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Actualités 255 reprendre le contrôle. Il faut se réapproprier la gestion de sa vie et ne plus laisser la douleur être seul maître à bord ; motivation. Connaître ses motivations, c’est savoir où aller, puiser l’énergie indispensable à la persévérance nécessaire à la réussite du traitement. Afin de mettre en application ces aspects théoriques, des groupes de six patients en échec des traitements clas- siques bénéficient d’une prise en charge ambulatoire à raison de cinq heures par jour pendant quatre semaines. Des bilans intermédiaires et un bilan final permettent de mesurer concrètement l’évolution par rapport aux tests ini- tiaux et d’élaborer une suite personnalisée au programme. La conclusion de cet article est la suivante : la mise en place d’un programme multidisciplinaire requiert un investisse- ment important en temps et en énergie mais il est essentiel pour assurer l’homogénéité du message délivré et la cohé- sion au sein de l’équipe. Cet article, qui mêle en deux parties des aspects théoriques et des données pratiques, en est une excellente illustration. Conflit d’intérêt Aucun Références [1] Gallice JP, Kupper D, Rentsch D, Barthassat V, Cedraschi C, Gene- vay S. Programmes multidisciplinaires et lombalgies chroniques : concepts et aspects pratiques. Première partie : concepts et développement. Kinesitherapie 2010;102:35—9. [2] Gallice JP, Kupper D, Rentsch D, Barthassat V, Cedraschi C, Gene- vay S. Programmes multidisciplinaires et lombalgies chroniques : concepts et aspects pratiques. Seconde partie : mise en pra- tique. Kinesitherapie 2010;102:40—4. Christian Dufrene Consultation pluridisciplinaire de la douleur, centre hospitalier, 216, avenue de Verdun, 36000 Châteauroux, France Adresse e-mail : [email protected] Disponible sur Internet le 15 septembre 2010 doi:10.1016/j.douler.2010.08.006 Faut-il publier des études dont les résultats sont négatifs ? Negative studies: A useful publication? La réponse est oui, en tous cas pour les éditorialistes norvé- giens de la revue scandinave de la douleur [1]. Voici leur argumentaire : il est important de publier des études de recherche clinique de bonne qualité méthodologique dont les résultats sont négatifs (inefficacité du produit testé en termes d’analgésie), afin de diminuer les biais liés aux publi- cations des seules études dont les résultats sont positifs. En effet, si 20 études sont réalisées pour prouver l’efficacité d’une substance (pourtant inefficace), une de ces études sera faussement positive du fait des variations aléatoires des mesures effectuées. Si l’ensemble des études néga- tives sont refusées par les revues scientifiques alors qu’une étude (faussement) positive est publiée, une substance peut apparaître efficace à la communauté scientifique sans que cela soit réellement le cas. Et le cercle vicieux peut alors s’enclencher : les études publiées peuvent inspirer d’autres investigateurs. Si les biais de publication continuent, de plus en plus d’études faussement positives sont publiées, des méta-analyses apparaissent et le « faux-positif » est gravé dans le marbre... Une fois utilisé dans la vraie vie, le produit peut décevoir cliniciens et patients. Puis, éventuellement, après plusieurs années, l’impact des effets secondaires d’un produit inactif fait resurgir des études aux résultats négatifs. Les cliniciens réalisent que leur impression clinique initiale était correcte et au final, le produit tombe en désuétude... aussitôt remplacé par un autre ! Fable ou réalité ? À vous de juger. Conflit d’intérêt Aucun. Référence [1] Breivik H, Stubhaug A, Hals EKB, Rosseland LA. Why we publish negative studies — and prescriptions on how to do clinical pain trials well. Scand J Pain 2010;1:98—9. Florentin Clère Consultation pluridisciplinaire de la douleur, centre hospitalier, 216, avenue de Verdun, 36000 Châteauroux, France Adresse e-mail : [email protected] Disponible sur Internet le 15 septembre 2010 doi:10.1016/j.douler.2010.08.005 Réflexions éthiques sur la prescription d’opioïdes forts Opioid prescription: Ethical questions L’utilisation des opioïdes forts (OF) a vécu plusieurs périodes très différentes : après une utilisation compassionnelle très ancienne, la règlementation s’est considérablement dur- cie. Il a fallu du temps et de l’énergie pour dédramatiser un recours plus large et plus précoce aux OF pour les patients atteints de maladies incurables. De fac ¸on parallèle, le recours aux OF dans un contexte de douleur chronique non cancéreuse (DCNC) continue à faire couler beaucoup d’encre. Dans une courte mise au point publiée dans la revue Pain, Ballantyne et Fleisher se proposent de considérer cette prescription sur un plan éthique [1]. Dans un premier temps, les auteurs rappellent que la relation médecin-patient a beaucoup évolué durant les dernières décennies : le clini- cien est de moins en moins le maître tout puissant d’une relation « active-passive ». Il se positionne en conseiller pour le patient, qui reste le « décideur en chef ». Dans une telle relation, la satisfaction du patient pourrait devenir l’unique objectif. La plupart des établissements de santé utilisent d’ailleurs la satisfaction de leurs patients comme outil de mesure et de comparaison de la qualité de leurs services.

Réflexions éthiques sur la prescription d’opioïdes forts

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• reprendre le contrôle. Il faut se réapproprier la gestionde sa vie et ne plus laisser la douleur être seul maître àbord ;

• motivation. Connaître ses motivations, c’est savoir oùaller, puiser l’énergie indispensable à la persévérancenécessaire à la réussite du traitement.

Afin de mettre en application ces aspects théoriques,des groupes de six patients en échec des traitements clas-siques bénéficient d’une prise en charge ambulatoire àraison de cinq heures par jour pendant quatre semaines.Des bilans intermédiaires et un bilan final permettent demesurer concrètement l’évolution par rapport aux tests ini-tiaux et d’élaborer une suite personnalisée au programme.La conclusion de cet article est la suivante : la mise en placed’un programme multidisciplinaire requiert un investisse-ment important en temps et en énergie mais il est essentielpour assurer l’homogénéité du message délivré et la cohé-sion au sein de l’équipe. Cet article, qui mêle en deuxparties des aspects théoriques et des données pratiques, enest une excellente illustration.

Conflit d’intérêt

Aucun

Références

[1] Gallice JP, Kupper D, Rentsch D, Barthassat V, Cedraschi C, Gene-vay S. Programmes multidisciplinaires et lombalgies chroniques :concepts et aspects pratiques. Première partie : concepts etdéveloppement. Kinesitherapie 2010;102:35—9.

[2] Gallice JP, Kupper D, Rentsch D, Barthassat V, Cedraschi C, Gene-vay S. Programmes multidisciplinaires et lombalgies chroniques :concepts et aspects pratiques. Seconde partie : mise en pra-tique. Kinesitherapie 2010;102:40—4.

Christian DufreneConsultation pluridisciplinaire de la douleur,

centre hospitalier, 216, avenue de Verdun,36000 Châteauroux, France

Adresse e-mail :[email protected]

Disponible sur Internet le 15 septembre 2010

doi:10.1016/j.douler.2010.08.006

Faut-il publier des études dont lesrésultats sont négatifs ?

Negative studies: A useful publication?

La réponse est oui, en tous cas pour les éditorialistes norvé-giens de la revue scandinave de la douleur [1]. Voici leurargumentaire : il est important de publier des études derecherche clinique de bonne qualité méthodologique dontles résultats sont négatifs (inefficacité du produit testé en

termes d’analgésie), afin de diminuer les biais liés aux publi-cations des seules études dont les résultats sont positifs. Eneffet, si 20 études sont réalisées pour prouver l’efficacitéd’une substance (pourtant inefficace), une de ces étudessera faussement positive du fait des variations aléatoires

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es mesures effectuées. Si l’ensemble des études néga-ives sont refusées par les revues scientifiques alors qu’unetude (faussement) positive est publiée, une substance peutpparaître efficace à la communauté scientifique sans queela soit réellement le cas. Et le cercle vicieux peut alors’enclencher : les études publiées peuvent inspirer d’autresnvestigateurs. Si les biais de publication continuent, de plusn plus d’études faussement positives sont publiées, deséta-analyses apparaissent et le « faux-positif » est gravéans le marbre. . . Une fois utilisé dans la vraie vie, le produiteut décevoir cliniciens et patients. Puis, éventuellement,près plusieurs années, l’impact des effets secondaires d’unroduit inactif fait resurgir des études aux résultats négatifs.es cliniciens réalisent que leur impression clinique initialetait correcte et au final, le produit tombe en désuétude. . .

ussitôt remplacé par un autre ! Fable ou réalité ? À vous deuger.

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éférence

1] Breivik H, Stubhaug A, Hals EKB, Rosseland LA. Why we publishnegative studies — and prescriptions on how to do clinical paintrials well. Scand J Pain 2010;1:98—9.

Florentin ClèreConsultation pluridisciplinaire de la douleur,

centre hospitalier, 216, avenue de Verdun, 36000Châteauroux, France

Adresse e-mail : [email protected]

Disponible sur Internet le 15 septembre 2010

oi:10.1016/j.douler.2010.08.005

éflexions éthiques sur la prescription’opioïdes forts

pioid prescription: Ethical questions

’utilisation des opioïdes forts (OF) a vécu plusieurs périodesrès différentes : après une utilisation compassionnelle trèsncienne, la règlementation s’est considérablement dur-ie. Il a fallu du temps et de l’énergie pour dédramatisern recours plus large et plus précoce aux OF pour lesatients atteints de maladies incurables. De facon parallèle,e recours aux OF dans un contexte de douleur chroniqueon cancéreuse (DCNC) continue à faire couler beaucoup’encre. Dans une courte mise au point publiée dans la revueain, Ballantyne et Fleisher se proposent de considérer cetterescription sur un plan éthique [1]. Dans un premier temps,es auteurs rappellent que la relation médecin-patient aeaucoup évolué durant les dernières décennies : le clini-ien est de moins en moins le maître tout puissant d’uneelation « active-passive ». Il se positionne en conseiller pour

e patient, qui reste le « décideur en chef ». Dans une telleelation, la satisfaction du patient pourrait devenir l’uniquebjectif. La plupart des établissements de santé utilisent’ailleurs la satisfaction de leurs patients comme outil deesure et de comparaison de la qualité de leurs services.
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u’en est-il si, dans un contexte de DCNC, la prescription’OF est en jeu ? Surtout si le retentissement de la dou-eur reste modéré, s’il existe des antécédents d’addiction,i le patient refuse toute autre alternative ? Quel est leoint de vue décisif : celui du patient ou celui du clinicien ?ette question reste difficile. D’un point de vue rationnel,

es auteurs rappellent que le clinicien est le mieux placéour évaluer le rapport bénéfice-risque d’une prescription.’autant que le retentissement émotionnel de la douleurhronique peut altérer les capacités du patient à prendrees décisions et à comprendre les limites d’un traitementF. Au final : si le clinicien juge défavorable la balanceénéfice-risque, il n’est pas obligé de prescrire un tel trai-ement, le patient ne peut lui imposer. De même, le constatst clair : à l’échelon d’une population, le bénéfice des OFans un contexte de DCNC reste marginal alors que leur utili-ation augmente les coûts de santé. Cependant, la réflexionthique ne peut se limiter au seul point de vue du clinicienu à des questions financières. Chaque situation restant sin-ulière, tous les points de vue doivent être respectés. Il yura toujours des patients présentant des DCNC qui tireronténéfice d’un traitement OF. À l’inverse, une telle prescrip-ion doit être écartée dans certaines conditions, dont cellesitées plus haut, et ce même si le patient le demande :e refus d’une prescription d’OF est donc, dans certainesituations, éthiquement justifié. Pour autant, il ne faut paserdre de vue que le recours aux OF dans des indicationsorrectement posées est un droit pour les patients.

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éférence

1] Ballantyne JC, Fleisher LA. Ethical issues in opioid prescribingfor chronic pain. Pain 2010;148:365—7.

Florentin ClèreConsultation pluridisciplinaire de la douleur,

centre hospitalier, 216, avenue de Verdun, 36000Châteauroux, France

Adresse e-mail : [email protected]

Disponible sur Internet le 15 septembre 2010

oi:10.1016/j.douler.2010.08.004

roubles fonctionnels intestinaux : peur dea douleur ou peur des autres ?

utative gastro-intestinal disorders: Fear of pain orocial fear?

es patients atteints de troubles fonctionnels gastro-ntestinaux (TFGI) rapportent fréquemment une plainteouloureuse dont l’étiologie demeure encore mystérieuset les traitements souvent décevants. De nombreux travaux

nt mis en évidence les difficultés psychosociales rencon-rées par ces patients qui rapportent des niveaux de stressrès variables au cours du temps [1,2]. La plupart de cesecherches s’inscrivent dans un paradigme bio-psychosocialui identifie comme principale hypothèse explicative à ces

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Actualités

ifficultés des biais cognitifs fréquents. On note, en parti-ulier, une tendance à l’attention sélective se traduisantar une hyper-vigilance à l’égard de la douleur ou desensations corporelles en général [3]. On retrouve peu’études axées sur l’hyper-vigilance à l’égard des relationsociales (associée à des évitements sociaux) qui, pourtant,e retrouve fréquemment en pratique clinique [1]. Dansne publication récente en psychologie expérimentale, deshercheurs questionnent les interactions entre ruminationsnxieuses et biais attentionnels à l’égard de la douleur etes relations sociales [4]. Selon eux, les ruminations favo-iseraient l’attention sélective à leur égard et pourraientendre compte de l’évolution fluctuante de la sémiologieapportée par les patients atteints de TFGI. Leur travail’est porté sur deux échantillons : un groupe expérimentale 33 sujets TGFI et un groupe témoin de 27 sujets sains,ous d’un âge moyen de 45 ans. Tous les participants étaiente sexe féminin. Les deux groupes furent confrontés à uneérie de quatre épreuves (répétées deux fois à l’identique)esurant leur performance attentionnelle pendant envi-

on 35 minutes au total. Lors de l’une d’entre elles, uneérie de mots leur était présentée : certains entrant danse champ lexical de la douleur (D), de la menace socialeMS) et enfin, un troisième groupe de mots revêtant unaractère neutre (N). Une consigne spécifique, sollicitantne réponse motrice après la présentation de chaque mot,eur était donnée avant l’épreuve. Entre la première sériee quatre épreuves et la seconde série, les sujets étaientonfrontés à deux types différents de tâches interférentes« rumination » ou « détournement d’attention »). Les résul-ats ne confirment que partiellement l’hypothèse de départes auteurs : les sujets du groupe TGFI témoignent d’unerès nette amélioration de leur performance attentionnellel’égard des mots MS après la tâche interférente dite derumination ». Cette performance apparaît dépendante duemps écoulé entre l’établissement du diagnostic de TGFIt l’étude. Plus ce délai est long, plus l’attention sélective

l’égard des stimuli sociaux est importante, probable-ent en raison d’une évolution psychologique défavorable.ela les amène à s’interroger sur la comorbidité entre lesGFI et la phobie sociale. Enfin, c’est avec surprise qu’ilse retrouvent pas le résultat attendu pour les mots D.ls expliquent cela notamment par l’absence d’évaluatione la douleur des participants et l’exclusion des patientsrésentant des troubles psychiatriques actuels. Malgré deombreuses limites, ce travail confirme l’intérêt de la thé-apie comportementale et cognitive (TCC) et de l’hypnoseuprès des patients atteints de TGFI. Il souligne l’intérêt’orienter ces psychothérapies non plus exclusivement versa gestion de la douleur mais aussi vers la gestion de l’anxiétéociale. Cette donnée est-elle généralisable aux patientsouffrant d’autres syndromes douloureux chroniques ?

onflit d’intérêt

ucun.

éférences

1] Whitehead WE, Burnett CK, Cook EW, Taub E. Impact ofirritable bowel syndrome on quality of life. Digest Dis Sci1996;41:2248—53.