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Introduction L’ion sodium joue un rôle central dans l’équilibre hydro- électrolytique de l’organisme. Son abondance dans le liquide extracellulaire et la quasi-imperméabilité des membranes cellulaires à cet ion lui confèrent un pouvoir osmotique qui lui fait jouer un rôle prépondérant dans la répartition de l’eau entre les compartiments intra- et extracellulaire de l’orga- nisme. Les déséquilibres de la natrémie, hypo- ou hypernatrémie, peuvent être la conséquence d’une affection intercurrente ayant conduit à une variation des quantités plasmatiques de sodium, mais aussi être induits par les traitements mis en place comme la fluidothérapie. Sévères, ils peuvent compro- mettre le pronostic vital de l’animal. En effet, les déséqui- libres aigus de la natrémie provoquent des mouvements d’eau entre les secteurs intra- et extracellulaires selon le gra- dient de pression osmotique, responsables respectivement d’une déshydratation ou d’un œdème cellulaires, auxquels le tissu nerveux est particulièrement sensible. Ainsi, les symp- tômes associés à ces déséquilibres électrolytiques sont essen- tiellement neurologiques : altération du statut mental, dépression, convulsion, voire coma et la mort de l’animal. L’incidence de ces déséquilibres aigus est assez peu décrite en médecine vétérinaire. Cependant le développe- ment des soins intensifs et la réalisation de bilans ioniques devant toute altération de la conscience, démontrent leur réa- lité et l’importance de leur prise en charge. Plan I Régulation de l’équilibre hydrosodé chez les carnivores domestiques I.1. RÉPARTITION DU SODIUM I.2. PRESSION OSMOTIQUE I.3. RÉGULATION DE L’ÉQUILIBRE HYDROSODÉ Régulation de la natrémie et déséquilibres hydrosodés chez le chien et le chat en soins intensifs I. GOY-THOLLOT 1 , C. POUZOT 1 , M. CHAMBON 1 et J.-M. BONNET 2 1 SIAMU, École Nationale Vétérinaire de Lyon, 1 avenue Bourgelat, 69280 Marcy l’Étoile, France - Tel : 04 78 87 07 07 Email : [email protected] Email : [email protected] Email : [email protected] 2 Physiologie, École Nationale Vétérinaire de Lyon, 1 avenue Bourgelat, 69280 Marcy l’Étoile, France - Tel : 04 78 87 26 41 - Email : [email protected] SUMMARY Natremia regulation and hydro-electrolytic desequilibriums in dogs and cats in intensive care. By I. GOY-THOLLOT, C. POUZOT, M. CHAM- BON and J.-M. BONNET. Sodium ion is the major component of the extra-cellular fluid. As an osmotic solute, he plays a key role in water movements between intra- and extracellular compartments, and in electrolytes homeostasis. Patients with hyponatremia may have decreased, normal, or increased plasma osmolarity, whereas hypernatremia always induces increased plasma osmolarity. Hypo- osmotic hyponatremia, called true hyponatremia, can be associated to nor- mal, decreased or increased extra-cellular volume. Hypernatremia develops most often because of loss of pure water or hypotonic solutes from the ani- mal, but in rare cases it results from gain of sodium. Hyponatremia induces a cellular edema and hypernatremia leads to an intracellular dehydration. Cerebral cells are particularly sensitive to water movements. Nervous symptoms are most likely associated with sodium disorders: confusion, sei- zures, coma or death. The clinical signs are more related to the rapidity of the onset than to the severity of the associated osmolarity variations. The main goals of treatment are to normalize plasma osmolarity and sodium concentration as well as to manage the underlying disease. Because of cere- bral cells adaptations mechanisms, all corrections have to be progressive to avoid irreversible cerebral injury. Keywords : Hypernatremia - Hyponatremia - plasma osmolarity - Dog - Cat - Critical care. Revue Méd. Vét., 2005, 156, 11, 556-568 RÉSUMÉ L’abondance et le pouvoir osmotique de l’ion sodium dans le liquide extracellulaire lui confèrent un rôle central dans la répartition de l’eau entre les compartiments intra- et extracellulaire de l’organisme, et donc dans l’équilibre hydro-électrolytique. L’hyponatrémie peut être associée à une osmolarité plasmatique diminuée, normale ou augmentée, alors que l’hy- pernatrémie induit toujours une augmentation de l’osmolarité plasmatique. L’hyponatrémie associée à une hypo-osmolarité plasmatique, ou hyponatré- mie vraie, peut être accompagnée d’un volume extracellulaire diminué, nor- mal ou augmenté. L’hypernatrémie peut être due à un déficit en eau pure, une perte de fluides hypotoniques ou plus rarement un gain de sel. L’hyponatrémie provoque un œdème cellulaire et l’hypernatrémie une déshydratation intracellulaire auxquelles les cellules nerveuses sont particu- lièrement sensibles. Quels que soient les déséquilibres, les symptômes sont essentiellement neurologiques : altération de conscience, convulsions, coma voire mort. La sévérité des symptômes est plus corrélée à la rapidité d’ins- tallation du déséquilibre qu’à sa gravité. Le traitement vise à normaliser la natrémie et à éradiquer la cause. Les cellules cérébrales ayant souvent mis en place des mécanismes d’adaptation, le retour à une natrémie et une osmolarité plasmatique normales doit toujours être progressif afin de pré- venir tout risque de lésion cérébrale irréversible. Mots-clés : Hypernatrémie - Hyponatrémie - Osmolarité plasmatique - Chien - Chat - Soins intensifs.

Régulation de la natrémie et déséquilibres hydrosodés … · devant toute altération de la conscience, démontrent leur réa-lité et l’importance de leur prise en charge

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IntroductionL’ion sodium joue un rôle central dans l’équilibre hydro-

électrolytique de l’organisme. Son abondance dans le liquideextracellulaire et la quasi-imperméabilité des membranescellulaires à cet ion lui confèrent un pouvoir osmotique quilui fait jouer un rôle prépondérant dans la répartition de l’eauentre les compartiments intra- et extracellulaire de l’orga-nisme.

Les déséquilibres de la natrémie, hypo- ou hypernatrémie,peuvent être la conséquence d’une affection intercurrenteayant conduit à une variation des quantités plasmatiques desodium, mais aussi être induits par les traitements mis enplace comme la fluidothérapie. Sévères, ils peuvent compro-mettre le pronostic vital de l’animal. En effet, les déséqui-libres aigus de la natrémie provoquent des mouvementsd’eau entre les secteurs intra- et extracellulaires selon le gra-dient de pression osmotique, responsables respectivementd’une déshydratation ou d’un œdème cellulaires, auxquels letissu nerveux est particulièrement sensible. Ainsi, les symp-tômes associés à ces déséquilibres électrolytiques sont essen-tiellement neurologiques : altération du statut mental,

dépression, convulsion, voire coma et la mort de l’animal.

L’incidence de ces déséquilibres aigus est assez peudécrite en médecine vétérinaire. Cependant le développe-ment des soins intensifs et la réalisation de bilans ioniquesdevant toute altération de la conscience, démontrent leur réa-lité et l’importance de leur prise en charge.

Plan

I Régulation de l’équilibrehydrosodé chez les carnivoresdomestiques

I.1. RÉPARTITION DU SODIUM

I.2. PRESSION OSMOTIQUE

I.3. RÉGULATION DE L’ÉQUILIBRE HYDROSODÉ

Régulation de la natrémie et déséquilibreshydrosodés chez le chien et le chat en soinsintensifsI. GOY-THOLLOT1, C. POUZOT1, M. CHAMBON1 et J.-M. BONNET2

1 SIAMU, École Nationale Vétérinaire de Lyon, 1 avenue Bourgelat, 69280 Marcy l’Étoile, France - Tel : 04 78 87 07 07Email : [email protected] : [email protected] : [email protected] Physiologie, École Nationale Vétérinaire de Lyon, 1 avenue Bourgelat, 69280 Marcy l’Étoile, France - Tel : 04 78 87 26 41 - Email : [email protected]

SUMMARY

Natremia regulation and hydro-electrolytic desequilibriums in dogs andcats in intensive care. By I. GOY-THOLLOT, C. POUZOT, M. CHAM-BON and J.-M. BONNET.

Sodium ion is the major component of the extra-cellular fluid. As anosmotic solute, he plays a key role in water movements between intra- andextracellular compartments, and in electrolytes homeostasis. Patients withhyponatremia may have decreased, normal, or increased plasma osmolarity,whereas hypernatremia always induces increased plasma osmolarity. Hypo-osmotic hyponatremia, called true hyponatremia, can be associated to nor-mal, decreased or increased extra-cellular volume. Hypernatremia developsmost often because of loss of pure water or hypotonic solutes from the ani-mal, but in rare cases it results from gain of sodium. Hyponatremia inducesa cellular edema and hypernatremia leads to an intracellular dehydration.Cerebral cells are particularly sensitive to water movements. Nervoussymptoms are most likely associated with sodium disorders: confusion, sei-zures, coma or death. The clinical signs are more related to the rapidity ofthe onset than to the severity of the associated osmolarity variations. Themain goals of treatment are to normalize plasma osmolarity and sodiumconcentration as well as to manage the underlying disease. Because of cere-bral cells adaptations mechanisms, all corrections have to be progressive toavoid irreversible cerebral injury.

Keywords : Hypernatremia - Hyponatremia - plasmaosmolarity - Dog - Cat - Critical care.

Revue Méd. Vét., 2005, 156, 11, 556-568

RÉSUMÉ

L’abondance et le pouvoir osmotique de l’ion sodium dans le liquideextracellulaire lui confèrent un rôle central dans la répartition de l’eau entreles compartiments intra- et extracellulaire de l’organisme, et donc dansl’équilibre hydro-électrolytique. L’hyponatrémie peut être associée à uneosmolarité plasmatique diminuée, normale ou augmentée, alors que l’hy-pernatrémie induit toujours une augmentation de l’osmolarité plasmatique.L’hyponatrémie associée à une hypo-osmolarité plasmatique, ou hyponatré-mie vraie, peut être accompagnée d’un volume extracellulaire diminué, nor-mal ou augmenté. L’hypernatrémie peut être due à un déficit en eau pure,une perte de fluides hypotoniques ou plus rarement un gain de sel.L’hyponatrémie provoque un œdème cellulaire et l’hypernatrémie unedéshydratation intracellulaire auxquelles les cellules nerveuses sont particu-lièrement sensibles. Quels que soient les déséquilibres, les symptômes sontessentiellement neurologiques : altération de conscience, convulsions, comavoire mort. La sévérité des symptômes est plus corrélée à la rapidité d’ins-tallation du déséquilibre qu’à sa gravité. Le traitement vise à normaliser lanatrémie et à éradiquer la cause. Les cellules cérébrales ayant souvent misen place des mécanismes d’adaptation, le retour à une natrémie et uneosmolarité plasmatique normales doit toujours être progressif afin de pré-venir tout risque de lésion cérébrale irréversible.

Mots-clés : Hypernatrémie - Hyponatrémie - Osmolaritéplasmatique - Chien - Chat - Soins intensifs.

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A Mécanismes hormonaux

A1 Système rénine-angiotensine-aldostérone

A2 ADH

A3 ANP

B Régulation à l’échelle de l’organisme

B1 Variations de la natrémie

B2 Variations du volume du liquide extra-cellulaire

II Déséquilibres hydrosodés

II.1. HYPONATRÉMIE

A Etiologie

A1 Hyponatrémie artéfactuelle ou pseudohyponatrémie

A2 Hyponatrémie et osmolarité plasmatique élevée

A3 Hyponatrémie et osmolarité plasmatique diminuée

B Signes cliniques

C Diagnostic

D Traitement

II.2. HYPERNATRÉMIE

A Etiologie

A1 Déficit d’eau pure

A2 Pertes de liquides hypotoniques

A3 Cas de l’animal hospitalisé

A4 Apport excessif de sodium

B Signes cliniques

C Diagnostic

D Traitement

D1 Normalisation de la natrémie

D2 Correction du déficit en eau pure

D3 Correction des pertes de liquides hypotoniques

D4 Correction de l’hypernatrémie due à un gain desodium

D5 Maintien d’une natrémie normale après correction

I. Régulation de l’équilibrehydrosodé chez les carnivoresdomestiques

Le maintien de l’équilibre entre les gains et les pertesd’ions sodium est l’une des principales fonctions des reinsqui est assurée principalement par les mécanismes de réab-sorption tubulaire sous influence hormonale. Afin de com-prendre le rôle primordial de l’ion sodium dans l’homéosta-

sie hydrique ainsi que les désordres occasionnés par lesvariations de la natrémie, il est nécessaire d’effectuer desrappels de physiologie sur la régulation de l’équilibre hydro-sodé.

I.1 - RÉPARTITION DU SODIUM

Le sodium est l’ion majoritaire du liquide extracellulaire.Il circule librement entre les secteurs intravasculaire et inter-stitiel. C’est pourquoi, représentant la concentration plasma-tique de sodium, la natrémie reflète la concentration ensodium de tout le secteur extracellulaire (chien : 140-155mmol/l ; chat :149-162 mmol/l) [12]. Quel que soit le tissu,la concentration d’ions sodium à l’intérieur des cellules esttrès inférieure à celle du compartiment extracellulaire. Iln’existe pratiquement pas de mouvements de sodium entreles compartiments extra et intracellulaires. Les membranescellulaires sont très peu perméables à ce cation ; seule unepetite quantité de sodium est échangée selon le gradient élec-trochimique et des transports actifs permettent en outre d’ex-traire le sodium qui a diffusé dans la cellule et de maintenirconstante la quantité de sodium intracellulaire. Ainsi, seulela quantité plasmatique de sodium extracellulaire peut subirde réelles modifications par le biais de pertes ou de gains ensodium. Si le sodium ne franchit pas les membranes cellu-laires, l’eau, en revanche, est susceptible de circuler libre-ment entre les compartiments intra- et extracellulaire selon legradient de pression osmotique en relation directe avec lanatrémie (Figure 1) [12, 20, 43].

I.2. - PRESSION OSMOTIQUE

À l’échelle de l’organisme, l’osmose est le processus dediffusion nette d’eau au travers des membranes cellulairessemi-perméables résultant d’une différence du nombre demolécules entre les compartiments intra- et extracellulaire.En effet, des particules non diffusibles en solution, qu’ils’agisse de molécules ou d’ions, exercent dans leur solvantune pression de nature hydrostatique, la pression osmotique[19]. Cette pression est déterminée par le nombre de parti-cules par unité de volume liquidien qui représente l’osmola-rité (milliosmoles par litre) de la solution. Cette concentra-tion peut s’exprimer également par rapport au poids de lasolution, il s’agit alors d’osmolalité (milliosmoles par kilo-gramme) [12, 20]. L’existence d’une différence d’osmolaritéentre les deux compartiments intra- et extracellulaire est àl’origine d’un gradient de pression osmotique qui engendredes mouvements d’eau du secteur de moindre osmolaritévers le secteur de plus forte osmolarité. Dans les conditionsphysiologiques, la différence d’osmolarité étant extrême-ment faible, le flux net d’eau au travers des membranes cel-lulaires est nul [19, 20, 43].

L’apparition d’un gradient de pression osmotique est liéaux variations de l’osmolarité du seul secteur extracellulairemises en évidence par les modifications de l’osmolarité plas-matique. L’ion sodium étant l’ion majoritaire du secteurextracellulaire et celui qui subit le plus d’échanges avec lemilieu extérieur (tube digestif, glandes sudoripares, rein,etc.), ce sont essentiellement les variations de la natrémie qui

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modifient l’osmolarité plasmatique, la pression osmotique etinduisent, en conséquence, des mouvements d’eau entre lescompartiments extra et intracellulaire (Figure 1) [12, 19, 20,43]. La pression osmotique peut être mesurée à l’aide d’unosmomètre mais, en l’absence de cet appareil, une méthodede calcul permet d’en approcher la valeur. L’équation sui-vante, qui permet de calculer dans le plasma la pressionosmotique à partir des concentrations des particules plasma-tiques, rend compte du rôle prépondérant du sodium dans lapression osmotique (PO). Chaque cation sodium étant asso-cié à un anion (Cl-, HCO3

-, etc.), un facteur multiplicateur 2est affecté à la natrémie [12].

PO (mOsm/l) = 2 x natrémie (mmol/l) + glycémie(mmol/l) + urémie (mmol/l)

L’urée intervient dans le calcul de la pression osmotique,mais comme elle franchit les membranes cellulaires (molé-cule très diffusible), elle n’intervient pas dans le gradient depression osmotique transmembranaire et les modificationsde l’urémie ne sont pas à l’origine d’un phénomène d’os-mose. Pour tenir compte de ce phénomène, on parle de toni-cité qui représente la pression osmotique effective et necomptabilise pas les molécules diffusibles [12, 43]. Ainsi,lors d’urémie, la pression osmotique est élevée, mais la toni-cité reste normale si le sodium est inchangé. En revanche,l’augmentation de la glycémie dans le diabète sucré conduità un mouvement d’eau de l’intérieur vers l’extérieur de lacellule.

La pression osmotique plasmatique normale est environ de300 mOsm/l (290 à 310 mOsm/kg chez le chien et 290 à 330mOsm/kg chez le chat) [12]. Il peut arriver que, malgré unediminution de la natrémie, la pression osmotique effective soit

normale ou augmentée en raison de la présence dans le plasmade substances osmotiquement actives qui ne seraient pasprises en compte dans le calcul (mannitol, éthylène glycol).

Etant donné le rôle fondamental du sodium dans le main-tien de l’équilibre hydrique de l’organisme et des échangesconstants avec le milieu extérieur (alimentation, sécrétionsdigestives, sudorales, etc.), des mécanismes complexes derégulation de la natrémie sont mis en œuvre.

I.3. - RÉGULATION DE L’ÉQUILIBRE HYDROSODÉ

Bien que la quantité d’ions sodium puisse varier, leurconcentration dans le liquide extracellulaire ou natrémietend cependant à rester stable grâce à des ajustements immé-diats du volume d’eau. La régulation de l’équilibre des ionssodium et de l’eau est indissociablement liée à la régulationde la pression artérielle et de la volémie ; elle fait intervenirdivers mécanismes nerveux et hormonaux qui vont essentiel-lement agir sur le rein favorisant ou s’opposant à l’excrétionde sodium et/ou d’eau.

A. MECANISMES HORMONAUX

A1. Le système rénine-angiotensine-aldostérone

L’aldostérone est le principal facteur de la régulationrénale de la concentration des ions sodium dans le liquideextracellulaire. Dans les néphrons, indépendamment de l’al-dostérone, environ 65 % des ions sodium du filtrat rénal sontréabsorbés dans les tubules contournés proximaux et 20 à25 % le sont dans les anses de Henlé. La réabsorption desodium au niveau des tubules contournés distaux et des tubescollecteurs sous dépendance de l’aldostérone ne porte doncque sur une faible fraction (3%) du sodium filtré, mais cetterégulation est toutefois capable de modifier la natrémie [30].

FIGURE 1. — Mouvements d’eau et de sodium entre les différents secteurs. Les mouvements d’eau ( ) entre la celluleet l’interstitium suivent le gradient de pression osmotique (∆PO) existant entre les secteurs intracellulaire (i) et extracellu-laire (e) ; dans les conditions physiologiques POi ≈ POe et ∆PO ≈ 0 ; diffusion d’eau et de sodium ( ) entre le sec-teur vasculaire et l’interstitium ; [Na+] : concentration en ion sodium ; PO : pression osmotique.

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En induisant la biosynthèse d’une protéine spécifique, l’al-dostérone favorise la réabsorption de sodium et parallèle-ment d’eau mais également l’élimination urinaire d’ionspotassium et hydrogène par sécrétion tubulaire. Cette hor-mone favorise également le transport de sodium dans lesglandes sudorales, salivaires et dans les cellules épithélialesintestinales concourant ainsi à la conservation du NaCl parl’organisme [12, 43].

Lors de la régulation de l’équilibre hydrosodé, la sécrétiond’aldostérone par le cortex surrénal est déclenchée par l’an-giotensine II issue de l’activation du système rénine-angio-tensine. La sécrétion de rénine par les cellules myo-épithé-liales de la paroi des artérioles afférentes des glomérulesrénaux est le point de départ de la cascade réactionnelleaboutissant à la formation d’angiotensine II. Sa mise en jeuest induite par une diminution du volume du liquide extra-cellulaire qui est perçue par des barorécepteurs (diminutionde la pression artérielle et mise en jeu du système sympa-thique dont des terminaisons nerveuses se situent au niveaudes cellules à rénine) ; parallèlement, la baisse de la perfu-sion rénale produit une diminution de l’étirement de la paroides artérioles afférentes du glomérule induisant une stimula-tion des cellules à rénine. Une baisse de la teneur en NaCl duliquide tubulaire (consécutive à une hyponatrémie ou à unebaisse de la filtration glomérulaire) perçue au niveau des cel-lules de la macula densa de l’appareil juxtaglomérulaireconduit également au déclenchement de la sécrétion derénine [20]. La rénine est une protéase qui clive l’angiotensi-nogène d’origine hépatique en angiotensine I ultérieurementconvertie en angiotensine II par les enzymes de conversionet les chymases dans la circulation sanguine.

Bien que l’aldostérone soit l’une des hormones les plusefficaces dans les mécanismes de rétention sodée, un excèsd’aldostérone conduit à une rétention de sodium qui n’estque transitoire. En effet, la rétention sodée s’accompagned’une rétention hydrique et en conséquence d’une augmenta-tion du liquide extracellulaire et d’une hypertension arté-rielle. L’augmentation de la pression de perfusion rénale quien découle conduit alors à une augmentation de l’excrétionde sel et d’eau appelée natriurèse par pression. Ce retour à lanormale de l’excrétion hydrique et sodée correspond à unphénomène “d’échappement à l’aldostérone” [20].

L’angiotensine II produite par la mise en jeu du systèmerénine-angiotensine a non seulement un effet indirect surl’équilibre hydrosodé en induisant la sécrétion d’aldostéronepar le cortex surrénal mais est susceptible d’augmenterdirectement la réabsorption de sodium au niveau du rein enstimulant une pompe ATPase-Na/K dans le tubule proximal,l’anse de Henlé et le tubule distal mais également en favori-sant l’échange sodium-hydrogène principalement dans letubule proximal [20]. En outre, elle est capable d’induire lasécrétion d’hormone antidiurétique ; ainsi l’interdépendancede la régulation hydrique et sodée est une nouvelle foisconfirmée.

A2. Hormone antidiurétique : ADH ou vasopressine

L’hormone antidiurétique (ADH) est un nonapeptide syn-thétisé dans les corps cellulaires des neurones des noyauxsupra-optique et para-ventriculaire de l’hypothalamus ;transportée le long des axones de ces neurones jusqu’à leur

terminaison dans le lobe postérieur de l’hypophyse, elle estlibérée dans le torrent circulatoire en réponse à une activa-tion électrique [7]. En effet, en cas d’augmentation de l’os-molarité du liquide extracellulaire, des neurones hypothala-miques hautement spécialisés, les osmorécepteurs, détectentles variations de la concentration des solutés du liquideextracellulaire et émettent des influx excitateurs pour lesneurones hypothalamiques qui libèrent alors l’ADH. Cetteneurohormone, en se fixant sur ses récepteurs rénaux, aug-mente la perméabilité des tubes collecteurs de sorte qu’uneréabsorption d’eau sans électrolytes se produit du tube uri-naire (par des systèmes de canaux appelés aquaporines) versles vaisseaux visant à rétablir l’osmolarité plasmatique nor-male [12, 49]. Une variation d’à peine 1 % de l’osmolarité duplasma suffit à déclencher une réponse sécrétoire considé-rable et met parallèlement en jeu le mécanisme de la soif[12].

Le volume du liquide extracellulaire est un autre facteurqui influence la sécrétion d’ADH. Ce sont essentiellementdes récepteurs de basse pression (oreillettes, grosses veines,vaisseaux pulmonaires) mais également, dans les variationsvolémiques plus importantes, les récepteurs de haute pres-sion (barorécepteurs de la crosse aortique et du sinus caroti-dien) qui détectent les variations du volume du liquide extra-cellulaire et sont susceptibles de modifier la sécrétiond’ADH. Le taux de sécrétion d’ADH est inversement relié autaux de décharge de neurotransmetteurs dans les fibres sensi-tives issues des récepteurs d’étirement des régions de basse(fibres sensitives du nerf vague) et haute pression (fibresissues des barorécepteurs) du système vasculaire, les influxse rendant finalement à l’hypothalamus. Ainsi lors d’unehypovolémie associée ou non à une hypotension, de grandesquantités d’ADH sont libérées ; le résultat est une rétentiond’eau et une baisse de l’osmolarité plasmatique associée àune hyponatrémie puisque le sodium est la plus abondantedes composantes osmotiques actives du plasma [20].

A3. Le facteur atrial natriurétique (FAN) ou peptidenatriurétique auriculaire (ANP)

Ce peptide est synthétisé dans les atriocytes, cellulesatriales à fonction sécrétoire. Le nombre de granules sécré-toires augmente quand l’apport de chlorure de sodium estaugmenté et quand le volume du liquide extracellulaire aug-mente (distension auriculaire). L’ANP provoque une natriu-rèse qui pourrait être due à une augmentation du taux de fil-tration glomérulaire (augmentation de l’aire de filtration etvasodilatation de l’artériole afférente) associée à une actiontubulaire (inhibition de la réabsorption tubulaire de sodium).Il entraînerait également une diminution de la sécrétion derénine et d’aldostérone [19].

B. REGULATION A L’ECHELLE DE L’ORGA-NISME

B1. Variations de la natrémie

Les variations de la natrémie s’accompagnent de transfertsd’eau qui tendent à rétablir les concentrations plasmatiquesde sodium et d’une adaptation de la sécrétion d’ADH auxvariations de l’osmolarité plasmatique. En outre, il existe desadaptations tissulaires aux modifications de la natrémie, enparticulier au niveau du cerveau.

REGULATION DE LA NATREMIE CHEZ LE CHIEN ET LE CHAT EN SOINS INTENSIFS 559

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L’hyponatrémie peut induire une hypotonicité plasmatiqueresponsable d’un œdème cellulaire affectant plus particuliè-rement les cellules nerveuses cérébrales. Néanmoins, rapide-ment, des mécanismes d’adaptation se mettent en place. Dansun premier temps, l’œdème cérébral provoque une élévationde la pression hydrostatique du liquide interstitiel génératriced’un gradient favorable au transfert de liquide de l’intersti-tium cérébral vers le liquide céphalorachidien. Il en résulteune diminution du contenu cérébral en eau. Puis, à l’échellecellulaire, interviennent des mécanismes d’adaptation (sortiede molécules osmotiquement actives de la cellule) contri-buant à diminuer la pression osmotique intracellulaire, àréduire le différentiel osmotique entre les secteurs intra- et

extracellulaire et à diminuer ainsi l’œdème cérébral. Ainsi,dans les 24 premières heures, des ions potassium et sodiumtendent à quitter les cellules cérébrales par activation decanaux membranaires. Après 24 à 48 heures, des moléculesorganiques intracellulaires osmotiquement actives appeléesosmolytes idiogéniques (glutamate, glutamine, inositol, etc.)sortent également des cellules (Figure 2) [17, 43].

L’hypernatrémie entraîne une hypertonicité plasmatique,responsable d’une déshydratation intracellulaire qui affecteen particulier les cellules nerveuses cérébrales. Si l’hyperna-trémie s’installe progressivement, des mécanismes d’adapta-tion s’installent. Dans un premier temps, la contraction du

FIGURE 2. — Conséquences de l’hyponatrémie sur les cellules cérébrales. Mécanismes cellulaires d’adaptation à l’hyponatrémie par diminution de l’osmolaritéintracellulaire par sortie de substances osmotiquement actives (Na+, K+, osmolytes). [Na+]e : concentration de sodium extracellulaire ; POe : pression osmo-tique extracellulaire. (Modifié d’après Faubel [17]).

FIGURE 3. — Conséquences de l’hypernatrémie sur les cellules cérébrales. Mécanismes cellulaires d’adaptation à l’hypernatrémie par augmentation de l’osmo-larité intracellulaire par pénétration d’électrolytes et production de substances osmotiquement actives (osmolytes). [Na+]e : concentration de sodium extra-cellulaire ; POe : pression osmotique extracellulaire. (Modifié d’après Faubel [17]).

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volume cérébral induite par l’hypernatrémie crée un gradienthydrostatique favorable à un mouvement du liquide céphalo-rachidien vers l’interstitium cérébral, en augmentant ainsi levolume. Dans un second temps, les cellules cérébrales ex-traient des ions sodium, chlore et potassium de l’interstitiumet produisent des osmolytes [30, 43]. Ces mécanismes aug-mentent l’osmolarité de la cellule et diminuent ainsi le diffé-rentiel osmotique entre les secteurs intra- et extracellulairelimitant les transferts d’eau (figure 3).

B2. Variations du volume du liquide extracellulaire

Une variation de la volémie conduit à la mise en œuvrecoordonnée de mécanismes régulateurs physiques, nerveuxet hormonaux de l’équilibre hydrosodé (Figure 4).

Une hypovolémie est détectée par les récepteurs à bassepression (grosses veines, oreillettes) ce qui conduit à unediminution de la sécrétion d’ANP et une augmentation de lasécrétion d’ADH induisant une réabsorption rénale d’eau etle déclenchement de la soif. Parallèlement, la diminution dela perfusion rénale entraîne une baisse de la filtration glomé-rulaire et la mise en jeu du système rénine-angiotensine-aldostérone. Par ces divers mécanismes, une réduction de laquantité d’urine émise se produit associée à une augmenta-tion de la réabsorption rénale de sodium et d’eau. Si l’hypo-volémie est accompagnée d’hypotension, les barorécepteurs(récepteurs haute pression) du territoire artériel sont stimuléset tous les mécanismes de régulation de la pression artériellesont activés (systèmes rénine-angiotensine-aldostérone etsympathique). Ces mécanismes aboutissent à une rétentionhydrosodée induisant une expansion volumique contribuantau rétablissement de la pression artérielle [20].

Inversement, lors d’une hypervolémie les mécanismescompensatoires décrits précédemment ne sont plus mis enjeu, la filtration glomérulaire augmente (si le rein n’est pas àl’origine de l’expansion volumique) et la sécrétion d’ANPaugmente [20].

En modifiant la filtration glomérulaire mais surtout laréabsorption tubulaire d’eau et de sodium, plusieurs facteursrégulateurs sont susceptibles de maintenir l’équilibre hydro-sodé de l’organisme. Cependant, malgré l’existence demécanismes complexes de régulation du sodium et d’eau,

des déséquilibres peuvent apparaître.

II. Déséquilibres hydrosodés Les troubles de l’équilibre hydrosodé qui surviennent dans

l’organisme peuvent résulter de pertes ou de gains en eau eten sel pour lesquels la mise en jeu des mécanismes compen-sateurs s’avère insuffisante. Inversement, les déséquilibrespeuvent être la conséquence du fonctionnement anormal desmécanismes de régulation de la natrémie (diabète insipide,hyper ou hypoaldostéronisme, etc.) engendrant des pertesexcessives ou un défaut d’élimination d’eau et de sodium.Quel qu’en soit le mécanisme d’apparition et l’origine, lespertes ou gains de liquides par l’organisme (sueur, boisson,fèces, urines, etc.) se produisent toujours à partir du secteurextracellulaire. Selon leur osmolarité par rapport au plasma(liquides iso, hypo ou hypertoniques), il se produit ou nonune modification de la pression osmotique du secteur extra-cellulaire et en conséquence de l’hydratation du secteurintracellulaire, l’eau suivant la loi de l’osmose. Ainsi, lapression osmotique plasmatique et son composant majeur, lanatrémie, sont les témoins de l’hydratation intracellulaire(déshydratation, hyperhydratation) (tableau I). Les déséqui-libres graves ou d’installation aiguë ont de graves consé-quences, en particulier neurologiques, et peuvent mettre enpéril la vie de l’animal. Dans le contrôle du développementdes soins intensifs, la réalisation systématique de bilansioniques permet d’identifier ces déséquilibres, jusqu’alorspeu décrits en médecine vétérinaire [49, 50].

II.1 - HYPONATRÉMIE

L’hyponatrémie est définie par des concentrations plasma-tiques en sodium inférieures à 140 mEq/l chez le chien et 149mEq/l chez le chat [10-13, 30, 57]. Le sodium étant le prin-cipal déterminant de l’osmolarité, une hyponatrémie vraieest associée à une hypo-osmolarité plasmatique à l’origined’une hyperhydratation intracellulaire, affectant principale-ment les cellules du système nerveux. Cependant il existedes circonstances dans lesquelles l’osmolarité plasmatiquepeut-être normale voire élevée.

TABLEAU I. — Conséquences des pertes et des gains hydrosodés sur l’hydratation des compartiments de l’organisme. Isotoniques : 145 mmol deNa+ par litre de liquide ; hypertoniques : > 145 mmol de Na+ par litre de liquide ; hypotoniques : <145 mmol de Na+ par litre de liquide ; PO :pression osmotique ; HIC : hyperhydratation intracellulaire ; HEC : hyperhydratation extracellulaire ; DIC : déshydratation intracellulaire ;DEC : déshydratation extracellulaire.

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A. ÉTIOLOGIE (Tableau II)

A1. Hyponatrémie artéfactuelle ou pseudohyponatrémie

Deux circonstances particulières, l’hyperlipidémie et l’hy-perprotéinémie peuvent induire une hyponatrémie artéfac-tuelle ou pseudohyponatrémie, alors que l’osmolarité plas-matique est normale [43].

Le sodium est présent dans la phase aqueuse du plasma.Environ 93% du volume du plasma est occupé par de l’eau etles 7% restant sont constitués de lipides et de protéines. Lesodium n’est soluble que dans la phase aqueuse du plasma.Or, la méthode de mesure par photométrie de flamme évaluela concentration en sodium dans la totalité du volume plas-

matique. Si les phases protéique ou lipidique sont impor-tantes, la concentration en sodium, rapportée au volume totaldu plasma, est diminuée [11, 12, 30]. Cette erreur n’existepas si la méthode de mesure est la potentiométrie directe.

A2. Hyponatrémie et osmolarité plasmatique élevée

L’administration intraveineuse de molécules osmotique-ment actives (différentes du sodium) comme le mannitol oupossédant un pouvoir oncotique (colloïde) occasionne undéplacement d’eau vers le secteur intravasculaire. Le volumecirculant augmente et la natrémie baisse par dilution [30].

De même, en cas de diabète sucré, l’hyperglycémie est àl’origine d’une hyperosmolarité plasmatique responsabled’un mouvement d’eau dans le secteur vasculaire qui peutentraîner une hyponatrémie par dilution du sodium [5, 12].

A3. Hyponatrémie et osmolarité plasmatique diminuée

Une hyponatrémie associée à une hypo-osmolarité plas-matique est qualifiée d’hyponatrémie vraie. Elle trouve sonorigine dans une perte de sodium ou un gain d’eau à faibleteneur sodée ou une association des deux [10-12, 43].

➢ Hyponatrémie, hypo-osmolarité et diminution duvolume extracellulaire

L’origine de ce déséquilibre électrolytique est une perterénale ou extrarénale de liquides riches en ions sodium(pertes hypertoniques). Les pertes extrarénales sont, soitdigestives (vomissements, diarrhées) [12, 52], soit dues à uneséquestration de liquides dans un troisième secteur (épanche-ment pleural ou péritonéal, chylothorax, iléus paralytiqueintestinal, etc.) [3, 41, 51, 55] ou encore sanguines [52].

Le déficit en aldostérone accompagnant l’insuffisance sur-rénalienne ou maladie d’Addison, est responsable d’unefuite rénale de sodium [18, 36, 38-40, 44, 48]. Une insuffi-sance surrénalienne relative décrite en soins intensifs chez

l’Homme et l’animal, accompagnée principalement d’undéficit en glucocorticoïdes, pourrait également induire unehyponatrémie [1, 33]. Les pertes rénales peuvent aussi êtreconsécutives à l’administration de salidiurétiques (furosé-mide) [56].

➢ Hyponatrémie, hypo-osmolarité et expansion duvolume extracellulaire

Lors d’insuffisance cardiaque congestive ou d’épanche-ment péricardique, (augmentation de la pression veineuse),et lors d’affection hépatique sévère ou de syndrome néphro-tique, (chute de la pression oncotique due à l’hypoprotéiné-mie), il se produit une extravasation de liquide vers le secteurinterstitiel. La baisse de la volémie efficace qui en résulteaboutit à une diminution de la perfusion rénale et à un hyper-aldostéronisme secondaire (rétention hydrosodée) [29, 30].Parallèlement, cette hypovolémie est responsable de la miseen jeu de la sécrétion d’ADH qui pourrait conduire à unebaisse de la natrémie par dilution des ions sodium.

Dans les cas rares de myxoedème hypothyroïdien, la quan-tité d’eau interstitielle augmente parallèlement à une diminu-tion de la volémie, entraînant, de la même façon, une hypo-natrémie [54].

Dans les insuffisances rénales oligo-anuriques, un désé-quilibre similaire de la balance hydrosodée se rencontre [9,12, 43].

➢ Hyponatrémie, hypo-osmolarité et volume extracellu-laire normal

Cette hyponatrémie peut être la conséquence d’une poto-manie (polydypsie psychogénique), d’une sécrétion inappro-priée d’ADH (rare chez le chien et le chat) [42], ou de l’ad-ministration de médicaments stimulant la sécrétion d’ADHou potentialisant ses effets [30, 43].

La potomanie entraîne une polyurie qui s’auto-entretient

TABLEAU II. — Principales causes d’hyponatrémie chez les carnivores domestiques [12, 30].

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par la diminution du gradient osmotique rénal. Le “washout”médullaire résultant est responsable d’une augmentation dela natriurèse par diminution de la réabsorption tubulaire desodium [12, 25].

Le syndrome de la sécrétion inappropriée d’ADH fait réfé-rence à une sécrétion d’ADH en l’absence d’un stimulusosmotique ou d’une hypovolémie [41]. Ce syndrome estrelativement rare chez le chien et le chat. Il peut être associéà la dirofilariose, à des tumeurs hypothalamiques, à un défi-cit isolé en glucocorticoïdes ou à la douleur.

Les médicaments stimulant la sécrétion d’ADH sont lescholinergiques, les β- agonistes, les narcotiques, le mono-xyde d’azote, les antidépresseurs tricycliques, les barbitu-riques et la vincristine. La chlorpropamide et les anti-inflam-matoires non stéroïdiens sont susceptibles, pour leur part, depotentialiser les effets de l’ADH [30]. L’ADH induit unappel d’eau pure dans le secteur vasculaire (stimulation de lasoif, réabsorption rénale), à l’origine d’une hyponatrémiepar dilution du sodium plasmatique.

Une hyponatrémie, associée à une hyperkaliémie, a étédécrite chez trois chiennes gestantes dont la volémie étaitnormale [45]. Le mécanisme exact de cette hyponatrémie n’apas été défini. En outre, une hyponatrémie due à l’exercice aété décrite chez des chiens de traîneau, probablement induitepar une augmentation du “turn over” en eau [24].

B. SIGNES CLINIQUES SPECIFIQUES DE L’HY-PONATREMIE

L’hypo-osmolarité plasmatique induite par l’hyponatrémieinduit un mouvement d’eau vers le secteur intracellulaireauquel les cellules nerveuses sont particulièrement sensibles.Les signes cliniques sont essentiellement neurologiques. Ilse produit un œdème cellulaire cérébral à l’origine d’unedépression, d’une léthargie, de convulsions, d’un coma,voire du décès de l’animal. La gravité des symptômessemble être plus dépendante de la rapidité d’installation del’hyponatrémie que de sa sévérité [12, 30, 43]. Les compli-cations les plus importantes s’observent lorsque la cinétiquede chute de la natrémie est supérieure à 0,5 mEq/l/h ou pourdes concentrations plasmatiques en sodium inférieures à 120mEq/l [57]. Les signes cliniques sont généralement absentschez les patients souffrant d’hyponatrémie chronique, car lescellules nerveuses cérébrales ont mis en place des systèmesd’adaptation à l’hypo-osmolarité (figure 2) [17]. Ces méca-nismes cellulaires tendent à diminuer l’osmolarité intracellu-laire par la sortie de molécules osmotiquement actives (Na,K, osmolytes).

C. DIAGNOSTIC

La méthode de mesure de la natrémie, la protéinémie et lalipidémie doivent être contrôlées afin d’éliminer unepseudo-hyponatrémie. La première étape, face à une hypo-natrémie non artéfactuelle, consiste à mesurer, dans lamesure du possible, l’osmolarité plasmatique. Le recueil descommémoratifs, l’évaluation de la volémie et de l’hydrata-tion de l’animal, la mesure de la pression artérielle et éven-tuellement de la pression veineuse centrale, de la glycémie,de l’hématocrite sont les étapes suivantes [10-12].L’hypocorticisme, suspecté pour tout rapport Na/K < 25,peut être confirmé par un test de stimulation à l’ACTH.

D. TRAITEMENT

L’objectif du traitement est de restaurer la natrémie et l’os-molarité plasmatique, tout en éliminant la ou les causes dudéséquilibre. La correction trop rapide d’une hyponatrémiechronique (évoluant depuis plus de 48 heures) peut s’avérerplus dangereuse que l’hyponatrémie elle-même. En effet,une augmentation brutale du sodium plasmatique provoqueune déshydratation des cellules cérébrales, une rétraction duvolume du cerveau et des hémorragies cérébrales. Unedémyélinisation des cellules cérébrales pontines et extrapon-tines peut se produire, entraînant de graves symptômes neu-rologiques (altération du statut mental, tétraparésie, coma),voire le décès de l’animal. Ce phénomène, appelé, myélino-lyse pontine, peut survenir plusieurs jours après la correctionde l’hyponatrémie [2, 6, 27, 28, 37].

Il est recommandé de traiter progressivement si la duréed’évolution de l’hyponatrémie est inconnue, le NaCl 0,9 %étant préféré aux solutés hypertoniques de sodium. La ciné-tique de correction de la natrémie est de 0,5 mEq/l par heure[30].

Les solutés de NaCl 0,9% et Ringer lactate sont utiliséspour la correction de la volémie et de la déshydratation. Si lepatient est normovolémique, l’accès à l’eau est restreint.Tout traitement susceptible de stimuler la sécrétion d’ADHou d’en potentialiser ses effets doit être interrompu. En casd’insuffisance cardiaque associée, il est recommandé de trai-ter spécifiquement l’insuffisance cardiaque et de diminuerles doses de salidiurétiques de l’anse de Henlé (furosémide).La natrémie doit être contrôlée toutes les une à deux heuresjusqu’à normalisation [30].

II.2 - HYPERNATRÉMIE

Des concentrations plasmatiques supérieures à 156 mEq/lchez le chien et 161 mEq/l chez le chat définissent unehypernatrémie [12, 13]. Une hypernatrémie provoque tou-jours une hyperosmolarité plasmatique, responsable d’unedéshydratation cellulaire à laquelle les cellules cérébralessont particulièrement sensibles [12].

A. ÉTIOLOGIE (tableau III)

Les principales causes d’hypernatrémie sont un déficit eneau pure, une perte de liquide à faible teneur sodée ou unapport excessif de sodium [23, 32, 49]. En médecine vétéri-naire, l’hypernatrémie par excès d’apport en sel est peu fré-quente [30]. L’hypernatrémie aiguë est généralement laconséquence d’un déficit en eau pure [49].

A1. Déficit d’eau pure

Il est consécutif soit à une perte excessive, soit à un défautd’apport d’eau.

➢ Pertes d’eau pure

Les pertes d’eau pure sont rénales ou extra-rénales.

Les pertes rénales sont associées à un déficit de productionhypophysaire d’ADH (diabète insipide central), à un déficitde sensibilité des récepteurs tubulaires à l’ADH (diabèteinsipide néphrogénique) ou une association des deux [18].Des cas de diabète insipide central entraînant une hyperna-trémie ont été décrits chez le chien et le chat, associés à une

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méningoencéphalite [31], une malformation hypophysaire[15] et un traumatisme crânien [18, 46]. Chez quatre chatsayant subi un traumatisme crânien, l’hypernatrémie et lessymptômes sont apparus différés de deux à 13 jours [49].Chez l’homme 10 % des traumatismes crâniens sont respon-sables d’un diabète insipide central qui peut rétrocéder aprèsplusieurs jours ou plusieurs années ou qui peut induire unehypernatrémie fatale [49]. Chez le chien, l’hypernatrémie estune complication fréquente de l’hypophysectomie trans-sphénoïdale pratiquée dans le traitement du syndrome deCushing hypophysaire [22, 34, 35].

Le diabète insipide néphrogénique peut être primaire(familial) ou secondaire. Les endotoxines produites parEscherichia coli (pyomètre, pyélonéphrite) induisent unerésistance des récepteurs tubulaires à l’ADH. L’hypercalcé-mie est responsable de lésions des récepteurs à ADH et l’hy-pokaliémie diminue leur sensibilité [18, 49].

Les pertes extrarénales d’eau sont d’origine respiratoire etgénéralement dues à l’halètement provoqué par la fièvre oul’hyperthermie [30].

➢ Défaut d’apport d’eau pure

Une hypodipsie primaire [21], des lésions neurologiquesavec altération des mécanismes de déclenchement de la soifet un simple défaut d’accès à l’eau sont responsables d’hy-pernatrémie [30]. Une adipsie due à un dysfonctionnementdes osmorécepteurs hypothalamiques (dégénérescence neu-ronale) a été décrite chez le Schnauzer nain [8, 14, 25, 47,53].

La privation hydrique (tests de restriction hydrique, affec-tion concomitante, voyage, etc.) revêt un caractère particu-lièrement dangereux chez les animaux souffrant de diabèteinsipide. Elle peut très rapidement provoquer des hyperna-trémies très sévères aux conséquences catastrophiques [16].

A2. Pertes de liquides hypotoniques

Les pertes de fluides hypotoniques peuvent être digestives(vomissements, diarrhée), rénales ou consécutives à la for-mation d’un troisième secteur (péritonite ou inflammationpleurale) [30]. Les pertes rénales sont associées à une diurèseosmotique (diabète sucré, perfusion de mannitol), une insuf-fisance rénale chronique (capacité rénale déficiente àconcentrer les urines), une polyurie de levée d’obstacle

(post-obstruction urétrale chez le chat) ou un hypercorti-cisme (inhibition de la sécrétion et/ou de l’action de l’ADHpar les glucocorticoïdes [18, 30].

A3. Cas particulier de l’animal hospitalisé

La perfusion de solutés isotoniques renfermant du sodium(NaCl 0,9% ou Ringer lactate) n’induit généralement pasd’hypernatrémie chez un animal dont les mécanismes derégulation de la natrémie sont fonctionnels [43]. Cependant,une hypernatrémie peut être observée chez l’animal hospita-lisé ne s’abreuvant pas et perfusé exclusivement avec cessolutés. En effet, les pertes quotidiennes sont discrètementhypotoniques par rapport au plasma [30, 50].

A4. Apport excessif de sodium

L’intoxication au sel est peu fréquente chez les carnivoresdomestiques [26]. Le développement d’une hypertonicitéplasmatique est peu probable tant que l’accès à l’eau est pos-sible et que le mécanisme de déclenchement de la soif estfonctionnel.

L’administration en grande quantité de sodium (solutionhypertonique de sodium, bicarbonate de sodium...) peutfavoriser l’apparition d’une hypernatrémie.

L’hyperaldostéronisme primaire dû à une tumeur du cortexsurrénalien est extrêmement rare chez les carnivores domes-tiques [4].

B. SIGNES CLINIQUES SPECIFIQUES DE L’HY-PERNATREMIE

Quand la natrémie excède 170 mEq/l, se produit unedéshydratation intracellulaire significative se produit àlaquelle les cellules nerveuses sont particulièrement sen-sibles (hémorragies cérébrales fréquentes). Des symptômesnerveux, souvent similaires à ceux associés à l’hyponatré-mie, sont principalement observés : léthargie, abattement,convulsions, coma et mort. Généralement, comme pour l’hy-ponatrémie, la gravité des signes cliniques est plus corrélée àla rapidité d’installation de l’hypernatrémie qu’à la sévéritéde l’hypernatrémie elle-même [57].

Il est à noter que la soif, qui est directement liée à l’aug-mentation de l’osmolarité plasmatique, peut disparaîtrelorsque les lésions neurologiques deviennent trop sévères[15].

TABLEAU III. — Principales causes d’hypernatrémie chez les carnivores domestiques [12, 23, 30, 32].

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C. DIAGNOSTIC

La mesure de la natrémie fait partie des bilans chez les ani-maux hospitalisés en soins intensifs. Un suivi particulier desélectrolytes plasmatiques est conseillé chez les patients ayantsubi un traumatisme crânien, souffrant de diabète sucré ouinsipide ou d’insuffisance rénale chronique ou présentantune polyuro-polydipsie, une altération de l’état de cons-cience, une dyspnée, de l’épiphora, de la diarrhée ou desvomissements. Lors de l’examen clinique, le statut mental, lavolémie et la déshydratation sont évalués. Le bilan biolo-gique initial comprend l’évaluation de la glycémie, de l’uré-mie et de la créatininémie, l’imagerie de l’abdomen (troi-sième secteur, pyélonéphrite, pyomètre, pancréatite) et ladensité, voire l’osmolarité urinaire [12, 50].

D. TRAITEMENT

Les hypernatrémies sévères (supérieures à 170 mEq/l) sontdes urgences graves dont le pronostic vital est sévère [32,50]. L’objectif est de corriger la natrémie, de normaliser lapression osmotique plasmatique tout en traitant la cause sousjacente (diabète sucré, diabète insipide, gastro-entérite...).Une correction trop rapide de l’hypernatrémie peut être res-ponsable d’un œdème cérébral [23].

D1. Normalisation de la natrémie

Le principe est de ne pas diminuer la natrémie de plus 0,5mEq/l par heure [12, 56]. En pratique, contrôler la décrois-sance de la natrémie est difficile. De plus, l’applicationstricte d’une cinétique de décroissance inférieure à 0,5 mEq/lpar heure conduirait à corriger une natrémie de 200 mEq/l à150 mEq/l sur quatre jours [30]. Une formule a été proposéepour anticiper les effets d’un litre de perfusion sur la natré-mie [30] :

Exemple : Un chien de 10 kg, dont la natrémie est de 180mEq/l est perfusé avec du Ringer lactate (concentration ensodium de 130 mEq/l). Chaque litre de Ringer lactate perfuséva diminuer approximativement de 7 mEq/l la natrémie de cechien.

Il est conseillé de faire des contrôles de la natrémie toutesles une à deux heures jusqu’à normalisation.

D2. Correction du déficit en eau pure

En cas de perte d’eau pure, la quantité corporelle totale desodium reste identique, seule la natrémie augmente. L’eaureprésente 60 % du poids du corps. La quantité corporelletotale de sodium (mEq) est calculée par la formule : natrémie(mEq/l) x eau corporelle totale (litres).

La formule qui permet de calculer le déficit en eau libre est[12, 30] :

[0,6 x poids vif (kg) x (natrémie (mEq/l) / natrémie souhai-tée (mEq/l))] - 1

Afin de combler le déficit calculé, le soluté choisi est leglucose 5 %. Le glucose étant métabolisé très rapidement,perfuser ce soluté équivaut à perfuser de l’eau pure.

La correction du déficit en eau pure doit s’inscrire dans lafluidothérapie de maintenance générale et tenir compte despertes quotidiennes, tout en veillant à ne jamais diminuer lanatrémie de plus de 0,5 mEq/l.

D3. Correction des pertes de liquides hypotoniques

Les pertes de liquides hypotoniques induisent une hypovo-lémie significativement plus importante que celle induite parles pertes en eau pure [30]. La volémie peut être corrigéeavec du NaCl 0,9% ou du Ringer lactate. Une solution hypo-tonique telle que NaCl 0,45 % / glucose 2,5 % peut égale-ment être utilisée tout en étant vigilant à ne pas diminuer troprapidement la natrémie. Lorsque la volémie est rétablie, l’hy-pernatrémie peut être traitée spécifiquement [12, 56, 57].

D4. Correction de l’hypernatrémie due à un gain desodium

La volémie peut être normale ou augmentée. La cinétiquede diminution de la natrémie doit toujours être inférieure à0,5 mEq/l. Le glucose 5 % est conseillé. Afin de prévenirtout risque de surcharge volumique et d’œdème, il estconseillé de surveiller la volémie, voire de mesurer la pres-sion veineuse centrale. L’administration d’un salidiurétiquede l’anse comme le furosémide (1 à 2 mg/kg IV) est parfoisutile pour diminuer la volémie et éliminer le sodium [26].

D5. Maintien d’une natrémie normale après correction

Chez les patients, dont les mécanismes de régulation dusodium sont fonctionnels, la fluidothérapie est maintenuejusqu’à stabilisation de la natrémie.

Chez les animaux souffrant de diabète insipide central, untraitement à la desmopressine est conseillé : une à deuxgouttes dans chaque œil toutes les huit à 24 heures [50].

La chlorpropamide, médicament hypoglycémiant, a étéutilisée car elle potentialise les effets tubulaires de l’ADH(10-40 µg/kg/jour) [8].

Dans le diabète insipide, paradoxalement, les diurétiquesthiazidiques peuvent diminuer le volume des urines en indui-sant une déshydratation modérée qui stimule la réabsorptiond’eau et de sodium au niveau du tubule rénal proximal [43].Un régime alimentaire restreint en sodium et en protéines estparallèlement conseillé. Les posologies recommandées sont20 à 40 mg/kg deux fois par jour pour le chlorothiazide et 2,5à 5 mg/kg deux fois par jour pour l’hydrochlorothiazide [30].

Conclusion Il est très important d’identifier les déséquilibres de la natré-

mie chez les patients hospitalisés en soins intensifs. Lesodium conditionne les mouvements d’eau entre les secteursintra- et extracellulaires et les cellules nerveuses sont les plussensibles aux phénomènes de déshydratation et d’hyperhydra-tation. De nombreuses affections et parfois certains traite-ments peuvent occasionner des variations de la natrémie. Il està noter qu’une même affection peut occasionner une hypo- ouune hypernatrémie (diabète sucré, insuffisance rénale), la sur-venue de l’un ou l’autre des déséquilibres dépendant du statuthydrique de l’animal et de la mise en jeu des mécanismescompensateurs. Quelle que soit son origine, une hyper- ouhyponatrémie aiguës nécessitent une prise en charge rapide. Il

Estimation demodification

de la natrémie

concentration en sodium du liquidede perfusion - natrémie

[poids en kilogrammes x 0,6] + 1=

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est essentiel pour le clinicien de connaître les mécanismes derégulation de la natrémie, ainsi que les causes et conséquencesde tout déséquilibre sur les mouvements d’eau entre secteurintra- et extracellulaire afin d’adapter le traitement.

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