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JACQUZS VO~SINE Rt~FLEXIONS SUR LA t( PI~RIODE ~ 1760- 1820 Des quatre volumes dont l'ensemble constituera l'ambitieux ouvrage~ le Tournant du si~cle des Lumi6res dans les litt6rature de langues europ6ennes )), le troisi~me, consacr6 h la production en vers, a 6t6 men6 h bonne fin par l'6quipe des chercheurs com- paratistes de l'Institut d'&udes litt6raires de l'Acad6mie hon- groise des Sciences, et le manuscritena6t6 confi6 h l'impression. Les plans du 4e volume (Th6gttre) sont ~t l'6tude; quant au pre- mier, il ne sera logiquement achev6 que le dernier, bien que les 6bauches en aient 6t6 61abor6es en commun par Paris et Buda- pest il y a plusieurs ann6es: il s'agit en effet d'une large intro- duction g6n6rale ~ l'6tude de la~ p6riode)), assortie de la biblio- graphie d'ensemble; il faut donc attendre, pour s'y remettre, que soit achev6e ou presque la r6daction des autres volumes. Qu'en est-il du second ? Portant sur la production en prose, il embrasse un ensemble complexe et vari6 d'6crits de toute sorte, compte tenu des in6galit6s dans le d6veloppement des diverses cultures nationales, du statut de la prose dans chacune d'elles, et des incertitudes qui flottent encore, m~me dans les plus d6velopp6es, autour de la notion m~me de litt6rature. C'est peut-~tre cette 6poque qui, en Occident, a connu les transforma- tions les plus spectaculaires dans le passage de la prose d'ilffor- marion ~t la prose litt6raire. Cette derni6re consid6ration avait amen6 les collaborateurs de l'6quipe parisienne engag6e sur ce volume ~ Prose 1760- 1820)~ ~t consacrer ~t la prose po&ique les derniers chapitres du volume. Ils am6nageaient ainsi, en accord avec leurs coll~gues hongrois, une transition entre le second et le troisi~me volume de l'ensemble.

Réflexions sur la «période» 1760–1820

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JACQUZS VO~SINE

Rt~FLEXIONS SUR LA t( PI~RIODE ~ 1760- 1820

Des quatre volumes dont l'ensemble constituera l'ambitieux ouvrage~ le Tournant du si~cle des Lumi6res dans les litt6rature de langues europ6ennes )), le troisi~me, consacr6 h la production en vers, a 6t6 men6 h bonne fin par l'6quipe des chercheurs com- paratistes de l'Institut d'&udes litt6raires de l'Acad6mie hon- groise des Sciences, et le manuscritena6t6 confi6 h l'impression. Les plans du 4 e volume (Th6gttre) sont ~t l'6tude; quant au pre- mier, il ne sera logiquement achev6 que le dernier, bien que les 6bauches en aient 6t6 61abor6es en commun par Paris et Buda- pest il y a plusieurs ann6es: il s'agit en effet d'une large intro- duction g6n6rale ~ l'6tude de la~ p6riode)), assortie de la biblio- graphie d'ensemble; il faut donc attendre, pour s'y remettre, que soit achev6e ou presque la r6daction des autres volumes.

Qu'en est-il du second ? Portant sur la production en prose, il embrasse un ensemble complexe et vari6 d'6crits de toute sorte, compte tenu des in6galit6s dans le d6veloppement des diverses cultures nationales, du statut de la prose dans chacune d'elles, et des incertitudes qui flottent encore, m~me dans les plus d6velopp6es, autour de la notion m~me de litt6rature. C'est peut-~tre cette 6poque qui, en Occident, a connu les transforma- tions les plus spectaculaires dans le passage de la prose d'ilffor- marion ~t la prose litt6raire.

Cette derni6re consid6ration avait amen6 les collaborateurs de l'6quipe parisienne engag6e sur ce volume ~ Prose 1760- 1820)~ ~t consacrer ~t la prose po&ique les derniers chapitres du volume. Ils am6nageaient ainsi, en accord avec leurs coll~gues hongrois, une transition entre le second et le troisi~me volume de l'ensemble.

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L'ach6vement du manuscrit du volume ~< vers >> offrait une bonne occasion, pour les deux 6quipes, de faire le point, et de tirer les enseignements de l'exp&ience acquise. Une r6union s'est donc tenue en septembre 1979 ~t Belley (Ain), off l 'hospita- lit6 da Professeur Louis Trenard nous assurait les conditions de travail les plus agr6ables dans sa propri6t6. Le pr6sident du Comit6 de coordination de I 'AILC pour l 'Histoire litt6raire europ6enne, Henry H. H. Remak, nous fit l 'honneur de pr6sider deux de ces journ6es au cours desquelles quatre comparatistes venus de Budapest retrouv6rent une douzaine de coll~gues de l'6quipe parisienne par son point d'attache, mais efficacement cosmopolite par sa composition.

L 'un des th6mes de la r6union 6tait la Po~sie enprose, qui fair l 'objet du 4 ~ Cahier - alors en pr6paration, et maintenant publi6 -- de la s6rie de travaux pr6paratoires h l'61aboration du volume Prose. Ce Cahier aborde, on le voit, la substance des chapitres terminaux du volume, qui en constitueront la 6 ~ sec- tion. Les grandes lignes de la 5 ~ et des 616ments des quatre autres, 6taient trait6s dans les Cahiers pr6c6dents.

La pr6paration de ce Cahier, sous la responsabilit6 de Fran- 9ois Mouret, a largement profit6 des 6changes avec les partici- pants hongrois, tous 6troitement associ6s h la r6daction du vo- lume sur la Po6sie en Vers. I1 &ait pr6visible que les 6changes de rues seraient particuli~rement fructueux, en ce qui concerne ce premier th~me, autour de la communication de M. Szegedy- Masz~k sur Ossian en Hongrie: le r61e europ6enjou6 par les tra- ductions d'Ossian est en effet au centre du 4" Cahier d'Histoire littdraire compar~e.

Mais la communication de M. Szegedy-Maszfik appartenait en m~me temps au second th~me de ces journ6es, puisqu'on attendait de chacun des participants hongrois qu'il pr6sente, ~t partir de son experience de co-r6dacteur du volume << Vers~>, ses r6flexions sur un aspect de la << p6riode >> 6tudi6e - voir m~me (ce fut le cas pour l 'un d'eux) sur sa sp6cificit6, c'est h dire sur ce qui nous autorise h la traiter comme p6riode.

On lira ci-dessous le texte de ces quatre conf6rences. Qu'il me

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soit permis d 'en souligner l'int6r~t m&hodologique dans la perspective de l 'entreprise commune. Aucun des orateurs n ' a tent6 de simplifier les donn6es du probl~me en vue de nous accor- der quelque brevet collectif de satisfaction sans m61ange. Aucun ne se dissimule les complexit6s de notre t~che (jamais entreprise encore, osons le dire), les lacunes qui subsistent encore dans les recherches, lacunes qui nous interdiraient d 'at tendre de notre ambitieuse synth6se des r6sultats d6finitifs et complets - au cas off nous nous abandonnerions h cette na~'vet6 peu scientifique.

G. M. Vajda, maitre d'oeuvre du volume Vers, nous livre un bilan provisoire de dix arts et plus de r6flexions sur l 'entrecroise- ment des courants an cours de ce demi-si6cle qui a pour centre de gravit6 la date historique de 1789. Son sens des nuances et sa connaissance du contexte philosophique et esth6tique du mo- ment - off la culture allemande contribue si puissamment aux renouvellements - lui permet de faire justice, sans fracas ni sans arrogance, de l 'opposit ion simpliste entre classicisme et romantisme, si longtemps maintenue par une historiographie litt6raire francocentriste et dans une moindre mesure par la terminologie traditionnelle en Allemagne. L'6clairage rdciproque des cultures les unes par les autres permet de mieux saisir les nuances h l'int6rieur de chacune, et de proposer pour l 'ensemble europ6en une classification comme celle que tente G. M. Vajda.

A lire le texte de Mme Eva R. Szil~tgyi, qui constate combien nous sommes mal inform6s sur les survivances, h la fin du XVII I ~ sibcle, de la litt6rature m6di6vale, l 'on prend conscience de l ' importance des cheminements souterrains qui assurent cette survie par la voie de la culture populaire (traditions orales, colportage, a l m a n a c h s . . . ) et expliquent de curieuses r6surgen- ces 1. A l'occident, les historiens ont ouve~ des recherches darts ce domaine, et les historiens de la litt6rature commencent ~t s 'y engager. Beaucoup reste h faire.

1 La question des adaptations populaires de chefs-d'oeuvre litt6raires du moyen ,~ge 6tait soulev6e dans un r6cent article de Neohelicon (VII2) sur l'Humour et la Fantaisie.

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L. Ferenczi et M. Szegedy-Masz~ik se sont engag6s dans des 6tudes de r6ception - le premier d6clarant prendre le terme dans le sens le plus large, le second 6mettant des r6serves sur la vali- dit6 m~me de ce type d'enqu&es lorsqu'elles font abstraction des crit~res esth6tiques. Les jugements sur la Pucelle de Voltaire col- lect6s par L. Ferenczi en divers pays avant et apr6s la R6volution frangaise, nous obligent ~t reconnaitre que si, comme c'est notre hypoth6se de travail, cet 6v6nement europ6en ne constitue pas une coupure entre Lumi~res et Romantisme, du moins conf6re-t- il au sentiment national une vigueur renouvel6e, qui a ses r6per- cussions dans le domaine du gofit po6tique, et darts laquelle les pkilosophes id6alistes sont aussi pour quelque chose.

M. Szegedy-Maszfik, lui, nous invite ~ ne pas exag6rer la por- t6e d'une autre r6volution europ6enne - po6tique celle-lh, et 6tudi6e jadis par Paul Van Tieghem - l'ossianisme. Du moins convient-il - encore que seul soit examin6 ici le cas de la Hongrie - d'en d6placer l'accent. I1 montre que les grands ro- mantiques hongrois ne doivent h peu pros rien ~ Ossian, qui ne les a gu~re impressionn6s. En revanche, les traductions don- n6es par des 6crivains de second ordre, et ~t travers des traduc- tions dans d'autres langues, ont contribu6 au renouvellement de l'expression po6tique. Cette constatation, qui rejoignait les pr6occupations des collaborateurs du Cahier d'Histoire litt~raire comparge n ~ 4, contirme que la litt6rature compar6e ne saurait se contenter, dans l'&ude des 6changes internationaux, de noter la circulation des id6es et des th6mes, mais qu'elle dolt accorder une plus large place au renouvellement de l'expression ~t partir des traductions. Le probl6me n'est plus de savoir si les traduc- tions sont ~ fid~les ~; l'histoire des litt~ratures doit consid~rer les traductions - quel que soit le degr6 de d6veloppement de la litt6rature consid6r6e - comme partie int6grante de la produc- tion nationale.