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Bad Games

À peine arrivée sur le campus de Stanford en Californie, Carrie rencontre Orion et Josh, deux badboys américains au charme ravageur. Voilà un séjour aux États-Unis qui commence bien pour la jeuneFrançaise ! Seule ombre au tableau : elle doit assister au mariage de sa mère… qui l’a pourtantdélaissée pendant toute son enfance.Carrie est bien décidée à profiter de la vie et, la veille du mariage tant redouté, elle succombe aucharme de Josh, le tatoué au sourire foudroyant. Pas de promesse, pas d’engagement, seulement unmoment magique avec un amant incroyable !Sauf que sans le savoir, Carrie a passé la nuit avec son… futur grand frère par alliance ! Le mariagede sa mère pourrait bien se transformer en un véritable cauchemar…Entre passion, sentiments et secrets, les deux amants devront lutter pour défendre leur bonheur !

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Bad Love – Captive mais insoumise

Un matin, Elsa se retrouve prise dans une fusillade devant les écuries où elle travaille. L’inconnu quiétait visé l’entraîne dans sa fuite pour la protéger des tueurs dont elle a vu le visage. Retenue dansson haras du Kentucky, elle se rebelle contre cette captivité, mais ne peut s’empêcher de tomber sousle charme du bel Oscar, aussi sexy que mystérieux… Entre danger et séduction, la vie d’Elsa seretrouve complètement bouleversée !

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Fallait pas me chercher !

J’ai 24 ans, un père tyrannique et un empire babylonien à gérer. Ma fortune colossale et mon joli culfont de moi le meilleur parti de Los Angeles. Je souris, on se pâme. J’ordonne, on m’obéit. J’auraispu m’appeler Mike, John ou William, mais mes chromosomes en ont décidé autrement. Je m’appelledonc Valentine Laine, je suis une femme qui doit s’imposer dans un monde de requins, et rien nipersonne ne me résiste.

Au moins jusqu’à l’arrivée fracassante de Nils Eriksen, qui m’a sauvé la vie tout en y mettant un soukimprobable. Sans cesse, nos destins s’entrechoquent, s’entremêlent, s’entrelacent, et nos corps nedemandent qu’à les imiter…

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Impossible Love – Retrouve-moi

Emily Green fait la rencontre de Max Withman. Entre eux, c’est le coup de foudre, ils sont faits l’unpour l’autre ! Tous les deux créa dans la pub sur Madison Avenue, tous les deux passionnés par leurtravail et à la pointe de l’innovation. Emily est drôle et intelligente, Max est beau à tomber et dévorela vie. Le problème ? Elle vit en 2015, lui en 1963… Par quel miracle Emily s’est-elle retrouvéepropulsée dans le passé ? Comment avouer la vérité à Max sans passer pour une folle ?Excitée par la découverte du New York des années 1960 et animée d’une passion dévorante pourMax, Emily a l’impression de vivre un rêve éveillé. Mais le rêve pourrait bien se transformer encauchemar car on ne voyage pas dans le temps sans créer d’irréversibles dégâts… Emily et Maxsont-ils condamnés à vivre à 52 ans l’un de l’autre ?Sensualité, suspense, une histoire d’amour qui défie le temps !

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Insupportable... mais à tomber !

Nora n’a que 24 ans mais ses grands-parents lui ont déjà confié la responsabilité de leur hôtel new-yorkais. À la tête d’un établissement aussi prestigieux que délabré, elle se bat entre les clientscapricieux et les factures à payer. Rien de bien excitant jusqu’au jour où elle rencontre Neil Caine,LE designer que tout le monde s’arrache pour sa créativité… mais dont tout le monde redoute lesfrasques !Leur relation sera pleine de surprises, de passion... et de tensions en tous genres.

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Rose M. Becker

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RÊVES ET DÉSIRS

Volume 6

ZHOP_006

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1. Prologue – Dans ses yeux

C’est moi. C’est moi que je vois. Comme si je n’étais plus à l’intérieur de mon corps. Comme sije m’observais à travers les yeux d’un autre. Ruisselante d’eau, je referme les robinets de la douche,coupant le jet avant d’essorer mes cheveux d’une main. Je rassemble ensuite ma crinière cuivrée,laissant les gouttes dévaler ma nuque, mon cou et mon dos. Puis, chassant les petites rigoles quicoulent sur mon visage, j’ouvre les portes de la cabine.

De l’excitation. L’autre ressent de l’excitation. Pas moi, non. Je ne sais pas ce que j’éprouve, jesuis hors de mon corps. Mais celui qui me regarde et ne me quitte pas des yeux est submergé par unevague d’adrénaline. Il n’est pas dans la salle de bains. Il m’observe, au loin, pendant que je m’agite,m’empare d’une serviette-éponge et m’enroule à l’intérieur.

Excitation.

Excitation du chasseur.

La fille rousse – moi – passe une main sur le miroir pour chasser la condensation. Au milieu de labuée, son reflet apparaît : ses yeux verts, ses traits fins, son menton de chat un peu pointu et ses longscheveux cuivrés. Une fille qui ne se doute de rien. Une fille qui ne devine pas le regard rivé à elle.Elle se croit seule et vaque à ses occupations.

Envie.

Envie de tuer.

L’homme qui m’observe ne rêve que d’une chose : monter à l’appartement, s’introduiresubrepticement à l’intérieur, me rejoindre et… me tuer. Avec le couteau qu’il tient fermement, cachéau fond de sa poche, les doigts soudés au manche. Pour l’heure, il se contente de m’observer depuisle trottoir d’en face, par la petite lucarne de la salle de bains. Il ne bouge pas, caché dans l’ombre. Ilsavoure chaque seconde de ce jeu malsain. Je ressens ce qu’il ressent. Excitation. Désir. Haine.

C’est moi, sa prochaine victime.

Quand soudain… je me réveille. En sueur. En sursaut. J’ouvre les paupières d’un seul coup etj’aspire l’air par la bouche, à la recherche d’un peu d’oxygène. Je ne comprends pas, je suis perdue.Un homme en blouson marron est penché au-dessus de moi, les sourcils froncés. Avec ma vuebrouillée, mes sens affolés, mon pouls qui pulse à trois cents à l’heure, je panique. Je braquedirectement un bras devant mon visage pour me protéger.

– N’ayez pas peur, mademoiselle Robinson.

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Il… il connaît mon nom ?

Je tremble comme une feuille morte. Et peu à peu, j’entends un brouhaha de voix autour de moitandis que le décor apparaît. Je me trouve dans la boutique de Sofia Morales. À la seconde, desimages me reviennent en rafales, se superposant à la réalité : les objets fracassés, son corps étendupar terre, les yeux grands ouverts sur sa mort… Allongée sur le parquet, je me redresse d’un bond.Une dizaine de visages m’observent, collés à la vitre, tandis qu’une femme en uniforme tente de lesfaire reculer afin de libérer la scène de crime.

– Je suis l’inspecteur Clark, m’annonce l’homme qui m’aide à m’asseoir. Vous me reconnaissez ?

Je hoche faiblement la tête, sonnée. Sur le côté, deux autres hommes poussent une civière,recouverte d’un drap blanc, en direction de la sortie. Ce sont des infirmiers en train d’emporter lecorps de Sofia. Je détourne la tête, échappant aux yeux inquisiteurs des voisins, rameutés par lesbruits, les sirènes de police, le chaos ambiant. Combien de temps ai-je perdu connaissance après quele tueur m’a frappé à la nuque ? Cinq minutes ? Dix minutes ?

– Comment vous sentez-vous ?– Je… je ne sais pas.– Vous avez eu beaucoup de chance, mademoiselle Robinson. L’assassin s’est enfui avant de vous

tuer, vous aussi.

J’acquiesce sans oser le contredire. Mais je sais qu’il ne s’agit pas de chance alors que lespoliciers autour de moi s’interrogent sur cette attitude inexplicable. Jamais encore le tueur au couteaun’avait battu en retraite. Grâce à ma vision, je connais la vérité : si je suis encore vivante, si jerespire toujours… c’est parce que cet homme le veut bien. Parce qu’il veut me chasser, comme uneproie. Parce qu’il veut me tuer à sa manière, en suivant son rituel.

Je ferme les yeux, horrifiée. Pourtant, ce monstre ignore une chose : je le vois. Ou plusexactement, je vois à travers ses yeux. Par le biais de mes pouvoirs, nous sommes connectés. Pour lemeilleur et pour le pire.

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2. Avancer

Je me lève avec une tête de zombie et j’avance dans le couloir. J’ai l’impression d’avoir dormicinq minutes. Grand maximum. Cette nuit, j’ai encore rêvé du tueur au couteau. Des cernes sous lesyeux, je pousse un gros soupir en m’approchant de la cuisine. Je me dirige à l’aveuglette, me fiantuniquement à mon sonar… qui permet de détecter le café chaud à des miles à la ronde. À cette heure,Claire est déjà partie au travail. Elle est de garde dès 7 heures du matin, cette semaine. Elle avraiment un patron strict.

Strict et sexy.

Sur le seuil de la cuisine, je jette un coup d’œil à David. Dos à moi, il ne me présente que sa largecarrure. Vêtu d’une chemise et d’un pantalon noirs – sa tenue préférée –, il tient son portable collé àson oreille. Je me repais de ses épaules athlétiques, devinant ses muscles nerveux sous l’étoffesombre. Je sens presque le grain de sa peau sous mes doigts tant je connais son corps par cœur. Voilàbien un territoire que je ne me lasserai jamais d’explorer ! Je distingue aussi ses cheveux blond trèsclair, coiffés en arrière.

Mais avant que je n’ouvre la bouche, sa voix retentit… et je recule en me dissimulant à demi dansl’ombre de la porte.

– Vous vous moquez de moi ?

Son grondement tonne jusqu’au plafond, s’envolant par la fenêtre ouverte sur la rue. Preuve qu’ilest très préoccupé, monsieur Self-Control ne détecte même pas la légère odeur de brûlé quicommence à s’élever près de la cuisinière. Je n’ose pourtant pas intervenir, ni me montrer. Je préfèrerester en recul par peur d’interrompre sa conversation.

– Qu’allez-vous faire, alors ? Rien ?

À qui parle-t-il ? Je tripote une de mes mèches cuivrées, l’enroulant autour de mon index avecnervosité. Depuis mon agression, trois jours plus tôt, David ne me quitte pas en dehors de mes heuresde travail. Il me conduit à la boutique et me ramène, matin et soir, quitte à faire un détour et àbousculer son emploi du temps. Car il refuse de confier cette tâche à quiconque. Il veut veiller surmoi, personnellement. « Je n’ai confiance qu’en moi », m’a-t-il confié, hier soir. Et moi, je n’aiconfiance qu’en lui. Tant qu’il sera là, rien ne pourra m’arriver. Mais combien de temps pourrons-nous vivre ainsi ? Dans la peur. Dans l’attente d’un malheur.

– Vous n’envisagez même pas une mise sous protection ?

Je me colle au mur, contre la peinture crème du couloir. Je sais maintenant qui se trouve à l’autrebout du fil : l’inspecteur Clark. Les poings serrés, j’essaie de refouler les images de la terrible nuit

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où j’ai découvert le corps de Sofia. Je la revois, étendue par terre, les yeux ouverts et tournés vers leplafond. J’ai fait une longue déposition à la police. Je tremble, glacée malgré les chaudestempératures de la fin juillet.

– À quel motif ? s’exclame David, hors de lui. Vous osez me poser la question ?

Sa colère glacée transperce les murs de l’appartement. Dans la cuisine, je l’entends s’activer etretirer la casserole de la plaque pour la poser au fond de l’évier.

– Hope a surpris le tueur au couteau sur les lieux du crime ! Il a donc vu son visage ! Il lasoupçonne peut-être même d’avoir assisté à l’assassinat et d’être un témoin clé ! Qu’en savons-nous ?

À ces mots, je plante mes ongles au creux de mes paumes. Tout mon corps est tendu, contracté parl’angoisse. Je donnerais tout pour oublier cet horrible moment, mais le regard révulsé de Sofia necesse de me hanter. En dépit de ma prémonition, je n’ai pas réussi à arriver à temps pour la sauver.

– Et dois-je vous rappeler que toute la presse locale a évoqué son pouvoir de médium à coups deportraits et de reportages ? Je viens même de lire de nouveaux articles au sujet de sa présence sur leslieux du crime ! Vous les avez vus ? On l’accuse presque d’être la complice du tueur, de ne pas êtrearrivée sur place par hasard… Et d’autres lui prédisent carrément le même sort que sa grand-mère !

Livide, je ferme les paupières. Je n’étais pas au courant – pas encore – pour les journaux. Àl’autre bout de la ligne, l’interlocuteur de David répond, mais mon compagnon l’interromptsèchement :

– Vous ne trouvez pas cela suffisant ? Ouvrez les yeux ! Tout la désigne comme la cible idéale !

Ainsi, même David le pense et n’hésite pas à le dire haut et fort. Je suis la prochaine victime dutueur. Avec ou sans prémonition, l’évidence crève les yeux. Je m’agite, de plus en plus fébrile. Etsoudain, j’apparais par mégarde dans le champ de vision de mon compagnon, laissant entrevoir unbout de bras ou de pied, car David se tait aussitôt, laissant un petit blanc s’inviter dans laconversation.

– Je vais vous laisser, inspecteur Clark.

Une seconde plus tard, il raccroche et me rejoint dans l’entrée, avant que je n’aie eu le temps dem’éclipser.

– Hope ? Depuis combien de temps es-tu là ?– Deux minutes. Mais des petites minutes. Minuscules.– Pourquoi tu ne t’es pas montrée ?

Ses yeux polaires se posent sur moi avec inquiétude. Je sens une bouffée de son parfum ambré,rehaussé par des notes de myrte. Mon odeur préférée. Celle qui m’envoûte ou me rassure selon lesinstants, selon mes besoins. David m’observe attentivement, son beau visage aux traits fins penché

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au-dessus de moi. Déjà rasé de près, il est impeccable. Je tripote ma superbe clé en diamants, portéemême au petit-déjeuner.

– Je ne voulais pas te déranger.– Tu n’aurais pas dû entendre ça. C’était une conversation privée.– Ce n’est pas comme si je n’étais pas déjà au courant qu’un tueur fou veut ma peau…

Je tente de plaisanter, ajoutant même un petit rire… qui sonne horriblement faux. David préfèreenvelopper mes épaules de ses longs doigts avant d’accrocher mon regard, me harponnant sans que jepuisse le fuir.

– Je veux que tu te sentes en sécurité.– Si j’ai bien compris, la police refuse de me protéger ?– Elle prétend ne pas avoir assez d’éléments pour réclamer une protection officielle. Mais nous

pouvons très bien nous passer d’eux.

Il se tait une seconde. Évidemment, il a déjà pensé à un plan de secours. David ne serait pasDavid sans un plan A, B, C, Y, Z…

– J’ai pensé à engager un garde du corps pour te protéger.– Tu plaisantes ?

Je manque de m’étrangler. L’espace d’un instant, je m’imagine entourée par une escouade debodyguards en costumes-cravates noirs, façon Men in Black, avec une oreillette et un flingue à laceinture. Malgré la gravité de la situation, je retiens un rire, cette fois sincère. Et pourquoi ne pascarrément appeler la CIA ?

– Je ne plaisante pas, réplique David, agacé. J’essaie de rester au maximum auprès de toi, mais jene pourrai pas te suivre à la trace éternellement. C’est une solution temporaire. Alors que dirais-tu sije faisais appel à un spécialiste ?

– Je te dirais que je ne suis pas Michelle Obama.– Je refuse de me demander comment tu vas, ou même si tu es en vie, dès que je suis séparé de toi.– Et moi, je refuse qu’un parfait inconnu me suive dans tous mes déplacements et espionne mes

moindres faits et gestes !– Hope…– Non ! fais-je, très ferme.

Je soutiens son regard implacable, même si nous croisons le fer. Il tient à présent mon visage entreses paumes et je pose mes mains sur ses poignets malgré son froncement de sourcils contrarié.

– Je ne vivrai pas dans la peur permanente à cause de mes visions ou d’une menace. La viecontinue. Et elle doit rester aussi normale que possible… ou je risque de devenir vraiment folle. Tucomprends ?

Il se mord la lèvre inférieure, ravalant probablement ses arguments et ses contestations à grand-

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peine. Mon Viking n’est pas du genre à battre en retraite sans guerroyer.

– C’est ma vie, David.– Justement. Tu devrais savoir que rien ne compte davantage pour moi.– Je le sais… mais respecte mon choix. Je ne prendrai pas de garde du corps.

Après une longue minute de silence et une lutte déchirante pour ne pas me contredire, David finitpar hocher la tête et accepter ma décision. Même s’il meurt d’envie de me coller une bande degorilles surentraînés dans les pattes. À la place, il me serre contre lui comme s’il s’apprêtait à neplus jamais me revoir. Appuyant ma tête contre sa poitrine, je m’imprègne du parfum de sa chemise,de sa chaleur. Ni l’un ni l’autre ne pouvons oublier le danger qui plane au-dessus de moi. Mais il fautvivre, il faut continuer à avancer. Quoi qu’il arrive.

***

– Non ! Non ! Pas ici !

Je me faufile comme une anguille au milieu des déménageurs qui vont et viennent dansl’appartement. C’est le grand jour ! Je suis en train d’emménager chez David ! Surexcitée, je passesous le nez d’un malheureux homme en train de porter deux cartons superposés, notamment celui quicontient mon silex fétiche.

– Ça pèse une tonne, ce truc !

Oups…

J’indique un espace libre dans l’immense salon de David avant de me précipiter vers le chefd’équipe, un petit homme moustachu. Lui aussi trimbale un gros carton destiné à la cuisine.

– Posez-le sur la table ! je lui lance en ouvrant grand les bras comme si j’accompagnais sonmouvement.

– C’est du verre, non ? me demande-t-il de sa grosse voix bourrue.– Oui. Des verres très précieux.

À moutarde. Avec Snoppy.

Mais une minute plus tard, je ne sais plus où donner de la tête alors que les deux autres employésredescendent les marches de l’escalier. Eux ont amené mes affaires dans la chambre. Cela fait plusd’une heure que le ballet dure !

– On a fini ! me lance le plus grand en épongeant son front sur la manche de son uniforme bleumarine.

– Il n’y a plus rien dans le camion ? s’enquiert le boss à moustache.– Non, chef.

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Ravie, je bats des mains avec enthousiasme, même si déménager par quarante degrés en Californien’est pas forcément la meilleure des idées. En témoignent ces pauvres hommes ruisselants de sueurdans leur combinaison de travail. Toutes les fenêtres de l’appartement sont pourtant grandes ouvertes,laissant pénétrer le vent chargé d’embruns. David possède la clim… mais j’ignore où elle se cache.Tous ces boutons au mur et ces télécommandes bizarroïdes me dépassent et je préfère attendre leretour de Bruce Wayne, retenu à la clinique par une opération, pour me familiariser avec ses supergadgets high-tech.

– On a besoin d’une signature !

Dans la foulée, je signe tous les papiers tendus par Super Mario. Je n’arrive toujours pas àréaliser ce qui m’arrive au moment où je les raccompagne tous vers la sortie. Et mon cœur bat lachamade lorsque je referme la porte.

Je vais vivre avec l’homme que j’aime ! Pour le coup, je ne songe même plus à mes visions. Jepréfère sortir sur le balcon pour embrasser la vue prodigieuse sur le Golden Gate Bridge.

– Home, sweet home ! je crie, les bras écartés façon Jack et Rose dans Titanic.

Sauf que les déménageurs, stationnés en bas, lèvent la tête vers le dernier étage de l’immeuble, unpeu sidérés. De justesse, je me plaque contre le mur et le longe pour rentrer à l’intérieur. Je croisqu’ils me prennent pour une folle. Mais je m’en moque ! Toute à ma joie, je me lance dans le granddéballage des cartons. Je n’ai amené aucun meuble, seulement mon imposant barda. Et je rangebientôt mes livres sur les rayonnages de David. Celui-ci m’a laissé une bibliothèque complète pourmes ouvrages – une énième preuve de la place qu’il me laisse dans sa vie.

Je dépose aussi la statuette d’un petit ange en stuc qui risque de lui faire dresser les cheveux sur latête. Je crois qu’il a parlé d’un « attentat contre le bon goût » quand il l’a vue. Pour le faire enrager,je l’expose sur sa console, à côté d’une ravissante lampe mosaïque signée Tiffany. C’est alors que jeremarque deux photos encadrées sur la commode. Jamais encore je ne les avais vues malgré mesfréquentes visites. Je me saisis du premier cadre, noir et sobre. Et je découvre… une photo de nousen Floride. Nous sommes tous les deux sur la plage, serrés l’un contre l’autre, en train de sourire àl’objectif du gérant de l’hôtel.

– David…, fais-je en redessinant les contours parfaits de son visage du bout de l’index.

Je me rappelle ce moment. Il venait de chasser mes cheveux flamboyants de sa figure, sans cesserabattus par le vent. Il essayait de ne pas rire, ce qui réchauffe son regard d’ordinaire froid – dumoins quand il n’est pas avec moi. Car je connais le véritable David, passionné, généreux,protecteur. Très loin de son image d’iceberg ! Je repose doucement le cadre et me penche ensuite surla seconde photo. Cette fois, je suis si surprise que je l’arrache du meuble.

Oh mon Dieu ! C’est bien ce que je crois ?

Je peine un peu à identifier les quatre visages en train de sourire. Bien sûr, c’est David que je

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reconnais le premier. Un David âgé de 2 ou 3 ans, pas plus, mais ses yeux translucides et ses cheveuxscandinaves ne trompent guère. À côté, un bras autour de ses épaules… n’est-ce pas Adrian ? Brunaux yeux noisette, son grand frère est très différent. Penchés au-dessus d’eux, un homme et une femmeque je n’ai jamais vus. Ou presque. Car dans ce visage rond et jovial, je retrouve les traits de SamuelWagner. Mais un Samuel Wagner heureux, épanoui, très différent du prisonnier rongé par la solitudeou de la brute alcoolique dépeinte par son fils.

– C’était avant…, dis-je tout bas.

Avant l’alcool. Avant les coups. Avant le meurtre. Et pour la première fois, je découvre les traitsde Pamela Wagner. Blonde aux yeux clairs, comme David. Avec un visage aussi beau et régulier. Leurlien de parenté ne fait nul doute. Mon cœur se serre. Elle aussi semble radieuse sur ce cliché.Ignorante de son avenir, elle était simplement entourée d’un mari aimant, de ses enfants chéris.

Je repose le cliché avec émotion. Au moins David aura-t-il connu quelques fugaces instants debonheur. Aujourd’hui, il apprivoise son passé. En exposant cette photo, il ose affronter ses démons, iltente de panser ses blessures. Je regarde une dernière fois cette famille unie avant la tragédie. Puis jeme détourne, le cœur plus léger. Et durant le reste de l’après-midi, je m’évertue à ranger mes affairesdans toutes les pièces. J’ai carrément des crampes dans les bras, en fin de soirée, lorsque je foncesous la douche, épuisée.

L’eau dévale ma peau tandis que je lève la tête vers le pommeau, fixé en hauteur. Quelle sensationdélicieuse ! Je m’offre à la petite pluie qui tombe sur moi en repoussant mes longs cheveux enarrière. Trempées, les mèches cuivrées collent à ma nuque et à mon dos. Alors que je frictionne monvisage à deux mains, je distingue une silhouette dans la salle de bains. Juste au moment où la porte dela cabine s’ouvre.

– C’était trop tentant !

David. Entièrement nu.

– Tu m’as fait peur ! lui dis-je, le souffle court.

Pendant une seconde, j’ai cru que c’était le tueur… et non pas l’homme le plus canon de laplanète.

– Et je vais te faire bien d’autres choses…, me souffle-t-il à l’oreille.

Tout à coup, je ne suis plus du tout épuisée…

Des gouttes ruissellent sur nous tandis qu’un nuage de buée commence à se former sur les vitres,masquant nos corps. Face à face, nous échangeons un regard brûlant, sans parler. C’est si intense quema peau se hérisse d’une fine chair de poule, des pieds à la tête. Je ne peux me soustraire aux yeuxtranslucides qui me détaillent, me caressent déjà. À ce moment précis, son regard flamboyantremplace ses mains. Et je ne rougis pas, abandonnée, confiante. Jamais je n’ai été aussi à l’aise avec

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un homme. Parce qu’il m’aime. Parce qu’il me désire.

La première, je fais un pas vers lui. Je me plaque contre sa poitrine musclée, parfaitementdessinée. J’y appose mes paumes avant de tendre mon visage vers lui. David contemple mes lèvresoffertes, entrouvertes. Une onde de choc me parcourt lorsqu’il passe un pouce sur ma bouche avecsensualité. Je suçote et mordille le bout de son doigt, équivoque… À son tour d’être sous tension. Etsoudain, il plonge vers mes lèvres, tel un assoiffé. Sous le pommeau en marche, notre baiser se faitintense, profond, urgent. Nos langues se livrent un impitoyable combat où seul triomphe le plaisir.

David pose une main sur l’arrière de ma tête, sur la masse rousse de mes cheveux mouillés. Jegarde les paupières closes, soudée à lui. Je sens son propre désir monter à mesure que nos lèvres sedévorent. N’est-ce pas le plus long baiser de ma vie ? Mes mains montent et descendent le long deson dos, jouant avec sa musculature athlétique. Il est de plus en plus tendu sous mes doigts. Enréponse, il mordille ma lèvre inférieure avant de plonger dans mon cou pour y laisser sa marquependant que je caresse ses fesses parfaites, que je remonte vers ses épaules.

Je ne pense plus.

Je ne respire plus.

De toute manière, David ne m’en laisse pas le loisir. Passionné, il me repousse contre la paroi dela douche. Je ne résiste pas, fondant entre ses doigts. Mon dos se colle aux carreaux noirs et froids,en un contraste saisissant avec ma peau brûlante. Puis c’est David qui se frotte à moi. Beaucoup plusgrand, il se penche pour dévorer mon cou, mon épaule, mon sein. Bientôt, je ne vois plus que sescheveux blonds et trempés. Ils chatouillent mon menton au moment où il prend l’un de mes tétons danssa bouche.

– David…

Un gémissement m’échappe. Peut-être parce qu’il introduit une de ses cuisses entre les miennes. Jesens sa peau contre mon sexe déjà humide. Nos corps s’emmêlent sous la pluie qui ne cesse detomber. Je contemple alors les gouttes dévaler le torse de mon amant et m’étonne de ne pas les voirs’évaporer sur sa peau si chaude, presque en fusion. David, lui, continue à caresser ma poitrine. Messeins se tendent vers lui, gonflés par le désir. Il en titille les pointes, les agaçant tour à tour avec salangue, avec ses mains. Au creux de mon ventre, l’envie grandit.

– Tu as un goût de violette et de miel…, me dit-il en relevant la tête.

Son sourire me donne envie de me jeter sur lui, comme l’éclat dans ses yeux.

– Ce doit être mon parfum…– Non, c’est ta peau.

Et brusquement, il m’attrape par les poignets pour les épingler au mur, de chaque côté de ma tête.Sans me laisser la moindre échappatoire, il me maintient contre les carreaux avant de se coller à moi.

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Le bout de nos nez se frotte alors que nos bouches se tournent autour, sans jamais se trouver.

– C’est toi tout entière…

Mon cœur manque un, deux ou dix battements. Je ne peux me soustraire à ses yeux. L’eaum’électrise au lieu de me rafraîchir – prémices de toutes ses caresses. Et soudain, il m’embrasseavec fougue et voracité. Mes seins tendus s’écrasent contre sa poitrine et je sens la marque de sesdoigts, telles de délicieuses menottes, dans ma chair. Toute la salle de bains est envahie par lacondensation. Notre cabine est entièrement isolée du reste de la pièce, comme si la buée nous créaitun paravent. De nous, on ne voit plus que nos silhouettes, nos bouches qui se prennent et se veulent.

David pèse sur moi de tout son poids. C’est si bon que je ne cherche pas à m’y soustraire. Surtout,je sens son propre désir contre ma cuisse, intense – et visible. Coulant sur nos visages, l’eaus’insinue alors dans notre baiser. Nos lèvres glissent, nos corps patinent l’un contre l’autre. Notreéchange s’enflamme, plus sensuel, plus charnel sous l’ondée. Et nos langues n’en finissent pas de secaresser… jusqu’à nous laisser pantelants. C’est alors que David se redresse avec un regard qui nelaisse guère de place à l’imagination.

Et tout à coup, il me retourne. Me maintenant par les poignets, il me fait pivoter en une fraction deseconde. Je n’ai pas le temps de réagir. En son pouvoir, je me colle de nouveau à la paroi… côtéface. Mes seins, mon ventre, mon sexe, mes cuisses se retrouvent contre la cloison. Les carreaux sontencore froids… et la différence de température m’enflamme. Cette fraîcheur sur mon corps en feu merend folle. Et je sens David se plaquer contre moi, je sens son torse contre mon dos. Mais aussi seshanches, son sexe, ses jambes musclées. Il se colle à moi, par-dessus moi.

– Ne bouge pas…

Comme si je comptais aller quelque part…

Son souffle chatouille mon oreille, mon cou. Il en profite pour déposer un baiser brûlant derrièremon lobe, là où la peau est la plus tendre et vulnérable. Il aspire les gouttelettes qui ruissellent surmoi, comme s’il buvait à la source, comme s’il me buvait, moi. Ses mains autour de mes poignets sefont impérieuses, possessives. Et soudain, je sens son genou entre mes jambes, qu’il écartelégèrement. Mon cœur cogne à grands coups, frappant le mur à force de battre si fort.

David se place derrière moi, sans rompre le contact. Nos peaux ne se perdent pas, ses brasm’enveloppent alors qu’il maintient les miens en croix, m’emprisonnant pour notre plaisir. Je sensson sexe à l’entrée de mon intimité. La joue plaquée à la cloison, je me mords la lèvre inférieure.Presque au sang. Car une seconde plus tard, il entre en moi. Il se glisse au creux de mon corps,centimètre après centimètre, en prenant son temps. Mes fesses frottent contre lui, accroissant monexcitation. Et bientôt, je le sens tout entier.

Il est en moi. Chaud. Immobile. Nous ne bougeons plus, ni l’un ni l’autre. Nous profitons du calmeavant la tempête. La tension est à son maximum. David me remplit, ne faisant plus qu’un avec moi.Les paupières closes, je ne sens plus que lui – lui et l’eau qui ruisselle sur nous. Nous sommes un

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seul corps. Avec deux âmes. Quand enfin, sa chair durcie amorce un recul. Sans empressement.Comme si David savourait chaque seconde de notre étreinte. Dans mon dos, il entame alors son lentva-et-vient. Jusqu’à ce que tout s’emballe. Jusqu’à ce qu’il ne puisse plus contrôler ses coups dereins.

Un sanglot étranglé m’échappe. Et la jouissance me submerge, venue des tréfonds de moi. Ellem’enveloppe tout entière, telle une onde de choc. C’est comme un séisme. Le plaisir m’absorbe,éteignant quelques secondes tous mes sens. Je ne vois plus rien, pas plus que je n’entends ou ne peuxparler. Je ne suis plus que cette immense vague qui me soulève, m’emmène à son sommet. Dans mondos, David se tend une ultime fois avant de s’abandonner à son tour au raz-de-marée. Pendantquelques instants, nous nous dissolvons. Je n’existe plus.

– Je le savais, murmure David.

En revenant à lui, il enfouit sa tête contre mon épaule.

– De quoi ? lui demandé-je, haletante.

Je devine qu’il sourit, même si je ne vois pas son visage.

– Je savais que c’était une bonne idée que tu emménages ici…

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3. Le prix à payer

Au moment où j’arrive à la boutique de fleurs, j’ai encore des images interdites au moins de18 ans dans la tête… Malgré les trente degrés qui pèsent sur San Francisco, j’ai des frissons ensongeant à ma douche torride avec David. Il a raison. Cet emménagement est une excellente idée.Quand soudain, j’aperçois la façade de Flower Power et me fige. Que s’est-il passé ? Je m’arrête surle trottoir, les bras ballants. Des passants s’amassent aussi en petits groupes, désignant la boutique del’index en chuchotant à mi-voix.

– C’est du vandalisme ! s’exclame avec colère la vendeuse de chaussures.

Mme Ellroy dirige le magasin d’en face. Le rouge aux joues, elle paraît scandalisée par l’état denotre pauvre boutique.

– Je suis sûre que ce sont des petits voyous ! répond notre vieille boulangère, hors d’elle et lespoings plantés sur les hanches.

– Ça s’est passé quand ?– Au petit matin. La police est déjà venue.

Je ne les écoute pas malgré leur gentillesse. Désespérée, je contemple les vitrines fracassées.Elles sont tombées en morceaux, brisées par un projectile. Sur quatre vitres, toutes ont été abîmées,fendues, réduites en débris de verre. Lila et moi n’avons jamais connu ce genre de problèmesauparavant. Le quartier autour de Market Street est tranquille. On y trouve essentiellement descommerçants et de grands enseignes, et les lieux ne sont pas réputés malfamés – plutôt touristiques etvivants. Dans un état second, j’enveloppe l’échoppe d’un long regard, consternée.

– Lila…, finis-je par articuler.

À cette heure, elle est forcément à l’intérieur. S’il lui était arrivé quelque chose ? Si elle avait étéblessée ? Je m’élance et pousse la porte en verre – dernier vestige de notre ancien magasin. Elleseule est restée intacte, sans qu’on sache vraiment pourquoi.

– Lila ? C’est moi !

Un indescriptible chaos règne entre les murs blancs. Toutes nos plantes vertes et grasses ont étérenversées. Bien entendu, les fleurs rangées dans la chambre climatique sont saines et sauves, maison ne peut pas en dire autant de nos innombrables cactus, dont la terre a été renversée au sol, ou desmalheureuses herbes aromatiques, dépotées sur le carrelage. Sans doute ont-ils été projetés par lesobjets balancés dans nos vitrines. Mon cœur se serre, mais en cet instant, je ne songe qu’à mapatronne.

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– Joli carnage, non ? me lance Lila.

Sa serpillière à la main, elle apparaît sur le seuil de la réserve, vêtue d’une courte robe jaune etde ses célèbres sandales compensées en liège. Elle n’arbore pas son traditionnel sourire malgré sesefforts pour afficher un air jovial.

– Tu es saine et sauve !

Incapable de cacher mon soulagement, je me précipite vers elle pour l’embrasser.

– Que s’est-il passé ?– Des voyous nous ont pris pour cible. Rassure-toi, je n’étais pas là au moment où ils ont frappé.

J’ai dû arriver une heure plus tard. Une voisine m’a alertée.

Je remarque alors le gros pavé près de moi. M’agenouillant parmi les sacs d’engrais renversés, jem’en empare. Il y en a d’autres éparpillés dans la salle, passés à travers nos vitres. Repoussant leséclats de verre pour ne pas me couper, je soulève la grosse brique entourée de papier journal.

– Attends, Hope !

Sans écouter ma patronne, je défais la petite ficelle en raphia nouée autour du pavé. Bizarre. Ondirait que les malfaiteurs ont voulu maintenir le papier journal… et une seconde plus tard, jecomprends pourquoi en apercevant ma photo. Il s’agit d’un article sur moi, au sujet de ma présencedans la boutique de Sofia lors de son assassinat. À mots couverts, le journaliste s’interroge sur monimplication, ma mystérieuse arrivée grâce à une prémonition, en ne manquant pas de rappeler monlien de parenté avec Christina, célèbre médium et escroqueuse. Il s’agit d’un des « reportages »évoqués par David au téléphone.

Je relève la tête, incrédule, et en croisant le regard de Lila, je comprends tout. Je suis responsablede ce vandalisme. Si toutes nos vitrines ont été brisées, n’est-ce pas parce que je travaille ici, dansce magasin ? Il s’agit de représailles, d’une sorte de chasse aux sorcières lancée contre moi. Jerepense au couple âgé qui m’a injuriée dans la rue, quelques jours plus tôt. Beaucoup de gens meprennent désormais pour un escroc ou une menteuse. Et les reporters ont donné trop de détails sur mavie, au point que n’importe qui peut me retrouver.

Même des casseurs.

Même un tueur en série.

– Je suis tellement désolée…

Je ne trouve rien d’autre à dire. Le pavé entouré de papier dans une main, je soutiens le regardgrave de Lila. Ma patronne semble soucieuse et plus vraiment rock’n’roll, contrairement à sonhabitude.

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– Tu ne vas pas t’excuser pour un délit commis par d’autres ! me gourmande-t-elle avec un petitclaquement de langue agacée.

– C’est ma faute si la boutique a été mise à sac.– Allons ! Tu n’es pas responsable de la bêtise des gens !

J’enveloppe le décor d’un coup d’œil désemparé. Je n’arrive pas à croire à la réalité de cettescène. Comment peut-on en arriver à cette extrémité ? Sans même me connaître, de parfaits inconnuss’en sont pris à la boutique où je travaille depuis deux ans. Sans penser aux conséquences, ni au prixdes réparations. Juste pour m’atteindre, moi. Et ils ont visé dans le mille.

– Je suis navrée. Je ne sais pas quoi dire. Je te promets de payer les nouvelles vitrines jusqu’audernier dollar.

– Ne dis pas n’importe quoi !– Si, j’insiste. C’est à moi de réparer ces dégâts.

Lila agite sa serpillière dans ma direction, comique, comme si elle cherchait à me savonner lecerveau.

– Arrête un peu, ma belle ! Les assurances vont prendre en charge les frais.– Je suis désolée…

On dirait un vieux disque rayé. La figure décomposée, confuse et embarrassée, je ne sais plus oùme mettre. Dans ma longue robe tachée d’engrais, je repose l’énorme brique et sauve le petit pimentrouge, en le rempotant tant bien que mal avec la terre répandue au sol. J’ai besoin de m’occuper lesmains, de me rendre utile.

– J’espère qu’ils ne vont pas recommencer !– Mais non ! me rassure Lila avec fermeté. Ces idiots passeront à autre chose dès qu’ils auront une

nouvelle histoire croustillante à se mettre sous la dent.– Tu crois ?– Ça marche comme ça avec la presse. Une info chasse l’autre. Et ton don de médium sera bientôt

de l’histoire ancienne. Tout le monde l’aura oublié.

Si je pouvais l’oublier, moi aussi…

– Et maintenant, au boulot ! conclut Lila en me tendant le manche de sa serpillière.

***

Je n’ose même pas jeter un coup d’œil au devis laissé par le vitrier. Le papier me nargue pourtant,posé en travers du comptoir, près de la caisse enregistreuse. Je vois néanmoins les trois zérosderrière le premier chiffre… Oh my God ! J’essaie de ne pas tomber dans les poires ! Je meraccroche à la voix agacée de ma patronne, suspendue à son téléphone depuis une heure. Elle sebagarre avec son assurance, chargée de lui envoyer un constat… et un inspecteur.

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– J’espère pour lui qu’il est grand et sexy ! me lance-t-elle après avoir raccroché.

Je pouffe de rire.

– Ce sera sa seule chance de se faire pardonner !– Ton assurance va rembourser les dégâts ?– Oui… en traînant des pieds.

Visiblement, elle a retrouvé son entrain légendaire… et elle attrape son grand sac à main en cuirau vol avant de passer un bras autour de mes épaules. Ensemble, nous avons réussi à remettre laboutique en état, mais nous avons surtout sauvé nos plantes, en sécurité dans la réserve. Nouséchangeons un regard complice dans la semi-pénombre. En attendant le début des travaux, le vitrier acloué de grands panneaux en fibres de bois afin d’éviter qu’un petit malin n’entre à l’intérieur ou nesquatte Flower Power.

– Que dirais-tu d’un petit café ? On l’a bien mérité, je trouve !– Que fait-on pour la boutique ?– On la ferme, ma belle ! On ne peut pas servir les clients calfeutrés derrière des palissades en

bois…

Je me mords les lèvres, à nouveau embarrassée. Je suis en train de penser à la chute du chiffred’affaires. Non que le mois août soit la meilleure période pour le magasin – au contraire, c’est plutôtcalme, entre les vacances et les fortes chaleurs –, mais je ne peux m’empêcher de songer au manque àgagner. Eh voilà ! Je suis parasitée par mon banquier ! C’est la faute de Claire, aussi ! Si elle nesortait pas avec lui, je n’aurais pas tous ces chiffres en tête.

– En route !

Ramassant mon sac, j’emboîte le pas à ma patronne, qui s’amuse à rouler des hanches et à lancerdes œillades assassines à tous les beaux mâles de notre quartier. Le libraire, un vieux monsieur de70 ans, répond en roulant des muscles – qu’il n’a pas très développés – alors qu’il soulève unepalette de magazines. Je me retiens pour ne pas rire. Vraiment. Lila et moi nous installons ensuite à laterrasse de notre QG. Nous sommes toutes deux de ferventes adeptes du petit café situé à l’angle denotre rue.

Au moment où le serveur nous apporte nos commandes, Lila ne peut s’empêcher de lui décocherun clin d’œil très… suggestif.

– Tu es intenable !– Il faut profiter de la vie… et saisir les opportunités quand elles nous passent sous la main !– Ah ? Ça s’appelle des « opportunités » maintenant ?

À cause de nos rires, une nuée de pigeons s’envolent, quittant le trottoir pour d’autres cieux. Direque Lila affiche maintenant 60 ans – même si elle prétend avoir 50 ans pour l’éternité. Je l’observependant que sa cible nous sert notre commande. Buvant une première gorgée de son cafe latte, elle

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me gratifie d’un grand sourire… avant de redevenir plus sérieuse. Et soudain, sans que je m’yprépare, elle lâche une bombe :

– Je me retire, Hope.– D’où ça ? je demande avec l’air le plus bête du monde.

Je crois que Lila lutte de toutes ses forces pour ne pas se moquer de moi.

– Je prends ma retraite.– Je sais. Tu m’en as déjà parlé.– Non, Hope. Je m’en vais maintenant et pour de bon. C’est ce que j’essaie de te dire. Je ne

reviendrai pas après les réparations du magasin.

J’encaisse le coup de marteau. Non, le coup de massue. Ou d’enclume. Un truc bien lourd, quoi.

– Maintenant ? Comme dans « tout-de-suite-maintenant » ?– Voilà. Tu as compris le principe, sourit-elle.

J’ai l’impression d’avoir reçu une météorite sur la tête. Et passée la surprise, mon cœur se serre.Flower Power sans Lila ? Inimaginable ! Certes, je m’y préparais depuis quelques semaines, maisson départ demeurait abstrait, comme un horizon lointain et jamais atteint.

– Cela fait des années que je m’occupe de la boutique et je suis fatiguée. J’aime toujours monmétier, ne t’y trompe pas. Mais j’ai 50 ans…

Regard appuyé.

Hou, là, là… je n’ai pas intérêt à la contredire !

– J’ai envie d’autre chose. Je voudrais voyager, quitter un peu les États-Unis en commençant parun long périple en Amérique du Sud, le long de la côte. Tu m’imagines sur les plages brésiliennes ?

– Assez bien. À mon avis, elles sont riches en « opportunités »…

Elle éclate de rire.

– Mmm… des opportunités bien moulées dans des slips de bain… Le rêve ! Je m’y vois déjà avecun mojito dans une main, une crème solaire dans l’autre, et des cocotiers au-dessus de ma tête.

– Arrête ou je viens avec toi !– Oh que non ! sourit-elle. Toi, tu restes et tu fais tourner la boutique, ma jolie. Je sais que tu en es

parfaitement capable. Au niveau artistique, je ne me fais pas de souci. Tu es la meilleure fleuriste aumonde et tu as un don pour arranger les fleurs. Et je sais aussi que tu as fait de gros progrès engestion grâce à M. Bailey.

J’acquiesce d’un petit hochement. Les chiffres ne sont toujours pas mes copains, mais je saiscomment m’en sortir.

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– Je laisse mon « bébé » entre de bonnes mains.– Mais tu crois qu’il s’agit du bon moment pour partir ? Avec les événements de ce matin…

Lila reposa la petite cuillère qu’elle ne cessait de tourner dans sa tasse. Quant à moi, je n’aitoujours pas touché à mon café sucré avec une cuillère de miel. J’ai la gorge si nouée que rien nepourrait passer. Bien sûr, je suis très excitée par ce défi : gérer Flower Power, me rendre auxmarchés aux fleurs, décider des nouvelles compositions, décrocher des contrats… J’ai envied’évoluer, de prouver ma valeur. Mais je freine toutefois des quatre fers au bord du précipice.Comment ferai-je en cas de problème si je ne peux plus compter sur Lila ?

– Il n’y a jamais de bon moment pour agir dans la vie. Surtout quand il s’agit de grandes décisions.Se marier, faire un enfant, devenir son propre patron, suivre ses rêves… on trouve toujours milleraisons de ne pas se jeter dans le vide.

Elle me sourit, ses yeux pétillants de malice.

– Mais ce sont des bêtises, des freins qu’on s’invente pour ne pas vivre sa vie, pour rester dansles clous et protéger sa petite routine. Il faut parfois sauter sans se poser de question. C’est la seulemanière de savoir si on peut voler.

Une minute file, rythmée par les conversations des autres clients et les déambulations du serveursexy avec son plateau.

– Alors, Hope ? Prête à voler de tes propres ailes ?

Je hoche la tête. Et sans hésiter, avec une détermination en béton armé :

– Oui. Parée pour le décollage !

***

En descendant du bus, je me presse en direction de l’appartement, la tête encore farcie d’idées, derêves et de rires. J’ai passé un long moment avec les fournisseurs afin que Lila m’introniseofficiellement auprès d’eux. Je suis à la fois excitée et nerveuse ! Dans la moiteur de cette fin desoirée, j’accélère le pas alors que ma montre affiche 23 heures. Tous les lampadaires sont déjàallumés, trouant les ombres de leurs halos orangés. Ma silhouette se découpe par intermittence sousles flaques de lumière, avant de plonger à nouveau dans les ténèbres. Comme David opérait un casdifficile, j’ai préféré passer la soirée avec Marion dans un bar à tapas. Ce que je regretteraispresque. Car soudain, je me sens… mal à l’aise.

Tu deviens parano, ma vieille…

En provenance de l’océan, un vent frais et chargé d’embruns apaise à peine la touffeur del’atmosphère, comme si la chaleur stagnait encore entre les rues de San Francisco, telle une nappeinvisible. Ma besace sur une épaule, je tripote machinalement la croix en diamants à mon cou. Elle

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me rassure. Comme un petit bout de lui. Comme s’il était là. Je n’ai que dix petites minutes de marcheavant de déboucher sur notre rue de Pacific Heights. Ce n’est pas la mer à boire.

Non, je ne suis pas parano…

Il y a quelqu’un dans mon dos. Je le sens. Dans chaque fibre de mon être. Dans la plus petiteparticule de mon corps. Les fins cheveux sur ma nuque se hérissent, comme si je sentais un souffledans mon cou, et une fine chair de poule couvre tout mon corps. Je me retourne alors à toute allure,sans me donner le temps de la réflexion. Et… personne. La ruelle est déserte. Mon cœur pulse à milleà l’heure dans ma poitrine et ma main tremble autour de mon médaillon.

Je suis seule – du moins en apparence. Durant une petite minute, je reste figée à scruter lesombres, les entrées des résidences qui bordent le trottoir, les interstices entre les voitures garées surle bas-côté. Le décor semble mangé par la nuit, épaisse et sombre, sans parler des angles morts.N’importe qui pourrait se cacher dans ces recoins obscurs. Je passe ma langue sur mes lèvres. Bienentendu, je pense au tueur. Comment pourrait-il en être autrement ? Il habite mes nuits, mescauchemars, mes pensées les plus sombres.

Je m’ébranle à nouveau, trottant aussi vite que possible en direction de l’appartement. Pourquoin’en vois-je toujours pas la façade ? J’ai envie de courir, de galoper comme une folle… mais je meretiens, de peur d’aggraver mon cas. Je marche juste vite, vite, vite. J’essaie aussi de me raisonner :je me fais sûrement des idées. Je n’ai pas l’esprit tranquille et cette histoire de vitrines fracasséesm’est montée à la tête. Sauf que… j’entends un bruit derrière moi. Des pas. Sur les pavés. Unecadence. Quelqu’un qui marche. Non, je ne rêve pas ! Cette fois, je n’ose pas me retourner, même sila pression monte.

#grossepanique.

Quelqu’un me suit. Et j’aperçois son reflet dans le pare-brise d’une voiture, garée le long dutrottoir. Merde ! C’est lui ! C’est le tueur ! J’en suis certaine, même si je ne l’ai jamais vu de ma vie.Je le sais comme un lièvre sait le fusil, comme une biche connaît son chasseur. Cette haute silhouettequi se rapproche… c’est l’homme qui veut m’assassiner. En une fraction de seconde, j’aperçois samain fourrée dans sa poche. Et je comprends qu’il tient un couteau.

– Non !

Le cri m’échappe, viscéral. Et c’est comme si je lui avais donné le signal du départ. Il s’élancebrutalement vers moi, dévorant l’espace entre nous. L’adrénaline m’inonde, irriguant mes veines, mesmuscles. Je me précipite à mon tour vers l’avant. Mes pieds touchent à peine le sol ; je cavale commeune dératée. Ma robe me ralentit, trop longue. Tant pis. Je cours, je descends du trottoir, je traverse larue déserte en zigzag avec le diable aux trousses.

Pas un mot n’est échangé. Pas un cri n’est poussé. C’est une poursuite silencieuse, terrifiante.Prise de panique, je négocie un tournant à cent quatre-vingts degrés avant de me ruer vers monimmeuble. Sa façade se découpe à l’horizon, pareille à un mirage. Mais très vite, j’entends la

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respiration haletante du maniaque. Il réduit la distance, de plus en plus proche. Je ne me retourne pasau risque de perdre tous mes moyens – et ma vie. Encore deux cents mètres. Je pense à David. Encorecent mètres. Si seulement il était là !

– Oh mon Dieu !

Je me jette sur la porte vitrée de notre résidence, dressée sur sept étages en front de mer. Et follede peur, je plonge une main dans mon sac pour récupérer mon trousseau de clés. Que je ne trouve pas.Des larmes me montent aux yeux tandis que je pousse un gémissement horrifié. Je tremble de tout moncorps. Et quand enfin j’attrape mes clés… elles m’échappent et tombent par terre.

Je viens de signer mon arrêt de mort.

Mes dents claquent. Mes genoux s’entrechoquent. Je n’ai plus le temps ! Plus le temps de lesramasser ! Plus le temps de sauver ma vie ! Je m’abats sur les vitres de la porte d’entrée et leslaboure de mes poings, sans parvenir à la faire trembler. Je crie, de toutes mes forces. Quandsoudain, une ombre entre dans mon champ de vision. Et, une seconde plus tard, une main s’empare demes clés, au sol.

– Hope ?

David ?!

Je me tourne vers lui, complètement hébétée. Mon compagnon est là, devant moi, en chair et en os.Mon trousseau au creux de la paume, il me contemple avec inquiétude alors que je lui présente unvisage ravagé par la peur. Et sans attendre, je m’effondre contre sa poitrine, parcourue de longsfrissons.

– Mais que se passe-t-il ? demande-t-il, confus.

Il me serre dans ses bras et je m’appuie davantage contre lui. Enfin, je suis à l’abri. Il ne peut rienm’arriver lorsqu’il est avec moi. La rue est à nouveau silencieuse, solitaire. Le monstre s’estévaporé. À croire qu’il n’a jamais existé. Mais je sais ce que j’ai vu, je sais que je ne l’ai pas rêvé.

– Il était là.– De qui parles-tu ?– Le tueur. Il était là, David.

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4. Esprit, es-tu là ?

– Allô, Gregory ? C’est Hope…

À peine ai-je prononcé mon nom que le médecin décroche, coupant mon message sur le répondeur.J’ai trouvé son numéro dans le répertoire de David, rangé sur la table basse du salon. Après uneinterminable nuit d’insomnie, j’ai pris ma décision. Je dois agir. Vite. Jamais je ne supporterai dejouer le rôle de la proie. Je refuse aussi que David change son mode de vie par ma faute. Ce matin, ilne s’est rendu à la clinique qu’après m’avoir extorqué la promesse de ne pas quitter l’appartement. Etencore ! J’ai presque dû le mettre dehors. Lui, le bourreau de travail, le champion des heures sup’ !

– Salut, Hope. Tu vas bien ?– Je ne te dérange pas ?– Non, je suis en mode « off » après une garde de quarante-huit heures. Je n’en voyais plus le

bout !

Je souris faiblement, roulée en boule dans un angle du canapé crème de David. Mes yeuxeffleurent les échantillons de papier peint abandonnés sur la table. Nous avons décidé d’apporter unpeu de couleur aux murs blancs de l’appartement.

– J’espère que tu ne vas pas trouver mon appel bizarre…– Tu as eu une prémonition à mon sujet ? Natalie Portman va divorcer pour moi !– J’aimerais bien, crois-moi ! Mais avec ces fichues visions, j’ai rarement l’occasion d’annoncer

de bonnes nouvelles…

J’essaie de garder un ton léger, ou au moins détaché, mais je ne peux dissimuler un accent dedétresse. Je ne peux pas oublier la terreur ressentie durant ma course-poursuite. À ce moment-là,j’étais certaine de mourir. Je frissonne en dépit des températures caniculaires et des fenêtres grandesouvertes.

Je n’ai toujours pas trouvé la clim…

– Que se passe-t-il, Hope ? Tu as des problèmes ?– Tu te rappelles cette femme dont tu m’avais parlé lors du gala de charité donnée par la clinique,

en juin ?

Petit blanc.

– Pitié. Dis-moi que je n’étais pas ivre et que je ne t’ai pas énuméré mes conquêtes.– Non, tu n’y es pas ! je rigole franchement. Il s’agissait d’une femme, un médium qui organisait

des séances de spiritisme. Tu m’avais dit avoir participé à l’une d’entre elles, je crois…– Violette Brown ? me répond-il aussitôt.

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Mon pouls s’emballe.

– Tu pourrais m’organiser une séance avec elle ?

***

Durant trois jours, je tourne en rond, guettant l’appel de Gregory. Je reste enfermée àl’appartement en attendant que les vitrines de la boutique, faites sur mesure, soient réparées. Davidrefuse que je sorte sans un chaperon, mais pas question de me laisser gouverner par la peur, même sij’écoute ses conseils. Surtout, je veux participer à cette séance de spiritisme, même si je ne croisguère aux pouvoirs de cette mystérieuse Violette. J’ai retenu la leçon chèrement apprise auprès deSofia.

– Je ne lui ai rien dit à ton sujet, m’explique Gregory au téléphone, après avoir décroché unrendez-vous avec la vieille dame. Ni ton nom, ni la raison de ta visite. Ce sera une manière de latester.

– Combien cela va-t-il coûter ?– Rien. Violette Brown consulte gratuitement, exclusivement pour ses amis. Elle a quasiment

arrêté d’exercer à cause de son âge.– Alors pourquoi accepte-t-elle de nous recevoir ?

Gregory pouffe de rire.

– J’ai tellement insisté qu’elle a voulu se débarrasser de moi.

Et en début d’après-midi, je me retrouve assise à la table d’une petite salle à manger. Pas deboutique, cette fois. Pas de mise en scène non plus. Le médium nous reçoit dans son propreappartement, au cœur de San Francisco. Pendant que Gregory prend place à ma gauche, je dévore lesalentours du regard. Un vieux vaisselier côtoie un coffre en bois et un tapis assez élimé. C’est tout. Etc’est très différent des breloques et autres gadgets occultes exposés par Sofia Morales.

Qu’elle repose en paix…

Partageant ma méfiance, Claire pose une main par-dessus la mienne, avant de me couler un regardinquiet. Elle aussi est venue. Sur ses gardes, elle observe ce qui nous entoure. Et elle détonne dans sapetite robe rose et sage, avec son nœud dans les cheveux. Moi non plus, je ne me sens pas dans monélément. Même si ce monde, qui m’a prise en otage, est désormais le mien. Pourtant, je ne peuxm’empêcher de nourrir un espoir secret, que je n’ai partagé avec personne. J’aimerais tant queViolette ait de véritables pouvoirs et ne plus être isolée avec mon don…

– Je suis certaine qu’elle est réglo, ment ma copine, pour me rassurer.

Ça, je n’en suis pas si sûre, mais je me force à sourire.

– Tu te rends compte que j’en suis à demander de l’aide aux esprits ?

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Claire s’esclaffe au moment où notre hôtesse entre à nouveau dans la pièce. Le silence se fait àson apparition, comme si sa présence imposait un certain respect. Je me redresse, sans pouvoirquitter des yeux la frêle silhouette. Violette Brown est une petite femme d’environ un mètre cinquante,perdue dans un enchevêtrement d’habits noirs – robe longue, châle, etc. Elle me fait songer à uneveuve de l’époque victorienne avec ses cheveux gris-blanc rassemblés en chignon.

Tout en traversant la pièce, elle ne nous adresse pas la parole. Elle se contente de tirer les rideauxpour nous plonger dans la pénombre et tamiser la lumière. Je n’ose pas l’interrompre. MêmeGregory, le boute-en-train, reste silencieux alors qu’elle s’assoit à la place vide, entre lui et Claire.Je me suis installée en face d’elle, sur son ordre. Afin que « les morts me parlent dans les yeux »,pour reprendre son expression.

– On ne se tient pas par la main ? ne puis-je m’empêcher de demander, en la voyant directementfermer les yeux.

Violette rouvre les paupières pour me décocher un regard amusé. Elle semble étonnamment alertemalgré les profonds sillons qui griffent son visage.

– Vous avez regardé trop de films d’épouvante, mademoiselle ! me lance-t-elle, un peu moqueuse.

J’arrondis les yeux tandis que Gregory étouffe un petit rire dans son poing. Je ne m’attendais pasvraiment à cette réplique. Sa voix grave de fumeuse de havanes ne cadre pas avec son apparencedélicate et ses épaules chétives… ce qui renforce son charisme. Pas d’esbroufe chez elle, mais uncalme olympien et une assurance stupéfiante.

– J’ai seulement besoin de vous avoir en face de moi. Et maintenant, ouvrons la séance, voulez-vous…

Mon cœur tambourine alors qu’une lueur d’espoir renaît en moi. Et si c’était vrai ? Si cette femmeétait vraiment ce qu’elle prétend ? Je redoute les réponses que je suis venue chercher ici, faute desavoir vers qui me tourner. Mais si je veux comprendre ce qui m’arrive aujourd’hui, je dois remonterà hier. Savoir pourquoi mes pouvoirs se sont réveillés ces dernières semaines. Je devine que lesréponses se cachent dans mon passé et celui de ma famille.

– Fermons les yeux et concentrons-nous.

Et, au bout d’une longue minute :

– Je sens une présence. Elle tourne autour de vous, Hope. Elle est attirée par votre aura très forte.Vous êtes médium, n’est-ce pas ?

Violette me transperce de ses pupilles noires et je me contente de hocher la tête. À nos côtés,Claire et Gregory restent concentrés, les yeux clos. La vieille dame replonge alors dans sa transe.Pour ma part, je préfère garder les yeux bien ouverts. Je ne veux rien manquer. J’ai été trop échaudéepar Sofia pour me laisser aller…

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– L’esprit approche…

Je sens un curieux courant d’air dans mon dos. Comme si un souffle de vent passait derrière machaise. Je le sens. Je sens l’esprit. Je vois alors les rideaux s’agiter, comme si la brise s’yengouffrait, froissant le lourd tissu pourpre. Violette ne bouge pas, le menton penché vers le buste.

– L’esprit est avec nous.– Qui est-ce ?

La spirite ne répond pas. Elle ne connaît rien de moi. Ni mon nom de famille, ni mon passé, nimon métier. Parmi nous, elle a seulement croisé Gregory, une unique fois, lors d’une précédenteséance vieille de plusieurs années. Et le docteur s’est bien gardé de livrer la moindre information àmon sujet. Je me demande comment elle va s’en sortir.

– C’est une femme. Christina… elle s’appelle Christina…

Violette fronce les sourcils, l’air de tendre l’oreille.

– Christina McKinney. Sa voix est nette. Je l’entends clairement.

C’est un véritable congrès de médiums !

– Elle est fière de vous, Hope. Elle est fière de l’usage que vous réservez à votre don. Elle vousdemande aussi de ne pas suivre son exemple, de rester fidèle à vos valeurs. Et elle est très inquiète àvotre sujet.

– Christina est vraiment là ?

Je n’arrive pas à y croire.

– Elle savait que vous réussiriez à empêcher l’assassinat de votre docteur.

Minute.

Comment peut-elle savoir ça ? Personne n’a jamais parlé de mon rôle dans la tentative de meurtredirigée contre David. Rien n’a filtré dans la presse. Je m’immobilise, consciente d’avoir peut-être lapreuve que j’attendais. Sur son siège, Violette esquisse alors un sourire, étirant ses fines lèvresencadrées de rides.

– Ça n’a aucun rapport… mais elle vous félicite aussi pour votre promotion au travail.

Je reste bouche bée, incapable de prononcer le moindre son alors que miss Brown lâche, amusée :

– Christina pense que vous serez une excellente gestionnaire. Du moins si vous daignez enfinranger vos papiers…

C’est une vraie. Une vraie de vraie.

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Pour la première fois de ma vie, je me trouve confrontée à un véritable médium, comme moi. Je nesuis plus complètement seule. Et je me tiens face à une femme capable de m’aider. Tant bien que mal,j’essaie de rassembler mes idées, éparpillées aux quatre coins de mon esprit. Surmontant monémotion, je réussis à articuler :

– Est-ce que… Sait-elle qui est le tueur à mes trousses ?

Violette marque un bref moment d’étonnement, mais je n’en tiens pas compte. Je n’ai pas envie delui expliquer mon histoire. Gregory aussi tique, même s’il n’intervient pas. Seule Claire resteimpassible, droite comme un soldat, inébranlable. Parce qu’elle connaît la vérité et la menace quiplane sur moi.

– Qui est l’homme qui me pourchasse ?

C’est le seul moyen de sauver ma vie. Demander aux esprits. Espérer l’aide d’un être plus hautque moi. La police elle-même ne s’est-elle pas avouée impuissante face au tueur au couteau ? Magrand-mère est ma dernière chance.

– Pourquoi m’en veut-il ? Pourquoi moi ?

Je ne peux cacher ma panique. Ma voix déraille dans les aigus.

– Christina veille sur vous, Hope. Elle vous protège depuis l’au-delà et… elle s’excuse. Car c’estelle qui a réveillé votre pouvoir.

– Quoi ?– Votre grand-mère erre depuis sa mort. Elle n’a jamais trouvé le repos et elle essaie de réparer

ses fautes. Elle dit…

Sans doute l’esprit de Christina parle-t-il trop vite car Violette fronce les sourcils, trèsconcentrée. Moi, je suis scotchée.

– Elle a essayé de prévenir les autres victimes du tueur au couteau… mais aucune n’était un vraimédium. Elle dit aussi que tout est sa faute, depuis le début. Elle vous a envoyé des visions pour vousprévenir, mais en réactivant vos pouvoirs, elle vous a mise en danger, vous transformant en ciblepour le tueur.

Bref arrêt. Insupportable arrêt. Je suis suspendue aux lèvres de miss Brown.

– Qui est David ? demande soudain Violette.

David ? Mon David ?

Même Gregory rouvre les yeux, incapable de rester de marbre. La clé de diamants à mon cou mebrûle, cachée sous l’étoffe rouge de ma robe hippie.

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– Elle dit que David est la réponse. C’est pour cette raison qu’elle vous a envoyé une vision de luivoici plusieurs mois.

Je ne respire plus.

– Elle dit qu’il est le seul homme capable de vous sauver.

Je broie les doigts de Claire, sans m’en rendre compte. David. Quel rôle a-t-il à jouer dans monhistoire ? Comment pourrait-il m’arracher aux griffes du fou qui me traque ? J’en ai le vertige. Nosdeux vies, nos deux destins semblent constamment imbriqués.

– Il peut me sauver du tueur ? dis-je, incertaine.– Il va réussir. Christina n’en doute pas.– Mais comment ?– Attendez ! Vous parlez trop vite… Je… je n’arrive plus à suivre…

Je n’ai pas l’impression qu’elle s’adresse à moi, mais j’insiste :

– Comment va-t-il me sauver ?– S’il vous plaît… je ne peux plus…

Au milieu de la cacophonie de nos voix, l’officiante renverse la tête en arrière. Et apeurée, Clairerecule dans son siège. Le cou de la vieille dame forme un angle étrange, comme s’il s’était rompu.Durant une seconde, l’air se glace, le temps se fige. Miss Brown baisse alors la tête d’un seul coup,en aspirant l’air par la bouche. Puis elle me fixe dans les yeux. Son regard est terrifiant. Parce que cene sont pas ses yeux. Ou tout du moins, ce n’est plus son regard. D’ailleurs, je ne reconnais pas nonplus sa voix lorsqu’elle s’adresse à moi :

– Tout est lié à moi, Hope !

Je mets un instant à comprendre.

– Christina ?

C’est elle. C’est ma grand-mère. Ou tout du moins, c’est son esprit qui s’est insinué dans le corpsde la spirite pour en prendre possession, s’exprimer à travers sa bouche. Claire se lève d’un bond etrecule à l’autre bout de la pièce. Bien qu’affaiblie par la rupture de notre cercle, mon aïeules’accroche. Sa main libre blanchit sur le rebord de la table, s’y agrippant avec vigueur.

– Tous ces meurtres sont liés à mon décès.– Je ne comprends pas. Tu es morte d’une crise cardiaque !

Silence.

– Que veux-tu dire ?

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Mais miss Brown s’écroule sur la table. Elle s’y effondre brutalement, sa tête cognant contre lanappe en manquant de renverser les candélabres. Gregory bondit sur ses pieds, en médecin habituéaux situations d’urgence. Quant à moi, je reste foudroyée sur ma chaise, consciente que lacommunication vient d’être rompue. Heureusement, Violette se redresse, épaulée par le docteur.

– Vous allez bien ?– Oui… oui… c’est fini…– Vous voulez un verre d’eau ? je propose à mon tour, en essayant de me ressaisir.

La vieille dame accepte, très faible. Mais tandis que je soulève la cruche posée sur un guéridon, jesuis en pilotage automatique. Je ne pense qu’à la confession de ma grand-mère, partie trop tôt, tropvite. Qu’a-t-elle voulu dire ? Et pourquoi les assassinats du tueur au couteau seraient-ils liés à sondécès prématuré ? Je suis venue pour des réponses, mais je repars avec d’autres questions, encoreplus denses et inquiétantes.

Je ne retrouve mes couleurs qu’une fois dans la rue, encadrée par Gregory et Claire. Eux aussisemblent secoués par la séance. Le meilleur ami de David inspire une grande bouffée d’oxygène,chargé d’embruns et du parfum de l’océan :

– Oh que ça fait du bien !

Puis, nous décochant un coup d’œil taquin :

– Y a-t-il encore quelqu’un pour douter de l’existence des fantômes ?– Je ne sais pas si je vais m’en remettre, plaisante Claire, une main sur le cœur. Plus jamais je ne

regarderai un film d’horreur. Et plus jamais je ne pourrai m’asseoir à la table de ma salle à manger.

Ils se mettent à rire, mais je les regarde tour à tour avec sérieux.

– Je veux que vous me promettiez de ne parler à personne de notre séance.– Mais…, commence Claire.– Ça doit rester entre nous. Je vous en prie.

Tous les deux échangent un bref coup d’œil et finissent par acquiescer devant ma mine grave.Jamais ils ne devront évoquer cet après-midi à quiconque. Et surtout pas à David.

***

En fin d’après-midi, je me retrouve dans le bureau de David – un changement plutôt radical aprèsmon incursion dans le monde du spiritisme ! Plus de reliures poussiéreuses et de bibelots anciensexposés dans tous les recoins, mais un bureau en verre et des manuels de médecine parfaitementalignés par mon control freak préféré. Il entre dans la pièce une minute après moi et j’avoue qu’il estcraquant dans sa blouse blanche qui cache mal sa carrure de Viking. Quand il se penche vers moidans un effluve ambré, j’en oublie tous mes problèmes. Il n’y a plus que lui. Il occupe toute la place,

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toutes mes pensées. Nos lèvres se retrouvent, se joignant en un baiser brûlant, passionnel, presqueviscéral…

– Ce n’est pas très professionnel…, souris-je.– Si tu savais comme je m’en moque !– Bonjour, je voudrais parler à M. Wagner, s’il vous plaît ?– Ne te paie pas ma tête ! Je suis sérieux.

J’éclate de rire en reculant un peu – un tout, tout petit peu. À chaque fois, je dois m’arracher à luiavec un pied-de-biche. Toujours penché au-dessus de moi, une main sur le dossier de mon siège,David me rend mon sourire. Nos visages sont si proches qu’il pourrait m’embrasser encore – etencore, encore… ce n’est pas moi qui m’en plaindrais ! Je sens son souffle régulier sur ma joue, plusdoux qu’une caresse. Cet homme me met dans tous mes états. Même quand j’ai la tête ailleurs. Mêmequand je me sens mal.

– On passe à côté ? me propose-t-il.

Hélas, cette invitation n’a rien d’indécent. Si je suis venue à la clinique Saint-Peters, c’estseulement pour mon examen de routine suite à mon opération de la rétine. Il s’agit de mon dernierrendez-vous de contrôle, tant ma convalescence s’est bien passée. David n’a pas failli à saréputation : il est le médecin le plus talentueux de sa génération. Du monde. Ou de l’univers.

Comment ça, je suis de parti pris ?

Je prends place dans un fauteuil, à l’aise comme à la maison. Depuis notre emménagementensemble, je me sens en parfaite harmonie avec David. Je peux tout lui dire, tout partager. Enfin… àl’exception de mon bordel. Car David manque parfois de perdre la tête quand il découvre l’état danslequel j’ai mis l’appartement. Paraît-il qu’il a l’impression de vivre dans un vide-greniers…

– Installe-toi. Je n’en ai que pour une minute.

Je ne réponds pas, distraite. Je suis ailleurs. Dans une zone grise, inquiétante, rongée parl’angoisse… même si j’essaie de faire bonne figure. Je reste silencieuse durant toute la durée del’examen en dépit des tentatives de David pour me dérider. Je n’arrête pas de songer aux paroles dema grand-mère.

– Tes résultats sont excellents, Hope ! s’exclame David en court-circuitant le flot de mesréflexions.

– Pardon ?– Tu es guérie. Ta rétine réagit parfaitement aux différentes stimulations.

Je souris.

– C’est génial.

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David se redresse avec cette raideur un peu martiale qui le caractérise. Il m’observe sans mot dirependant une minute, si intensément que j’en viens à baisser les paupières. Difficile de résister àl’examen de ses yeux laser.

– Je t’annonce que tu es définitivement tirée d’affaire et tu sembles à peine concernée.– Non, je suis ravie, je t’assure…– Je te connais, Hope. Dis-moi plutôt ce qui ne va pas.– Tout va bien.

Il détaille chaque micro-expression de mon visage : j’ai l’impression d’être passée au crible parun scanneur ultra-sophistiqué. J’en rirais si je n’étais pas si contrariée. Mais je sais que je ne peuxpas tout lui dire, cette fois. David a déjà fait d’énormes efforts pour accepter mes prémonitions etadmettre leur existence, mais il n’est pas prêt à entendre certaines choses, ni à s’avancer si loin sur lechemin du paranormal. Cette voie n’est pas tracée pour lui. Et puis, je refuse de le mettre en danger.Bien sûr, Christina prétend qu’il doit me sauver du tueur, mais n’ai-je pas déjà déjoué certainesprédictions ? J’ai des prémonitions pour cette raison, pour changer le cours des choses. Je ne veuxpas que David se retrouve en danger de mort par ma faute. Tant que je pourrai le tenir à l’écart, je leferai. Je préfère mourir que risquer sa vie.

– Tu sais que tu peux tout me dire, insiste-t-il.

Je lui souris, de tout mon cœur.

– Je sais, David. Je suis encore secouée par la poursuite de l’autre jour, c’est tout.

Une course que la police n’a pas prise très au sérieux, arguant que j’étais sans doute stressée aupoint de tout inventer et de voir des tueurs en embuscade partout.

– Il n’y a rien d’autre à signaler. Juré.

J’ai honte de lui mentir, mais je le fais pour lui. Parce que je l’aime plus que tout.

***

J’arrive à donner le change durant toute la soirée… d’autant que j’oublie vite mes soucis dans sesbras. David est le plus efficace des anxiolytiques. En plus, il est 100 % naturel. Et 100 % musclé.J’attends qu’il parte à la clinique le lendemain pour mettre mon plan à exécution. Après la séanceavec ma grand-mère, je ne peux pas en rester là. J’ai besoin de fouiller son passé, d’en apprendredavantage sur elle… Or, il n’y a qu’un seul endroit où trouver des réponses.

En milieu de matinée, j’ai établi mon campement à la bibliothèque municipale, dans la salle desarchives. Je consulte toutes les coupures de presse extraites par un conservateur. Le vieux monsieuren chemisette bleu ciel n’a pas cessé de m’aider depuis mon arrivée. Grâce à lui, j’ai pu accéder àune petite cabine où consulter des microfilms sur une volumineuse machine.

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– Certains numéros ont été numérisés, m’a-t-il expliqué. Cela permet de lire les articles sansabîmer l’original.

Depuis deux heures, je traque le moindre renseignement au sujet de ma grand-mère, en tentant derecouper toutes les informations. Au début, je ne découvre rien que je ne sais déjà, à commencer parses escroqueries. Médium irréprochable durant ses premières années d’exercice, elle a fini par céderà l’appât du gain avec l’âge… un comportement que je n’approuve guère. Toutes ces accusations pourabus de faiblesse me désespèrent au fil de ma lecture. Comment a-t-elle pu changer à ce point ?Heureusement, je garde une image plus nuancée de Christina, en partie grâce aux anecdotes contéespar David.

– Tiens, tiens…

En première page d’un quotidien local s’étale une photo que je n’ai jamais vue. Une maisonblanche, environnée par une végétation dense. La propriété semble perdue en pleine forêt. Je lis lalégende, les yeux plissés.

– Christina McKinney a été retrouvée morte dans sa maison de Green Hall à la lisière deRedwood Park.

Je fronce les sourcils. J’ignorais qu’elle possédait une demeure près d’une des plus grandes etbelles forêts de l’État. Je fouille mes souvenirs. Ma mère ne m’en a jamais touché mot. Cela dit, cen’est pas comme si elle parlait souvent de Christina… mais tout de même ! Une maison ! Elle a dû enhériter à la mort de sa mère… à moins qu’elle ait carrément renoncé à la succession ?

Écrit une semaine après la mort de ma grand-mère, l’article évoque sa crise cardiaque au sein desa maison ainsi que le rapport du médecin qui l’a examinée. Celui-ci a trouvé dans son sang de fortesdoses de potassium – un phénomène naturel après une attaque. Je regarde à nouveau la photo de lamaison. En fait, je la contemple avec une telle intensité qu’un bon quart d’heure s’écoule. Je me sensattirée par cet endroit. Comme s’il m’appelait à lui. Et ce n’est pas seulement mon cœur qui parle…mais mon pouvoir de médium. Cette maison crie mon nom.

Quand soudain, tout se brouille autour de moi. Le décor de la petite cabine s’estompe. Un flash.Un nouveau flash. Je m’immobilise sur ma chaise tandis que des images dansent devant moi, d’abordfloues, puis de plus en plus nettes. Je vois… je vois une commode poussiéreuse… des murslézardés… une porte entrebâillée… Je parviens même à sentir une vague odeur de cuisine… desraviolis en conserve, je crois… C’est la maison de Christina ! Elle m’appelle ! Elle m’appelle àelle ! Et à nouveau, tout se coupe. À bout de souffle, je me retrouve au sein de la bibliothèque.

Je n’hésite pas. Rassemblant mes affaires, je les enfourne dans mon sac en moins d’une minute. Etabandonnant les archives derrière moi, je me précipite vers la sortie. Je dois me rendre là-bas. Coûteque coûte.

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5. Déjà vu

Dès l’instant où je me gare, je suis assaillie par un sentiment de déjà-vu. Coupant le moteur de mavoiture de location, je fourre les clés dans ma poche sans pouvoir quitter des yeux la façade de lagrande maison qui se dresse au bout de la route terreuse, sous les frondaisons des chênes centenaires.Une vieille inscription aux lettres manquantes s’étale sur le fronton, au-dessus de la porte : G EENAL.

Green Hall. La dernière demeure de ma grand-mère. C’est entre ces murs qu’elle a perdu la vie,emportée par un infarctus foudroyant. Je n’arrête pas de songer à cette fin tragique. D’après lesarticles des journaux, elle n’avait jamais présenté d’antécédents cardiaques. Et comment son décèspourrait-il avoir un rapport avec les meurtres commis par le tueur au couteau ? Je ne vois aucun lien.Alors pourquoi ai-je la certitude que les réponses sont là, derrière cette porte en bois ?

Je contemple la forêt qui s’étend à perte de vue autour de la propriété, formant un arc de cercleopaque et verdoyant. Il s’agit de l’immense parc naturel de Redwood Park, situé à quarante minutesde San Francisco. Je suis perdue au milieu de nulle part… Et pour la centième fois, je plonge unemain dans mon sac pour toucher mon Taser et mon spray au poivre. Deux cadeaux de Claire. Carmême une pacifiste de mon espèce finit par s’armer face au danger.

Avant de descendre, je cherche le numéro de David dans mon répertoire. Et au gré des sonneries,je continue à observer les environs, pensive. Je me trouve sur le territoire de ma grand-mère. Moncœur bat à un rythme régulier, pourtant. Parce que je suis à ma place. J’ai l’intime conviction que jedevais venir ici. Tous les précédents événements m’ont poussée dans cette direction. J’observe le toitaux ardoises vieillies lorsque le répondeur s’enclenche. David n’est pas là. Mais ne m’a-t-il pasparlé d’une opération difficile au bloc durant l’après-midi ?

– David, c’est moi.

Petit blanc. Comment lui dire ? Il n’approuverait certainement pas ma démarche, sachant que je mesuis éloignée de San Francisco et de son périmètre d’action. Quelque part, je suis bien contente deparler à son répondeur…

– J’ai retrouvé la maison de ma grand-mère près de Redwood Park.

Je vérifie l’adresse pour la lui donner afin de le tranquilliser – qu’il sache au moins où je metrouve.

– J’ai besoin de trouver des réponses. Je rentrerai peut-être plus tard ce soir.

Mon estomac se serre, sans que je sache vraiment pourquoi. Et j’éprouve le besoin de le lui dire,de saisir l’occasion :

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– Je t’aime, David.

Après avoir raccroché, je quitte ma voiture et la ferme à distance à l’aide du petit bipeur. Jemarche vers la maison avec détermination, parcourant un gazon jauni par le soleil écrasant de laCalifornie. Seuls les arbres alentour ont bien résisté, arborant encore des feuilles vertes en dépit destrente-six degrés de ce brûlant après-midi. En jean-baskets, je grimpe les trois marches du perron etpousse la porte sans difficulté. À l’évidence, cette demeure est abandonnée depuis longtemps.

Je pénètre à l’intérieur dans un grincement sinistre. Les gonds n’ont pas été huilés depuis deslustres. Je dois me faufiler dans l’entrebâillement pour débouler dans une entrée étroite, une sorte decouloir qui débouche directement sur un escalier. À droite, je repère une grande ouverture : les portesont été retirées, donnant libre accès à une sorte de salon défraîchi. Pour ne pas dire mité. Jem’aventure plus loin en essayant d’imaginer l’ancien décor. Mais la couche de poussière et les toilesd’araignées qui pendent aux angles ne me facilitent pas la tâche.

– Christina…

Ma voix résonne dans le silence de la pièce au parquet abîmé. Une latte manque près de la fenêtreaux rideaux tirés. Je m’en approche pour les ouvrir d’un coup sec, déplaçant au passage un grosnuage de poussière. Je me mets à tousser. Puis à la lumière du soleil, je contemple les meubleslaissés çà et là. Un gros canapé trois places en tissu, souillé d’une tache noirâtre que j’évitesoigneusement en posant mon gros sac. Un tapis brun couvert de gros moutons. Une cheminée àl’imposant manteau de bois. Trois grandes bibliothèques clairsemées, aux livres ensevelis sous lesscories du temps.

Mon monsieur Maniaque ne survivrait pas deux secondes ici…

Quand soudain, je frissonne. Comme lors de la séance de spiritisme, au moment où j’avais senti uncourant d’air dans mon dos. Je me retourne à toute allure. Un instant, j’ai l’impression qu’il y avraiment quelqu’un avec moi… mais cela n’a rien de malveillant. C’est Christina. C’est son aura queje sens. Elle est avec moi. Elle hante encore cette maison, comme si un fil invisible l’y rattachait.

– Grand-mère ?

Je vois – ou crois voir – le rideau bouger devant la fenêtre. Illusion ? Coïncidence ? Réalité ? Jeme fie seulement à mes émotions – et mon cœur me dit qu’elle est là… ce qui me rassure un peu danscette habitation fantôme, abandonnée depuis sa mort. Je continue à arpenter la pièce, étonnée. Mamère a-t-elle refusé cette maison qui lui revenait par testament ? Si tel était le cas, pourquoi l’Étatn’a-t-il pas vendu ce bien ? À moins que ma mère ait accepté son héritage sans jamais y mettre lespieds… Cela lui ressemblerait bien.

Dans un coin du salon, je repère une grande commode en bois cérusé, d’un gris bleuté. Elle estcouverte de cadres rendus collants par la poussière. J’essuie ma main sur le revers de mon jean touten examinant les photos. Toutes représentent Christina. Un gros plan où elle transperce l’objectif deses yeux verts. Un autre où elle rit aux éclats. Sur l’un des clichés, elle est assise sur la pelouse

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devant la maison. Levant la tête, je détaille des photos d’elle punaisées au mur. Qui expose autantd’images de soi dans sa maison ?

– Tu étais mégalo, mamy ?

Je plaisante à voix haute, au cas improbable où elle m’entendrait. Et avec un sourire, je pousseplus loin mon exploration. Il y a quelque chose pour moi, ici. Je le sens. Je n’ai qu’à chercher, qu’àfouiller…

***

J’ouvre une petite porte encastrée sur le côté, persuadée de tomber sur un placard… mais je meretrouve dans un bureau de taille honorable. Là encore, une partie des meubles a disparu. Il ne restequ’une grande vitrine aux étagères vides, un fauteuil au dossier lacéré d’un coup de couteau – par dessquatteurs ? – et le bureau lui-même, couvert d’un sous-main en faux cuir marron. Ce n’est pourtantpas ce qui attire mon attention. À peine entrée, je pose les yeux sur le mur du fond, couvert de photosà hauteur des yeux.

– Qu’est-ce que… ?

Mon cœur bat plus vite à mesure que je m’approche. Je reconnais le visage de ma grand-mère.Cette fois, il ne s’agit pas de photos d’elle… mais d’articles de journaux. Je m’arrête devant mestrouvailles, mal à l’aise. Des dizaines de coupures de presse ont été scotchées au mur.

– C’est impossible…

Ces portraits, ces reportages… sont tous postérieurs à la mort de Christina. Je ne comprends pas.Je parcours les textes en diagonale, incapable d’en retenir le moindre mot. Tous évoquent l’infarctusde ma grand-mère, sa disparition soudaine avant que les plaintes de certains de ses clients n’aientabouti. D’autres retracent l’existence du célèbre médium, de ses glorieux débuts à sa chute pourescroquerie supposée. Je recule d’un pas, impressionnée. Qui a accroché ces articles ? Qui a fait ça ?

– Mais…

Mais ce n’est pas ma grand-mère, sur ce cliché. Il n’est même pas extrait d’un journal. Il s’agitd’une grande photo imprimée sur papier glacé. C’est moi ! C’est moi, prise au téléobjectif ! J’en aides palpitations. Cette image a été volée dans ma salle de bains. Je suis enveloppée dans une grosseserviette-éponge, encore ruisselante d’eau. Je fixe le petit meuble muni d’un miroir au-dessus dulavabo, dans l’appartement que je partageais avec Claire.

N’est-ce pas la scène que j’ai entrevue dans ma vision, lorsque j’étais évanouie dans la boutiquede Sofia après son assassinat ? Tout s’éclaire avec brutalité. J’ai vu le tueur, ou plus exactement, jeme suis vue à travers ses yeux au moment où il prenait ce cliché. En proie à la panique, je recule etpousse un petit cri en me cognant à quelque chose. Mais il ne s’agit que d’un rideau de perles

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masquant une ouverture. Et en écartant les franges, je me retrouve au milieu d’une cuisine rustique.Une table. Une chaise. Un évier. Trois placards. Mes yeux effleurent le mobilier sans s’y attarder…car ce n’est pas ce qui m’attire en premier.

– Un réchaud ?

Le pouls affolé, je reste plantée au centre de la pièce à observer la petite plaque de campingbranchée sur une bombonne de gaz. Je remarque alors les conserves de raviolis vides entassées dansla poubelle, pleine à ras bord de déchets alimentaires et d’emballages. Les empreintes de pas dans lapoussière. Autant de signes trahissant une présence.

La maison est habitée.

Quelqu’un vit ici.

J’essaie de ne pas céder à la vague de terreur qui se lève en moi. Au moins, je comprends mieuxl’étrange odeur de cuisine perçue durant ma vision, lorsque je me trouvais à la bibliothèque. Jevoyais la maison telle qu’elle est aujourd’hui, à travers ses yeux à lui… Pourquoi n’y ai-je pasaccordé plus d’importance ? Je m’approche de la casserole restée sur le feu : elle contient desraviolis froids, prêts à être réchauffés, mangés. Mon esprit s’enraye, refusant d’en tirer desconclusions. Et par mégarde, j’effleure le manche de la casserole… et le décor s’efface autour demoi, s’évanouissant dans un brouillard épais.

Un flash.

Oh mon Dieu ! Je vois la porte de la maison – la maison de ma grand-mère, celle où je me trouveen ce moment même. J’entends des pas. « Je » suis en train de monter les marches du perron. Ouplutôt, l’homme – à travers les yeux duquel j’observe la scène – grimpe le petit escalier et s’arrêtedevant l’entrée… encore entrouverte, suite à mon arrivée inopinée. Il la regarde longuement. Et monsang se glace dans mes veines au moment où sa main s’abat sur la poignée.

Ma vision se coupe.

De retour à la réalité, je suis hors d’haleine… et j’entends un grincement à l’autre bout de lademeure. La porte de l’entrée qui s’ouvre.

Le tueur.

Le tueur au couteau.

Il est là. Avec moi.

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6. Cache-cache

Je grimpe à toute allure les marches de l’escalier, en marge de la cuisine. Je ne pense plus, je neréfléchis pas. Je suis mue par mon instinct de survie. L’adrénaline déferle dans mon corps comme untorrent furieux au moment où je déboule sur un palier étroit. Où suis-je ? Où dois-je aller ? J’ignoretout de la configuration des lieux ! Et ma panique ne m’aide pas… En bas, j’entends le planchergrincer sous les pas du tueur. La latte abîmée craque à son approche, me donnant une précieuseindication. Il est dans le salon. J’ai encore le temps de me cacher. C’est alors que je me rends comptede mon erreur : j’ai oublié mon sac sur le canapé. Mon sac qui contient mon Taser, mon spraydéfensif.

Trop tard.

Je ne peux plus revenir en arrière.

En proie à la terreur, je longe un long couloir qui dessert plusieurs portes. Pas moins de six issuesdifférentes s’offrent à moi. Laquelle prendre ? Mille pensées s’entrechoquent dans ma tête, affolées,affolantes. Il a vu ma voiture. Il a forcément aperçu mon véhicule de location, garé dans le chemin àune centaine de mètres de cette maudite baraque. À cette seule idée, j’étouffe un sanglot. Et j’ouvren’importe quelle porte – la deuxième à droite –, pour me retrouver dans une chambre. J’ai cru que jepouvais vivre normalement, ignorer la menace, me passer de garde du corps. Mais quelle idiote !

C’est alors qu’une voix me parvient depuis le rez-de-chaussée. Claire. Nette. Puissante. Etglaçante.

– Hope ?

Je crois m’asphyxier.

– Je sais que tu es là.

Il y a comme un rire dans sa trachée, un rire fou et moqueur. J’écrase une main sur ma bouche pourretenir mon gémissement. Et je me plaque contre un mur, comme si cela pouvait me sauver. Une sueurfroide inonde mon dos au moment où je fais corps avec la cloison. Jamais je n’ai eu aussi peur de mavie. C’est le parfum de la mort que je sens flotter autour de moi. Je tremble de tous mes membres, jeclaque des dents.

Comment peut-il savoir que c’est moi ? Comment ?!

– Ne te cache pas, ma jolie…

Un bruit me parvient. Un grincement. Je reconnais le vieil escalier en train de gémir : il monte. Il

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me rejoint à l’étage.

– Ça fait longtemps que je te suis. Je t’ai vue sortir de la bibliothèque. Je t’ai suivie jusqu’ici,sans que tu t’en doutes.

Ne pas paniquer. Ne pas perdre le contrôle.

Je joue ma vie. Les paupières closes, je me concentre et j’oublie les craquements, la présence quise rapproche de moi, seconde après seconde. Je dois utiliser mes pouvoirs. Je dois exploiter maconnexion avec le tueur. C’est ma seule chance, même si c’est un plan complètement fou. Car si jevois à travers ses yeux, j’aurai un coup d’avance, je saurai où il va avant même qu’il n’y mette lespieds. Et je pourrai gagner notre partie de cache-cache mortel. Sauf que je n’ai jamais réussi àdéclencher une seule vision de toute ma vie. Alors là, c’est le moment ou jamais !

Christina.

C’est à elle que je pense. Pas à David, à aucun prix – parce qu’il n’est pas là, parce que j’ai peurde ne jamais le revoir, parce que ça fait trop mal, trop peur. Je me tourne vers ma grand-mère dontj’ai senti la présence. J’ai besoin de son aide, de sa protection. J’ai besoin de son expérience demédium. Je l’invoque de toutes mes forces, les cils soudés. J’essaie de faire le vide dans mon espritmalgré la dernière marche qui pleure sous le poids du monstre.

Aide-moi, Christina. Aide-moi, je t’en supplie.

Brutalement, un barrage cède en moi. J’ai l’impression de tomber en arrière, d’être aspirée dansun gouffre. J’ai un flash – mais un flash comme je n’en ai jamais connu avant, si puissant qu’il nem’appartient pas. Pour la première fois, je découvre les visions au niveau de ma grand-mère… carc’est elle qui me l’envoie, aucun doute possible. Cela ne vient pas de moi. Mais d’elle. Elle dont lefantôme est là, près de moi, tel un ange gardien venu me sortir de l’enfer.

La porte. Je vois une porte.

La porte que je viens d’ouvrir. La porte derrière laquelle je me trouve.

Le flash s’interrompt. Je n’ai pas le temps d’atterrir, de reprendre mes marques dans la réalité.Elle m’explose directement à la figure. Tel un crabe, je longe à toute vitesse le mur et j’atteins laseconde issue de la pièce. La peur est si grande, si intense, que je suis au-delà de la panique. Mesynchronisant avec le tueur, je tourne alors la poignée… et sors à l’instant précis où il entre. De sortequ’il ne me voit pas. De sorte qu’il me rate au moment où je me glisse dans le couloir à pas de loup,revenant sur mes pas pour désorienter mon adversaire.

J’ai réussi. Je me suis échappée. Mais pour combien de temps ? Car sa voix s’élève à nouveau, àla fois menaçante et enjôleuse.

– Hope…

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Mes cheveux se dressent sur ma tête tandis que je trouve refuge dans une autre pièce – une espècede salle de jeux avec un lit-banquette.

– Ça ne sert à rien de te planquer…

Je ferme encore les paupières, quitte à me mettre en danger. Car pendant quelques secondes,j’abandonne mon corps pour déclencher un autre flash. Je dois connaître sa position. À n’importequel prix. Comme la première fois, je suis projetée hors de moi-même. Reliée à lui, je vois par sesyeux. Il est dans le couloir. Il hésite… et ouvre brutalement une porte. Celle d’une chambre d’ami.

En revenant à moi, je plaque mes mains sur ma bouche. J’ai cru qu’il m’avait trouvée ! Pas letemps de tergiverser néanmoins – ni de tomber dans les poires. Je marche sur le vieux tapis sanssoulever un grain de poussière, et renonce à me dissimuler dans un cagibi. Je ne dois pas rester dansune pièce close. Ce serait signer mon arrêt de mort. Alors, courbée en deux pour passer sous lesradars, j’entre dans la salle voisine… où s’entassent des piles de cartons de livres jusqu’au plafond.

– Tu ne pourras pas m’échapper éternellement…

Il a raison, bien sûr. Mais je joue ma seule carte. À nouveau, je ferme les yeux, planquée derrièredes caisses en bois. Je me fais aussi petite que possible. Je ne l’entends plus, comme s’il avait cesséde bouger. Où se trouve-t-il ? Je ferme les yeux, suppliant Christina de m’aider encore. Et quand leflash surgit des ténèbres, je me retrouve reliée au tueur. L’image est floue durant une fraction deseconde. Puis je vois… je vois…

Mon visage.

Mon propre visage.

– Tu croyais vraiment réussir à m’échapper ?

Je rouvre les yeux et me retrouve nez à nez avec l’assassin. J’entrevois ses traits une fraction deseconde, déformés par la haine. Il me dit quelque chose. Je ne sais pas quoi. Cette impression fugacesurgit au milieu d’un océan de terreur. Et je n’ai ni le temps de hurler, ni le temps de m’enfuir.L’homme se jette sur moi, tel un fauve. Grand et baraqué, il m’attrape par les cheveux, prenant unegrosse poignée cuivrée entre ses doigts.

– Je te tiens, salope !

La douleur transperce ma tête. J’ai l’impression qu’il va arracher la peau de mon crâne.

– Laissez-moi !

Mon cri explose, aussi fort que le sien. Mon agresseur éructe de rage en plongeant une main dansson imperméable kaki. Avant même qu’il ne le brandisse, je sais ce qu’il va sortir de sa poche. Soncouteau. Le couteau destiné à me tuer. Comme je regrette mon Taser ! Mon hurlement résonne entre

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les murs lézardés tandis que je me débats de toutes mes forces. Je m’agite comme un diable en dépitdes élancements dans ma tête.

– Lâchez-moi !

J’y mets tant de vigueur, d’énergie, qu’il en respire avec difficulté. Son corps est tout proche dumien, presque contre moi. Je sens ses effluves moites, mélange de sueur et de mauvais déodorant. Jebalance un pied dans sa direction, atteignant son mollet au moment où il lève le bras, armé de salame.

– NON !

D’instinct, je protège ma tête de mes bras et sens le tranchant riper contre mon biceps, entailler mapeau. Du sang jaillit, s’écoulant vers mon coude… Je ne sais pas pourquoi mais cette rigole écarlateme donne la force de m’arracher à lui. Posant les mains sur son torse, je le repousse de toutes mesforces au moment où il s’apprête à me perforer encore, à m’ôter la vie.

– Salope !

Il tombe en arrière, fracassant de plein fouet une vieille armoire. Sa tête percute l’un des angles etsa tempe s’ouvre en une blessure profonde. Il saigne, lui aussi. Je reste une seconde sur place,hébétée. Je n’arrive pas à y croire. C’est moi qui ai fait ça ? J’ai l’impression d’être anesthésiée.Debout devant lui, je l’observe pendant qu’il perd à moitié conscience. Il gémit, dans les vapes.

Réveille-toi, Hope !

Je ne sais pas d’où surgit cette voix. De mon esprit ? Du fantôme qui parle à mon oreille ? Ànouveau, je sens avec une acuité inouïe la présence de ma grand-mère… et je prends mes jambes àmon cou. Je cours hors de la pièce, remontant le couloir avant de m’engager dans les escaliers vers lerez-de-chaussée. Sortir. Sortir. Par pitié, sortir ! Je n’ai que cette idée en tête. Le cœur tambourinantdans ma cage thoracique, je m’abats sur la porte d’entrée, tourne la poignée et…

– Elle est fermée !

Verrouillée. À double tour.

Qu’est-ce que je dois faire ? Sortir par une fenêtre ? Je me précipite vers le salon pour découvrirl’unique fenêtre, scellée elle aussi. Le tueur a fermé les volets de l’extérieur. Un sanglot me montedans la gorge. Je suis prise au piège. Je me rue vers la cuisine… et m’empêtre dans le rideau deperles. Les lanières me ralentissent comme des tentacules. J’ai envie de hurler, mais je me mords lalangue en me dégageant. Là encore, je ne me heurte qu’à des issues closes. Je suis piégée. Je suisperdue.

Et maintenant ?

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Des bruits de pas s’élèvent au-dessus de ma tête. Le tueur doit être en train de se relever. Jem’engouffre dans l’une des salles que je n’avais pas visitées à mon arrivée. Pourquoi suis-je venueici ? Quelle belle connerie ! Je me maudis en découvrant une salle à manger. Les deux fenêtres sontcloses, ne m’offrant aucune échappatoire. Et j’entends les escaliers grincer dans le lointain. Le fou serapproche. Alors, je fais la seule chose possible : j’ouvre les portes du vaisselier et me cache àl’intérieur. Même si je n’ai aucune chance. Même si ça revient à grappiller des secondes.

Me recroquevillant dans le placard, j’adopte une position fœtale – les jambes rassemblées contrela poitrine, dans mes bras. J’ai peur. Je crève de trouille. À présent, je ne pense plus à Christina…mais à David. David que je ne reverrai jamais. David qui va alerter la police. David qui vaapprendre mon assassinat. J’enfouis mon visage dans mes genoux, tétanisée. Je voudrais qu’il soit là,qu’il me sauve. Je me mets à prier pour un miracle. Quand la voix glaçante du monstre m’interpelle :

– Vous êtes toutes pareilles, les médiums, les voyantes…

Sa haine est perceptible, traversant presque les cloisons, suintant à travers chaque mot :

– Toutes des menteuses, des voleuses, des escrocs…

Je reste la figure enfouie dans mes bras croisés, en sueur. Au son de sa voix, je dirais qu’il setrouve dans le salon… mais il viendra forcément par ici. Il me trouvera. Il me tuera.

– Mais toi…

Sa voix roule, horrible, acérée.

– Toi, tu es la pire de toutes ! Tu es exactement comme ta grand-mère, la reine des salopes !

Je presse très fort mon bras, qui continue à saigner. La blessure est superficielle, mais du sangs’en échappe toujours. À côté, j’entends le tueur ouvrir brutalement un placard, d’un seul coup. Ilcroit me tenir et pousse un juron de dépit avant de reprendre le fil de son discours.

– Tu sais qui je suis, au moins ?

Silence.

– Je m’appelle Connor Lloyd.

Pourquoi ce nom me dit-il quelque chose ? Paralysée de terreur, je n’arrive pas à rassembler mespensées. Son visage émacié, aux yeux noirs enfoncés, et sa chevelure châtaine bouclée ne me sontpourtant pas inconnus. Si seulement j’étais encore capable de réfléchir !

– Je suis le fils d’Alexander Lloyd. Eh oui ! s’écrie-t-il, enragé. C’est moi le fils de l’homme qui aété ruiné par Christina McKinney. Parce que mon père a eu la connerie d’écouter cette « faiseuse demiracles » !

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Mon cœur bat la chamade. Tout commence à s’éclairer. Bien sûr, j’ai lu des dizaines de fois lenom d’Alexander Lloyd dans les gros classeurs prêtés par Sofia, bourrés d’articles de presse sur magrand-mère.

– Il l’a écoutée, il a suivi tous ses conseils pour investir son argent à un moment où il était fragile,où sa place de trader était menacée par sa hiérarchie… Or, tous les conseils de Christina étaientbidon ! Tous ! Et mon père a perdu jusqu’à sa dernière chemise dans cette histoire. Ruiné, ridiculisé,il a fini par se pendre dans notre garage. C’est moi qui ai retrouvé son corps au bout de la corde.

Ses cris transpercent les cloisons, m’indiquant sa position. Il vient d’entrer dans la cuisine. Il serapproche. Et il s’amuse à faire crisser la pointe de son couteau contre le mur. S’il veut me faire peur,c’est réussi. Je suis terrorisée.

– Ma mère et moi, nous sommes retrouvés seuls. Sans un dollar en poche. On a déménagé. J’avais19 ans à l’époque et j’ai commencé à bosser dans un fast-food pendant qu’elle enquillait les ménages.La grande vie !

Une porte grince. Le plancher craque.

– Tu sais ce que ça fait de tout avoir et de se retrouver sans rien du jour au lendemain ? J’ai perdumon père, puis tous mes amis. Je n’étais plus bon qu’à les servir derrière mon comptoir ! J’ai changéde fac, j’ai foiré mes études de médecine. Tout ça grâce à ta salope de grand-mère. Ma mère a portéplainte. Elle espérait soutirer du fric à la vieille McKinney, mais notre avocat nous a dit qu’il seraittrès difficile de prouver sa culpabilité. Nous n’avions aucune preuve. Rien. C’était notre parolecontre la sienne.

Au fond de ma cachette, je mords ma main pour qu’il n’entende pas mes dents s’entrechoquer. Jerepense en même temps à cette horrible histoire. Je sais que Mme Lloyd a ensuite remué ciel et terrepour débusquer d’autres victimes. Mais le procès n’a jamais eu lieu.

– Alors, j’ai décidé d’agir. De nous venger. J’ai préparé mon coup en soudoyant un pote qui livraitdes médicaments dans une pharmacie. Il m’a vendu des doses de potassium. Et je suis allé trouvercette vieille menteuse chez elle. Ici, dans cette maison.

Je tremble. Il a assassiné ma grand-mère ! Je comprends mieux les paroles de Christina durant laséance de spiritisme… La voix du meurtrier est proche, si proche. Je crois qu’il vient d’entrer dansla salle à manger. Oh mon Dieu ! Il est dans la même pièce que moi. Mon Dieu ! Mon Dieu, non !

– Elle m’a reçu. Elle m’a même offert un thé pour me parler, m’expliquer, tirer les choses au clair.Elle avait un aplomb incroyable. Et je l’ai regardée boire sa tasse, dans laquelle j’avais mis lepoison. Le potassium a provoqué sa crise cardiaque et il a l’avantage d’être naturellement présentdans le corps lors d’un infarctus. Le médecin légiste n’y a vu que du feu. Et moi, j’ai regardé cettefemme, celle qui avait tué mon père, crever à mes pieds comme un chien.

Il rit – un éclat bref et métallique, horrible. Il ouvre alors les portes d’un meuble à linge, dans un

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coin. Je vois sa silhouette à travers les interstices de ma porte. C’est terrifiant. Il reprend ensuite safouille méthodique. Il brûle et il le sait.

– Ça a été une révélation pour moi. La voir mourir. Et c’est devenu un besoin, un truc vital. Alors,j’en ai tué d’autres. Des médiums. Des voyantes. Des pseudo-sorcières. Qui ne feront plus de mal àpersonne. J’ai recommencé juste après la mort de ma mère, emportée par un cancer foudroyant. Ellen’a pas beaucoup lutté non plus. Et elle m’a laissé les coudées franches.

Il s’arrête devant le vaisselier.

– Je purge la Californie depuis dix ans. Et j’ai déjà douze « victimes » à mon actif. Toutes desvoleuses, des escrocs… comme toi.

Il se penche.

– Alors ? Tu sors de ta cachette, numéro 13 ?

Et d’un seul coup, il ouvre les portes du meuble.

Connor Lloyd apparaît devant moi dans toute sa démence, les traits déformés par la haine, les yeuxfous. Je n’ai que le temps de hurler au moment où il brandit son couteau au-dessus de moi. Non ! Jene veux pas mourir ! Tassée au fond du vaisselier, je tente désespérément d’abriter mon visagederrière mes bras. Je me recroqueville alors qu’il éructe un bruit presque animal, comme ungrognement. D’instinct, je ferme les paupières. Ma vie ne défile pas devant moi – ça, c’est bon pourles films. Je ne ressens que la peur la plus absolue, une terreur sans nom, sans bornes.

Pitié.

– Un geste de plus et je vous abats !

Une voix. La voix de David.

– Est-ce que vous m’avez compris ?

Les derniers mots sont crachés avec une telle fureur que j’en rouvre les paupières, sidérée. Est-ceque je suis morte ? Est-ce pour cette raison que j’entends la voix de l’homme que j’aime plus que mavie ? Pendant un moment, je suis complètement désorientée. J’abaisse lentement mes bras et découvreConnor, la lame encore en l’air, prêt à l’enfoncer dans mon corps… mais immobile. Il ne bouge plus.

– Hope ?

Une forme. Une forme bouge derrière lui.

– Hope ? insiste la voix de David, beaucoup plus forte.

J’aperçois alors sa silhouette derrière Connor. Enfin, il apparaît dans mon champ de vision, dans

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sa chemise et son pantalon noirs, si grand et impressionnant qu’il remplit toute la pièce, projetant saprésence autour de nous. À cette seconde précise, j’ai l’impression que l’oxygène circule à nouveau.Pourtant, jamais je n’ai vu mon compagnon aussi en colère. Ses yeux iceberg se réduisent à deuxfentes, fixées sur mon agresseur. Et le moindre muscle de son corps semble tendu.

– Je vais bien, parvins-je à bafouiller.

J’ai la gorge si sèche que chaque parole la râpe. David hoche la tête sans m’accorder un regard. Ilne peut pas se le permettre alors qu’il tient en joue l’assassin. Et c’est une arme que je vois à sonpoing – le fameux revolver dont il m’avait parlé à l’époque où il était menacé de mort par le docteurThompson. Mon cœur s’emballe dans ma poitrine, soumis à une décharge d’adrénaline.

– J’ai eu ton message, me dit David sans quitter des yeux Lloyd.

Je mets un instant à comprendre. Le message ? Quel message ? En pleine confusion, je mesouviens à peine de mon appel. N’ai-je pas indiqué à David ma position, ne lui ai-je pas dit où je metrouvais avant d’entrer dans la maison ? Dieu merci, il s’est affolé. Et il est venu. Mais comment a-t-il su que j’étais en danger ? L’instinct ? Ou l’amour ?

– Sors vite, Hope…

Je m’extrais du meuble alors que David me tend sa main libre. Quand brutalement, le tueur seretourne. À toute vitesse. Sans laisser à David la moindre chance de reculer. Les yeux arrondis par lapeur, j’assiste à la scène avec un mélange de stupeur et de panique. Une seconde plus tard, un coupest tiré au plafond, assourdissant. Et les deux hommes roulent par terre.

– Attention ! je hurle.

Assénant un coup de poing dans la figure de David, le tueur tente de le désarmer. Le bras tendu,mon Viking résiste, encaissant sans broncher malgré le filet de sang qui coule au coin de ses lèvres.Avec un cri de rage, Connor essaie de lui faire lâcher prise, allongé près de lui. Et de son bras libre,il brandit son couteau… mais David le stoppe net, arrêtant son geste avant d’être poignardé.

– Je vous tuerai…, explose Lloyd.

David ne répond pas. Il mobilise toute son énergie pour arrêter ce malade, dont la force sembledécuplée par la folie. Les deux hommes brandissent chacun une arme et tentent de récupérer celle del’autre.

– … tous les deux !

Quand soudain, David replie sa jambe et parvient à lui asséner un coup de genou dans le ventre.Le tueur vacille et il n’en faut pas davantage à mon compagnon pour le coucher par terre, sur le dos.Poussant son avantage, il lui tord si violemment le bras qu’il parvient à lui faire lâcher son couteau,qui tombe sur le parquet dans un odieux bruit métallique. Je plaque mes mains sur ma bouche,

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épouvantée.

– David !

Oh mon Dieu ! Oh mon Dieu !

À son tour d’asséner un coup de poing à Connor, mais le sien est si fort que la tête du tueur cognecontre la plinthe du mur. À nouveau, David le frappe, lui démolissant la mâchoire au point de ladémettre. Cette fois, Lloyd ne résiste pas et perd connaissance, assommé. Alors seulement, David serelève, son arme à la main. Il continue même à la pointer sur le corps inerte, comme s’il redoutaitqu’il ne se lève. Et il donne un coup de pied dans le couteau, qui va glisser sous un meuble. En pleinehébétude, je le contemple sans y croire… jusqu’à ce qu’il époussette machinalement sa chemise. Oui.Dans un moment pareil.

– Oh, David ! je souffle, éperdue.

Lorsqu’il m’ouvre son bras, je me précipite contre lui, contre son flanc. Lui m’étreint de toutes sesforces tandis que je ferme les yeux, m’enivrant de son parfum, de sa chaleur, de sa présence. Ce n’estqu’à ce moment… que je me sais sauvée. Je ne crains plus rien. Je suis en sécurité.

– Si tu savais comme j’ai eu peur… J’ai cru que…

J’étrangle un sanglot alors qu’il dépose un baiser dans mes cheveux, au sommet de ma tête, enm’écrasant contre lui. Il me broie presque les os, mais je ne m’en plains pas.

– C’est fini. Je suis là.

Et tandis qu’il sort son portable de sa poche pour contacter la police, l’évidence me saute à lafigure. Il m’a sauvée. La prédiction de ma grand-mère s’est réalisée. Tout s’emboîte parfaitement :notre rencontre, notre histoire… jusqu’à ce dénouement. Nos chemins étaient faits pour se croiser, sejoindre, se confondre en une seule et unique route. En me rendant mes visions, ma grand-mère a voulume prévenir pour que j’arrête le tueur et qu’elle retrouve enfin la paix… en me mettant en danger parricochet. Mais elle m’a surtout permis de croiser la route de mon grand amour, de mon sauveur. Decelui qui m’était destiné.

Depuis le début.

Depuis toujours.

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7. Épilogue – Happily ever after

Des centaines de lampions étincellent dans l’immense parc, suspendus en guirlandes d’un arbre àl’autre. Le décor est féerique, entièrement blanc avec ses tables, ses chaises et ses nappes couleurperle. Même les invités portent des vêtements immaculés, à notre demande. Parce que nous nepouvions pas célébrer un mariage comme les autres. Et sous les applaudissements de nos invités,David et moi quittons notre table pour investir la piste de danse. En smoking noir, nœud papillon etchemise blanche, mon mari est parfait.

Attendez. Laissez-moi savourer.

Mon mari. Mon mari à moi.

– Tu es superbe, Hope.

Me prenant délicatement la main, il me conduit au centre de l’immense piste, dressée à l’arrièredu château loué pour cette occasion. Mes cheveux cuivrés domptés en un bel échafaudage de boucles,j’ai le visage mis en valeur par un discret maquillage. Et ma longue robe en mousseline froufrouteautour de mes jambes. Dénudant entièrement mes épaules, elle s’accorde parfaitement à mes cheveuxroux. Car j’ai choisi une robe de mariée… écarlate.

– On dirait un feu follet, sourit-il.

Un bras autour de ma taille, il me fixe dans les yeux. Cela ne dure qu’une seconde… ou uneéternité. L’orchestre ne joue pas encore, tous les regards sont braqués sur nous – une centaine deconvives réunis pour célébrer notre amour. Six mois se sont écoulés depuis l’arrestation de ConnorLloyd, désormais emprisonné à perpétuité dans un hôpital psychiatrique, suite aux meurtres de douzejeunes femmes. Nous n’entendrons plus parler de lui… même si cela ne ramènera jamais sesvictimes. Quelque part, j’ai de la peine pour lui. Ce garçon a traversé des événements horribles, quil’ont brisé. Il a cherché à en rendre ma grand-mère responsable – elle avait d’ailleurs sa part de torts– et s’est perdu en route.

Un sifflement s’élève dans notre dos. Je n’ai pas besoin de me retourner pour savoir qu’il s’agitde Gregory. Le meilleur ami de David applaudit à tout rompre, près d’une charmante jeune femmeblonde. L’insatiable séducteur ne s’est guère calmé. D’ailleurs, il se penche à l’oreille de sa voisinebrune… pour flirter sans vergogne. À ses côtés, Claire lui décoche un coup d’œil réprobateur… Elleest venue avec Theodore. Elle sort toujours avec mon banquier. Et je trouve toujours ça aussiflippant.

– Prête ? me demande David de sa voix basse et virile.– Toujours !

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Je le suivrai au bout du monde.

Avec une autorité possessive, il enserre mes doigts. Nous sommes désormais unis par des lienssacrés, indestructibles. À l’église et à la mairie, nous avons prononcé nos vœux les yeux dans lesyeux – comme en cet instant magique. Sur un discret signe de mon époux (mon époux, mon époux,mon époux…), les musiciens entament une valse. J’admire sa faculté à se faire obéir d’un simpleregard. C’est son pouvoir magique. Entre autres… Et durant les premières mesures, je n’écrase sespieds que deux fois. Bon, trois.

Ne chipotons pas.

– Oups, désolée…

Cinq secondes plus tard.

– C’était ton pied ?– Non ? ironise David. Tu crois ?

Dans un grand rire, il me fait tournoyer, même si je m’emmêle les jambes sous les rires et lesapplaudissements de nos invités. Seule ma mère ne s’aperçoit de rien, trop occupée à tamponner sesyeux. Son compagnon, Peter, lui tend un mouchoir avec un sourire. À travers moi, elle s’estréconciliée avec son passé… ce qui ne l’a pas empêchée de mettre en vente la maison de Christina !Aujourd’hui, il ne manque personne pour parfaire mon bonheur. Même Lila est revenue de sesvacances au Brésil – avec, évidemment, un séduisant spécimen mâle, deux fois plus jeune qu’elle,dans ses valises. Georgio, je crois. Comme nous ne parlons pas la même langue, je ne suis pas sûred’avoir compris…

À force de virevolter dans les bras de David, j’ai le vertige. Le meilleur, le plus beau desvertiges. Nous passons près d’Adrian et de son épouse. Ils ont eu leur petite fille, Pamela…L’adorable poupon porte aussi une petite robe blanche pour notre mariage. Et Amy la tient dans sesbras comme si elle ne voulait plus jamais la poser. Mais je regarde tous nos invités sans m’y attarder.Car à cet instant, une seule personne existe pour moi : lui, seulement lui, rien que lui.

Jamais nous n’aurions dû nous aimer. Lui, le cartésien scientifique, maniaque de l’ordre etautoritaire, et moi, la fleuriste atypique, bordélique et capable de lire l’avenir. Nous étions destinés ànous détester, ou au moins à ne pas nous comprendre. Sauf que l’amour s’en est mêlé. Un amourintense, brûlant, passionné. Un amour comme on n’en vit qu’une fois, pour lequel on peut mourir.David ne me l’a-t-il pas prouvé en risquant sa vie face à Connor Lloyd ? Les opposés se sont attirés,désirés… et épousés.

Lui et moi.

Le noir et blanc.

Le rationnel et l’irrationnel.

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– Tu as changé ma vie, murmure David en évitant mon pied de justesse.

Je souris, incapable de m’arracher à son regard bleu transparent. Nos poitrines sont collées alorsque nous tourbillonnons sur la piste. En se déployant, ma robe d’un sublime rouge sang nous offre unécrin.

– Et toi, tu as sauvé la mienne. On peut dire que nous sommes quittes.

Il s’esclaffe… et ses yeux restent tendres, si tendres, si éloignés de ce regard froid qu’il réserveparfois aux autres – mais jamais à moi. Nous avons tous les deux mûri. À présent, je gère seule maboutique de fleurs. Quant à David, n’a-t-il pas été annoncé son mariage à son père en prison ? Ilscontinuent à se parler. Parce que David a réussi à lui pardonner – et il s’est libéré d’un poids… Moiaussi, je me sens libre, grâce à lui. Libre d’être moi-même. Libre d’être différente avec mesprémonitions. Car mes visions ne se sont guère arrêtées avec l’arrestation de Connor. Au contraire.Mais j’apprends jour après jour à les gérer avec l’aide de Violette Brown. De temps à autre, je passeun après-midi avec la vieille dame, qui me guide dans cette voie. Je suis aussi en contact avecl’inspecteur Clark, que j’aide dès que je le peux avec mes flashs – dans la plus grande discrétion.

Non, je ne ressemble pas à ma grand-mère.

Je suis moi, juste moi.

Hope Wagner.

– Attends ! s’exclame soudain David.

Je me raidis, surprise par la tension dans sa voix.

– Que se passe-t-il ?

Son regard semble se brouiller.

– J’ai une vision…

Et son sourire s’affirme, irrésistible.

– Nous allons avoir des enfants… deux… Nous allons acheter une grande maison sur la plage…et… oui… ma vision se précise… nous allons être incroyablement heureux jusqu’à la fin de nosjours !

FIN.

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Août 2016

ISBN 9791025731574