certain temps.Cela participe de la fonction d’apaisement.

Il en est d’autres qui appellentune réponse judiciaire rapide,parfois immédiate, sous peinede déni de justice. Le référé est alorsuninstrument privilégié.

Le juge des référés,juge de l’urgence, juge de l’évidence, jugede l’incontestable, paradoxalement si complexes à saisir, estun juge ausensle plus completdu terme. Il remplit une fonction sociale essentielle,et sa responsabilité propre està la mesuredu pouvoir qu’il exerce.

Selon les termes deM. le premier présidentDRAI « toujoursprésent et toujours disponible(...) (il fait) en sorte que l’illicite nes’installe etne perdurepar le seul effet du temps qui s’écouleou de laprocédure qui s’éternise »(1).

Le référé ne doit cependantpas faire oublier l’intérêt de laprocédureà jour fixe qui répondau mêmesouci,maisavecun tout autreaboutissement :le référé a autorité provisoirede chosejugée alors quedans la procédure à jour fixe, le juge rend des décisions dotéesdel’autorité de la chosejugée au fond.

Deux mesurestechniques contribueront encoreà améliorer lesdifférentes procédures d’urgence.

Il convient en outre d’adapterla procédure d’appelà la notiond’urgence, qui a trop tendance à s’évanouir lorsque cettevoie de recoursest exercée.

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I - Consacrer une véritable justicede l’urgence

Le référé donneentière satisfaction. Nombreux sont ceux qui,commeM. le premier président Pierre DRAI, considèrent qu’ila sauvéla justice civile, en permettantde contrer efficacementles effets désas-treux de l’encombrementde l’institution.

Afin de renforcer encore son efficacité et d’éviter un fraction-nement desrecours, il apparaît opportunde le rapprocher dans les textesde la procédureà jour fixe.

En outre, il conviendraitde clarifier la rédaction de l’article809 alinéa 1er du nouveau Codede procédurecivile.

A - Just ice provisoire et justice définitive

Certains prônentla fusion entrele référé etle jour fixe par lacréation d’un « juge desaffaires urgentes »,saisi suivant la forme desréférés mais habilitéà se prononcer surdes questionsde fond.

D’autres, à l’instar de M. Claude PARODI, premier présidentde la cour d’appeld’Amiens préconisentun systèmedans lequell’ordon-nancede référé pourrait se voir conférer une autoritéde la chosejugéeau fond, à l’expiration d’un certain délai, fauted’avoir été contestéeousuivie d’une décisionau fond.

Mais force est deconstater que de tellesréformes, quiconduiraient à une certaine confusion des genresentrejustices provisoireet définitive, bouleverseraient nos schémas procéduraux habituelsetapparaissent donc prématurées.

La justice civile doit néanmoins démontrer sonaptitude àtrancher dans les délais lesplus brefs des litigesdont le traitementrelèveà la fois du juge des référés etdu juge du fond. A titre d’exemple, lacontrefaçonde modèles alléguée avantl’ouverture d’unsalon profession-nel nécessite à la fois des mesures d’investigationou conservatoires(référé) et une décision surle fond du litige (interprétation decontrats,appréciation desdroits desparties).

S’il paraît excessif de marier systématiquementjustice provi-soire et justice définitive,il semble judicieux de permettre, demanièresouple, au magistrat, une fois les mesures deréféré prises, de « prendrela toque » du juge du fond pour trancherle litige par une décision ayantautorité de la chose jugée.

Aussi conviendrait-il quele juge des référés, après prononcédes mesures provisoiresde sacompétence, puissefixer la dated’audienceau fond, comptetenu des impératifs de temps qu’imposele litige, et aprèsavoir éventuellement enregistré l’accord desparties sur l’échange des

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écritures.Un tel dispositif accélérerait le traitement des dossiersensupprimant l’assignation au fond et le dédoublement des procédures.

Il s’agirait en fait d’organiser une faculté pour le juge etles parties de passer, dansle cadre d’une procédure unique, du référéau fond.

L’article 788 du nouveau Code de procédure civile trouve-rait là sa pleine mesure.La mise en oeuvre de cette réforme devratoutefois être subordonnéeà une réflexion approfondiesur la représenta-tion et la contradiction.

Il est d’ores et déjà possiblede proposer une nouvellerédaction du quatrième alinéa de l’article 788 précité :

« Si l’urgence le justifie et si le demandeur ne s’y opposepas, le président du tribunal, après avoir prescrit en référé lesmesures qui s’imposent, peut renvoyer l’affaire à une audiencedontil fixe la date, pour statuer au fond sur les demandes connexesnerelevant pas des articles 808 et 809 ».

Si l’institution du juge unique devait prospéreren premièreinstance, l’efficacité de cetteréforme serait renforcée.

En tout état de cause, elle doitêtre encadréeet circonscriteafin d’éviter lesabuset détournementsde procédure.

Le demandeurne doit passe voir imposer une orientationversle jour fixe, procédure oralesuivie à sesrisques et périls.

Réciproquementle justiciable ne doit pas être en mesuredeporter à la connaissancedu juge saisidans un premier temps enréféré,des chefs de demande qui n’auraient aucun lienavec les mesuresprovisoires sollicitées.

La rédaction proposée prenden compte l’ensemblede cesconsidérations en subordonnantle mécanisme dela « passerelle »àl’urgence, à l’accord du demandeuret à la connexité des prétentions.

En outre, implicitement,la procédure est soumise àla repré-sentation obligatoire,ce qui devrait dissuaderde tout détournementdeprocédure.A cet égard, l’insertionde la réforme dans le nouveau Codede procédure civile a toute son importance : le texte complète lesdispositions relativesau jour fixe devant le tribunal de grande instance,et non celles surle référé dispenséde représentation obligatoire.

Enfin, le juge doit veiller au respectdu principe du contradic-toire à l’audience,et si nécessairerenvoyer la causeà la procédurede lamise en état (article 792 du nouveau Code de procédurecivile),conformément àla philosophie généraledu jour fixe.

Indépendammentde cette mesurede coordination des procé-dures d’urgence,peut-être faudrait-ilclarifier le champd’interventiondujuge des référés.En effet, la rédaction actuellede l’article 809, alinéa1er

,du nouveau Codede procédure civileest équivoque.

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B - La nature du trouble manifesteLe traitementdifférent de chaque cas d’applicationde cet article

n’estpas satisfaisant.La pleineefficacité du référé ne peut s’accommoderd’un pouvoir souverain du jugeen cas de dommage imminent, notion defait, et d’un contrôle par la Cour de cassationdu trouble manifestementillicite, notion de droit, ou à tout le moins notionmixte.

Cette réflexion est plus quejamais d’actualité.

En raison desdivergencesde jurisprudence entre ses différen-tes chambreset malgré un premier arrêt d’Assemblée plénièredu 4 juillet1986, il appartenaità la Cour de cassationde se prononcer surle casd’application de l’article 809 alinéa 1er du nouveau Codede procédurecivile qui disposeque :

« Le présidentpeut toujours,mêmeen présence d’unecontes-tation sérieuse, prescrireen référéles mesures conservatoiresou de remiseen état qui s’imposent,soit pour prévenirun dommage imminent, soitpour faire cesserun trouble manifestement illicite».

L’appréciation d’un dommage imminentou d’un trouble ma-nifestement illicite relève-t-elle ounon du pouvoir souveraindu juge desréférés ? Si la réponse estclairement positive pour le premier casd’ouverture, il n’est est pasde même pourle second.La réponse nuancéedonnée par l’Assemblée plénière,le 28 juin 1996,a pour effetde mettreun terme au débat interne àla Cour de cassation.

Dès lors que la Cour suprême a reconnu que la notion detrouble manifestement illicite était une question de fait, et doncconsacréun contrôle de motivation et non de légalité, il est permis des’interroger sur l’opportunité de supprimer la condition d’illicéité etd’objectiviser, pour la faire clairement entrer dans le domaine du fait,la notion de trouble manifeste.

Cette analyse rejointles conclusionsde M. l’avocat généralJean-François WEBER lorsqu’il constatedans despropos pertinents etprémonitoires « l’effacementdu terme illicite devantla réalité du trouble »et qu’il propose « la suppressionpure et simple du mot illicite ou sonremplacement parun terme plus factuel tel que "intolérable". »

Forceest de relever que,même soumiseà un contrôle légerdela Cour de cassation,la condition d’illicéité revient à réintroduire d’unemanière déguiséela contestation sérieusequeles auteursdu décretdu 17 juin1987ont suppriméeen consacrantunejurisprudence antérieure bien établie.

II - Adapter effect ivementla procédure d’appel à l ’urgence

L’urgence ne connaît pasde développement procéduralparti-culier en appel,ce qui est paradoxalen raison de l’écoulement du tempsde la procédure.

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Ce constatpeut être dressétant pour le traitement du référéque pour celui des affairesordinaires quipeuvent àtout instant devenirurgentes.

A - Le référé en appelEn appel, le référé suit curieusementle sort des affaires

ordinaires. Saufrequêteà jour fixe, il se perddansle gouffre de la miseen état. Cela est d’autant plus inadmissible que ces instances ont parnature un caractère d’urgenceet n’ont pas vocationà régler le fond dudroit. Ainsi, au-delàde l’amélioration de la procédure ordinaire,il apparaîtindispensable deprévoir dans le nouveau Codede procédure civileuncorpsde règles ad hoc, qui tienne comptede la spécificité du référé.

Ce constat critique est unanimementpartagé par les profes-sionnelsdu droit et spécialement par les premiersintéressés, les magistratsde cours d’appel etla profession d’avoué.

Ainsi que le proposela Conférence des premiers présidentsdecoursd’appel, deuxpistesparaissent pouvoirêtre explorées pour remédierà cet état de fait.

La plus simple consisterait à traiterl’appel des ordonnancesde référé selonla procédurede référé devantla Cour : certaines audiencesdu premier présidentou de son déléguéseraient affectéesplus particuliè-rement au traitementde cecontentieux ;les parties assigneraient directe-ment leur adversaire à l’une de ces audienceset l’affaire seraitimmédiatement plaidée et jugée commeen première instance,sauféventuels renvoispour respecterle principe du contradictoire.

Cette procédure extrêmement simple paraît adaptéeà cesmatièresoù l’urgence prime etdans lesquellesles décisionsn’ont pasl’autorité dela chosejugée au principal.

L’attachement à la collégialité en appel doit toutefoisconduire à privilégier les règles généralesde la procédure à jour fixe,mais avec certains aménagements.

Les grandes lignes de ce nouveau dispositif seraient lessuivantes : le recours serait introduit par une requête valant décla-ration d’appel motivée et demandede fixation d’une date d’audience ;sur la base de l’ordonnance du premier président, serait délivrée uneassignation pour la date fixée devant la formation collégiale. Le jourde l’audience, le président devrait s’assurerdu respect des droits dela défense,notamment du respect du contradictoire. L’oralité seraitle gage del’efficience de la procédure.

Il pourrait même être envisagéde créer, commedans lapremière proposition,des audiences spécifiques auxquellesles partiespourraient directement assigner.

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Pour l’un et l’autre systèmesla question se posede savoir s’ilconviendraitde maintenir la représentation obligatoire des partiespar unavoué.

Le souci d’une bonne gestion des flux conduit à apporter àcetteinterrogationune réponsepositive, commeenconvientla Conférencedes premiers présidentsqui souhaite voir se généraliser l’interventiondeprofessionnelsdu droit en caused’appel.

Outre le casdu référé, une instanceau fond peut requérirenappelun traitement d’urgence.

B - Le renforcement de l’effectivitéde l’article 910 du nouveauCode de procédure civi leLe Code distingue deuxcircuits d’instruction des affaires

pendantesen appel : la mise en état étant le principe, le renvoi àl’audience constituant l’exception,réservée aux affaires qui semblent« présenterun caractère d’urgence ou pouvoir être jugéesà bref délai»,ainsi que le stipule l’article 910du nouveau Codede procédure civile.

Mais chacun s’accorde à constaterl’échec de ce dispositif,dûà l’engorgementdescours et à l’insuffisance des audiences nécessaires àsa bonne application.

Le mécanismede cet article doit être renduplus rigoureux. Leprincipe selon lequelle justiciable doit bénéficierd’une audience rappro-chéelorsque son affaire est urgentene doit pas rester lettre morte.

L’article 910, alinéa 2 pourrait être ainsi modifié :

« Le président de la Chambre saisie doit, d’office ou à lademande d’une partie, lorsque l’urgence le justifie, fixer à bref délail’audience à laquelle l’affaire sera appelée».

Le renforcementde l’article 910 du nouveau Codede procé-dure civile pourrait s’accompagnerde l’instauration d’audiences spécia-lement consacréesau traitementde l’urgence.

L’on pourrait, en outre, s’interroger sur l’opportunité deréserverle même sort procédural auxaffaires qui,sans êtreurgentes,sonten état d’être jugéeset ne nécessitent aucune miseen état particulière.

Une réflexion approfondie surle sujet doit conduire à uneréponse négative pour deuxraisons, l’une objective, l’autreplus psycho-logique.

La portéed’un article 910nouveaune doit pas être annihiléepar l’engorgement, à vouloir être trop ambitieuxla mécanique s’enraye !

En outre, le renforcementde l’article 910 n’est accompagnéd’aucune sanction particulièreet le dispositif ne portera ses fruits qu’avecla coopérationet la bonne volonté des cours.Il ne peut en être autrement !

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Chapitre VI

Une meilleureinstructiondu procès parune plus grandeformalisationdes procédures

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Le nouveau Codede procédure civile, en instaurant uneprocédure d’instructionplus inquisitoire que parle passé,a fait preuved’une grandemodernité.

Le livre premier, traitant des dispositions communesà toutesles juridictions, pose les fondements d’une instructionindividualisée,respectueusede l’égalité des armes entreles parties auprocès, et placéesousle contrôle d’unjuge disposantdepouvoirs renforcés dans lamaîtrisedu déroulementde l’instance.

En outre, pour les affaires quiméritent véritablement d’êtreinstruites devantle tribunal de grande instance,le nouveau Codedeprocédure civilea introduit une procédurede mise en état au caractèreinquisitorial encore plus marqué. Cette miseen état estle principe devantla cour d’appel.

La recherche permanented’une bonne administrationde lajustice, dans l’intérêtdes justiciables, a incontestablement conduitlesauteursdu nouveau Codeà instaurer dans les textesun nouvel équilibreentre lesconceptions inquisitorialeet accusatoirede la conduite du procès.

Mais la pression desflux a privé la procédure ordinairedevant le tribunal de grande instance de son efficacité, laquellerésidait dans sa souplesseet la variété des circuits de traitement desaffaires qu’elle offrait. Par là-même, l’équilibre recherché a étéperturbé. De fait, on ne peut que mesurer les limites de la procédurede mise en état qui est en pratique, et malgré l’esprit des textes, uneétape bien souvent formelle et indifférenciée, aboutissant simplementà la fixation d’un calendrier de traitement.

Cette évolution est regrettable,car l’instruction doit êtrepleinement assuréeafin que, lors du jugement, les affaires soienteffectivementen état d’être tranchées.

Il serait souhaitable dedéplacer le « centre degravité » delaprocédurede la phasede jugement vers cellede l’instruction.

Dans cesens, préférerle terme « procédure d’instruction »àcelui de « procédurede mise en état » n’est pas une démarchepurementintellectuelleou symbolique.

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C’est au cours de ce temps du procès, qui sedevrait d’êtreparticulièrement vivantet actif, que les grands principes quirèglent notreprocédure se manifestent avecle plus d’acuité.

Si une unanimitése dégagepour préconiser unemise en étatplus poussée desdossiers qui méritent d’être instruits, le débat quis’instaurelorsqu’il s’agit de définir les modalités d’une réformedevientdifficile, même dans leurs principes d’orientation,tant les opinions quis’expriment sont nombreuseset divergentes.

La réflexion profonde qui a été menée enconcertation avecles universitaires, magistrats et praticiens permet de conclure que laréforme de l’instruction civile ne doit plus passer par un renforcementdes pouvoirs du magistrat et plus particulièrement du juge de la miseen état.

La solution doit en effet être recherchée ailleurs, dans uneconception rénovéede l’accusatoire, qui imposerait à chacune desparties de participer loyalement et efficacement à la procédure afinde transcender la distinction entre l’accusatoire et l’inquisitoire.

Le juge dispose d’ores etdéjà des pouvoirs nécessairespourmener à bien l’instruction des affairesdont il est saisi.

Une nouvelle logique devrait conduireà associer désormaisplus étroitement les plaideurs au processusd’instruction.

Le principe accusatoirea jusqu’à présent été conçucommeconférant au plaideur des droitsplus que desdevoirs : droit à lacontradiction, droit à lamaîtrise du procès...

Paradoxalement, l’accusatoire,analysé comme unprivilège,s’est appuyé sur les pouvoirs inquisitoriaux reconnusau juge par lenouveau Codede procédurecivile.

La juridiction civile peut en effet pallierla carencedesparties,elle peut notammentqualifier ou requalifier les faits, soulever d’officedes moyensde pur droit préférésà ceux invoqués ou encore se fondersur des faits quine sont pas spécialement débattus(articles 7 et 12 dunouveau Codede procédure civile).

Si l’imperium du juge doit être préservédans un soucid’efficacité dansla conduitedu procès,il doit être envisagéde responsa-biliser les plaideurs etplus spécialementleurs conseils.

L’exigence d’une collaboration loyale des auxiliairesde justiceà la bonne marchedu procèsest une question fondamentale.Il ne s’agitpas de placer les jugeset les auxiliaires dansune situation délicate,de« les monter les uns contre les autres », ce qui ne pourrait quenuire auxparties elles-mêmes.Il ne s’agit pasnon plus d’aller versune dérive àl’américaine, avec l’accroissementdu nombre des procès en responsabilitéprofessionnelle qui en résulterait.

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Comme le relève M. le Premier Président Pierre ESTOUP,« il existe une corrélation étroite entre le travail du magistrat et celuide l’avocat, et la qualité d’un jugement est largement tributaire de celledes conclusions, des plaidoiries et des dossiers remisau tribunal » (1).

En effet, « l’élaboration d’unedécision judiciaire n’est passeulement l’affairedu juge. Elle dépend également desinitiatives et desdiligences de l’avocat dont l’intervention dans la procédure, sous sesdifférents aspects, tendà fournir aux magistratsles élémentset explica-tions nécessairesà leur réflexion et à la rédactionde leur décision.

Dans telle instanceoù les conclusionsseront claires, précises,complètes,et où les dossiers remisau tribunal, éclairés par des plaidoirieshabileset convaincantes, comporteront les preuves utiles àla conviction dujuge, celui-ci n’éprouveraaucunedifficulté à rédigersonjugement, pourpeuqu’il maîtrise les principes applicablesen matièrede composition.

Des conclusionset des plaidoiries maladroites, étayées par desdossiers insuffisants,ne pourront en revanche qu’exceptionnellementaboutir à une bonnedécision, correctementmotivée. » (2)

L’ensemble de ces considérations amène à préconiser uneformalisation plus grandede la procédure, tantau stadede l’introductionde l’instance, qu’au coursdu procès àla fois en première instance et encause d’appel.

I - L’introduction de l’instanceet la saisine de lajuridictionA - L’assignation en première instance* L’assignation doit être privilégiée, plusieurs arguments

militent en sa faveur.

Outre quele recours àla justice doit être réfléchi,le respectet l’efficacité du contradictoire imposent desactes clairs etuniformisés.

Chacun s’accorde,eneffet, à considérer que l’excessive libertéd’accès à la justice peut nuire aux intérêts desplaideurs, et qu’elleconstitueune caused’encombrementde l’institution.

L’assignation, qui oblige le demandeur à formaliser sesprétentions, apparaît particulièrement adaptée aux procédures soumi-sesau juge aux affaires familiales et au juge de l’exécution.

S’agissant dela juridiction de l’exécution, le décret n˚ 96- 1130publié au Journal officiel du 26 décembre1996, modifiant le décret du31 juillet 1992a consacré une telle évolution.

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La formalisation de la procédure quia été choisie paraîtparticulièrement adaptée au contentieux techniquede l’exécution. Lelégislateur,en adoptant desmodesde saisinesimplifiés, étaitparadoxale-ment allé au-delàde ce qui est pratiquédevantle tribunal d’instance, quia pourtant servide modèle.

En effet, les modesde saisine simplifiés, exceptionnelsdevant letribunal d’instance(déclaration au greffe limitée à la seule compétenceendernier ressort ; lettre recommandée avec avis de réception réservéeàcertains contentieuxspécifiques)étaient jursqu’à présent la règle généraledevantle juge del’exécution (article 15 du décretdu 31 juillet 1992).

En ce qui concerne le contentieux familial, et spécialementcelui de l’après-divorce, on constate que le conflit opposant lesex-époux est souvent plus psychologique que juridique, de telle sorteque l’assignation par l’intervention d’un professionnel du droit,pourrait avoir le mérite de réserver la saisine dela juridiction à deshypothèses pour lesquelles le recours à l’autorité judiciaire estréellement nécessaireou utile. L’article 1084 du nouveau Code deprocédure civile devrait être modifié en conséquence.

Bien évidemment, d’aucuns estimentqu’une telle réformepriverait les justiciables les plus impécunieuxde l’accèsau juge, bien quele coût d’une assignationn’excèdepasen principe 110francs toutes taxescomprises.

En toute hypothèse,le budgetde l’aide juridictionnelle devraitêtre adapté.

* Afin que l’assignation, au fond comme en référé, jouepleinement son double rôle de filtre et de fondement du débatcontradictoire, elle doit comporter, outre l’exposé dela demande, lesmoyens de fait et de droit à l’appui, et, en annexe, la liste des piècesjustificatives.

Il importe quedès l’introduction de l’instance, la demandeenjustice soit clairement formulée tanten fait qu’en droit.

Cetteexigence n’est pas nouvelle ; toutefois chacun s’accordepour constater que des dérives ont conduit à desactesde moins en moinslisibles, ne permettant ni au juge ni au défendeur d’appréhenderlefondementprécis des prétentions émises.

Or deux impératifsmajeurs militent pourun renforcementdel’obligation de motivation : d’unepart le recoursà l’institution judiciairedoit demeurer uneaction réfléchie, fondéesur des circonstances quilajustifient pleinement ; d’autrepart, l’adversaire doit être avertidesarmesdont on disposecontre lui. Cen’est en effet qu’en toute connaissancedecause qu’unepartie peut faire le choix de comparaîtreou non en justice,et peut élaborer une répliquequi sera la matière de ses premièresconclusionsen réponse.

Contradictionet secret sont inconciliables.

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Pour accentuer l’obligationde motiver l’assignation,il con-viendrait de compléter l’article56 du nouveauCode de procédure civilecommesuit :

Premier alinéa 2e :« L’objet de la demandeavec un exposé des moyensen fait

et en droit ».

Deuxième alinéa :« Elle comprend aussi l’indication des piècessur lesquellesla

demande est fondée.A cet effet un bordereau récapitulatif lui estannexé ».

Cettedernièremodification devrait être pareillement introduiteà l’article 57 du nouveau Codede procédure civile, relatif à la requêteconjointe.

Des hésitationssont permises quantau choix de la sanctiondecette obligation :nullité de l’assignationou irrecevabilité de la demande,sur ce point la controverse estvive.

En l’état actuel des textes, les prescriptionsde l’article 56 dunouveau Codede procédurecivile qui régit la présentationet le contenude l’assignation obéissentau régime des nullités de forme.

La réforme proposéene fait que préciseret renforcer lesexigences de cette disposition et n’appelle donc pasa priori unemodification dela portée dessanctions.

En outre, cerégime demeure techniquementplus adapté quecelui de l’irrecevabilité prévueaux articles 122 et suivantsdu nouveauCodede procédure civile, que certains préconisentd’appliquer.

En effet, si la motivation permet d’apprécier la qualitéjuridique dela demandeenjustice, sondéfautne vicie que l’acte qui doitla comporteret non l’action elle-même.

La procédure d’appelavec représentation obligatoiremériteaussi une réforme,s’agissantde la saisinede la Cour.

B - La déclaration d’appeldans la procédureavec représentation obligatoireC’est en appel que l’opacité de la procédure est la plus

marquée. Ceci s’explique dans une large mesure parla situationparticulièrement dégradéedescours, qui ont connu une augmentationdes contentieux quileur sont déférés deprès de 210% en vingt ans(1).

L’Inspection générale desservices judiciaires,constatantlesinsuffisancesdu dispositif de l’article 915 du nouveau Codede procédure

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civile, dans sarédactionissue du décretdu 20 juillet 1989, préconisedegénéraliser l’appel motivéà peine d’irrecevabilité,par transposition desrègles applicables en matièred’incidents de saisie immobilièreet desanctionnerle non respectdu délai imparti par l’article 915 à l’appelantpour conclure,par la déchéancede l’appel et non plus par la simpleradiation qui peut être rapportée.

L’irrecevabilité comme la déchéance pourraient enfin êtrerelevéesd’office par le conseillerde la miseen étatou la Cour elle-même.

La profession d’avouéa clairementfait entendre qu’une telleréforme, qui consisteraità imposer une déclaration d’appel motivée,seraitpour elleinacceptable.

De fait, il est certain quel’avoué est biensouventsaisi parlejusticiable ou son avocat dansles tout derniers joursdu délai d’exercicede la voie de recours, et qu’il lui serait donc impossible de motivercorrectement l’appel.

L’idée de l’appel motivé n’est pasnouvelle, elle futmise enavant dès1971, puis à nouveauen 1989 dans le cadre destravaux derefontede l’article 915 du nouveau Codede procédurecivile, maischaquefois abandonnéecar techniquement inadaptée.

S’il n’est pas opportun de prôner une déclaration d’appelmotivée, il convient de modifier plus largement les règles desaisinede la Cour, d’enrôlement des affaires, et de dépôt des conclusions.

En l’état actuel des textes,la procédures’articule de manièrecomplexeen trois tempsessentiels :la déclaration d’appel (article 902du nouveauCodede procédure civile)qui doit en principe intervenirdansle mois de la décision attaquée,la saisinede la Cour ensuite, parla remiseau greffe d’une demande d’inscriptionau rôle dans les deux moisde ladéclaration (article 905 du nouveauCode de procédurecivile) et enfin,le dépôt des conclusions de l’appelant dans les quatre moisde ladéclaration (article 915 du nouveauCode de procédurecivile).

A cette successionde phases correspondent des sanctionsdenature trèsdifférente : l’irrecevabilité frappe l’appeltardif, la caducitésanctionnela saisinede la Cour hors délaiet la radiation estencouruelorsque l’appelantne conclut pasdans le temps imparti.

Cette procédureà triple détenteest conceptuellement curieusedansla mesureoù la Cour peut être amenée sans avoir été régulièrementsaisieà constater l’irrecevabilitéou la caducité de l’appel (Cass. 2e Civ.25 janvier 1975et 21 octobre 1976).

En pratique, les parties sont tenues d’accomplir des formalitésinutilement démultipliées.

La radiation qui sanctionnele défaut de conclusions danslesdélais esten outre très largementjugée inadaptée ; de façon plus généralel’extrême complexité du dispositif de l’article 915 estsouvent décriée,ses dispositionsayant incontestablement donnélieu à une abondantejurisprudence.

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Dans un souci de simplicité et d’efficacité, il conviendraitde poser, en premier lieu, le principe selon lequel la déclarationd’appel saisit la Cour et emporte demande d’enrôlement, ce quisupposerait qu’une expédition du jugement attaqué soit produite dèsce premier stade de la procédure.

Il serait alorsprocédéà la distributionde l’affaire à la chambrecompétente.

Bien naturellement, l’obligation d’interjeter appel dans ledélai d’un mois à compter de la signification de la décision déféréedemeurerait sanctionnéepar l’irrecevabilité de la voie de recours.

En secondlieu, l’appelant disposerait à peine de caducitéd’un délai de quatre mois (ou cinq moisen raison du durcissementdela sanction) pour conclure.

Cette caducité pourrait être rapportée si, dansun délai àdéterminer, soit l’appelant justified’un motif légitime l’ayant empêchéde conclure, soitl’intimé manifeste savolonté de voir l’affaire tranchéeaprès clôturede l’instruction, au vu des conclusionsde première instance.

Afin de permettre l’individualisationde l’instruction, le con-seiller de la miseen état auraitle pouvoir, d’unepart, de réduire ce délaidans la limite du respect des droitsde la défense et, d’autrepart, del’augmenter dans des cas limitativementénumérés, pour tenir compte desincidences de la demande d’aide juridictionnelle ou de la pluralitéd’appelants, le délai pouvant alors courir à compter de la dernièredéclaration d’appel.

Cette facultéde modulation correspond aux solutionsdégagéesen droit positif, textuel ou prétorien(sur la prorogation dudélai en casde pluralité d’appelants - Paris, 23 août 1990).

Enfin, le textede la réforme àenvisager n’aurait pas à préciserles effets du rabat de la caducité surla force exécutoiredu jugementattaqué, dèslors que l’appel seraitpar principe privé de son effetsuspensif.

Ce schéma procédurals’inspire très largement,mais avec desnuances, despropositions faites parla Conférence des premiers présidents,dans un même souci de « ramasser »la procédure et de rendrecelle-ciplus efficace.

Les premiers présidents ontpréconiséde faire correspondrelasaisinede la juridiction avec le dépôt des conclusionsde l’appelant quidevrait intervenirdansun délai de trois moiset nonplus de quatre mois.

Un tel dispositif peut paraître trop sévèredès lors qu’ilcombineun raccourcissementdu délai pour conclureet la sanctionde lacaducité dontla portée est plus radicale quela simple radiation.

La réforme qui est proposéedoit être strictement circons-crite à la procédure civile avec représentation obligatoire. Elle

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supposerait une refonte des articles 902 à 915 du nouveau Code deprocédure civile.

Mais la réformedoit êtreplus largeet couvrir le déroulementmêmede la procédure d’instruction, tanten premièreinstancequ’en appel.

II - Le déroulementde la procédure d’instruction

A ce titre doivent être envisagées d’une partla modificationdes règles applicablestant au tribunal de grande instancequ’à la courd’appel et d’autre part une adaptation desprocédurespropres à chaquejuridiction.

A - Une réforme de la procédured’instruction de portée générale

* A l’instar de l’exigence posée pour l’assignation quiintroduit l’instance et qui vaut conclusions, une plus grande formali-sation des écritures paraît devoir être préconiséeen cours d’instance.

Ainsi que le relève M. le premier présidentPierre ESTOUP,les conclusionsen cascade, « que certains multiplient comme à plaisir,ont généralement pour effetd’obscurcir et d’affaiblir lesthèses quiavaientété exposées clairementau départ et de compliquer la tâche du juge enl’astreignantà des lecturesfastidieuses. Ellessont par ailleursun facteurde ralentissement importantde l’instruction des dossiers,en mêmetempsqu’une cause d’enchérissement ducoût desprocédures »(1).

« On retiendra donc commerègle générale que"conclusionsitératives sur conclusions itératives nevalent", et que la qualité etl’efficacité des écritures varient, àde rares exceptionsprès, en proportioninverse deleur multiplication et de leur volume »(2).

« L’idéal serait donc des’abstenirde conclureplus de deux foisdans la même affaire.C’est souventle cas devantla cour d’appel,mais iln’est pas rare, devantle tribunal de grande instance ou devant les juridictionsd’exception,de voir les partiesconclure quatreà cinq fois chacune »(3).

« En effet, les conclusions sont d’autantplus claires etefficaces qu’ellesne sont pas éparpillées dans desactes multiples,maisau contraire rassembléesdans un document unique, éventuellementcomplété par des écritures faisant réponse auxconclusionsultérieuresdel’adversaire »(4).

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La Chancellerie, sensibleà ces considérations, dans unecirculaire n˚83-06 du 2 août 1983, préconisait «de mettreen oeuvretoutce qui est de nature à faciliter la tâche tant desmagistrats que desauxiliairesde justice dansl’intérêt du justiciable » et recommandaità cetégard le développementde la pratique des conclusions récapitulativesenrelevant que « rienne s’oppose dansle nouveau Codede procédure civileà une telle pratique, qui estd’ailleurs mise en oeuvre avec succèsdanscertains ressorts ».

Toutefois, ainsi que le constatela Conférence des premiersprésidents, cette techniquede présentation des écritures demeureencoretrop marginale, même en appel, et ce malgré la faculté offerte auconseiller de la mise en état, par l’article 954 alinéa 2 du nouveau Codede procédure civile, d’inviter l’avoué «à récapituler les moyens quiauraient été successivementprésentés», les moyensqui ne l’auraient pasété étant regardés comme abandonnés.

Indépendammentdu manquede lisibilité de jeux de conclu-sions multiples,il est permisde déplorer l’insuffisance dans lesécrituresdu raisonnement juridique.

Partant de ce double constat, il convient de réglementerdemanière plus précisela présentation formelle desconclusionset desdossiers des plaideurs.Une telle évolution constitueunepriorité aux yeuxde la Conférence des premiers présidents.

A l’image de l’assignation, chaque jeu d’écrituresdoit êtrestructuré en deux parties : un dispositif qui fixe l’objet de lademande, et un énoncé des motifs comportant pour chacune desprétentions, l’exposédes faits, des moyens de preuve et de la règle dedroit, avec en annexe un bordereau des pièces visées.

Mais pour la bonne intelligibilité des conclusions, l’exposédes faits et l’énoncé de la règle de droit invoquée ne doivent pasêtreun simple catalogue ;les différents éléments du raisonnement juridi-que doivent être mis en corrélation.

C’est pour l’ensemble de cesconsidérations qu’il convient deposer clairement dans les textes l’exigence de conclusions qualificatives.

Ce dispositif serait sanctionné par les pouvoirs habituelsque le juge de la mise en état tient des articles 780et 781 du nouveauCode de procédure civile.

A défaut pour l’une des parties deconclure valablement,lejuge pourrait ordonner la clôture de l’instruction et le renvoi devantletribunal, afin que l’affaire soit jugée en l’état aux risques et périls dudéfaillant (article 780 du nouveau Code deprocédure civile).

Si l’ensemble des partiess’abstenaitde produire desconclu-sions qualificatives,l’affaire serait radiée(article 781 du nouveau Codede procédure civile).

La rigueur de ces sanctions serait tempérée parla régularisa-tion préalablede la procédure ordonnée parle juge.

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L’article 765 du nouveau Codede procédurecivile pourraitêtre complétéà cette fin.

Mais il ne suffit pasde clarifier la présentationde chaquejeud’écritures, encorefaut-il favoriser la synthèse desdemandeset desmoyens présentéssuccessivement, dans plusieurs conclusions.

Les parties devraient ainsi, au terme de la procédured’instruction, produire des conclusions récapitulatives, bornant clai-rement l’objet du litige, et délimitant de manière définitive l’étenduede la saisine du juge.

En l’état actuel des textes,la récapitulation n’est prévue quedevantla cour d’appel(article 954 du nouveau Code deprocédure civile),et les parties ne sont tenues de récapituler leurs prétentions qu’àlademandede la juridiction.

Ce dispositif devrait être systématiséet étendu à l’ensembledes juridictions, du moins lorsque la procédure est écrite, et quelejusticiable produit plus d’un jeu de conclusions.

S’agissant dela sanction decette obligation, il conviendraitde poser le principe selon lequel les demandes et les moyens nonrécapitulés sont réputés abandonnés.

Le juge qui aurait pleinement statuéau vu des conclusionsrécapitulatives ou,à défaut, du dernier jeu d’écritures articulant unedemande nouvellene pourrait se voir reprocherd’avoir statuéinfra petitaet d’avoir omisde répondre àconclusions.

Au cours de cette phased’instruction, l’obligation faite auxparties d’échanger, des conclusions qualificatives,mais aussi derécapituler les moyens successivement présentés donnera sapleinemesure au principe du contradictoire. Ce principe sera conforté parl’obligation d’annexer à chaque jeu d’écritures la liste des piècesjustificatives et par la remise des dossiers avantl’audience desplaidoiries, laquelle pourrait donner lieu à un échange, sousforme dequestions-réponses.

Toutefois, les nouvelles exigencesde présentation desconclu-sions (conclusions qualificatives etrécapitulatives) paraissent devoirêtrestrictement circonscrites auxprocédures écrites(procédures ordinairesdevant le tribunal de grande instanceet la cour d’appel). En effet, lesplaideurs lorsqu’ilsne sont pastenus de conclure, ne doivent pasêtredissuadésde le faire par un régime procédural troprigoureux,au risqued’appauvrir le débatjudiciaire.

Au demeurant. siles conclusions ne sont pas obligatoiresdevantle tribunal d’instance, ellesn’en demeurent pas moinssouhaitables,notamment pour certainscontentieux. Un juge d’instance peut-il demanière satisfaisantetraiter une action possessoirecomplexe,sans dispo-ser de conclusions ?

Au-delà de ces considérations, l’expertise mérite une attentionparticulière.

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* Comme le souligne à juste titre la circulaire n˚ 83-06 du2 août 1983, « l’une des causes des lenteurs de la justice doit êtrerecherchée dans les retards engendrés par les expertisesainsi que dansl’insuffisance du contrôle de celles-ci».

Cette mesured’instruction esten outre un facteur indéniablede renchérissementdu coût des procédures.

Enfin, et de manière plussubjective,le recoursà l’expert estsouvent perçucommeune « démission »du juge confronté à l’imbricationcroissanteet complexedu droit et de la technique.

En réalité le rôle du juge au coursde l’expertise n’estpaspassif.

L’expertise judiciaire, partie intégrante de l’instance,ne s’endétache pas, l’expert ne dessaisit pasle juge. Les règlesapplicables àl’expertise judiciaire sont dérivéesde celles qui s’appliquentau jugelui-même. Et c’est pourquoi le nouveau Codede procédure civileposeleprincipe quela mesure d’instruction est exécutée sousle contrôledu jugequi l’a ordonnée(article 155 du nouveau Codede procédure civile).

Toutefois, de l’avis unanime des magistrats et praticiensconsultés, des mesuressimples, conformesà l’esprit du nouveau Codede procédure civile, pourraient sensiblement améliorerle régime del’expertise, pour en accélérer le déroulement et en réduire le coût.

La réforme qu’il convient d’engager à ce titre devraitcomporter deux volets, le premier d’organisation, le second deprocédure.

a) Organisation :

- A l’instar de ce qui est pratiqué dans certainesjuridictionsimportantes,il apparaît souhaitable d’encourager dansles textes le dévelop-pement de l’institution du juge chargé du contrôle des expertises.

Cette mesureprésente l’avantagede supprimerles difficultésliées à la recherche du magistratcompétent auxquelles sont confrontésjusticiableset technicienset de centraliserles connaissanceset informa-tions relatives notammentà la techniquede l’expertise,aux besoinsde lajuridiction en experts,par spécialité ainsiqu’aux qualités individuellesdes techniciens.

Elle permeten outre d’harmoniserla stratégiede la juridictionen matière d’expertise,de rationaliser la gestion administrativedesdossierset de permettreun traitement plusimmédiat des incidents deprocédure liés à l’expertise.

Bien évidemment, l’institutiondu juge de contrôle ne doit pasêtre opéréede manière mécaniquedans l’ensemble des juridictions.

Ce système doit être souple et adapté à la taille et auxbesoins des tribunaux.

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Son adoptiondevrait être commandéepar le souci d’une bonneadministrationde la justice et laisséeà l’appréciationdes chefsdejuridiction(décision du Présidentaprès avisdu Procureur de la République).

- A l’échelon de la cour d’appel, le rôle coordonnateurduPremier Présidentou du conseillerdéléguéà cet effet doit être développé.

Ce magistrat, en liaison avecle parquet général etlescompagnies d’experts, doiten effet être chargé desquestions relativesaurecrutement des experts,à la mise enoeuvre des sanctions etau contrôledes expertises ordonnées par les juridictionsdu ressort.

Dans un souci d’une meilleure maîtrise des frais de justice,c’est au stadede la Cour qu’une harmonisation des pratiques en matièrede fixation de la rétribution des experts, du moins pour les spécialitésles plus sollicitées (expertise médicale...), peut être encouragée.

b) La Procédure :

Les mesures d’ordreprocédural qu’il convient d’envisagerdoivent tendreà une meilleure maîtrise des délais,et du régime financierde l’expertise.

S’agissant dela maîtrise des délais l’on pourrait préconiserd’institutionnaliser en tant que de besoin une réunion de calendrieren présence dujuge, du technicien et des plaideurs.

La Fédération nationaledes compagnies d’experts judiciairesestime quela mesurene se justifie quepour les affaires d’une certainecomplexité et ne présente d’intérêt quesi elle précèdela définition de lamission d’expertise.

Mais trop souvent le déroulement des opérations d’expertisese trouve entravé parla remise tardiveautechnicien des pièces nécessairesà ses investigations.

Productionet communication mériteraient d’êtremieux enca-drées afinde lutter efficacement contrece facteur notablede ralentisse-ment des procédures.A cet égard,certains proposent quele non-respectde l’injonction délivrée parle juge en vertu de l’article 275 du nouveauCode de procédurecivile soit sanctionné par l’impossibilitéde produirela pièce dans le cadre du litige.

D’aucuns ont préconisé l’instauration d’un régime d’astreintesanctionnant l’expert qui,sanscauselégitime, aurait déposétardivementson rapport.Ce dispositif paraît excessifet se heurteà l’opposition de laFédération nationale descompagnies d’experts judiciaires, qui redoutenotamment une dégradation des relations entrele juge et l’expert.

Sans doute est-il plus judicieux de sanctionner le dépôttardif par une minoration de la rémunération de l’expert, si le retardpeut lui être imputé.

Au titre des aspects financiers de l’expertise,il convient enpremier lieu d’introduire la possibilité pour le juge d’accorder une

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provision ad litem à la partie qui supporte la charge dela consignationdes sommesà valoir sur les frais de la mesure d’instruction.

En pratique,le juge qui ordonne l’expertise imposeau plaideurqui la sollicite la chargede cette consignation dansun souci d’efficacitéafin que l’instruction ne puisseêtre entravéepar l’abstention de l’adver-saire qui, souvent, parhypothèse, n’a pas intérêtau bon déroulementdela mesure.

Mais le systèmede la provision ad litem présentele mérited’atténuer la rigueur économiquede cette logiquetout en préservantl’efficacité de la consignation, qui doiten principe demeurerà la chargede celui qui demandela mesure.

Enfin un lien doit être plus clairement établi entrela valeurdu travail de l’expert etle montant de sa rémunération.

Les textes doivent expressément permettreau juge taxateurde minorer les honoraires du technicien lorsquele travail fourni nedonne objectivement pas satisfaction, que saqualité intrinsèque soitinsuffisante ou sa réalisation tardive.

La Fédération nationale des compagnies d’experts judicairesn’est pas opposéeau principe de cette mesure mais estime, dansun soucide transparence, quele juge qui envisagede réduire la rétribution devraitsolliciter préalablementles explicationsde l’expert.

Cette exigence jusquelà jurisprudentielle mériterait d’êtreconsacréedans le nouveau Codede procédure civile.

La situation des juridictions civiles dedroit commun,particu-lièrement obérée, justifie des mesures spécifiquesà chacune d’elles.

B - Une adaptation d e s procéduresdevant le tribunal de grande ins tanceet devant la cour d’appelLa réforme d’organisationdu tribunal de grande instance

commande une adaptation des règlesde la procédurede mise en état.

L’engorgement des cours inciteà poser une nouvellefois laquestionde l’effet dévolutif de l’appel et de l’économie de cette voie derecours :réformation ou achèvementdu litige.

* Les carences de la procédure de mise en état ont déjàété soulignées ;elle est en fait une phase indifférenciée et mécaniquependant laquelle on se borne à faire « circuler » les dossierssanspréparer réellement leur jugement.

Plusieurs mesures peuvent être envisagées pourdynami-ser l’instruction afin qu’elle devienne un véritable processus deperfectionnement.

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Deux points essentiels méritent d’être réformés, l’orientationdes dossiersen amontde la procédureet l’étendue des pouvoirsdu jugede la mise en état.

a) S’agissantdu premier point, la distinction entrela confé-rencedu présidentet la mise en état esten pratique artificielle.

La conférence, quia été conçuecomme une phased’orienta-tion permettantde déterminerle circuit adaptéà l’affaire, tend à devenirune phased’instruction. Le président empièteainsi sur les pouvoirsdujuge de la mise en état, phase désormais perçuecomme un facteur deralentissement.

L’introduction du juge unique accentue l’inadaptation dece dispositif, nécessairement appelé à disparaître au profit d’unsystème pluscohérent.

Après placementde l’assignation, le président distribueraitl’affaire à la chambrecompétente, sansautre formalité.

Il appartiendrait alors au président de la chambre dedésigner un juge pour connaître du dossier, du moins lorsque lejugement en collégialité n’est pas dedroit.

Enfin, le juge désigné fixerait par ordonnance la date dela première audienceà laquelle serait évoquéel’affaire ; cette dernièreserait alors orientéesur la procédure de mise en état, ou jugée lorsqueles conditions fixées par l’article 760 du nouveauCode de procédurecivile sont d’ores et déjà réunies (affaire en état ou défendeurdéfaillant) et que les parties ou le juge n’entendent passoumettre laconnaissance du litigeà la formation collégiale.

Lorsque la collégialité est dedroit, il reviendrait au présidentde chambre d’arrêterla date d’audienceet de choisirle circuit procéduraladapté.

Dans tous les cas, la première audience devrait intervenirdans un délai qui ne pourrait excéder trois mois à compter de lasaisine du tribunal.

b) Afin que les incidents purement procéduraux puissentêtrepurgés dèsla phased’instructiondu dossieril apparaît opportun d’étendreles pouvoirs reconnusau juge de la mise en état par l’article 771 dunouveau Code de procédure civile.

En l’état actuel du texte,il ne lui appartient pas de trancherl’ensemble des exceptionsde procédure, seules les exceptionsdilatoireset de nullité pour vice de forme relèvent de ses attributions. Lesexceptions d’incompétence,de litispendanceet de connexité ainsi que lesnullités de procédure pour vicede fond sont en effet nécessairementportées à la connaissancede la formation de jugement.

La réforme pourrait consister à reconnaître une compé-tence de principe au juge de la mise en état pour statuer surl’ensemble des exceptions de procédure.

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Ce seraitau termede cette instruction rendue plusdynamiqueet plus individualisée,au moment de la clôture de cette première phasede la procédure, quele juge ou le plaideur auraitla faculté de soumettre,si le besoin s’en fait ressentir,la connaissancedu litige à une formationcollégiale de jugement, lorsque bien évidemmentcette orientation n’estpas imposée parles textes.

Au-delà de ces réformes, il serait souhaitahle quedans lespratiques du palais, la procédure de mise en état soit adaptée auxcontraintes de notre époque. On ne dira jamais assez que, dans unsouci d’une bonne administration de la justice, clôture de l’instructionet audience de plaidoiries doivent intervenir dans un intervalle detemps raisonnable.

Si le jugement mérite un cérémonial solennel l’instructionnécessite plutôt un travail de cabinet qui facilitera le dialoguepermanent entre le juge et les auxiliaires de justice avec l’aide dugreffier et des assistants de justice.

Gageons qu’une réforme des texteset une évolution despratiques permettrontau juge en chargedu dossier d’êtrepleinementetactivement responsablede son devenir.

Il sera dès lors plus aisé d’imprimer au dossier sonrythmepropre et l’affaire arriveraà l’audience véritablementen état d’être jugée.

L’instruction complète des affaires pourra ainsise faire enpremière instance, commeil se doit, afin quele jugement puisse mettreun point final au litige, comme cela est souhaitable.

L’objectif, il n’est pasinutile de le rappeler,est d’importance,à une époqueoù il convient de briser le cercle vicieux qui tendà fairede la procédure engagéedevant les juridictions du premierdegré un« galop d’essai judiciaire »avant que les chosesne soient approfondiesen appel, avecle gaspillageen tempset en énergie quel’on sait.

Si, dans cette perspective pragmatique, l’instructiondoit deve-nir le temps fortde la procédure, l’importancede la solennité des débatsà l’audience de plaidoiries ne doit pas être méconnue. Ilen est toutspécialementainsi pour les affaires qui présentent une valeur symboliquecertaine.

D’aucunsdéplorent qu’actuellement, certains contentieuxde laresponsabilité,les plus graves,on songe spécialement aux catastrophescollectivesou aux problèmesde santé publique, reçoiventtrop souventun traitement exclusivementpénalqui présente pourles victimes le méritede poursuivre une double finalitétout à la fois indemnitaire et d’exem-plarité, au terme d’une procédurepeu coûteuse qui s’appuie surle rôlemoteurdu ministère public.

Pour ouvrir de manière effective une voie parallèle, extra-pénale, la procédure civile doit être rendue non seulement plusdynamique et efficace mais aussi se voir reconnaître une portée plussymbolique et normative.

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A cet égard, la faculté laisséeau juge et surtout aux partiesde recourir àla collégialité prend tout sonsens.

Nous ne savons pas toujours donner assezde solennité àcertains dossiers quipeuvent nécessiter «un déploiementde l’institutionjudiciaire » (1).

Mais, il s’agit là plus d’unequestionde pratique quede textecar notre procédure civilemet déjà à la dispositiondesjuges tout l’arsenalnécessaire pourtransformerune audiencede plaidoiries classiqueen undébatde grande portée.

* Cette dérive pose la question de l’effet dévolutif del’appel tel qu’il est conçu en droit positif.

Ne convient-il pasde mettreun termeà un trop grandlaxismedes texteset de la jurisprudence qui.en définitive, aboutit à permettreaux partiesde soumettreau juge d’appel des élémentsde fait et de droitqui ne furent pas invoquésdevant le premierjuge ?

Certesen principe les demandes nouvelles sontprohibées encause d’appel sauf exceptions(article 564du nouveau Code de procédurecivile).

Mais on sait à quel point ces exceptions (demandes encompensation, prétentions tendant à faire écarter les demandes adversesou à faire juger les questionsnées de l’intervention d’un tiers ou d’unfait nouveau, prétentions ayantle même objet maisunfondement différent,demandes reconventionnelles)sont entendues demanière « libérale » parla jurisprudence.

Pour justifier la règle et ses dérogationson invoque la missionde la cour d’appelqui n’est pas simplementde réformation, mais aussid’achèvement.

Cette double conception apparemment paradoxaleest en réalitélégitime. Elle se fonde surle souci non seulement de permettre laréformationou la censurede jugements imparfaitsmais ausside parvenir,dans l’intérêt desjusticiables, à mettre un terme définitif au litigeprisdans toutes ses composantes qui ont puévoluer avecle temps.

L’appel, dans sa dimensionde voie d’achèvementne peut êtreabandonnéde manière radicaletant que l’autoritéjudiciaire ne sera pasparvenueà traiter le contentieux dansun délai suffisammentbref évitantau litige de se « métastaser ».

Il convient donc de rechercher une solution médiane quipourrait consister, non pas en un bouleversement des règles de fondrégissant l’admission des demandes nouvellesen appel, mais en unrenforcement des sanctions du principe énoncé par l’article 564 dunouveau Code de procédure civile.

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C’est dans cette ligne quela Conférencedes premiers prési-dentsproposede conférer au juge d’appelle pouvoir de relever d’officel’irrecevabilité des demandes nouvellesprésentéesen méconnaissanceduprincipe de l’article 564 précité,cette dispositions’appliquant égalementà l’irrecevabilité des demandes reconventionnellesne se rattachant paspar un lien suffisantaux prétentions originaires(article 567 du nouveauCode procédurecivile).

En l’état actuel destextes,la cour d’appelne dispose pasdece pouvoir et les partiesenpratique invoquent rarementle moyendedroittiré de l’irrecevabilité desprétentions nouvelles.On mesure doncla portéede la réforme proposéequi, au demeurant, rencontreun écho favorableauprès desparlementaires(1).

Si l’on peut raisonnablement estimerqu’il convient deconser-ver la conception actuellede l’appel, voie d’achèvementautant quederéformation et de ne pas bouleverser notrecodede procédure, l’approchene peut pas êtrela même s’agissant d’un litige déjà jugéen premièreinstanceet ayant donné lieuà une décision d’appel soumise au contrôlede la Cour de cassation.

En effet, il est inadmissible qu’aprèscinq, six ou sept ans deprocédure, voire plus,on vienne présenter devantla Cour de renvoi uneargumentation qui n’avait jusqu’alors jamaisété développéeet que l’arrêtpar lequel il est répondu à ces nouveaux moyens puissedonner lieu à unsecondpourvoi.

Ces procédures,dans lesquelles certaines partiesmodifientcomplètement leur stratégie procédurale devantla Cour de renvoi,deviennent parfois inextricables.

Il apparaît donc nécessairede poser le principe de l’interdic-tion des nouveauxmoyens et des nouvellespièces dans les procéduresqui viennent devantla cour d’appel sur renvoi aprèscassation.

La réforme préconiséenotamment par la Conférence despremiersprésidents pourraitconsisteren une modification des articles 632et 563 du nouveauCodede procédurecivile.

La Cour de renvoi devrait se prononcer au vu des conclu-sions et des pièces communiquées devantla juridiction de premièreinstance ou devant la cour d’appel dont l’arrêt a été censuré.

Aucun moyen nouveau ne pourrait être invoqué, aucunepièce nouvelle ne pourrait être produite, aucune preuve nouvelle nepourrait être proposée.

Cependant les parties auraient la possibilité de concluresur le bien-fondé et sur la portée de la cassation, que celle-ci soittotale ou partielle, et de développer seulementles moyens de fait oude droit directement liés à cette cassation.

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Par ailleurs, aucune demande nouvelle ne serait autoriséeaprès renvoi de cassation, si ce n’est celles qui sont la conséquenceou le complément indissociable de celles déjà soumises à la courd’appel dont la décision a été cassée.

L’article 635 du nouveau Codede procédurecivile, qui prévoitl’intervention des tiers, devrait aussiêtre modifié. Lesseules partiesadmisesà intervenir seraient celles viséesà l’article 636 du nouveau Codede procédurecivile, c’est-à-dire cellesqui, ayantété parties à l’instancedevantla juridiction dont la décision a été cassée,ne l’ont pas étédevantla Cour de cassation.La Cour de renvoi conserverait cependantla facultéd’ordonner l’intervention forcée d’une personne physiqueou moraledanstous les casoù sa présence dans l’instance apparaîtrait indispensable pourdonner sa solutionau litige.

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Chapitre VII

Le jugementet son exécution

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La vocation première de l’instance est de permettre larésolution définitive du litige. La procédure ne doit pas être conçuecomme unefin en soi, mais comme un outil de réalisation des droits,qui trouve sa pleine expressiondans le jugement.

La nouvelle procédured’instruction des affaires civilesdoitavoir pour conséquencenaturelle une évolution positivedu contenu et,par là-même,de l’autorité du jugement.

Sûretédu droit et crédibilité de la justice commandenten outreune réflexion sur l’effectivité du jugement et un renforcementde soncaractère exécutoire.

I Un jugementà l’autorité renforcée

Le juge a la haute mission de trancher. C’est en tranchantle litige dansle respect des principesdirecteursdu procèsqu’il accomplitson office, qu’il trouve sa raison d’être, enun mot qu’il exerceson artjuridique et judiciaire.

Plus encorequ’à un autre moment, c’esten prononçant sadécision qu’il estle plus responsable.

C’est pourquoi les dérives(jugements nonmotivés, délibéréssans cesse prolongés, réouvertures des débatssuperflues), même si elless’expliquent parla conjonction de nombreux facteurs défavorables(en-combrement de l’institution, instruction purement formelle, défaut deformation), sont insupportableset doivent être proscrites.

A - Un jugement plus simpledans sa présentation et mieux motivéLe jugement constitue l’aboutissement concretdu processusde

maturation qu’estle procès ; sa qualitédépendde celle de l’instructionet du concours qu’yapportentles auxiliairesde justice.

La documentation Française :

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L’instruction individualisée des affaires, le dépôt de con-clusions qualificatives, et, le cas échéant, récapitulatives (1), sontautant de mesures qui permettront d’alléger plus encore la partie dujugement consacrée aux prétentions et moyens des parties,au profitd’un approfondissement de la motivation juridique, et de la rédactiond’un « par ces motifs » techniquement plus parfait, avec une autoritéde chosejugée concrètement renforcée.

Il est un fait quela pratique judiciaire gagneraità faire preuvede plus de synthèse.

Si la démarche démonstrativede l’avocat a tendanceà seperdre dans des conclusions longues, multipleset éparses,le juge passequant à lui un temps considérableà rédiger un exorde souvent inutilementdéveloppé et une motivation quine va pas toujoursà l’essentiel.

Avec une meilleure « reproduction » du syllogisme judi-ciaire, la décision perdra de son opacité et verra sa force depersuasion accrue. Comme le relève M. Pierre MAZEAUD, Présidentde la Commission des lois de l’Assemblée nationale, « le langagejudiciaire doit être rendu plus accessibletant au niveau du vocabu-laire que de la mise en forme ».

Le juge doit juger, c’est-à-dire trancherle litige (dispositif)après avoir exposéles raisons de son choix (motifs). C’est là l’acteessentiel. Certes,il fonde son raisonnement sur lesdemandes et lesmoyenset doit respecterstrictementla prohibition fondamentalede l’ultraet de l’infra petita, mais il ne doit pas se livrer à des développementsinutiles.

Car commele souligneM. le professeur RogerPERROT, avecle sens dela formule qui lui est propre, « les juges sont faits pourréfléchiret non point pour perdreleur tempsà dresser des constats ! ».

L’on doit en conséquence s’interrogersur une refonte del’article 455 du nouveau Codede procédurecivile ainsi libellé :

« Le jugement doitexposer succinctement lesprétentionsrespectives des partieset leurs moyens ;il doit être motivé.

Le jugement énoncela décision sousforme de dispositif ».

* S’agissant desprétentions respectives des partieset deleurs moyens, leur exposé doit être réduit àce qui est strictementnécessaireet il conviendraitdans la mesuredu possible d’en déchargerle juge.

Déjà l’article 455 précité se borneà exiger un exposésuccinctdes positions respectives des parties.

Pour allégerla tâchedu juge en ce qu’elle a de superflu, deuxséries de mesures peuvent êtreenvisagées :

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- la première relèvede la pratique ; les assistantsde justice, récemmentinstitués, pourraient sevoir confier la tâche de rédiger cette partiedujugement, sousle contrôledu magistrat ;- la seconde supposerait une modification de l’article 455.Le juge severrait reconnaître la faculté d’exposer les prétentionset moyens desparties en se référant à leurs écritures ou en les visant.

Ce procédé peut faire penserà l’ancien système des « quali-tés » abandonnéen 1958. Il s’en démarque toutefoisde manièrepositive,car l’exigencede conclusions qualificativeset récapitulatives(1) garantiraà l’exorde un caractère synthétiqueet pertinent qui faisait naguère défaut.

Il résulte des consultations entreprises que cette mesuredevrait rencontrer un écho favorable parmi les professionnels du droit.

* En ce qui concerne la motivation proprement dite.

Comme le soulignela Conférence des premiers présidents «ilne saurait être transigé sur l’exigencede motivation (qui est) un desfacteursde la qualité de la production judiciaire». Elle constitueun droitpour le justiciable en ce qu’elle manifestela rationalité de la décision.

La motivation est en outre ce qui déterminele justiciable quin’a pas pleinement obtenu satisfactionà exercer ou non les voies derecours qui lui sont ouvertes.

De même, elle permet àla juridiction supérieured’exercersoncontrôle.

Certains proposent unemotivation différée des décisions à lademande des partiesou en cas d’exercice d’unevoie de recours.

Mais le procès étanttoujours à l’origine d’une frustration,ilest à craindre que ces demandes de motivation ne soient systématiquesetque l’exercice des voiesde recoursne se multiplie, ne serait-ce qu’à titreconservatoire.

Enfin et surtout, unjuge qui nemotiverait pas ses décisionsne remplirait pas son office et perdraitson âme, en cessantd’accomplirsa missionde pacification par l’applicationdu droit.

Qu’est-ce qu’appliquerle droit lorsqu’on ne rend pas comptede son raisonnement juridique?

Toutefois, «la motivation fleuve » purement analytique est unechose, la motivation synthétique, pertinenteet convaincante enest uneautre.

La Cour de cassation, dansle cadre de son contrôle ditdisciplinaire, l’a très bien admis puisqu’ellepermet au juge du fond dene pas suivreles parties dans tousles détailsde leur argumentation. Selonla terminologie habituellede la Cour suprême, l’argument sedistinguedumoyen en ce qu’il n’est pas juridiquement décisif.

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La Cour de cassations’est cependanttoujours gardée denuancer l’obligationde répondreà l’ensembledes moyens invoqués.

Un juste équilibre doit être recherché. Si le juge doittoujours se voir imposer l’obligation de répondre à l’ensemble desmoyens, une différence de degré dans son raisonnement doit êtreintroduite.

Les motifs retenus pour asseoir la décision devraient êtrepleinement développés ;en revanche, il pourrait être répondu plussuccinctement aux moyens écartés.

Ce dispositif permettrait tout à la fois d’alléger le travailrédactionneldu magistratet d’éviter un développementdu contentieuxdudéfaut de réponseà conclusions.

L’article 455 du nouveau code de procédure civile pourraitêtre ainsi rédigé :

« Le jugement doit exposer succinctement les prétentionsrespectives des parties et leurs moyens, le cas échéant par simpleréférence à leurs écritures annexées.

Le jugement doit être motivé par les seuls moyensdenature à justifier la décision et répondre succinctement aux moyensqui sont écartés.

Il énonce la décision sous forme de dispositif ».

L’arrêt d’appel doitobéir aux mêmes règles ;les magistratsdecours d’appel n’ont pas vocationà refaire un jugement satisfaisant, ilsdoivent s’attacher à réformerles jugements imparfaits.Chaque fois quecela s’avère possible, ils doivent adopter purement et simplement lesmotifs du premierjuge.

Il faut permettre aux cours d’appel de motiver leurs arrêtspar adoption expressedes motifs des décisions qui leur sont déférées.Le travail des magistrats s’en trouverait ainsi allégé.

Toutefois les textes ne peuvent être qu’incitatifs et nondirectifs, il ne peut être question d’imposer une technique de motiva-tion sans porter atteinte à la liberté du juge.

En outre, la règle actuellementposée parl’article 955 dunouveauCode de procédurecivile, qui dispose que « lorsqu’elle confirmeun jugement, la Cour estréputée avoir adopté lesmotifs de cejugementqui ne sont pas contraires aux siens», doit être préservéeet mise encorrélation.

Cette règle, commele souligneM. Yvan ZAKINE Présidentde la deuxième Chambre civilede la Cour de cassation, donne entièresatisfaction, car elle permetà la Cour suprême d’éviterla censure d’arrêtsd’appel qui, complétés parles motifs non contredits des premiers juges,peuvent échapperà la cassation.

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Si le juge d’appeldevait expressément adopter les motifsdujugementdéféréqu’il entendreprendre,il manqueraità son office en nele faisant pas.Une telle exigence rendrait impossiblede tirer de sonSilence une adoption implicite,mêmeen cas de confirmation.

L’ensemble de ces considérations amènent à proposer unenouvelle rédactionde l’article 955 du nouveau Codede procédure civileselon les termessuivants :

« La Cour peut adopter les motifs du jugement qui lui estdéféré, ens’y référant de manière expresse dans son arrêt.

Lorsqu’elle confirme un jugement, la Cour est réputéeavoiradopté les motifs de ce jugement qui ne sont pas contraires aux siens».

B - Un jugement rendudans un délai raisonnableIl ne suffit pas qu’un jugementsoit correctement motivéencore

faut-il qu’il soit rendudansun délai raisonnableou dumoins àla datefixée.

Les renvois multipleset le prononcéde décisions non dactylo-graphiéessont perçuspar le justiciable commeun déni dejustice. Ils priventla phase judiciairede toute certitudeet nuisentà l’imperium du juge.

Une réflexion doit dès lors êtremenée pour mettre finà cespratiques abusiveset rétablir par là-même la nécessaire confiance qui doitrégnerentre le juge et le justiciable.

Certains proposentde prévoir un mécanismede dessaisisse-ment du juge qui n’aurait pasrendu sa décisiondansun délai donné. Unetelle mesure devraitêtre envisagéeavec prudence et s’inscrire dans uneapproche plus globaledu fonctionnementde l’institution judiciaire.

Si ce mécanisme reçoitapplication dans certainssystèmesdedroit étrangers etnotamment en Belgique(dessaisissementdu juge par lePremier Présidentde la Cour de cassationen cas de délibéré deplus desix mois), on en trouve des illustrations ponctuelles dans notre droit ducontentieuxadministratif.

En effet, en contentieux électoral, ainsi qu’enmatière dedémissiond’office de certains élus locaux,le tribunal administratif estdessaisi au profitdu Conseil d’État, fauted’avoir statuédans les délaisimpartis. Mais ces exemplesde droit public, au demeurant isolés,ne sontsansdoute pas pertinentsen droit judiciaire privé. Cesmécanismesdedessaisissement répondenten pratique àdesnécessités liéesaux caractèresd’ordre public et d’urgence qui s’attachentà ce type de contentieux.

Il convient, en outre, de ne pas oublier quele Conseil d’Étatfut la juridiction administrativedu premier degréde droit commun jusqu’àla réforme de 1953.Le dessaisissementdu tribunal administratif, devenudepuis lors juridiction de droit commun,au profit du Conseil d’État estla signature dece passéhistorique.

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En droit judiciaire privé, ces considérationsne sont pastransposables. Quelles conséquences pourrait-on attacherau dessaisisse-ment du juge ?

Un « dessaisissementcirculaire » auprofit d’une autrejuridic-tion du mêmedegréne serait-il pasune atteinteà l’indépendancedu jugeet à l’accès au juge naturel ?

Un transfert du contentieuxau profit d’une juridiction supé-rieure ne porterait-il pas atteinteau principe du double examen ?N’entraînerait-il pasun engorgement des cours par l’applicationde lathéorie desdominos ?

Les parties subiraient nécessairementles désagrémentsd’unetelle réforme quine paraît pasdevoir être suiviedans l’immédiat.

Une conception réaffirmée du jugement réfléchi et motivédevrait, en revanche, renforcer sa vertu persuasive et constituerl’assise de son effectivité.A cet égard, l’obtention de l’expéditionrevêtue de la formule exécutoire doit intervenir le jour même duprononcé de la décision. Une modification de l’article 502 du nouveauCode de procédure civile devrait être opéréeen cesens.

I I - Un jugement exécutoireà l’effectivité renforcée

L’effectivité des décisions de justice estla condition durespect de l’autorité judiciaire et de la sécurité juridique. Une bonneet prompte exécution des jugements (qui représentent 86% desdécisions judiciaires) constitue le fondement de la crédibilité de lajustice.

Les auteursdu nouveau Codede procédure civile sesontinscrits dans cette perspective.Leur conceptionhumanisteet volontaristede la procédure(1), parfaitement traduite parle dernier paragraphe durapport au Premier ministre dudécret du 9septembre1971(2) « l’instru-ment offert (....) ne sera pleinement satisfaisant quesi (....) les hommesveulent bien utiliser lespossibilités qu’il offre », a été bouleversée parl’évolution de la société quia perturbé le savant équilibre auquel ilsétaient parvenus, entre l’exécution desdécisionsde justice et l’exercicedes voies derecours.

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A - L’effectivité renforcée du jugementMme le professeur Marie-Anne FRISON-ROCHEet M. le

conseiller William BARANES, commentant deuxdécisions du Conseilconstitutionnel relativesau statut de la Polynésie françaiseen date du9 avril 1996, ont relevé quele Conseil avait consacréun droit pour lecitoyen d’exercerun « recours effectif devant unejuridiction »(1).

Les auteurs poursuivent ainsi leur raisonnement :

« Certes,le Conseil avait eul’occasion d’affirmer le caractèreconstitutionnelde principes procéduraux, et notamment celuide l’accèsà la justice, conférant à l’action la qualité de droit fondamental. Mais,jusqu’ici, laissantde côté l’article 16 de la Déclaration française des droitsde l’homme malgré les suggestionsdoctrinales, soit l’existence d’undroitau recours était affirmée lorsquele droit substantiel en cause étaitlui-même devaleur constitutionnelle, soitil s’agissait de tirer conséquencedu principe de légalité. Dans la décision du 9 avril 1996, c’estau regardde l’effectivité des droits, et quelle que soitla nature deceux-ci, quel’accès au juge est exigé.

Désormais,la protection constitutionnelle des droits subjectifssubstantiels, par exemplele droit de propriété, le droit de créance,undroit de la personnalité, etc., tientà l’effectivité de l’accès au juge ;celui-ci estle garant des droits.En cela, cettesorte de droit à un tribunalest porteurd’un droit au jugement, caron peut supposer qu’un recoursn’est véritablement effectif que lorsque non seulementil peut êtreconcrètement pratiqué, mais encoreen ce qu’il aboutit à un jugement,carc’est celui-ci qui donnesensà l’action.

Le droit au juge ainsi constitutionnellement consacré contientle droit au jugement. Lejuge est désormaisde droit la clef de voûte dusystèmejuridique, puisqu’il est le maître de l’effectivité des droitset deslois »(2).

Et de conclure que cette conception nouvelledoit aboutir àune définition plus pragmatiquede notre droit judiciaire privé surlemodèle anglo-saxon.

Il convient d’observer que ce principe désormais constitu-tionnel d’accès effectif à la justice a déjà été consacré par le droiteuropéen(3). La Cour européenne des droits de l’homme comme laCour de justice des communautéseuropéennes(4) ont chacune posé leprincipe d’un « contrôle juridictionnel effectif » et reconnu le droitpour les justiciables d’obtenir un « jugement efficace».

Cette évolution du droit répond à une attente de l’opinionpublique. Actuellement, aux yeux du justiciable, le retard avec lequel

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les décisions de justice sont effectivement rendues, obtenues etexécutées estperçu comme participant à ce phénomène plus généralde lenteur et de relative inefficacité de la justice, si souvent décrié.

En outre, notre droit processuel doitêtre mieux armé contreles recours abusifs,commele préconiseM. Pierre SARGOSconseiller àla Cour decassation(1).

Si la faculté d’interjeter appel d’une décisionjuridictionnelleapparaît commeun principe très importantde la garantiedes droits desjusticiables,et relève d’une tradition généralede tous les droits romano-germaniques, «cette voie de recoursassortiede l’effet suspensif ouvreune voie royalepour le dilatoire » (2).

B - Le principe de l’exécution immédiateS’il convient d’adapter notre droit processuel à ces exigen-

ces tant juridiques que sociales,il ne s’agit pas ici de se détacherdesgrands principes qui fondent notreÉtat de droit, tel le doubledegré dejuridiction, mais simplement, dansun souci de bonne administrationdela justice, par l’exécution immédiate, de donner sonplein effet aujugement renduen première instanceet de lutter contre les recoursdilatoires.

Il est important de noter que la Conférence despremiersprésidents elle-même, dans son rapporten date des6 avril et 6 juin 1995,s’est ralliée à cette thèse,et considère que « l’exécution provisoirededroit est de nature à recrédibiliser lesdécisionsde première instance » et« aurait pour effet de responsabiliser les justiciableset leurs conseils,l’enjeu du procèsdevant les juridictionsde première instance devenantparticulièrement important ».

Ce point de vue est partagé parl’inspection générale desservices judiciaires quipréconisela généralisationde l’exécution provi-soire de droit des décisionsde premièreinstance,à l’exception de cellesrelatives à l’état despersonneset sous réservede la possibilité pour lepremier président desuspendrela force exécutoire desjugementsfrappésd’appel.

M. le conseiller Pierre SARGOS, quantà lui, estime quelasuppressionde l’effet suspensifde l’appel présenteraitun autre avantage,celui d’éliminer en grande partieles appelsdilatoires.

Le caractère immédiatement exécutoire des jugementsdepremière instance est au demeurantreconnu danscertains systèmesjuridiques étrangers ; tel est notammentle cas en droit anglais qui sedistingue toutà la fois par son pragmatismeet par le respect qu’il attacheaux décisionsde justice.

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Cette conception pragmatiquetranche sans doute avec laPrésentation classique des droits continentaux,du moins en théorie.Ilconvient cependantde relativiser cette opposition.Ainsi que le relève M.le professeur Pierre SCHLOSSER, doyende la faculté de Munich, si ledroit de la République fédérale d’Allemagnepose le principe de l’effetsuspensifde l’appel, l’exécutionprovisoire de droit ou ordonnéepar lejuge est dans les faits systématique(1).

Si traditionnellement,le droit processuel est « asservi » audroit substantiel de telle sorteque les droits subjectifs reconnuspar lejuge ne peuvent entrer dans l’ordre juridique tant quele jugement estsoumisà l’aléa des voies de recours, l’effectivité qui doitêtre attachéeaux décisionsde justice conduità conférer désormaisau droit judiciaireprivé unecertaine autonomie.

Un effort de conception d’un système global, novateur,suffisamment respectueux de nos principes constitutionnels et desengagements internationauxde la France doit donc être poursuivi.

En effet, conformémentà une décision du Conseil constitu-tionnel du 23 janvier 1987, l’absence d’effet suspensifne peut avoir uneportée absolue. Le droitpour le justiciable de demanderet d’obtenir lecas échéantun sursis à exécutionde la décision attaquéeconstitue unegarantie fondamentaledes droits de la défense.

En outre, laréformedu titre XV « l’exécution » et du sous-titreII du titre XVI « les voiesde recours » dulivre premier du nouveau Codede procédure civile doitêtre menée en considération des prescriptionsdela Conventioneuropéenne des droitsde l’homme (notammentson article6) et de la jurisprudencede la Cour.

Il importe que les principesdu procès équitable soient respec-tés devant les juridictions d’appel ou de cassation,notammentle droitd’accèseffectif (CEDH - Arrêt SUTTER du 22janvier 1984).

Cependant ce droitne revêt pas un caractère absolu ;il peutdonner lieuà des limitations, mais ellesne sauraient restreindre l’accèsouvertà l’individu d’unemanièreou à unpoint tel quele droit s’en trouveatteint dans sa substancemême (CEDH - Arrêt PHILIS/GRECEdu 27Août 1991).

C - Les limites procéduralesau principe de l’exécution immédiateL’exécution immédiate des décisions de première instance

au bénéfice du gagnant, doit impérativement s’accompagner d’undispositif protecteur des intérêts légitimes du perdant, afin d’évitertoute injustice. Il ne faut pas en effet négliger les dangers du

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renversement de l’effet suspensif des voies de recours ordinaires(risques de non-représentation des fonds en cas de condamnationspécuniaires infirméesen appel, conséquencesirréversiblesde certainesmesurescomme l’expulsion ou la démolition...).

En effet, si les décisionsde justice puisent leur efficacitédansleur exécution, celane peut avoir lieu sans nuances ; des correctionssontnécessaires pour enmoduler les effets selonles circonstances, n’affirme-t-on pas que le raisonnable « faitpartie dudroit positif » ?(1).

« Le droit estun art, et contrairement à ce qu’affirmait Josephde MAISTRE, la justice ne doit pasêtre un glaive sansfourreau »(2).

L immédiate doit demeurer interdite danscertains cas limitativement énumérés par la loi (exemples : étatetcapacité des personnes ;prestation compensatoire en matière de di-vorce ; dépenset frais irrépétibles de l’article 700 du nouveau Code deprocédure civile).

* Le juge de première instance doit pouvoir, d’office ou àla demande des parties, l’écarter par une décision motivée, ou lasubordonner à la constitution de garanties par le bénéficiaire telles lecautionnement, la consignation ou la constitution d’un séquestre.

En outre, l’octroi de délaisde grâcepar le juge prononçantlacondamnation ou, ultérieurement, parle juge desréférés ou le juge del’exécution, tempérerale caractère exécutoiredu jugement.

* Enfin, le Premier Président de la cour d’appel doit êtrehabilité à suspendre l’exécution immédiate. L’article 524 du nouveauCode de procédure civile devra être modifié afin de préciser les casdans lesquels l’exécutionimmédiate pourra être arrêtée. La référenceaux conséquencesmanifestement excessives,notion bien connue enjurisprudence, serait maintenue et éventuellement complétée.

Certains premiers présidents de coursd’appel, comme M.RenaudCHAZAL de MAURIAC, premier président dela cour d’appelde Montpellier, estiment quela généralisationde l’exécution provisoirede droit supposeraitun renforcement des soupapesde sécurité.

A cet égard,ce haut magistrat considère, qu’en caused’appel,l’exécution provisoiredu jugement déféré àla cour devrait pouvoirêtrearrêtée dans l’hypothèsed’une violation parle premier juge desprincipesessentiels régissantle procès, desdroits de la défense,de la contradictionou encore d’uneerreurcaractérisée,de natureà priver la décision de sonexistence juridique.

Ces propositions pourraientse traduire, surle plan normatif,par les notionsde « violation des droitsde la défense», « d’excès de

La documentation Française :

’ exécution*

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pouvoir », «d’erreur de droit manifeste », notions quisont d’ores et déjàutilisées en jurisprudence,au sein de certaines cours, pour suspendrel’exécution provisoireordonnéepar le juge, voire prescrite par la loi,commec’est le casen matièrede référé(1).

Afin d’éviter tout retard dansle traitement des procédures,générateurpar essencede manoeuvresdilatoires, la procédure d’urgenceorganiséepar l’article 910 du nouveau Codede procédure civile, dontonaura par ailleurs renforcé l’effectivité(2), pourrait être attachéeà lasuspensionde l’exécution.

Certains et notamment la Chambre nationale des huissiersde justice vont jusqu’à préconiser que le dispositif de l’article 1009-1du nouveau Code de procédure civile applicable devant la Cour decassation soit transposé à la cour d’appel.

Il s’agirait de donner au premier président qui a rejetélademande desuspensionla faculté, à l’initiative de l’intimé, et aprèsavoirrecueilli l’avis du procureur généralet des parties, d’ordonnerle retraitdu rôle jusqu’à l’exécutiondu jugement de première instance.

L’appelant pourrait à tout moment former une demandederéinscription, qui seraitautorisée surjustification de l’exécution de ladécision attaquée.

Cette propositionparaît conforme àla recommandationR (95)5 du Comité des ministresdu conseil de l’Europe adoptéele 5 février1995sur l’organisationet l’améliorationde l’exercice des voiesde recoursen matière civile et commerciale(article 4). Toutefois, cette sanction estassociéeau système d’exécution provisoire judiciaire, parailleurspréco-nisé par le Comité des ministres.

Il n’apparaît pourtant pas possible d’aller si loin dans lecadre d’un dispositif d’exécution provisoire de droit. Si le systèmedel’article 1009-1du nouveau Codede procédure civile est adaptéà la Courde cassation, jugedu droit et nondu fait, il heurtela conception françaisedes voies de recours ordinaires. Ence qu’il risque de priver les plusdémunis du double degréde juridiction, il aurait un impact socialdéfavorable.En outre,il se conçoit maldansun environnement économi-que dégradé. Dès lors tout travail d’approfondissement apparaît exclu,souspeinede générerune situation deblocage quipourrait nuireau bondéroulementdu processusréformateur d’ores etdéjà engagé.

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Conclusion

« La réalisation estla vie et la vérité du droit »(1).

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Au moment de clôturer cette missionet de coucher surlepapier les termes d’un épilogue, Rabelais estd’un grandsecours ; n’a-t-ilpas écrit :

« Ce qu’à la maladie apportele remède

C’est celaqu’à l’affaire apportele jugement»(1).

La justice civile s’inscrit parfaitement dans ce schéma.Elleremplit la fonction d’apaisement parle droit. Elle constitue une exigencede la Nation. En assurerla pérennité, c’est pourles gouvernants respecteret mettre en oeuvre lecontrat social.

La justice civile doit disposer des moyens lui permettantderemplir cettemission solennelleet sacrée,de faire régnerl’état de droit,gage de la sécurité descitoyens.

Il importe que le titulaire d’un droit subjectif méconnuoucontesté puisse élever son litige devant une autorité investiedu pouvoirde juger, qu’uncertain processussoit suivi, afin qu’il soit acquis queladécision rendue l’a étéen sagesse,et que la solution dégagéepuisses’imposeraux parties.

Les auteursdu nouveau Code de procédure civile ont étéguidés par cette volonté de réaliser le droit à travers l’institutionjudiciaire. A cet égard, leuroeuvre est un accomplissement.

L’évolution de la société conduit désormaisà proposer quel-ques pistesde réforme qui ne remettentpasen cause l’édificefondé surdes valeurs humanistes unanimement reconnues, mais, bienau contraire,tendentà en conforter les fondations.

Le droit processuel, sourcevive de raison, de sécurité etdeliberté, doit permettre,à chaque instant, à l’institutionjudiciaire deremplir son office, et conforterle pilier de notre système traditionnelqu’est la prudencedu juge, dont la mission procédurale estde fairerespecter l’équilibre entreles parties, équilibrequi leur assure unedécisionconforme auxexigencesdu procèséquitable.

« Juger l’homme est, pour l’homme, une mission véritablementinouïe »(2).

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Alors, évitons toute frilosité excessive quiconduiraità ne pasrésoudredès aujourd’hui un certain nombrede contradictionsqui minentl’institution judiciaire.

Il en est encore temps,à condition toutefois que touslesacteursen aient la volonté.

Dans la négative,il faudrait, pour sauver le service publicjudiciaire, rouvrir sous peu certaines questions commeon rouvre desplaies et opérer, sousla pressionde l’opinion, des choix qui pourraientne pas toujours coïncider avecles impératifs de la culture de notre pays.

Il en est ainside la structure mêmedesjuridictions, des liensprocéduraux existantentre elles,de la voie de la pénalisation de l’instancecivile où la volonté de tout comprendre devientun obstacleà une bonnerégulationdu procès.

Gardons nousde traverserle miroir. Ne versonspasdans cettesociété judiciaireoù régneraientla passionet l’incompréhension générale,ennemiesde la procédure civile, qui,à l’image, de l’institution judiciaire,ne mérite ni excèsd’honneur,ni excès d’indignité.

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« Jesuis de cesrépublicainsqui rêvent d’une justicehabile et prompte,sévère ethumaine,condamnantceuxqui méritent de l’être, protégeant l’innocence,statuantavecéquité en tous domaines.Il meparaît que la valeurde la justice et le respectdont sesdécisionssontentachées attestent dudegré de civilisation qu’un peuplea atteint »(1).

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Propos i t ions

A - Organisation judiciaire1 - Élévation du taux de ressort à 30 000 F et dutaux de

compétence à 50 000 F.

2 - Regroupementdu contentieux desbaux commerciauxdevant le tribunal de grande instance.

3 - Spécialisationde certains tribunauxde grande instanceetde certaines cours d’appelen matièrede droit des marques.

4 - Institution du juge unique devantle tribunal de grandeinstance.

5 - Renforcementde la collégialité en appel.

B - Représentationet aide juridictionnelle

6 - Adaptation des règlesd’assistance etde représentationdevant le tribunal d’instance.

7 - Modification des conditionsde représentation devantletribunal de commerce.

8 - Extension du principe de la représentation obligatoiredevant leschambres socialesde la cour d’appelet de la Courde cassation.

9 - Élargissement des pouvoirsdu présidentdu bureau d’aidejuridictionnelle statuant seul.

10 - Organisation dela délégation despouvoirs du présidentau sein du bureau d’aide juridictionnelle.

11 - Clarification du régime applicable à la procédure deretrait de l’aide juridictionnelle.

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C - Modes alternatifs de règlementdes conflits12 - Distinction entrele retrait du rôle (prononcéà la demande

des parties en pourparlers ou en cours detransaction), et la radiation(dont le caractère sanctionnateur serait renforcé).

13 - Aménagementd’une procédure sur requêtedevant leprésidentdu tribunal de grandeinstance afinde conférerforce exécutoireà la transaction intervenueen dehorsde toute instancede fond.

14 - Octroi du bénéficede l’aide juridictionnelle à l’auxiliairede justice qui parvient à la conclusion d’une transaction entre les partiesen dehorsde tout procès.

15 - En casd’extinction de l’instance du fait d’une concilia-tion, allocationà l’avocat d’une rétribution au titre de l’aide juridiction-nelle modulablepouvant aller jusqu’à l’allocation d’un taux plein.

D - Un traitement optimisédes contentieux demasse16 - Suppression dela procédured’injonction de faire.

17 - Introductionde la procédure d’injonctionde payer devantle tribunal de grande instance.

18 - Allégementde la procédurede divorce par consentementmutuel.

E - Le traitement de l’urgence19 - Faculté pourle juge saisi d’une procédurede référé de

fixer une date d’audience pour trancherle litige au fond.

20 - Traitementde l’appel del’ordonnancede référé selon uneprocédure inspirée dela procédure à jour fixe devantla cour d’appel.

21 - Renforcementde l’effectivité de l’article 910 du nouveauCodede procédure civile.

F - Une meilleure instruction du procèspar une plus grande formalisationdes écritures22 - Renforcementde l’exigence de formalisation des écritu-

res : motivation en fait et en droit de l’assignation,et exposé des faits,moyens de preuve et de la règle de droit à l’appui de chacune desprétentions formulées dansles conclusionsdesparties.

2 3 - Obligation de récapituler les prétentions et moyensprésentéspar les parties au-delàd’un jeu de conclusions.

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24 - Annexion d’un bordereau récapitulatif des piècesjustifi-catives à chacune des écritures des parties.

25 - Reconnaissanced’une compétencede principe au magis-trat de la mise en état pour statuer sur l’ensemble des exceptionsdeprocédure.

26 - Adaptation des règlesde la procédurede mise en étatdevantle tribunal de grande instanceà l’institution du juge unique.

27 - Assignation devantle juge aux affaires familiales.

28 - Saisinede la cour d’appelpar déclaration d’appel valantdemanded’enrôlement.

29 - Défaut de conclusions dansle délai imparti sanctionnépar la caducité de l’appel.

30 - Pouvoir du juge d’appel de releverd’office l’irrecevabi-lité des demandes nouvelles.

31 - Interdiction des nouveaux moyenset des nouvelles piècesdans les procédures d’appel sur renvoide cassation.

32 - Développementde l’institution du juge chargé du contrôledes expertises.

33 - Meilleure maîtrisedes délais et du régime financierdesexpertises judiciaires.

G - Le jugement et son exécution34 - Allégement dela rédaction desjugements :

- faculté pour le juge d’exposer les prétentionsetmoyens des partiespar référenceaux écritures ;- possibilitéde répondresuccinctementauxmoyensquisont écartés.

35 - Exécution immédiate des jugements rendusen premièreinstance saufexceptions légaleset pouvoir du juge de l’écarter d’officeou à la demande des parties.

36 - Élargissementdes causesde suspensionde la décisionexécutoire rendueen première instance parle premier président dela courd’appel.

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ANNEXES

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Annexe I

Liste des personneset organisations consultées

Olivier AUFERIL, Vice-président au tribunal de grandeinstance de Versailles.

Assembléede liaison des Notaires de France.

Association droit et procédure.

Association nationale des jeunes avoués près les coursd’appel.

Association des greffiers en chef des tribunaux d’instanceet des tribunaux de police.

Association nationaledes juges d’instance.

Association professionnelle des magistrats.

Roger BEAUVOIS, Présidentde la troisième Chambre civilede la Cour de cassation.

Pierre BEZARD, Président dela Chambre commercialedela Cour de Cassation.

GeorgesBOLARD, Professeurà la faculté dedroit de Dijon,ancien directeur de l’Institutd’études Judiciaires.

Henri BOULARD, Premier président honoraire dela courd’appel de Versailles.

Marie-Françoise BOUTRUCHE, Vice-président chargédutribunal d’instance de Dijon.

Marie-Guilhem BRASIER DE THUY, Substitut généralà lacour d’appel de Versailles.

Jean-Denis BREDIN, Professeur émérite à l’université deParis I, avocat à la cour d’appel de Paris, membre del’Académie française.

Jean BUFFET, Conseiller à la Cour de cassation.

Jean-François BURGELIN, Procureur général près la Courde cassation.

Loïc CADIET, Professeurà l’université de Paris I.

Bernard CAHEN, Avocat à la cour d’appel de Paris, ancienmembredu conseil de l’Ordre.

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Alain CARRE-PIERRAT, Conseiller à la cour d’appel deParis.

Francis CAVARROC, Directeur des Affaires civiles et duSceau.

Catherine CHADELAT, Sous-directeur dela législationcivile, de la nationalité et de la procédure.

Henriette CHAUBON, Sous-directeur des professions judi-ciaires etjuridiques.

Chambre des avouésprès la cour d’appel de Paris.

Chambre nationale des avouésprès les cours d’appel.

Chambre nationale des huissiers de Justice.

Confédération nationale desavocats.

Conférence des bâtonniers.

Conférence des premiers présidents de cours d’appel, ainsique l’ensembledes premiers présidents de cours d’appel.

Conférence générale des tribunauxde commerce.

Conseil national des barreaux.

Conseil supérieur du notariat.

Conseil supérieur de la prud’homie.

Gérard CORNU, Professeur émériteà l’université de ParisII, doyen honoraire de la faculté de droit dePoitiers.

Michel DELATTRE, Huissier de justice, ancien président dela Chambre nationale des huissiersde justice.

Renaud DENOIX DE SAINT MARC, Vice-président duConseil d’État.

Deuxième Chambre civilede la Cour de cassation.

Pierre DRAI, Premier président honoraire de la Cour decassation.

M. Jean-Pierre DUMAS, Conseiller à la Cour de cassation.

Marcel DYMANT, Huissier de justice.

René ELADARI, Délégué généralau programme pluriannueld’équipement.

Fédération nationale des compagniesd’experts judiciaires.

Fédération nationale des unions de jeunes avocats.

Thierry FOSSIER, Vice-président au tribunal de grandeinstance de Grenoble.

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Jean FOYER, Ancien garde des Sceaux, professeur émériteàl’université de Paris II, membre del’Institut.

Marie-Anne FRISON-ROCHE, Professeurà l’université Pa-ris IX-Dauphine.

Antoine GARAPON, magistrat, secrétairegénéral del’Insti-tut des hautes études dela justice.

Roger GAUNET, Avocat généralà la Cour de cassation.

Gérard GELINEAU-LARRIVET, Président de la Chambresociale dela Cour de cassation.

Jean GERONIMI, Inspecteur généraldesservices judiciaires.

François GREGOIRE, Doyen dela première Chambre civilede la Cour de cassation, membredu Conseil supérieur de lamagistrature.

Serge GUINCHARD, Professeur à l’université de Paris II,directeur de l’Institut d’étudesjudiciaires, doyen honorairedela faculté de droit de Lyon.

Hubert HAENEL, Sénateurdu Haut-Rhin.

Institut national pour la simplification.

Alain LACABARATS, Vice-présidentau tribunal de grandeinstance de Paris.

Jacques LARCHÉ, Président dela Commissiondes lois duSénat.

Jacques LE CALVEZ, Professeur à l’université de ParisX-Nanterre, avocat à la cour d’appel de Paris.

Philippe LEGER, Avocat généralà la Cour de justice desCommunautés européennes.

Philippe LEMAIRE, Directeur-adjoint des services judiciaires.

Jacques LEMONTEY, Président de la première Chambrecivile de la Cour de cassation.

Jean LEONNET, Conseiller à la Cour de cassation.

Philippe LEVY, Avocat à la cour d’appel de Paris.

Claude LUCAS de LEYSSAC, Professeurà l’université deParis I, directeur de l’Institut d’études judiciaires.

Jean-Claude MAGENDIE, Président de chambre à la courd’appel de Versailles.

Jean-Pierre MATTEI, Présidentdu tribunal de commercedeParis.

Pierre MAZEAUD, Président dela Commission deslois del’Assemblée nationale.

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Tony MOUSSA, Vice-Présidentau tribunal de grande ins-tance deBobigny.

Jean-Gaston MOORE, Directeur de La Gazettedu Palais,avocat à la cour d’appel de Paris.

Jacques NORMAND, Professeur à la faculté de droit deReims,doyen honoraire.

Alain NUEE, Président du tribunal de grande instance deNancy.

Didier OUARD, Avocat à la cour d’appel de Paris.

Ordre des avocats de Paris.

Ordre des avocats au Conseil d’État et à la Cour decassation.

Maurice PARMENTIER, Avoué près la cour d’appel deParis, ancienprésident de la Chambre nationale des avoués.

Jean-Marie PAULOT, Directeur de l’Administration généraleet de l’Équipement.

Jean-Pierre PECH, Premier président dela cour d’appeld’Aix-en-Provence,membredu Conseil supérieurde la magis-trature.

Jacques PELLERIN, Avoué prèsla cour d’appel de Paris.

Roger PERROT, Professeur émériteà l’université de Paris II.

Gérard PLUYETTE, Président dechambreà la cour d’appelde Paris.

André POTOCKI, Jugeau Tribunal de première instance desCommunautés européennes.

René SALOMON, Président du tribunal de grande instancede Nice.

Daniel SOULEZ-LARIVIERE, Avocat à la cour d’appel deParis.

Syndicat des avocats de France.

Syndicat CFDT Fédération justice.

Syndicat national CGT des chancelleries et servicesjudi-ciaires.

Syndicat national FO des services judiciaires.

Syndicat desgreffiers de France.

Syndicat de la magistrature.

François TERRE, Professeur à l’université de Paris II,membre del’Institut.

La documentation Française : Réflexions et propositions sur la procédure civile : rapport au ministre de la justice / Jean-Marie Coulon ; Marie-Noëlle Teiller, Emmanuelle Serrand.

Pierre TRUCHE, Premier président dela Cour de cassation.

Union des jeunesavocats de Paris.

Union fédérale des consommateurs -Que Choisir.

Union syndicale autonome justice.

Union syndicale des magistrats.

Eric VARAUT, Présidentdu tribunal de grande instanceduMans.

Jean-François WEBER,Avocat généralà la Cour decassa-tion.

Michèle WEIL-GUTHMANN, Premier juge au tribunal degrande instance deNanterre.

Yvan ZAKINE, Président dela deuxième Chambre civile dela Cour de cassation.

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Annexe II

S ta t i s t iques

Dans le cadre de ce rapport, des exploitations statistiquesspécifiques ontété demandées àla sous-directionde la statistique, desétudes et de la documentationdu ministère de la Justice. Les donnéesproduites permettentde dresser un bilan quantitatif de l’activité desjuridictions civiles et commerciales

Sur la base des évolutions observéesau cours des deuxdernières décennies, des prévisions d’activité ont été effectuées jusqu’àl’an 2000. Ces projections témoignent des difficultés croissantesauxquel-les les juridictions (principalementles cours d’appel) risquent d’êtreconfrontéesau cours des prochaines annéespour faire face à l’afflux desdemandes.

La croissance soutenue de l’activité des juridictions, enregis-trée au cours de ces vingt dernières années,ne s’est pas accompagnéed’une hausse corrélativedu nombre desmagistrats relevant budgétaire-ment des servicesjudiciaires.

Plusieurs contentieux ont ensuiteété sélectionnés,soit enraison de leur spécificité (baux commerciaux, concurrence etpropriétéindustrielle), soit en raison du poids qu’ils représentent pour les juridic-tions qui ont à en connaître (contentieuxde l’impayé et contentieuxrelevant du droit de la famille).

Devantle tribunalde grande instance,les statistiques produitesfournissent des renseignements surla formation de la juridiction dejugement. Ellesrévèlent que, dans desmatières relevantdu droit desaffaires, des contrats,de la responsabilité et des biens, plus dela moitiédes décisions aufond sont renduespar desjuges uniques ou desjugesrapporteurs.

Enfin, il est apparu opportunde présenter une dernièrestatistique sur lesdifférents modesde saisinedu tribunal d’instance.

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Liste des tableaux

Les procédures au fond devant les juridictions civiles etcommerciales : évolution des flux et des stocks (1975 a 1995) etprévisions pour l’an 2000

Les affaires nouvelles

Tableau 1A Évolution du nombre desaffaires nouvelles de1975 à1995 et prévisions jusqu’à l’an2 000

Tableau 1B Pourcentagede hausse sur différentes périodes

Tableau2 Taux d’appel et de pourvoi

Les affaires terminées

Tableau3A Évolution du nombre desaffaires terminées de1975 à1995et prévisions jusqu’à l’an2 000

Tableau3B Pourcentagede hausse sur différentes périodes

Tableau4 Évolution du délai moyen d’écoulement des stocks devantles cours d’appel et les tribunaux de grande instance de1975 à 1995et prévisions jusqu’àl’an 2 000

Tableau5 Les appels interjetés contre les ordonnances de référé :juridiction d’origine etdurée de la procédure(1994)

Les affaires en cours

Tableau6A Évolution du nombredes affairesen coursde 1975à 1995et prévisions jusqu’à l’an2 000

Tableau6B Pourcentagede hausse sur différentes périodes

Évolution des effectifs de magistrats

Figure 1 Évolution du nombre des magistrats ((1857-1996)

Nature des contentieux

Baux commerciaux, concurrence etpropriété industrielle

Tableau7 Baux commerciaux. Affaires nouvelles introduitesau fondet enréféré devantles juridictions civileset commercialesen 1994

Tableau8 Concurrenceet propriété industrielle. Affairesintroduitesau fond et en référé devantles tribunaux de grandeinstanceet les tribunaux de commerceen 1994

Le contentieux de l’impayé

Tableau 9 Répartitiondes ordonnances d’injonctionde payer selonl’objet de la créance(1994)

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Tableau 10 Les demandesen paiement forméesau fond et en référédevant le tribunal de grande instance (1994)

Droit de la familleTableau 11 Le poids desaffaires relevantdu droit de la famille devant

les tribunaux de grande instance par natured’affaire(1994)

* Les affairesde divorce et de séparationde corps

Tableau 12 Divorces prononcésen 1994 : durée moyenneselonle casde divorce

Tableau 13 Les affairesdedivorce et de séparationde corpsterminéesen 1994 : nombre de couples avec etsansenfant (s)mineur (s) selonle cas de divorce.

Tableau 14 Le résultat des demandesen divorce et en séparationdecorps formées sur requête conjointe(1994)

Formation de la juridictionTableau 15 Tribunal de grande instance :décisionsau fond et forma-

tion de la juridiction (1994)

Les modes de saisine du tribunal d’instanceTableau 16 Répartition desaffaires introduites aufond en 1994 devant

le tribunal d’instance selonle mode de saisine

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Les procédures au fond devantles juridictions civi les et commerciales :évolution des flux et des stocks (1975à 1995) et prévisions pour l’an 2000

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Tableau 1AÉvolution du nombre des procédures introduites au fond1975-1995 (estimation1996-2000)

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Tableau 1 BProcédures introduites au fond devant les juridictions c iv i leset commerciales (pourcentagede haussesur différentespériodes de référence)

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Les taux d’appel1993Sur les 1 174 148décisionsprononcéesau fond et en référé

en 1993, 14,2% ont fait l’objet d’un appel (soit 167 058décisions)

Le taux d’appel(1) varie beaucoupd’une juridiction à l’autre. Lesdécisionsprononcéespar les conseilsde prud’hommeset les tribunaux degrande instance sontle plus fréquemmentfrappée d’appel (respectivement27 % et 20,2 %), cellesdu tribunal d’instancele moins souvent (6,8 %),letribunal de commerce occupantune position intermédiaire(13,9%).

Sur les 932 395décisions au fond prononcées en 1993,16,3 % ont fait l’objet d’un recours devant la cour d’appel (soit152 036 décisions)

Le taux d’appeldu conseil de prud’hommes arrive largementen tête, plus d’un tiers des décisionsde cette juridiction étant frappéd’appel (34,4 %), suivi par celuidu tribunal de grande instance(23,8 %)et le tribunal de commerce (16,9 %). Les décisionsdu tribunal d’instancefont beaucoup moins souventl’objet d’un recours, le taux d’appel sesituant autour de 7 %(2).

Sur les 242 153ordonnances de référé statuant sur lesdemandesen 1993, 6,2% ont été attaquées devantles cours d’appel(soit 15 022 décisions.

Les taux des appelsinterjetés contre lesordonnancesde référédes tribunaux d’instance, conseilsde prud’hommes et tribunauxdecommerce sont inférieursà 5 %, se situant entre 3,4 % et 4,9 %.Enrevanche, une ordonnancede référé sur dix,renduepar le tribunal degrande instance,fait l’objet d’un appel.

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Tableau 2Taux d’appel e t de pourvoi : appels interjetés en 1 9 9 3et 1994 contre les décisions au fond et les ordonnancesde référé prononcées en1993

Tableau 2AEnsemble d e s décisions

Tableau 2 BDécisions prononcées en premierressort

Tableau 2 BTaux de pourvois

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Tableau 3AÉvolution des affaires terminées au fond 1975-1995(estimation1996-2000)

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Tableau 3BProcédures au fond terminées devant les juridictions civi leset commerciales (pourcentagede hausse surdifférentespériodes de référence)

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Tableau 4Délai moyen d’écoulement du stock* devant les cours d’appelet les tribunaux de grande instance (évolution 1975-1995et estimation 1996-2000)

Tab leau 5Les appels interjetés en 1994 contre les ordonnancesJuridiction d’origine et durée de la procédure en appel

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Tableau 6 aÉvolution des affaires au fond en coursau 1er janvier 1975-1995 (estimation1996-2000)

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Tableau 6BProcédures au fond en cours au 1er janvier devantles juridictions civiles et commerciales (pourcentage dehaussesur différentespériodesde référence)

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Évolution des effecti fs de magistrats

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Graphique 1Évolution du nombre de magistrats 1857 - 1996

La croissance soutenue de l’activité des juridictions, enregis-trée au coursde ces vingt dernières années,ne s’est pas accompagnéed’une hausse corrélativedu nombre des magistrats relevant budgétaire-ment des servicesjudiciaires.

De 5 062 en 1975, le nombredes magistrats atteint5 687 en1985 (+ 12,3 % en 10 ,ans), alors qu’au cours dela même période, lesaffaires civilesprogressentde 71 %. Au cours desdix années suivantes(1985-1995),les affaires civiles croissentde 60 % et celui des magistratsde 6 % passantde 5 687 à 6 029. La hausse des effectifsde magistratsest donc bien loin d’avoir suivi le rythme de croissancedes affairesciviles.

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Nature des contentieux

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Tableau 7Baux commerciaux. Affaires introduites au fond et en référé1994 devant les juridictions civ i les et commerc ia les

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Tableau 8Concurrence et propriété i ndustrielle.Affaires nouvelles et référés - TGI - 1994Affaires terminées et référés - TC - 1994

Tableau 9Injonctions de payer 1994. Répartition d e s ordonnancesselon l’objet de la créance

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Tableau 1 0Les demandes enpaiement devant le tribunal de grandeInstance. Affaires introduites au fond et en référé en 1994

Tableau 11Poids des affaires relevant dudroit de la familledevant le tribunal de grande instance 1 9 9 4

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Tableau 1 2Divorces prononcés en 1994. Durée moyenne selon le c a sde divorce

Tableau 1 3Affaires de divorce et de séparation de corps terminées(Nombreet proportion de couples avecet sansenfant(s)mineur(s) 1994)

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Tableau 1 4Affaires de divorce et de séparation de corpsRésultat des demandes formées sur requête conjointe(affairesterminéesen 1994)

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Formation de la juridiction

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Tableau 15Tribunal de grande Instance. Décisions aufond et formationde la juridiction 1 9 9 4

Les statistiques produitesà partir du répertoire généralcivil des tribunaux de grande instancepermettent deconnaîtrela formation de la juridiction qui prononcela décision aufond.Bien que cette variable soit assezmal renseignée,il a paru utile de fournir une évaluationde la partdes décisions prononcées parla formation collégiale, parun juge unique ou par un juge rapporteurdans les affaires relevantdu droit des affaires, des contrats,de la responsabilité et enfin des biens.

Pour évaluerces proportions, seulesles décisions pour lesquellescette variableétait déclaréeont étéprises encompte.Au total, on peut estimer que, dansces matières, plusde la moitié des décisionsau fondsont prononcées soit parun juge unique,soit parun juge rapporteur(58%).

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Les modes de sais inedu tribunal d’instance

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Tableau 16Modes de saisine du tribunal d’instance.Service civil (hors procédures particulières)*

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Table des matières

S o m m a i r e 5

R e m e r c i e m e n t s 7

I n t r o d u c t i o n 11

I - La mesure del’évolution 16A - L’évolution des concepts 16B - L’institution judiciaire 17

II - Les orientations àprivilégier 20A - La démarche adoptée 21B - Les orientations 22- Les effectifs 23- Les moyensmatériels 23- L’aide juridictionnelle 23

Chapitre IO r g a n i s a t i o n jud ic ia i re 27

I - Une meilleure répartition desattributionsentre lesjuridictions civiles àcompétencegénérale 29A - Les tauxde compétenceet de ressort 29B - Une plus grandecohérencedans la répartition descompétences par unespécialisation desjuridictions 30

II - Le juge unique en question 32A - Le juge unique, unobjectif pour le tribunal de grandeinstance 33B - La collégialité en appel :un principe réaffirmé 39

Chapitre IIReprésentationet a ide juridictionnelle 41

I - L’élargissement du domainede la représentation obligatoire 44

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II - L’amélioration du dispositif d’aidejuridictionnelle 45A - Le fonctionnement des bureaux d’aidejuridictionnelle 46B - La maîtrise desdépenses 47

Chapitre IIILes modes alternatifsde règlementd e s con f l i t s 51

I - Les enseignements historiques 54A - La conciliation et la médiation 54B - L’arbitrage 57

II - La recherched’une réponseadaptéeà notre vie judiciairecontemporaine 58A - Le « préalable de négociation » 59B - Incitation à la négociation 60

Chapitre IVUn traitement optimiséd e s content ieux dem a s s e 6 3

I - Mérites et limites des procédures dedéclaration etd’injonction 66A - La déclaration augreffe 66B - L’injonction de faire 67C - L’injonction de payer 67

II - Un traitementjudiciaire rénovéde certainscontentieux demassepréféréà une déjudiciarisation 68A - Le divorce 68B - La déjudiciarisation 70

Chapitre VLe t ra i tement de l ’urgence 71

I - Consacrer unevéritable justice del’urgence 74A - Justice provisoire et justice définitive 74B - La naturedu trouble manifeste 76

II - Adapter effectivementla procédure d’appelà l’urgence 76A - Le référé enappel 77B - Le renforcement del’effectivité de l’article 910 dunouveauCode deprocédurecivile 78

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Chapitre VIUne meilleure instruction du procèspar une plus grande formalisationd e s procédures 79

I - L’introduction de l’instance etla saisinede la juridiction 83A - L’assignation en premièreinstance 83B - La déclaration d’appel dans la procédureavec représentation obligatoire 85

II - Le déroulement dela procédure d’instruction 88A - Une réforme dela procédure d’instructionde portée générale 88B - Une adaptation desprocédures devantle tribunalde grandeinstance et devantla cour d’appel 93

Chapitre VIILe jugement et son exécution 99

I - Un jugement àl’autorité renforcée 101A - Un jugement plus simple dans saprésentationet mieux motivé 101B - Un jugement rendudansun délai raisonnable 105

II - Un jugement exécutoire àl’effectivitérenforcée 106A - L’effectivité renforcée du jugement 107B - Le principe del’exécution immédiate 108C - Les limites procédurales au principede l’exécution immédiate 109

C o n c l u s i o n 113

P r o p o s i t i o n s 119A - Organisationjudiciaire 119B - Représentation etaide juridictionnelle 119C - Modesalternatifsde règlement desconflits 120D - un traitementoptimisé descontentieuxde masse 120E - Le traitement de l’urgence 120F - Une meilleure instruction duprocès par une plusgrandeformalisationdes écritures 120G - Le jugement et sonexécution 121

ANNEXES 123

Annexe IListe des personnes et organisationsconsultées 125

Annexe IIS t a t i s t i q u e s 131Liste d e s tableaux 132

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